- Mardi 25 novembre 2014
- Mercredi 26 novembre 2014
- Institutions européennes - Suivi des résolutions européennes du Sénat - Communication de M. Jean Bizet
- Économie, finances et fiscalité - Mécanisme de résolution unique dans le cadre de l'union bancaire - Communication de M. Richard Yung
- Économie, finances et fiscalité - Paquet « croissance, emploi, investissement » - Avis politique de MM. Didier Marie et Jean-Paul Emorine
- Questions diverses
- Jeudi 27 novembre 2014
- Politique commerciale - Proposition de résolution européenne relative au traité de libre-échange transatlantique (TTIP) - Examen du rapport de M. Michel Billout
- Institutions européennes - Proposition de résolution européenne n° 73 sur l'expression des parlements nationaux lors du renouvellement de la Commission européenne - Examen du rapport de M. Robert Navarro
- Désignation des membres de trois groupes de travail
- Nomination de rapporteurs
- Questions diverses
Mardi 25 novembre 2014
- Présidence de M. Jean Bizet, président, et de M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale -La réunion est ouverte à 16 heures 30.
Nouvelle organisation territoriale de la République - Regards croisés franco-allemands sur l'organisation territoriale avec Mme Annegret Kramp-Karrenbauer, Ministre-présidente du Land de Sarre, et M. Peter Friedrich, Ministre du Land-de Bade Wurtemberg, chargé du Bundesrat, des Affaires européennes et internationales
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - M. le président Jean Bizet et moi-même sommes heureux d'accueillir Mme Annegret Kramp-Karrenbauer et M. Peter Friedrich.
Mme Annegret Kramp-Karrenbauer est aujourd'hui ministre-présidente de Sarre. Elle a commencé sa carrière publique en 1984 comme conseillère municipale de Püttlingen puis est entrée au Bundestag en 1998. En 1999, elle fut élue au parlement de Sarre et elle a rejoint en 2000 le gouvernement de la Sarre où elle a occupé différentes fonctions ministérielles. Mme Kramp-Karrenbauer est devenue ministre-présidente de la Sarre le 10 août 2011. Elle a présidé en 2008 la Conférence permanente des ministres de l'éducation des Länder et elle est plénipotentiaire chargée des affaires culturelles franco-allemandes depuis août 2011.
M. Peter Friedrich est devenu en 1992 suppléant du président régional de l'organisation de jeunesse du Bade-Wurtemberg, puis en 1997 président régional de la même organisation. Parallèlement, il devient membre du comité directeur du SPD. En 2005, il fut membre du Parlement fédéral allemand et, depuis mai 2011, il est ministre chargé du Bundesrat, de l'Europe et des affaires internationales du Land de Bade-Wurtemberg, ce qui fait de lui un membre du Bundesrat. Depuis mai 2011, il est également président de la commission des questions de l'Union européenne au Bundesrat.
Nous vous avons invités car nous sommes en train d'examiner le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République qui vise à mieux répartir les compétences entre les différents niveaux de collectivités. La commission des lois a nommé deux rapporteurs, M. Jean-Jacques Hyest, membre du groupe UMP, et M. René Vandierendonck, membre du groupe socialiste. Ce choix démontre notre volonté de parvenir à un large consensus sur cette réforme et c'est pourquoi il nous a semblé utile de comparer notre organisation territoriale à la vôtre, qui est fort différente. Notre pays est traditionnellement centralisé et les collectivités territoriales dépendent fortement de l'État pour leur financement, la part des impôts étant minoritaire dans leurs ressources.
Le texte vise à renforcer le pouvoir des régions au détriment de celui des départements. En outre, et cela vous étonnera sans doute, notre gouvernement a souhaité redessiner la carte des régions, chose qui serait impensable dans votre pays. Nos régions ne sont pas héritières d'une longue histoire mais le fruit d'une décision politique nationale.
Votre système fédéral nous intéresse car, en dépit de notre centralisation historique, notre pays accorde depuis 1982 de plus en plus de pouvoirs aux collectivités.
Enfin, la Constitution confie au Sénat le soin de représenter les collectivités territoriales, si bien qu'il examinera ce projet de loi avant l'Assemblée nationale. La commission des lois poursuivra donc son travail jusqu'à la mi-décembre avant que ne commence le débat dans l'hémicycle.
M. Jean Bizet, président. - À mon tour, je salue Mme Annegret Kramp-Karrenbauer et M. Peter Friedrich. Je me permets également de saluer votre ambassadeur, Mme Susanne Wasum-Rainer, avec laquelle nous avons des contacts suivis.
À l'occasion de la réforme de la PAC de 2011, des membres du Bundesrat étaient venus nous rendre visite pour que nous parvenions à une position commune : lorsque c'est le cas, la France et l'Allemagne se font plus aisément entendre à Bruxelles.
Nos systèmes respectifs sont largement le résultat des legs de l'histoire. Le fédéralisme a marqué l'unité allemande alors que la France privilégiait un système unitaire qui s'est décentralisé depuis une trentaine d'années avec, parfois, des tentatives de recentralisation.
Comment gérer au mieux nos services publics, comment prendre en charge l'action sociale, comment favoriser le développement économique dans nos territoires, quelles infrastructures devons-nous réaliser, comment promouvoir un développement durable ? Voilà quelques-unes des grandes questions auxquelles toutes nos collectivités doivent apporter des réponses. Pourrez-vous donner des précisions sur les moyens financiers et humains dont vous disposez pour exercer vos compétences ? Les nouvelles règlementations européennes induisent des préoccupations communes : nous échangerons prochainement avec M. Friedrich au sein de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) lors de la session à Rome. La commission des affaires européennes a récemment émis un avis politique après un débat sur le paquet déchets qui inquiète les collectivités, qu'elles soient françaises ou allemandes.
Nous portons aussi une attention toute particulière aux fonds structurels : la consommation des crédits n'est pas toujours satisfaisante. Nous devons donc identifier les blocages.
Enfin, nous travaillerons avec la commission des affaires économiques sur le plan d'investissement de 300 milliards d'euros que la Commission européenne va présenter.
Mme Annegret Kramp-Karrenbauer, ministre-présidente du Land de Sarre. - Cette invitation témoigne d'une profonde confiance entre votre pays et le mien et de l'intense et fructueux échange que nous entretenons.
Aujourd'hui, 60 % des enfants de Sarre apprennent le français, soit le taux le plus élevé de tous les Länder. Le gouvernement de Sarre a présenté en janvier dernier un ambitieux projet pour l'avenir européen puisqu'il souhaite que la Sarre devienne plurilingue en l'espace d'une génération, le français complétant l'allemand. La Sarre sera alors le seul Land plurilingue de la République fédérale d'Allemagne. Des éducateurs de langue maternelle française accompagneront dès le plus jeune âge la génération qui vient de naître.
La Sarre veut être le médiateur des intérêts français et une porte d'entrée sur l'Allemagne.
La Sarre va créer des pôles de compétitivité, des clusters, sur le modèle français. Nous souhaitons commencer par l'industrie automobile qui est aujourd'hui le secteur industriel le plus important avec 80 000 employés au niveau transfrontalier. Cette coopération suppose de comprendre et de connaître son partenaire. La coopération transfrontalière entre nos deux pays est unique en Europe et elle va permettre de construire l'avenir.
Mon quotidien est marqué par les acquis de notre coopération. Ainsi en est-il de l'université franco-allemande de Sarrebruck qui permet à plus de 5 000 étudiants par an de passer la moitié de leurs études en Allemagne et l'autre moitié en France, du secrétariat franco-allemand des échanges en formation professionnelle avec plus de 4 000 apprentis par an dans 50 domaines d'apprentissage, du lycée franco-allemand avec plus de 1 000 élèves. La coopération franco-allemande universitaire concerne 450 étudiants et 2 500 jeunes ont déjà obtenu un double diplôme. Il existe aussi un réseau de 100 crèches bilingues en Allemagne et en France.
Chaque jour, 18 000 frontaliers se rendent en Sarre, 1 000 en Lorraine et 8 000 au Luxembourg. Environ 70 % des importations et des exportations sarroises sont réalisées dans l'Union ; 106 filiales et succursales d'entreprises françaises sont enregistrées en Sarre où elles y emploient 3 000 personnes et 67 entreprises sarroises avec 119 succursales sont implantées en France.
Des textes permettent de signer des accords et des traités au niveau régional : nous voulons garantir la sécurité juridique des structures de coopération afin de maintenir la continuité des réseaux et des structures transfrontalières. Le droit à l'expérimentation en France nous semble opportun car il donnera aux régions transfrontalières une certaine autonomie, notamment pour gérer les fonds européens.
Les régions transfrontalières sont confrontées à des défis particuliers : la grande région Saar-Lor-Lux est un réseau de coopération dont l'intensité est unique dans l'Union européenne : un État national souverain, le Luxembourg, collabore avec succès avec des Länder fédérés mais aussi avec la Lorraine et la Wallonie.
En France, nous sommes confrontés aux défis des différentes structures administratives. Il serait souhaitable que votre réforme territoriale renforce les relations franco-allemandes en prenant en compte l'importance des régions transfrontalières.
Vive la France, vive l'Allemagne et vive la coopération transfrontalière !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Merci pour cette intervention qui a touché le coeur de mes collègues. Vous avez montré votre intérêt pour le droit à l'expérimentation et pour la coopération transfrontalière qui peut aller au-delà de nos régions respectives.
Merci aussi de vous être exprimée en français.
M. Peter Friedrich, ministre du Land de Bade-Wurtemberg, chargé du Bundesrat, des Affaires européennes et internationales. - Merci pour votre invitation. Le Bade-Wurtemberg et la France ont une frontière très perméable de 184 kilomètres. Ma région n'aurait jamais existé sans Napoléon et divers Länder ont dû leur création à la France. A contrario, Montbéliard était la résidence du duc de Wurtemberg au XIVème siècle. Nous avons donc des liens étroits depuis très longtemps. Les Allemands se rappelleront toujours du discours de Charles de Gaulle en 1963 sur le traité d'amitié franco-allemand... Le Bade-Wurtemberg est proche de l'Alsace et il s'agit du premier foyer de coopération européenne. Nous avons un euro-campus avec Fribourg, Strasbourg, Karlsruhe et Bâle. Notre région accueille plusieurs dizaines de milliers de frontaliers chaque jour. Il s'agit d'un exemple vraiment réussi d'intégration européenne. N'oublions pas les 400 jumelages entre nos villes.
Nous voulons développer la formation en alternance avec l'accord-cadre sur la formation professionnelle ainsi que la transition énergétique bien que nous n'ayons pas les mêmes intérêts de part et d'autre. Pour les déchets, nos initiatives mutuelles pourraient déboucher sur des projets de coopération à l'exportation.
Votre réforme territoriale sera certainement décisive pour votre pays mais aussi pour la coopération transfrontalière. Le maire de Kehl, lors de son départ, a dit que pendant ses seize ans de mandat, il avait travaillé en bonne intelligence avec Strasbourg, mais qu'il n'avait toujours pas compris comment la mairie fonctionnait. Et M. Ries peut en dire de même pour la mairie de Kehl. Mais ces incompréhensions n'empêchent pas de travailler ensemble.
Votre réforme territoriale ne peut aboutir à une parfaite homogénéité entre nos institutions. En revanche, nos relations doivent être parfaites. Notre système fédéral tient au fait que l'État allemand est né très tard et que les Länder, les communes et les villes ont toujours joué un rôle de premier plan. Leur autonomie en matière de recettes n'est pas totale. En revanche, elle l'est pour les dépenses. Notre système fiscal nous permet de collecter directement certaines taxes. Le Bade-Wurtemberg compte 10,5 millions d'habitants et son budget annuel s'élève à 40 milliards d'euros.
L'échelon national est compétent en matière de défense et d'emploi, mais la plupart des organes d'exécution sont aux mains des Länder et des communes.
La loi accorde aux Länder des dotations financières et un pouvoir de décision. Ils jouent un rôle national très important : le Bundesrat est la seule chambre parlementaire au monde qui est constituée de gouvernements. En matière de droit européen, le Bundesrat a quasiment le même rôle que l'État fédéral. Bien qu'ils n'aient pas de pouvoir en matière de politique étrangère, ils mènent des politiques d'accompagnement, notamment en matière transfrontalière. Dans le domaine éducatif et culturel, le Bundesrat représente la République fédérale d'Allemagne et il dispose d'une représentation à Bruxelles. Enfin, il a conclu des partenariats régionaux, notamment avec l'Alsace et la région Rhône-Alpes.
Nous avons constamment des débats sur l'évolution du fédéralisme, en particulier sur la répartition des moyens financiers entre l'État fédéral et les Länder. Nos compétences sont réparties entre les différents échelons et, parfois, nos marges de manoeuvre sont un peu limitées, surtout en matière européenne.
Je ne vais pas vous donner de conseils sur le découpage de vos régions mais nous espérons que nous pourrons continuer à travailler ensemble. Je crains que nous nous retrouvions avec des régions immenses ce qui diluerait l'intérêt des projets transfrontaliers.
Nous avons mis en place un certain nombre de structures transfrontalières, comme les eurodistricts ou la conférence franco-germano-suisse du Rhin supérieur. Si nous arrivons à tirer profit de notre potentiel géographique, nous aurons sans doute plus d'écoles et d'universités que d'autres régions plus centrales, à condition de travailler de façon transfrontalière. Avec la France, nous avons affaire à des trinités de compétences : le département, la région et l'État. Nous espérons que la réforme dira qui est compétent et dans quel domaine. La répartition des compétences est plus importante que le découpage des régions.
Comme l'a dit Mme Kramp-Karrenbauer, vive l'amitié franco-allemande !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Mes collègues ont beaucoup apprécié votre intervention qui nous a permis de comprendre comment vous perceviez notre pays, même si vous avez pris soin de ne pas interférer avec nos débats en cours.
Vous appelez de vos voeux une meilleure répartition des pouvoirs entre l'État et les régions alors que le projet de loi insiste plutôt sur la répartition de ceux-ci entre les départements et les régions : la définition des compétences est au coeur de nos réflexions.
M. Jean Bizet, président. - Les répartitions de compétences vous semblent plus importantes que le tracé des régions, mais notre gouvernement a commencé autrement.
Depuis des décennies, la France a du mal à faire émerger un modèle de formation par alternance aussi performant que le vôtre. En Allemagne, les métiers manuels sont bien plus valorisés que chez nous. Comment faire pour améliorer les choses en dépassant le cadre transfrontalier ?
Nos régions n'arrivent souvent pas à consommer les fonds structurels européens. Comment faites-vous ? Avec les nouvelles modalités de répartition, les régions qui ne consomment pas la totalité des fonds qui leur sont attribués se voient pénalisées l'année suivante par de moindres dotations.
M. Jean-Jacques Hyest. - Nos collègues députés auraient dû écouter M. Friedrich : leur regard aurait peut-être été moins hexagonal lors du découpage des régions.
Vous évoquez des coopérations transfrontalières mais aussi des difficultés avec la France dues aux diverses strates de compétences. En Allemagne, qui est compétent en matière d'université, de recherche et d'emploi ? Nos régions ne seraient-elles pas mieux à même de traiter de ces questions ?
M. René Vandierendonck. - Est-il préférable d'avoir des dotations garanties par la Constitution ou une autonomie fiscale contingente ?
Vous prônez l'expérimentation pour les territoires transfrontaliers. Enfin, vous souhaitez la simplification des compétences dans notre pays. Comment adapter la règlementation à la diversité des situations et des territoires, sachant que nous sommes soumis à un contrôle de légalité ?
M. Pierre-Yves Collombat. - Je remercie nos invités. En France, l'Allemagne est une référence, mais j'ai cru comprendre que la répartition des compétences n'y est pas toujours aussi claire, car les Länder sont le bras armé de l'État fédéral, d'où certains chevauchements.
M. Jacques Bigot. - Pour améliorer les relations transfrontalières avec la Sarre et le Bade-Wurtemberg, il faut l'Alsace-Lorraine !
La France cherche à doter les grandes régions de compétences économiques. Qu'en est-il en Allemagne ? Nous sommes focalisés sur nos très grandes entreprises alors que l'économie allemande semble plus portée par les entreprises elles-mêmes que par le politique.
M. Michel Amiel. - La réforme des métropoles va se faire dans les Bouches-du-Rhône contre l'avis de 109 maires sur 119. En Allemagne, qui est compétent en matière sociale et de droit du sol ?
M. Mathieu Darnaud. - Le budget de la région Rhône-Alpes s'élève à 2,5 milliards d'euros, alors que le Bade-Wurtemberg dispose de 40 milliards d'euros.
Dans le débat sur la réforme territoriale, il y a les tenants du département et ceux de la région. Dans le Bade-Wurtemberg, comment s'exerce la répartition des pouvoirs entre le Länder et le Länderkreis ?
M. Yves Pozzo di Borgo. - Même au Sénat, certaines régions sont plus fortes que d'autres : les Normands dirigent cinq commissions sur sept, plus la questure !
J'ai longtemps fait partie de l'inspection générale de l'éducation nationale. Quoique l'un de ses ministres l'ait comparée à un mammouth, sa structure centrale est assez faible ; beaucoup de compétences sont exercées au niveau local, mais toujours a minima : les budgets sont gérés depuis Paris, les inspecteurs d'académie n'ont pas tout pouvoir, le nombre d'enseignants par discipline étant déterminé au niveau central... Les seules compétences véritablement décentralisées sont la construction des établissements et la gestion des agents techniques et de service. Ce ministère serait depuis longtemps plus efficace s'il était davantage décentralisé. Comment nos amis allemands gèrent-ils leur système éducatif ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Les Länder subventionnent-ils les projets d'investissement des districts et des villes qui les composent ? Qui s'occupe de la construction et de l'entretien des routes ? Qui décide de l'implantation des collèges ? Les districts, enfin, ont-ils des compétences en matière de développement économique ?
Mme Annegret Kramp-Karrenbauer. - Nous n'avons pas la même conception de l'État. L'Allemagne fédérale a toujours eu une structure décentralisée : les Länder sont l'ossature de la République. Il n'est pas faux de parler de « mythes » : 90 % des parents allemands vous diraient qu'ils préfèrent le système d'éducation centralisé à la française. Or les Länder ont les compétences de la politique scolaire, de la gestion de la police et d'une partie de celle de la justice. Il en résulte une concurrence entre Länder, du fait notamment que les structures scolaires ne sont pas partout les mêmes. Près de 60 % des écoliers de Sarre apprennent le français, mais ne retrouvent pas cette possibilité s'ils déménagent, par exemple, en Rhénanie-Palatinat. L'équivalent allemand du baccalauréat varie d'une région à l'autre. L'étude « Pisa » a révélé les difficultés qui découlent de ces disparités. La perception des problématiques varie d'un Land à l'autre - à l'exception de la formation en alternance : l'administration fédérale contribue à son organisation, en coordination avec les employeurs et les syndicats, afin de définir les différents métiers et les contenus enseignés. C'est un aspect de notre système qui fonctionne très bien. L'enseignement supérieur est, lui, du ressort des Länder, même si l'État fédéral s'est beaucoup engagé, ces dernières années, dans le domaine de la recherche et si la Loi Fondamentale a été modifiée en ce sens. Les Länder débattent actuellement d'une extension de cette coopération à l'enseignement secondaire.
En matière de sécurité intérieure, seule la police aux frontières relève de l'État fédéral. L'administration de la justice dépend elle aussi largement des Länder. La coopération avec l'État s'est cependant améliorée dans ce domaine comme dans celui de l'éducation. Les cadres des forces de police suivent des formations communes et nombre de tactiques sont développées en commun. Des effectifs peuvent, en cas de besoin, être détachés d'un Land à l'autre.
Les finances des Länder présentent d'importantes différences. La Sarre, région industrielle, a été rattachée tardivement à l'Allemagne, si bien que les sièges de ses grands groupes se trouvent plutôt au Bade-Wurtemberg, qui perçoit l'essentiel des recettes fiscales. Un système de péréquation est donc nécessaire, tant entre Länder qu'entre échelon fédéral et régional. C'est une pierre d'achoppement de nos négociations.
Le développement de notre économie bénéficie de certains programmes européens ; les Länder en pilotent d'autres. La Sarre s'attache à les concerter pour en obtenir le meilleur impact. Nous souhaitons pouvoir proposer des zones industrielles à des prix intéressants afin de soutenir les entreprises qui créent des emplois.
La question des infrastructures est d'actualité : outre les autoroutes, construites et entretenues par l'État, les projets des Länder concernant leur propre réseau routier sont annoncés dans le cadre de plans de transport. Nous avons également besoin d'infrastructures numériques établissant des connexions rapides, notamment grâce à la fibre optique : c'est un argument important pour attirer les entreprises.
La coopération transfrontalière a fait en quelques années des progrès considérables, même si des difficultés surgissent parfois lorsque nous traitons avec des régions autonomes. Le sommet des grandes régions européennes peut être une occasion d'étonnement : nous ne savons pas toujours qui, parmi les représentants de différentes institutions françaises, est notre véritable interlocuteur. Ils ne sont d'ailleurs pas toujours d'accord entre eux, ni bien au fait des intérêts qu'ils défendent.
Le droit à l'expérimentation doit être défini en adoptant le point de vue des citoyens. Certains habitants de la Sarre se rendent quotidiennement en Moselle ; pour eux, le passage transfrontalier est une réalité bien plus concrète que l'État fédéral : Paris est plus proche que Berlin. Mes concitoyens aspirent à une bonne qualité de vie, à un accès facile aux emplois et à la sécurité, sans obstacle aux frontières. Les policiers français doivent pouvoir poursuivre un malfaiteur en Allemagne, avec leurs armes, sans autorisation spéciale ; un malade doit pouvoir accéder aux urgences de l'hôpital le plus proche, même s'il se trouve de l'autre côté de la frontière.
La formation en alternance est l'un des aspects concrets du phénomène transfrontalier. Près de 8 % des jeunes de Sarre sont au chômage et, du fait de l'évolution démographique, six cents places d'apprentis n'ont pas été pourvues. La Lorraine, elle, compte plus de 20 % de jeunes chômeurs. Une convention-cadre permet désormais aux jeunes Français de suivre une formation en alternance dont la partie pratique se déroule en Allemagne, tandis que les cours ont lieu en France. L'inverse est proposé aux Allemands. Si les divers aspects administratifs ont été réglés, des obstacles culturels subsistent dans les esprits. Les parents français restent réticents à l'égard de la formation en alternance, en dépit d'exemples de réussite : je me suis rendue en janvier dernier dans la première section franco-allemande d'un lycée professionnel qui forme des mécaniciens de l'avionique. Elle a attiré de nombreux élèves parce que la partie française a organisé un concours de recrutement, chose impensable en Allemagne car synonyme d'élitisme. Notre ambition est de créer un réseau de lycées professionnels franco-allemands, notamment dans le domaine social et paramédical. Une action concertée en ce sens, notamment avec la Lorraine dont nous partageons beaucoup d'intérêts, a davantage de chances de réussir. Les éducateurs, comme les personnels soignants de part et d'autre de la frontière, devraient être formés ensemble. La difficulté sera évidemment d'adapter l'apport allemand aux spécificités françaises.
Certaines de nos entreprises qui apparaissent comme de grands groupes à l'étranger sont pour nous des petites et moyennes entreprises (PME), même si elles emploient plusieurs milliers de salariés. Elles sont les véritables moteurs de l'innovation qui permet à l'économie allemande de progresser. La Sarre compte ainsi plusieurs producteurs d'équipement minier qui, dans le passé, réalisaient 90 % de leur chiffre d'affaires en Rhénanie-Westphalie ou en Sarre, et 10 % à l'étranger. Cette proportion s'est inversée : la technologie de cette industrie est désormais exportée vers les mines colombiennes ou chinoises, pour un chiffre d'affaires annuel de 260 millions d'euros concentré dans une PME familiale qui n'est pas cotée en bourse. Voilà l'intérêt d'être plus novateur et plus flexible : les PME forment un tissu économique plus résistant aux crises que quelques grands groupes.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Merci, madame la ministre-présidente. Votre réponse très complète nous a fait toucher du doigt la puissance des Länder allemands lorsqu'ils interviennent dans des domaines d'action dont certains échappent évidemment à nos présidents de région.
M. Peter Friedrich. - La réalité est une composition complexe de divers éléments : les citoyens allemands ont sur notre efficacité un point de vue analogue à celui des citoyens français sur celle de leur administration. Nous avons, nous aussi, beaucoup d'améliorations à faire. Le président Bizet m'interrogeait sur l'emploi des fonds européens : ils font l'objet en Allemagne d'une gestion décentralisée, particulièrement efficace pour la répartition du Fonds social européen (FSE).
Nos communes jouissent d'une grande liberté d'autogestion : elles disposent de leur budget et d'une compétence règlementaire en matière d'aménagement, d'urbanisme ou encore de gestion des déchets. Les districts sont organisés sur le même modèle : des compétences leurs sont attribuées et ils remplissent des missions, notamment pour le Bund. Les communes perçoivent elles-mêmes certains impôts, et peuvent en faire varier le taux. Les districts sont financés par une redevance des communes et par une subvention du Land. Nous nous efforçons de ne pas laisser la concurrence fiscale s'introduire entre nos territoires, l'évasion fiscale étant une préoccupation générale.
Les Länder sont compétents en matière d'éducation : ils sont les employeurs des enseignants et des chercheurs. Les communes mettent les locaux à disposition et déterminent les sites des nouveaux établissements. Outre ses 100 000 enseignants, le Bade-Wurtemberg emploie encore 40 000 policiers : ce sont ses deux principaux ensembles de salariés. Le Land est également compétent en matière de justice et en matière fiscale - d'où des velléités de concurrence pour attirer les entreprises. Si le Bund fait les lois, elles sont mises en oeuvre par nos agences, comme les caisses d'assurances maladie, d'assurance chômage ou de retraite, qui se gèrent elles-mêmes. Les chambres de commerce et d'industrie, ou encore d'artisanat, assurent, elles aussi, des missions de service public, notamment en matière de formation professionnelle et de contrôle économique.
L'application uniforme des lois est assurée par les juridictions, dont la hiérarchie est dominée par la Cour constitutionnelle. Leur jurisprudence est particulièrement importante dans le domaine des médias.
Les plans locaux d'urbanisme, les cadastres et, en général, le droit foncier sont du ressort des communes. Elles peuvent, lorsqu'elles se voient chargées de missions incombant normalement au Land, demander à en être relevées par l'intermédiaire du district.
Si le Bade-Wurtemberg abrite les groupes Daimler, Mercedes-Benz, Porsche, Bosch ou Hugo Boss, ils ne représentent que 2 % de notre économie. Le reste repose sur les PME qui se gèrent elles-mêmes.
La coopération transfrontalière devrait autoriser des collectivités territoriales des deux pays à se réunir en districts administratifs auxquels elles délégueraient des missions. La langue n'est pas nécessairement un obstacle : notre coopération avec la Suisse allemande n'est pas plus facile qu'avec la France.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Merci pour vos réponses, monsieur le ministre. Les Français ont parfois une réputation d'arrogance, mais nous sommes aussi capables d'admettre humblement que nous sommes moins bien organisés que nos voisins. Nos échanges auront fait apparaître nos préoccupations communes, tout en facilitant l'acceptation de nos différences. Je laisse à Jean Bizet, orfèvre en matière de relations franco-allemandes, le soin de conclure notre séance.
M. Jean Bizet, président. - Vous nous avez apporté, monsieur le ministre, des pistes de réflexion nouvelles pour le moment où nous nous pencherons sur les compétences de nos collectivités. Dans les régions transfrontalières comme la Sarre, l'esprit européen a bien plus d'influence qu'ailleurs. Le droit à l'expérimentation avait jadis été évoqué dans certaines régions, l'exemple allemand nous incite à l'essayer à nouveau.
La formation en alternance est un enjeu fondamental qui mérite que l'on aille au-delà de la coopération transfrontalière. La sélection des élèves français par concours lui apporterait un prestige supplémentaire.
La péréquation financière est également au coeur de nos réflexions, de même que la mise à plat de la fiscalité locale. Voilà plus de vingt ans que je la défends : la mutualisation entre nos structures va dans le sens de l'histoire.
Vous avez parlé du numérique : c'est un point sur lequel nous pourrions avancer de concert. Le rapport de nos collègues Gaëtan Gorce et Catherine Morin-Desailly sur la gouvernance européenne de l'internet a fait apparaître notre communauté de vision sur l'enjeu du Big data. Nous ne pourrons la mettre en oeuvre qu'ensemble.
J'ai noté avec intérêt que vous aviez décentralisé la consommation des fonds structurels. Nous devrions peut-être nous en inspirer : la Basse-Normandie a manqué récemment d'obtenir 4 millions d'euros du cadre financier pluriannuel.
Vous nous donnez, dans l'ensemble, l'impression d'un grand pragmatisme : lorsqu'un Land ne peut assurer la mise en oeuvre de telle ou telle opération, vous n'hésitez pas à la déléguer. Nous aurons donc toujours intérêt à observer ce qui se passe de l'autre côté de ce qui ne doit plus être une frontière, dans le cadre de l'Europe élargie. Essayons de nous enrichir de nos différences.
La réunion est levée à 18 h 15.
Mercredi 26 novembre 2014
- Présidence de M. Jean Bizet, président -La réunion est ouverte à 15 heures 05.
Institutions européennes - Suivi des résolutions européennes du Sénat - Communication de M. Jean Bizet
M. Jean Bizet, président. - Mes chers collègues, je souhaite, à titre liminaire, évoquer devant vous le suivi des résolutions européennes adoptées par le Sénat, qui constitue un enjeu important.
Au titre de l'article 88-4 de la Constitution, nous adressons au Gouvernement nos positions sur les textes en discussion dans les instances européennes. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, nous pouvons le faire désormais sur « tout document émanant d'une institution européenne ». C'est un élargissement important du champ des résolutions européennes dont le Sénat s'est saisi au cours de ces dernières années. Je pense en particulier à nos résolutions sur le vin rosé, sur les profils nutritionnels ou encore sur la procédure de révision des textes relatifs à la protection des données.
Encore faut-il que nous sachions ce que le Gouvernement fait de nos résolutions. Certes, dans notre système de séparation des pouvoirs, il n'est pas juridiquement tenu de s'y conformer. Il n'existe pas, comme dans certains États membres, de mandat de négociation auquel le Gouvernement doit obligatoirement se tenir. Mais au titre du contrôle exercé par le Sénat sur l'action européenne du Gouvernement, il est logique que nous disposions d'informations sur la position que celui-ci adopte dans les négociations européennes. Quel sort réserve-t-il à nos prises de position ? Au-delà, les résolutions européennes, quel que soit leur objet, doivent permettre un véritable dialogue avec l'exécutif.
Ce sujet, nous l'abordons depuis quelques années, de façon récurrente avec les ministres en charge des affaires européennes et avec le SGAE. Certains d'entre nous se souviennent que, lors de l'audition de M. Bernard Cazeneuve, alors en charge des affaires européennes, en juillet 2012, notre collègue Simon Sutour lui avait remis l'ensemble des résolutions adoptées par le Sénat ! Le précédent SGAE, M. Serge Guillon, avait fait part, au cours de son audition en février 2013, de son attachement à des relations transparentes et franches entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Il avait indiqué qu'il demandait et utilisait de nombreuses résolutions pour définir les positions de la France dans la négociation européenne. Une telle démarche doit aider le Gouvernement. Il avait néanmoins reconnu que cette démarche n'était sans doute pas assez formalisée et, surtout, que le Gouvernement n'en rendait pas suffisamment compte au Sénat.
En juin 2013, le dispositif de suivi des résolutions européennes a été relancé. Il s'agit d'un suivi trimestriel. Le Gouvernement adresse à la commission des affaires européennes des fiches qui font un point sur l'état des négociations et sur la position française sur les questions ayant fait l'objet de la résolution. Les deux dernières fiches que nous avons reçues en octobre ont porté sur les biocarburants et sur le Mécanisme de résolution unique (MRU) destiné à traiter les faillites bancaires. Richard Yung nous parlera dans un instant de ce dernier sujet. Nous reviendrons sur la question importante des biocarburants dans une prochaine réunion.
Il faut souligner l'effort entrepris par le SGAE dans la mise en oeuvre de cette procédure. Au total, nous avons reçu treize fiches de suivi en 2014 contre cinq en 2013. Pour l'essentiel, elles nous ont été adressées fin août et fin octobre. Vous les trouverez dans le dossier qui vous a été remis. Nos rapporteurs en rendront compte devant la commission.
Je veux toutefois évoquer deux difficultés que soulève la procédure de suivi dans sa forme actuelle. D'abord, le SGAE nous adresse des fiches de suivi sur des résolutions qui ont porté sur un projet d'acte. Aussi nos résolutions qui ne portent pas sur un projet d'acte ne sont pas prises en compte, ce qui est assez déplaisant. Vous en trouverez la liste dans le tableau figurant au dossier. Des sujets aussi importants que les droits de plantation, les droits des consommateurs, la lutte contre le gaspillage alimentaire, les aides d'État aux aéroports régionaux, la citoyenneté européenne ou encore le dumping social dans les transports européens, sont précisément laissés de côté. Ce sont pourtant des sujets importants que l'on prend soin d'examiner très en amont !
Cette solution ne me paraît pas satisfaisante. La procédure de l'article 88-4 doit permettre un dialogue avec le Gouvernement sur tous les sujets européens dont le Sénat se saisit. La fiche de suivi n'est bien sûr qu'un instrument de ce dialogue. Mais elle peut constituer une source appréciable d'information. En outre, comme je l'ai indiqué précédemment, c'est la Constitution elle-même, depuis la révision de 2008, qui nous autorise à adopter des résolutions qui ne portent pas spécifiquement sur un texte européen. Un dialogue doit donc pouvoir se dérouler, à partir de la fiche de suivi, quelle que soit la base de notre résolution, projet d'acte ou simple document.
En deuxième lieu, le SGAE établit une fiche de suivi lorsque le texte a fait l'objet d'un accord politique au Conseil au cours du trimestre écoulé. On peut comprendre que cette circonstance donne une base plus solide pour faire un état de la négociation. Dans le même temps, elle conduit à ce que nous ayons des retours très tardifs sur nos résolutions. Comme vous pourrez le constater à la lecture du tableau, les fiches nous sont transmises un an, voire plus, après l'adoption de la résolution. En outre, la conclusion d'un accord politique signifie que la négociation est en voie d'être finalisée. Ce qui veut dire que nous n'avons plus la possibilité d'avoir un échange utile avec le Gouvernement sur son déroulement.
Je prendrai l'exemple de la protection des données personnelles. Le texte de la Commission européenne prend la forme d'un règlement qui sera d'application directe une fois adopté. Sur le rapport de Simon Sutour, nous avions adopté une résolution européenne, en mars 2013, qui souligne plusieurs priorités que le Sénat souhaitait voir prises en compte, notamment sur la question sensible du guichet unique. Depuis lors, la négociation s'est poursuivie. La nouvelle Commission souhaite la faire aboutir. Pouvons-nous attendre la conclusion d'un accord politique pour savoir ce qu'il est advenu de nos positions sur ce sujet sensible pour la protection des droits fondamentaux ?
Pour conclure, je veux à nouveau souligner que cette procédure de fiches de suivi n'est qu'un moyen, certes important, pour savoir ce que deviennent les résolutions que nous votons. Comme je l'avais indiqué lorsque nous avons débattu de notre programme de travail, je vous proposerai de procéder à l'audition des ministres avant des réunions du Conseil qui doivent aborder des questions ayant fait l'objet de résolutions du Sénat. Nous pourrons alors avoir un échange direct avec le Gouvernement sur l'état des négociations et la position qu'il entend défendre au Conseil.
Il importe ainsi de bien faire comprendre au Gouvernement que les positions arrêtées lors de nos débats ne doivent pas demeurer lettre morte et lui rappeler notre souhait qu'il se conforme à notre position. Si tel n'était pas le cas, il ne faudrait pas s'étonner que le Sénat ne suive pas la position du Gouvernement lorsqu'il présente un projet de loi de transposition. D'ailleurs, l'ensemble des sujets que notre Commission a abordés demande une réponse.
Je tiens enfin à souligner que le SGAE, qui rassemble des équipes qui suivent de près les dossiers, est un service de grande qualité. Notre dialogue doit donc être approfondi.
M. Simon Sutour. - Je pense que tout cela n'est pas satisfaisant ! Une proposition de résolution permet certes de faire connaître la position publique de notre commission, mais celle-ci ne fait pas l'objet d'un suivi suffisamment attentif de la part du Gouvernement. Il est vrai que nous avons déjà pu obtenir satisfaction comme sur la question des plantations viticoles. Le Gouvernement fait, en revanche, plus attention lorsqu'il sollicite en urgence le président de la commission pour une levée de la réserve d'examen parlementaire. Et d'ailleurs, le président de la commission est libre de faire part au Gouvernement de son désaccord. Je l'ai moi-même manifesté lors de l'examen de l'accord avec les États-Unis sur le transfert de données des passagers aériens (PNR). Il faudra ainsi conduire une démarche analogue de suivi s'agissant des avis politiques que nous transmettons à la Commission européenne.
M. Jean Bizet, président. - Nous avions en effet, notamment avec notre collègue Robert Badinter, fait preuve d'une grande vigilance sur la question des PNR. Il n'est pas toujours possible de lever la réserve d'examen parlementaire sur les dossiers qui nous sont transmis. C'est notre responsabilité d'exprimer nos réserves sur tout texte qui le mérite.
M. Simon Sutour. - Les avis motivés au titre de la subsidiarité permettent par ailleurs aux parlements de donner un signal efficace aux institutions européennes. Le SGAE est en effet une bonne administration mais le suivi de nos résolutions dépend en grande partie de l'implication de son responsable.
M. Richard Yung. - C'est aussi souvent utile pour le Gouvernement que nous prenions position en cours de négociation ; D'ailleurs, nos voisins allemands le font souvent et il n'y a pas de raison, qu'à notre tour, nous ne soutenions pas notre propre gouvernement de la sorte ! Nous l'avons fait avec succès pour les fonds de résolution unique.
M. Jean Bizet, président. - Je rappellerai nos positions au ministre en charge des affaires européennes et notre souhait d'avoir un dialogue avec le Gouvernement avant les réunions du Conseil. Nous devons être particulièrement vigilants sur certains dossiers en cours comme la transposition du traité transatlantique de libre-échange. Sur les Indications géographiques protégées (IGP), on constate les divergences entre le Nord, qui s'estime peu concerné et se rapproche des États-Unis sur cette question, et le Sud de l'Europe, pour lequel les appellations et le terroir apportent aux productions agricoles et agronomiques une forte valeur ajoutée.
Économie, finances et fiscalité - Mécanisme de résolution unique dans le cadre de l'union bancaire - Communication de M. Richard Yung
M. Jean Bizet, président. - Nous allons maintenant entendre une communication de Richard Yung sur le mécanisme de résolution unique dans le cadre de l'union bancaire.
La construction de l'union bancaire est un enjeu essentiel pour mettre en place une régulation qui a cruellement fait défaut au moment de la crise financière. L'Union européenne s'est dotée d'un mécanisme de supervision unique. Il est confié à la Banque centrale européenne (BCE). Il permet de superviser les principales banques de la zone euro.
Il convient désormais de finaliser le mécanisme de résolution unique. C'est indispensable pour que les contribuables ne subissent plus les conséquences des défaillances bancaires. Un conseil et un fonds de résolution uniques seront instaurés.
Le Sénat a adopté, sur notre initiative, en mars dernier, une résolution européenne sur ce mécanisme de résolution unique. Nous sommes intéressés de savoir ce que le Gouvernement a fait de cette résolution. Elle fait l'objet d'une fiche de suivi qui vous a été distribuée.
Ce dispositif ne sera cependant opérationnel qu'une fois ratifié l'accord intergouvernemental signé le 21 mai. Or, la question du financement du fonds reste problématique. Le Sénat a manifesté sa préoccupation récemment. Sur l'initiative de Richard Yung, il a conditionné la participation de la France à ce mécanisme à l'issue des négociations sur les contributions nationales au fonds de résolution.
Richard Yung a suivi ces questions et nous a rendu compte à plusieurs reprises des avancées de ce processus
M. Richard Yung. - Ma communication portera sur l'un des volets de l'Union bancaire. Nous avions déjà traité l'aspect surveillance qui concernait la mise en place du Mécanisme de Surveillance Unique par la Banque centrale européenne. Les tests de résistance et la revue de la qualité des actifs bancaires y ont été publiés ; la Banque centrale européenne est désormais effectivement le superviseur unique des banques de la zone euro.
Nous avions adopté, en mars dernier, une résolution européenne qui portait sur ce mécanisme de résolution. Cette résolution, présentée par la commission des affaires européennes et approuvée sans modification par la commission des finances, s'intégrait dans la continuité des travaux menés par le Sénat sur les différentes étapes de l'union bancaire. Elle visait notamment les modalités de la mise en place de règles uniformes pour les 28 États membres en ce qui concerne la résolution et le financement des crises bancaires sous la forme d'une directive dite BRRD qui précise l'ordre d'appel des fonds allant des actionnaires privés jusqu'aux fonds nationaux eux-mêmes auxquels se substituera progressivement un fond européen. Rappelons que cette démarche s'avère motivée notamment par le souci de prévenir que les contribuables ne soient mobilisés en lieu et place des banques.
Elle visait aussi le règlement dit MRU instituant un mécanisme de résolution unique et un Fonds de résolution unique destinés à traiter les défaillances bancaires au sein de la zone euro.
Ce règlement très technique doit permettre, en trente heures, de faire face à une défaillance bancaire au sein de la zone euro.
Si l'adoption du règlement MRU, de la directive BRRD et la poursuite de la mise en place du mécanisme de surveillance unique sont autant d'éléments que le Sénat a soutenu dans sa résolution, il reste encore aujourd'hui des points majeurs en négociation.
En effet, la mise en place du Mécanisme de Résolution Unique, est étalée dans le temps et complexe.
Étalée dans le temps tout d'abord car, malgré l'adoption du règlement MRU, il faudra attendre la mise en place du Fonds de résolution unique pour que les dispositions relatives à la résolution s'appliquent. Or, la mise en place du Fonds de résolution suppose la ratification de l'accord intergouvernemental (AIG) qui n'entrera en vigueur que lorsqu'il aura été ratifié par les États membres représentant 90 % des votes pondérés au sein de l'Union bancaire.
Complexe car le mécanisme de résolution des crises bancaires a été scindé en deux instruments juridiques : un règlement créant un mécanisme de résolution et un accord intergouvernemental (AIG), portant sur l'utilisation des fonds.
La question du financement du fonds, qui sera doté à terme de 55 milliards d'euros, et de sa répartition nationale entre les banques de l'Union bancaire est rapidement apparue comme centrale au bon fonctionnement du mécanisme. La résolution adoptée par le Sénat avait d'ailleurs souligné l'importance des règles de contribution des banques au fonds de résolution unique et la nécessité de ne pas créer de distorsion entre les systèmes nationaux. C'est dans le même esprit que le Sénat a, lors de l'examen du projet de loi DDADUE visant notamment à adapter notre droit au règlement MRU, conditionné la participation de la France au MRU à l'issue des négociations sur les contributions nationales au fonds de résolution.
Ce paquet de mesures contient ainsi un acte délégué, qui correspond à l'appel des fonds, et un acte d'exécution, qui détermine le mécanisme de montée fort complexe au demeurant.
On le voit, ce mécanisme de résolution de crise est relativement complexe à mettre en oeuvre. En effet, à quels critères doit-on recourir pour déterminer la répartition entre les États ? Le total des actifs, c'est-à-dire le poids, qui est défavorable à la France puisque les établissements bancaires y sont de grande envergure, ou les actifs pondérés par les risques, puisqu'une banque, fût-elle de taille moyenne, peut s'avérer aussi dangereuse qu'une plus grande banque. Le choix de ces critères a occasionné un débat entre la France et l'Allemagne dont les petits établissements bancaires n'ont pas été pris en compte pour la détermination de la quote-part au fonds. Une telle démarche a ainsi occasionné une différence de participation entre la France, qui devait honorer une participation de l'ordre de 18 à 21 milliards d'euros, et l'Allemagne qui acceptait de participer à hauteur de 15 milliards d'euros. Cette situation a conduit la France à protester et le Sénat à voter une résolution, lors de l'examen par la commission des finances, de la loi DDADUE, précisant qu'il ne ratifierait pas ce traité tant que la clef de répartition ne serait pas satisfaisante. Notre démarche a semble-t-il fonctionné, dans la mesure où, comme le ministre l'a indiqué à la commission des finances, un accord a été trouvé avec son collègue M. Wolfgang Schäuble, sur une répartition plus équitable entre la France et l'Allemagne, mettant finalement à la charge du système bancaire français environ 15 milliards d'euros. Cet accord de principe n'a cependant pas fait, pour le moment, l'objet d'une confirmation formelle.
Les négociations se poursuivent à Bruxelles et elles restent délicates même si la présidence italienne de l'Union espère voir cette démarche aboutir avant la fin de l'année. Il me semble toutefois qu'un accord politique est possible, puisque une majorité qualifiée du Conseil est nécessaire pour s'opposer à cet acte délégué.
La position du Sénat sur ces points a été largement prise en compte par le Gouvernement. Nous avions également souligné la nécessité de mettre en place un « filet » de financement permettant de recapitaliser des banques en utilisant le mécanisme européen de stabilité (MES), puisque, pour le moment, le MES ne peut être utilisé pour recapitaliser les banques. Nous avions d'ailleurs proposé que ce fonds de résolution dispose de sa propre capacité d'emprunt. La réalisation de ces deux propositions n'a pas, pour l'heure, connu d'avancée.
M. Jean Bizet, président. - Je remercie notre collègue pour la présentation qu'il vient de nous faire d'un sujet très complexe qu'il maîtrise parfaitement. Je retiendrai que l'ensemble de ces textes démontre qu'une sécurisation dans ce domaine s'est progressivement mise en place depuis les années 2008-2009 marquées par la faillite de grands établissements bancaires. Précédemment, les instances communautaires étaient paralysées lorsqu'il s'agissait de répondre à des problématiques financières ; les solutions apportées démontrent les avancées réalisées.
Mme Pascale Gruny. - Le sujet que vient de nous présenter notre collègue Richard Yung est en effet très complexe. J'avais d'ailleurs eu l'occasion d'y travailler lorsque j'étais parlementaire européenne ! J'aurais une question très large : peut-on être rassuré quant au risque d'éclatement d'une nouvelle crise financière et les banques sont-elles dignes de la confiance qu'on semble leur accorder aujourd'hui ?
M. Philippe Bonnecarrère. - Notre pays peut-il honorer son engagement de pourvoir le nouveau fonds qui vient d'être créé à hauteur des 15 milliards annoncés, quand on connaît son ratio d'endettement ? Cette dotation transparaîtra-t-elle dans notre budget national ? Par ailleurs, l'adossement des banques européennes à un système de sécurisation est présenté comme bénéfique aux contribuables et aux créanciers des établissements bancaires. Cette démarche est-elle de nature à contribuer à la diminution des taux d'intérêt ? La constitution d'un fonds de 55 milliards d'euros doit-elle être comprise comme une bonne nouvelle, au sens macroéconomique du terme ? Enfin, quelles ont été les retombées des graves difficultés de la première banque privée portugaise, la Banco Espirito Santo, sur le système bancaire européen ? A-t-elle induit une évolution du cours des négociations et du nouveau système européen que notre collègue Richard Yung vient de nous retracer ?
M. Richard Yung. - Bien que des mécanismes impliquant une surveillance accrue du fonctionnement des établissements bancaires, se mettent en place, il nous faut demeurer vigilants ! D'ailleurs, le fait que les spécialistes aient une nationalité distincte de celles des banques qu'ils surveillent, comme en France où ce sont par exemple des ressortissants néerlandais qui assurent le suivi du fonctionnement de nos banques, tend à éviter toute forme de complaisance. En outre, les mécanismes de surveillance et de résolution devraient protéger les États et les contribuables et la nouvelle architecture du système bancaire européen doit pouvoir être portée pour partie au crédit de la France.
L'évaluation des banques françaises est positive et le système bancaire français fonctionne correctement. Les banques françaises vont abonder dans les prochaines années ce mécanisme de résolution des crises bancaires à hauteur de 15 milliards : cela est déjà en soi un témoignage de leur état de santé !
Les taux d'intérêt sont déjà très bas, lorsqu'ils ne sont pas négatifs dans le contexte d'apport des liquidités à la Banque centrale européenne. Comment une telle construction peut-elle les influencer ? Je serais d'ailleurs, pour ma part, satisfait si les taux d'intérêt remontaient et on peut imaginer que la disparition du soutien implicite des États aux banques implique un renchérissement des taux interbancaires !
Enfin, le mécanisme de résolution de crise portugais a su faire face à la crise de la grande banque que vous évoquiez.
M. Jean Bizet, président. - Mes chers collègues, à ce sujet, je vous renvoie à l'article rédigé par deux économistes et publié par un grand quotidien du soir : « L'euro, sortie de crise ? ». J'en retiens plusieurs idées. L'Union européenne représente près du quart de l'économie mondiale. Conscientes de cette importance économique, les banques centrales européenne et américaine se sont entendues pour laisser filer le cours de l'euro. Au même moment, la baisse du prix du pétrole entraîne dans son sillage celle des coûts de production. Ainsi, alors que nous attendons la lettre officielle de cadrage de la Commission sur le projet de loi de finances pour 2015, je vois dans la position implicite de la Commission la volonté de sortir du marasme dans lequel nous nous trouvons et d'éviter la déflation. Le rapport de notre collègue Richard Yung vient donc à point nommé sur ces sujets.
M. Richard Yung. - En effet, il faut éviter toutes les situations qui risqueraient d'installer pour longtemps la déflation, comme au Japon qui a connu ce phénomène pendant près de 15 ans !
Économie, finances et fiscalité - Paquet « croissance, emploi, investissement » - Avis politique de MM. Didier Marie et Jean-Paul Emorine
M. Jean Bizet, président. -Notre ordre du jour appelle maintenant une communication de notre collègue Didier Marie sur le paquet « croissance, emploi et investissement ». Jean-Paul Emorine a également travaillé sur ce sujet. Malheureusement, souffrant, il ne peut être parmi nous aujourd'hui. C'est donc Didier Marie qui s'exprimera au nom des deux rapporteurs.
L'Europe subit une diminution durable du niveau d'investissement, soit une chute de 500 milliards d'euros depuis 2007.
Le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a annoncé, dès le 15 juillet 2014, la mise en oeuvre d'un plan d'investissement de 300 milliards d'euros sur trois ans (2015-2017), 315 milliards d'euros sont désormais évoqués. Ce plan serait destiné à relancer l'emploi, la croissance et la compétitivité en Europe. Manifestement, la Commission a souhaité accélérer son calendrier puisque Jean-Claude Juncker devait faire une présentation au Parlement européen et à la presse aujourd'hui même.
Comme le débat que nous avons eu à l'Assemblée nationale, le 28 octobre, avec les parlementaires européens l'a bien montré, beaucoup d'incertitudes demeurent autour de ce plan. Quels projets ? Quelle répartition entre financement public et privé ? Quelles ressources européennes ou nationales seront mobilisées pour la part publique de ce financement ? Quelle articulation avec le cadre financier pluriannuel ?
Ce plan ne doit pas procéder à un recyclage des crédits affectés à la politique de cohésion. Ce ne serait pas acceptable vis-à-vis des collectivités territoriales.
Notre commission procédera en deux temps. Aujourd'hui, nous examinerons un avis politique qui sera adressé à la Commission européenne dans le cadre du dialogue politique que nous conduisons avec elle. Dans un second temps, nos rapporteurs examineront plus en détail des propositions de la Commission européenne en vue de nous soumettre une proposition de résolution européenne et, le cas échéant, un nouvel avis politique. Je donne la parole à notre collègue Didier Marie.
M. Didier Marie. - Monsieur le Président, mes chers collègues, en l'absence de Jean-Paul Emorine, nous abordons aujourd'hui un sujet important et d'actualité qui constitue l'une des priorités du programme de travail de la nouvelle Commission européenne, à savoir le plan d'investissement annoncé de 315 milliards d'euros, qui relèvera, sous l'autorité de M. Jean-Claude Juncker, de la compétence du commissaire finlandais, M. Jyrki Katainen, vice-président en charge de l'emploi, de la croissance, de l'investissement et de la compétitivité. Le détail des mesures (le « paquet ») doit être présenté pour le Conseil ECOFIN du 9 décembre puis le Conseil européen des 18 et 19 décembre.
Les 23 et 24 octobre derniers, le Conseil européen a soutenu le plan proposé par le Président Juncker « pour des investissements supplémentaires provenant de sources publiques et privées » et la mise en place de la task force chargée d'identifier des actions concrètes. Les propositions de la Commission, du Conseil ECOFIN et de la Banque européenne d'investissement (BEI) seront examinées lors de sa réunion de décembre prochain.
Nous avons lu et entendu beaucoup d'informations sur ce plan. Comme vient de le dire le président Bizet, les échéances se sont accélérées et le président Juncker présente son plan aujourd'hui au Parlement européen. Plusieurs groupes politiques du Parlement européen, en particulier les libéraux et les socialistes, ont par ailleurs déjà pris position en formulant diverses hypothèses sur le contenu qu'ils souhaiteraient que prenne ce plan d'investissement.
D'un point de vue méthodologique, je vous propose que notre commission procède en deux étapes :
- dans un premier temps, et compte tenu des nombreux questionnements qui continuent d'entourer le contenu et la mise en oeuvre du plan d'investissement, il nous paraît opportun que notre commission intervienne en amont en nouant un dialogue avec la Commission européenne sur la base d'un avis politique que je vous exposerai tout à l'heure ;
- dans un second temps, après la présentation des mesures concrètes de ce plan et nos travaux d'investigation, la commission pourrait, le cas échéant, adopter une proposition de résolution européenne au cours du premier trimestre 2015, en parallèle du parcours législatif définissant le dispositif devant le Parlement européen et le Conseil.
Permettez-moi de vous rappeler le contexte général dans lequel intervient ce plan d'investissement.
Alors que l'Europe connaît une diminution durable du niveau d'investissement, une chute de 15 %, soit 500 milliards d'euros depuis 2007 et que le montant des investissements en Europe ne représente que 2 % du PIB contre 4 % aux États-Unis, le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a annoncé, dès le 15 juillet 2014, la mise en oeuvre d'un plan d'investissement de 300 milliards d'euros sur trois ans (2015-2017), aujourd'hui fixé à 315 milliards d'euros, destiné à favoriser l'emploi, la croissance et la compétitivité en Europe.
Les besoins en investissements sont en effet considérables. Je vous en donnerai quelques exemples :
- le premier concerne les réseaux numériques du haut débit. L'Union européenne s'est fixé comme objectif de couvrir 100 % de son territoire avec le haut débit d'ici à 2020 - la couverture actuelle serait de 62 %. Les disparités de couverture sont très importantes non seulement entre les États membres, mais également entre les zones urbaines et rurales et en termes de qualité d'accès ;
- c'est le cas également des transports : dans le cadre du nouveau mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE), le cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 a prévu 26 milliards d'euros sur cette période pour les infrastructures de transport, contre 8 milliards pour les années 2007-2013. Au titre de la première tranche de cette enveloppe, la Commission, le 11 septembre dernier, a invité les candidats intéressés à proposer des projets pour utiliser des crédits à hauteur de 11,9 milliards d'euros, les propositions retenues et les attributions aux projets devant être annoncées à l'été 2015. Ces crédits sont, pour l'essentiel, consacrés au financement de neuf corridors de transport ;
- c'est le cas, enfin, de l'emploi des jeunes, compte tenu des taux de chômage élevés pour cette catégorie de la population. L'Union européenne a mis en place en 2012 une initiative pour l'emploi des jeunes, dont un mécanisme de « garantie jeunesse » doté de 6 milliards d'euros, portés ensuite à 8 milliards, à décaisser pour l'essentiel en 2014 et 2015. Or, les présidents Barroso et Van Rompuy avaient déploré l'absence de résultats sur ce terrain en raison de la montée en charge très lente du dispositif.
On le voit, plusieurs de ces domaines, qui entrent, nous le verrons tout à l'heure, dans le champ du plan d'investissement du président Juncker, font déjà partie des mesures que le CFP 2014-2020 prévoit de financer.
Aussi devrons-nous porter une grande attention à la nature des projets retenus. La task force, au sein de laquelle la France est représentée par le commissaire général adjoint à l'investissement, Thierry Francq, est chargée d'identifier les goulets d'étranglement et les barrières, en particulier les contraintes réglementaires, limitant l'investissement public et privé. Elle doit établir une « réserve » (et non une simple liste) de projets stratégiques à forte valeur ajoutée européenne. Cette identification des projets est toutefois distincte du financement des investissements. La task force, qui s'est réunie à trois reprises, doit remettre son rapport au Conseil ECOFIN du 9 décembre, qui sera ensuite soumis au Conseil européen qui suivra.
Certains États membres, en particulier l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Espagne, ont insisté sur le fait que les projets identifiés devaient être viables économiquement et d'autres ont demandé à ne pas remettre en cause des projets d'investissement déjà décidés. Néanmoins, le manque de projets à fort impact pourrait constituer la véritable difficulté. Du reste, certains types de projets ne seraient guère attrayants pour les investisseurs privés, dans les transports en particulier, le retour sur investissement étant généralement très long.
Toutefois, un consensus semble s'être dessiné sur les grands secteurs qui pourraient faire l'objet des financements éligibles au titre du plan d'investissement. Tant les propositions formulées par certains groupes politiques du Parlement européen, que j'évoquais tout à l'heure, que le rapport remis récemment par Pierre Moscovici, missionné par le Premier ministre avant qu'il ne devienne commissaire européen, sur la contribution des politiques européennes à la croissance et à l'emploi, vont dans le même sens et retiennent cinq secteurs :
- la recherche-développement et l'innovation ;
- la formation initiale et continue et l'emploi des jeunes ;
- les télécommunications et l'économie numérique, le haut débit en particulier ;
- l'énergie et la transition énergétique ;
- les infrastructures et interconnexions en matière de transports.
Il est à noter qu'à la demande de la Commission, les États membres, à l'exception de l'Allemagne et des Pays-Bas, ont déjà fait remonter des projets ; la France en a déjà présenté trente-deux.
Nous avons fait le choix, Jean-Paul Emorine et moi-même, de ne pas détailler ces secteurs dans le projet d'avis politique que nous vous soumettons, à la fois pour laisser de la place au débat et pour ne pas nous enfermer dans une feuille de route trop restrictive.
Je vous le disais dans mon propos liminaire : ce plan d'investissement suscite toujours, à ce stade, un certain nombre d'interrogations. J'en citerai trois :
- la première porte sur le montant optimal du plan d'investissement. Les 315 milliards d'euros envisagés seront-ils suffisants ? D'aucuns en doutent. Ainsi, certains députés européens considèrent que les besoins seraient plutôt de 200 milliards d'euros par an. De même, la Confédération européenne des syndicats (CES) réclame un plan de 250 milliards d'euros par an au cours des dix prochaines années. Récemment, la Pologne, par la voix de son ministre des finances, a estimé que 300 milliards d'euros constituaient un « minimum » et a évoqué un dispositif permettant de mobiliser jusqu'à 700 milliards d'euros. Comme je vous le disais, deux groupes politiques du Parlement européen ont fait des propositions pour donner un contenu au plan d'investissement : le groupe libéral l'a chiffré à 700 milliards d'euros, essentiellement d'origine privée, et le groupe socialiste à 800 milliards, d'origine publique et privée ;
- la deuxième interrogation est relative aux modalités de financement du plan d'investissement. De nombreux députés européens demandent des fonds additionnels et non un « recyclage » de crédits existants, ceux de la politique de cohésion en particulier. Le Comité des régions de l'Union européenne s'est d'ailleurs récemment ému de l'éventuelle réorientation des dotations initialement affectées à d'autres projets après que la commissaire à la politique régionale, Mme Corina Cretu, eut indiqué que la politique de cohésion apporterait « une contribution significative » au plan d'investissement.
Autre question : les crédits alloués au plan de financement pourront-ils être exclus du calcul des déficits publics dont les règles sont déterminées par le Pacte de stabilité et de croissance, comme d'aucuns le réclament ? Pour ce qui concerne les modalités de financement du plan d'investissement, la créativité est grande et diverses solutions ont été évoquées, y compris dans les propositions de certains groupes politiques du Parlement européen. Ainsi, les libéraux suggèrent la mise en place d'un fonds européen d'investissement pour lever les 700 milliards d'euros qu'ils évoquent, avec des garanties des États membres, de la BEI et du Mécanisme européen de stabilité (MES), même si l'Allemagne a exprimé sa forte opposition à mobiliser ce fonds de sauvetage de la zone euro. Quant au groupe socialiste, il propose un nouvel instrument européen d'investissement lié à la BEI, le recours au MES comme garantie et des investissements plus risqués de la BEI. De manière générale, selon la formule de M. Pierre Moscovici, « il faut des investissements privés autant que possible et des investissements publics lorsque c'est nécessaire, et il faudra les deux. »
Le plan tel qu'il a été dévoilé et sera vraisemblablement confirmé par M. Juncker devant le Parlement européen aujourd'hui est un subtil compromis entre la position de l'Allemagne, qui souhaitait un calibrage minimal, de la Grande-Bretagne, qui souhaitait des dispositifs de prix de capital ou de dettes subordonnées qui s'approchent des project bonds et de la France, qui voulait un plan ambitieux alimenté par de l'argent frais.
Selon les informations disponibles à cette heure, et comme on s'y attendait, la Banque européenne d'investissement (BEI) est au coeur du dispositif.
Le plan prévoit la création d'un fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) au sein de la BEI, doté de 5 milliards de fonds de celle-ci, et 16 milliards de garantie, dont 8 milliards viennent du budget européen : 3,3 milliards du mécanisme d'interconnexion, 2,7 milliards du programme Horizon 2020 qui concerne la recherche et 2 milliards des marges de flexibilité en réserve de budget. Une incertitude demeure sur les 8 milliards restants.
Forte de son triple A, auquel elle est très attachée, et de cette garantie de 21 milliards d'euros, la BEI pourra lever des prêts et engager des fonds propres sur des opérations plus risquées à hauteur, nous dit-on, de 63 milliards d'euros, le FEIS fournissant un amortisseur du risque à la BEI. Comme chacun le sait, nous ne souffrons pas d'un manque d'épargne, mais d'une aversion au risque. Ce fonds pourrait couvrir jusqu'à 20 % des coûts des projets d'investissement et, grâce à un effet multiplicateur de 15, atteindrait 315 milliards d'euros, soit 240 milliards pour les projets à long terme et 75 milliards pour les PME d'ici 2017.
Les États membres seraient appelés à « muscler » le plan. Certains y sont prêts, comme l'Espagne, qui l'a annoncé, à la condition que leur apport sorte du calcul du déficit, ce qui pourrait être accepté.
Les projets financés au titre du FEIS porteraient sur les secteurs suivants : infrastructures d'énergie et de transport, système d'éducation et d'innovation, énergies renouvelables, numérique, ce qui était attendu. Il ne s'agirait pas cependant de projets totalement nouveaux car ils seraient choisis parmi ceux qui sont déjà annexés aux grands programmes de financement d'infrastructures adoptés dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020. Les projets seraient par ailleurs sélectionnés par un comité composé d'experts de la Commission et de la BEI, au sein duquel la décision politique aurait peu de place. Ainsi, la Commission devrait présenter en janvier le projet de règlement destiné à mettre en place le FEIS afin qu'il soit opérationnel en juin 2015.
Enfin, la dernière interrogation, mais non la moindre, est relative au contexte politique dans lequel intervient ce plan d'investissement. Plusieurs États membres, dont le Royaume-Uni et les Pays-Bas, ont considéré que le soutien à l'investissement devait être lié à la mise en oeuvre de réformes structurelles dans les États bénéficiaires.
La résistance la plus forte pourrait toutefois venir de
l'Allemagne. Le sujet cristallise les divergences entre ce pays, qui
réclame des réformes structurelles internes, et la France, qui
milite pour davantage d'investissements dans la zone euro. Le 20 octobre,
les ministres de l'économie et des finances des deux pays se sont
rencontrés à Berlin pour rapprocher leurs positions. Ils se sont
engagés à élaborer, d'ici le
1er décembre, une proposition commune sur les
possibilités d'investissement dans les deux pays et dans laquelle ils
exposeraient leur vision commune de l'Europe. Le ministre de l'économie,
Emmanuel Macron, et son homologue allemand, Sigmar Gabriel, ont ainsi
confié à Jean Pisani-Ferry et Henrik Enderlein la mission de
définir pour la France et pour l'Allemagne des domaines prioritaires
d'investissement, de réformes structurelles et d'actions communes. Leur
rapport, qui doit être présenté demain à
M. Emmanuel Macron, doit contenir des recommandations concrètes et
prendrait la forme d'une contribution aux travaux du Conseil ECOFIN du
9 décembre. Des « fuites » dans la presse
allemande font état de propositions hétérodoxes
- attendons néanmoins la version officielle du rapport !
L'Allemagne, qui a reconnu un déficit d'investissements de
50 milliards d'euros, a récemment évolué, son
ministre des finances, Wolfgang Schäuble, ayant annoncé le
6 novembre mettre en oeuvre 10 milliards d'euros d'investissements
publics supplémentaires d'ici à 2018. Ces crédits
devraient servir de levier à l'investissement privé à
hauteur de 50 milliards d'euros. Ces 60 milliards
représenteraient la contribution allemande au plan d'investissement.
Des questions importantes demeurent sur le financement du FEIS, sur le ratio entre investissements publics et privés, sur la part des investissements européens et nationaux, sur les secteurs à privilégier, ainsi que sur les difficultés existantes à mobiliser de l'argent frais quand la Commission connaît des problèmes pour boucler son budget et cumule les arriérés.
Compte tenu de ces incertitudes et en vue du Conseil européen de décembre, Jean-Paul Emorine et moi-même étions parvenus à la conclusion de soumettre à la commission des affaires européennes un avis politique, dont le texte, qui prend également en compte les échanges que nous avons eus lors de notre réunion commune avec nos collègues députés et députés européens, le 28 octobre dernier, vous a été préalablement distribué, afin de fixer quelques grandes orientations pour ce plan d'investissement. Ce texte me semble toujours d'actualité, même s'il mérite peut-être, vous en jugerez, d'être précisé au vu de l'actualité récente.
M. Jean Bizet, président. - Merci, Monsieur le rapporteur, pour votre présentation qui ne manquera pas de susciter un grand nombre de questions.
M. Daniel Raoul. - Quels sont les problèmes rencontrés par le décaissement des 8 milliards qui étaient prévus à destination de la jeunesse et qui devaient déjà être décaissés cette année ? J'entends en effet mentionner, parmi les 315 milliards d'euros désormais annoncés, une série de mesures pour la jeunesse, mais je m'interroge pour savoir si, au final, les mêmes causes ne vont pas provoquer les mêmes effets. Quel est, par ailleurs, l'effet de levier susceptible de se produire entre un investissement privé et un investissement public ? Concernant les interconnexions, les retours sur investissement pour les investissements privés sont presque dissuasifs puisqu'à trop long terme. Un financement intégral issu du public semble nécessaire pour assurer les flux de transports, qui nous manquent, entre les différents pays de l'Union. Les activités de recherche-développement (R&D) me paraissent les plus efficaces pour gonfler les programmes-cadres de recherche et de développement (PCRD) qui ne sont pas assez importants, dans les biotechnologies en particulier. Il y a dans ce domaine un leadership à prendre. D'ailleurs, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) est certainement l'organisme le plus efficace dans le domaine des biotechnologies et le remarquable cluster qui y est consacré à Grenoble doit être particulièrement soutenu et pourrait même être dupliqué dans d'autres domaines. Le haut débit peut, quant à lui, générer des retours sur investissement favorables au secteur privé, par contre PCRD, transports et écologie me paraissent les trois domaines prioritaires sur lesquels on peut aller jusqu'à un investissement public intégral.
M. Philippe Bonnecarrère. - Peut-on avoir la liste des 32 projets présentés par le Gouvernement français que notre rapporteur vient d'évoquer ?
Mme Pascale Gruny. - Le problème de l'utilisation des fonds européens est souvent lié au co-financement qui les caractérise et qui constitue bien souvent une source de blocage, dans un contexte où l'État et les collectivités disposent de moins de moyens.
Mme Fabienne Keller. - Je retiens que l'avis politique qui nous est soumis désigne « l'économie de l'immatériel ». La France avait mis cette question au premier plan en 2008. Il faut encourager l'économie du savoir, dont les universités sont le centre et qui est considérée par certains pays comme un investissement à part entière. Comptez-vous mentionner ce point dans la proposition de résolution qui va être faite et en faire une priorité en intégrant notamment la formation des jeunes ?
M. Jean Bizet, président. - S'agissant de l'avis politique, j'aurai deux points à préciser. D'une part, le déclenchement de ces différents plans est subordonné à la discussion entre les deux principaux États, la France et l'Allemagne, sur l'engagement d'un État membre à mettre en oeuvre un certain nombre de réformes structurelles. L'Europe peut ainsi aider un État membre si celui-ci se met en capacité par les réformes idoines que nous avons déjà évoquées. D'autre part, nous avons pris contact avec MM. Pisani-Ferry et Enderlein afin qu'ils viennent nous présenter les propositions de réforme et les thèmes sur lesquels la France pourra faire des propositions. Je salue également le courage de notre collègue Daniel Raoul qui n'a de cesse de promouvoir les sujets relatifs à la science du vivant qui s'avèrent cruciaux pour l'innovation. D'ailleurs, en matière de génomique, les Américains viennent de décrypter le génome du blé ce qui va leur permettre de rattraper leur retard sur l'Europe en matière de rendements. Attendons-nous ainsi à ce que le rendement en matière de céréales conventionnelles de l'agriculture américaine devienne très élevé ! Comme quoi, la R&D peut être la source d'une distorsion de concurrence.
M. Didier Marie. - S'agissant du programme « garantie-jeunesse » qui n'a pas été consommé, loin s'en faut, de l'avis général, une certaine complexité administrative demandée par la Commission européenne et la nécessité d'obtenir des co-financements à hauteur de 50 % sont deux facteurs explicatifs de sa difficile mise en oeuvre. Un tel constat n'exclut pas pour autant la nécessité d'investir massivement en faveur de la jeunesse et de l'emploi et il nous faudra, au travers de nos avis politiques et propositions de résolution, souligner la nécessité d'une mobilisation plus aisée des crédits mis à disposition dans ce domaine.
La liste des 32 dossiers n'est pas pour le moment communiquée, mais nous devrions obtenir plus d'informations du commissaire adjoint à l'investissement qui représente la France au sein de la task force, que nous devons rencontrer prochainement. Nous savons pour le moment que ces projets sont d'intérêt général et présentent une envergure européenne.
Pour ce qui concerne la mobilisation des crédits, la BEI pense pouvoir mobiliser 63 milliards d'euros en faveur des projets privés ou publics. Mais cette annonce suscite plusieurs interrogations : d'une part, comment cette mobilisation va-t-elle s'effectuer ? D'autre part, un coefficient multiplicateur de 15 est annoncé sur la base d'opérations antérieures conduites auparavant par la BEI dont certaines ont connu un coefficient multiplicateur de 18. Ce point nous semble devoir être expliqué d'autant que le chiffrage du plan s'élève également, en termes d'emplois, à un million, voire un million trois cent mille emplois. Une autre interrogation demeure quant à la durée de ce plan : l'idée était certes de dynamiser l'économie européenne et si 75 milliards d'euros d'économie ont été mobilisés, sur trois ans, on est sur 240 milliards d'euros annoncés à plus long terme. Mais quel est donc ce terme ? Espérons également que ces 240 milliards d'euros ne se diluent pas, chemin faisant, dans des opérations peu performantes. En outre, s'agissant des priorités évoquées par le plan, la recherche et l'innovation ont été mentionnées dans l'attente d'une réponse de la Commission : les universités doivent en effet faire l'objet de la plus grande attention, mais dresser une liste exhaustive nous paraissait, à ce stade, prématuré. À cet égard, notre projet de résolution pourra être plus précis. Enfin, j'appelle votre attention sur le calendrier : nous avions prévu une résolution pour la fin du premier trimestre 2015. Or, puisque la Commission va annoncer une proposition de règlement vraisemblablement à la mi-janvier pour une mise en oeuvre effective du FEIS au 15 juin, notre proposition de résolution devra anticiper cette échéance et être transmise plutôt au début du premier trimestre 2015.
M. Daniel Raoul. - J'aurais une dernière question. Lorsqu'on parle de financement intégral, pourrait-on citer, au-delà du critère d'exhaustivité susceptible de nous fermer quelques portes, les deux domaines que sont la R&D et les infrastructures de transports, sur lesquels il n'y a pas de retour d'investissement immédiat ? C'est juste un problème rédactionnel !
M. Didier Marie. - J'aurais deux remarques sur cette suggestion. D'une part, sur les financements, à ce jour, il n'est pas question de financements exclusivement publics, ce qui représente une difficulté pour de nombreux domaines délaissés par l'investissement privé. D'autre part, une formulation de l'avis politique demande à ce que la Commission nous précise la part des investissements publics et privés ainsi que leur articulation. Certes, sur la liste des projets, on pourra insérer une précision reprenant les trois grands sujets que sont la R&D, le numérique et l'emploi des jeunes.
M. Daniel Raoul. - Sauf que le numérique devrait susciter davantage d'intérêt des investisseurs privés que les infrastructures de transport et la jeunesse.
M. Jean Bizet, président. - Financer la R&D uniquement par des investissements publics n'est pas non plus évident.
M. Daniel Raoul. - Tout dépend, en effet, des projets concernés !
M. Jean Bizet, président. - Je pense que, dans un premier temps, notre rédaction peut s'en tenir là et nous avons trois mois pour y travailler avant la réponse de M. Juncker. Nous pourrons sans doute rentrer dans les détails dans une prochaine résolution. Puisque nous allons suivre ce sujet pendant un certain temps, notre avis politique peut, pour le moment, demeurer général.
Je vous propose, mes chers collègues, de donner acte à la communication de notre collègue rapporteur et d'adresser cet avis politique à la Commission européenne.
L'avis politique est adopté à l'unanimité
Questions diverses
M. Jean Bizet, président. - Je précise que pour nos collègues qui seraient intéressés, nous tenons à leur disposition l'intervention du Pape à Strasbourg, le 25 novembre.
Mme Fabienne Keller. - J'ai pu assister à l'intervention du Pape au Parlement européen où il a exprimé avec force ses convictions. J'ai d'ailleurs été très impressionnée par le nombre de journalistes accrédités au Parlement européen pour couvrir ce qu'il me semblait être un grand moment de la vie européenne !
La réunion est levée à 16 heures 37.
Jeudi 27 novembre 2014
- Présidence de M. Jean Bizet, président -La réunion est ouverte à 10 heures 05.
Politique commerciale - Proposition de résolution européenne relative au traité de libre-échange transatlantique (TTIP) - Examen du rapport de M. Michel Billout
M. Jean Bizet, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport de notre collègue Michel Billout sur la proposition de résolution européenne qu'il a lui-même présentée avec plusieurs collègues sur le règlement des différends entre investisseurs et États dans les projets d'accords commerciaux entre l'Union européenne, le Canada et les États-Unis.
Nous sommes tous conscients de l'importance de ces accords commerciaux qui auront un impact majeur sur les conditions des échanges économiques entre l'Europe et le continent américain. La question du mode de règlement des différends est en particulier un sujet sensible qui suscite beaucoup de réactions.
L'accord avec le Canada est bien avancé. Les négociations sur le traité transatlantique ont, elles, débuté plus récemment et devraient se poursuivre encore quelque temps. En toute hypothèse, il est indispensable qu'un contrôle démocratique s'exerce sur le déroulement des négociations. Le Sénat doit y prendre toute sa part. Le Bundestag, le Bundesrat et le Parlement européen sont mieux organisés que nous. Il faut corriger cette situation !
Je rappelle que nous avons décidé de créer un groupe de suivi en commun avec la commission des affaires économiques. Nous désignerons les membres de ce groupe de suivi en troisième point de notre ordre du jour.
La parole est à notre rapporteur.
M. Michel Billout. - Nous sommes aujourd'hui chargés d'examiner la proposition de résolution européenne n° 75 sur le règlement des différends entre investisseurs et États dans les projets d'accords commerciaux entre l'Union européenne, le Canada et les États-Unis, que j'ai déposée avec les membres de mon groupe le 30 octobre dernier.
Ce texte a un double objet : d'une part, il dénonce l'opacité dans laquelle se déroulent aussi bien les négociations menées par l'Union européenne avec le Canada pour un « Accord économique et commercial global » (CETA), que celles ouvertes en juin 2013 avec les États-Unis en vue de l'établissement d'un « Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement » (TTIP) ; d'autre part, le texte que nous examinons s'oppose radicalement à tout projet d'accord qui prévoirait un mécanisme de règlement des différends entre un investisseur et un État. Nous abordons ainsi les négociations transatlantiques sous un angle évidemment partiel, mais je crois que cet angle est emblématique de la menace fondamentale que ces négociations peuvent représenter pour nos choix de société et de notre ordre institutionnel.
L'enjeu de la transparence est prioritaire. Dans le contexte de crise que traverse l'Europe, crise économique mais aussi politique, avec la montée des populismes, nous devons considérer comme un impératif politique de rendre plus transparentes les négociations commerciales menées par la Commission européenne. Et particulièrement celles menées avec le Canada et les États-Unis, compte tenu de leurs enjeux.
Il n'est pas encore certain que ces accords soient de nature mixte, c'est-à-dire qu'ils touchent à des domaines de compétences de l'UE comme des États membres. Ceci a son importance, dans la mesure où un accord mixte doit non seulement obtenir l'aval du Conseil et du Parlement européen mais aussi être ratifié par chaque État membre. La Commission européenne a annoncé fin octobre qu'elle allait saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour déterminer si l'accord conclu mi-octobre avec Singapour, qui comporte lui aussi un volet investissements, est ou non un accord mixte. La décision de la Cour sera bien sûr éclairante pour ce qui concerne les accords en cours de négociation avec le Canada et les États-Unis.
En tout état de cause, il est essentiel, du point de vue des opinions publiques européennes, que la Commission européenne ne donne pas l'impression de cultiver le secret sur les négociations qu'elle conduit pour le compte du Conseil. Cela ne fait que nourrir les inquiétudes. Il est vrai que rien dans les traités ne l'oblige à informer les parlements nationaux, mais ce serait prendre un grand risque politique que de les ignorer jusqu'au moment de la ratification.
Par ailleurs, le contrôle démocratique ne peut s'exercer ainsi : « voici l'accord négocié, c'est à prendre ou à laisser ». C'est pourtant le scénario en cours sur l'accord Canada : sa publication fin septembre nous a permis de découvrir un accord -en anglais, bien sûr- de 1 600 pages et la Commission européenne, qui a agi de bonne foi, sur le fondement du mandat du Conseil, présente la négociation comme close.
Quant au partenariat transatlantique, c'est sous la pression de l'opinion publique que le Conseil s'est résolu, le mois dernier, à publier le mandat de négociation qu'il avait confié quinze mois plus tôt à la Commission européenne. Mais cela ne suffira pas à rassurer les opinions : l'effort de transparence doit être poursuivi tout au long des négociations. Notre secrétaire d'État chargé du commerce extérieur semble en être convaincu. Et la nouvelle Commissaire au commerce y semble plus attentive.
Parmi les sujets d'inquiétude qu'alimentent ces négociations, le règlement des différends entre investisseurs et État s'est imposé dans l'opinion ces derniers mois.
De quoi s'agit-il ?
C'est un dispositif d'arbitrage privé auquel un investisseur peut recourir si l'État dans lequel il a investi ne respecte pas les règles de protection des investissements fixées par le traité ; il est inspiré de l'arbitrage commercial auquel recourent les entreprises en cas de contentieux contractuel et qu'elles apprécient pour sa rapidité, sa confidentialité et son autonomie par rapport à la justice nationale de chacune des parties au différend. Ce mécanisme, que désigne l'acronyme anglais ISDS (pour Investment State Dispute Settlement), accompagne déjà de nombreux accords de protection des investissements : ainsi, les États membres de l'UE sont aujourd'hui parties à 1 300 traités incluant ce mécanisme. Notre Parlement lui-même a ratifié près de 100 accords de protection des investissements comportant une telle clause, afin de donner à nos investisseurs les moyens de faire valoir leurs droits dans des pays où l'État de droit est encore fragile : il s'agit plutôt de pays du Sud, mais nous avons aussi de tels accords avec la Corée, la Chine, et même avec certains États d'Europe de l'Est. Ce n'est donc pas une nouveauté et cela peut répondre au besoin des investisseurs de se couvrir contre le risque de subir de la part de l'État où ils ont investi, soit un traitement discriminatoire, soit une expropriation. Dédommager un investisseur qui serait victime d'expropriation directe ne fait pas débat ; c'est plus délicat quand il s'agit d'expropriation indirecte, notion très floue qui donne lieu à diverses interprétations selon les arbitres.
Avec le développement des investissements à l'étranger, le recours au règlement des différends s'est banalisé. En plus de présenter des défauts en termes de transparence, l'arbitrage d'investissement a donné lieu à quelques abus retentissants : plusieurs entreprises ont pu ainsi obtenir des dédommagements de la part d'États qui avaient adopté des mesures qui leur portaient préjudice. Ainsi, Petroleum a pu gagner 1,7 milliard de dollars contre l'Équateur, soit près de 2 % du PIB... L'Australie s'est trouvée mise en cause par Philip Morris pour avoir choisi de rendre neutres les paquets de cigarettes, l'Allemagne est attaquée pour sa décision de renoncer à l'énergie nucléaire. Autre exemple, français celui-là, Veolia a engagé un recours contre l'Égypte en 2012. Encore en cours, la plainte de Veolia a été déposée au nom du traité d'investissement conclu entre la France et l'Égypte. La « nouvelle loi sur le travail » adoptée en Égypte contreviendrait aux engagements pris dans le cadre du partenariat public-privé signé avec la ville d'Alexandrie pour le traitement des déchets. Beaucoup d'exemples sont apparus depuis une quinzaine d'années. Même s'ils constituent une minorité des différends traités par un mécanisme d'arbitrage, leur proportion ne cesse d'augmenter.
Les États sont ainsi menacés de sanctions financières massives pour des décisions d'ordre sanitaire, social ou environnemental ; cette pression exercée sur eux risque de les dissuader de légiférer.
Pourquoi donc inclure un tel dispositif dans les accords CETA et TTIP ? Nos partenaires d'outre-Atlantique sont intéressés par une harmonisation des règles de protection des investissements dans toute l'UE et cherchent à assurer leur mise en oeuvre dans tous les États membres, quelle que soit la fiabilité du système judiciaire de chacun de ces États. D'ailleurs, les USA ont, comme nous, signé des accords d'investissements avec les nouveaux États membres, qui prévoient un règlement privé des différends investisseur/État. Les États-Unis espèrent aussi, en insérant un ISDS dans le partenariat transatlantique comme dans son équivalent transpacifique, imposer un tel mécanisme à la Chine.
Côté européen, il faut d'abord relever que la conclusion d'accords d'investissement constitue une compétence récente de l'UE, que lui a conféré le traité de Lisbonne. L'objectif d'un accord d'investissement comprenant un ISDS est bien sûr d'encourager les investissements croisés avec les États-Unis et le Canada pour renforcer l'attractivité de l'UE ; c'est aussi de faciliter la résolution des litiges pour les entreprises européennes car le système judiciaire outre-Atlantique est coûteux et complexe à appréhender du fait de la structure fédérale. Enfin, l'UE entend, à l'occasion de ces accords, moderniser la protection des investissements et l'arbitrage associé pour « infuser » ce modèle quelque peu amélioré à l'échelle mondiale. La Commission fait ainsi valoir que l'accord avec le Canada présente des avancées par apport aux ISDS qu'on trouve dans les accords bilatéraux existants:
- moins d'ambiguïté interprétative, à la fois grâce à un meilleur encadrement des notions de traitement juste et équitable et d'expropriation indirecte, et grâce à l'obligation faite aux arbitres de se conformer à l'interprétation des clauses du traité par ses signataires ;
- plus de transparence de la procédure d'arbitrage ;
- une plus grande impartialité des arbitres grâce à une meilleure prévention des conflits d'intérêts, au respect d'un code de conduite et à la constitution d'une liste d'arbitres agréés par les parties au traité ;
- un encadrement du coût des litiges, et la prise en charge des frais par le plaignant...
J'entends bien tout cela mais, au terme de la douzaine d'auditions que j'ai menées pour préparer ce rapport, je persiste à penser qu'il nous faut marquer une opposition de principe à un tel système d'arbitrage privé des différends État/investisseurs dans l'accord UE/USA.
Un tel système est inutile entre des États de droit bien établis: le niveau des investissements croisés UE/USA en est la preuve. Il est aussi discriminatoire puisque le recours à l'arbitrage est ouvert aux entreprises étrangères mais pas aux entreprises domestiques, et que les PME, qui ont rarement les moyens d'y consacrer 7 millions d'euros, n'en bénéficieront pas. Il est en plus particulièrement dangereux de prévoir un tel système avec les États-Unis, vu la puissance de leurs multinationales et le goût américain pour le contentieux.
Mais surtout il est contraire au principe de démocratie et au respect de l'État de droit. Voulons-nous avoir à indemniser des sociétés étrangères pour le prix de nos choix démocratiques ? Voulons-nous promouvoir la justice privée ? Nous ne devons pas marchander la démocratie, ce serait renoncer à notre ordre institutionnel, à notre modèle de société, et finalement à notre identité. D'ailleurs, le président Juncker ne s'y est pas trompé en mandatant Frans Timmermans, précisément au titre de ses compétences relatives à l'État de droit, pour se pencher sur ce sujet, lequel est aujourd'hui gelé dans les négociations TTIP dans l'attente des conclusions que la Commission européenne doit bientôt tirer de la consultation qu'elle a menée à ce propos.
Ces motifs d'opposition sont suffisamment graves à mes yeux pour prendre le risque de reconsidérer aujourd'hui la question de l'ISDS dans l'accord Canada comme dans le partenariat transatlantique, sous peine de rencontrer des difficultés au moment de la ratification de ces accords. Pour cela, la France doit construire des alliances au sein du Conseil, alors même que la moitié des États membres vient d'écrire à la Commission européenne pour soutenir le maintien du dispositif d'arbitrage dans les accords CETA et TTIP. Il ne sera donc pas simple de construire un front inverse, même si l'on peut compter déjà sur l'Autriche et le Luxembourg. La Chancelière allemande n'a pas publiquement pris position sur ce sujet mais son ministre de l'économie, Sigmar Gabriel, a été le premier à déclarer sa ferme opposition à la mise en place d'un tel mécanisme d'arbitrage privé. Et le Parlement européen devrait être un allié de poids : il a d'ailleurs déjà rejeté un accord négocié par l'UE en 2012, l'accord anti-contrefaçon (ACTA). Et de nombreuses voix s'élèvent sur tous les bancs du Parlement européen pour s'inquiéter de l'ISDS.
Si je vous propose de tenir cette position de principe, sa déclinaison concrète ne peut, selon, moi, être la même pour l'accord avec le Canada et celui envisagé avec les États-Unis, du fait de l'état d'avancement différent de ces deux négociations : la Commission européenne considère avoir achevé son travail de négociation avec le Canada. Restent à effectuer en 2015 le toilettage juridique du texte et sa traduction par les juristes-consultes, avant qu'il ne soit soumis au Conseil et au Parlement européen, voire aux États membres s'il s'agit d'un accord mixte. Sans doute ne nous sommes-nous pas mobilisés assez tôt sur l'accord avec le Canada, mais il n'est pas trop tard, d'autant qu'il a bien fallu attendre de connaître le projet d'accord final pour disposer d'éléments substantiels. En tout état de cause, je crois utile de purger la question de l'arbitrage privé État/investisseur aujourd'hui plutôt que de passer en force en déclarant le sujet clos, au risque qu'un seul parlement refuse de ratifier le traité et le voue à l'échec.
Je n'ignore pas les acquis de la négociation, qui sont importants pour l'UE, en matière de brevets pharmaceutiques, de protection des indications géographiques, d'accès des entreprises européennes aux marchés publics fédéraux et subfédéraux... Je propose donc d'utiliser les mois qui viennent pour faire évoluer le texte à la marge dans son volet Investissement pour assurer à la fois le droit des États à réglementer (aujourd'hui seulement reconnu en préambule du CETA) et la protection des investisseurs. Car les règles envisagées dans l'accord laissent encore place aux abus : le texte indique que « dans de rares cas », des mesures d'intérêt public peuvent constituer une expropriation indirecte ; il tient compte des « attentes légitimes » des investisseurs ; il menace notre politique industrielle en empêchant notamment de réserver aux Européens une part au capital des sociétés américaines ou canadiennes investisseurs sur notre sol; enfin, pour ce qui concerne la procédure d'arbitrage privé, il oblige les arbitres à déclarer leurs intérêts mais il n'interdit pas explicitement qu'ils aient un lien avec une partie au différend ; et le mécanisme d'appel est seulement envisagé pour plus tard mais pas créé...
Je vous propose donc de plaider pour remédier à ces défauts de l'ISDS. Des efforts restent à faire en matière de transparence des procédures, le secret des affaires restant opposable. Il faut aussi aller plus loin pour prévenir les conflits d'intérêt parmi les arbitres. Enfin, un mécanisme d'appel doit être effectivement mis en place. À défaut, l'UE pourrait explorer la solution d'un règlement des différends d'État à État, inspiré de l'Organe de règlement des différends de l'OMC, avec un système d'appel devant un tribunal permanent. Il est essentiel, si on maintient l'ISDS dans l'accord Canada, de l'améliorer autant que possible car de nombreuses multinationales américaines ont une filiale au Canada donc risquent de l'utiliser. On peut d'ailleurs raisonner pareillement pour l'accord UE/Singapour, tout juste paraphé.
Si nous n'y parvenons pas, le plus sage serait de renoncer au volet Investissements du CETA. Quel serait le prix à payer ? Peut-être un prix politique, en termes d'amitié avec le Canada, où le Président de la République s'est récemment rendu ; mais sans doute pas plus. En effet, l'équilibre de la négociation n'en serait pas affecté ; et le Canada n'a pas plus intérêt que nous à rouvrir la négociation d'un accord qu'il présente à ses concitoyens comme très favorable à leurs intérêts, en raison des concessions commerciales obtenues, par exemple en termes de contingents d'exportation bovine. Il se pourrait même que l'abandon du volet Investissements de l'accord retire aussi une épine du pied du Canada, confronté aux mêmes inquiétudes dans son opinion publique.
Concernant la négociation avec les États-Unis, le jeu est plus ouvert, d'autant que le congrès américain n'a pas encore voté la Trade Promotion Authority qui permettrait au président Obama de conclure l'accord. C'est pourquoi je vous propose d'écarter par principe l'idée de l'arbitrage privé, avant même d'ouvrir ce chapitre de la négociation avec les Américains. J'insiste aussi sur la nécessité que les règles de protection des investissements qui seraient adoptées dans le TTIP reconnaissent explicitement la possibilité pour l'Europe de développer ses politiques propres, y compris en matière industrielle, et de préserver ses acquis, notamment en matière sociale, environnementale, et sanitaire. Sans doute les États-Unis sauront-ils se ménager de nombreuses exceptions eux aussi, au nom de leur sécurité nationale, par exemple.
Plus largement, en ce qui concerne l'ensemble de la politique commerciale, je suggère de ne plus recourir systématiquement à un ISDS mais d'examiner pour chaque projet d'accord les meilleures conditions pour le règlement des différends. D'autant que d'autres États seront plus méfiants à l'avenir à l'égard de l'arbitrage privé au vu des exemples négatifs qui se sont multipliés et auxquels j'ai fait allusion dans mon exposé. Ainsi l'Australie, après sa mésaventure avec la société Philip Morris a déjà fait savoir qu'elle ne signerait plus de traité incluant un tel mécanisme.
Je propose enfin que le Gouvernement remette au Parlement un rapport annuel qui donne une vision d'ensemble des objectifs et des principes qui guident la politique commerciale et d'investissement de l'UE et de la France.
Je vous soumets donc une proposition de résolution européenne amendée en ce sens, mettant l'accent d'abord sur la transparence, et proposant ensuite ce positionnement ferme mais différencié sur le recours à l'arbitrage privé dans les accords CETA et TTIP. Merci pour votre attention.
M. Jean Bizet, président. - Merci au rapporteur de s'être penché sur cette question et de nous ouvrir une réflexion qui va nous occuper quelque temps. Apparemment, les accords négociés avec le Canada et les États-Unis devraient plutôt être qualifiés d'accords mixtes, mais, en tout état de cause, leur implication sociétale appelle un nécessaire contrôle des parlements nationaux, même s'il n'y a pas d'obligation écrite en la matière.
Après avoir entendu l'exposé de ce rapport, il apparaît qu'un accord prévoyant le recours à l'arbitrage privé est largement irrationnel dans des États de droit. La seule certitude est que le travail des cabinets d'avocats américains va se développer. J'adhère à la proposition qui nous est faite de nous inspirer de l'Organe de règlement des différends de l'OMC qui fonctionne plutôt bien et offre la garantie d'un appel. En matière de transparence de l'arbitrage, je conviens également que le secret des affaires ne doit pas servir de paravent. Enfin, la demande qui est faite d'un rapport gouvernemental sur la politique en matière d'accords commerciaux et d'investissements me semble nécessaire. Il ne s'agit pas d'un rapport de plus. Je me souviens avoir plaidé auprès de Gérard Larcher, alors président de la commission des affaires économiques, pour un débat au Parlement sur les négociations commerciales multilatérales menées à l'OMC car nous autres sénateurs sommes interpellés sur le terrain à ce sujet.
M. Daniel Raoul. - Je remercie le rapporteur pour ce texte qui me paraît particulièrement important, dans la mesure où l'ISDS constitue pour moi un point dur dans la négociation transatlantique, surtout quand on connaît la culture anglo-saxonne en matière de contentieux. Je m'interroge toutefois sur notre marge de manoeuvre concernant l'accord CETA. Je me suis rendu au Canada en septembre, et j'ai été impressionné par le pouvoir et l'autonomie des provinces, entre lesquelles le libre-échange n'est même pas complètement assuré. Je me demande d'ailleurs comment s'organise la négociation côté canadien et si l'accord est qualifié de mixte là-bas. Je souhaiterais également avoir quelques éléments de calendrier sur la négociation du partenariat transatlantique.
M. Jean-Yves Leconte. - Je suis totalement en phase avec le texte qui nous est proposé. Permettre le recours à l'arbitrage privé donne des garanties aux investisseurs envers des États qui sont pourtant des États de droit : dans la façon même où nous abordons la négociation transatlantique, nous sommes déjà en train de négocier l'État de droit, ce qui est pour moi inacceptable. Je suis particulièrement inquiet quant à la possibilité pour l'Union européenne de tenir les choix politiques qui sont les siens. Par exemple, la reprise économique que l'on constate aux États-Unis repose largement sur l'exploitation du gaz de schiste, exploitation dans laquelle l'Union européenne a choisi de ne pas s'engager aujourd'hui. Si nous étions exposés à un arbitrage privé sur un tel sujet, je crains un tsunami.
En même temps, il me semble qu'existe un lien pour les entreprises européennes entre la possibilité de recours à un mécanisme de règlement des différends investisseurs/États et l'universalité des lois américaines.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Je maîtrise moins le dossier que d'autres de mes collègues, mais je voudrais faire observer que, en matière d'arbitrage, Paris est une place importante. La finance représente la deuxième économie parisienne et Paris a déjà souffert du transfert d'Euronext vers le Royaume-Uni. Il ne faudrait pas que l'arbitrage nous échappe aussi. J'approuve complètement la rédaction de l'alinéa 17 de la résolution : il ne faut pas annihiler la compétence arbitrale mais bien l'entourer de garanties. Nous devons rester vigilants particulièrement du fait que la puissance de certaines entreprises américaines l'emporte sur certains États d'Europe. Enfin, je crois aussi qu'il serait profitable de pouvoir disposer d'un rapport annuel qui se fasse l'écho, notamment, des cas d'arbitrage.
M. André Gattolin. - La multiplication des accords commerciaux et des accords de protection des investissements doit nous interroger sur le modèle européen. Je suis personnellement partisan d'un fédéralisme européen, car le fédéralisme protège en fait les compétences des États en assurant une répartition claire de leurs compétences entre les différents niveaux. Or, actuellement, la Commission européenne se voit confier un mandat unique de négociations alors même que le mode de désignation des commissaires soulève des interrogations en termes de légitimité. Notre collègue Daniel Raoul a raison de souligner le pouvoir des provinces canadiennes mais j'insiste aussi sur le pouvoir des États et des grandes agglomérations au Canada. Depuis l'ouverture des négociations avec l'Union européenne il y a quelques années, le Canada a effectué une consultation préalable de tous ses différents niveaux d'administration. Un aller-retour avec les provinces a même été opéré juste avant la publication de l'accord consolidé. Un tel travail en amont n'a pas été effectué chez nous.
L'Union européenne n'évolue pas vers le fédéralisme mais vers le centralisme. Cela doit nous amener à réfléchir ! L'Union européenne intègre-t-elle la capacité d'intervention que doivent garder les États ? Ainsi, comment justifier que l'Union européenne refuse, sauf éventuellement en matière d'exception culturelle, la mise en place de crédits d'impôt sectoriels, c'est-à-dire verticaux et non pas horizontaux, alors même que la réindustrialisation américaine repose largement sur de tels crédits d'impôt ? L'Union européenne s'auto-condamne.
Nous devons aussi mesurer les conséquences d'un accord transatlantique sur les ressources propres : l'Union européenne n'en a déjà presque plus au sens étroit, à savoir droits de douane et taxes sur le sucre. La négociation du TTIP et du CETA va encore les réduire et accroître en conséquence le pouvoir des gros États contributeurs nets au budget européen. Certes, il y a la velléité de créer une taxe sur les transactions financières, mais son montant sera faible et elle ne couvrirait que les États parties à la coopération renforcée. Réfléchissons à ce qui est en train d'advenir dans l'Union européenne : on renationalise les budgets en même temps qu'on centralise les décisions industrielles et commerciales. C'est de la folie !
M. Philippe Bonnecarrère. - Je remercie le rapporteur pour son analyse technique qui permet d'objectiver le sujet. Je ne partage pas quelques points fondamentaux de son raisonnement, même si je me range aux mêmes conclusions. Je souligne à mon tour que Paris est historiquement la première place mondiale de l'arbitrage et que mener un assaut contre l'arbitrage serait contreproductif pour la place de Paris. Par ailleurs, cela ne me choque pas qu'un État puisse être exposé à l'arbitrage contre une entreprise. Je rappelle à ce sujet que le Conseil d'État avait il y a quelques années consacré son rapport annuel à l'arbitrage en encourageant les autorités publiques à y recourir. J'entends le problème de principe que cela peut constituer au regard de la souveraineté mais il importe que l'État soit loyal avec les acteurs économiques et puisse de ce fait être attaqué sur ses décisions. L'image de l'État français est déjà assez négative pour que nous refusions de soumettre ses décisions à arbitrage.
Se posent à mes yeux deux questions fondamentales. D'une part, je m'inquiète de l'équilibre économique entre les deux partenaires du TTIP : est-ce que les entreprises européennes oseront attaquer la première puissance économique mondiale ? Souvenons-nous qu'Airbus avait remporté l'appel d'offres lancé par les États-Unis et que Boeing ayant attaqué cette décision a fini par l'emporter. Airbus a fait le choix politique de ne pas contester cette décision émanant de la première puissance mondiale.
D'autre part, je suspecte une forme de déséquilibre juridique entre l'Union européenne et les États-Unis. Les sanctions infligées par les États-Unis à la BNP m'ont marqué : même si la BNP a sans doute commis des fautes, elle a été clouée au pilori et l'amende faramineuse payée par tous les Français. L'Union européenne pourrait-elle sanctionner financièrement une banque américaine dans les mêmes proportions ? Monsieur le Président, la commission a-t-elle déjà travaillé sur cette question de l'égalité des armes et des sanctions entre les deux rives de l'Atlantique ? Je me souviens d'une sanction importante de Microsoft au titre d'infractions aux règles de la concurrence en Europe mais je me demande si d'autres types d'infractions, comme par exemple la fraude fiscale, pourraient être sanctionnés et à quelle hauteur. Au bout du raisonnement, je pense donc moi aussi que l'Union européenne ne pourrait valablement accepter l'ISDS dans l'accord transatlantique que si un équilibre économique et juridique était établi entre les partenaires de la négociation.
M. Didier Marie. - Le recours à l'arbitrage privé dans le TTIP et le CETA soulève effectivement des questions de légitimité et de souveraineté. Le débat sur la transparence est très important. Il faut en finir avec l'impression d'une négociation en cercle fermé. Le Gouvernement français a pris fin octobre des décisions importantes en la matière. Je sais que des députés participent au comité de suivi stratégique mis en place par le ministre en charge du commerce extérieur ; j'ignore si ce comité compte également des sénateurs parmi ses membres. À l'échelon européen, la Commission a également fait des annonces décisives hier, promettant une meilleure information des parlementaires européens. Je relève tout de même que la publication de documents américains ne sera possible que sous réserve de l'accord des États-Unis, ce qui représente tout de même une difficulté. Sur l'arbitrage, il me semble que le rapporteur n'a pas remis en cause la notion même, mais le processus spécifique qui place États et entreprises sur un même pied et risque de dissuader toute législation. Pourrait-on par exemple envisager que les entreprises américaines attaquent l'interdiction de la fracturation hydraulique ? Je crois que nous devons laisser absolument la justice dans la sphère publique. Par ailleurs, est-il prévu d'informer la Représentation nationale des négociations de l'accord et de lui soumettre in fine cet accord ?
Mme Colette Mélot. - Je remercie le rapporteur de nous amener à réfléchir sur ce sujet important pour tous les domaines, y compris l'Internet, la culture... Je m'interroge toutefois sur l'impact que peut avoir une telle résolution sur un traité déjà conclu comme celui avec le Canada.
M. André Reichardt. - J'ai présidé jusqu'à récemment un organisme de prospection des investissements internationaux dans ma région, et j'ai pu constater la grande difficulté que rencontre notre pays à attirer des investisseurs. Tous les critères d'une implantation sont passés au crible par les investisseurs et la protection des investissements joue un rôle fondamental. Je remercie le rapporteur d'avoir posé le problème mais nous ne devons pas l'aborder à la hussarde car il est extrêmement important pour nos régions, notre pays et l'Union européenne qui ont besoin d'investissements internationaux. Les entreprises qui investissent à l'étranger prennent des risques ; il n'est donc pas choquant qu'elles soient dédommagées si elles sont confrontées à des décisions étatiques qui contrecarrent leurs objectifs initiaux. Ce mécanisme ne me choque pas s'il est prévu dès le départ, ce qui n'empêche pas effectivement de mieux encadrer le recours à l'arbitrage.
M. Michel Billout. - En réponse à toutes ces interventions intéressantes, j'insiste sur le fait qu'à mes yeux, introduire un tel mécanisme de justice privée entre des pays du Nord dotés d'institutions judiciaires solides représenterait un mauvais signal à l'égard du citoyen. J'ai bien conscience que la proposition de résolution européenne ne traite pas du fond de l'accord.
L'arbitrage d'investissements est né en 1965 mais il a longtemps été éclipsé par l'arbitrage commercial, dont Paris est effectivement une place majeure. Le secrétaire général de la Cour internationale d'arbitrage, que j'ai rencontré, m'a confirmé que Paris était plus spécialisée en arbitrage commercial qu'en arbitrage d'investissements. Tous les arbitres internationaux ne sont pas nécessairement armés pour traiter des différends entreprises/États. En tout cas, à l'intention de M. Pozzo di Borgo, je confirme que l'objectif du texte que je vous soumets n'est absolument pas d'annihiler la place d'arbitrage que constitue Paris.
Je ne suis pas nécessairement opposé à des accords de protection des investissements qui incluent des ISDS avec les États du Sud mais il me semble que la solution d'un mécanisme interétatique de résolution des conflits inspiré de l'Organe de règlement des différends de l'OMC est moins problématique et risque moins de dissuader les entreprises de légiférer. Nous devons prêter particulièrement attention à l'accord transatlantique dans la mesure où nous avons compris que, s'il était conclu, il deviendrait le maître étalon pour d'autres traités. C'est pourquoi il faut se préoccuper de près des questions de procédure, sans remettre en cause l'arbitrage. Peut-être les États-Unis devraient-ils également faire très attention à l'ISDS.
Je reviens sur la nécessité de la transparence et, comme MM. Gattolin et Bonnecarrère, j'insiste sur l'importance que nous soyons informés. Et je partage complètement la position exprimée par M. Leconte.
Concernant notre marge de manoeuvre à l'égard du projet de traité CETA, nous avons examiné les choses de près et il nous semble qu'il n'est pas impossible de faire évoluer le texte. La direction générale du commerce de la Commission européenne soutient que la négociation est close, ce qui ne peut manquer de nous interroger au regard de la légitimité démocratique des négociateurs. Le paraphe lui-même de l'accord engage le négociateur à faire son possible pour que soit ratifié l'accord mais ne constitue pas une obligation de bonne fin : c'est ce que nous a formellement indiqué M. Carl, ancien directeur général de la DG commerce. Quel rôle jouent les parlements Européen et nationaux dans ce cadre ? Je pense que ce sont des arguments dont certains pourraient s'emparer pour mettre l'Europe par terre. Nous devons donc tenter de revoir le traité à la marge, surtout que l'investissement ne m'apparaît pas comme la clef de voûte de l'accord CETA et pourrait d'ailleurs même faire l'objet d'un accord séparé. C'est pourquoi nous devons proposer des améliorations substantielles, même s'il est peu probable qu'un mécanisme d'appel soit mis en place. Notre résolution vise à ce que la France tire la sonnette d'alarme, même si la moitié des États au Conseil viennent d'adresser une lettre à la Commission pour maintenir l'ISDS dans l'accord transatlantique. Peut-être sont-ils motivés par le souci d'attirer des investissements, mais je ne suis pas sûr que ce soit un critère déterminant. M. Pierre Defraigne, chef de cabinet de l'ancien commissaire européen en charge du commerce Pascal Lamy, nous a même encouragés à nous opposer fermement à tout ISDS.
Concernant le pouvoir des provinces canadiennes et la nature mixte ou non de l'accord de ce côté-là de l'Atlantique, j'avoue ne pas pouvoir vous renseigner dans l'immédiat.
Aux interrogations qui ont été exprimées au sujet du calendrier de négociations du TTIP, je pourrais répondre en indiquant que, selon moi, la négociation va encore durer quelques années, même si la majorité républicaine au Congrès semble vouloir l'accélérer.
En écho aux propos de M. Gattolin, je conviens que tout ceci doit nous amener à nous interroger sur le comportement de l'Union européenne par rapport aux États membres. Nous ne pouvons attendre d'avoir la copie finale de ces accords commerciaux pour avoir le droit de nous en préoccuper. Les consultations de la Commission sont également un exercice très particulier qui soulève des questions : disposer de 90 minutes pour prendre connaissance du questionnaire et y répondre, est-ce suffisant ? La consultation sur l'ISDS a reçu 150 000 réponses malgré ces conditions de mise en oeuvre peu satisfaisantes.
Je reconnais avoir quelques désaccords avec M. Bonnecarrère, ce qui est tout à fait normal, mais j'insiste sur le fait que je remets moins en cause l'arbitrage entre sociétés qu'entre sociétés et États. Sur les deux questions soulevées par notre collègue, il m'apparaît que seule la transparence permettrait d'être fixé. Je dois avouer que j'ai également été choqué par les sanctions infligées à la BNP, même si je ne suis pas un fervent défenseur des banques.
M. Jean Bizet, président. - Nous allons procéder maintenant à l'examen de la résolution européenne.
M. André Gattolin. - Je propose dans l'alinéa 13 de distinguer entre la transparence du processus de négociation et la transparence sur l'impact de l'accord.
M. Michel Billout. - Effectivement, cette distinction est importante et justifie l'alinéa 11.
M. André Gattolin. - La formulation de cet alinéa 11 ne me semble pas assez ferme puisque le Gouvernement français n'a jamais fourni l'étude réclamée sur l'impact sectoriel du TTIP pour la France.
M. Michel Billout. - Nous pourrions alors compléter l'alinéa 11 pour insister sur le fait que cette étude réclamée en 2013 n'a toujours pas été adressée au parlement.
Permettez-moi par ailleurs de vous soumettre deux petits aménagements au texte qui vous a été distribué, que les événements de ces dernières 48 heures m'amènent à proposer.
La Commission européenne a adopté avant-hier une communication définissant de nouvelles règles sur l'accès aux documents du TTIP, comme l'a évoqué M. Leconte : tous les textes de négociation que l'Union européenne partage déjà avec les États membres et le Parlement seront rendus publics, sous réserve de l'accord explicite des États-Unis pour ce qui concerne toute publication de documents « américains » ou « communs ». La Commission est également prête à partager avec tous les eurodéputés des documents qui sont aujourd'hui d'accès restreint, en vertu de certaines règles pour garantir la confidentialité de l'information fournie. Je pense qu'il serait utile que le Gouvernement nous assure à nous, parlementaires nationaux, le même degré de publicité, et vous suggère donc d'ajouter à cette fin un nouvel alinéa après l'alinéa 13.
M. André Reichardt. - Il me semble que nous irions trop loin en proposant de renoncer complètement au volet consacré à la protection des investissements dans l'accord CETA.
M. Michel Billout. - Je rappelle quand même que l'option de la renonciation n'est qu'une option par défaut, si nous n'arrivons pas à obtenir les améliorations importantes que nous avons identifiées et que nous demandons.
M. Jean Bizet, président. - Effectivement, il s'agit d'une option de dernier recours.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Sur les conditions d'impartialité des arbitres, la mention d'un critère spécifique n'est pas satisfaisante. Il y a bien d'autres considérations à prendre en compte pour assurer l'impartialité des arbitres.
M. Jean Bizet, président. - En effet. Nous pouvons sans dommage nous en tenir à une formulation plus générale.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Je me demandais s'il ne serait pas plus léger de remplacer « tout mécanisme de règlement des différends en matière d'investissements avec le Canada » par « ce mécanisme ».
M. Michel Billout. - Je crains que cela nuise à la clarté de l'alinéa et que cela crée une confusion avec l'Organe de règlement des différends de l'OMC.
Je souhaite aussi ajouter un nouvel alinéa. J'ai appris dernièrement que les dispositions de l'accord UE-Singapour, dont le chapitre relatif à la protection des investissements a été paraphé mi-octobre mais dont on parle moins, sont très proches de celles contenues dans l'accord Canada. On me signale juste certaines différences, notamment dans les secteurs totalement ou partiellement exemptés, comme l'immobilier notamment, sujet très sensible pour la Cité-État de Singapour. Ces dispositions pourraient utilement être exploitées par des filiales de multinationales américaines à Singapour, et il y en a de nombreuses. Je propose donc d'y faire référence en ajoutant un alinéa qui invite notre Gouvernement à adopter la même attitude sur cet accord UE-Singapour.
Enfin, sur la suggestion du président Bizet, je voudrais soumettre deux autres modifications au texte qui vous a été distribué.
La première vise à insister sur la nécessité d'obtenir des États-Unis la reconnaissance de la politique européenne de valorisation des produits agricoles et alimentaires de qualité, et plus spécifiquement la reconnaissance de nos indications géographiques protégées.
M. Jean Bizet, président. - J'insiste en effet sur ce sujet très important pour la valorisation des filières. Il concerne aussi bien le camembert de Normandie que le pruneau d'Agen...
M. Michel Billout. - La seconde modification tend à rétablir une forme de symétrie dans nos propositions concernant le dossier Canada et l'accord avec les États-Unis : il s'agit donc de proposer dans l'accord transatlantique le recours à un mécanisme de règlement interétatique des différends en matière d'investissements, inspiré de l'Organe de règlement des différends de l'OMC, ou, à défaut, de demander l'abandon de tout mécanisme de règlement des différends.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Je connais mal cet organe de l'OMC. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
M. Michel Billout. - L'ORD fonctionne en fait sur le même principe d'arbitrage mais le plaignant comme le défenseur sont des États. L'État devient en quelque sorte avocat de l'entreprise plaignante.
M. Jean Bizet, président. - En outre, l'ORD offre la possibilité de faire appel devant un tribunal permanent.
La commission adopte à l'unanimité le rapport de M. Michel Billout et la proposition de résolution européenne dans la rédaction suivante :
M. Jean Bizet, président. - Je vous rappelle que cette proposition de résolution européenne va être envoyée à la commission compétente au fond. Pour revenir sur notre débat, je dois reconnaître que l'Union européenne s'auto-condamne effectivement. J'entends d'ailleurs évoquer cette question lors de la rencontre que le président du Sénat et moi-même aurons avec le président Juncker, sous deux aspects : d'une part, nous nous interrogeons sur le fait que la concurrence soit une compétence exclusive qui est entièrement laissée aux mains de la Commission européenne ; d'autre part, la réciprocité doit absolument présider à notre politique commerciale et les accords bilatéraux, si nous devons y recourir, ne doivent pas être négociés en opposition avec l'esprit du multilatéralisme. L'extraterritorialité des lois américaines constitue un vrai sujet, sur lequel pourra se pencher le groupe de travail que nous allons constituer avec la commission des affaires économiques sur le traité transatlantique. Pourquoi ne pas envisager un parallélisme en instaurant une extraterritorialité des règles européennes ?
Je conviens en tout cas qu'il est difficile de se heurter à la première économie mondiale, ce qui plaide à mon sens pour la solution interétatique de type ORD. Enfin, s'agissant de la possibilité pour l'Europe d'intervenir à l'égard des banques américaines, nous aurons l'occasion d'aborder cette question avec la Banque centrale européenne quand nous nous y rendrons.
Institutions européennes - Proposition de résolution européenne n° 73 sur l'expression des parlements nationaux lors du renouvellement de la Commission européenne - Examen du rapport de M. Robert Navarro
M. Jean Bizet, président. - Nous allons maintenant entendre le rapport de notre collègue Robert Navarro sur la proposition de résolution européenne qu'il a lui-même déposée sur l'expression des parlements nationaux lors du renouvellement de la Commission européenne.
La procédure de désignation de la Commission européenne est aujourd'hui achevée. La Commission Juncker a été approuvée par le Parlement européen et investie par le Conseil européen.
Il est exact que cette procédure, bien que fort longue, n'associe pas les parlements nationaux. C'est l'objet de la proposition de résolution européenne, dont nous allons débattre, de le prévoir. Bien sûr, une association éventuelle des parlements nationaux ne pourrait être envisagée qu'à l'occasion du prochain renouvellement de la Commission, c'est-à-dire en 2019.
Je donne la parole à notre rapporteur.
M. Robert Navarro. - Je rappelle tout d'abord que le mandat de la Commission sortante a pris fin le 31 octobre 2014. La nouvelle Commission a pris ses fonctions le 1er novembre 2014 pour un mandat de cinq ans.
Elle reste composée de 28 membres, y compris son président et le Haut Représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. En mai 2013, le Conseil européen a en effet rétabli la composition initiale d'un membre par État membre. Cette décision a répondu aux engagements du Conseil européen de décembre 2008 prenant acte du rejet du traité de Lisbonne par le référendum irlandais.
La procédure de renouvellement de la Commission européenne comprend plusieurs étapes.
Tout d'abord, le président de la Commission est« élu » par le Parlement européen sur proposition du Conseil européen. Celui-ci statue à la majorité qualifiée. Il doit proposer au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission « en tenant compte des élections au Parlement européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées » (art. 17 du TUE). Le candidat est élu par le Parlement à la majorité des membres qui le composent.
Le choix du Conseil a été fait le 27 juin 2014. Il s'est en définitive porté sur le candidat, M. Jean-Claude Juncker, qui avait été désigné par le parti politique qui est arrivé en tête des élections européennes de mai 2014.
L'élection du président de la Commission européenne par le Parlement européen constitue l'une des innovations importantes du traité de Lisbonne. Le 15 juillet 2014, le Parlement a élu Jean-Claude Juncker président de la prochaine Commission européenne avec 422 voix pour. Au total, 422 députés ont voté en faveur de M. Juncker, 250 contre, et 47 se sont abstenus.
Ensuite, le Conseil devait adopter, d'un commun accord avec le président de la Commission élu, la liste des autres personnalités qu'il proposait de nommer membres de la Commission jusqu'au 31 octobre 2019.
Le 30 août 2014, le Conseil européen, en accord avec le nouveau président de la Commission européenne, a élu Mme Federica Mogherini Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Sur la base des propositions des États membres, le Conseil de l'Union, toujours en accord avec le nouveau président, a adopté, le 5 septembre 2014, la liste des membres de la Commission.
Cette liste a ensuite été soumise au Parlement européen. Bien que, selon les traités, le Parlement européen donne (ou refuse) son approbation à la Commission « en tant que collège », en pratique, le Parlement européen auditionne individuellement les commissaires pressentis et peut obtenir des modifications de la liste.
Un cycle d'auditions s'est déroulé du 29 septembre au 7 octobre 2014. Il a été précédé de l'envoi de questionnaires aux commissaires pressentis. Au total, seule Mme Alenka Bratusek, la commissaire slovène, a été récusée. À la suite de son audition, le commissaire hongrois, M. Tibor Navracsics, a vu son portefeuille modifié avec le retrait du thème de la citoyenneté.
Après l'audition des commissaires par les commissions compétentes, le Parlement a approuvé la nouvelle Commission le 22 octobre. 423 députés ont voté pour l'approbation, 209 contre, et 67 se sont abstenus. Sur la base de cette approbation, la Commission a été investie formellement par le Conseil européen statuant à la majorité qualifiée lors de sa session des 23 et 24 octobre.
Les délais de mise en place de la nouvelle Commission sont assez longs : cinq mois depuis les élections européennes. Or, force est de constater que, durant ce délai, les parlements nationaux n'ont en aucune manière été associés à la procédure. En particulier, les deux assemblées n'ont pas été consultées avant que le candidat français ne soit proposé.
Cette situation ne me paraît pas satisfaisante pour au moins trois motifs.
L'importance pour le bon fonctionnement de l'Union du contrôle exercé par les parlements nationaux est reconnue par les traités européens.
Ils doivent en particulier veiller au respect du principe de subsidiarité susceptible d'être mis en cause par la législation européenne. Parallèlement, les parlements nationaux ont développé un dialogue politique direct avec la Commission européenne. Notre commission joue elle-même un rôle actif dans ce dialogue politique.
Sur ces bases, la coopération entre parlements nationaux s'est considérablement développée. Le protocole sur le rôle des parlements nationaux a en particulier officialisé le rôle de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, la COSAC, créée en 1989, en matière d'échange d'informations et de bonnes pratiques entre les parlements.
En outre, la vie politique européenne et les vies politiques nationales sont désormais étroitement imbriquées.
De ce fait, l'action de la Commission européenne a des incidences importantes sur les vies politiques nationales. Son monopole de l'initiative législative confère une position de force à la Commission européenne pour inspirer les législations européennes, en particulier les directives qui doivent ensuite être transposées dans le droit national, bien souvent à travers une loi votée par le parlement.
Le traité de Lisbonne a par ailleurs reconnu à la Commission des compétences pour adopter des actes délégués et des actes d'exécution.
Parallèlement à son rôle dans la législation européenne, la Commission européenne joue un grand rôle dans la surveillance budgétaire et la coordination des politiques économiques.
Enfin, les dernières élections européennes ont été marquées par une forte poussée des partis eurosceptiques ou europhobes.
Avant même ces élections, ce climat de défiance avait été mesuré dans les enquêtes d'opinion. Selon l'enquête Eurobaromètre de l'automne 2013, deux tiers des Européens pensaient que leur voix ne comptait pas dans l'Union européenne (59 % en France). Dans plusieurs États membres, le pessimisme l'emportait sur le futur de l'Union européenne. En France, 56 % des personnes interrogées faisaient part de leur pessimisme.
Cette défiance de beaucoup de nos concitoyens à l'égard de la construction européenne rend plus que jamais nécessaire de renforcer les procédures pour asseoir la légitimité démocratique des institutions européennes. À l'évidence, les parlements nationaux peuvent jouer un rôle essentiel dans ce sens en contribuant à rapprocher les institutions européennes des citoyens. Le rapport établi au nom de notre commission par notre ancien collègue Pierre Bernard-Reymond sur l'avenir de la construction européenne l'avait parfaitement souligné.
Sans alourdir une procédure déjà compliquée, la proposition de résolution européenne qui vous est soumise préconise deux voies pour associer les parlements nationaux :
- d'une part, les parlements nationaux pourraient se voir reconnaître la faculté de s'exprimer collectivement lors du renouvellement de la Commission européenne ; cette expression collective pourrait s'appuyer en particulier sur la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC) et sur la Conférence interparlementaire prévue à l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG). Les parlements nationaux pourraient ainsi avoir un échange et faire connaître ensuite leurs priorités tout à la fois sur le profil des futurs commissaires et sur les orientations que la nouvelle Commission sera appelée à mettre en oeuvre ;
- d'autre part et dans le même esprit, à l'échelon national, il conviendrait de prévoir une consultation des organes compétents des deux assemblées, à savoir les commissions des affaires européennes, avant de proposer le candidat français.
Je rappelle que depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les commissions permanentes se prononcent sur certaines nominations et, le cas échéant, peuvent s'y opposer. En vertu de la loi du 23 juillet 2010, les commissions des lois sont par exemple appelées à se prononcer sur la nomination du Défenseur des droits, et de certains membres du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil constitutionnel. Les commissions en charge de la culture émettent un avis sur la nomination du président du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Compte tenu du rôle important que le commissaire français est appelé à jouer au sein du collège des commissaires, il paraît nécessaire que, dans le même esprit, une procédure de consultation des organes compétents des deux assemblées soit prévue avant sa nomination. Cette procédure permettrait au Parlement, notamment dans le cadre d'une audition du candidat, d'évaluer son parcours et son adéquation au poste de commissaire, et d'avoir un échange sur les priorités qu'il entend mettre en oeuvre dans ses nouvelles fonctions.
Voilà les motifs de cette proposition de résolution européenne que je vous propose d'adopter sans modification.
M. Jean-Yves Leconte. - Je suis fédéraliste. La Commission européenne défend l'intérêt général européen. Les commissaires ne doivent pas représenter leur pays. Autant il me paraît important que l'Union européenne se démocratise, autant je considère que c'est au Parlement européen d'auditionner les commissaires pressentis.
Le processus de désignation de la Commission qui vient de s'achever a marqué un progrès considérable pour la démocratie. Le parti socialiste européen a fait admettre que le parti arrivé en tête des élections européennes devait désigner le candidat au poste de président de la Commission européenne. C'est une erreur de dire que le processus n'est pas démocratique. Ce discours a induit en erreur les électeurs qui n'ont pas compris que leur vote aurait une influence très grande sur le choix final.
Le maintien d'un commissaire par État membre me paraît par ailleurs constituer un manque de respect pour ce que doit être l'Union européenne.
Pour ces motifs, je ne peux pas être d'accord sur le fond avec cette proposition de résolution européenne.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Je suis aussi fédéraliste, mais je considère qu'il faut créer un Sénat européen composé de représentants des parlements nationaux. Il existe une déconnexion entre le travail important qui est réalisé par le Parlement européen et l'opinion publique. Cette proposition de résolution européenne me paraît constituer un bon moyen de mieux intégrer les parlements nationaux dans le fonctionnement de l'Union européenne.
Mme Colette Mélot. - Le processus qui vient de s'achever me paraît marquer un vrai progrès démocratique. Mais je suis choquée du refus par le Parlement européen de la Commissaire slovène pressentie Mme Alenka Bratusek. Cette situation aurait pu être évitée si le parlement slovène s'était exprimé au préalable. La Slovénie n'aurait pas alors choisi une candidate qui avait démissionné de son poste de Premier ministre et qui n'avait plus de légitimité au Parlement.
M. Pascal Allizard. - Ce texte me paraît aller dans le bon sens. Il est en effet nécessaire de mieux communiquer vis-à-vis de l'opinion publique. La création d'un Sénat européen serait une bonne chose.
M. René Danesi. - Je suis un peu revenu du fédéralisme. Je ne peux souscrire à l'idée d'une consultation des organes compétents des deux assemblées sur le commissaire français pressenti. En outre, une expression collective des parlements nationaux sur la désignation de la Commission européenne allongerait considérablement les délais.
Tout cela me semble manquer de visibilité. Nous sommes dans une société où tout le monde se mêle de tout. Le pouvoir est partout mais la responsabilité nulle part !
M. Michel Billout. - Je suis embarrassé par cette proposition de résolution européenne. Dans le principe, je suis favorable à un renforcement des pouvoirs du Parlement européen. Le processus qui vient de s'achever va dans le bon sens. Mais je souhaite que le Parlement européen dispose de plus de pouvoirs en matière budgétaire. Cependant, je considère que les prérogatives de la Commission pour prendre des actes délégués et des actes d'exécution devraient être réduites. Je crains que le texte qui nous est proposé ne renforce le poids de la Commission européenne qui n'est pas composée d'élus. Dans ces conditions, je m'abstiendrai.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Une expression collective des Parlements nationaux sur la désignation de la Commission européenne constituerait une bonne préfiguration d'un futur Sénat européen. Il est nécessaire de faire évoluer le rôle de la COSAC dans ce sens.
M. Robert Navarro. - Cette proposition de résolution européenne est une réponse à ce que nous entendons tous dans nos départements respectifs. L'Union européenne est le moyen d'apporter les réponses aux difficultés de l'heure. Elle peut apporter une plus-value pour chaque État membre mais nous devons veiller à améliorer son fonctionnement. La procédure suivie pour la désignation de la Commission Juncker est un premier pas mais il ne faut pas en rester là. Le parlement doit être consulté sur le choix de celui qui, qu'on le veuille ou non, représentera l'influence française au sein de l'institution européenne. À défaut, la désignation du commissaire français constitue le pur fait du prince.
Je suis pragmatique. Il faut rendre l'Union européenne plus performante et permettre qu'elle soit mieux perçue par les citoyens. Il ne faut pas laisser le terrain aux démagogues !
À l'issue de ce débat, la commission a adopté par dix voix pour, une voix contre et deux abstentions, le rapport et la proposition de résolution européenne, sans modification.
Désignation des membres de trois groupes de travail
M. Jean Bizet, président. - Notre ordre du jour appelle maintenant la désignation des membres de trois groupes de travail.
Le groupe sur la propriété intellectuelle pourrait être animé par M. Richard Yung ; il serait composé en outre de :
- M. Pascal Allizard ;
- M. Jean-Paul Emorine ;
- M. Claude Kern ;
- M. Daniel Raoul.
Le groupe de suivi des négociations sur le traité transatlantique de libre échange serait composé de :
- M. Jean Bizet (co-président avec M. Jean-Claude Lenoir) ;
- M. Pascal Allizard ;
- M. Michel Billout ;
- M. Philippe Bonnecarrère
- M. Jean-Paul Emorine ;
- M. Didier Marie ;
- M. Daniel Raoul ;
- M. Alain Richard.
Le groupe de suivi de la mise en oeuvre de la PAC serait composé de :
- M. Jean Bizet (co-président avec M. Jean-Claude Lenoir) ;
- M. Gérard César ;
- Mme Pascale Gruny ;
- M. Claude Haut ;
- M. Claude Kern ;
- M. Jean-Claude Requier ;
- Mme Patricia Schillinger.
Nomination de rapporteurs
M. Jean Bizet, président. - Enfin, je vous propose de désigner Mme Fabienne Keller et M. Jean-Yves Leconte comme rapporteurs sur les questions de climat et d'énergie. Ils assureront en outre la liaison avec le groupe de suivi des négociations climatiques internationales qui a été constitué au sein de la commission du développement durable.
Je vous rappelle par ailleurs que notre collègue Jean-Marc Todeschini a été désigné secrétaire d'État aux Anciens Combattants. Il sera donc prochainement remplacé au sein de notre commission.
Je vous propose donc de désigner Simon Sutour pour lui succéder pour le suivi des relations de l'Union européenne avec la Russie. Comme nous l'avons décidé en réunion de Bureau, il sera notamment chargé, avec M. Yves Pozzo di Borgo, d'examiner la procédure d'adoption des sanctions, leur impact sur la Russie et réciproquement l'effet des mesures de rétorsion russes sur l'Union européenne. M. Pozzo di Borgo, vice-président, animera ce binôme.
Questions diverses
M. Jean-Yves Leconte. - Je souhaiterais que la commission examine la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de l'Iran.
M. Jean Bizet. - Nous prenons acte de votre demande.
La réunion est levée à 12 heures 30.