Mardi 3 février 2015
- Présidence de M. Vincent Capo-Canellas, président. -La réunion est ouverte à 17 h 5.
Audition de M. Jacques Attali, président de PlaNet Finance
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Jacques Attali, vous venez nous parler d'un sujet qui vous est familier, puisque vous avez présidé en 2008 la commission pour la libération de la croissance française. Le 27 janvier dernier, dans un entretien accordé à Nicolas Beytout pour le journal L'Opinion, vous avez invité à voter la loi Macron, tout en précisant qu'elle ne représentait qu'un millième de ce qu'il faudrait faire pour remettre le pays sur les rails. Peut-être pourrez-vous nous indiquer comment le législateur peut apporter les neuf cent quatre-vingt-dix-neuf autres ? L'Assemblée nationale a entamé la deuxième semaine de débats sur le projet de loi, dont nous apprenons qu'ils seraient prolongés de huit jours. Quelles analyses portez-vous sur ce texte, que nos collègues députés ont déjà fait évoluer ? Les blocages économiques et les difficultés que connaît notre pays en termes d'activité et de croissance sont-ils une spécificité française ? Parmi les mesures proposées, lesquelles sont positives et lesquelles manquent d'ambition ? La méthode adoptée est-elle satisfaisante ? Enfin, l'évolution de la conjoncture mondiale vous a-t-elle incité à modifier certaines des propositions que vous aviez formulées en 2008 ?
M. Jacques Attali, président de PlaNet Finance. - C'est avec plaisir que je réponds à votre invitation, tout en précisant que ma présence ici n'engage que moi. Je ne suis pas conseiller du Gouvernement actuel, encore moins des gouvernements précédents. En 2008-2009, Nicolas Sarkozy et François Fillon m'ont sollicité pour présider une commission bipartisane. Allant de la CGT au Medef et réunissant entrepreneurs, intellectuels ou hommes d'action, elle a réussi à créer un consensus unanime autour de quelque 300 mesures en faveur de la croissance française. Certes, le contexte a changé. Pour autant, ce n'est pas parce qu'on n'a pas supprimé le service des pigeons-voyageurs en 1934, qu'il a été ensuite trop tard pour le faire. Autrement dit, n'avoir pas pris une mesure à temps ne rend pas obsolète le fait de la prendre avec retard.
Je regarde notre société avec la passion d'un citoyen français. Je la regarde aussi avec le recul du voyageur qui mesure les difficultés de son pays à l'aune de celles des autres. La situation de l'économie mondiale est pire qu'en 2008. Au lieu de réformer, en France comme dans le reste du monde, on s'est contenté d'injecter une dose supplémentaire de dopant sous forme de dette publique, de sorte que cette variable d'ajustement est moins disponible. L'effondrement de l'inflation a aggravé la récession, car les gens consomment moins. Le tsunami technologique, qui est en marche depuis quinze ou vingt ans, s'accélère. Il sera un jour porteur de progrès extraordinaires pour l'humanité, qu'il s'agisse de santé, d'environnement ou de qualité de vie ; pour l'instant, il entretient désordre et incertitude économique, en détruisant des emplois.
Le monde ressemble à un pays où règnent le chaos et la criminalité, faute d'État de droit. Les ressources n'y sont pas affectées de manière optimale. L'économie souffre d'une très forte insuffisance de la demande. Cette situation systémique de dépression mondiale risque de favoriser ou un repli des États sur leurs frontières nationales, ou le développement de mesures artificielles comme la hausse massive des salaires pour relancer la demande dans une perspective du chacun pour soi. Le monde n'a connu ce genre de crise qu'à deux ou trois reprises depuis le XVIIIe siècle ; l'issue en a toujours été le protectionnisme ou la guerre.
Aux États-Unis, la reprise économique est factice, financée par de nouveaux subprimes pires que les précédents parce que soumis à une régulation encore moins forte. L'économie chinoise est en pleine décrépitude. Le Baltic Dry Index établi sur le transport maritime des matières premières s'est effondré depuis quelques mois à un niveau plus bas qu'avant la crise de 2008, laissant penser que le taux de croissance en Chine est plus proche de 5 % que des 7 % affichés.
En Europe, la croissance est repartie au Portugal et en Espagne, sans retrouver son niveau d'avant la crise. On dit souvent que le Royaume-Uni a dépassé la France ; il n'a fait qu'égaler son niveau antérieur, alors que la croissance française s'est maintenue ; encore ce résultat est-il dû à l'incorporation de l'économie criminelle dans le PIB. La dette publique reste considérable, en Espagne et au Portugal. Idem en Italie. La Grèce a fourni des efforts immenses et mené des réformes considérables. Elle peut se prévaloir d'un excédent primaire de son budget - plût au ciel que nous en fassions autant... La Banque centrale européenne a fait le choix du quantitative easing sans que, faute de bons du trésor européens, cette mesure soit suffisamment mutualisée pour avoir un impact déterminant. Par manque de précédent historique, la portée de cette action reste incertaine.
L'euphorie factice des États-Unis, l'inquiétante situation de l'Asie et ses conséquences sur le prix du pétrole dont la baisse contribue à donner le sentiment d'un redémarrage, tels sont les éléments déterminants en ce début d'année 2015. Dans ce contexte, une croissance française portée à 1,5 % par des effets mécaniques n'est pas à exclure. Même ainsi, nous n'aurons ni création de croissance, ni réduction de la dette publique ni retour de l'investissement : nous ne résoudrons pas nos faiblesses de toujours.
Je le dis au Sénat, un peu comme un lapin invité à un déjeuner de chasseurs, la France souffre de n'avoir pas accepté d'être devenue une nation dont la création de richesses est essentiellement urbaine, les richesses étant ensuite transférées des villes vers zones rurales. Le modèle est respectable ; on en paye le prix en termes de croissance. La France a également choisi d'être un pays terrestre et non maritime, allant ainsi à rebours du modèle des pays à forte croissance. La récente réforme régionale porte les stigmates de ce choix pluriséculaire.
A cela s'ajoutent d'énormes lacunes dans l'équilibre de notre système d'enseignement. Les moyens dont dispose notre enseignement préscolaire et primaire sont inférieurs de 25 % à la moyenne des pays de l'OCDE, alors que nous surdépensons dans l'enseignement secondaire. Faiblesse aussi dans la formation permanente - celle des chômeurs restant l'un des plus grands scandales de l'époque. Le système d'orientation dans le secondaire fonctionne mal, s'appuyant sur l'origine sociale plutôt que sur les compétences. S'il y avait un bloc de réforme majeur, je le situerai au niveau de l'organisation du système d'enseignement et dans celle du système institutionnel. D'ailleurs, au premier rang des mesures que nous préconisions en 2008, il y avait la réforme du statut des assistantes maternelles, le bloc de réformes sur l'école primaire et sur la formation permanente, puis la réforme de l'appareil d'État, et, bien après tout cela, les dispositions qui figurent dans la loi Macron, importantes mais anecdotiques.
J'ai dit dès le début - il s'agissait alors de la loi Montebourg - qu'un tel projet de loi n'était pas de bonne stratégie, car portant sur des sujets mineurs, il risquait en cas d'échec de créer un précédent rédhibitoire pour le succès d'une réforme de plus grande ampleur. Ce n'est pas pour son contenu que la loi Macron doit être votée, mais parce qu'elle pourrait annoncer d'autres lois portant sur des sujets de fond. Elle est un peu comme le démarreur d'une voiture, dont le conducteur appuiera ensuite sur l'accélérateur.
En 1945, en 1958 et en 1981, l'histoire a montré qu'on ne pouvait réformer ce pays que de façon brutale et avec ampleur, suivant un projet longuement préparé. La France ne se réforme pas de façon homéopathique. C'est pourquoi, je crois qu'une vraie réforme ne pourra se faire que dans les deux mois qui suivront une élection présidentielle. Les deux années qui viennent doivent servir à préparer ce projet de réforme plutôt qu'à choisir des candidats, pour que la nouvelle équipe n'ait plus qu'à l'appliquer. Nicolas Sarkozy était arrivé à la tête de l'État avec un programme réduit à son minimum. Il a fait le choix étrange de mettre en place une commission de réforme après son élection. On ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir suivi un programme qui n'était pas le sien initialement. François Hollande a été élu sur un programme qu'il a appliqué dans sa quasi-totalité, mais qui ne contenait pas les réformes que j'ai évoquées. Il lui est difficile de les mettre en oeuvre sans les avoir annoncées.
Dans la loi Macron, il manque l'essentiel, c'est-à-dire une réforme sur l'enseignement primaire, qui lui attribuerait une plus grande part du budget de l'éducation, donnerait plus de pouvoir aux maîtres, faciliterait le dialogue avec les parents, refondrait les programmes scolaires et établirait une gouvernance de l'école. Il manque aussi une réforme de la formation permanente, car la loi que vous avez votée les yeux fermés se fonde sur les partenaires sociaux, lesquels ne représentent pas l'intérêt général, en particulier dans un domaine où les chômeurs, qui sont les principaux intéressés, ne sont pas acteurs du débat. Voilà comment on passe triomphalement de 2 à 3 % l'argent de la formation permanente que l'on consacre aux chômeurs, contre 40 % dans les pays où il n'y a pas de chômage. Réformer la formation permanente et l'allocation chômage, tels sont les choix majeurs que nous devons opérer pour une plus grande justice sociale. Si nous voulons renforcer la flexibilité du travail, il nous faut donner des garanties solides aux chômeurs.
Enfin, il manque dans le texte une réforme de la gouvernance des collectivités territoriales. Je suis de ceux qui considèrent que la réforme régionale n'est pas prioritaire. Ce qui importe, c'est de clarifier les compétences, de faire que des métropoles remplacent des départements. Il faut également simplifier les processus de décision et les établir à un niveau supérieur, en particulier pour les permis de construire essentiels pour le développement du logement.
Dans son détail, la loi Macron est utile. Elle déverrouille certains secteurs. Elle aménage les conditions d'acceptation d'une meilleure fluidité tout en protégeant la justice sociale. Cependant, mise en chantier il y a un an, elle sera votée à l'été et il faudra encore huit mois avant que ses décrets d'application soient publiés. On commencera à la mettre en oeuvre fin 2016. Nous en serons à penser à la réformer après la prochaine élection présidentielle. Voilà pourquoi je n'y attache qu'une importance relative.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Je vous remercie pour cette intervention dense et roborative.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Croyez-vous que les Français sont prêts à entendre le langage de vérité nécessaire à la mise en oeuvre d'une réforme brutale ? La loi Macron nous donne l'occasion de simplifier le droit du travail, de libérer du capital humain et de laisser respirer les entreprises. Ce n'est pas négligeable, car le temps législatif est long par rapport à celui des entreprises.
M. Jacques Attali. - Toute occasion de réformer est bonne à prendre. On peut toujours introduire dans le texte quelques cavaliers pour faire passer plus de mesures. Quand je dis brutale, je veux dire cohérente. Récemment, la réforme de l'armée ou celle des postes et télécoms ont été bien conduites. Celle des régions n'a pas provoqué le traumatisme annoncé, même si, pour ma part, j'aurais fusionné la région Ile-de-France avec la Normandie. La réforme de l'armée a été menée de façon volontaire : des réformes sont possibles. Encore faut-il que le pouvoir politique soit suffisamment déterminé pour ne pas céder au premier vent.
M. François Pillet, rapporteur. - Vos propos sont forts. Le diagnostic est clair. Le projet de loi ne correspond pas à l'exacte écriture des propositions qui figuraient dans votre rapport de 2008. Vous avez indiqué que l'on pourrait toujours introduire des cavaliers pour renchérir votre diagnostic. La réforme des prud'hommes et des tribunaux de commerce aura-t-elle un impact sur la croissance et l'activité ?
M. Jacques Attali. - Oui, car ce sont des mesures de simplification utiles et efficaces. C'est un démarreur.
M. François Pillet, rapporteur. - Le Gouvernement a renoncé au volet qui concerne le secret des affaires. Cette suppression, dont on ne sait pas encore si elle est totale ou partielle, affaiblit-elle l'objectif du projet de loi notamment pour certains entrepreneurs qui demandaient à avoir plus de protection ?
M. Jacques Attali. - Il s'agit d'articles importants. J'espère qu'ils seront rétablis.
M. François Pillet, rapporteur. - Le Gouvernement a également renoncé au corridor tarifaire. Que faire en ce domaine ? Les avocats ont la liberté de fixer leurs tarifs, les experts comptables aussi. Regrettez-vous cette valse-hésitation devant la libéralisation de certaines professions ?
M. Jacques Attali. - L'encadrement des tarifs des notaires répondait à un objectif de justice sociale. À la place, le Gouvernement a prévu la création d'un fonds de péréquation sur les honoraires élevés. C'est habile.
M. François Pillet, rapporteur. - Mais complexe ?
M. Jacques Attali. - Si la péréquation est bien faite, ce sera une bonne mesure.
Mme Dominique Estrosi-Sassone, rapporteur. - Le projet de loi s'intitule « pour la croissance et l'activité économique ». Les mesures qui y figurent sont-elles à la hauteur de l'ambition affichée ? Les solutions ne devraient-elles pas passer par une baisse des charges, par la suppression des seuils, ou par une véritable réforme du code du travail, mesures qui sont absentes du texte ?
M. Jacques Attali. - Ce texte a pour intérêt d'être le prélude d'un ensemble de lois. Isolé, il ne sert pas à grand-chose. Il serait déraisonnable, injuste socialement et inefficace de développer la flexibilité du travail sans sécuriser davantage les parcours professionnels par la réforme de la formation permanente. Encore une fois, il est scandaleux de n'accorder aucune ressource à la formation permanente des chômeurs.
M. Pierre Médevielle. - Je suis étonné qu'aucune grande réforme de la fiscalité des entreprises ne soit envisagée. Tous nos chiffres sont dans le rouge. Dans notre pays, les entreprises et les professions libérales sont étouffées par la fiscalité. Le Gouvernement, qui n'a pas la reconnaissance du ventre, continue de les accabler.
M. Jacques Attali. - Vous le savez bien, si l'on supprime un impôt, il faut compenser cette perte de revenus. Nous sommes actuellement dans les conditions idéales pour augmenter la TVA de manière importante. En effet, c'est un impôt qui favorise les exportations en taxant les importations. Et, dans la situation de désinflation qui est la nôtre, l'impact inflationniste injuste de la TVA ne pourra pas avoir lieu. Je suis prêt à parier que ce sera la prochaine hausse significative d'impôt, quel que soit le Gouvernement. Nous avons eu le tort de l'appeler TVA sociale ; l'Allemagne a parlé de dévaluation fiscale. Cette réforme réduirait les charges et rendrait aux salariés du salaire direct réel. Elle s'impose. La conjonction de la gauche et de la droite a convenu de ne pas s'y engager.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il est absurde de dépenser 35 milliards d'euros pour la formation permanente et de donner si peu aux chômeurs - qu'attend-on pour changer cela ? Sur le secret des affaires, les inquiétudes des journalistes qui craignent qu'on ne les laisse pas faire leur métier sont légitimes. Le Sénat a voté à l'initiative de Richard Yung une loi sur la contrefaçon dont le développement met en danger un certain nombre d'emplois.
Nous dire que les réformes se font par bloc, trois ou quatre fois par siècle, est démobilisateur. Je veux bien travailler sur un projet pour la prochaine présidentielle. En attendant, des réformes sont possibles. Celle des métropoles, par exemple, qui n'aurait pu aboutir sans le Sénat, et grâce à laquelle sont nées celles de Lyon, Paris et Marseille. Cette loi longuement délibérée a lancé un mouvement. Il en a été de même pour l'intercommunalité. Peu à peu, nous irons vers des communes et des régions fortes. On arrive quand même à faire bouger les choses par une série de réformes. Cela donne de l'espoir.
M. Jacques Attali. - L'année dernière, vous avez voté une loi qui a confirmé que la formation permanente ne s'adressait pas aux chômeurs. Elle vient d'entrer en vigueur, sans que l'on dispose des fonds suffisants pour la financer, même pour les salariés. Peut-être faudrait-il revoir cette loi Sapin avec la même audace dont vous avez fait preuve à l'égard de la loi Duflot ? Si les métropoles s'intègrent dans une dynamique intéressante, elles ne font pas le poids à l'échelle mondiale. Marseille, Lyon et Le Havre seront balayées par la vitesse de transformation de villes comme Barcelone, Reykjavik ou Liverpool. Nous réformons beaucoup trop lentement.
M. Yannick Vaugrenard. - L'objectif de simplification et d'abaissement de la suppression des normes poursuivi par la loi Macron est tout à fait louable. Si nous voulons agir en profondeur, il nous faut prendre en compte le fait que les réformes majeures ont eu lieu en période de crise sociale ou de fracture politique.
L'insuffisance de la demande est aussi liée à la non-résorption des inégalités. Un certain nombre d'économistes soulignent ce lien de causalité entre inégalités et décroissance. Nous ne souffrons pas forcément d'une absence de perspective économique ou d'un déficit de la pensée, ni dans notre pays, ni dans le monde.
M. Jacques Attali. - Une économie sans élément régulateur conduit à la loi du plus fort, c'est-à-dire de l'économie criminelle ou des plus riches. Avec la concentration croissante des richesses depuis 1973 et l'effondrement des salaires, toutes les données sont réunies pour que la situation devienne révolutionnaire si, plutôt que de faire la révolution, les jeunes ne choisissaient l'exil ou l'individualisme forcené. L'école et l'orientation, afin de ne pas gâcher les talents, ont un rôle essentiel dans ce contexte. En France, on considère que le scandale c'est la richesse, sans voir qu'en fait c'est la pauvreté. Tant que nous n'aurons pas inversé le raisonnement, notre fiscalité marchera sur la tête.
Mme Élisabeth Lamure. - Les retards dans les aménagements des grandes infrastructures et dans les opérations de logement sont un frein à la croissance. Des recours abusifs ou un zèle inadapté des services de l'État en sont souvent la cause. La loi pourrait-elle apporter une réponse brutale ?
M. Jacques Attali. - La simplification des niveaux administratifs est la meilleure réponse. Nous en sommes encore à huit niveaux. Jadis, un président du Sénat à qui je suggérais de réduire les échelons territoriaux m'a répondu qu'il fallait au contraire les multiplier. C'était l'époque des pays. Il ne sert à rien de multiplier des instances sans mission : elles se justifient en s'inventant un pouvoir, en interdisant.
M. Jean-Claude Boulard. - La loi Macron révèle la grande maladie française : le corporatisme, déjà identifié en 1959 dans le rapport Rueff-Armand. Intituler ce texte « pour la croissance et l'activité » n'est pas cohérent. Restons modestes dans l'appellation des lois. Nous éviterons ainsi les désillusions.
L'espèce la plus protégée dans notre pays, n'est pas le lézard vert, le pique-prune, bien connu dans mon département, ou l'escargot brestois, mais le riverain. Drapé derrière l'environnement, il bloque nos projets. Il faut réduire les droits du riverain si l'on veut renforcer les droits de nos projets.
M. Jacques Attali. - Je vous reconnais bien là...
M. François Pillet, rapporteur. - Je me félicite de certaines modifications au fonctionnement des juridictions françaises. Cependant, je ne vois pas quel lien de causalité la réforme des prud'hommes entretient avec la croissance voire la simplification.
M. Jacques Attali. - On ne peut pas reprocher à un ministre de profiter d'un projet pour faire passer un maximum de mesures qui ne passeraient pas autrement. Une loi réformant l'ensemble du système judiciaire français serait utile. En attendant, pourquoi se priver d'une occasion de faire changer les choses ?
M. François Pillet, rapporteur. - Là, vous m'avez totalement répondu.
Mme Michelle Meunier. - La problématique de l'éducation précoce est indissociable de celle du travail des femmes. Un cercle vertueux peut s'enclencher, qui combine une attention donnée à tous les enfants et l'égalité entre hommes et femmes au travail.
M. Jacques Attali. - L'arrivée des femmes sur le marché du travail a contribué à doter la France d'une forte croissance - aussi a-t-on préconisé, pour réduire le chômage, que les femmes travaillent moins.
Ne pas voter ou trop amender ce projet reviendrait à dire au monde que nous refusons toute dynamique de réforme, même mineure. Les autres États nous observent. Les Français sont demandeurs. Voter cette loi donnerait tort aux partis extrêmes, en montrant que gauche et droite réunies ont encore les moyens de transformer notre pays et n'ont pas encore tout essayé.
M. Vincent Capo-Canellas, président. - Vous nous avez livré un propos décapant sur l'état de notre pays et de l'économie mondiale. Comme le Sénat est un lieu où se construisent le compromis et les réformes, nous essaierons de vous faire mentir : nous devrons voter cette loi mais aussi la compléter. Nous trouverons un équilibre tenant compte des grandes réformes structurelles que vous avez suggérées. Merci de nous avoir ainsi ouvert des champs.
La réunion est levée à 18 heures.