Mercredi 19 novembre 2014
- Présidence de M. Roger Karoutchi, président -Programme de travail pour la session 2014-2015
M. Roger Karoutchi, président. - Mes chers collègues, nous sommes réunis afin de définir le programme de travail de notre délégation pour les mois à venir.
Comme je l'avais annoncé lors de notre réunion constitutive voilà deux semaines, j'ai rencontré le président du Sénat pour envisager, si nécessaire, un renforcement de l'effectif du secrétariat de la délégation.
M. Alain Fouché. - L'idée de faire appel à des stagiaires est de ce point de vue intéressante.
M. Roger Karoutchi, président. - Oui, en effet.
Avant de donner la parole à ceux qui le désirent, je vous transmets les propositions de sujets que certains de nos collègues m'ont d'ores et déjà fait parvenir. Ainsi, Philippe Kaltenbach suggère de consacrer un rapport aux conséquences potentielles, sur l'emploi et les conditions de travail de nos concitoyens, du développement des nouvelles technologies, de l'essor du numérique et du remplacement annoncé, dans de nombreux domaines, des hommes par des machines. Il s'agirait, par exemple, de déterminer dans quelle mesure les emplois créés se substitueraient aux emplois détruits.
Par ailleurs, Jean-Pierre Sueur souhaiterait pouvoir poursuivre la réflexion qu'il avait engagée sur les villes du futur. De même, Fabienne Keller se propose d'organiser deux ateliers de prospective, l'un sur le thème des maladies infectieuses, l'autre sur celui des adolescents dans les quartiers difficiles. Elle envisagerait également de faire un rapport sur le développement des lieux de rassemblement, notamment les gares, dans les pays émergents.
En tout état de cause, nous pourrions imaginer de mener à bien, d'ici à l'été prochain, au moins un rapport et deux ateliers de prospective.
M. Gérard Bailly. - La question des OGM, bien qu'à l'origine de nombreux débats, et pas seulement en France, n'est que rarement traitée sur le fond. Pour ma part, croyez-le bien, ma philosophie, en la matière, n'est pas du tout faite. Un constat s'impose cependant : de nombreux pays y ont recours et les OGM sont largement présents dans notre alimentation et celle des animaux ; or nous ignorons les répercussions que pourrait entraîner l'interdiction totale des OGM dans l'agriculture française, laquelle est fortement concurrencée à l'international.
J'y insiste, je ne suis pas là pour défendre les OGM. Mais compte tenu que ce sujet n'est toujours abordé que partiellement, la question mérite d'être posée : si leur dangerosité est avérée, il faut le dire et arrêter les importations de produits concernés. Avec ou sans les OGM, les perspectives pour l'agriculture ne sont pas les mêmes.
M. Roger Karoutchi, président. - Je crains qu'en nous emparant d'un tel sujet nous ne risquions d'empiéter sur les prérogatives de la commission permanente compétente.
M. Alain Fouché. - J'ai eu l'occasion, dans le cadre du rapport sur les métiers de demain que j'ai publié au nom de la délégation en juin dernier, d'aborder la thématique proposée par Philippe Kaltenbach. Pour ma part, je pensais travailler sur l'avenir des médias, leur évolution, leurs progrès technologiques et leur impact sur la société de demain.
M. Yvon Collin. - Je me fais le porte-parole de Pierre-Yves Collombat, qui m'a transmis la proposition d'étude suivante : « À partir de 2008, le monde a connu une crise financière sans précédent depuis 1929, crise devenue économique, puis sociale et politique dans plusieurs pays européens. L'intervention des États et leur endettement massif ont permis le déblocage du système financier et à celui-ci de renouer avec les bénéfices et, semble-t-il, avec les pratiques à l'origine de la catastrophe. Il s'agirait d'examiner si les différents dispositifs mis en place ou projetés par les pouvoirs publics et les banques centrales dans l'espoir d'éviter le retour d'une nouvelle crise risquant d'être encore plus catastrophique sont à la hauteur des objectifs visés et éventuellement d'envisager les scénarii possibles en cas d'échec. »
Pour ce qui me concerne, j'aurais souhaité, d'une part, prolonger le travail que j'avais consacré au défi alimentaire à l'horizon 2050, d'autre part, trouvé intéressant d'engager une analyse sur l'avenir des transports aériens, domaine en pleine ébullition actuellement, et des compagnies concernées, qui sont aujourd'hui dans une situation très délicate.
M. Alain Fouché. - Au vu des nombreux thèmes proposés, nous pourrions envisager de nommer deux rapporteurs sur le même sujet.
M. Roger Karoutchi, président. - Sur l'avenir du transport aérien, je rappellerai que l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst) a traité le sujet dans un rapport publié l'année dernière.
Mme Corinne Bouchoux. - Après avoir passé trois années à l'Opecst, j'ai souhaité siéger à la délégation à la prospective parce que je pensais pouvoir y trouver une méthode d'analyse différente. Plutôt que de nous lancer dans une approche sectorielle dite « en silo », j'imaginais que nous pourrions inverser le prisme, privilégier une réflexion globale sur ce que serait la société dans dix, vingt ou trente ans. Après ce temps de discussion, nous serions en mesure de dégager, par un effet miroir, des problématiques communes et transverses. Trop souvent au Sénat, particulièrement au sein des commissions, c'est une vision tubulaire qui prévaut.
M. Roger Karoutchi, président. - Je partage votre analyse et j'avais la même vision que vous au début. Force est de constater que ce n'est pas exactement ainsi que la délégation a l'habitude de fonctionner. Je propose que nous retenions dans l'immédiat un sujet d'étude et que nous le traitions de manière classique mais, que, parallèlement, nous organisions une série d'auditions « généralistes », en conviant un certain nombre d'experts à venir nous présenter leur vision de la société et de l'économie française dans vingt ou trente ans. Nous pourrions alors dégager des thèmes d'étude intéressants pour les mois à venir.
M. Alain Fouché. - Cela me semble une très bonne méthode.
M. Henri Tandonnet. - Je souhaitais proposer de nous pencher sur la problématique de l'eau et de ses incidences sur l'adaptation au changement climatique. C'est un sujet très prégnant qui le deviendra encore davantage, notamment au regard des nombreux conflits d'usage d'ores et déjà observés. Il importe de favoriser une meilleure adéquation entre les besoins et les ressources. Cela étant, je partage tout à fait votre réflexion sur la nécessité de développer une vision prospective plus globale.
M. Yannick Vaugrenard. - Je souscris à la volonté de développer une réflexion générale pour pouvoir, à un moment donné, dégager d'autres perspectives.
En attendant, par rapport aux propositions qui nous sont faites, je trouve intéressante celle de Pierre-Yves Collombat qui a été relayée par Yvon Collin, car elle touche à l'actualité tout en nous invitant à regarder l'avenir. Pour avoir moi-même participé à la commission d'enquête sur la fuite des capitaux et ses conséquences fiscales, dont le rapporteur était Éric Bocquet, je sais que les mesures mises en place au niveau national, européen et international ne sont pas totalement satisfaisantes. Il me semblerait donc assez pertinent de pouvoir faire un point précis de la situation.
Par ailleurs, je suis partisan de poursuivre et d'enrichir la réflexion déjà engagée dans les rapports précédents, comme le proposent Jean-Pierre Sueur et Fabienne Keller.
M. Jean-Jacques Lozach. - À regarder la liste des thématiques étudiées les années précédentes dans le cadre de notre délégation, je m'aperçois que les sujets à caractère institutionnel ne sont pas abordés, alors que l'avenir du bicamérisme, pour ne prendre que cet exemple, fait pourtant l'actualité. Est-ce volontaire ?
M. Roger Karoutchi, président. - Les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat ont annoncé la mise en place d'instances de réflexion sur les institutions et le bicamérisme. Il me semblerait un peu compliqué de vouloir engager un travail parallèle.
Mme Annie David. - Je trouverais pour ma part très utile que l'on puisse faire un travail de prospective sur les finances locales mais je comprends que ce sujet relève aussi de la délégation aux collectivités territoriales.
M. Jean-François Mayet. - La France est devenue en soixante-dix ans un pays de locataires. Avant la guerre, tous les Français, ou presque, étaient propriétaires, y compris parmi les classes populaires. Cette évolution n'est pas sans incidence sur le plan financier et social, notamment pour les plus fragiles de nos concitoyens. Y a-t-il un intérêt à inverser la tendance ? La question mérite à mon sens d'être posée. J'ai commencé à travailler sur ce sujet il y a quatre ans environ et j'espère pouvoir approfondir la réflexion.
M. Roger Karoutchi, président. - Dans la société rurale de 1930, quasiment tous les Français étaient effectivement propriétaires. L'urbanisation accélérée a fortement modifié cette situation. Pour nombre de gens modestes, qui habitaient autrefois dans les zones rurales et se sont retrouvés à occuper des logements sociaux en ville, la question se pose effectivement de savoir dans quelle mesure il est possible de devenir propriétaire et, partant, de se constituer une sorte d'« assurance retraite ».
D'après un sondage récent, 72 % des Français interrogés se disent inquiets pour leur avenir et leur retraite, et 81 % pensent que le système actuel de retraite ne pourra pas tenir. C'est tout de même la première fois que l'on enregistre des chiffres pareils ! Tout le problème réside dans la dégradation du ratio actifs-non actifs.
M. Jean-François Mayet. - Il suffirait d'utiliser les moyens actuellement engagés en faveur de la location pour les consacrer à faciliter l'accession à la propriété.
M. Alain Fouché. - L'accès à la propriété est un vrai sujet. En France, non seulement les sociétés HLM manquent de ressources, mais, en outre, le coût de la construction est particulièrement élevé comparé à d'autres pays comme les États-Unis ou le Canada où l'on construit pour une génération et non pour un horizon plus lointain.
M. Roger Karoutchi, président. - Actuellement, en Île-de-France, les agences immobilières n'ont qu'un seul mot d'ordre à l'intention de leurs clients : « N'achetez pas, louez. » Elles mettent en avant le coût excessif du mètre carré à l'achat mais oublient que, souvent, l'acquisition d'un bien immobilier est aussi un investissement en vue de la retraite.
Mes chers collègues, à l'issue de ce tour de table, où de nombreux sujets ont été proposés, voici comment nous pourrions procéder. Tout d'abord, il est des sujets, à l'instar de celui qu'a évoqué Philippe Kaltenbach, qui me semblent avoir déjà été traités, tout du moins partiellement, à l'occasion d'un récent rapport de notre délégation.
Afin de nous aider dans nos choix, je vous propose de lancer une série d'auditions généralistes d'ici à avril-mai 2015, à la suite desquelles des sujets d'étude devraient s'imposer d'eux-mêmes. Dans l'immédiat, nous pourrions nous accorder sur l'organisation de deux ateliers de prospective, l'un sur la question de l'urbanisation évoquée par Jean-Pierre Sueur, qui pourrait également intégrer le problème que soulevait Jean-François Mayet sur l'accession à la propriété ;...
M. Jean-François Mayet. - La question se pose aussi dans les zones rurales, les bailleurs sociaux sont allés enrichir leurs fonds de commerce en construisant dans les petits villages.
M. Roger Karoutchi, président. - ... l'autre porterait sur les maladies infectieuses et les épidémies, dans le prolongement des travaux de Fabienne Keller.
Mme Annie David. - L'atelier sur les villes permettra également d'évoquer le thème de la pauvreté et, partant, de prolonger le travail de Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. - Je suis d'ailleurs en train d'étudier les modalités de mise en oeuvre des préconisations que j'ai développées.
Mme Corinne Bouchoux. - Je note que le sujet transverse sur l'eau concerne toutes les commissions et qu'une grande conférence sur le climat se déroulera l'an prochain.
M. Roger Karoutchi, président. - je constate que la proposition d'Henri Tandonnet recueille nombre de suffrages. Je la considère donc comme retenue. Quelqu'un souhaiterait-il s'associer à ce travail ?
M. Jean-Jacques Lozach. - Moi, je veux bien en être le co-rapporteur.
M. Roger Karoutchi, président. - C'est noté.
M. Gérard Bailly. - Notre pays, à commencer par la Bretagne, est en train de connaître avec l'agroalimentaire ce qu'elle a subit avec son industrie. Concurrence effrénée, prix bas, fermetures d'usines de transformation, répercussions sur la production, explosion des normes de sécurité alimentaire, voilà autant de signes annonciateurs de la catastrophe qui nous pend au nez. Dans quarante ou cinquante ans, tous les produits que nous consommerons en France viendront d'ailleurs.
M. Henri Tandonnet. - D'après Interfel, l'interprofession des fruits et légumes, nous avons perdu notre place de leader dans de nombreuses productions, au détriment notamment des Pays-Bas et de l'Espagne. Alors que nous étions le premier producteur de fraises, nous sommes désormais le sixième. Il y a des productions qui en viennent même à disparaître.
M. Gérard Bailly. - Dans un département d'élevage comme le mien, on a perdu 20 000 têtes en quinze ans. Je le répète, on est train de faire pour notre agroalimentaire ce qu'on a fait pour notre industrie.
M. Roger Karoutchi, président. - Le défi alimentaire s'annonce en effet comme l'un des sujets lourds.
S'agissant du calendrier des auditions généralistes, je vous propose de commencer dès le mois de décembre et de retenir, comme rythme de réunion, un mardi par mois, de 17h00 à 19h00.
La délégation a pris acte des décisions de son Bureau, dont le relevé lui a été communiqué le 27 novembre 2014.