- Mardi 2 décembre 2014
- Audition de M. Jean-Claude Ameisen, candidat proposé par le Président de la République à la présidence du Comité consultatif d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE)
- Vote sur la proposition de nomination aux fonctions de président du Comité consultatif d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE)
- Mercredi 3 décembre 2014
- Audition de M. Lionel Collet, candidat pressenti à la présidence du conseil d'administration de l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) et à la présidence du conseil d'administration de l'Institut national de veille sanitaire (Inves)
- Protection de l'enfant - Examen du rapport et du texte de la commission
Mardi 2 décembre 2014
- Présidence de M. Alain Milon, président. -Audition de M. Jean-Claude Ameisen, candidat proposé par le Président de la République à la présidence du Comité consultatif d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE)
La réunion est ouverte à 15 h 30.
M. Alain Milon, président. - Nous entendons Jean-Claude Ameisen, candidat proposé par le Président de la République à la présidence du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), dont les avis éclairent l'opinion publique et les autorités politiques sur les questions d'ordre éthique, soulevées par les progrès de la biologie et de la médecine. Le professeur Ameisen a présidé pendant dix ans le comité d'éthique de l'Inserm ; il siège depuis 2005 au CCNE, dont il est le président depuis 2012. Après avoir dressé le bilan de l'activité du Comité, il en dessinera les perspectives d'action pour les années à venir. A l'issue de cette audition, nous voterons pour émettre notre avis sur la reconduction de M. Ameisen dans ses fonctions.
M. Jean-Claude Ameisen, candidat à la présidence du Comité consultatif national d'éthique. - La démarche éthique est, à mes yeux, très proche de celle de la recherche. Au respect pour le savoir, elle associe une part de transgression car questionner les connaissances est le meilleur moyen d'explorer l'inconnu. La démarche scientifique qui émerveille en effaçant les frontières, effraie lorsqu'elle procède par réification, en particulier quand elle observe et manipule l'humain. Comme Martin Buber le constatait il y a quatre-vingts ans, la science, lorsqu'elle parle de nous, dit « ils » ou « elles », alors que nous disons « je » et attendons des autres qu'ils nous disent « tu ». L'enjeu éthique consiste à mettre ce que nous apprenons de la science au service du « je », du « tu », et du « nous ».
La démarche éthique biomédicale moderne repose, depuis le code de Nuremberg, sur le principe du consentement libre et éclairé, ou plutôt informé, les connaissances étant mises à la disposition des personnes pour qu'elles puissent faire un choix. Le Comité consultatif national d'éthique a pour mission de favoriser l'élaboration individuelle et collective de ce choix libre sans s'y substituer. Créé il y a trente et un ans - le premier au monde - il regroupe quarante membres : des biologistes et des médecins - en minorité -, mais aussi des philosophes, des juristes, des anthropologues, nommés par une quinzaine d'institutions différentes. Le Comité élabore des avis (122 depuis sa création) souvent accompagnés de recommandations. Il prend ainsi en charge la réflexion éthique de la société, qu'il anime encore par d'autres initiatives comme la journée publique que nous consacrons depuis deux ans à des travaux de lycéens sur des sujets relevant de l'éthique.
Depuis la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, en cas de projet de réforme, le CCNE doit initier des états généraux donnant lieu à des conférences de citoyens.
Au cours des deux dernières années, nous avons rendu quatre avis et avons plus particulièrement centré nos activités sur la question de la fin de vie.
Après la création de la commission Sicard sur la fin de vie, en juillet 2012, le Président de la République a saisi notre comité pour qu'il rende un avis sur les questions éthiques mises en jeu par le sujet. Notre avis 121 a recommandé la tenue d'un débat public et l'organisation d'une conférence de citoyens. Aux réflexions de celle-ci, en décembre 2013, sont venus s'ajouter les comptes rendus de huit espaces régionaux de réflexion éthique.
Le Conseil d'Etat, à l'occasion de l'affaire Vincent Lambert, a sollicité le Comité, mais aussi l'Ordre des médecins, l'Académie de médecine et Jean Leonetti pour recueillir leurs observations sur les notions d'obstination déraisonnable et de maintien artificiel en vie pour les personnes en état de conscience minimale.
Comme le prévoit la loi, nous avons rendu, en octobre dernier, un rapport retraçant les résultats de l'ensemble du débat public depuis la création de la commission Sicard.
Enfin, comme je l'ai déjà indiqué, nous avons produit quatre nouveaux avis ces deux dernières années : sur les situations de fin de vie, sur une éventuelle commercialisation de tests de diagnostic rapide pour l'infection par le VIH, sur le séquençage complet de l'ADN sur un foetus de huit semaines et enfin sur les neurosciences et la « neuro-amélioration » (neuro-enhancement).
Nous travaillons actuellement sur l'assistance médicale à la procréation. Qu'il s'agisse d'insémination artificielle, de cryopréservation d'ovocytes, de gestation pour autrui ou de donneurs anonymes, nous essayons de mener la réflexion la plus transversale possible. L'extension du séquençage complet de l'ADN à tous les âges de la vie est un autre sujet qui nous occupe, ainsi que les questions éthiques posées par les changements climatiques. Dans des champs plus larges, nous réfléchissons aussi sur les enjeux éthiques de la santé en prison ou de l'utilisation de la biométrie pour établir les papiers d'identité.
Les comités éthiques du monde entier se réunissent tous les deux ans et ceux des pays européens deux fois par an, leur prochaine réunion étant prévue à Rome. Un rendez-vous spécifique biannuel rassemble les comités français, anglais et allemand. Ces rencontres sont l'occasion de confronter des approches issues d'histoires et de cultures différentes. Nous souhaitons renforcer cette collaboration internationale pour améliorer notre système et résoudre les contradictions posées dans le traitement de certains sujets. Ainsi, une réflexion sur la gestation pour autrui implique de prendre en compte trois facteurs : la disparité législative entre les pays européens, la libre circulation des citoyens, et le respect des droits fondamentaux, auquel veillent la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour de justice de l'Union européenne. Nous avons entamé une réflexion sur ces contradictions, avec nos homologues anglais et allemands. La question devrait être au coeur du prochain sommet mondial des comités d'éthique, l'an prochain, à Berlin.
Le changement climatique est un autre sujet dont les enjeux méritent des regards croisés à une échelle mondiale. Un symposium est prévu, notamment avec nos homologues de l'hémisphère sud, avant l'ouverture de la Conférence sur le climat, en 2015, afin d'évaluer ce que la réflexion éthique peut apporter au regard des experts. Néanmoins, le Comité d'éthique ne peut prendre à sa charge d'organiser tous les débats publics, à moins de renoncer à ses autres missions. Enfin, pour élargir l'initiative d'engagement que nous avons lancée auprès des lycéens, nous avons signé un partenariat avec l'Ecole normale supérieure. Des symposiums réuniront étudiants, enseignants et membres du Comité national d'éthique autour de sujets transversaux.
M. Jean-Pierre Godefroy. - En 2012, je vous avais interrogé sur trois sujets : la fin de vie, la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. Sur le premier point, le Comité, à mes yeux, a pleinement rempli son rôle. Vous avez rendu un rapport en octobre.
M. Jean-Claude Ameisen. - Nous avons rendu un rapport, pas un avis, sur ce qui s'était dit ou non au cours du débat public.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Vous avez en effet organisé ce débat public avec la conférence des citoyens. Les conclusions sont allées plus loin que ce que certains auraient pu imaginer. Tout cela est très éclairant. Il faut que le Gouvernement et le Parlement s'en saisissent pour déposer un texte de loi. Sur l'assistance médicale à la procréation, dans quel délai prévoyez-vous de nous rendre un avis ou un rapport ? Depuis 2012, il y eu la loi Taubira. Les perspectives ont changé. Quant à la GPA, beaucoup ont dit que le débat n'avait pas lieu d'être. Force est de constater qu'il s'impose à nous. La proposition de loi de Jean Leonetti est purement répressive. Quand comptez-vous remettre un avis pour ouvrir le débat ? Je crois, comme vous, qu'il est indispensable de prendre en compte la dimension internationale. C'est vrai, le Comité consultatif national d'éthique ne peut pas prendre en charge le débat public sur tous les sujets. Jusque-là, il a parfaitement rempli son rôle.
Mme Élisabeth Doineau. - Vous souhaitez renforcer la visibilité de votre institution auprès du grand public. C'est une bonne chose. La réflexion que vous menez sur des questions d'actualité contribuera à faire mieux connaître vos travaux, tout comme votre engagement auprès des jeunes. Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le don du sang a été au coeur d'un de nos débats. Doit-il être gratuit, alors qu'il est rémunéré dans d'autres pays ? Et que penser des produits de substitution au sang ?
M. Jean-Claude Ameisen. - Le Comité a déjà rendu un avis sur la GPA, il y a quatre ans. Le sujet s'inscrit dans une réflexion plus large que nous menons autour de l'aide médicale à la procréation. Nous devrions rendre nos conclusions à l'été 2015. Sans annonce de dépôt d'un projet de loi, nous travaillons comme pour un avis habituel.
Une réflexion doit être menée sur le don du sang. Le Comité s'intéresse beaucoup aux produits de substitution et à la possibilité de leur libre circulation en Europe. Il me semble, à titre personnel, que la gratuité du don du sang est un pléonasme. Le don du sang ne présente pas de risque pour les donneurs. En le rémunérant, on pense inciter au don. Le même problème se pose pour le don d'ovocytes. Cependant, une incitation financière, tout en augmentant le nombre des donneurs, tendrait en pratique à ce que ceux-ci soient très majoritairement issus des couches les moins favorisées de la population. Cela créerait une asymétrie entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. La gratuité participe d'une certaine conception de la santé publique qui me semble devoir être préservée.
Mme Annie David. - Vous avez mentionné la possibilité d'une auto-saisine du Comité d'éthique. Certains sujets s'y prêtent, comme les produits de substitution au don du sang. Quelle est la procédure pour la mettre en place ? Comment les membres du Comité prennent-ils en compte le lien que vous avez établi entre éthique et recherche ? Je me rappelle que le choix des intervenants lors de la conférence des citoyens sur la fin de vie n'allait pas de soi. Sur quels critères l'opérez-vous ?
Mme Catherine Procaccia. - Selon certains médias, les dons d'organes pourraient être autorisés en cas d'interruption des soins par l'équipe médicale. Le Comité a-t-il été associé à une réflexion sur ce sujet ?
Mme Catherine Génisson. - Comment intégrez-vous dans vos travaux les différences de législation qui distinguent et parfois opposent la France et d'autres pays d'Europe sur des questions comme le don d'organes et la fin de vie ?
M. Jean-Claude Ameisen. - Le Président de la République, l'Assemblée nationale ou le Sénat, par l'intermédiaire de leurs présidents, les ministres ou les responsables d'institutions de recherche sont autant d'acteurs susceptibles de saisir le Comité d'une question. Tout citoyen, association ou institution peut présenter un sujet de réflexion que nous choisirons de traiter s'il est d'une portée suffisamment générale et importante. Enfin, le Comité peut choisir, lui-même, d'étudier une question qu'il juge intéressante.
Notre réflexion consiste à trouver le langage commun grâce auquel les intervenants, aussi divers soient-ils, pourront élaborer ensemble une réflexion sur un sujet donné. Il faut « se penser soi-même comme un autre », disait Paul Ricoeur. Nous ne confrontons pas des points de vue établis ; nous essayons de dépasser les points de vue initiaux. Nous travaillons bien quand nous avons du temps. L'auto-saisine nous offre un grand confort car elle nous libère de l'obligation d'un calendrier. Je crois que les deux années et demie consacrées au débat sur la fin de vie ont contribué à ce que la société mesure mieux les enjeux de la question.
Pour ce qui est de la procédure, une section technique de douze membres est élue parmi les quarante de notre Comité qui élit en son sein un président. Elle a pour mission de recevoir et traiter les demandes. Nous décidons ensuite, collectivement, celles dont nous souhaitons nous saisir.
Ceux qui participent aux conférences de citoyens ne sont pas rémunérés mais indemnisés. L'Ifop a organisé ces conférences. Bien que nous n'atteignions pas le seuil de représentativité, les critères de choix sont définis à partir des statistiques de l'Insee (âge, répartition géographique, profession, etc.), de manière à travailler à partir de l'ensemble de la société française. Pour la conférence sur la fin de vie, nous avons ainsi sélectionné dix-huit personnes. Nous n'avons pas assisté aux réunions et notre rôle s'est limité à proposer dix intervenants reflétant au mieux les horizons et perspectives actuels sur le sujet de la fin de vie. Pour choisir ceux-ci, comme les avis restaient partagés au sein même du Comité, notamment sur la question de l'euthanasie et de l'assistance au suicide, nous avons cherché à représenter ces divergences - Jean Leonetti, d'un côté, le président d'une association pour le droit à mourir, de l'autre. Le président du comité d'éthique du Portugal, pays où la législation est la même qu'en France, et son homologue de Belgique, où la législation est différente, ont apporté une dimension internationale. Les participants ont ensuite eu la possibilité de choisir dix autres intervenants. Ils ont rendu, eux-mêmes, leur avis lors d'une conférence de presse où nous n'intervenions pas. L'expérience a été riche, bouleversant la vie de certains des participants. Elle a fait naître une intelligence collective.
Le Comité a rendu un avis, il y a trois ans, sur le don d'organes. Le croisement des problématiques de la fin de vie et du don d'organes est une question qui nous intéresse beaucoup. Si l'on pousse le paradoxe, la seule raison qui pourrait justifier une obstination déraisonnable à maintenir un patient en vie, serait la préservation de ses organes pour aider autrui. Ces deux approches pourraient être croisées dans le cadre d'un consentement ou d'une directive anticipée. Est-ce souhaitable ? Comment une personne non consciente ou morte cérébralement pourrait-elle décider de faire un don d'organes ? En France, il existe un registre du non, permettant de signifier son refus de faire l'objet d'un prélèvement d'organe. Peut-être faudrait-il mettre en place un registre du oui afin que le recours à la décision des familles n'ait lieu qu'en cas d'absence de choix.
Quant à la GPA, les comités d'éthique des différents pays devraient réfléchir ensemble à la question, quelle que soit la législation en cours. Cette réflexion altruiste bénéficiera à tous.
M. Alain Milon, président. - Sur le don d'organes, dans le cas d'un donneur dont le coeur s'est arrêté de battre ou qui est en état de mort cérébrale, le Sénat avait voté dans le cadre de la loi sur la bioéthique un article autorisant le prélèvement ; l'Assemblée nationale l'a supprimé.
Mme Colette Giudicelli. - Vous avez présidé le comité éthique et scientifique de la Fondation internationale de la recherche appliquée sur le handicap. Chaque année, entre 800 et 900 enfants sont diagnostiqués autistes, dont 70 à 80 % sont des garçons. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
M. Michel Amiel. - Les conférences de citoyens favorisent la participation de non-experts à une réflexion sur des sujets importants pour la société. Lorsqu'il s'agit de légiférer sur l'euthanasie ou de sa dépénalisation, ce sont souvent les bien-portants qui donnent leur avis. En trente-cinq ans d'expérience comme médecin, seulement trois patients m'ont demandé une euthanasie active. Lorsqu'on est au bord du gouffre, l'état d'esprit n'est pas le même que lorsqu'on a vingt ans et qu'on est en pleine forme. Or ce point crucial est rarement abordé... C'est un peu le même type de débat que celui, aujourd'hui dépassé, qui avait été lancé par M. Schwarzenberg il y a une vingtaine d'années : faut- il dire la vérité aux malades ? De mon point de vue, la question se pose de savoir s'il a lieu de légiférer absolument sur l'euthanasie plutôt que de la dépénaliser.
M. Jean-Claude Ameisen. - Je ne crois pas que ce soit la fin de la question : la Suisse, par exemple, a dépénalisé l'assistance au suicide, mais l'euthanasie y reste interdite. Si la dépénalisation peut être aussi sélective que l'autorisation, sa portée symbolique est bien différente. La Belgique, quant à elle, autorise l'euthanasie mais interdit l'assistance au suicide ; seuls la Hollande et le Luxembourg autorisent les deux. Les États américains de l'Oregon, de Washington, du Vermont et du Montana ont autorisé l'assistance au suicide et interdisent l'euthanasie. L'histoire et la culture propres à chaque pays suscitent des difficultés spécifiques dans leurs approches de ces problèmes. Leurs raisonnements prennent en compte les questions de l'autonomie, de la solidarité, du rôle de la médecine. En Hollande, l'assistance au suicide et l'euthanasie sont l'affaire du médecin, en Suisse, et dans les Etats américains, celle d'associations.
Notre rapport fait état d'un constat accablant : 80% de nos concitoyens n'ont pas accès aux soins qui soulageraient leurs souffrances et à un accompagnement humain en fin de vie. Quinze ans après que la loi du 9 juin 1999 a donné ce droit à tous, c'est un scandale. Les futures lois sur la santé et l'adaptation de la société au vieillissement devraient offrir les moyens d'y remédier : si nous ne parvenons pas à accompagner les personnes en toute fin de vie, c'est faute de savoir le faire avant. Le soulagement de leurs douleurs doit devenir, bien avant leurs dernières semaines, une pratique habituelle.
La loi du 22 avril 2005 comporte un paradoxe : si le patient est inconscient, le médecin est tenu, afin d'éviter de possibles souffrances, de procéder à une sédation profonde jusqu'au décès ; si le patient est conscient, c'est le médecin qui décide. Les directives anticipées doivent être respectées, à moins que le médecin ait de bonnes raisons de penser qu'elles ne conviennent pas à l'état de la personne.
Euthanasie et assistance au suicide font l'objet de divergences au sein du CCNE comme dans la société : la conférence de citoyens, contrairement à la commission Sicard et au CCNE, ne distingue pas entre euthanasie et assistance au suicide et donne la priorité à l'autonomie de la personne : que l'on me donne les moyens d'interrompre ma vie, ou que quelqu'un le fasse à ma place, cela revient au même. Une partie de ces divergences nous semblent résulter de points de vue différents. Notre chapitre intitulé « De qui parlons-nous lorsque nous parlons de la fin de vie ? » constate que l'on parle de celle des autres lorsque l'on est bien portant, de la sienne propre lorsque l'on va très mal, ou encore de celle de ses proches ou de personnes que l'on assiste si l'on est soignant. Contrairement à beaucoup d'autres questions d'éthique, celle-ci nous concerne tous, mais à des titres très différents. Cette confusion engendre des oppositions du fait que les différents interlocuteurs ne parlent pas de la fin de vie des mêmes personnes ou au même stade.
Steven Laureys, directeur du Coma Science Group de Liège, l'un des plus importants centre d'études des personnes qui ne sont plus en état de communiquer, où Vincent Lambert a été examiné, a publié en 2011 dans le Journal of Neurology un article analysant les réponses à un questionnaire adressé à 2 700 soignants des pays du Conseil de l'Europe : 70 % ne décideraient pas d'arrêter les traitements, l'hydratation et la nutrition artificielle d'un patient en état de conscience minimale, mais à la question de savoir s'ils souhaiteraient cette interruption pour eux-mêmes, 70 % répondent oui. Steven Laureys souligne le problème éthique résultant de cette incapacité à se mettre à la place des autres ; les soignants eux-mêmes voient leur fin de vie et celle de leurs patients de façon radicalement différente.
La Fondation internationale de la recherche appliquée sur le handicap (Firah) a été créée par Axel Kahn avec la plupart des grandes fédérations de personnes handicapées. Son comité éthique et scientifique a le double avantage d'être international et de compter des personnes handicapées. Elle a pour but de financer, partout dans le monde, des projets dont la réalisation contribue à mettre en oeuvre la résolution de l'ONU de décembre 2006 sur les droits des personnes handicapées. Ces projets de recherche devaient être déposés conjointement par des universitaires et par des représentants de ces personnes, afin d'éviter un point de vue surplombant. Elle est intervenue en Inde, en Haïti, aussi bien qu'en Allemagne ou en France.
J'ai été rapporteur, il y a sept ans, d'un avis du CCNE relatif à la situation des personnes atteintes d'autisme. Il faisait le constat, étrangement ressemblant à celui qu'inspire la fin de vie que, malgré la très bonne loi de février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, il restait, hélas !, encore beaucoup à faire. Cela est toujours vrai : la scolarisation des enfants atteints d'autisme demeure extrêmement difficile et l'objectif fixé il y a vingt-cinq ans par la loi pour l'emploi de ces personnes n'est qu'à moitié réalisé. Il est toujours aussi rare que ces personnes soient accompagnées là où elles sont, lorsqu'elles en ont besoin. De même, les soins palliatifs ne devaient pas être limités la fin de vie. Nos collègues allemands ou anglais sont stupéfaits d'apprendre que, pour ceux de nos patients qui y ont accès, ces soins ne commencent que trois semaines avant leur décès. La loi du 9 juin 1999 prévoit qu'en bénéficie toute personne qui en a besoin, à toute étape de sa vie. De nombreux pays comme la Suède, par exemple, accompagnent les personnes handicapées chez elles, ou à proximité, plutôt que de les envoyer dans des institutions. La France est le pays d'Europe où le moins de personnes meurent chez elles. La Suède considère qu'interner loin de chez elle une personne souffrant d'un handicap mental, de la maladie d'Alzheimer, d'un traumatisme crânien, d'autisme ou de trisomie 21 revient à lui dénier ses droits civiques. Toute personne a le droit de vivre près des siens, elle est accompagnée chez elle, et non exilée. La France, qui manque de places dans ses institutions, au point d'envoyer nombre de ses enfants autistes en Belgique, devrait au contraire développer leur accompagnement à domicile. Cela suppose de redistribuer les ressources humaines et financières de notre système de santé.
Mme Isabelle Debré. - Ma collègue Claire-Lise Campion et moi avons rédigé un rapport d'évaluation de la loi de 2005 sur le handicap. Nous nous sommes rendues en Belgique dans des établissements spécialisés dans l'accueil d'enfants autistes et constaté qu'ils y font de réels progrès. Pourquoi n'est-il pas possible, en France, d'ouvrir ce genre d'institution ? La réponse des médecins belges a été que la France est surchargée de normes : un petit hôtel particulier transformé en institution pour enfants autistes, que nous avons visité, ne pourrait remplir cette fonction chez nous, faute d'y satisfaire. Qu'en pensez-vous ?
M. Jean-Claude Ameisen. - Les établissements que vous avez visités accueillaient-ils des enfants belges ou français ?
Mme Isabelle Debré. - Les deux. Les normes en cause ne sont pas médicales.
M. Jean-Claude Ameisen. - Ces cas sont différents : certaines institutions se sont spécialisées dans l'accueil d'enfants français dans le cadre de liens avec l'assurance maladie et les services départementaux. Il s'agirait de savoir, tout d'abord, si leurs conditions d'accueil sont aussi bonnes que celles dont bénéficient les enfants belges. Si le respect des normes était le principal obstacle à l'accompagnement des personnes handicapées, notre problème ne serait pas bien grand. Le déficit que nous connaissons est bien plus profond. En Suède, tous les enfants autistes vont à l'école, où ils bénéficient toute la journée d'un accompagnement professionnel ; en Italie, où tous les enfants handicapés sont également scolarisés, l'effectif des classes qui les accueillent est divisé par deux et leur professeur est assisté par un enseignant formé. En France, les locaux sont souvent inadaptés au passage d'un fauteuil roulant, mais le principal problème ne tient pas aux normes : les enseignants eux-mêmes sont démunis et les parents redoutent que l'accueil d'un élève handicapé entraîne un préjudice pour leur enfant.
Une profonde réflexion s'impose sur ce que nous attendons de notre école. Un enfant normal n'y voit jamais d'enseignant handicapé, parce que l'enseignement s'exonère de l'obligation faite aux grandes entreprises d'employer une certaine proportion de personnes handicapées, au prétexte que ces établissements accueillent déjà des enfants handicapés. Sa première rencontre, ainsi retardée, avec une personne handicapée sera inattendue, voire inquiétante, comme de quelque chose dont on l'aurait, jusque-là, protégé. Il en est ici comme pour l'accompagnement des personnes en fin de vie : si nous sommes très bons lorsqu'il s'agit de traiter et de guérir, par exemple, les maladies neuro-dégénératives - les implants intracérébraux contre la maladie de Parkinson sont une découverte française d'Alim-Louis Benabid -, notre système de santé est incapable d'accompagner les malades que l'on ne peut traiter, ni guérir.
Mme Hermeline Malherbe. - Mon témoignage nuancera ce tableau très sombre : les départements accomplissent, avec le secteur médical, un travail d'accompagnement important en faveur de l'autonomie des personnes âgées et handicapées. Les familles d'accueil constituent également une alternative intéressante à l'internement. Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) agissent de concert avec les associations et les enseignants, de manière à ce qu'un nombre croissant d'enfants handicapés soient accueillis dans les écoles. Un certain optimisme est permis : un jeune autiste qui avait effectué son apprentissage au sein du conseil général des Pyrénées-Orientales y a été embauché comme salarié, après avoir réussi son CAP.
M. Michel Vergoz. - Une question de profane : y a-t-il des comités d'éthique en Inde ou en Chine ? Une gouvernance mondiale de l'éthique serait-elle nécessaire ? Serait-elle, même, possible alors que l'on constate les errements des gouvernances mondiales sur le commerce, la finance, le travail de séquençage des végétaux ? La plus grande vigilance semble s'imposer.
M. Alain Milon, président. - Mes chers collègues, je vous rappelle que le comité présidé par M. Ameisen n'exerce qu'une fonction consultative.
M. René-Paul Savary. - Environ 70 enfants handicapés de mon département sont accueillis en Belgique où la prise en charge est polyvalente, grâce à la coopération d'associations de parents, alors que les établissements français, initiés par des associations de parents, sont très spécialisés. Il nous faudra des années pour apprendre à les structurer différemment.
M. Jean-Noël Cardoux. - J'appuie entièrement les observations d'Isabelle Debré et de René-Paul Savary. J'ai connu, au conseil général de mon département, une expérience analogue : l'obstacle à surmonter est bien normatif, normes et éthique ne faisant pas bon ménage. Nous avions trouvé un terrain où bâtir un foyer pour enfants autistes. Compte tenu des divers délais réglementaires et des surcoûts générés par les multiples normes applicables, sept ans, au lieu de deux, ont finalement été nécessaires pour mener ce projet à bien.
Mme Annie David. - Quelle est, monsieur Ameisen, la proportion d'hommes et de femmes dans votre comité ?
M. Jean-Claude Ameisen. - Je reconnais que des initiatives nombreuses et remarquables ont été prises dans notre pays et que des soins palliatifs de grande qualité y sont dispensés, mais c'est à un trop petit nombre de patients. La solution n'est pas d'augmenter la capacité de ces services, mais de transformer les soins palliatifs en une pratique médicale exercée par les généralistes, les cardiologues, les cancérologues, pour qui les services hospitaliers deviendraient des référents. Quels que soient les critères au nom desquels l'accès à ces soins est retreint, cette restriction doit être levée : ce qui fonctionne bien, en un lieu et un temps donnés, doit devenir une pratique courante. Le mot anglais care signifie à la fois le soin et l'importance que l'on attache à une personne. Il s'agit pour nous de généraliser celle que méritent les personnes vulnérables.
L'Unesco, le Conseil de l'Europe et l'OMS s'efforcent, depuis longtemps, avec l'aide des comités d'éthique européens, de favoriser la création de comités semblables dans les pays qui en sont dépourvus. Mais un comité d'éthique n'est légitime que s'il est indépendant, ce qui suppose un respect de la liberté d'expression, bien ancré dans les institutions. La dernière déclaration de l'Unesco sur la bioéthique, votée à l'unanimité des pays membres, mais non contraignante, s'intitule « Déclaration universelle de bioéthique et des droits de l'homme ». Elle recommande la propagation internationale de l'éthique biomédicale comme un levier pour celle des droits de l'homme, parce qu'elle implique la liberté d'expression et le droit à l'information des patients. De véritables comités d'éthique, indépendants et transdisciplinaires, ont été créés récemment dans certains pays d'Amérique du sud et d'Afrique ; on peut espérer qu'ils contribuent, au-delà de leur champ, à la vie démocratique de ces nations. Le but n'est pas d'instituer une éthique universelle qui mettrait fin à tout questionnement mais de favoriser, dans chaque région, une réflexion libre. Si l'Inde a des institutions scientifiques, elle n'a pas de comité d'éthique ; la Chine a des comités dits éthiques, mais dépourvus d'indépendance. L'Unesco et la Commission européenne en sont dotés, ce qui rend possible le croisement des regards nationaux avec ceux d'instances internationales.
En Belgique, l'accueil des enfants handicapés est, en dernier lieu, de la compétence du ministère de l'éducation nationale, non de celui de la santé : il s'agit de donner à ces enfants la capacité de devenir des citoyens. Il est regrettable que le ministère français de l'éducation n'ait pas été représenté lors de l'annonce des précédents plans « Autisme » : l'intégration des personnes handicapées est loin d'être simplement un problème de santé. Le comprendre équivaudrait pour nous à surmonter un problème culturel.
La dernière étude de l'Observatoire de la fin de vie a été consacrée, en décembre 2013, au vieillissement : elle a établi que, sur le million de personnes résidant dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), 75 % y sont entrées contre leur gré, à telle enseigne que le précédent contrôleur des lieux de privation de liberté avait envisagé de s'y rendre. La raison de ce quasi-enfermement est que les logements de ces personnes âgées n'étaient plus adaptés à leur handicap. Au Danemark, toutes les maisons récentes sont adaptées au handicap, sans que cela induise de surcoût. L'adaptation a posteriori est, en tout cas, bien plus onéreuse. Si certaines normes sont peut-être excessives, nous manquons de celles qui épargneraient aux personnes âgées d'avoir à abandonner leur lieu de vie. Je ne parle pas de l'inadéquation persistante d'une bonne partie de nos transports publics... Dans ces conditions, l'exclusion des personnes handicapées est inévitable.
Les femmes sont minoritaires parmi les membres du CCNE, nommés par une quinzaine d'institutions... Comme je vous le disais il y a deux ans, lors de ma première audition, il serait bon que des économistes viennent s'ajouter à nos rangs afin que les questions économiques ne soient plus perçues uniquement par le Comité comme des contraintes externes, mais comme une partie intégrante de la réflexion éthique ; si un grand psychiatre suisse a été récemment nommé par le ministère de la santé, nos perspectives s'enrichiraient de l'apport d'autres Européens francophones ; je souhaite enfin que soient désignés des membres d'associations de personnes malades ou handicapées afin de diversifier nos points de vue. Le CCNE est renouvelé, par moitié, tous les deux ans : c'est pour les institutions décidant de sa composition l'occasion d'exercer un rôle très important.
M. Alain Milon, président. - Nous avons été impressionnés par la qualité des interventions de nos collègues et par celles de l'intervenant principal, que je remercie à nouveau.
Les députés ayant voté la semaine dernière, leurs bulletins ont été placés sous scellés et seront dépouillés en même temps que les nôtres. M. Ameisein ne pourra être nommé si les votes négatifs atteignent les trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux chambres.
M. Jean-Claude Ameisen est raccompagné hors de la salle.
Vote sur la proposition de nomination aux fonctions de président du Comité consultatif d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE)
M. Alain Milon, président. - Voici le résultat du vote :
Ce vote sera agrégé à celui de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.
La commission émet un avis favorable à la nomination de M. Jean-Claude Ameisen en tant que président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
La réunion est levée à 17 h 20.
Mercredi 3 décembre 2014
- Présidence de M. Alain Milon, président. -Audition de M. Lionel Collet, candidat pressenti à la présidence du conseil d'administration de l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) et à la présidence du conseil d'administration de l'Institut national de veille sanitaire (Inves)
La réunion est ouverte à 9 h 30.
M. Alain Milon, président. - Nous recevons ce matin, à la demande du Gouvernement, M. Lionel Collet, dont la nomination est proposée pour la présidence du conseil d'administration de l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) et pour celle de l'Institut de veille sanitaire (InVS).
Je rappelle que l'article L. 1451-1 du code de la santé publique prévoit l'audition préalable par les commissions concernées, avant leur nomination ou leur reconduction, des présidents ou directeurs d'une dizaine d'agence sanitaires.
La double nomination envisagée par le Gouvernement s'inscrit bien entendu dans la perspective de la création d'un nouvel Institut national de veille, de prévention et d'intervention en santé publique, prévue par l'article 42 du projet de loi relatif à la santé et destiné à regrouper les missions actuellement dévolues à l'Eprus, à l'InVS et à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'Inpes.
Je vais passer la parole à M. Collet afin qu'il présente son parcours et qu'il évoque sa vision des fonctions que le Gouvernement souhaite lui confier. Il répondra ensuite à nos questions.
M. Lionel Collet. - Je suis pressenti par la ministre de la santé pour assumer la présidence du conseil d'administration de l'InVS et de l'Eprus.
Avant de me présenter, je souhaite brièvement rappeler le rôle de ces institutions et celui de leur conseil d'administration. Tout d'abord, ces deux établissement publics ont une mission de santé publique qui concerne la population et non pas les produits de santé.
L'InVS a été créé par la loi en 1998 suite aux crises de l'encéphalopathie spongiforme bovine et de l'hormone de croissance. Il a été décidé de créer un organisme capable d'observer la santé de la population et de repérer les alertes sanitaires.
L'Eprus a été créé en 2007, suite à l'épidémie de chikungunya, pour doter la France d'un établissement capable de répondre aux menaces sanitaires de grande ampleur, ce qui suppose la constitution d'un stock stratégique et d'une capacité de réponse humaine au travers de la réserve sanitaire. Aujourd'hui, l'Eprus est capable de transporter les stocks stratégiques en moins de 12 heures sur l'ensemble du territoire national et les réservistes en moins de 24 heures sur l'ensemble du globe.
Comme l'indiquait le président, le projet de loi relatif à la santé prévoit la création d'un nouvel institut qui réunira l'InVS et l'Eprus, ainsi que l'INPES. L'ensemble des moyens consacrés à la population seront ainsi réunis.
Le conseil d'administration de l'InVS et celui de l'Eprus sont assez différents. Pour l'InVS, le conseil regroupe des représentants de l'Etat, des personnalités qualifiées et des représentants des personnels. Il comporte 23 membres. Le conseil d'administration de l'Eprus comporte 25 membres, mais n'est composé que de représentants de l'Etat et de l'assurance maladie.
Pour les deux établissements, un directeur général exécutif assure la gestion opérationnelle.
Dans les deux cas, le conseil d'administration a pour mission de délibérer sur les orientations stratégiques pluriannuelles, le budget et les ressources humaines. Deux contrats d'objectifs ou de performance sont actuellement en cours, l'un pour la période 2014-2015 (Eprus), l'autre pour 2014-2017 (InVS). Les missions des établissements y sont clairement exposées pour les années à venir. L'InVS doit pouvoir choisir ses priorités car ses moyens ne lui permettent pas de couvrir tout le champ de l'épidémiologie. Parallèlement à la définition des priorités, l'InVS doit être à même de bien anticiper les crises sanitaires et de réagir aux signaux faibles, ce qui suppose d'utiliser les méthodes scientifiques les plus élaborées et donc un lien avec les équipes de recherche. Le lien avec les ARS doit également être optimisé. De même, des gains d'efficience doivent être générés dans le cadre de la contribution de l'établissement au redressement des comptes publics.
L'Eprus doit pour sa part optimiser la gestion des stocks stratégiques. Il y avait, en 2011, 28 zones d'implantation, il n'y en avait plus que 16 en 2013 et il y en a 7 aujourd'hui. Ces implantations supposent la location de bâtiments qui génèrent un coût. Un site de stockage unique est donc en construction à Vitry-le-François. La politique d'achat des stocks doit également être optimisée.
Il faut également des lieux d'implantation outre-mer car, au cours des trois dernières années, c'est là qu'ont eu lieu les crises sanitaires les plus importantes : virus zika en Polynésie française, dengue en Guyane et chikungunya dans les Antilles. Il faudra également articuler les interventions dans les régions en s'appuyant sur les structures existantes.
L'Eprus ne comprend que 34 personnes mais gère 1 700 réservistes sanitaires, ce qui représente une tâche particulièrement importante. Aujourd'hui, des réservistes sont en Guinée en appui au gouvernement guinéen pour organiser la lutte contre l'épidémie d'Ebola, ce sont également des réservistes qui ont été mobilisés pour se rendre à Mayotte, territoire ayant fait face à un manque d'obstétriciens.
L'InVS comptera en 2015 392 équivalents temps plein (402 en 2014) et l'Eprus 30 (contre 34 cette année). Les subventions à ces établissements relèvent du programme 204 de la loi de finances mais un financement paritaire avec l'assurance maladie est prévu pour l'Eprus, l'équilibre entre contributions devant s'effectuer sur plusieurs années. En 2015, ce sera le fonds de roulement de l'Eprus qui sera mobilisé et ramené à son niveau prudentiel.
J'en viens maintenant à la présentation de mon parcours. J'ai 60 ans. J'ai été 21 ans professeur de médecine dans ma spécialité qu'est l'ORL. J'ai dirigé un laboratoire de recherche du CNRS sur la surdité qui a abordé la question du dépistage - 1 enfant sur 1 000 nait sourd -, le problème des acouphènes - longtemps négligé alors qu'on sait aujourd'hui que 3 millions de personnes en souffrent - et enfin la plasticité cérébrale fonctionnelle qui étudie les moyens de remédier à la surdité. Il y a en France 6 millions de malentendants dont 1,5 million sont appareillés alors que ce seraient 3 à 4 millions qui devraient l'être. Une étude américaine qui a moins de cinq ans a d'ailleurs montré que le défaut d'appareillage augmentait le risque de démence de 30 %.
J'ai présidé l'université Claude Bernard de Lyon qui avait à mon époque 35 000 étudiants et 5 000 personnes dans les services. J'étais président quand la loi dite LRU a transféré la gestion des universités aux présidents et j'ai donc eu la responsabilité d'un budget de 300 millions d'euros.
J'ai par ailleurs présidé plusieurs conseils d'administration, notamment celui de la conférence des présidents d'université et celui d'une société filiale de l'université, chargé de ses prestations de recherche. A mon départ, cette société avait un chiffre d'affaire de 20 millions d'euros.
Lors de ma présidence, je me suis efforcé de réduire le nombre de structures internes que j'ai fait passer de 20 à 13 en quatre ans.
J'ai par la suite été nommé au Conseil d'Etat où je suis actuellement le seul médecin.
M. Michel Amiel. - Quel regard portez-vous sur la gestion qui a été faite de la menace liée à la grippe H1N1 ? Pensez-vous que la France dispose de suffisamment de moyens pour faire face à une éventuelle épidémie de grande ampleur ? Je pense bien sûr notamment au virus Ebola. Enfin, comment faut-il selon vous communiquer en cas de crise sanitaire ? Dans le cas de la grippe A, on avait eu le sentiment que la communication avait pris le pas sur la mise en place de mesures concrètes et appropriées.
Mme Catherine Génisson. - Comment les conseils d'administration des structures actuellement existantes seront-ils réorganisés dans le cadre de la nouvelle structure que vous serez amené à diriger ? Par ailleurs, comment ses moyens seront-ils mobilisés ? Est-il prévu d'y associer des établissements de santé publics comme privés ainsi que les professionnels libéraux ?
M. Yves Daudigny. - En matière de gestion des épidémies, deux évolutions importantes doivent être prises en compte : les conséquences des évolutions climatiques et le développement de mouvements de population de grande ampleur. Comment assurer la protection des populations dans ce contexte, et quelles mesures spécifiques doivent être mises en place dans les aéroports ?
Mme Annie David. - Quel a été le bilan du regroupement d'UFR que vous avez effectué dans le cadre de vos fonctions de président d'université, et quelles en ont été les conséquences sur le personnel ? Quel sort est-il prévu de réserver aux personnels dans le cadre du regroupement que vous serez chargé de mettre en oeuvre ?
M. Michel Vergoz. - La France a fait face à deux problèmes sanitaires importants au cours de la dernière décennie : la canicule de 2003 et le chikungunya à La Réunion. Selon vous, notre pays est-il aujourd'hui à l'abri de ces menaces ? Quelle est votre appréciation sur celle que représente aujourd'hui Ebola ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - En tant que spécialiste de l'audition, que pensez-vous des implants contre la surdité, qui ont donné lieu à de vifs débats ?
M. Alain Milon, président. - Qu'est-il advenu des stocks de Tamiflu et de vaccins contre la grippe H1N1 ?
M. Bruno Gilles. - Et des masques !
M. Lionel Collet. - Je souhaite tout d'abord préciser que s'il est envisagé de regrouper l'InVS, l'Eprus et l'Inpes, je ne suis aujourd'hui pressenti que pour assurer la présidence du conseil d'administration des deux premiers : nous ne sommes pas encore dans la logique d'une fusion.
S'agissant de la gestion de la grippe aviaire, j'ai fait partie, en tant que président d'université, des acteurs qui devaient mettre en place un plan d'action. Sans doute y a-t-il eu des erreurs, mais qu'aurait-on dit si une épidémie de grande ampleur s'était déclarée sans que la France s'y soit préparée ? Je ne dispose pas d'informations sur l'état et la conservation des stocks de matériels prévus à cette occasion.
En ce qui concerne l'organisation de la communication, il me semble que la réunion de plusieurs agences sanitaires en un seul institut, en y intégrant l'Inpes qui a un rôle spécifique dans la diffusion des messages de prévention, a du sens. D'une manière plus générale, il est difficile de trouver un équilibre entre la bonne information de la population sur les risques encourus et le danger que représente un affolement inutile. L'information a sans doute été trop tardive en 2003.
Il me semble qu'avec un peu plus de 200 000 médecins en France, et 1 700 personnes (qui peuvent être des professionnels de santé en activité ou non ainsi que des étudiants) dans la réserve sanitaire, nous disposons des moyens humains à mobiliser en cas d'épidémie.
Sur le sort des personnels dans le cadre du regroupement des trois agences, je précise tout d'abord que cette fusion a pour logique de rassembler toutes les structures compétentes en matière de santé publique, et non pour objectif d'effectuer un effort de rationalisation : aucun effort supplémentaire à celui qui est déjà prévu actuellement ne devrait être mis en oeuvre. A l'université Claude Bernard, il me semble que le regroupement d'UFR au sein d'une faculté unique de sciences ou de médecine a permis une meilleure visibilité de l'université, qui s'en est trouvée d'autant plus attractive pour les étudiants, en même temps qu'il a ouvert de nouvelles possibilités de mobilité interne pour les personnels.
S'agissant des questions liées aux évolutions climatiques, les sujets relevant de la santé et de l'environnement relèvent des missions assurées par l'InVS, qui continuera à les exercer.
L'implant cochléaire a représenté une révolution extraordinaire pour les personnes atteintes de surdité. N'oublions pas qu'il permet même d'entendre une voix au téléphone, indépendamment de toute lecture sur les lèvres. Le débat s'est cristallisé sur l'opportunité d'équiper les enfants très tôt après la naissance, avec la crainte que cela ne puisse faire disparaître à terme la langue des signes.
Mme Catherine Génisson. - Quelles seront les relations de la nouvelle structure mise en place avec les ARS ?
M. Lionel Collet. - Elles s'inscriront dans une double logique : il faut que nous puissions disposer de données de santé collectées à l'échelon local, dans les territoires, mais également consolidées et analysées au niveau national.
Protection de l'enfant - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine, sur le rapport de Mme Michelle Meunier, la proposition de loi n° 799 (2013-2014) relative à la protection de l'enfant.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - La Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, dont nous venons de fêter le vingt-cinquième anniversaire, pose le principe fondamental, repris dans notre code de l'action sociale et des familles, selon lequel « l'intérêt de l'enfant, la prise en compte de ses besoins et le respect de ses droits doivent guider toute décision le concernant. »
Replacer l'intérêt supérieur de l'enfant au coeur du dispositif de protection de l'enfance : telle est bien la démarche qui anime la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
Déposé par notre collègue Muguette Dini et moi-même en septembre dernier, ce texte est en grande partie le fruit des conclusions du récent rapport d'information que la commission nous avait confié au début de l'année. Notre mandat, je le rappelle, poursuivait deux objectifs : dresser un état des lieux de la mise en oeuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance et proposer des améliorations du dispositif actuel.
De l'avis général, la loi de 2007 est globalement une bonne loi ; elle a permis au dispositif de gagner en lisibilité et en efficacité. Son déploiement connaît cependant des retards et des inerties. Elle est en outre insuffisamment dotée pour répondre au problème de l'instabilité des parcours de prise en charge de certains enfants.
Forte de ce constat, la proposition de loi, composée de vingt-trois articles, se structure autour d'un triple objectif : améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l'enfance, sécuriser le parcours de l'enfant et diversifier les outils dont nous disposons en adaptant le statut de l'enfant confié.
Permettez-moi de revenir successivement sur chacun de ces trois volets.
S'agissant de la gouvernance, malgré des avancées locales, le constat général est celui d'une coopération globalement insuffisante et d'un cloisonnement encore très marqué entre les différents secteurs d'intervention. Si l'existence de pratiques et d'interprétations disparates est inhérente à toute politique décentralisée, une coordination a minima s'avère indispensable, ne serait-ce qu'au regard des enjeux d'égalité de traitement. A cet égard, il manque à la politique de protection de l'enfance un cadre qui permette de lui donner une réelle impulsion nationale.
C'est pourquoi l'article 1er vise à créer une instance nationale, placée auprès du Premier ministre afin de regrouper l'ensemble des acteurs concernés. Ce « Conseil national de la protection de l'enfance » se substituerait à des instances qui ne se réunissent plus et serait chargé de proposer au Gouvernement les orientations nationales de la politique de protection de l'enfance et d'en évaluer la mise en oeuvre.
L'article 2 vise à rendre effective l'obligation légale de formation initiale et continue des acteurs de la protection de l'enfance. A cet effet, les observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE) se verront confier une mission de programmation et d'évaluation des formations dispensées dans ce domaine.
Des marges de progression existent également pour rendre le dispositif de repérage des situations de danger, piloté par les Cellules de recueil, d'évaluation et de traitement des informations préoccupantes (Crip), encore plus performant. Les professionnels de santé sont un maillon essentiel de la protection de l'enfance car ils sont les acteurs de proximité les plus à même de détecter les signes de maltraitance. Pourtant, le milieu médical représente une très faible part des sources d'informations préoccupantes et des signalements.
Plusieurs éléments expliquent cette situation : le manque de formation aux problématiques de l'enfance en danger, une méconnaissance des procédures mises en place à l'échelle du département, un certain isolement professionnel (pour les médecins libéraux) ou encore la crainte des poursuites judiciaires (pour dénonciation calomnieuse notamment).
Pour apporter une première réponse à cette situation, l'article 4 de la proposition de loi prévoit la désignation, dans chaque service départemental de PMI, d'un médecin référent « protection de l'enfance » chargé d'établir des liens de travail réguliers entre les services départementaux, les médecins libéraux et hospitaliers ainsi que les médecins de santé scolaire du département. Tout en soulignant que ce nouveau dispositif ne devait pas conduire à limiter les autres activités, aujourd'hui très diverses, des services de PMI, le syndicat des médecins de PMI que j'ai auditionné, s'est montré favorable à cette mesure. De manière plus générale, il demeure toutefois bien entendu nécessaire d'apporter des réponses concrètes au manque structurel de moyens dont souffre la PMI dans notre pays.
Les dispositions relatives à la sécurisation du parcours de l'enfant poursuivent trois orientations.
En premier lieu, les articles 5 à 7 visent à renforcer le rôle du projet pour l'enfant en précisant d'avantage son contenu ainsi que ses modalités d'élaboration. Ce document élaboré pour chaque enfant bénéficiant d'une intervention de l'assistance éducative est un des principaux apports de la loi de 2007. C'est un outil qui doit permettre de coordonner les actions des différents acteurs appelés à intervenir auprès de l'enfant, afin de veiller à ce que son intérêt soit le principe directeur de toute prise en charge. Il est toutefois utilisé de manière inégale par les services départementaux, qui le considèrent encore trop souvent comme une lourdeur administrative.
Le PPE devra être régulièrement actualisé, ce qui est encore trop rarement le cas, et examiné par une commission pluridisciplinaire à l'occasion de son adoption puis de chaque révision annuelle.
Par ailleurs, le PPE devra prévoir les modalités selon lesquelles les actes usuels de l'autorité parentale, sources de difficultés voire de conflits dans la prise en charge de l'enfant au quotidien, pourront être exercés, notamment par les assistants familiaux.
Toujours dans la perspective d'améliorer le suivi de l'enfant placé, l'article 9 vise à enrichir le contenu du rapport annuel établi par le service de l'ASE par une analyse de l'état de santé physique et psychique de l'enfant, de son développement, de sa scolarité, de sa vie sociale, de ses relations familiales, et par une référence à son projet de vie.
En deuxième lieu, plusieurs articles de la proposition de loi visent à garantir une plus grande stabilité des parcours des enfants pris en charge par l'ASE. Notre système de protection de l'enfance donne la priorité à la politique de soutien à la parentalité, l'éloignement du milieu familial n'étant envisagé qu'en dernier recours. Cependant, malgré les différentes aides qui peuvent leur être apportées, certaines familles, pour des raisons diverses, ne sont pas ou plus en mesure d'assurer le développement et l'éducation de leurs enfants dans des conditions satisfaisantes. Dans certains cas, et notamment lorsque la famille est à l'origine de faits pénalement condamnables, le maintien des liens peut même être nocif pour l'enfant. Les enfants concernés par ces situations sont alors placés auprès de l'ASE pendant une période généralement longue, qui peut durer jusqu'à leur majorité. Leur prise en charge se heurte aujourd'hui à deux problèmes majeurs : la trop grande instabilité de leur parcours, qui se caractérise par des changements fréquents de lieux d'accueil, et l'absence de perspective quant à une possible évolution de leur statut juridique, qui leur permettrait de bénéficier d'une « seconde chance familiale ».
Il apparaît tout d'abord indispensable d'encadrer davantage les décisions de changement de famille d'accueil. L'article 8 propose de conditionner la modification du lieu d'accueil d'un enfant, confié depuis plus de trois ans à la même famille, à l'avis du juge à l'origine de la mesure de placement. Il arrive en effet que l'ASE confie l'enfant à une nouvelle famille, alors que ni lui, ni sa précédente famille d'accueil ne souhaitaient cette modification. Si une telle décision peut être motivée par des raisons légitimes, il arrive qu'elle ne le soit pas. En tout état de cause, elle n'est pas sans conséquence pour l'enfant et la famille d'accueil qui, avec le temps, ont tissé des liens affectifs parfois très forts.
L'article 11 vise quant à lui à ce qu'une solution pérenne, garantissant la stabilité des conditions de vie de l'enfant et lui offrant une continuité relationnelle, affective, éducative et géographique, soit trouvée lorsque la mesure de placement atteint une certaine durée. Cette solution peut passer par un placement long, par une délégation totale ou partielle de l'autorité parentale, ou encore par une adoption.
En troisième lieu, il convient d'assurer une meilleure représentation des droits de l'enfant dans la procédure d'assistance éducative. Le juge a la possibilité de désigner un administrateur ad hoc, c'est-à-dire une personne qui se substitue aux représentants légaux de l'enfant mineur pour protéger ses intérêts et exercer ses droits. Cette possibilité est cependant insuffisamment exploitée en raison de la pénurie d'administrateurs ad hoc, si bien qu'au final, nombre de conseils généraux sont désignés par défaut. Cette solution de substitution n'est pas satisfaisante car elle crée une confusion entre la mission générale de protection de l'enfance qui incombe au conseil général et la mission plus particulière de représentation de l'enfant qui doit échoir à une personne « extérieure ». L'article 17 systématise donc la désignation par le juge des enfants d'un administrateur ad hoc, indépendant des parents et du service gardien, pour représenter l'enfant mineur. Bien entendu, la mise en oeuvre de cet article ne pourra se concevoir sans réforme du statut de l'administrateur ad hoc afin de rendre cette fonction plus attractive et mettre en place une formation obligatoire pour les personnes qui y sont candidates.
Au-delà de l'enjeu de stabilisation des parcours, il convient de s'interroger sur le statut des enfants placés sur le long terme.
Pour se construire, ces enfants, durablement voire définitivement éloignés de leur famille d'origine, ont besoin de développer une relation d'attachement et d'appartenance à une autre famille, qui peut être une famille d'accueil, un tiers digne de confiance ou une famille d'adoption. Si en France l'accueil familial demeure la solution privilégiée, l'adoption en tant que modalité de protection de l'enfance n'est que très peu entrée dans les mentalités et dans la pratique. Elle permet pourtant de construire des projets de vie adaptés à la situation de certains enfants. Plusieurs articles de la proposition de loi visent donc à encourager cette démarche.
Tout d'abord, pour promouvoir l'adoption comme dispositif de protection de l'enfance, l'article 12 vise à rendre l'adoption simple irrévocable pendant toute la durée de la minorité de l'enfant (sauf s'il est justifié de motifs graves et dans ce cas à la demande du ministère public uniquement). Cette forme d'adoption, aujourd'hui essentiellement de nature intrafamiliale, reste en effet très peu employée au profit d'enfants placés en raison principalement de sa révocabilité et du maintien des relations avec la famille d'origine. Pourtant, elle peut correspondre aux besoins de certains enfants et à l'attente de certains candidats agréés pour l'adoption.
L'article 14 ouvre en outre la possibilité de ré-adopter par la voie de l'adoption plénière des enfants déjà adoptés sous ce régime mais devenus pupilles de l'Etat. Il s'agit de leur ouvrir une « seconde chance familiale ».
Parallèlement, l'article 15 prévoit d'améliorer la prise en compte de l'intérêt de l'enfant dans la procédure d'adoption.
Ces articles ne visent en aucun cas à faire des enfants placés un « palliatif » au désir d'enfant non satisfait des candidats à l'adoption. Au contraire, il s'agit de permettre à ces enfants d'acquérir un véritable statut qui réponde à leurs besoins fondamentaux et de grandir dans un environnement affectif et éducatif sécurisé.
Ensuite, l'article 18, qui réforme la procédure de la déclaration judiciaire d'abandon en lui substituant une procédure de « déclaration judiciaire de délaissement » parental, vise à mieux reconnaître ce dernier. En l'état actuel du droit, la déclaration judiciaire d'abandon, qui est l'étape préalable à l'admission de l'enfant en qualité de pupille de l'Etat et à son adoption éventuelle, reste peu mise en oeuvre. Cela s'explique notamment par la rédaction ambiguë de la loi qui dissuade souvent les services sociaux de déposer une requête, la notion de « désintérêt manifeste » des parents étant sujette à interprétation.
Enfin, il importe de développer le recours au retrait total de l'autorité parentale pour que les enfants accueillis à l'ASE par cette voie puissent eux aussi éventuellement faire l'objet d'un projet d'adoption. La rareté d'utilisation de cette procédure s'explique principalement par la réticence des professionnels à envisager une rupture du lien de filiation biologique. C'est la raison pour laquelle l'article 20 prévoit le retrait de l'autorité parentale dès lors que le parent s'est rendu coupable d'un crime ou délit sur la personne de l'autre parent ou de l'enfant. J'évoquerai à nouveau tout à l'heure cette proposition qui nécessite quelque ajustement pour garantir son caractère constitutionnel.
En complément de ces dispositions, la proposition de loi comporte plusieurs articles qui ne sont pas directement issus du rapport d'information que la commission nous avait confié mais qui répondent eux aussi à l'objectif d'une meilleure prise en compte de l'intérêt dans l'enfant dans le dispositif de protection de l'enfance.
L'article 13 prévoit la mise en place d'un suivi médical, psychologique et éducatif lorsqu'un enfant né sous le secret est reconnu par au moins l'un de ses parents. Il permet ainsi la mise en oeuvre d'une préconisation émise par le Défenseur des droits dans le rapport relatif à aux dysfonctionnements apparus dans le parcours de prise en charge de la petite Marina.
L'article 19 entend quant à lui renforcer la sécurité juridique du recours contre l'arrêté d'admission en pupille de l'Etat en définissant de façon plus précise les membres de la famille ayant qualité pour agir.
Quant à l'article 22, il propose d'inscrire expressément dans notre code pénal l'inceste sur mineur comme une infraction à part entière et d'en faire une circonstance aggravante de la peine principale. Notre assemblée a déjà eu l'occasion d'adopter un dispositif comparable avant que celui-ci ne soit en partie censuré par le juge constitutionnel en raison de son imprécision. La solution proposée tire les enseignements de cette décision. Elle permet ainsi enfin une prise en compte des violences et traumatismes spécifiques endurés par les enfants victimes d'inceste.
Les personnes que j'ai auditionnées ont réservé un accueil globalement très favorable à cette proposition de loi. J'ai néanmoins été convaincue de la nécessité de faire évoluer le texte sur plusieurs points :
- il me semblerait notamment utile d'améliorer la rédaction de l'article 5 sur le PPE. De même, sans remettre en cause l'objectif qui est de prévenir les difficultés qui peuvent survenir dans la prise en charge quotidienne, je proposerai de modifier la rédaction de l'article 6 concernant l'exercice actes usuels de l'autorité parentale ;
- l'article 13, relatif au suivi instauré en cas de reconnaissance d'un enfant né sous le secret, gagnerait lui aussi à être précisé. Je propose de substituer à l'obligation actuelle de suivi une possibilité d'accompagnement afin de garantir le droit au respect de la vie privée et familiale. Il s'agit également d'éviter que certains parents puissent éprouver un sentiment de « mise sous tutelle » de l'autorité parentale ;
- de même, comme je l'ai évoqué précédemment, je vous proposerai de supprimer le caractère automatique du retrait de l'autorité parentale prévu à l'article 20 et de laisser une liberté d'appréciation au juge afin de garantir que le dispositif proposé soit compatible avec les exigences constitutionnelles.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Je tiens tout d'abord à me féliciter de la qualité de la procédure de travail qui a été mise en place par nos deux commissions dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi : nous avons organisé de nombreuses auditions en commun et avons pu avoir des échanges d'autant plus intéressants que nous avions des visions quelques peu différentes sur ce texte, issu du rapport d'information présenté par Mmes Meunier et Dini.
Il contient en effet des dispositions dont les objectifs ont été salués par la commission des lois et d'autres qui, ne figurant pas dans le rapport que je viens de citer, ont sans doute fait l'objet d'une moindre maturation et ont, pour cette raison, suscité davantage de réserves. Je précise que l'avis de la commission des lois ne porte pas sur l'ensemble du texte, mais seulement sur les articles qui relèvent de sa compétence, notamment ceux qui concernent le droit civil, le droit pénal ou bien encore la protection judiciaire de la jeunesse.
Enfin, la commission des lois est assez réticente à l'idée de modifier certaines dispositions législatives très récentes, parfois vieilles de moins de six mois, et dont il est encore impossible de déterminer si elles obtiendront les résultats escomptés au moment de leur adoption.
M. Jean-Noël Cardoux. - Mme Meunier a eu raison de dire que la précédente loi relative à la protection de l'enfance, qui date de 2007, est une bonne loi. Le texte que nous examinons aujourd'hui vise, quant à lui, à améliorer la situation individuelle des enfants et c'est là, naturellement, un objectif que je partage.
Ceci étant dit, je crois que cette proposition de loi devrait faire l'objet d'une étude d'impact très précise, afin de déterminer notamment ses conséquences pour les finances des départements, car elle va créer pour eux de nouvelles charges avec, par exemple, le rapport annuel des services de protection de l'enfance, le bilan annuel des formations, etc. Du reste, la constitutionnalité de cette proposition de loi ne me paraît pas garantie, dans la mesure où les charges nouvelles qu'elle ferait supporter aux départements ne sont pas compensées !
Par ailleurs, elle propose de créer une nouvelle structure de concertation. Je suis assez sceptique sur ce point : en plein « choc de simplification », est-ce vraiment le moment de créer un nouveau « Conseil national » ? Cette instance est censée en remplacer d'autres qui ne se réunissaient plus : en quoi celle-ci donnerait-elle davantage satisfaction sur ce point ? Je crains qu'elle se montre tout aussi lourde et inefficace que celles qui l'ont précédée et qu'elle mobilise inutilement les élus et les fonctionnaires.
J'ai des doutes quant au recours au médecin référent de la PMI qui alourdira les procédures et qu'il sera difficile de recruter et ne peux m'empêcher de percevoir une certaine défiance envers les départements dans le choix de l'intervention du juge pour décider du changement de lieu d'accueil de l'enfant.
M. Gérard Roche. - Je me réjouis que nous examinions aujourd'hui ce texte auquel tenait tout particulièrement notre ancienne collègue Muguette Dini et qui insiste sur la prise en compte de l'intérêt de l'enfant.
Je crois que la création d'une instance nationale permettant de favoriser la mise en place d'une politique homogène sur l'ensemble du territoire sera une bonne chose. Naturellement, il existe déjà des observatoires à l'échelle départementale (ODPE) pour les situations préoccupantes, mais il me paraît souhaitable d'unifier les pratiques.
En ce qui concerne les médecins de la PMI, je crois qu'ils font bien leur travail, même s'il est nécessaire de mieux harmoniser leur action partout en France. Sur le placement en général, je pense que la stabilité dans le temps est très difficile à atteindre, car il n'est pas possible par exemple de faire cohabiter des adolescents et de jeunes enfants. Quant au placement familial, je crois qu'il est tout à fait pertinent de dire que la dernière étape est l'adoption, sans pour autant occulter la question de la permanence du lien avec la famille biologique.
Actuellement, l'ASE récupère les enfants dont personne ne veut s'occuper, les situations les plus préoccupantes. La prise en charge de ces enfants par des familles peut être une solution excellente mais certains d'entre eux souffrent de graves problèmes psychiatriques et doivent faire l'objet d'un suivi très spécifique. Or, le délai d'attente pour voir un pédopsychiatre est très long et il n'y a plus de places en neuropsychiatrie pour ceux qui ont des comportements dangereux ou des problèmes de délinquance. Enfin, les placements décidés par les juges paraissent parfois contestables.
Au total, cette proposition de loi me paraît aller dans le bon sens, mais je voulais indiquer que le placement en famille est loin d'être la bonne réponse à toutes les situations, et que la question du placement en établissement est elle aussi cruciale.
M. Alain Milon, président. - Je souhaitais juste rappeler à ce stade de nos débats que la présente proposition de loi fait suite d'une part à la loi de 2007 mais aussi à la proposition de notre collègue députée Mme Michelle Tabarot.
Mme Catherine Deroche. - J'ai des doutes sur les moyens financiers et humains qui permettraient de mettre en oeuvre cette proposition de loi. Plus on cherche à individualiser le parcours des enfants, plus cela est susceptible de créer des difficultés financières pour les départements. Je voulais aussi souligner qu'il est important de favoriser un meilleur partage de l'information entre l'ensemble des personnes qui suivent les enfants. Enfin, je me posais la question de l'application de la loi qui a été portée par notre collègue Muguette Dini relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations entre départements.
M. Alain Milon, président. - Son décret d'application a bien été publié.
M. René-Paul Savary. - Cette proposition de loi part d'un bon sentiment mais elle me paraît irréaliste. Je crois que la question qu'elle entend traiter est très compliquée et qu'il est nécessaire de faire preuve de beaucoup d'humilité. Il n'y a plus de pédopsychiatres, les départements n'ont plus de moyens financiers et cette proposition de loi rajoutera de la complexité au système, dont une récente émission télévisée a donné une image particulièrement négative, notamment en ce qui concerne la PMI.
Plusieurs d'entre nous ont évoqué la loi de 2007, mais je voudrais rappeler que le fonds national de financement de la protection de l'enfance n'a quasiment pas été abondé !
Par ailleurs, cette proposition de loi n'aborde pas plusieurs problèmes particulièrement épineux auxquels les départements sont confrontés, tels que celui des mineurs étrangers isolés (MIE), ou bien encore celui du regroupement par fratries.
Au total, cette proposition de loi me paraît apporter peu de solutions et ne pas vraiment simplifier le système existant, et je crois qu'il faudra plutôt compter sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République pour permettre une meilleure répartition des compétences.
Mme Corinne Imbert. - Je partage les réserves de mes collègues Cardoux et Savary. Comme eux, je pense que la loi de 2007 était une bonne loi et que le fait de placer l'intérêt supérieur de l'enfant au coeur de la présente proposition de loi est une bonne chose.
Mais je crois que prévoir de nouvelles instances est une maladresse. Les vrais problèmes en matière de protection de l'enfance sont le placement d'enfants qui sont restés longtemps dans des institutions, le manque de pédopsychiatre et médecins chargés de la PMI ou bien encore le suivi psychiatrique insuffisant de certains parents - je pense notamment au cas d'une femme à qui on avait rendu son enfant et qui s'est suicidée avec lui. Enfin, cette proposition de loi me paraît couteuse pour les départements.
Mme Elisabeth Doineau. - Je crois que nous sommes nombreux ici à estimer que la loi de 2007 est en effet une bonne loi, même si elle avait été votée pour répondre à une certaine pression médiatique.
Ces dernières années, les conseils généraux ont souffert, car ils se sont vus confier de plus en plus d'enfants et ont été confrontés à des situations de plus en plus complexes. Ils ont connu aussi des difficultés en raison du cloisonnement des services qui participent à la protection de l'enfance, notamment la protection judiciaire de la jeunesse et les autorités judiciaires.
En règle générale, je ne suis pas favorable à la création de nouvelles instances de coordination, mais depuis l'adoption de la loi de 2007, nous avons pu constater qu'il pouvait être très utile de réunir l'ensemble des acteurs et je crois que disposer d'une instance nationale qui serait le creuset de bonnes pratiques permettrait de mieux les impulser dans l'ensemble des territoires.
Je voudrais dire enfin que la stabilité de sa situation est indispensable à l'épanouissement d'un enfant, que, souvent, le retour dans la famille d'origine est impossible, et que la crainte de voir son placement remis en cause tous les ans est une cause de grande souffrance.
M. Olivier Cadic. - Comme sur d'autres sujets, je souhaiterais vous faire part d'éléments que j'ai pu observer au Royaume-Uni.
En matière de détection des mauvais traitements infligés par des parents à leurs enfants, le système britannique est beaucoup plus efficace que le nôtre, comme le prouvent les statistiques relatives aux décès d'enfants à la suite de mauvais traitements. On voit bien d'ailleurs que les professeurs français qui enseignent dans des écoles britanniques ont de mauvais reflexes, puisqu'ils ont souvent par exemple la fausse bonne idée d'aller voir les parents directement en croyant qu'ils vont résoudre les problèmes avec eux seuls.
Les magistrats qui prennent les décisions de placement sont-ils évalués ? C'est une question qui mérite d'être posée, face aux plaintes des parents qui contestent certaines de leurs décisions.
M. Georges Labazée. - Lorsque j'entends les réserves de certains, je voudrais tout de même rappeler que tout le monde ici avait applaudi le rapport d'information de nos collègues Dini et Meunier !
En tant que membre du Conseil supérieur de l'adoption (CSA), je vous donnerai l'avis de cette instance sur les articles 12 à 16 ainsi que sur l'article 18. Si selon nous l'article 14 pose une vraie difficulté, les autres articles ont reçu un avis très favorable.
Mme Laurence Cohen. - La protection de l'enfance se heurte à un manque de moyens humains et financiers, tout le monde ici s'accorde à le dire. Nos collègues de droite devraient pourtant faire preuve d'un peu plus de cohérence, eux qui ont voté en faveur d'un PLFSS qui prévoyait 1 milliard d'euros d'économies supplémentaires sur le périmètre de l'Ondam !
Je souhaiterais poser une question à notre rapporteure : comment se fait-il que la problématique de la prise en charge des fratries, traitée dans le rapport de juin, ne figure plus dans la proposition de loi ? Je crois aussi qu'il serait nécessaire de sécuriser le statut du tiers digne de confiance. Enfin, je rejoins le constat de nombre de mes collègues sur l'état de la pédopsychiatrie dans notre pays et sur l'insuffisante prise en charge des enfants qui connaissent des difficultés.
Mme Claire-Lise Campion. - Je souhaiterais rappeler que c'est un déplacement de plusieurs membres de notre commission voilà quelques années au Québec qui est à l'origine de notre réflexion sur la protection de l'enfance.
La loi de 2007 entendait renforcer la prévention, multiplier les contacts entre les familles et les personnes en charge des enfants, permettre un meilleur signalement des enfants en danger et diversifier les modes de prise en charge. Le rapport d'information de juin dernier mettait en évidence les difficultés à stabiliser le parcours de certains enfants. Je me félicite de la présentation de cette proposition de loi qui devrait permettre de réduire les fortes disparités entre les pratiques des conseils généraux en favorisant une meilleure harmonisation sur les territoires et une plus grande coopération entre les acteurs.
Je voudrais dire aussi que le soutien au parent doit être un souci constant des acteurs concernés et que les enfants qui relèvent de la pédopsychiatrie ne devraient pas relever de la protection de l'enfance.
M. Alain Milon, président. - Permettez-moi de signaler que seul l'article 11 relatif à la mise en place de l'adoption fait implicitement référence à la législation québécoise.
M. Michel Amiel. - Quelques remarques. La loi de 2007 avait déjudiciarisé la protection de l'enfance. Je crois qu'il est indispensable qu'il y ait un médecin référent de la PMI car un suivi particulier est indispensable. Comme l'a dit notre rapporteure, l'adoption est pleinement une modalité de la protection de l'enfance. La protection judiciaire de la jeunesse se réduit aujourd'hui aux aspects pénaux et je le regrette. Il me paraît souhaitable d'harmoniser la politique de protection de l'enfance au niveau national. Enfin, les assistantes familiales exercent un métier qui souffre d'un manque de reconnaissance et il est très difficile de favoriser une politique d'accueil familial, car elles ont le sentiment d'être la dernière roue du carrosse.
Mme Pascale Gruny. - Je voudrais faire part de mon inquiétude quant à la prise en compte effective, tout au long de la prise en charge de l'enfant, de la nécessité de son accompagnement vers la vie d'adulte. A propos des signalements, les enseignants n'ont pas été évoqués alors qu'ils sont souvent désemparés devant des situations d'enfants en danger.
Mme Annie David. - Je partage les propos de Laurence Cohen. Il y a une contradiction à déplorer le manque de moyens et à voter, dans le même temps, un budget qui prévoit la diminution des dotations aux collectivités locales. Je rappelle que je partage, sur la question des MIE, une des préconisations du rapport d'information sur la protection de l'enfance, qui était de les maintenir dans le périmètre d'action de l'ASE. Je suis par ailleurs favorable à ce que nous poursuivions le travail sur l'article 22, relatif à l'inceste, afin de parvenir à un texte.
M. Alain Milon, président. - Cet article pose un véritable problème juridique que nous ne pourrons éluder.
Mme Catherine Génisson. - Je souhaite insister sur la prise en charge médicale des enfants. Une solution pourrait être, via les coopérations interprofessionnelles, de former des infirmières cliniciennes spécialisées en psychiatrie et en pédopsychiatrie afin qu'elles puissent assurer une prise en charge de ces enfants.
M. Yves Daudigny. - A l'heure où les départements sont décriés, je rappelle que la protection de l'enfance est une mission majeure confiée aux départements depuis les premières lois de décentralisation. C'est sans doute la plus importante, la plus exigeante mais aussi la plus difficile en ce qu'elle met potentiellement en cause la responsabilité personnelle du président du conseil général. Je note que dans les débats actuels, aucun échelon ne revendique cette compétence.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Au moment de vous répondre, je pense naturellement à notre collègue Muguette Dini. Ce texte est bien sûr largement inspiré du rapport d'information que nous avions réalisé ensemble. La proposition de loi ne reprend pas l'intégralité des préconisations du rapport d'information. Pour moi, ce texte n'est pas une façon de réclamer plus de moyens mais de faire mieux avec autant. Il s'agit de s'appuyer sur la loi de 2007 tout en replaçant l'intérêt de l'enfant au centre des évolutions proposées. J'insiste sur la pluridisciplinarité. Il ne s'agit pas de créer des postes. Il existe déjà des moyens au service de cette politique, qui représente un quart des budgets sociaux.
En ce qui concerne les aspects budgétaires, dans certains cas, suivre les recommandations du texte conduit à des économies. Un enfant placé représente une dépense de 50 000 euros par an. C'est autant d'économies si l'enfant sort de l'ASE pour être adopté.
La partie du texte relative à la gouvernance s'inspire de structures existantes comme le Haut Conseil à la famille (HCF) qui regroupe à la fois des gens de terrain et les services de l'Etat. La structure proposée se substituerait à d'autres qui sont actuellement inactives. Les départements sont prêts à travailler avec une structure de ce type.
Les MIE ne sont pas présents dans le texte. C'est une question à traiter en soi qui ne relève pas uniquement de la protection de l'enfance.
Je n'ignore pas que des textes en discussion procèdent à de nouvelles répartitions de compétences. Je m'appuie sur la répartition actuelle.
Les actes usuels sont évoqués à l'article 6 du texte. Quant aux questions de repérage et de formation, elles sont traitées aux articles 2 et 4. Les médecins sont très présents sur le sujet mais ne sont à l'origine que d'un nombre très limité de signalements. Il faut donc travailler avec les médecins, en particulier les médecins de PMI. L'éducation nationale constitue souvent la première source d'informations préoccupantes. L'évaluation des magistrats relève, quant à elle, du conseil supérieur de la magistrature (CSM).
M. Alain Milon, président. - Nous passons à l'examen des articles.
M. Gérard Dériot. - Je m'étonne qu'un nombre important d'amendements émanent de la rapporteure sur son propre texte.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - C'est que ma position a évolué quant à la manière de mieux transcrire mes intentions en termes juridiques et de leur donner une traduction cohérente. Ce texte a vocation à vivre et à être enrichi.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 53 enrichit les missions du conseil national de la protection de l'enfance (CNPE). Sans affecter le rôle pivot des départements, il définira des bonnes pratiques et en assurera la convergence.
M. René-Paul Savary. - Nous avons évoqué les pratiques très différentes des juges en matière de placement. Des magistrats seront-ils présents au sein du conseil ?
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - C'est effectivement le type de sujet qui pourrait y être abordé.
L'amendement n° 53 est adopté.
L'article premier est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 1 me semble satisfait par l'existence des observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE), prévus par l'article L. 226-3-1 du code de l'action sociale et des familles, qui remplissent ces missions d'harmonisation des pratiques.
L'amendement n° 1 est retiré.
L'article 2 est adopté sans modification.
L'amendement de coordination n° 21 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'amendement rédactionnel n° 13 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - La préoccupation qui fonde l'amendement n° 2 est satisfaite. Les services de PMI ont aujourd'hui pour mission, entre autres, de participer aux actions de prévention et de prise en charge des mineurs en danger ou qui risquent de l'être, ce qui inclut tous les enfants jusqu'à leur majorité.
M. Claude Dilain. - Dans la mesure où les services de PMI interviennent jusqu'à six ans, je craignais un déficit de prise en charge.
M. Georges Labazée. - Je partage votre préoccupation dans la mesure où les adoptions sont plus tardives.
L'amendement n° 2 est retiré.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 29 apporte des compléments au contenu du projet pour l'enfant (PPE) et à ses modalités d'élaboration.
L'amendement n° 29 est adopté.
L'amendement n° 4, satisfait, est retiré.
L'amendement n° 3, satisfait, est retiré.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Les amendements nos 22 et 31 rect., identiques, sont relatifs aux actes usuels.
Les amendements nos 22 et 31 rect., identiques, sont adoptés.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 23 vise à réduire la charge induite pour les services de l'ASE par la réunion systématique de la commission pluridisciplinaire en limitant sa saisine aux cas dans lesquels il existe un risque de délaissement parental, ou dans les cas où le statut juridique de l'enfant paraît inadapté à ses besoins.
L'amendement n° 23 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 14 propose une nouvelle rédaction de l'article 8 qui vise à encadrer les changements de lieu d'accueil d'un enfant confié à l'ASE afin d'éviter les ruptures injustifiées de prise en charge, préjudiciables à son développement. Il prévoit que lorsque le service de l'ASE auquel est confié un enfant envisage de changer les conditions de prise en charge de cet enfant, il en informe le juge (plutôt que de solliciter un avis de ce dernier). En application de l'article 375 du code civil, le juge pourra se saisir d'office, s'il l'estime nécessaire au regard de l'intérêt de l'enfant, pour ordonner le maintien de l'enfant dans son lieu d'accueil. L'amendement n° 32 rect. poursuit le même objet, avec une rédaction différente.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Je me rallie à la rédaction proposée par la rapporteure.
M. René-Paul Savary. - Je me félicite de cet article, qui poursuit un objectif de déjudiciarisation, que je partage.
Les amendements n°s 14 et 32 rect. sont adoptés.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 54 propose d'enrichir le rapport annuel de l'ASE.
L'amendement n° 54 est adopté.
L'amendement n° 5 tombe.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Je voudrais indiquer que tous les amendements que je vous présente sur les articles à venir ont été adoptés à l'unanimité par la commission des lois. La commission des lois a réservé un accueil positif à ce texte, considérant qu'il apportait des améliorations à la loi de 2007. Lorsqu'il existe un désaccord de la commission, c'est qu'elle estime que la rédaction du texte contrevient à l'objectif recherché.
La commission des lois propose la suppression de cet article car, s'il est adopté, les garanties prévues par la loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs ne seront plus applicables. Certaines familles déplorent effectivement de ne pouvoir accéder au dossier de leur enfant lorsqu'il contient des informations judiciaires. Cette difficulté d'accès se fonde pourtant sur des raisons solides. Le dossier de l'enfant porte la trace des signalements avec l'identité de leurs auteurs. Il peut comporter le témoignage du mineur sur ses parents. Le rendre accessible exposerait le mineur à de réels dangers. L'occultation des faits susceptibles d'une qualification pénale ne suffit pas. Cet article permettrait en outre de consulter une partie du dossier judiciaire sans, comme cela est en principe prévu, le filtre de l'avocat.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je souhaite le maintien de cet article à ce stade et nous pourrons ouvrir le débat en séance publique.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Ce débat peut avoir lieu sur un amendement de rétablissement de l'article.
Mme Laurence Cohen. - Une suppression pourrait permettre de réintroduire l'article avec une rédaction différente.
L'amendement de suppression n° 33 est adopté.
Les amendements nos 55 et 6 tombent.
L'article 10 est supprimé.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Les amendements nos 24 et 34, identiques, suppriment les dispositions relatives aux tiers.
Les amendements nos 24 et 34, identiques, sont adoptés.
L'amendement n° 26 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 35 supprime des alinéas qui confèrent au juge des enfants la mission de fixer, si tel est l'intérêt du mineur placé, les relations qu'il peut avoir avec un tiers avec lequel il a noué des liens affectifs. Avis défavorable.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - L'objet de ces deux alinéas est, dans le cas du placement, satisfait par le droit existant, en vertu d'un arrêt de la Cour de cassation du 9 juin 2010. Viser globalement les mesures d'assistance éducative, sans distinguer entre les situations de placement et celles où les parents conservent toutes leurs prérogatives d'autorité parentale, porte atteinte aux droits des parents et crée une confusion entre les pouvoirs du juge des enfants et ceux du juge aux affaires familiales.
L'amendement n° 35 est adopté.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Les amendements nos 27 et 36, identiques, créent, pour le service auquel l'enfant est confié, une obligation de rechercher une solution pérenne.
Les amendements nos 27 et 36, identiques, sont adoptés.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Nous avons un désaccord de fond sur cet article dont l'idée générale est d'avoir recours à l'adoption simple comme un instrument de la protection de l'enfance.
Cet article rend l'adoption simple quasiment irrévocable. Actuellement, l'adoptant et la famille de l'adopté peuvent demander la révocation de l'adoption simple, toujours pour des motifs graves. Souvent, c'est la conduite de l'adopté qui motive la demande de révocation. Il n'est pas sûr qu'il soit dans l'intérêt de l'enfant de lui imposer le maintien d'un lien de filiation adoptive avec une personne qui souhaite rompre ce lien et qui, de ce fait, n'offre vraisemblablement plus à l'adopté l'intérêt et l'affection dont il a besoin.
Quant à la possibilité pour la famille, et en particulier pour les père et mère de sang, de demander la révocation de l'adoption simple, elle me paraît indispensable dans le cadre d'un régime qui justement repose sur le maintien du lien avec la famille d'origine. Rappelons que, dans la plupart des cas, l'adoption simple concerne l'enfant du conjoint de l'adoptant. Il peut donc demeurer souhaitable que la famille d'origine de l'enfant adopté, qui avait pourtant consenti à son adoption, puisse demander sa révocation si elle se passe mal.
Au-delà de ces considérations, il me semble que l'article 12 risque d'avoir un effet contraire à celui recherché. Le parent candidat à l'adoption simple risque d'être dissuadé et la famille d'origine de l'enfant risque désormais d'être réticente à consentir à son adoption.
Ne cherchons donc pas à faire jouer à l'adoption simple un rôle qui ne peut être le sien. En revanche, utilisons pleinement les potentialités qu'elle offre, et elles sont importantes, pour des enfants qui se trouvent dans des situations différentes de celles couvertes par l'adoption plénière.
Je cite le rapport d'information de nos collègues Michelle Meunier et Muguette Dini : « la promotion de l'adoption simple comme mesure d'intervention relevant de la protection de l'enfance suppose d'agir dans trois directions : sensibiliser et former les travailleurs sociaux à cette procédure; repérer les familles dont les enfants pourraient en bénéficier; sélectionner des candidats agréés pour l'adoption susceptibles de s'y engager ». Je souscris totalement à ces orientations, mais j'observe qu'elles n'impliquent aucune modification de l'ordre juridique.
Il y a enfin, un véritable paradoxe à prévoir, à l'article 14, la sortie d'une adoption plénière qui ne fonctionne pas et, à l'inverse, à rendre une adoption simple qui est un échec, difficilement révocable.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose la suppression de l'article 12.
M. Georges Labazée. - L'article 12 va de pair avec l'article 14. Il faut mûrir cette réflexion.
Mme Catherine Génisson. - Je voudrais comprendre en quoi cet article peut être contreproductif.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Il considère comme un obstacle ce qui n'en serait pas un si nous avions une autre approche de l'adoption simple. Il faut tenir compte du fait que souvent, ces enfants ne sont pas des nourrissons. Ce sont des enfants qui peuvent avoir une histoire difficile.
M. René-Paul Savary. - Je partage la position du rapporteur pour avis. La promotion de l'adoption simple pourrait relever des missions du conseil national créé par le texte.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Je rappelle que cette disposition a été supprimée de la proposition de loi de Mme Tabarot au profit d'une réflexion plus globale sur l'adoption.
M. Alain Milon, président. - La réflexion sur l'adoption ne peut être close par ce texte. Il y a d'autres cas à régler.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Nous sommes au coeur du sujet. L'adoption simple peut être un outil de la protection de l'enfance. Cet article doit enclencher un processus pour aller vers l'irrévocabilité jusqu'à la majorité de l'enfant. Avis défavorable.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Le débat peut avoir lieu en séance publique sur le fondement d'un amendement de rétablissement de l'article. Il obligerait le Gouvernement à nous livrer l'état d'avancement de sa réflexion.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je renvoie notamment aux propositions de l'Académie de médecine dans son rapport de février 2011 pour promouvoir cette irrévocabilité.
L'amendement de suppression n° 43 est adopté.
Les amendements nos 16 et 44 tombent.
L'article 12 est supprimé.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 18 vise à substituer à l'obligation de suivi, lorsqu'un enfant est reconnu par au moins l'un de ses parents après une naissance, sous le secret une proposition d'« accompagnement ».
L'amendement n° 18 est adopté.
L'amendement n° 7 est retiré.
L'amendement n° 8 est adopté.
L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Pour les raisons évoquées à l'article 12, je vous propose un amendement de suppression de cet article qui rend la première adoption plénière révocable, ce qui est contraire à son principe même. J'ajoute un point technique : il est possible de prévoir une adoption simple sur une adoption plénière.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis défavorable.
M. Claude Dilain. - Nous sommes face à une difficulté car cet article était demandé. Le groupe socialiste votera la suppression.
Mme Catherine Génisson. - Je souhaiterais une confirmation sur la possibilité d'adoption simple. Par qui est-elle décidée ?
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. -.Je confirme cette possibilité, qui est décidée par le juge.
M. Georges Labazée. - Notre débat reflète celui intervenu au sein du conseil supérieur de l'adoption. Les associations sont demandeuses et le ministère de la justice est défavorable.
L'amendement de suppression n°45 est adopté.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - L'amendement n° 46 supprime la nomination automatique d'un administrateur ad hoc qui poserait des problèmes financiers importants. En principe, un administrateur ad hoc a pour mission de gérer le patrimoine de l'enfant. Dans cet article, c'est de l'éducation de l'enfant qu'il s'agit. Il faudra que l'administrateur soit formé à ce type d'intervention. Le code civil permet déjà au juge de désigner un administrateur ad hoc. Faut-il le systématiser ? Je ne le pense pas.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Gardons à l'esprit l'intérêt de l'enfant. La généralisation de la nomination d'un administrateur ad hoc contribue à ce que l'intérêt de l'enfant soit mieux défendu dans les procédures d'adoption, ce qui est le principe directeur de la politique de protection de l'enfance. J'ai conscience qu'une telle désignation requiert une formation et un statut.
M. René-Paul Savary. - Soyons pragmatiques. Le plus souvent, la désignation d'un administrateur n'est pas utile. Je soutiens la suppression.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Le texte est relatif à l'adoption, il n'y a pas de conflit d'intérêt.
Mme Nicole Bricq. - Si la suppression est votée, nous ne pourrons examiner les autres amendements. Je suis surprise que la commission des lois soit défavorable à l'administrateur ad hoc. Je comprends que sa position, conformément à celle du ministère de la justice, est que ce texte ne doit comporter aucune disposition relative à l'adoption. Je soutiens cette position pour les dispositions relatives à l'adoption simple et à l'adoption plénière mais pas sur l'administrateur ad hoc. Je propose de soutenir notre rapporteure et de donner un avis défavorable à l'amendement de suppression.
M. Michel Amiel. - Je suis gêné par le caractère systématique de la désignation d'un administrateur ad hoc, compte tenu de l'article 388-2 du code civil. Je voterai la suppression.
L'amendement n° 46 est adopté.
Les amendements nos 56, 11 et 57 tombent.
L'amendement rédactionnel n° 25 est adopté.
Les amendements nos 9 et 47 tombent.
L'amendement n° 28 est adopté.
L'amendement n° 10 tombe.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - L'amendement n° 48 a pour objectif de donner plus d'envergure à l'adoption simple et d'harmoniser son traitement fiscal.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Avis favorable.
L'amendement n° 48 est adopté.
L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Cet article est satisfait par l'article 388-2 du code civil. Il témoigne d'une méfiance injustifiée à l'égard de l'ASE et des magistrats. Il serait dommage de se priver de la connaissance que l'ASE a des enfants.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Il faut apporter une réponse au fait que les départements ne doivent pas être à la fois juge et partie. Avis défavorable.
M. René-Paul Savary. - Cet article va être exploité par les familles qui vont demander systématiquement la désignation d'un administrateur ad hoc. Les responsabilités vont être diluées, ce qui ne permettra pas de régler les problèmes sans aller devant le juge. Les travailleurs sociaux risquent d'être mis en difficulté. C'est à double tranchant.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - J'ajoute qu'inscrire cette disposition à l'article 375-1 du code civil qui fixe les deux principes cardinaux de l'assistance éducative ne me semble pas approprié. Cette disposition particulière sur le service d'ASE aurait plus sa place dans le code de l'action sociale et des familles.
M. Gérard Roche. - Cet article peut sembler traduire une certaine méfiance à l'égard des services d'ASE qui font très bien leur travail. Il faut néanmoins reconnaître que les intérêts financiers de l'ASE ne sont pas toujours convergents avec ceux de l'enfant. Je suis plutôt favorable à cet article.
Mme Annie David. - Je partage l'avis de Gérard Roche. Je rappelle que cette disposition est issue des travaux et de la réflexion de la commission. Je suis défavorable à la suppression.
M. Claude Dilain. - Je poursuis le même raisonnement.
L'amendement de suppression n° 37 est rejeté.
L'amendement n° 12 est adopté.
L'article 17 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - L'amendement n° 15 vise à instituer une forme spécifique de délaissement parental, fondé sur des critères plus objectifs que l'actuelle « déclaration judiciaire d'abandon ».
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - L'amendement n° 49 propose de revenir à la notion d'« abandon », car la notion de « délaissement », d'origine psychologique, est déjà utilisée en matière pénale pour une situation bien particulière. Nous aurions deux définitions différentes pour un même terme. L'article permet une meilleure prise en compte d'aspects subjectifs, comme le caractère volontaire. Néanmoins, si les effets juridiques de l'abandon et du délaissement sont les mêmes, la notion d'abandon est plus claire car elle revêt un caractère définitif, ce qui n'est pas le cas de la notion de délaissement.
M. Alain Milon, président. - Il n'y a pas d'abandon de la part de parents qui se bornent à envoyer à leur enfant une carte postale par an. Il pourrait en revanche y avoir délaissement.
M. Michel Amiel. - On abandonne volontairement un enfant, le délaissement est-il plus passif ?
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - La notion d'abandon permet de préserver le caractère volontaire.
L'amendement n° 15 est rejeté.
L'amendement n° 49 est adopté.
L'amendement n° 50 est adopté.
L'amendement n° 51 est adopté.
L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 19
L'amendement n° 17 est adopté.
L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - L'article 20 propose de rendre automatique le retrait d'autorité parentale pour les parents condamnés pour un crime ou un délit commis contre leur enfant ou l'autre parent. Il pose un triple problème de principe, de légalité et de méthode.
Le problème de principe est celui de l'automaticité d'une décision judiciaire. Un retrait parental automatique par principe serait contraire à notre Constitution, en particulier au principe d'individualisation des peines. J'attire en outre votre attention sur le fait que, bien souvent, si les magistrats ne prononcent pas le retrait de l'autorité parentale, c'est parce que les parents se sont déjà vus retirer cette autorité par le juge civil, sur le fondement de l'article 378-1. Autre risque d'inconstitutionnalité de la disposition, tout crime, et surtout tout délit, entraînerait automatiquement le retrait de l'autorité parentale.
Je rappelle que cette disposition ne provient pas du rapport d'information de la commission des affaires sociales. Or, le Parlement s'est déjà penché sur la question du retrait automatique de l'autorité parentale lors du débat relatif à la loi sur le renforcement de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. Un amendement en ce sens avait été déposé : il a été rejeté par le Sénat. Nous avons en revanche adopté un amendement obligeant les juridictions pénales à examiner la question du retrait de l'autorité parentale. Ce dispositif, adopté en août dernier est sage et raisonnable : il conserve l'appréciation du juge intact, mais l'oblige à se pencher sur la question.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de supprimer l'article 20.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Je ne méconnais pas le problème de constitutionnalité posé par cet article et je vous propose un amendement pour le corriger. Avis défavorable à l'amendement de suppression.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - La solution proposée ne résout pas les difficultés dans la mesure où même une infraction minime entrainerait le retrait de l'autorité parentale. Prenons l'exemple de la non-présentation d'enfant.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Le juge doit se poser la question de l'intérêt de l'enfant.
L'amendement de suppression n° 38 est rejeté.
L'amendement n° 19 est adopté.
L'article 20 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Cet article crée une nouvelle forme d'indignité successorale qui me semble inconstitutionnelle.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Sagesse
L'amendement de suppression n° 39 est adopté.
L'amendement n° 20 tombe.
L'article 21 est supprimé.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - En matière d'inceste, il me semble que le droit actuel est équilibré. Mais il est peut être bon que la loi comporte des termes qui sont dans le langage courant. Cet article pose néanmoins plusieurs problèmes. On fait de l'inceste une circonstance aggravante. Je rappelle le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus dure : le texte ainsi voté ne serait applicable dans certains cas qu'au terme du délai de prescription de 20 ans. Je rappelle également, qu'avec une dispense, le mariage est autorisé entre cousins. L'inceste peut-il être défini par la conception que la victime en a ? Ce serait problématique en droit pénal.
Mme Catherine Génisson. - Il y a une omerta sur l'inceste. La définition est peut être complexe mais nous ne pouvons différer cette question. L'attitude à l'égard de ce crime est parfois moins sévère que sur des sujets mineurs.
Mme Laurence Cohen. - Le sujet est très difficile. L'inceste provoque des catastrophes morales et psychologiques. Face à la difficulté, le réflexe est souvent d'attendre que le débat mûrisse. Mais il faut qu'il débouche. Nous avons rencontré les mêmes obstacles sur le viol ou le harcèlement sexuel.
M. Claude Dilain. - Je n'ignore pas que la chancellerie est opposée à cet article mais le sujet est tellement grave qu'il est préférable de la maintenir. Il faut avoir le courage de poser le problème.
M. Michel Amiel. - Je vais dans le même sens. Il suffit de constater les dégâts cliniques de l'inceste.
M. René-Paul Savary. - En tant que législateur nous devons tenir compte des problèmes de constitutionnalité. Cela n'empêche pas le débat.
M. Gérard Roche. - Il y a la morale et le droit. Nous posons ce problème sur le plan moral.
Mme Annie David. - Je partage les arguments de Gérard Roche. Dès qu'il s'agit d'une question de société, on nous oppose l'argument constitutionnel. Il faut que le débat ait lieu en séance.
M. François Pillet, rapporteur pour avis de la commission des lois. - Je comprends parfaitement les différents orateurs et leur sensibilité. Je m'interroge aussi sur cette question mais je vous alerte. Nous avons légiféré un peu rapidement sur le harcèlement sexuel et le texte a été invalidé. Nous risquons une censure sur cet article mais je comprends votre volonté d'avoir un débat.
Mme Michelle Meunier, rapporteure. - Il s'agit d'une violence extrême faite à l'enfant.
L'amendement de suppression n° 52 est rejeté.
L'amendement de coordination n° 30 est adopté.
L'amendement n° 40, satisfait, est retiré.
Les amendements nos 58, 41 et 42 sont adoptés.
L'article 22 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 23
L'article 23 est adopté sans modification.
L'ensemble de la proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
La réunion est levée à 13 h 17.