Mercredi 12 novembre 2014

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30

Nomination de rapporteur

M. Jean-Pierre Vial est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 586 (2013-2014) visant à faciliter l'expulsion des squatteurs de domicile.

Lutte contre les discriminations - Vote sur la publication du rapport d'information

La commission a ensuite procédé au vote sur la publication du rapport d'information de Mme Esther Benbassa et M. Jean-René Lecerf relatif à la « lutte contre les discriminations ».

M. Philippe Bas, président. - Nous devons voter sur la publication du rapport d'information de Mme Esther Benbassa et M. Jean-René Lecerf relatif à la lutte contre les discriminations.

La commission autorise la publication du rapport d'information relatif à la lutte contre les discriminations.

Favoriser le recrutement et la formation des sapeurs-pompiers volontaires - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine ensuite le rapport de M. Jean-Pierre Sueur et le texte proposé par la commission pour la proposition de loi n° 553 (2013-2014) tendant à favoriser le recrutement et la formation des sapeurs-pompiers volontaires.

EXAMEN DU RAPPORT

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - La proposition de loi sur le recrutement et la formation des sapeurs-pompiers volontaires, déposée par Roland Courteau et Marcel Rainaud, a été co-signée par un nombre important d'élus du groupe socialiste. Dans une société trop souvent marquée par l'individualisme, il est important de développer le volontariat. Or le nombre de sapeurs-pompiers volontaires diminue dans bon nombre de départements. Lors du 120ème congrès national des sapeurs-pompiers qui s'est tenu à Chambéry, l'an dernier, Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, a signé un plan d'action de vingt-cinq mesures pour enrayer la chute du volontariat, en facilitant notamment les conditions d'accès à la formation. Il y a trente ou quarante ans, les conditions de recrutement et de formation étaient légères ; l'on en appelait surtout à l'esprit de solidarité dans les communes et dans les villages. Depuis, le recrutement est devenu plus sélectif et les obligations en termes de disponibilité se sont accrues. Le volontariat est devenu contraignant, moins compatible avec un emploi dans une entreprise. Cependant, qui peut considérer que la formation n'est pas nécessaire ? La loi du 20 juillet 2011 a simplifié un certain nombre d'obligations de formation et le décret du 17 mai 2013 a formalisé le dispositif. Notre collègue Yves Rome, qui préside le conseil général de l'Oise et la Conférence nationale des services d'incendie et de secours nous a parlé d'expérimentations intéressantes pour définir des logiques de formation contribuant à enrayer la diminution du nombre de sapeurs- pompiers volontaires.

S'inscrivant dans cet objectif de simplification, la proposition de loi prévoit que la formation initiale des sapeurs-pompiers volontaires qui dure un mois et demi...

M. Michel Mercier. - Trente-six jours.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - ... puisse être effectuée dans le cadre du service civique. La formation des sapeurs-pompiers est régie par la loi, de même que les orientations du service civique.

Il m'a paru nécessaire de préciser le texte présenté par Roland Courteau. En contrepartie des frais engagés par les collectivités territoriales, les jeunes volontaires doivent s'engager à servir comme sapeurs- pompiers volontaires, sans préjudice, cependant, en cas d'impossibilité. Même si cet engagement n'est que moral, il reste significatif.

Les responsables que nous avons auditionnés - Yves Rome, notamment - nous ont indiqué que la question du coût pour les collectivités locales ne se posait pas en l'espèce, puisqu'avec la baisse du nombre de volontaires, les conseils généraux ont de moins en moins de formations à assumer.

L'élaboration de stratégies efficaces sans déployer de moyens supplémentaires suffit à enrayer la diminution du nombre des sapeurs-pompiers volontaires. Dans un quartier sensible de mon département, la création d'une section de jeunes sapeurs-pompiers, solidement encadrés et formés, a produit des effets considérables, beaucoup de jeunes choisissant de poursuivre dans cette voie. L'intégration d'une formation au secourisme dans le cursus scolaire serait une autre piste pour favoriser le recrutement.

M. Philippe Bas, président. - Je vous remercie pour ce rapport éclairant.

M. Michel Mercier. - Je ne doute pas de l'intérêt de cette proposition de loi ; je ne m'attends pas pour autant à ce qu'elle fasse des miracles.

M. Philippe Bas, président. - C'est la politique des petits pas. Elle servira à donner un signal.

M. Michel Mercier. - Ceux qui s'inscrivent au service civique ne sont pas nombreux. Nous ne relancerons pas le recrutement des sapeurs-pompiers volontaires sans une action de longue haleine. Commençons par faire la promotion du métier. Dans le Rhône, dont je préside le SDIS depuis quinze ans, nous avons commencé par remettre des volontaires là où il n'y en avait plus, c'est-à-dire à Lyon. Nous sommes allés à l'université proposer des aides aux étudiants.

Les sapeurs-pompiers volontaires sont de plus en plus souvent des professionnels. Le système fait qu'un professionnel a un service encore plus léger qu'un professeur d'université ! Il peut donc facilement s'engager comme sapeur-pompier volontaire pendant son temps libre. Dans mon département, nous avons mis en place un service d'hélicoptères pour qu'on ne soit jamais à plus de quinze minutes d'un centre hospitalier. Nos médecins exercent leur métier de médecin les jours pairs et comme volontaires les jours impairs, ajoutant ainsi à leur fixe, un salaire qui n'est pas soumis à l'impôt.

Nous avons mille jeunes sapeurs-pompiers volontaires dans mon département. Cependant ceux qui sont issus du service civique deviennent professionnels parce que depuis la dernière loi, ils sont intégrés sans concours : cette proposition ne fera pas de miracle.

M. Philippe Bas, président. - Je vous remercie d'avoir circonscrit l'intérêt de cette proposition de loi et de nous avoir montré d'autres méthodes possibles pour remédier à l'essoufflement du recrutement des sapeurs- pompiers volontaires.

M. Jean-Jacques Hyest. - Le nombre des sapeurs-pompiers volontaires ne diminue pas partout. En Seine-et-Marne, nous en comptons 2 800. Un certain nombre de professionnels, recrutés sur concours, s'engagent comme volontaires - c'est le cas des anciens de la brigade de Paris. Si nous voulons relancer le recrutement de volontaires, il faut que les collectivités locales passent contrat avec les entreprises. En nous liant à la Snecma, par exemple, nous avons pu recruter des sapeurs-pompiers volontaires parmi les chefs de la sécurité. Développons cette forme de collaboration. Paradoxalement, seuls les services de l'État n'accomplissent aucun effort.

Notre corps de jeunes sapeurs-pompiers existe depuis longtemps. Il est bien structuré et fonctionne de manière satisfaisante. La plupart de ceux qui en sont issus passent professionnels, ou bien s'engagent comme volontaires. Actuellement, 90 % des professionnels sont recrutés parmi les volontaires. Cette proposition de loi n'aura pas d'effet miraculeux, sauf si le service civique devenait obligatoire...

M. Christophe Béchu. - Si ce texte va dans le bon sens, nous pouvons jouer sur d'autres leviers. Je ne suis pas très favorable à un volontariat exercé principalement par des professionnels grâce à des heures supplémentaires non fiscalisées. Le recul du nombre de sapeurs-pompiers volontaires se constate de manière objective. Nous pourrions y remédier sans passer par une loi, en sensibilisant les élus. Trop souvent, les maires hésitent à recruter des sapeurs-pompiers volontaires, car ils craignent des absences à répétition. Quant aux entreprises, il faudrait leur assurer un dédommagement à hauteur de leurs dépenses et non des vacations versées aux sapeurs-pompiers volontaires.

L'adaptation des disponibilités est un autre levier sur lequel nous pouvons agir. Il est très facile de trouver des volontaires, la nuit ; ce n'est pas la même chose en journée. La rationalisation des casernes - même si elle est parfois bienvenue - a contribué à faire chuter le nombre de sapeurs-pompiers volontaires. Avoir un corps de volontaires disponibles à tout moment, tel est le vrai enjeu. Cela implique d'assouplir les conditions d'engagement, et d'agir auprès des employeurs qui ne voient pas d'un même oeil leurs employés s'absenter quand il s'agit d'éteindre un incendie ou d'amener quelqu'un au CHU. Je voterai sans réserve en faveur de cette proposition de loi. Au-delà du quantitatif, nous devrons nous interroger sur le qualitatif.

M. Philippe Bas, président. - Nous sommes en train de mettre en place une mission d'information qui pourra faire l'inventaire des mesures facilitant l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires.

M. René Vandierendonck. - Les données de la question sont objectives. Il est important de lier formation et engagement. Il serait bon de ne pas parler de patriotisme social qu'aux commémorations du 11 novembre. Dans un passé récent, mes collègues Troendlé et Lecerf ont présenté une proposition de loi sur les cinq gestes qui sauvent. En incorporant un module de secourisme au collège, on contribuerait à promouvoir la mission des sapeurs- pompiers volontaires.

Mme Esther Benbassa. - Les professeurs d'université travaillent énormément en dehors de leurs heures d'enseignement - recherche, publications, direction de mémoires et de thèses... Notre travail mérite le respect ! Et cela vaut aussi pour les enseignants du secondaire.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - De 2010 à 2011, la baisse du nombre de sapeurs-pompiers volontaires a été de 2 000, de 2 300 de 2011 à 2012 et de 700 l'année suivante. L'inflexion de la tendance montre que la loi du 20 juillet 2011 a produit son effet et l'on a commencé à prendre des mesures dans certains départements pour remédier à la désaffection. Certes, monsieur Mercier, la proposition de loi ne règlera pas tout. Elle sera un signal, et d'autres dispositions viendront la compléter. Monsieur Hyest, vous avez pris d'excellentes mesures en Seine-et-Marne. M. Béchu a indiqué à juste titre la nécessité d'agir aussi sur d'autres leviers. Le cas des professionnels qui s'engagent comme volontaires mérite d'être discuté, notamment avec les organisations de sapeurs-pompiers. Aujourd'hui, les volontaires qui s'engagent au titre du service civique ne peuvent accomplir aucun acte opérationnel. Ils sont souvent employés pour encadrer les jeunes sapeurs-pompiers. Il y a dans toutes les catégories professionnelles des personnes qui manquent de zèle ; Mme Benbassa a eu raison de le dire, beaucoup d'universitaires se donnent du mal pour s'acquitter de leurs fonctions.

Monsieur Vandierendonck, la proposition de loi que vous avez mentionnée sur les cinq gestes qui sauvent est de celles que nous avons adoptées à l'unanimité. Évitons cette perte de temps législatif qui fait que des propositions de loi utiles sont votées sans être mises à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. C'est du gâchis.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article unique

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - L'amendement n° 1 prévoit qu'un jeune qui aura bénéficié de la formation initiale de sapeur-pompier volontaire dans le cadre d'un contrat de service civique - cela représente un coût de 3 700 euros pour la collectivité locale -s'engagera à exercer la mission de sapeur-pompier volontaire.

M. Philippe Bas, président. - La durée de l'engagement relève-t-elle du niveau règlementaire ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - L'engagement peut être résilié. Il est sans préjudice si le jeune ne peut s'en acquitter pour cause de déménagement, par exemple.

M. Alain Richard. - Un système de remboursement est-il prévu si l'engagement n'est pas respecté ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Le volontaire est rémunéré au titre du service civique. La formation de sapeur- pompier volontaire ne représente que trente-six jours sur les six mois de service civique. Dans le droit commun, aucun remboursement n'est prévu.

M. Alain Richard. - Ils sont rémunérés, au moins partiellement ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - Oui.

M. Philippe Bas, président. - Cela relève du niveau règlementaire.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. - L'engagement de sapeur-pompier volontaire est de cinq ans, pour l'instant. Il peut être résilié à tout moment. Nous ne sommes pas obligés de trancher immédiatement.

L'amendement n° 1 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Rétablir à sept ans la durée du mandat du Président de la République et à le rendre non renouvelable - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine ensuite le rapport de M. Hugues Portelli sur la proposition de loi constitutionnelle n° 779 (2013-2014) visant à rétablir à sept ans la durée du mandat du Président de la République et à le rendre non renouvelable.

M. Hugues Portelli, rapporteur. - Cette proposition de loi constitutionnelle de nos collègues du groupe RDSE, comme celle qu'ont récemment déposée des députés issus d'un groupe politique différent, rétablit le septennat sous une forme non renouvelable. J'ai vu son auteur en audition. Nous rouvrons ainsi un débat pendant depuis 1958. En effet, dans sa rédaction initiale, la Constitution prévoyait un septennat renouvelable pour un Président de la République élu par un collège électoral qui était celui du Sénat. Cette disposition a été modifiée en 1962, par un référendum, controversé, sur la base de l'article 11 de la Constitution, le Général de Gaulle proposant que le Président soit élu au suffrage universel direct. En 2000, la durée du mandat présidentiel a été réduite à cinq ans, par référendum, en application de l'article 89 de la Constitution. Enfin, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le Président de la République ne peut être réélu qu'une seule fois consécutive.

L'article 5 de la Constitution, inchangé depuis 1958, définit le Président de la République comme un arbitre doté de fonctions importantes en situation de crise (droit de dissolution de l'article 12 et pleins pouvoirs de l'article 16). Le Président de la République est également le chef des armées ; il négocie et ratifie les traités en politique étrangère. Cette conception d'un chef d'État n'était pas celle du Général de Gaulle. Dès le début de son premier mandat, il est intervenu dans le domaine de la politique intérieure, a surveillé l'ordre du jour du conseil des ministres et refusé au Premier ministre le titre de chef du Gouvernement, imité en cela par Georges Pompidou. Avant la révision de 1962, il n'a pas hésité à recourir au référendum à deux reprises pour vérifier qu'il conservait le soutien populaire dans l'exercice de son mandat. La révision de 1962 a concrétisé cette pratique.

Pour le Général de Gaulle, le septennat trouvait un correctif dans l'utilisation du référendum pour s'assurer de la confiance des Français, en cours de mandat. Par conséquent, lorsque le 27 avril 1969, 53 % des électeurs ont voté contre le projet de réforme du Sénat, il a démissionné. En revanche, ses successeurs se sont bien gardés de faire leur cette interprétation de la responsabilité du chef de l'État. Jamais ils n'ont utilisé l'article 11 à des fins constitutionnelles. Ils n'ont pas non plus engagé leur responsabilité. Même quand Jacques Chirac a échoué lors de la dissolution de 1997 ou lors du référendum de 2005, il s'est gardé d'en tirer des conséquences politiques, optant pour une pratique du septennat où le Président de la République s'accommode des situations politiques qui surgissent, sans remettre en cause sa responsabilité.

À trois reprises, la présidence a subi une cohabitation - l'invention du terme, sinon du concept, revient à Édouard Balladur -, période durant laquelle les pouvoirs du Président sont réduits aux acquêts de la Constitution, c'est-à-dire aux dispositions de l'article 5. Le Premier ministre gouverne en s'appuyant sur la majorité de l'Assemblée nationale.

En 2000, une révision, à l'initiative de plusieurs auteurs dont le Premier ministre de l'époque, réduit la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans dans le but de limiter la possibilité d'une cohabitation. Cette révision a paradoxalement été initiée par celui qui a le plus bénéficié des prérogatives du Premier ministre en temps de cohabitation, Lionel Jospin. La loi organique de 2001 a mené la logique à son terme, en inversant le calendrier électoral, de sorte que les élections des députés sont désormais conditionnées par celle du Président. François Mitterrand avait dissous à deux reprises l'Assemblée nationale pour obtenir une majorité compacte au lendemain de son élection. La loi organique de 2001 répond à la difficulté rencontrée par Jacques Chirac d'organiser une dissolution juste avant la fin de son mandat.

Lors de l'institution du quinquennat en 2000, Jacques Chirac était hostile à toute limitation du nombre des mandats consécutifs, c'était le « quinquennat sec ». La révision de 2008 a fait de l'élection présidentielle la seule élection où le nombre des mandats consécutifs est limité - suivant en cela le modèle américain.

La proposition de loi constitutionnelle que nous examinons aujourd'hui a deux objets, l'un affiché, l'autre latent. D'une part, elle rend la fonction présidentielle moins conjoncturelle, axée sur le long terme. De Gaulle a été le premier à manier le long terme dans les domaines essentiels (défense, politique étrangère, planification, aménagement du territoire), avec des responsables politiques et administratifs qui sont restés en place longtemps. Dans d'autres secteurs, sa gestion des affaires a été plus chaotique : à l'éducation nationale et aux universités, talon d'Achille de sa politique, les ministres se sont succédé à une cadence rapide.

La vision à long terme des présidents dans le cadre du septennat s'est toutefois constamment heurtée à la crainte de voir leur autorité ruinée par la perte des élections législatives. Cela a été le cas pour de Gaulle en 1967, pour Pompidou en 1973, avec déjà le projet du quinquennat, pour Valéry Giscard d'Estaing en 1978, avec le discours de Verdun-sur-le-Doubs, pour Chirac et Mitterrand, à trois reprises. Tous avaient une vision à long terme, mais un pilotage à court terme de l'action politique.

Le non-renouvellement du mandat présidentiel introduirait une scansion définitive qui interdirait tout rebondissement. Tandis que le Général de Gaulle, réélu, a été confronté à l'échec et a préféré partir, François Mitterrand et Jacques Chirac ont été réélus après une cohabitation : le Premier ministre avec lequel ils ont cohabité est devenu leur adversaire à l'élection présidentielle. Plutôt que de tirer parti de leur fonction de Premier ministre, chacun - Jacques Chirac en 1988, Édouard Balladur en 1995 et Lionel Jospin en 2002 - a préféré essayer de devenir Président de la République, sans tirer les conclusions de ces échecs : c'est le Premier ministre de cohabitation qui est le candidat du bilan, le Président retrouvant la capacité de se forger un nouveau statut politique : François Mitterrand avait été simultanément chef de l'État et chef de l'opposition, situation assez confortable...

L'objet latent de la proposition de loi constitutionnelle, que son auteur ne cherche pas à cacher, est l'abaissement de la fonction présidentielle. Toutes les révisions proposées par des personnalités de tradition radicale depuis 1958, à commencer par Gaston Monnerville, sont marquées par la nostalgie du régime parlementaire et veulent donner au Président de la République un rôle secondaire. Faute de pouvoir abolir son élection au suffrage universel direct - seule élection qui suscite un engouement dans la population - la proposition crée un septennat condamné à se terminer en cohabitation et non renouvelable. Y voir un retour à la version originelle de la Constitution de 1958 reviendrait à oublier que les auteurs de celle-ci ont imposé le tournant de 1962 et la pratique présidentialiste qui a suivi.

Dans la mise en oeuvre de la IIIème République, à l'inverse, la pratique ultra-parlementaire s'est imposée à partir de 1879, avec la fameuse « constitution Grévy ». Alexandre Millerand, Président de la République après la victoire du cartel des gauches...

M. Alain Richard. - ... mais élu par la Chambre bleu horizon !

M. Hugues Portelli, rapporteur. - ... n'ayant pas pu résister à la Chambre des députés, a dû démissionner. Il est impossible de revenir sur une pratique durablement installée.

La proposition de révision de Jacques Mézard, si elle a le mérite de relancer le débat sur la fonction présidentielle, propose un retour en arrière à l'opposé du sentiment des citoyens, formellement exprimé par un référendum en 2000 - c'est la seule révision constitutionnelle adoptée régulièrement par référendum. Elle est en outre à rebours de l'accélération actuelle du temps politique, illustrée par la réduction du mandat des sénateurs.

M. René Vandierendonck. - Nous pourrions rétablir le mandat de neuf ans...

M. Hugues Portelli, rapporteur. - Je propose donc de ne pas adopter cette proposition de loi constitutionnelle.

M. Philippe Bas, président. - Les raisons de l'institution du septennat furent des plus contingentes. S'il a été reconduit par la IVème et la Vème Républiques, la fonction a considérablement évolué depuis 1958. Il fait figure d'exception dans les régimes démocratiques européens...

M. Michel Mercier. - Vous oubliez l'Italie !

M. Philippe Bas, président. - ...au regard des pouvoirs confiés au Président. Depuis 1981, aucun septennat ne s'est déroulé sans cohabitation ; c'était elle qui était visée par la révision de 2000. Cette proposition veut rétablir la présidence dans une fonction arbitrale. À condition que cela soit souhaitable, suffirait-il d'instituer un septennat non renouvelable pour y parvenir ? Cette dernière disposition est préoccupante. Une cohabitation sans espoir de réélection affaiblirait la fonction présidentielle. Un tel choix doit être opéré en connaissance de cause.

Le calendrier actuel de l'élection présidentielle est déterminé par la date de la mort du président Pompidou, il n'a pas été décidé. En revanche, les élections législatives avaient lieu en mars malgré les dissolutions ; elles sont désormais en juin, tant que les élections présidentielles se déroulent à la même date.

M. Alain Richard. - Malgré l'exposé lumineux d'Hugues Portelli, mon appréciation est différente de la sienne. La révision de 2000 a créé un déséquilibre dans un système devenu présidentialiste sans cesser d'être dualiste. Il repose aujourd'hui sur une élection présidentielle intensément anticipée : nous souffrons du syndrome de la campagne pré-présidentielle permanente que l'on peut observer depuis un siècle aux États-Unis. Le Président de la République garde néanmoins un pouvoir de dissolution d'une chambre qui est pourtant élue dans la fidélité à ses options. Nous pouvons considérer que la situation actuelle ne peut être que transitoire.

Lionel Jospin sympathisait d'ailleurs avec le régime présidentiel. Dans le tohu-bohu des idées plus ou moins structurées de changement institutionnel qui circulent, il y a une ambivalence entre le rétablissement, largement utopique, d'un régime parlementaire et le renforcement des pouvoirs législatifs du Parlement, au prix de la suppression de la fonction de Premier ministre et donc de la responsabilité devant le Parlement, pour basculer dans un régime présidentiel.

Le Président de la République est élu au suffrage direct dans quatre régimes parlementaires en Europe : en Pologne, en Autriche, en Finlande et au Portugal. Pour ceux qui veulent, comme moi, éviter des emportements redoutables pour la gouvernabilité du pays et revenir à une fonction présidentielle forte mais arbitrale, la proposition de loi est une condition nécessaire, quoique non suffisante. Ce qui la rendrait suffisante serait que les deux familles politiques habituellement au second tour changent le profil de leurs candidats - cela aurait été possible en 2002. Tant que nous en restons au quinquennat et aux législatives consécutives, les candidats seront des « super » premiers ministres, se présentant avec un programme gouvernemental, de sorte qu'il est impossible de retrouver la fonction de Président arbitre. Le droit de dissolution est désuet : on voit mal le Président congédier la majorité dont il a bénéficié, car le précédent de 1997 reste dans les mémoires.

Les fonctions du Président, à l'exception de l'article 16, reproduisent presque à l'identique les dispositions de la loi constitutionnelle de 1875, qui étaient dans l'esprit de leurs auteurs celles d'un monarque constitutionnel. Le septennat était d'ailleurs calqué sur l'espérance d'un rétablissement de la monarchie. La position du rapporteur est étayée, mais la proposition de loi a ses mérites pour qui veut un régime démocratique et un pays gouvernable.

M. Jean-Yves Leconte. - La révision de 2000 a cassé la flexibilité de la Constitution. Avec le phasage absolu entre élection présidentielle et élections législatives, l'élection de l'Assemblée nationale dépend totalement de celle du Président de la République. Quand bien même celui-ci se retrouverait dans la même situation qu'en 1974, il dissoudrait malgré tout. Les partis politiques s'organisent autour de l'élection présidentielle.

Mme Cécile Cukierman. - Nous l'avons vu !

M. Jean-Yves Leconte. - Ils changent de nature et voient s'affronter des écuries plutôt que des idées. Que le pouvoir exécutif n'ait pas réussi à convaincre les Français à l'issue des trois derniers quinquennats incite à réfléchir à une évolution de nos institutions.

Le projet principal de la politique française ne peut être que de déterminer la place de notre pays dans l'Europe. Comme cela ne dépend pas que de l'élection du Président, prétendre la réorienter tient de l'imposture. Nous sommes la seule démocratie européenne en voie de présidentialisation : tous les autres pays ont des régimes parlementaires. Cela empêche un discours de vérité sur l'Europe ; la proposition de loi a l'avantage de renverser la tendance.

M. Christophe Béchu. - Nous avons découvert avec le rapport d'Hugues Portelli combien notre collègue passionne ses étudiants...

Quelque chose ne va pas dans le système actuel. Le déplacement en 2000 d'un seul curseur a causé un déséquilibre global de nos institutions. Une pratique nouvelle, celle des primaires, n'a fait qu'accentuer le raccourcissement du temps politique : déjà passé de sept à cinq ans, l'intervalle entre deux campagnes est réduit d'un an par la primaire, et d'une autre année par les déclarations de candidature. Dans notre famille politique, l'intervalle n'a été que de douze  mois... L'élection présidentielle domine aujourd'hui et biaise tout le débat politique.

Un rééquilibrage pourrait être tentant, mais j'ai peur de jouer les apprentis sorciers en ne déplaçant que le curseur du septennat non renouvelable, qui pourrait causer un nouveau déséquilibre. Outre le non-alignement des majorités, il y aura forcément un moment où le Président n'aura plus rien à perdre s'il n'est pas rééligible, car il ne sera plus responsable. Le quinquennat biaise notre logique institutionnelle. Mieux aurait valu que le premier vainqueur d'une primaire perde : le fait que 100 % des vainqueurs aient gagné est une incitation à s'y plier. Au lieu d'épouser un effet de mode comme avec le quinquennat, il faudrait envisager un toilettage en profondeur. Sans aller jusqu'à une VIème République, nous pouvons trouver un nouvel équilibre entre Président de la République et Parlement.

Je ne voterai pas cette proposition de loi.

M. Michel Mercier. - La seule constante dans l'histoire constitutionnelle depuis 1875 - et nous pourrions sans doute remonter à la Monarchie de Juillet - est la distance du texte à la pratique. Mes préférences personnelles vont à la république parlementaire, cet idéal démocratique que nous n'avons pas souvent rencontré. Depuis 1958, nous assistons à une vraie personnalisation - plus qu'à une présidentialisation - du pouvoir, comme nous l'enseignait Jacques Cadart.

M. Philippe Bas, président. - Pas seulement en France.

M. Michel Mercier. - Comment lutter contre cette personnalisation ? La cause n'en est pas tant le quinquennat que la suppression de fait de l'autonomie des élections législatives. Les deux derniers présidents ont eu presque les mêmes mots : le Premier ministre exécute la politique que j'ai choisie, il fait ce que je dis... Sauf à prendre les Français pour des girouettes, il est naturel qu'ils votent un mois après comme à la présidentielle. Lorsque le président Mitterrand a demandé à la télévision : « De grâce, ne me donnez pas une majorité ! », il l'a eue quand même, et avec Michel Rocard en prime ! Certes, c'était avec le soutien de quelques centristes occasionnels - comme c'était avec l'approbation d'un grand professeur de droit constitutionnel, cela ne posait pas de problème.

Comment avoir une vraie démocratie ? La question de fond est celle du Premier ministre : il ne joue un rôle qu'en période de cohabitation, désormais difficile à imaginer. La France peut-elle continuer à être représentée internationalement par deux personnes ? Elle est le seul État à être représenté par le chef de l'État au Conseil européen ; au G20, elle l'est par le Président, avec le Premier ministre en période de cohabitation - nous avons vu ce que cela donnait avec François Mitterrand et Édouard Balladur, qui disaient exactement le contraire l'un de l'autre.

Ne faudrait-il pas préférer améliorer le système actuel, plutôt que de poursuivre un rêve, dont je crains qu'il ne se réalise jamais, et mettre en accord le droit et le fait ?

M. Hugues Portelli, rapporteur. - Argument peu glorieux mais important : une révision constitutionnelle d'initiative parlementaire doit être adoptée par les deux chambres puis par référendum. Soumettre une telle révision au référendum n'améliorerait pas grandement notre image. Il faut parfois s'abstenir de prendre des initiatives qui vont tellement à l'encontre du sentiment dominant.

Alain Richard explique que, dans les régimes parlementaires où le président est élu au suffrage direct, les partis sont d'accord pour présenter leurs leaders pour le poste de premier ministre, et non à celui de président, qui est réservé à des personnalités en fin de parcours ou d'importance secondaire. Dans le cas du Portugal, de la Pologne, de la Croatie et de la Finlande, où le président était véritablement le chef de l'exécutif, la constitution a été révisée pour transférer certains de ses pouvoirs au premier ministre, notamment en matière européenne, tout en gardant l'élection au suffrage direct. Ils ont alors pris le modèle irlandais, où la présidence a un rôle sociétal. Le cas le plus intéressant est l'Islande, où l'élection n'a lieu que si les partis ne se sont pas mis d'accord sur un nom.

La personnalisation est un argument réversible. Nous constatons la même personnalisation de la vie politique en Allemagne et au Royaume-Uni, où le chef du parti ayant la majorité à la Chambre est un patron incontesté de la vie politique. Cela ne fonctionne pas ainsi dans un seul cas : en l'absence de majorité. David Cameron a ainsi dû renoncer, à la demande des libéraux, à l'usage du droit de dissolution.

Le débat constitutionnel en France est marqué par l'obsession de réduire le pouvoir du Président. Or le problème réside aussi dans les autres pouvoirs. Si nous ne voulons pas que le Président soit à la fois le chef de l'État et le chef de la majorité, nous devons supprimer le droit de dissolution et la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement.

La France est un pays deux fois centralisé : politiquement, parce que le Président de la République fait tout, et administrativement, à cause de l'absence de contre-pouvoirs, notamment locaux, contrairement à l'Allemagne, où les ministres-présidents des Länder parlent d'égal à égal avec le chancelier au Bundesrat. Avec ce cumul de centralisations au profit du Président, notre système ne peut pas être démocratique, au sens de M. Mercier.

M. Philippe Bas, président. - Ces régimes très différents sur le papier fonctionnent de la même façon : le fluide politique emprunte des voies différentes, mais aboutit à une démocratie de l'alternance, avec la nuance du fédéralisme allemand et la possibilité pour la majorité britannique de changer de chef à l'approche des élections, comme ce fut le cas pour Tony Blair et Margaret Thatcher. On ne pourrait pas l'imaginer pour notre pays à l'approche de l'élection présidentielle. Mettre fin à la personnalisation du pouvoir me semble une ambition difficile à réaliser.

La proposition de loi constitutionnelle n'est pas adoptée.

Loi de finances 2015 - Mission « Conseil et contrôle de l'État », programmes « Juridictions financières » et « Juridictions administratives » - Examen du rapport pour avis

La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Michel Delebarre sur la mission « Conseil et contrôle de l'État », programmes « juridictions financières » et « juridictions administratives ».

M. Michel Delebarre, rapporteur pour avis. - Nous examinons pour la première fois ensemble les crédits de deux programmes de la mission « Conseil et contrôle de l'État » : le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives », qui regroupe les moyens affectés au Conseil d'État, aux huit cours administratives d'appel, aux quarante-deux tribunaux administratifs et à la Cour nationale du droit d'asile, et le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières », qui concerne la Cour des comptes et les vingt chambres régionales et territoriales des comptes.

L'effort budgétaire en faveur des juridictions administratives et financières est maintenu cette année. Ces deux budgets ont en commun de présenter une certaine stabilité permettant aux juridictions de disposer de conditions relativement favorables à l'accomplissement de leurs missions. Dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, les crédits alloués pour 2015 au programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » est en progression : + 2,2 % en crédits de paiement. Le plafond d'emplois autorisés est fixé à 3 784 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit la création de trente-cinq nouveaux emplois. Les crédits du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » sont, quant à eux, en légère diminution par rapport à l'an dernier : - 0,9 %, mais cette diminution est liée à un ajustement technique. Quant aux moyens humains, ils s'établissent à un niveau constant par rapport aux exercices précédents avec un plafond d'emplois fixé à 1 840 ETPT.

De plus, ces deux programmes bénéficient de conditions d'exécution relativement favorables, puisqu'ils ne sont pas soumis à l'obligation de mise en réserve de crédits en début d'exercice.

D'un point de vue strictement budgétaire donc, ces programmes ne rencontrent pas de difficultés particulières.

Cependant, l'ensemble des personnes que j'ai pu rencontrer pour préparer ce rapport m'ont signalé que cette situation satisfaisante était fragilisée par la forte pression contentieuse subie par les juridictions administratives d'une part, et par la multiplication des missions confiées aux juridictions financières d'autre part.

Concernant les difficultés des juridictions administratives pour faire face à la progression constante du contentieux, je vous rappelle que depuis 2011 l'objectif de ramener à un an en moyenne les délais de jugement devant l'ensemble des juridictions est atteint tous types d'affaires confondues. Cependant, communiquer sur un délai de jugement inférieur à un an risque d'induire le justiciable en erreur car pour les affaires dites « ordinaires », c'est-à-dire hors procédures d'urgence et procédures particulières, ces délais s'établissent plutôt autour de un an et dix mois devant les tribunaux administratifs et un an et deux-trois mois devant les cours administratives d'appel et le Conseil d'État.

Or, l'indicateur qui permettait de mesurer ce délai de règlement pour les affaires ordinaires a été supprimé de la maquette de performance, pour des raisons de « simplification des documents budgétaires ». La suppression de cet indicateur, particulièrement pertinent, me semble dommageable à l'analyse. En tout état de cause, quel que soit l'indicateur utilisé, les délais de jugement des affaires, toutes juridictions confondues, se sont nettement améliorés ces dernières années.

Cependant, après une phase de stabilisation des performances des juridictions administratives à un niveau satisfaisant, selon les personnes entendues lors des auditions préparatoires, ces résultats sont menacés par la poursuite de la montée en puissance des contentieux de masse, tels que celui du droit au logement opposable (DALO), du revenu de solidarité active (RSA) ou des étrangers, qui ont progressé respectivement de 44 %, 77 % et 25 % de 2010 à 2013.

À cela s'ajoute le transfert aux juridictions administratives de nouveaux contentieux par des réformes récentes comme la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, qui donne compétence au juge administratif pour connaître des litiges relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), ou la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, qui a dépénalisé un nombre important de sanctions visant à réprimer les infractions au droit de la consommation, pour les transformer en sanctions administratives.

Pour faire face à ce niveau d'activité élevé à moyens quasi constants, des réformes de procédure ont été mises en oeuvre, comme la suppression de la possibilité de faire appel pour les contentieux sociaux, le contentieux du permis de conduire ainsi que pour certains permis de construire. Compte tenu de leur entrée en vigueur très récente, nous ne sommes pas encore en mesure de réaliser un premier bilan de l'application de ces dispositions, mais elles mériteront une attention particulière l'an prochain car la dispense d'appel est susceptible de porter atteinte aux droits du justiciable, puisque, une fois l'affaire en cassation, le Conseil d'État ne revient plus sur l'appréciation des faits. De plus, le pourvoi en cassation est plus coûteux pour le justiciable qui doit alors être représenté par un avocat au Conseil.

Toujours pour faire face à ce niveau d'activité élevé, de plus en plus de contentieux sont réglés par un magistrat statuant seul (les contentieux sociaux, les contentieux des étrangers, les litiges relatifs aux permis de conduire...). Bien que le jugement en formation collégiale demeure le principe, environ 60 % des affaires jugées devant les tribunaux administratifs l'ont été par un juge unique ou par ordonnance en 2013.

Si ces procédures de simplifications contentieuses ont permis à la juridiction administrative de faire face à l'augmentation du contentieux et de réduire ses délais de jugement, on peut légitimement s'interroger sur leur impact sur la qualité de la justice rendue. En effet, certains contentieux qui concernent en particulier les publics les plus fragiles, comme par exemple les contentieux sociaux, cumulent : suppression de l'appel, règlement par juge unique et dispense de conclusions du rapporteur public.

Enfin, comme lors des deux exercices précédents, j'ai pu constater un véritable sentiment d'impuissance des magistrats face à certains contentieux pour lesquels l'utilité de l'intervention du juge pose question. Je pense en particulier au droit au logement opposable (DALO). Le juge ne tranche aucune question de droit, il ne règle pas non plus la situation du justiciable, puisqu'il ne peut qu'enjoindre l'administration, sous astreinte, de délivrer un logement. Ce contentieux a progressé de 125 % en cinq ans. Il est donc particulièrement coûteux, pour un résultat très limité. Se pose donc à nouveau la question de la nécessité d'un traitement juridictionnel du problème social du logement...

La multiplication des missions des juridictions financières fragilise leurs bonnes performances. Si l'examen des comptes publics, le contrôle des finances publiques et le contrôle de la gestion des organismes publics constituent la majeure partie de l'activité de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes, les missions des juridictions financières n'ont cessé de s'étendre avec le temps. À titre d'exemple, après la certification des comptes de l'État, de la sécurité sociale et des deux assemblées, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de l'État, en cours d'examen au Sénat, prévoit l'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales les plus importantes.

Pour préserver ces performances satisfaisantes, dans un contexte budgétaire contraint, les juridictions financières ont fait l'objet de réformes organisationnelles et de procédures. Ainsi, en 2012, la carte des juridictions a été réformée pour permettre le regroupement des chambres régionales des comptes en structure de taille critique. Sept CRC ont été fermées. Le coût total de la réforme a été moins important que celui qui avait été prévu : 6,78 millions d'euros contre 13,43 millions d'euros envisagés. Hors dépenses de personnel, le coût budgétaire sera absorbé par les juridictions financières en moins de quatre ans.

Au-delà de l'aspect purement budgétaire, si la période préparatoire de la réforme a été longue et difficile pour les personnels, sa mise en oeuvre semble s'être finalement déroulée de manière relativement apaisée. Aujourd'hui, les juridictions regroupées fonctionnent de manière satisfaisante. La réforme aurait donné une nouvelle dynamique aux juridictions financières. Outre une nouvelle répartition et une requalification des effectifs en faveur de la fonction de contrôle, les regroupements semblent avoir permis des réorganisations, des économies d'échelle, une spécialisation dans certains domaines, une plus grande professionnalisation et des gains de productivité.

La réforme de la carte des juridictions s'est également accompagnée d'une évolution des méthodes de travail des magistrats et des agents. Dans un souci de plus grande efficacité des juridictions financières, la loi du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles a permis au Premier président de la Cour des comptes de fixer des normes professionnelles. Trois arrêtés en date des 18 juillet 2013, 15 janvier 2014 et 4 juillet 2014 ont été pris à ce titre. Parallèlement, afin de mieux coordonner les méthodes de travail et de développer des outils de contrôle homogènes, un centre d'appui métiers a été mis en place à l'automne 2012 à la Cour des comptes, à destination de l'ensemble des juridictions financières. Il a vocation à favoriser le partage des meilleures pratiques, l'élaboration d'outils d'aide au contrôle et la mise en commun des connaissances.

Enfin, la loi du 13 décembre 2011 a renforcé les formations inter-juridictions (FIJ), constituées entre la Cour et des CRC ou entre des CRC. Selon la Cour des comptes, grâce à cette réforme, les juridictions financières sont en mesure de répondre dans un délai beaucoup plus court aux demandes d'enquête, émanant du Parlement et du Gouvernement, qui concernent à la fois le champ de compétence de la Cour et celui des CRC. En septembre 2014, dix-sept FIJ étaient en cours sur des sujets divers comme l'efficacité et le coût du lycée, les finances publiques locales, le logement en Ile-de-France, les maternités...

Si ces structures présentent l'avantage de porter un regard transversal, là où les chambres régionales et territoriales des comptes ne peuvent avoir qu'une vision géographiquement limitée, il faut être prudent dans l'utilisation de cet outil. En effet, depuis la restructuration de la carte des juridictions, et compte tenu du contexte budgétaire contraint, les effectifs ont été calculés au plus juste des besoins des différentes juridictions, au regard de leur programme de contrôle. Il ne faudrait donc pas que les travaux inter-juridictions se développent au détriment des missions de contrôle des CRC. Je ne manquerai donc pas, dans mon rapport pour avis de l'année prochaine, de rendre compte de l'évaluation des formations inter-juridictions actuellement menée par le groupe de travail mis en place par la Cour des comptes sur ce sujet.

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 164 et 165.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Conseil d'État et autres juridictions administratives » et « Cour des comptes et autres juridictions financières » inscrits au projet de loi de finances pour 2015.

Loi de finances 2015 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement », programme « Protection des droits et libertés » - Examen du rapport pour avis

La commission procède enfin à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Yves Leconte sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement », programme « Protection des droits et libertés ».

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis. - Créé à l'occasion de la loi de finances pour 2009 dans un souci de lisibilité budgétaire, ce programme réunissait les onze autorités administratives indépendantes du programme coordination du travail gouvernemental.

Plusieurs évolutions sont intervenues depuis : la création du Défenseur des droits par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui est entré en fonction à compter du 1er mai 2011, la transformation du Conseil supérieur de l'audiovisuel en autorité publique indépendante par la loi du 15 novembre 2013, la création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique par les lois du 11 octobre 2013 sur la transparence de la vie publique.

Pour 2015, les autorisations d'engagement demandées s'élèvent à 98 410 885 euros (en baisse de 0,51 % par rapport à 2014), et les crédits de paiement à 98 850 093 euros (en hausse de 4,63 %).

Ces données globales doivent être nuancées par un examen détaillé des dotations de chaque autorité administrative : une forte hausse (pour la CNIL) et des baisses importantes (pour le Défenseur des droits, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique) au titre des autorisations d'engagement, conséquence du renouvellement de baux ; des variations plus limitées en crédits de paiement, sauf pour la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (+ 27,7 %), dues principalement aux évolutions de plafond d'emplois.

Le CSA, quant à lui, bénéficiera d'une subvention de 38 035 396 euros, en hausse de 6,35 % (soit 2 271 949 euros) par rapport aux crédits 2014, relativisée par le fait qu'1,5 million d'euros lui est affecté pour couvrir la taxe sur les salaires à laquelle il est assujetti en raison de son changement de statut.

Certaines autorités ont été auditionnées : le CSA, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la CNIL et la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité.

Beaucoup d'entre elles mettent en avant des difficultés actuelles ou à venir pour accomplir leurs missions qui s'étendent jugeant leur budget insuffisant et « biaisé » par l'application de la réserve de précaution de 0,5 % sur les dépenses de personnel et 8 % sur celles de fonctionnement. Ainsi le CSA se verra appliquer en 2015 un taux unique de 8 % y compris sur la taxe sur les salaires verra son budget amputé de 1,1 million d'euros supplémentaire.

Le Défenseur des droits, seule autorité de valeur constitutionnelle, a connu une année particulière avec le décès de Dominique Baudis, ce qui a souligné la dépendance de l'institution à l'égard de la personne du Défenseur car à cette occasion la fluidité de la décision a été perturbée.

La loi crée de nouveaux droits qui sont autant de nouvelles missions pour le Défenseur des droits. Lorsque l'administration fonctionne avec des budgets contraints, il devrait y avoir des fonds complémentaires pour que le Défenseur vérifie le respect des droits, qui par ses interventions, participe à une bonne justice en désengorgeant les tribunaux.

La CNIL qui connaît chaque année une croissance à deux chiffres de son activité, recevra de nouvelles compétences par la loi sur le terrorisme adoptée tout récemment.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté veut maintenir le rythme de 150 visites par an mais ce sera difficile. De plus les délais de réponse aux courriers ont été significativement rallongés.

La Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité traite 6 000 demandes par an et veut recruter un ingénieur pour assurer son indépendance technique.

La mise en réserve porte atteinte à l'indépendance des autorités indépendantes.

La délimitation des compétences entre autorités est également à revoir pour améliorer la lisibilité du programme.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite à donner un avis favorable aux crédits du programme « Protection des droits et libertés ».

M. Philippe Bas, président. - Je remercie Monsieur le rapporteur qui donne un avis favorable à l'adoption de ces crédits. Je comprends l'inquiétude des autorités mais je note que ces crédits augmentent de 4,63 % cette année, ce qui est beaucoup par rapport à d'autres collectivités publiques.

M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour avis. - Cette augmentation est liée au CSA désormais soumis à une taxe qui lui est compensée. Cette somme de 1,5 million d'euros n'alimentera pas ses crédits de fonctionnement.

La commission des lois a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Protection des droits et libertés » au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

La réunion est levée à 11 h 30

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 14 h 30

Loi de finances 2015 - Audition de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Au cours d'une deuxième réunion tenue dans l'après-midi, la commission entend Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique - mission « Relations avec les collectivités territoriales » et programme « Fonction publique » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique. - Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit un effort des collectivités territoriales de 3,67 milliards d'euros sur la DGF, réparti au prorata de la part de chaque catégorie locale dans les recettes totales, soit 2,071 milliards d'euros pour le bloc communal - réparti entre 1,450 milliard d'euros pour les communes et 621 millions d'euros pour leurs groupements -, 1,148 milliard d'euros pour les départements, et 451 millions d'euros pour les régions. Les critères de répartition de cet effort entre catégories de collectivités sont identiques à ceux du précédent budget. Pour donner un ordre de grandeur, cet effort représente une baisse des ressources des collectivités locales de l'ordre de 1,6 % de leurs recettes totales et de 1,9 % de leurs recettes de fonctionnement.

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit également un renforcement de la péréquation, avec une progression de celle-ci qui a doublé par rapport à 2014, progression encore accentuée par l'Assemblée Nationale. Ainsi, le fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France (FSRIF) ne connaîtra aucune diminution. Le rapport ira de un à sept entre les collectivités territoriales compte tenu de ce renforcement de péréquation. En d'autres termes, l'objectif de cette mesure est d'atténuer les effets de la baisse des concours financiers pour les collectivités les plus pauvres.

Une attention particulière a été portée à l'investissement avec le FCTVA retiré de l'enveloppe normée, la suppression de la réfaction de 0,9 point, la création d'un fonds d'investissement, la reconduction des dispositifs en faveur des départements. Je reviendrai plus en détails sur ces dispositions dans le cadre des questions que vous me poserez.

Beaucoup d'élus locaux réclament une hausse des dotations budgétaires. Or celles-ci sont financées par les impôts payés par nos concitoyens. Certaines collectivités territoriales estiment ne pouvoir faire face à cet effort que par une hausse de leur fiscalité locale qui pèse, là encore, sur le contribuable. À chaque bout de la chaîne, ce sont les citoyens qui sont concernés.

Pour conclure sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je souhaite souligner qu'au terme de la première lecture du projet de loi de finances pour 2015 à l'Assemblée nationale, l'équilibre budgétaire initial est modifié par le vote de 808 millions d'euros de dépenses en plus ou de recettes en moins. Sur ce montant, près de 500 millions d'euros concernent les collectivités territoriales : 300 millions d'euros supplémentaires pour les rythmes scolaires, 200 millions d'euros pour le FCTVA, liés au retrait du fonds de l'enveloppe normée et à la diminution de la réfaction.

Un amendement de rééquilibrage sera déposé à l'Assemblée Nationale par le Gouvernement pour financer ces 808 millions d'euros supplémentaires. Il n'est pas exclu que certaines dispositions concernent les finances des collectivités territoriales.

Le programme 148 « Fonction publique » concerne l'action sociale et la formation interministérielles.

En 2015, le Gouvernement a choisi de faire porter les efforts d'économie sur la formation pour stabiliser les crédits en faveur de l'action sociale pour les agents les plus modestes, notamment lors du premier déménagement.

C'est une action sociale peu large. Les fonctionnaires bénéficient d'un traitement et de la garantie d'emploi mais, parfois, certains rencontrent des difficultés.

Au programme est inscrite une subvention pour charges de service public des opérateurs du programme : l'École nationale d'administration (ENA) et les cinq instituts régionaux d'administration (IRA). La dotation diminue de 5 % sur les dépenses de fonctionnement,  réduction globale de 5 ETP sur les emplois permanents, soit 3 à l'ENA et 2 pour les IRA ; cela ne constitue pas de problème majeur pour l'ENA. L'effectif de la promotion du concours interne de l'ENA croît à hauteur de dix élèves pour 2015 car certaines directions de l'administration ne trouvent plus suffisamment de candidats à recruter.

Certains hauts fonctionnaires donnent des cours à l'ENA bénévolement car ils tiennent à la qualité de la formation de ceux qui les suivront.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Relations avec les collectivité territoriales ». - Vous avez rappelé l'association des collectivités territoriales à l'effort de redressement des finances publiques en diminuant leurs dotations budgétaires de 3,7 milliards d'euros. Si la majorité des élus locaux est favorable à cet effort de redressement, ils estiment que ce dernier ne peut s'accompagner de dépenses nouvelles, telles que la mise en place des rythmes scolaires. Sans parler du bien-fondé de cette réforme, sa présentation et le coût de sa mise en oeuvre ont été catastrophiques, compte tenu de l'effort déjà demandé aux communes. Il est important que le Gouvernement en ait pleinement conscience.

Le Gouvernement a-t-il évalué les conséquences de la baisse des dotations sur la mise en oeuvre des politiques publiques des collectivités territoriales et, surtout, l'impact de cette diminution sur l'investissement local ?

Par ailleurs, onze métropoles ont été créées par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 - même si cette dénomination recouvre différentes réalités. Quelles sont les conséquences de ces créations sur les dotations dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunale, dans le cadre de cette baisse des dotations ?

Ensuite, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral prévoit une nouvelle carte régionale, avec des régions plus grandes qui se verront confier de nouvelles compétences avec le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Quelles sont les dispositions financières prévues par le Gouvernement pour permettre aux régions d'assumer leurs nouvelles compétences ?

Enfin, dernière question, où en est la réflexion du Gouvernement sur la Métropole du Grand Paris ?

M. Hugues Portelli, rapporteur pour avis des crédits du programme Fonction publique. - Madame la ministre, je vous poserai quatre questions, dont certaines parlent de la fonction publique territoriale.

La première prolonge la question de Jacqueline Gourault sur les rythmes scolaires. Les collectivités territoriales sont obligées de recourir à de nombreux recrutements mais, le plus souvent, il s'agit de personnels précaires, difficiles à trouver. En conséquence, le format du projet est réduit faute des personnels suffisants pour l'exécuter.

Nous avons voté des lois sur la résorption de l'emploi précaire dans la fonction publique et nous alimentons la précarité !

Deuxième question : beaucoup de fonctionnaires, en raison de la dureté des temps, sont amenés à travailler plus longtemps mais, parallèlement, cette donnée accroît la part maladie. Se pose donc la question de l'articulation des contributions respectives des collectivités et de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL).

Troisième question : comment se préparent les prochaines élections professionnelles du 4 décembre 2014 ?

Quatrième question enfin concernant la fonction publique d'État : avez-vous fait votre miel des derniers rapports établis sur la fonction publique ?

M. René Vandierendonck. - Par le hasard des calendriers, j'ai assisté ce matin à la réunion de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation qui rendait compte d'un rapport de nos collègues Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard sur l'impact des mesures de restrictions budgétaires pour les collectivités territoriales. Ce travail, à l'essentiel, montre que la déflagration va être redoutable et conduire à l'impasse financière 60 % environ des départements et les communes de 10 000 à 50 000 habitants.

Avant que le Sénat n'examine le projet de loi de finances pour 2015, il faut un rappel des premières mesures annoncées par le Gouvernement à l'Assemblée nationale pour sauver le soldat « investissement ». Plus largement, lors de l'examen du projet de loi de finances, est-il possible d'envisager l'adoption de mesures pour lesquelles à l'Assemblée, la députée Christine Pires Beaune a été mandatée. Au Sénat, je ne sais pas lequel de nos collègues a été désigné.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Le Gouvernement a saisi le Sénat de cette demande mais il n'a pas eu de réponse pour le sénateur pressenti, M. Philippe Dallier.

M. René Vandierendonck. - En cette période de congrès annuel des maires, compte tenu de l'existence de ce travail, est-il envisageable, dans le cadre d'une contractualisation, de lisser la durée des trois ans fixés à la réduction sensible de la DGF pour sauvegarder le niveau d'investissement des collectivités locales. Pour la communauté urbaine de Lille, cela représente une diminution de 30 % sur le plan pluriannuel d'investissement. C'est particulièrement préjudiciable au tissu économique.

Seconde question : puisque le Sénat note avec grande satisfaction une inflexion sensible du Gouvernement pour l'avenir du département après la déclaration du Premier ministre devant notre Haute Assemblée, confirmée au congrès de l'Assemblée des Départements de France à Pau, et compte tenu du rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation selon lequel 60 % des départements restent dans l'oeil du cyclone, à l'instar de la proposition de loi sur les communes nouvelles -qui prévoit une garantie de DGF pendant trois ans-, est-il envisageable que le regroupement de départements puisse être accompagné de mesures analogues ?

M. Michel Mercier. - Il est vrai que la baisse des dotations va changer la donne pour les collectivités locales mais il est très vrai aussi qu'on ne peut pas échapper à cet état dans le contexte de réduction générale des dépenses publiques.

En revanche, on peut peut-être y procéder avec un peu plus d'équité : la diminution de la DGF des communes sans la réformer ne peut pas tenir très longtemps : tout le monde est responsable : dans cette assemblée, on a voté des amendements pour prévoir des exceptions au profit de certaines catégories de communes. Il faut réduire les écarts entre les communes.

En ce qui concerne le projet de loi NOTRe, il n'est pas sûr qu'il corresponde aux besoins d'aujourd'hui. Il faudrait plutôt offrir des outils aux collectivités territoriales pour qu'elles s'en saisissent pour l'exercice de leurs compétences.

Quand on respectera l'accord local, on ira beaucoup plus vite sur l'évolution des structures locales. La création d'une commune nouvelle peut engendrer des économies. Je vous indique mon exemple : cinq communes ont fusionné, ce qui a permis une économie sur certaines dépenses comme les fournitures scolaires en permettant la passation d'un seul marché ; l'économie réalisée en conséquence s'élève à environ 200 000 euros.

Notre rôle d'élus nationaux est de préparer le changement.

M. François Grosdidier. - Je ne suis pas persuadé que des changements provoquent des économies. Je suis même persuadé du contraire.

S'agissant de la baisse de dotations, le travail qui a été mené par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat est intéressant mais inquiétant, d'autant plus qu'il ne se fonde pas sur des scenarii catastrophistes. D'ailleurs, il ne prend pas en compte les effets mécaniques de hausse de la dépense locale.

Au niveau global, on assistera donc à une dégradation de la situation financière de toutes les collectivités territoriales, c'est-à-dire non seulement celles en bonne santé qui vont connaître une dégradation, mais également celles qui sont déjà mal en point et qui vont basculer « dans le rouge ». Ainsi, le taux d'épargne brute va diminuer d'un quart voire, pour les grandes communes et les départements, de moitié.

Stabiliser les dépenses de fonctionnement signifie concrètement qu'il faudra diminuer les effectifs mais aussi l'investissement à hauteur de 30 % avec de lourds impacts. Dans ce cas, comment demander aux collectivités territoriales, parallèlement, de lutter contre le chômage en soutenant l'emploi public ?

Je vous entends, Madame la ministre, expliquer qu'à la fin, c'est toujours le contribuable qui paie. Or la fiscalité locale est socialement injuste, notamment au regard de ses assiettes, comme l'a souvent dit votre famille politique. Il y aura donc des conséquences injustes.

Ajoutons à cela que les collectivités territoriales subissent les hausses de cotisations sociales, y compris pour les élus locaux. À cet égard, je note que les élus perçoivent, en retour de leurs cotisations comme prestations sociales, entre un dixième et un quart seulement du montant de leurs cotisations.

L'Association des Maires de France estime à un milliard d'euros par an le coût pour les collectivités territoriales de la mise aux normes imposée par la loi ou par une simple impulsion gouvernementale. Prenez l'exemple du service public de la petite enfance qui est reporté sur les collectivités territoriales et la branche famille, déjà en difficulté. Les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ne tiennent, dans leurs calculs sur l'impact de la baisse des dotations, même pas compte de ces tendances lourdes.

Les collectivités territoriales se substituent à l'État, comme pour les maisons de l'accès au droit.

La baisse des dotations que les gouvernements minimisent aura des incidences lourdes. Ce seront les élus locaux qui devront assumer l'augmentation des impôts locaux socialement injustes.

Enfin, je ne suis pas sûr que le changement d'échelle soit source d'économie. Si je prends l'exemple de la politique de la ville, auparavant les contrats urbains de cohésion sociale étaient signés par les communes alors que, dorénavant, s'y ajoutent, sous l'effet des politiques communautaires, les établissements publics de coopération intercommunale qui font doublon.

M. Christian Favier. - Les dotations aux collectivités territoriales ne sont pas des cadeaux mais des compensations, souvent insuffisantes, de transfert des compétences en provenance de l'État.

S'agissant des départements, la croissance exponentielle des dépenses sociales, due à la période de crise que nous connaissons, ne peut être limitée par les départements qui ne disposent pas de leviers pour fixer le niveau du RSA et les conditions d'accès aux prestations sociales.

L'an dernier, plusieurs mesures ont été prises en faveur des finances départementales. On ne peut qu'apprécier qu'elles soient prolongées pour la durée du quinquennat mais elles ne permettent, en tout état de cause, qu'une pose en matière d'écart entre les dépenses à engager et le niveau de compensation.

Lors d'une rencontre entre le Premier ministre et une délégation de présidents de conseils généraux, à laquelle vous assistiez Madame la ministre, a été évoquée la possibilité d'un retour du RSA à l'État. Pouvez-vous nous indiquer sous quelle forme cela pourrait se faire et quel est l'état de la réflexion à ce sujet ?

Ces mesures sont importantes pour les départements car on ne peut pas faire porter les efforts supplémentaires sur eux alors qu'ils ont un pouvoir fiscal limité et que les impôts dont ils perçoivent le produit sont injustes.

J'entends : « Tout le monde doit faire des efforts. » Pour les départements, les efforts, notamment sur leur gestion, sont anciens, ne serait-ce qu'avec l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Ces efforts ont eu un effet direct sur les services rendus. Il faut donc prendre en compte les efforts déjà accomplis par les départements.

Est-ce que les regroupements de départements vont améliorer la gestion et permettre de faire face à cette hausse de dépenses ? J'entendais l'exemple donné par mon collègue René Vandierendonck à propos des deux départements de la région Nord-Pas-de-Calais. Je crois que les effets attendus d'un regroupement sont une illusion. L'essentiel est de ne pas priver les collectivités territoriales de leurs capacités d'investissement car elles forment un levier pour la croissance et non uniquement une source de dépenses. À défaut, nous alimenterons la spirale du déclin.

Il faut tenir compte de la croissance démographique qui oblige, par exemple, à la construction, et non pas seulement à la rénovation de collèges, ce qui impliquera des dépenses d'investissement, mais aussi de fonctionnement. Or les départements sont dans l'incapacité de construire de nouveaux établissements. Je crois donc que les limites ont été atteintes.

M. Philippe Bas, président. - Beaucoup de sénateurs connaissent bien les collectivités territoriales, vous avez pu le constater Madame la ministre : c'est une réalité qu'il conviendrait de maintenir...

La plupart des interventions de mes collègues concernent non pas le principe même de la baisse des dotations, mais l'ampleur d'une telle diminution, avec les conséquences très fortes que cela entraîne sur les investissements locaux. Ces remarques transcendent largement les clivages partisans. Vous avez été interrogée, Madame la ministre, sur les communes nouvelles mais aussi sur les fusions de départements et leurs effets sur l'emploi. J'ajoute une question : quelle est l'ampleur des effectifs, dans les services de l'État, concernés par l'instruction, à l'avenir, des permis de construire par les communes rurales ?

M. Jean-Jacques Hyest. - C'est déjà en place. Ces services sont exsangues !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Nombreux sont ceux, parmi les sénateurs qui sont intervenus aujourd'hui, à souligner qu'il faut regarder en amont l'impact d'une décision sur les collectivités. Je remarque qu'il s'agissait précisément de l'objet du Haut conseil des territoires dont le Sénat a rejeté la création, en considérant que c'était à lui d'anticiper cet impact. Il faudra adopter une telle pratique à partir du conseil national d'évaluation des normes en faisant évoluer son rôle pour qu'il puisse examiner en amont l'impact des décisions prises.

Concernant les grandes difficultés qui résulteraient de la baisse des dotations, je ne suis pas en mesure de vous fournir des données chiffrées. On ne peut pas connaître l'impact précis sur l'investissement dans l'immédiat.

Je tiens à préciser, pour corriger ce que j'ai indiqué précédemment et en réponse à M. Mercier, que c'est le rapport dans la contribution à la baisse de la DGF par les différentes collectivités qui va de un à sept, et non la DGF elle-même.

Certaines collectivités disposent de réserves, n'ont aucun emprunt et peu de dépenses d'investissement en cours, donc les réalités dans les situations des collectivités sont très différentes. C'est aussi le rôle de la péréquation et de l'intercommunalité.

Concernant le conseil national d'évaluation des normes, pour l'instant, je n'ai pas les données nécessaires pour m'engager. Je précise en outre que même sans la baisse des dotations, il y aurait eu un ralentissement compte tenu du cycle électoral.

M. Jean-Jacques Hyest. - On le sait bien, ce n'est pas le problème !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Je suis en tout cas partisane de flécher un certain nombre de fonds, même si cela touche au principe de libre administration des collectivités territoriales. Flécher les dotations vers des investissements prioritaires ne me semble pas choquant. Pour pallier les insuffisances actuelles, nous allons mettre en place un groupe « dialogue national des territoires », destiné à soutenir l'investissement. Je précise que nous n'avons pas souhaité inclure ces dépenses fléchées destinées à l'investissement dans les dotations concernées par la baisse. Le FCTVA par exemple n'est pas dans l'enveloppe normée visée par la baisse des dotations et va passer de 15,761 % à 16,404 %. Ce n'est pas anodin.

Enfin, certaines dotations de soutien à l'investissement, comme la dotation globale d'équipement (DGE) ou la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) doivent être fléchées pour cibler trois objectifs : les bourgs centres, la transition énergétique et la petite enfance. Nous avons par exemple examiné une question avec les associations d'élus : pourquoi manque-t-il autant de logements, si l'on exclut la question du logement social ? C'est tout simplement parce que le logement implique du service : crèches, classes scolaires, etc. Les investissements liés à ces services ne sont absolument pas compensés par la taxe d'habitation que génère la construction de logements. Il y a donc des réticences des élus locaux à accepter des programmes de construction de logements, même privés. Flécher la dotation, c'est donc inciter les maires à accepter la construction de logements neufs.

Je crois à la mutualisation, il s'agit d'un des meilleurs leviers.

La dépense publique génère toujours de l'investissement. Au contraire, toute baisse de dépenses publiques est récessive, c'est un postulat économique.

Mais la dette est soumise aux taux d'intérêt et nous n'avons pas la garantie que ces taux restent bas. C'est pourquoi nous avons fait le choix d'une baisse de la dépense publique.

Le coût de la création de quatre grandes métropoles - Grenoble, Rouen, Rennes et Montpellier - s'élève à 30 millions d'euros pour 2015. Je n'ai pas été suivie par le Comité des finances locales (CFL) qui pense qu'il faut des critères de répartition plus larges.

Peut-on lisser les progressions sur plusieurs années ? Les métropoles doivent répondre immédiatement à leurs compétences. Il faudra regarder de plus près les répartitions à bâtir ensemble mais pour ma part, je n'ai pas la réponse.

Par ailleurs, il y a une distorsion trop grande entre nos collectivités. Il faut préserver certains territoires locaux pour assurer dans l'avenir notre indépendance alimentaire. La DGF doit être réformée, au moins sur son volet de péréquation verticale.

On ne peut pas continuer à avoir des régions aux compétences majeures mais sans ressources propres.

En ce qui concerne la fonction publique, le déficit chronique est lié à la démographie. La pyramide des âges est peu favorable, il y aura beaucoup de départs à la retraite dans les cinq ans à venir. On constate aussi que des fonctionnaires territoriaux veulent travailler après l'âge de départ à la retraite.

Pour revenir aux collectivités territoriales, il faut reconnaître que le potentiel fiscal n'est pas partout identique.

M. Jean-Jacques Hyest. - La gestion aussi est importante.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Oui, c'est vrai mais on ne peut pas nier que tous les territoires n'ont pas les mêmes ressources.

Il y a parfois des villes-centre à fiscalité importante qui pourraient fusionner avec des villes périphériques. Pourtant, elles ne le font pas.

Pour les départements, j'ai reçu quatre demandes de fusion de départements. Cela permet de garder les dotations mais c'est au sein de la même enveloppe.

On s'achemine vers de grandes régions. Nous serons au même niveau que nos voisins. C'est une bonne évolution pour certains, c'est une évolution tout simplement selon moi.

Pour le financement des dépenses des conseils généraux, en juillet 2013, le pacte de confiance et de responsabilité s'est accompagné d'un complément de 841 millions d'euros de ressources fiscales dynamiques de l'État auxquels s'ajoutent 800 millions d'euros supplémentaires.

Les écarts entre les départements ont diminué au profit des plus fragiles. Nous avons fait preuve de justice en aidant les plus faibles.

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé : la pérennisation du fonds de solidarité, la réforme des DMTO, la modification de l'indicateur CNSA. À cela s'ajoute la constitution d'un groupe de travail entre l'ADF et le Gouvernement sur le financement des allocations et leur articulation. En effet, 40 % des personnes qui pourraient bénéficier du RSA n'y font pas appel. Mon souhait, sans anticiper sur le résultat, est d'engager une réflexion sur le RSA socle et le RSA cible. Il y a là un vrai sujet. Les associations de collectivités territoriales et leurs représentants seront invités à cette réflexion.

M. Michel Mercier. - Il faut convier la caisse d'allocations familiales, dans ce cas, car elle décide de l'affectation de la dépense.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. - La caisse d'allocations familiales ne fait qu'appliquer des déterminants qui sont décidés au niveau national.

Pour répondre à M. Favier, le décalage de paiement d'un mois aura un effet sur les finances des caisses d'allocations familiales. Je ne peux donc pas donner toute seule un accord de principe à une mesure à laquelle le Gouvernement n'est pas, à ce stade, favorable.

Je précise d'ailleurs que la hausse de 2 % du RSA décidée, dans le cadre du plan « pauvreté », sur la durée du quinquennat, sera assumée financièrement par l'État.

Monsieur Mercier, vous évoquiez les règles équitables pour appliquer la baisse des dotations. Je crois que cela passera par la réforme de la dotation globale de fonctionnement, qui assure une péréquation verticale.

Des demandes nombreuses m'ont été faites de renforcer les dotations rurales par rapport à celles urbaines. Je crois devoir insister sur le fait que les villes assument des charges de centralité.

M. Michel Mercier. - Elles ont aussi des habitants supplémentaires pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement ! Je ne demande pas la stricte égalité mais un rapprochement.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. - La part de la dotation globale de fonctionnement doit davantage être assise sur les critères tels les espaces agricoles naturels, les captages d'eau, etc. Je crois que dans les prochaines décennies, se posera un enjeu de souveraineté alimentaire. Nous avons tous intérêt à ce que les communes rurales, littorales et de montagne ne construisent pas pour préserver de l'espace. Dans ce cas, il faut compenser ce choix d'intérêt général sur le plan financier. L'opposition n'est pas tant entre l'urbain et le rural qu'entre le construit et le non-construit.

Il me semble que, dans certaines communes, ce sont les non-habitants qui sont seulement des résidents qui font monter les prix. J'estime que les maires devraient pouvoir faire contribuer davantage ces résidents plutôt que les habitants qui animent la vie de la commune.

Dans un souci de subsidiarité, la conférence territoriale de l'action publique est un signe de confiance en direction des élus locaux. Même si ce ne fut pas sans difficulté au Sénat, le Parlement a adopté cet outil d'adaptation locale. Les décrets ayant été pris, il faut désormais les faire vivre !

Monsieur Portelli, vous m'avez interrogée sur les élections professionnelles. Pour l'instant, l'ambiance est bonne. J'espère que le vote électronique sera mieux réussi que lors des précédentes élections. Pour la première fois, toutes les élections professionnelles auront lieu en même temps, ce qui est favorable, selon moi, au dialogue social. Je souhaite que la participation électorale soit forte car je crois à la nécessité des corps intermédiaires.

M. Philippe Bas, président. - Je précise à nos collègues que nous vous entendrons à nouveau, Madame la ministre, le 2 décembre prochain en commission, le matin, sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et en séance publique, l'après-midi, à propos de votre mission budgétaire. Je laisse la parole à mes collègues pour les trois dernières interventions.

Mme Catherine Tasca. - Ce ne sera pas une question, mais une demande. La loi du 12 mars 2012 visait à résorber la précarité dans la fonction publique. Je souhaiterais obtenir de votre part un état des lieux sur sa mise en oeuvre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. - Le bilan de cette loi a été dressé et je veillerai à ce qu'il vous soit transmis.

M. René Vandierendonck. - Pourrions-nous disposer, d'ici le 2 décembre prochain, d'une piste pour corriger les effets inéquitables entre fonctionnaires territoriaux des régimes indemnitaires des collectivités territoriales ?

Ce problème est sous-jacent à la réforme territoriale car il existe de fortes disparités à grades identiques. Si je fais la comparaison entre la ville de Roubaix et la région Nord-Pas-de-Calais, il existe, pour des horaires et des charges de travail différentes, près de 600 euros d'écart de traitement.

M. Jean-Pierre Vial. - Comme savoyard, je suis sensible aux propos de la ministre sur la fusion des départements. Je ne sais pas si les régions sont trop grandes ou trop petites, je souhaite surtout qu'elles soient plus fortes.

J'ai une profonde inquiétude car vous minimisez la baisse énorme des capacités d'investissement des collectivités territoriales qui sera d'au moins 30 % selon les experts entendus par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Il y a déjà des tailles dans les dépenses de fonctionnement. Dans mon département, c'est une baisse de 2,5 millions d'euros. Des programmes de logements sociaux sont arrêtés.

J'approuve les propos de Michel Mercier sur le rapprochement de l'écart entre les communes urbaines et rurales. Actuellement, ce sont les départements qui résorbent ces écarts. Qu'adviendra-t-il lorsqu'ils auront moins de marges de manoeuvre financières ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. - S'agissant de la question qui m'a été posée par M. le président Bas sur les permis de construire, je veillerai à vous faire transmettre les chiffres exacts. Je note cependant que la réduction de l'assistance technique fournie par l'État aux collectivités pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire a été décidée par les deux majorités successives.

C'est pourquoi je souhaite réellement la création de la compétence de solidarité territoriale car je me méfie du recours systématique à des bureaux d'étude, ce qui pourrait aboutir à un coût plus élevé.

Monsieur Vial, nos experts avancent plutôt un recul de l'investissement de 5 % que de 30 % comme vous l'évoquiez. J'attends de pouvoir connaître les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation pour pouvoir comparer nos prévisions.

M. Philippe Bas, président. - Je vous remercie, Madame la ministre. Nous nous retrouverons donc le 2 décembre prochain et je suspens la séance d'ici l'audition de la ministre des outre-mer.

La séance est suspendue à 16 h 20

La réunion reprend à 16 h 30

Loi de finances 2015 - Mission « outre-mer » - Audition de Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Au cours d'une troisième réunion tenue dans l'après-midi, la commission entend Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer, sur le projet de loi de finances pour 2015 - mission « Outre-mer ».

M. Philippe Bas, président. - Il est de tradition à la commission des lois d'entendre les ministres dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2015. Nous venons de recevoir Mme Marylise Lebranchu pour la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et nous souhaitons vous écouter pour le budget de la mission « Outre-mer ».

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. - La présentation du projet de budget des outre-mer est un moment important dans un contexte de fortes tensions sur le budget de la Nation. Dans ce contexte difficile, le Gouvernement a voulu s'attacher à apporter des réponses précises aux attentes de nos concitoyens d'outre-mer. J'ai voulu que chacun de nos départements et de nos collectivités puisse trouver dans les crédits de la mission outre-mer les moyens budgétaires et financiers adaptés à ses problématiques spécifiques.

En 2015, en structure constante, le montant total des crédits de la mission s'élèvera à 2,064 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression globale de 0,3 % par rapport à 2014. Sur l'ensemble du budget triennal, cette progression des crédits de paiement atteindra 5,5 %, hors les dépenses de personnel. Si on fait abstraction de la mesure de périmètre qui touche les exonérations de charges sociales, la progression est encore beaucoup plus marquée, atteignant 2,7 % en évolution annuelle et 8,3 % sur trois ans.

Le budget des outre-mer pour 2015 fait en premier lieu ressortir la priorité qui est faite à l'emploi. Avec plus de 1,12 milliard d'euros, le poste de compensation des exonérations de charges sociales est de loin le plus important de la mission outre-mer.

Son importance est appelée à se renforcer puisque les arbitrages que j'ai obtenus en faveur des secteurs exposés se traduiront par un niveau supérieur d'exonération de charges sociales. En 2016, les secteurs les plus exposés feront l'objet d'allègements de charges renforcés à hauteur ou à l'équivalent d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) renforcé, au-delà de 9 %. Je souligne également que les entreprises des départements d'outre-mer bénéficieront par ailleurs d'un CICE qui est fixé au taux de 7,5 % en 2015 et à 9 % en 2016, contre 6 % en métropole. En régime de croisière, l'impact économique du CICE dans ces départements atteindra 880 millions d'euros. Une structure établie dans un département d'outre-mer et qui aurait une masse salariale de 260 000 euros bénéficiera d'un avantage fiscal de plus de 23 000 euros, contre 15 000 euros environ en métropole.

Ce budget est également, conformément aux orientations présidentielles, axé sur la jeunesse et la formation. Avec des crédits qui progressent de 3% sur le budget triennal pour atteindre 154 millions d'euros par an en 2017, le service militaire adapté (SMA) est doté de moyens lui permettant de remplir les objectifs du programme SMA 6.000. Ce sera également une augmentation des crédits de l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) qui passent à plus de 35 millions d'euros, en intégrant la dotation de l'association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). Mon objectif pour LADOM est de conforter l'opérateur dans ses missions et de sanctuariser les crédits affectés au « passeport mobilité études » et au « passeport formation professionnelle ». J'ai pris dans ce domaine plusieurs décisions importantes : les crédits du passeport mobilité études seront augmentés de 2 millions d'euros ; nous créerons la possibilité pour les candidats aux concours qui veulent tenter une deuxième chance de bénéficier d'un deuxième billet dans la même année. Enfin, le deuxième accompagnant d'un enfant mineur pourra bénéficier d'une aide, lorsque l'accompagnant principal bénéficie d'une prise en charge par la sécurité sociale. Vous le savez, ces choix politiques impliquaient en parallèle de rationaliser les prestations sur l'aide à la continuité « tout public ». Rationaliser ne signifie pas dégrader : pour la majeure partie des bénéficiaires, le changement de rythme du droit au déplacement n'aura aucune incidence sur leurs habitudes de déplacement. Par ailleurs, le Gouvernement garantit le maintien du niveau d'aide majorée à son taux actuel, faisant ainsi le choix de se concentrer sur le coeur de cible, à caractère social, du dispositif. Je crois nécessaire de réaffirmer ce caractère social du dispositif de continuité territoriale, qui doit être tourné principalement vers les jeunes et les catégories sociales défavorisées, ce qu'on a eu parfois tendance à oublier, dans certains endroits.

Le projet de budget pour 2015 poursuit les efforts qui ont été consentis, depuis 2012, dans le domaine du logement, et particulièrement du logement social. En complément du dispositif d'incitation fiscale à l'investissement, les crédits de la ligne budgétaire unique sont maintenus en termes de moyens de paiement pour favoriser la réalisation des opérations lancées. Le projet de budget pour 2015 représente de 247 millions d'euros en autorisation d'engagement qui resteront stables pendant trois ans. Les crédits du fonds régional d'aménagement foncier et urbain et de la résorption de l'habitat insalubre (RHI) seront dimensionnés au regard de la consommation des années précédentes et l'aide à l'accession de l'habitat privé sera maintenue à hauteur de 10 millions d'euros.

Dans le domaine du logement intermédiaire, nous avons, conformément aux engagements du Président de la République, assuré l'application outre-mer du plan national en faveur du logement, en particulier en faveur du logement intermédiaire. Le plafond du « dispositif Duflot-Pinel » s'élève à 18 millions d'euros : c'est une importante avancée qui va faciliter la réalisation d'opérations mieux adaptées au marché locatif des outre-mer.

Dans la logique de la stratégie en faveur du logement que j'ai présentée aux acteurs institutionnels, nous avons pu enregistrer un premier succès avec l'adaptation du bouquet de travaux prévu dans le cadre du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) aux caractéristiques des géographies ultramarines. Je suivrai avec intérêt les travaux du Parlement sur ce point, plusieurs amendements significatifs étant susceptibles d'être déposés pour améliorer encore le dispositif.

Sur la rénovation des immeubles sociaux de plus de vingt ans ou bien la réouverture de la défiscalisation pour la location en accession sociale, je me tiendrai naturellement à vos côtés pour faire avancer les propositions qui me paraissent s'inscrire dans l'intérêt général.

L'une des priorités que traduit le projet de budget pour 2015 de ce ministère est donc celle du soutien de l'investissement des collectivités locales si important pour les économies ultramarines. L'effort collectif de diminution de la dépense publique a conduit à diminuer les crédits du fonds exceptionnel d'investissement à 40 millions d'euros par an pour 2015 et 2016. Mais ils seront portés de nouveau, en fin de période, à 50 millions d'euros. Surtout, les crédits de paiement continueront à progresser pendant toute la période triennale, permettant de maintenir et de pérenniser le programme de rattrapage des investissements structurants.

Cette priorité est également illustrée par le déploiement de crédits dédiés à la politique contractuelle. Ces crédits progressent de 6,5 % dès 2015 et de 11 % sur la période triennale. Avec 137 millions d'euros en 2015, la contribution de l'État aux contrats de projet État-région est en augmentation dans toutes les régions d'outre-mer, par rapport aux contrats de projets 2007-2013. En moyenne, la progression est de + 27 % à périmètre comparable. L'effort de l'État par habitant est près de trois fois plus important outre-mer que dans l'hexagone. Mayotte et la Guyane bénéficient d'un taux d'aide par habitant encore plus élevé. La progression des crédits en faveur de la politique contractuelle au sein de la mission outre-mer permettra aussi le renouvellement, à enveloppe constante, des contrats en Polynésie française en 2015, en Nouvelle-Calédonie en 2016 et à Wallis-et-Futuna en 2017, de même que la poursuite des contrats actuels dans les autres collectivités d'outre-mer.

Je me félicite de l'arbitrage qui a été rendu au plus haut niveau de l'État en ce qui concerne la baisse de la dotation globale de fonctionnement de quatre régions d'outre-mer. Sans contester l'idée d'une participation de tous aux efforts de maîtrise de nos dépenses publiques, je me réjouis d'avoir obtenu que la part d'effort de ces collectivités soit proportionnelle à la réalité des finances publiques outre-mer, en tenant compte des charges particulières des régions concernées.

Concernant les problématiques de sécurité, je tenais à mentionner ici que nos capacités opérationnelles ont été préservées pour assurer toutes les missions qui leur sont dédiées. Je citerai par exemple pour la Guyane, la lutte contre l'orpaillage avec la mission HARPIE mise en oeuvre depuis 2008 ou la lutte contre la pêche illégale dans nos zones économiques exclusives. À l'horizon 2016, plusieurs bâtiments de la Marine Nationale seront remplacés par trois bâtiments multi-missions pour maintenir notre opérabilité sur les océans. En ce qui concerne les moyens humains déployés dans les outre-mer, les effectifs de la police et de la gendarmerie n'ont pas baissé. Au contraire, 29 gendarmes supplémentaires y ont été affectés en 2014. Ainsi, sur l'ensemble des territoires ultra-marins, nous enregistrons une baisse des atteintes aux biens de 1,5 % et une baisse des cambriolages dans tous les territoires avec un recul de 1,2 %. La création des quatre zones de sécurité prioritaires - Fort-de-France, Pointe-Pitre, Cayenne et Kourou - a contribué également à ces bons résultats.

Enfin, je voudrais vous donner mon sentiment sur les problématiques institutionnelles et statutaires outre-mer. La Nouvelle-Calédonie est actuellement dans la phase de sortie de l'Accord de Nouméa, qui prévoit cinq types de transferts qui se veulent progressifs et, une fois effectués, irréversibles. Compte-tenu des enjeux que représente l'effectivité des transferts de compétences, des attentes exprimées localement et de l'échéance relative à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre a décidé, en accord avec les parties prenantes de l'Accord de Nouméa, la création d'une « commission interministérielle de suivi des transferts de compétences ».

Je voudrais enfin saluer l'intérêt de sénateurs de métropole pour les outre-mer, dans le sillage de votre ancien collègue Christian Cointat.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Outre-mer ». - Je vous remercie, madame la ministre, non seulement pour votre présence mais aussi pour vos propos, qui sont susceptibles de rassurer les outre-mers confrontés depuis de longues années à de grandes difficultés. En effet, dans un contexte budgétaire contraint, qui appelle des efforts de chaque collectivité et de chaque citoyen, le budget qui leur est dévolu est, pour la troisième année consécutive, épargné. Un tel engagement est légitime compte tenu du retard accumulé et du chemin qui reste à parcourir pour offrir aux collectivités ultra-marines le développement qu'elles méritent.

Beaucoup de sujets ultra-marins pourraient être évoqués mais dans le cadre de l'avis, j'ai choisi de me consacrer cette année à l'application outre-mer des textes adoptés en métropole.

Les premières questions que je souhaiterais vous poser concernent l'administration centrale des outre-mer. Quel bilan tirez-vous de la réorganisation de la délégation générale de l'outre-mer, devenue direction générale des outre-mer à partir de 2009 ?

La diversité des compétences normatives dévolues aux différentes collectivités ultra-marines rend le droit ultra-marin de plus en plus complexe. La direction générale dispose-t-elle de l'expertise suffisante pour faire face à cette complexité et, surtout, faire entendre sa voix auprès des autres ministères ?

Le recours aux ordonnances pour adapter les normes métropolitaines aux spécificités ultramarines tend à devenir de plus en plus systématique, comme si ces questions étaient jugées secondaires lors de l'élaboration du texte d'origine. Quelle est votre analyse sur ce point ?

Lors du prochain renouvellement des conseils régionaux, en 2016, la Guyane et la Martinique basculeront dans le régime d'une collectivité unique. Avez-vous été alertée sur des difficultés de mise en oeuvre de ce basculement ?

Lors du récent débat sur la carte territoriale, le Sénat a adopté un amendement relatif à une future collectivité unique ou assemblée unique en Guadeloupe qui, nonobstant les problèmes juridiques qu'il soulève, vise principalement à affirmer la volonté d'aller de l'avant. Pensez-vous toutefois que les mêmes conditions qui avaient permis cette évolution en Guyane et en Martinique se trouvent réunies aujourd'hui en Guadeloupe ?

En 2019, l'État devra organiser, en Nouvelle-Calédonie, une consultation sur son accession à une pleine souveraineté. Pouvez-vous nous présenter le dernier état des négociations sur la question cruciale de l'élaboration des listes électorales en vue de cette consultation ?

La Nouvelle-Calédonie compte maintenant trois usines métallurgiques d'extraction et de traitement du nickel. La Nouvelle-Calédonie peut-elle fixer une stratégie rendant cohérentes les stratégies provinciales ? Quelle maîtrise les institutions calédoniennes doivent-elles avoir sur les acteurs économiques du nickel ?

L'agence de développement rural et d'aménagement foncier acquiert des terres coutumières pour les restituer aux clans qui les possédaient avant la colonisation. Son transfert est-il toujours envisagé ? La réduction, une nouvelle fois, de son budget ne met-elle pas en péril le bon accomplissement de ses missions ?

Une loi du pays a été adoptée par le Congrès de la Nouvelle-Calédonie le 25 juin 2013 pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Pouvez-vous nous indiquer quand l'autorité locale de la concurrence, chargée de mettre en oeuvre ces règles, sera installée ?

Lors du déplacement à Wallis-et-Futuna cette année d'une délégation de notre commission, l'administration locale a fait part des difficultés qu'elle rencontrait pour lutter contre la vie chère, faute de disposer de pouvoirs équivalents à ceux de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

L'agence de santé de Wallis-et-Futuna fait face à de réelles difficultés financières. L'État, son autorité de tutelle, lui apportera-t-il son aide ?

Le service militaire adapté n'existe pas à Wallis-et-Futuna. Votre prédécesseur avait indiqué, en réponse à une question orale de notre collègue Robert Laufoaulu, qu'un projet d'importation existait. Qu'en est-il ?

Mme George Pau-Langevin, ministre. - S'agissant de l'administration centrale, le ministère des outre-mers a contribué à l'effort budgétaire en reversant des emplois via une mutualisation des fonctions support avec le ministère de l'intérieur. Un renfort d'effectifs serait bienvenu, mais il n'est pas envisageable dans le contexte actuel de nos finances publiques.

Nos missions sont transversales et couvrent un large spectre : nous fonctionnons à flux tendu. Cette situation contraignante a ses avantages : nous acquérons une connaissance experte d'un vaste ensemble de sujets ; nous devons sensibiliser à ces problématiques les ministères avec lesquels nous travaillons. D'ailleurs, si le ministère des outre-mer était plus fréquemment associé à l'élaboration des textes - ce qui constituerait la meilleure méthode -, nous n'aurions pas à recourir autant aux ordonnances après adoption de ces mêmes textes. Permettez-moi de souligner le rôle que les parlementaires ont parfois joué pour imposer très tôt le respect de préoccupations ultra-marines dans l'élaboration de certains textes. Je pense en particulier à la loi sur l'agriculture ou à celle sur l'énergie.

Vous avez souligné combien la diversité des compétences normatives des collectivités ultra-marines rendait le droit des outre-mer plus complexe. Cette diversité est toutefois un progrès puisqu'elle permet de tenir compte de la spécificité du territoire. La bonne solution est alors d'accroître l'expertise des services ministériels pour gérer les multiples régimes législatifs. Le ministère que je dirige s'y emploie.

S'agissant de la Guyane et de la Martinique, l'évolution vers une collectivité unique rencontre quelques difficultés parce qu'elle suscite des inquiétudes, notamment des personnels qui craignent de voir leurs emplois supprimés dans un contexte de fort chômage. L'État est sollicité pour contribuer à la fusion par des subventions, ce que ne permet pourtant pas le contexte budgétaire actuel. Une commission tripartie, qui réunit l'État, le conseil régional et le conseil général, est chargée d'aplanir les difficultés. De ce point de vue, le report de la création des élections et, par voie de conséquence, de la création des collectivités uniques offre du temps supplémentaire pour lever les derniers obstacles. Une autre façon d'accompagner ce mouvement serait de publier les ordonnances requises ou d'offrir, s'il était demandé, l'appui des inspections générales. Si la fusion est bien une simplification dans le long terme, elle ne l'est pas dans un premier temps et doit être accompagnée.

S'agissant de la Guadeloupe, l'idée d'une collectivité unique ou d'une assemblée unique a été initialement écartée, comme à La Réunion.

Lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, le Sénat avait adopté un amendement du sénateur Jacques Gillot, autorisant la collectivité départementale et la collectivité régionale de Guadeloupe à fusionner.

Cette disposition posait de véritables difficultés constitutionnelles. Si la fusion avait été votée, y aurait-il eu une obligation pour les élus de Guadeloupe de se réunir pour délibérer puis valider cette fusion ? Une loi peut-elle imposer une telle fusion aux collectivités territoriales de Guadeloupe ?

Ce problème est pour l'instant écarté puisque la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui examine actuellement le projet de loi en deuxième lecture, vient de supprimer la disposition en cause.

S'agissant de la Nouvelle-Calédonie, elle traverse actuellement une phase délicate de son évolution statutaire. Plusieurs questions se posent encore concernant la sortie de l'Accord de Nouméa et la consultation sur l'accession à la souveraineté du territoire : qui vote ? qui examine la validité des listes électorales ?

L'élaboration des listes électorales ne fait pas, pour l'instant, l'objet d'un consensus. Cette question a donc été renvoyée à un groupe de travail qui se réunit, en Nouvelle-Calédonie, sous la direction du Haut-Commissaire de la République.

En tout état de cause, les personnes qui se prononceront sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie devront avoir un lien direct avec ce territoire. Ne pourront être prises en compte les voix des « personnes de passage ». Le consensus sur la composition du corps électoral est essentiel pour que la légitimité du scrutin ne puisse pas être mise en doute. Le vote doit pouvoir se dérouler avec un corps électoral incontesté. Sur le fonctionnement des commissions administratives, si nous ne trouvons pas de solution d'amélioration, elles fonctionneront selon la procédure habituelle.

Ces différentes questions doivent être réglées rapidement car la consultation peut intervenir à partir de maintenant sur demande du Congrès de la Nouvelle-Calédonie et, en tout état de cause, interviendra en 2019.

Quant à la question du nickel, elle est très importante, puisqu'elle permet d'assurer l'autonomie économique de la Nouvelle-Calédonie. Le rééquilibrage du partage de la gestion du nickel en faveur des autorités locales est au centre du débat.

Les partis veulent aller plus loin dans ce rééquilibrage qui était déjà l'un des éléments de fond de l'Accord de Nouméa. Or, la situation n'est plus la même qu'il y a vingt ans. L'État n'a plus la main sur la société Le Nickel. Il n'a plus les mêmes pouvoirs.

Il faut également prendre en compte ce qui a été fait. À cet égard, le Président de la République devrait inaugurer très bientôt la nouvelle usine du Nord, symbole du rééquilibrage.

Concernant ensuite la redistribution des terres coutumières, le rôle de l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF) est très important et ses travaux doivent être salués. Or, la baisse de la dotation qui lui est accordée pour 2015 ne va pas faciliter sa tâche.

Cet organisme devrait être transféré à la Nouvelle-Calédonie, mais la question se pose de savoir si ce transfert doit avoir lieu en l'état ou s'il est nécessaire d'attendre que cet organisme ait avancé dans ses travaux. Ce point de discussion devra faire l'objet d'une proposition conjointe avec le ministère de l'agriculture.

Enfin, concernant l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, les membres du collège sont en cours de recrutement. L'Etat apporte son soutien à ce transfert. C'est d'ailleurs ainsi qu'il faut procéder pour tous les transferts de compétences : favoriser les « allers-retours » entre les lois nationales et les lois du pays.

S'agissant de Wallis-et-Futuna, il y a eu un vif mouvement des agents l'an dernier. Une mission a été envoyée pour examiner le statut des personnels. Sur la question de la vie chère, nous devons lutter ensemble pour le pouvoir d'achat et donc trouver le moyen de renforcer les pouvoirs des agents locaux du service économique, qui sont aujourd'hui insuffisants. Vous avez fait une proposition récemment qui peut être améliorée pour ne pas priver d'autres agents de ces pouvoirs.

M. Philippe Bas, président. - Il y avait justement un amendement permettant de donner à ces agents des pouvoirs identiques à ceux de la répression des fraude dans le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises que nous venons d'examiner en première lecture. Or, le Gouvernement a demandé le retrait de cet amendement, s'engageant à proposer rapidement une nouvelle solution.

Il ne faudrait pas laisser passer cette occasion d'ajuster les pouvoirs de cette administration dans les îles Wallis et Futuna.

Mme George Pau-Langevin, ministre. - Nous sommes conscients de la difficulté, mais il nous faut réfléchir à la rédaction d'un dispositif qui réponde au besoin exprimé à Wallis-et-Futuna.

S'agissant de l'Agence de santé, nous touchons à un sujet qui empoisonne les relations des Wallisiens et Futuniens avec la Nouvelle-Calédonie depuis trop longtemps. Le projet de budget pour 2015 marque un tournant après une sous-évaluation chronique des crédits : désormais, il y a une adéquation entre les moyens et les missions de cette agence. Cela vaut pour l'avenir, mais il nous faut gérer l'arriéré. Nous travaillons avec le ministère des affaires sociales pour combler cet arriéré, en tenant compte des spécificités, en particulier du fait que les cotisations sont différentes. Les fonctionnaires en poste à Wallis-et-Futuna ne cotisent pas sur place contrairement à la pratique usuelle. Par ailleurs, il est nécessaire de fournir à ce territoire les équipements indispensables : scanner, mammographie, salle d'obstétrique. Cela coûtera certes neuf millions d'euros, mais cela permettra des économies en termes de transport à moyen terme.

Le service militaire adapté (SMA) n'existe pas à Wallis-et-Futuna. Actuellement, les Wallisiens et les Futuniens sont donc accueillis sur le bassin de Nouméa et on observe un taux d'insertion favorable. On envisage toutefois un détachement du SMA à Wallis, ce qui nécessiterait de trouver de nouvelles ressources pour assurer l'encadrement. Ou alors, on pourrait procéder à des recrutements complémentaires fléchés pour les Wallisiens et les Futuniens qui seraient affectés à Nouméa.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Outre-mer ». - Si vous le permettez, j'ai une question complémentaire à poser à madame la ministre concernant l'évolution institutionnelle de Mayotte.

J'ai déposé une proposition de loi visant à modifier le mode de scrutin dans le département. Aujourd'hui, sur le modèle des élections départementales, le vote s'effectue selon un scrutin uninominal à deux tours. Or, j'estime que ce mode de scrutin ne facilite pas la gestion d'un département qui exerce en outre les compétences d'une région. L'élection se produit effectivement en deux phases : en un premier temps, chaque canton élit de son côté son conseiller général, et ce n'est qu'en un second temps qu'on élit la présidence du conseil général. Je propose donc un scrutin de liste car la constitution de listes en amont obligerait à davantage de cohérence dans l'élaboration du programme à mettre en oeuvre. Cependant, le calendrier électoral ne permet pas que l'on modifie le mode de scrutin pour les prochaines élections. Mais pour les suivantes, que pensez-vous de cette proposition ?

Mme George Pau-Langevin, ministre. - Mayotte connaît à l'heure actuelle des changements rapides : sa population, les évolutions juridiques à l'oeuvre...

Vous estimez le dispositif institutionnel du conseil général inadapté car celui-ci exerce les compétences régionales. On peut effectivement imaginer un nouveau mode de scrutin puisqu'aujourd'hui on constate que chaque collectivité s'organise, pour ainsi dire, « à la carte ». Pour ma part toutefois, je suis attachée au scrutin départemental tel qu'il sera mis en oeuvre à partir de l'an prochain, avec un binôme paritaire.

Dans le cadre des réflexions pour Mayotte 2025, on peut tout à fait envisager une évolution du mode de scrutin et faire évoluer le statut, à condition de prendre le temps de la consultation.

Par ailleurs, au-delà de la question du mode de scrutin, je pense que ce dont Mayotte a besoin est avant tout de formation de ces élus et de ces cadres administratifs. De nouvelles compétences, importantes, comme la gestion des fonds européens ou de grands équipements, nécessitent une formation.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis des crédits de la mission « Outre-mer ». - Permettez-moi de vous indiquer que la proposition de loi que j'ai déposée l'a été à la demande unanime des membres du conseil général.

Mme George Pau-Langevin, ministre. - C'est un sujet que l'on peut raisonnablement mettre à l'examen.

La réunion est levée à 17 h 30

Jeudi 13 novembre 2014

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 9 heures

Nouvelle organisation territoriale de la République - Audition de l'Assemblée des départements de France : M. Claudy Lebreton, président, président du Conseil général des Côtes d'Armor, et M. Bruno Sido, sénateur et président du Conseil général de la Haute-Marne, secrétaire général

La commission entend tout d'abord M. Claudy Lebreton, président de l'assemblée des départements de France (ADF) et M. Bruno Sido, secrétaire général de l'ADF.

M. Philippe Bas, président. - Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin le président et le secrétaire général de l'Assemblée des Départements de France (ADF).

M. Claudy Lebreton, président de l'ADF. - Le Premier ministre s'est exprimé, cette année, à quatre reprises sur la réforme territoriale : le 8 avril à l'Assemblée nationale, les 16 septembre et 29 octobre devant la Haute Assemblée, enfin le 6 novembre dernier devant le congrès de l'ADF à Pau. Que de chemin parcouru ! Entre l'annonce faite le 8 avril de la disparition des conseils départementaux à l'horizon 2021 et l'affirmation de leur rôle au congrès de Pau, bien des discussions ont eu lieu, et nous parvenons à une situation beaucoup plus claire.

Nous ne sommes pas en présence d'une loi de décentralisation, mais d'une réforme des collectivités territoriales visant à clarifier leurs compétences, sans que l'État leur transfère aucune des siennes. Son but déclaré est de réduire le soi-disant millefeuille et l'enchevêtrement des collectivités, de leurs compétences et de leur fiscalité afin de réaliser des économies. Si certains de ces objectifs sont louables, nous attendions une grande loi de décentralisation comparable à celles de 1982 ou 2004, qui avait transféré plus de 13 milliards d'euros du budget de l'État aux collectivités territoriales, dont 8 milliards pour les départements.

En filigrane du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la république » (NOTRe) se trouvent la réforme de la carte régionale, la suppression des conseils départementaux et le renforcement des intercommunalités, censées se substituer aux départements et assumer leurs compétences essentielles de solidarité sociale, qui représentent 38 milliards d'euros sur les 71 milliards de l'ensemble des budgets départementaux.

Nous avons dit au Premier ministre, à la veille de notre congrès, qu'il n'était point nécessaire d'évoquer l'après 2020. Quelle sera alors la majorité ? Toutes les parties sont désormais convaincues que, si une collectivité de plein exercice devait être supprimée, il faudrait passer par une révision de la Constitution, laquelle est devenue mon livre de chevet depuis l'annonce de ces textes. Je vous renvoie à la décision du Conseil constitutionnel sur la Corse et à la question du niveau substantiel de compétence que doit garder tout niveau de collectivité de plein exercice.

Tout doit s'organiser autour de la commune, du conseil départemental et du conseil régional. Les intercommunalités, qui ne sont pas des collectivités de plein exercice, n'existent que par transfert de compétences des communes. Le projet de loi NOTRe prévoit que les conseils départementaux assument les compétences de solidarités sociale et territoriale, dont le gouvernement souhaite fixer la définition dans le droit. Je rencontre ces jours-ci les responsables de tous les groupes politiques du Sénat afin d'en débattre.

Le gouvernement nous assure désormais que les départements auront la compétence d'ingénierie et de conseil et, avec le préfet, celle du schéma départemental d'accessibilité des services au public. Les conseils régionaux se verraient transférer les transports scolaires et interurbains, les collèges, les routes, les ports départementaux s'ils les acceptent, le schéma d'élimination des déchets industriels banals et ménagers, ainsi que la responsabilité des espaces naturels sensibles.

Notre approche consiste à nous demander à quels territoires il est pertinent de conférer ces compétences. L'Association des Régions de France (ARF) avait souhaité recevoir des compétences de l'État, afin d'avoir une double autorité sur les services publics de l'emploi et sur la banque publique d'investissement. Elle avait raison : les régions doivent viser les grands enjeux stratégiques.

Faute de leur avoir donné gain de cause, on leur propose à présent, en guise de compensation, des compétences de niveau infrarégional peu compatibles avec les nouvelles dimensions qu'on entend leur attribuer. Les collèges relèvent d'une gestion de proximité, d'autant que le Conseil supérieur de l'éducation a souligné l'intérêt pédagogique de maintenir un lien entre eux et les écoles. Les deux tiers des 5 500 collèges de France sont d'ailleurs situés dans des territoires ruraux. Les transports scolaires relèvent évidemment, eux aussi, de l'échelon de proximité.

Cette loi de clarification est censée conduire à des économies... mais nous serons bien obligés d'en faire : 12,5 milliards d'euros en moins en quatre ans, sur les 225 milliards auxquels se monte la totalité des budgets des collectivités territoriales et des établissements publics - excusez du peu ! Les seuls départements ont été contraints, depuis 2002, de trouver 48 milliards d'euros, sur les 850 milliards que représentent douze ans de leurs budgets, afin de financer les allocations individuelles de solidarité. Les départements savent ce que c'est que d'économiser, et continuent à assumer correctement les services publics malgré une situation budgétaire délicate.

M. Bruno Sido, secrétaire général de l'ADF. - Outre mes fonctions de secrétaire général, je suis aussi le chef de l'opposition au sein de l'ADF. L'objectif général déclaré de toutes ces réformes est de faire des économies. Le projet de loi de départ a, hélas !, été coupé en deux et la mauvaise moitié a été placée en tête : grandes régions et suppression des départements d'abord, transferts de compétences ensuite. Le parcours de la première loi est assez chaotique : le président de la République avait déclaré d'abord que les départements étaient indispensables, avant d'annoncer leur suppression : le Premier ministre a pris le relais en distinguant les départements métropolitains, qui pourraient être gouvernés par des syndicats d'intercommunalités, cinq autres trop petits, puis une troisième catégorie... avant de s'apercevoir de l'existence d'une cinquantaine de départements ruraux. Son premier discours au Sénat, confirmé par son allocution au congrès de Pau, montre que sa doctrine évolue de jour en jour...

On voit mal comment la disparition des départements conduirait à des économies : transporter des élèves ou refaire une route ne coûtera pas moins cher aux régions qu'aux départements. Le gouvernement nous enlevant 12,5 milliards d'euros, certaines collectivités cèderont certainement à la tentation d'augmenter leurs impôts.

Supprimer les départements et faire de grandes régions, c'est antinomique. L'ancienne réforme, tant décriée par certains, proposait bien la première mesure, mais dans le cadre des régions actuelles, que la création des conseillers territoriaux aurait transformé en simples syndicats de départements. Nous voilà, au contraire, devant de grandes régions, stratèges, porteuses de grandes visions et soutenant les exportations. On voit mal quel sens il y aurait à leur confier les transports scolaires... On prétend renforcer en même temps les intercommunalités, alors que le Premier ministre recule déjà sur l'évolution de leurs seuils parce que passer à 20 000 habitants serait un séisme - j'espère que ce ne sera pas comme pour le binôme : le moins de 20 000 sera-t-il pour le milieu rural, pour l'urbain ?

Tout cela débouche, dans cette loi, sur le transfert des compétences des départements aux nouvelles régions. Le Premier ministre nous a donné des assurances qui n'apparaissent pas dans le texte. Fera-t-il donc l'objet d'amendements gouvernementaux, ou d'amendements portés par les uns ou les autres ? Les compétences économiques des départements seraient en principe préservées ; mieux, notre proximité avec les communes justifierait que nous fassions de l'ingénierie pour elles. Les membres de l'opposition interne de l'ADF considèrent cependant qu'il s'agit d'une réforme dispendieuse, incompréhensible et inefficace.

M. Philippe Bas, président. - Nous apprécions la forte complémentarité de ces deux exposés, d'où il ressort que les conseils généraux souhaiteraient conserver certaines compétences, que d'ailleurs les régions ne semblent pas demander ; celles-ci aspirent en revanche à certaines compétences d'État, qu'il ne veut pas déléguer.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Comme l'a souligné le président Lebreton, il ne s'agit pas d'une loi de décentralisation. Nous en attendions pourtant une : la meilleure répartition des compétences entre l'État et les collectivités locales est un objectif poursuivi depuis 1982. Une évolution progressive avait alors été engagée, dont les effets ne s'étaient fait sentir qu'après cinq ou six ans. La seconde tentative, conduite en 2004 par la loi « Raffarin », a échoué sur la clarification des compétences.

Le débat sur la clause de compétence générale est purement théorique. L'important, ce sont les compétences d'attribution conférées à une collectivité, normalement à l'exclusion des autres. C'est faute de respecter cette règle que l'on s'ensevelit sous un fouillis de financements croisés. Ils vont certes diminuer sous l'effet des économies qui s'imposent...

Le principe de subsidiarité doit être respecté dans la répartition des compétences : les régions s'occuperont-elles des transports scolaires ? L'Île-de-France, par exemple, s'est empressée de les déléguer aux départements de la grande couronne.

Je le demande à nos hôtes ce qu'ils souhaitent réellement. Se substituer aux régions dans les missions qu'elles n'exercent pas correctement ? Chacun ne devrait-il pas s'en tenir à ses propres compétences, en espérant qu'elles soient clarifiées par la réforme ? Le cas des activités liées au tourisme, en particulier, appelle des dispositions plus précises.

M. René Vandierendonck, co-rapporteur. - Il est heureux que le gouvernement ait entendu la mobilisation de l'ensemble de nos groupes pour que les départements ne passent pas à la trappe.

Le débat sur la clause de compétence générale est assez théorique, d'autant que le texte prévoit que la culture, le tourisme et le sport resteront partagés. La notion de solidarité territoriale introduit en revanche un exercice nouveau de compétence, celui qui consiste à payer. Quel pouvoir d'appréciation restera-t-il au département après l'instauration de ce champ de solidarité territoriale ?

Si l'ingénierie est un élément très important, son exercice par les départements ne les placera-t-il pas dans un double rôle de conseil a priori et d'évaluation a posteriori ? Ne pas exorciser cela aurait des conséquences négatives.

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - J'ai assisté, en tant que président de conseil général, au congrès de Pau. Les départements continueront d'exister, c'est désormais acquis, mais pour faire quoi, et avec quels moyens ? Un département avance sur deux jambes : ses compétences sociales, que personne d'autre n'est en mesure d'assumer, et ses compétences d'aménagement du territoire et de soutien aux communes, exercées elles aussi grâce à un savoir-faire acquis au fil de plusieurs décennies de décentralisation. S'il s'agit en réalité de conserver des départements boiteux et sans moyen, autant en finir tout de suite : couper la queue du chien en une fois fait moins mal que de le faire en plusieurs fois.

On parle de nous confier l'ingénierie. Quel sens y a-t-il alors à transférer aux régions les routes et les collèges ? Dans mon département, les ingénieurs travaillent sur les routes et pour les collèges. Pour les grandes régions qui pourraient sortir des débats de l'Assemblée nationale, ce transfert de compétences aurait des conséquences très lourdes : la Champagne-Ardenne, par exemple, aurait à gérer 600 collèges, 400 lycées, 35 000 kilomètres de routes départementales et 25 000 personnes. Peut-on attendre de la création d'un tel échelon une réduction des coûts et une meilleure proximité ?

Aux régions la stratégie et les grandes infrastructures : à l'État de leur confier des responsabilités dans le domaine de l'emploi, de la formation, de l'enseignement supérieur et, pourquoi pas ?, du sanitaire. Aux départements, l'aménagement du territoire de proximité, les réseaux.

La question des moyens est passée sous silence : il est prévu que le transfert des routes et des collèges s'appuie sur des moyennes de consommation des crédits depuis plusieurs années pour les transmettre à d'autres collectivités. Mieux nous aurons fait notre travail en investissant dans les routes et les collèges, plus cela nous coûtera de crédits ! Une correction de cette disposition s'impose.

Les régions seront à deux vitesses, selon qu'elles hériteront d'équipements bien ou mal entretenus. J'ai simulé le transfert de mes 4 000 kilomètres de routes départementales, de mes quarante-sept collèges publics et du personnel correspondant. Il en résulte une déstructuration du budget qui nous interdira de continuer à faire notre métier.

D'où la nécessité de se pencher sur l'action sociale, sur le RSA en particulier. Quelle sera la valeur ajoutée de cette transmission de compétences ? Si elle est nulle, mieux vaut recentraliser la rémunération des titulaires du RSA, en laissant l'action d'insertion soit au département, dans le cadre de son action sociale, soit à la région en l'insérant dans un parcours d'insertion et de formation. Voilà une dissociation importante si l'on veut maintenir des structures de proximité efficaces.

On se plaint que le millefeuille territorial empêche de savoir qui fait quoi. Supprimez-le, vous saurez qui ne fait pas quoi : il n'y aura plus qu'un seul financeur pour le sport, la culture, le tourisme, les loisirs, et encore moins de croissance et d'emplois, car ce sont les collectivités territoriales qui font la croissance des territoires.

Mme Valérie Létard, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. - Le volet économique soulève des questions sur la manière dont pourra s'instaurer une coproduction entre des territoires intercommunaux pour l'élaboration et le suivi des schémas de développement économique. Il est important pour nous de connaître votre point de vue à ce sujet, en particulier sur le volet tourisme.

La compétence d'ingénierie n'est pas suffisamment définie, ne serait-ce que parce que les besoins des territoires urbains sont très différents de ceux des territoires ruraux. Comme le soulignait René Vandierendonck, la relation entre les différents échelons varie beaucoup des uns aux autres : comment s'articuleront leurs partenariats ?

M. Daniel Dubois. - Je suis satisfait de voir ce texte évoluer, même si des améliorations sont encore nécessaires : la région stratège ne doit pas être accaparée par la gestion quotidienne. Le triptyque composé du conseil départemental, de la communauté de communes et de la commune l'assumera efficacement. Dès lors, quelle est la bonne taille pour les communautés de communes ? Si le conseil départemental subsiste, est-il cohérent de leur imposer un seuil de 20 000 habitants ?

Claudy Lebreton a parfaitement raison : il est primordial de préciser par la loi la définition de la compétence de solidarité territoriale donnée aux départements.

M. Jacques Bigot. - Comment l'ADF voit-elle les relations entre départements et métropoles ? J'étais jusqu'à mars dernier président de la communauté urbaine de Strasbourg, qui deviendra une métropole le 1er janvier prochain. La ville de Strasbourg, en raison de son histoire entre 1870 et 1918, exerce la compétence de l'action sociale, par délégation de l'État jusqu'en 1982 puis par délégation du département depuis cette date. Les services publics de la ville et de la communauté urbaine étant confondus, celle-ci est prête à assumer demain la compétence de l'action sociale sur tout son territoire ; de même pour celle du réseau routier : Strasbourg étant au bord du Rhin, plus aucune route départementale ne traverse l'agglomération. Cependant, si la communauté urbaine devait prendre toutes les compétences du département, 500 000 habitants sur un million seraient concernés et l'importance du département perdrait de sa voilure, comme dans le Rhône. La question de l'articulation entre métropoles et départements ne peut être ignorée, surtout si l'on souhaite que les métropoles jouent un rôle de moteur économique.

Les gens qui vivent dans la ruralité sont souvent des rurbains, dépendant des transports. Je constate que, de l'autre côté du Rhin, le développement économique a lieu dans de très petites communes, ce qui a l'avantage de réduire les déplacements. Cessons d'opposer le rurbain et le rural : l'économie ne se développe pas qu'en milieu urbain.

L'économie française repose sur de très grosses entreprises et sur un tissu de TPE et de PME. Changer cela passe par des stratégies locales. Si les compétences correspondantes échoient aux régions, quels moyens recevront-elles ? S'y rattache la question de la formation professionnelle et de l'orientation. Celle-ci ne doit-elle pas être transférée aux régions ? Les départements pourraient s'interroger sur la manière insidieuse dont, depuis 1982, l'État leur a transféré des tâches qu'il continue à définir. Ainsi le fonctionnement des SDIS : les départements financent, les préfets décident.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Ce n'est pas la loi.

M. Jacques Bigot. - C'est en tout cas le règlement opérationnel qui fixe les moyens du SDIS. Qui commande, paye !

M. Christian Favier. - Nous ne sommes pas en présence d'une loi de décentralisation, en dépit des engagements pris devant le Sénat au moment des états généraux de la démocratie locale de 2012. Les élus, réunis à l'époque à l'initiative de son Président Jean-Pierre Bel, avaient pourtant manifesté une volonté forte d'une nouvelle étape de la décentralisation. Je me félicite cependant de l'évolution récente du gouvernement au sujet des départements. La compétence de solidarité et de réduction des inégalités, qui fait le coeur du département, est tout aussi nécessaire en milieu rural qu'urbain. Reste le problème des moyens : les mesures prises récemment pour faire face à la montée en charge des allocations universelles de solidarité ne le règlent pas sur le fond.

Si les régions doivent avoir une responsabilité très forte en matière de développement économique, l'action des départements en faveur de l'insertion nécessite qu'ils s'intéressent au champ de l'économie sociale et solidaire. Leur politique d'investissement en fait également des acteurs du développement économique.

Nous ne pouvons pas écarter les départements en la matière. Quel est l'avis de l'ADF sur les compétences départementales dans le domaine de l'économie sociale et solidaire, ainsi que sur une nouvelle suppression de la clause de compétence générale ?

M. Alain Marc. - Je me réjouis que le gouvernement n'envisage plus la suppression des départements ; mais s'ils se bornent à gérer du social, je n'en vois pas l'intérêt. L'Aveyron se retrouvera sans doute dans une vaste région allant de Toulouse à Montpellier ; le département investit chaque année 50 à 60 millions d'euros pour les routes, ce qui représente 1 000 emplois. Si cette compétence était transférée demain à la région, ces sommes iraient à la deuxième rocade de Toulouse ou à celle qu'il faut construire autour de Montpellier. Certes, les emplois ne disparaîtraient pas globalement, mais ils iraient de l'Aveyron vers la Haute-Garonne et l'Hérault. Nous ne pouvons pas cautionner cette démarche. Il ne s'agit pas de disputer à la région la compétence économique, mais de décider nous-mêmes des modalités de notre désenclavement.

M. François Bonhomme. - Le texte proposé a une vertu : la clarification. Nous en avons besoin. Je ne vois pas d'inconvénient par exemple au transfert des collèges à la région : pourquoi cette collectivité, en effet, ne gérerait-elle pas le second degré, comme la commune gère les écoles maternelles et primaires ? Nous pouvons en effet escompter des économies d'échelles et une plus grande efficacité des moyens. Cela vaut aussi dans le domaine du tourisme, où tous les niveaux de collectivités, sans oublier l'État, ont une action : mettons fin à ce maelström impossible où personne ne s'y retrouve.

Le texte commet cependant une faute cardinale : le seuil de 20 000 habitants ignore la ruralité. Quand tout le monde en découvre les vertus pour défendre le département, demander à des intercommunalités de passer de 5 000 à 20 000 habitants, c'est méconnaître les bassins de vie. J'ai déposé un recours au Conseil d'État pour le bassin de vie ; j'ai perdu au motif que le bassin de vie était une notion trop floue ; sur les fiches de l'Insee, c'est pourtant une réalité.

M. Daniel Gremillet. - Nous avons débattu du découpage avant de parler des compétences, fixant des dimensions très différentes d'une région à l'autre. Or la question de la compétence des départements se pose avec d'autant plus de force dans une vaste région, où l'on imaginerait sans peine un transfert des lycées aux départements, tandis que dans une petite région, la compétence sur les routes pourrait être regroupée. Encore faut-il que les départements disposent de moyens suffisants. Les départements gagneraient eux aussi à être plus vastes, plus forts, tout en gardant un lien de proximité.

Si nous n'y prenons pas garde, la ruralité, et pas seulement la ruralité profonde, sera vidée de sa substance, des hommes et des femmes, des cerveaux, des revenus, de tout ce qui en fait la richesse. La vie entraîne la vie : une nouvelle organisation pourrait appauvrir considérablement les territoires.

M. Claudy Lebreton. - La décentralisation n'a jamais été évaluée...

Mlle Sophie Joissains. - En effet !

M. Claudy Lebreton. - Malgré des imperfections, elle a été un succès et d'abord pour la démocratie. Avant 1982, hier !, les préfets étaient aux commandes, et le président du conseil général présidait une assemblée de notables. Le transfert de l'exécutif local à des hommes et des femmes élus au suffrage universel a tout changé.

Je ne suis pas départementaliste, je suis décentralisateur. J'ai eu des fonctions à tous les niveaux de collectivité et je pourrais être président de conseil régional : Lebreton président de la Bretagne, cela aurait de l'allure ! Je recherche l'efficacité des collectivités territoriales, de l'action publique. Nous observons depuis trente ans un double mouvement de transfert des compétences de l'État vers l'Union européenne et vers les collectivités territoriales. Pourtant, la grande absente de ce débat est l'Europe.

Il faut conjuguer trois principes : la responsabilité ; la subsidiarité, réponse issue des textes européens à la clause de compétence générale ; la spécificité des territoires, car nous ne pouvons pas donner une réponse identique selon la densité de population des territoires.

La décentralisation n'a pu avoir lieu que parce que l'État n'avait pas réussi à mener sa déconcentration dans les années 1960. Dans le cas contraire, nous vivrions dans une autre France. Des régions plus grandes pourraient être confrontées à la même question.

M. René Vandierendonck, co-rapporteur. - Eh oui !

M. Claudy Lebreton. - Je ne suis pas gêné d'être minoritaire dans un débat. Il est proposé d'enlever aux départements une compétence, les collèges, qui représente 71 milliards d'euros, et où ils sont seuls !

M. François Bonhomme. - Il y a des exceptions...

M. Claudy Lebreton. - Votre département est exceptionnel ! Les compétences partagées - culture, sport, tourisme et économie -, quant à elles, représentent 7 milliards d'euros. Les compétences scolaires sont pourtant clairement définies. Je ne désespère pas de voir un jour une grande loi de décentralisation transférant des compétences mal exercées par l'État, comme l'enseignement supérieur. Pour l'enseignement scolaire, nous en gérons déjà le patrimoine, la restauration, l'environnement, tandis que l'État fixe les programmes et paie les enseignants.

La France n'est que le 18ème pays le plus décentralisé en Europe, derrière des pays aussi peuplés que la Pologne ou l'Allemagne. Chez nos voisins, la compétence santé est largement partagée entre État et collectivités, comme l'éducation - les professeurs sont souvent payés par le niveau décentralisé - et même une partie de la sécurité. Nous ne représentons que 225 milliards d'euros sur les 1 200 milliards d'euros de dépense publique, alors que les finances locales constituent 67 % des finances publiques au Danemark, entre 30 et 40 % dans la plupart des pays européens.

Le département des Côtes-d'Armor n'aurait jamais eu 15 000 étudiants sans la clause de compétence générale. La capacité à stimuler l'innovation économique ne dépend pas de la taille des collectivités, mais de la qualité des individus qui les dirigent : des maires de villages de 600 habitants peuvent être plus innovants que des maires de grandes villes. La réponse ne peut pas être qu'institutionnelle.

Je n'ai pas encore de religion sur l'insertion sociale et le financement du RSA. Tout en comprenant l'avantage de le financer par la solidarité nationale, je m'interroge sur les effets d'une séparation du financeur et de la collectivité qui impose à l'allocataire un parcours d'insertion. L'APA et la PCH ne sont pas dans la même problématique : le retour sur investissement de ces dépenses sur une économie territorialisée non délocalisable est évident.

Nous pouvons trouver une vraie clarification de la compétence d'aménagement du territoire. Si le contrat de projet État-région est l'instrument qui met en cohérence les grands projets stratégiques (TGV, autoroute, ports, aéroports), l'aménagement de proximité peut rester aux mains des communes, des intercommunalités et des départements.

Les communautés sont 1 700, dont 1 507 ont moins de 20 000 habitants ; seules deux cents environ d'entre elles sont au-dessus de ce seuil, et comptent souvent plus de 50 000 habitants. Les intercommunalités ont été créées pour trouver une solution aux 36 500 communes. Tous les pays d'Europe les ont fusionnées, telle l'Allemagne, passée brutalement de 30 000 à 9 000 communes, et qui s'en mordrait les doigts. L'intercommunalité était destinée à devenir la commune du XXIe siècle ; suivre un autre cap serait contraire à l'esprit originel, comme imaginer des intercommunalités à 100 000 ou 200 000 habitants en milieu rural. L'exemple de Paris, à la fois ville et département, aurait pu être étendu aux grandes métropoles, à commencer par Lyon et Marseille. L'ADF a des propositions à faire sur ce sujet.

L'ingénierie mérite toute notre attention. L'intercommunalité a réglé le problème des services techniques de maîtrise d'ouvrage ; le projet maintient les départements dans l'ingénierie et le conseil. L'État se retirant, soixante départements ont créé des agences d'ingénierie et de conseil pour introduire de la régulation publique dans un marché très ouvert où le privé s'était développé. Dans les Côtes-d'Armor, nous avons choisi la forme d'un établissement public départemental cogéré par le département, l'association des maires et les intercommunalités ; les grandes agglomérations, elles, ont gardé un service technique de maîtrise d'ouvrage.

L'image du millefeuille territorial révèle une totale méconnaissance des citoyens et du milieu journalistique sur le sujet. Les 17 000 syndicats intercommunaux étaient nécessaires lors de leur création ; mais aujourd'hui, il faut faire le ménage dans ces structures et rapatrier leurs compétences aux seules collectivités de plein exercice. Cela représente 18 milliards d'euros de dépenses, qui seraient ainsi mieux employés.

Le Premier ministre l'a dit à Pau, nous n'échapperons pas à une grande loi de décentralisation. Il faudra procéder à une clarification des compétences entre l'État et les collectivités, car nous avons besoin d'un État plus efficace sur ses compétences régaliennes.

M. Bruno Sido. - Vos interventions marquées au coin du bon sens s'inscrivent dans une logique de clarification - il faut régulièrement faire du nettoyage dans ce domaine. Tandis que les grandes régions seront le lieu de la stratégie, les départements seront celui de la proximité. Nous avons créé des intercommunalités parce que nous n'avons pas voulu supprimer des communes ; oserai-je dire que nous avons créé les régions parce que nous n'avons pas voulu regrouper les départements ? C'est une question qui se pose depuis longtemps : Michel Debré avait proposé en 1946 au Général de Gaulle une nouvelle carte des départements, qui auraient été cinquante ; au sortir de la guerre, il y avait d'autres urgences... Si nous conservons les départements tels qu'ils sont, le seuil des intercommunalités à 20 000 habitants ne tient plus. Cela n'en ferait que six dans un département tel que le mien.

Il est très important de clarifier. En 1998, élu vice-président du conseil régional de Champagne-Ardenne en même temps que président du conseil général de la Haute-Marne, et découvrant que les deux collectivités aidaient les communes, j'avais proposé au président Jean-Claude Etienne que le conseil régional s'en abstienne, le conseil général ne s'occupant pas de TGV... Il m'avait répondu que c'était impossible pour des raisons existentielles. Il faut que cela cesse.

Jean-Jacques Hyest l'a dit, lorsqu'une compétence a été attribuée à un niveau de collectivité, les autres ne devraient pas s'en mêler. Oui au principe de subsidiarité ; mais si nous leur attribuons le transport scolaire, les nouvelles régions s'empresseront de le déléguer à leur tour. Il n'y a qu'en France que l'on voit cela !

Valérie Létard parle avec raison des compétences qui vont de pair : ainsi, les ingénieurs des départements qui s'occupent des routes et des collèges peuvent-ils assurer des missions d'ingénierie pour les communes - en les conseillant mieux, l'on réaliserait des économies...

Parmi les sources d'économies possibles, personne n'a évoqué la suppression des doublons avec l'État. Le préfet et le président du conseil général font le même métier, mais celui-ci a moins de services que celui-là... L'État lui-même s'aperçoit du semi-échec du regroupement régional de ses services déconcentrés. Manuel Valls nous l'a dit : nous nous sommes trompés.

M. Jackie Pierre. - Et pourtant...

M. Bruno Sido. - Cette loi n'est pas une loi de décentralisation - heureusement - mais de clarification. J'espère que la commission des lois saura assurer une cohérence dans ses dispositions.

M. Philippe Bas, président. - La loi sera de clarification en sortant du Sénat, mais elle ne l'était pas en y entrant.

M. Claudy Lebreton. - J'ai rencontré le président de la République avant et après son élection ; je lui avais dit qu'une loi de décentralisation ne devrait avoir d'autres objectifs que de lutter contre le chômage et de dynamiser notre économie. La loi de 1982 n'a été une réussite que parce qu'elle avait été votée dans les 120 premiers jours. Nous, élus, avons l'esprit pratique. La mise en oeuvre de la loi Raffarin a pris quatre ans ; la loi sur la fonction publique territoriale n'est venue que deux ans après celle de 1982 : il a fallu digérer ! Nous n'achevons que maintenant le transfert des parcs de l'équipement de la loi de 2004. La fusion des régions leur réserve quelques années de travail intense ; et il serait question de leur transférer les collèges en 2017 ? C'est infaisable !

Les départements, de fait, resteront dans l'économie. L'économie sociale et solidaire dépend largement du département, par exemple dans le domaine de l'accompagnement du vieillissement et des personnes handicapées qui représente 1,5 million d'emplois.

L'investissement public est un levier. Il est bon, quoique plus difficile, de dégager des économies sur le fonctionnement ; un euro d'investissement produit souvent de deux à quatre euros supplémentaires. La commande publique des collectivités représente 60 % du chiffre d'affaires du secteur du bâtiment et travaux publics. Or l'investissement départemental est revenu de 19 milliards à 11 milliards d'euros. Les entreprises du CAC 40 ne représentent que 3 % des entreprises : les 97 % restantes sont les PME de nos territoires. Le petit commerce de proximité, l'artisanat qui s'enorgueillit d'être la première entreprise de France, ont besoin des collectivités autres que la région. Les conférences territoriales de l'action publique de la loi Mapam créeront, je l'espère, une gouvernance partagée.

M. Philippe Bas, président. - Cette audition a été une vraie séance de travail. Je vous remercie. Il n'y a pas beaucoup de contradictions entre les différents intervenants ; cela augure bien des débats à venir.

Nouvelle organisation territoriale de la République - Audition de l'Association des régions de France : M. Alain Rousset, président, président de la région Aquitaine, et M. Jean-Paul Huchon, président de la région Île-de-France

Puis la commission entend M. Alain Rousset, président de l'Association des régions de France, président de la région Aquitaine, et M. Jean-Paul Huchon, président de la région Île-de-France.

M. Philippe Bas, président. - Nous allons entendre MM. Alain Rousset et Jean-Paul Huchon qui s'expriment au nom de l'Association des régions de France (ARF).

M. Alain Rousset, président de l'Association des régions de France. - L'ARF a toujours eu l'impression d'être écoutée, sinon entendue, au Sénat. Les régions ne demandent pas un élargissement massif de leurs compétences ; elles souhaitent que ces compétences soient précisément définies, dans toute leur complétude - formation, développement économique, transports collectifs, etc. - et qu'on les accompagne des ressources nécessaires.

Les collectivités portent lourdement le poids de la lutte contre les déficits publics. La réforme de la taxe professionnelle en est l'une des raisons ; nous l'avions largement critiquée, car elle est préjudiciable à l'investissement. D'après des analyses partagées par Bercy, si la trajectoire des finances publiques locales poursuit sa tendance de 2010-2013, dans les trois prochaines années, le bloc communal aura un solde positif de 1,387 milliard d'euros, le bloc départemental aura également un solde positif de 1,656 milliard et le bloc régional aura un solde négatif de 953 millions d'euros. Ces chiffres sont incontestables.

Quant aux compétences, elles ont leurs exigences. La formation - professionnelle, notamment - nécessite une hausse des crédits, dans un contexte de lutte contre le chômage dont le Président de la République a fait une priorité. L'apprentissage fait également l'objet d'un effort spécifique, même si les dispositions prises par le Gouvernement ne sont pas tout à fait conformes à ce que nous préconisions. Pour exercer leur compétence d'accompagnement des PME, les régions doivent s'accommoder de modalités d'intervention abracadabrantes, donnant lieu par leur dispersion à une augmentation des coûts. Le rapport Malvy-Lambert a montré que le coût de la décision publique était trop élevé dans chacun des services publics.

Le recours à l'emprunt est-il une solution pour compenser la diminution des ressources des collectivités locales ? Notre notation en souffrirait, avec les effets attendus sur notre capacité d'emprunt et le coût de ces emprunts. À terme, l'investissement sera touché, dans des secteurs clés comme l'éducation, la recherche ou l'acquisition du matériel de transport. Le transport ferroviaire représente 15 milliards d'investissement pour l'ensemble des régions. Alstom-Bombardier, c'est près de 10 000 emplois industriels.

Nous sommes la seule collectivité à ne plus avoir de base fiscale dynamique. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques est régressive et non garantie. Le Gouvernement nous avait octroyé une partie de cette taxe pour développer des grands projets, comme le TGV ou les plans campus. Cette part n'est plus que l'épaisseur du trait. Les Français utilisent moins leur voiture et les véhicules consomment moins ; la taxe ne rapporte plus autant. Reste la taxe sur les cartes grises, dont le produit représente 8 à 9 % de nos ressources.

Autre contradiction : nous sommes responsables du développement économique, mais nous avons la part la plus faible de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dont un peu moins de la moitié revient aux départements et 27 % à l'intercommunalité - la région n'en perçoit que 24 %. Le retour sur investissement d'une action économique dynamique auprès des PME, de la recherche ou du transfert de technologies ne retombe pas sur la collectivité qui l'a initiée. C'est d'autant plus paradoxal que l'accompagnement des PME est une priorité de notre pays. Les amendements que nous avons proposés à l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2015 visent à porter de 24 % à 70 % en trois ans la part dévolue aux régions de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. L'incohérence de l'organisation de la fiscalité française plombe tous nos efforts en matière de développement économique et de politique de l'emploi.

À la veille de la négociation des contrats de plan, il manque aux régions une vision d'avenir sur l'enjeu du développement économique national. Ces trois dernières années, les grandes entreprises ont supprimé 53 000 emplois en France, les ETI en ont créé 73 000. Nous sommes le dernier pays centralisé d'Europe. Même le Royaume-Uni, après le référendum sur l'Ecosse, a entrepris de repenser son modèle territorial en matière de fiscalité et de compétences. Tous les économistes l'ont dit : il y a une corrélation entre la décentralisation et l'innovation. En Allemagne, les plus petits Länder sont les plus efficaces en matière d'innovation et de création d'entreprises. Une thèse menée à l'université des sciences économiques d'Aquitaine a analysé les effets de l'accompagnement des PME dans la région. En développant leur département de recherche et développement grâce aux aides de la région, ces entreprises ont augmenté leurs emplois de 90 %. C'est spectaculaire ! Partout, en Europe, on décentralise ; nous allons à rebours, avec un État qui en est encore à organiser des concours de singes savants pour octroyer trois francs six sous aux entreprises. On est loin de la compétitivité internationale ; la taille de nos PME est bien trop faible.

Nous réclamons à l'État un dialogue, pour qu'il travaille en complémentarité avec les régions sur le développement économique de notre pays. Nous venons d'avoir une discussion longue et fructueuse avec l'Europe, sur la stratégie que proposent les programmes opérationnels de Bruxelles : quelles spécialisations privilégier en Aquitaine, en Île-de-France ou ailleurs ? Nous n'avons pas ce type de discussion avec l'État, qui souffre d'un handicap culturel qui l'empêche de dialoguer avec les régions ; je le disais, hier, à Emmanuel Macron. Récemment, un inspecteur des finances me demandait si le choix des entreprises stratégiques à accompagner ne risquait pas d'être trop politique. Quand on parle d'entreprises, on parle de business, de technologie, d'internationalisation, d'innovation ou de capacité d'investissement, pas de politique. Je viens de lancer l'opération « Usine du futur », 34ème plan industriel. Il s'agit de robotiser, de moderniser, d'améliorer la compétitivité. Au lieu de voir cela, l'État reste crispé sur ses perspectives de carrière et sur son pouvoir dans les préfectures. D'où une grande incompréhension. Le coût de gestion d'un dossier industriel est cinq fois plus élevé en France que dans les autres pays, nous accompagnons dix fois moins nos PME que les Allemands... Comment nos entreprises pourraient-elles être compétitives ? Les débats idéologiques sont surréalistes. Emmanuel Macron a une bonne approche du problème, lorsqu'il pose la question de la pertinence du niveau d'intervention. Nous devons mettre en place une stratégie pour réorganiser notre système de sous-traitance. Dégageons un certain nombre d'ETI autonomes, capables de travailler avec tous les grands groupes - Renault ou Peugeot, Boeing ou Airbus - et de porter une stratégie industrielle efficace pour vendre nos Rafales en Inde et créer des retombées économiques favorables. Jusqu'à présent, l'appareil d'État ne s'est jamais organisé pour mettre en place une stratégie industrielle de redressement de ce pays.

Nous souhaitons devenir l'interlocuteur privilégié des PME. Nous rencontrons les chefs d'entreprises, les organisations syndicales, tous les acteurs de ces entreprises, à chacun de nos déplacements sur le terrain. Une organisation verticale, en silo, telle que nous la connaissons en France, crée un monde où on ne se parle pas, un monde qui attend tout de l'État. Les trente Glorieuses sont derrière nous. C'est là un discours qui n'est ni de droite, ni de gauche.

Les régions ont l'exclusivité des aides directes avec l'État. C'est une bonne chose. Encore faudrait-il regrouper ces aides pour que la région ait une puissance de feu efficace. La loi sur les métropoles nous inquiète. La réforme des compétences doit préciser que les crédits de 1,6 milliard dédiés aux entreprises par les départements remonteront jusqu'aux régions. Veillons à ce qu'ils ne disparaissent pas dans des économies budgétaires, creusant encore la faiblesse de nos moyens. Les régions françaises investissent 500 millions d'euros dans l'innovation, contre 9,5 milliards pour les Länder allemands. Voilà pourquoi nous sommes en panne, malgré toute la créativité de nos entreprises.

Toutes les régions ne sont pas égales ; en définissant précisément leurs compétences, on mettra en place de bonnes pratiques qui auront un effet d'entraînement. J'ai lu l'entretien que Jean-Paul Huchon a donné à la presse, ce matin, à propos des abattoirs. Si nous ne réussissons pas à sauver les abattoirs, c'est l'élevage que nous perdrons. Chacun sait que c'est une activité cruciale de l'agriculture en France.

Un pays ne peut pas être démocratique s'il n'y a pas de classes moyennes. Dans l'état actuel de notre système, nous n'avons pas de classe moyenne des collectivités, car les régions sont au même niveau que les autres collectivités en termes de moyens ; c'est une exception française. Nous n'avons pas non plus de classe moyenne d'entreprises : on dénombre moins de 4 000 ETI en France, contre 15 000 en Allemagne. Pas de classe moyenne de financement de l'économie : toute notre épargne remonte à la Caisse des dépôts, soit par les grandes banques privées, soit par l'épargne administrée. Comment financer notre économie quand les circuits sont si compliqués ? La veuve de Bazas - ou celle de Carpentras - devrait pouvoir placer les 30 000 euros qu'elle épargne pour son petit-fils dans une entreprise de son voisinage. Aujourd'hui, la veuve de Carpentras aide moins les entreprises françaises que celle de Singapour. C'est absurde, d'autant que nous avons une épargne colossale à portée de la main.

Nous devons repenser l'organisation du service public de l'emploi. Les régions ne revendiquent pas de fixer les règles d'indemnisation des chômeurs, c'est la tâche de l'État et des organisations syndicales. Cependant, qui s'occupe de l'accompagnement des chômeurs ? Un émiettement d'organismes - Pôle emploi, les missions locales, les maisons de l'emploi... Le chômeur est un nomade qui termine son parcours devant le bureau du maire, pour demander à être embauché. La corrélation est évidente entre les compétences de développement économique, de formation et d'accompagnement des chômeurs. Il faut réformer le système en plaçant à sa tête un patron légitime, la région. Nous ne voulons pas d'une co-présidence, système bâtard qui ne fonctionnera pas. J'ai connu des situations absurdes où une entreprise du sud de l'Aquitaine créait plus de cent emplois par an sans arriver à les pourvoir, malgré un fort taux de chômage au nord de la région. Il doit y avoir demain un service public régional de l'orientation, de la formation et de l'emploi. Une orientation choisie, c'est une formation réussie et un emploi trouvé. La formation est l'élément essentiel du développement économique.

Quant à l'éducation, l'ARF considère qu'il est plus logique de mutualiser collèges et lycées, à cause des choix d'orientation qui s'y font, même si certains d'entre nous trouvent qu'il y a un socle commun entre écoles et collèges. Sur les routes, position majoritaire de l'ARF également. Je comprends les interrogations des départements, qui craignent de voir réduire leurs fonctions à celle de l'accompagnement social. J'ai géré les affaires sociales du département de la Gironde, sans que la tâche soit dégradante. L'allongement de la durée de vie ou l'accompagnement des personnes éloignées de l'emploi par le RSA sont autant de défis à relever. Pour en revenir à l'éducation, le parcours de réussite des élèves est pour nous un enjeu de taille, la clef pour éviter le décrochage des élèves à la sortie du lycée. Les régions sont allées au-delà de leurs compétences sur les micro-lycées, l'orientation, l'apprentissage des langues, la mobilité nationale et internationale. Elles interviennent aussi beaucoup sur les projets pédagogiques des lycées.

Quant aux universités, nous avons raté une occasion de les aider, lorsque nos moyens nous le permettaient. Elles se sont braquées, en refusant de voir appliquer aux bâtiments universitaires le même dispositif que pour les lycées. Les présidents d'université le regrettent aujourd'hui. C'est trop tard, car les régions n'ont plus les moyens. Le grand emprunt ne fonctionne que si les régions contribuent également à financer les projets. Le « plan campus » n'a pas amélioré la situation, plongeant au contraire les universités dans de lourdes difficultés. Pourtant, les régions ne pourront pas développer leur attractivité sans un investissement massif dans la recherche ou les écoles d'ingénieurs. L'Aquitaine y consacre 10 % de son budget.

Nous avons besoin de schémas prescriptifs. À quoi sert de passer une année et demie en concertation avec tous les autres niveaux de collectivités, les branches professionnelles, le milieu associatif, etc., sans aboutir à des schémas prescriptifs ? Les régions ne cherchent pas à être hégémoniques. Elles ont la responsabilité du schéma de développement économique, du schéma de transports et d'aménagement du territoire. Elles ont mis en place des procédures de concertation. Ce serait un échec de la mobilisation territoriale que de ne pas concrétiser ces efforts par des schémas prescriptifs. Ils n'excluront pas une possibilité d'expérimentation, dans des domaines comme la transition énergétique, l'agriculture, les forêts. Toute une partie des versements obligatoires auxquels sont soumis les sylviculteurs ne sont pas réinvestis et disparaissent au niveau national dans des fonds opaques.

Quant aux transports, nous intervenons pour faire rouler les TER, en réhabilitant les voies d'un réseau vétuste. Nous avons sauvé les TER, nous les avons ressuscités. Ils ont gagné plus de 50 % de fréquentation et sont victimes de leur succès. Nous n'avons plus les moyens de les aider, faute d'avoir - comme c'est le cas dans les autres collectivités - une ressource dédiée à ces infrastructures. L'opacité de la SNCF, dont les conventions nous coûtent cher, ne nous aide pas. La Commission européenne a ouvert une enquête sur le sujet. Aujourd'hui, les TER financent les déficits des autres trains, TET et même TGV. Nous n'améliorerons pas la qualité des services publics pour le transport des usagers, sans installer un vrai pilote de l'intermodalité. Sans cette harmonisation, le retour à la voiture individuelle ou le développement du co-voiturage sont les seules solutions possibles.

Enfin, il faudra attendre au moins trois ou quatre ans pour que la fusion des régions puisse générer des économies. Avant qu'il y ait mutualisation, il faut harmoniser le système de primes, harmoniser les différentes actions. D'où peut venir l'idée qu'on ferait des économies ? Si la fusion renforce le poids économique des régions pour leur redonner un poids politique, c'est une bonne chose. Si elle consiste à organiser une péréquation horizontale des régions riches et des moins riches, nous n'adhérons pas au projet. La loi sur la nouvelle organisation territoriale doit être très précise, afin que chacun sache qui fait quoi, qui finance quoi et d'où vient le financement. On gagnera ainsi en efficacité et en démocratie.

M. Jean-Paul Huchon, président de la région Île-de-France. - Les positions de l'ARF sont unanimes. Toutes les régions, quelle que soit leur situation, portent le même message. Notre espoir est que la réforme simplifie et clarifie les responsabilités et la question du service public. Tel est l'objectif, qui n'a rien à voir avec un enjeu de puissance : comment améliorer le service public ? Les régions vont jouer un rôle majeur, nécessaire et essentiel. Le Premier ministre l'a rappelé devant le congrès de l'ARF : elles doivent prendre en main le développement économique, l'innovation, les crédits aux entreprises, les problèmes de trésorerie, l'appui aux PME pour aller vers plus d'ETI... Dans tous ces domaines, nous sommes très loin de nos voisins allemands. Ils ont une organisation différente. Les présidents des Länder participent aux débats dans la salle du conseil des ministres. Ce modèle n'est pas le nôtre. Qu'il ne nous empêche pas de donner plus de compétences aux régions.

La clause de compétence générale a fait l'objet d'un long débat à l'ARF, car elle comporte beaucoup d'ambiguïtés et de contradictions. Nous souhaitons qu'elle soit supprimée. Le texte est clair sur certains points : le développement économique, les transports, l'éducation, avec le rattachement des collèges aux régions. L'exception faite pour les collèges parisiens reste incompréhensible. Pourquoi traiter différemment un collège de Coulommiers et un collège du Vème arrondissement de Paris ?

Quant aux routes, il est logique de les rattacher aux régions qui ont une compétence générale en matière de transport. Seule, la région parisienne bénéficie d'une aide pour financer le syndicat des transports d'Île-de-France à hauteur de 40 %, pour un budget de 9 milliards d'euros par an. Le STIF est l'exemple d'un transfert de compétences réussi : aucun administrateur d'État sur les 29 qui y siègent. Les investissements en matière de transports ont doublé voire triplé et la Société du Grand Paris devrait être en mesure de financer 32 milliards d'euros d'investissements jusqu'en 2025.

Reste le sujet de la compétence partagée, pour la culture et le sport notamment. Les régions financent l'essentiel du budget des associations culturelles. L'Île-de-France investit plus d'argent dans la culture que le ministère de la Culture. La Philharmonie ne dépend pas d'elle, mais elle y participe. C'est la même chose pour le sport. La région a accompagné certaines initiatives qui relèvent des compétences sociales du département
- crèches, maisons d'accueil pour les femmes en difficulté ou victimes de violences, structures pour lutter contre l'exclusion... Où s'arrête la compétence du département, où commence celle de la région ? Rien n'est clair. La région n'a évidemment aucune volonté hégémonique.

La sécurité est également un domaine mal partagé. Certaines régions, dont l'Île-de-France, se sont beaucoup engagées dans la construction de commissariats et l'accompagnement de la politique de sécurité. Je me rappelle avoir signé des conventions avec les ministres de l'intérieur Jean-Pierre Chevènement puis Nicolas Sarkozy. Nous avions démontré que la région investissait plus pour financer les commissariats que l'État dans la France entière. Il serait souhaitable que la sécurité redevienne une vraie compétence de l'État, car les régions risquent de ne plus avoir suffisamment de moyens.

Comme président de la région Île-de-France, j'ai dit dès le début que nous ne souhaitions pas la suppression du département. Les départements et les régions ont passé un certain nombre de contrats sur des actions conjointes, dont le fonctionnement s'est révélé harmonieux. Il n'y a pas de guerre entre les départements et les régions. En revanche, une vraie difficulté existe avec les métropoles, notamment sur la question des transports. Comment envisager que la région s'arrête de les gérer aux abords du périphérique ? La politique des transports est un tout cohérent. Idem pour le développement économique. Les régions sont garantes de la solidarité nationale. La périphérie des agglomérations est un vrai sujet. Les chercheurs y voient un nouvel espace de difficulté pour la République. Il sera difficile d'imposer un schéma directeur de l'industrie et de l'économie aux métropoles, qui disposeront de leurs propres moyens.

On ne peut pas demander aux régions de prendre en charge des compétences nouvelles - emploi, développement économique, éducation, formation professionnelle, etc. - tout en réduisant leurs ressources, alors qu'elles ne peuvent agir ni sur les assiettes ni sur les taux. Il est impossible de nous transférer le développement économique sans nous donner plus de CVAE, d'autant plus que celle-ci fait déjà l'objet d'une forte péréquation. Il faut donc trouver de nouvelles ressources fiscales, et les trouver vite, puisque de nouvelles compétences seront transférées aux régions dès 2017.

Je me félicite enfin de la présence dans ce projet de loi de schémas prescriptifs. Les régions le souhaitent. Cela suppose, comme le réclame l'ARF, de nous conférer un pouvoir réglementaire pour l'aménagement du territoire. Ayant été directeur de cabinet d'un ministre de l'agriculture et directeur général du Crédit agricole, je suis bien placé pour savoir que l'agriculture de montagne n'est pas celle de la Beauce ! Nous devons pouvoir adapter les procédures publiques aux différents territoires.

M. Philippe Bas, président. - Pourriez-vous préciser le point de vue de l'ARF sur les routes ?

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Selon vous, le bloc économique constitue le coeur de la compétence des régions. Mais il est incomplet et plusieurs collectivités interviennent. Il faudrait donc clarifier. Il faudrait aussi inclure la recherche et le service public de l'emploi, ce qui implique de redécouper à nouveau Pôle emploi. À cet égard, le texte ne prévoit aucune nouvelle mesure de décentralisation, ce qui serait pourtant indispensable. Les régions souhaitent participer au service public de l'emploi. J'ai l'impression que c'est au Parlement de faire bouger les choses...

Le système fiscal local est incompréhensible, il résulte d'un empilement de strates. Résultat : les régions ne disposent plus de recettes fiscales, à l'exception de la taxe sur les cartes grises. Il en va de même pour les départements, alors qu'en 1982 la fiscalité représentait 70 % de leurs ressources, contre 30 % aujourd'hui, et encore s'agit-il de fiscalité sur les ménages. Si l'on ajoute les remboursements au Fonds national de garantie individuelle des ressources, cela confine à l'absurde... On a supprimé plusieurs taxes et il a fallu compenser. Mais le système est à bout, les bricolages ne suffiront plus.

Je suis d'accord avec M. Huchon, il y a des clarifications qui restent à faire pour certaines compétences. N'oublions pas non plus les déserts médicaux. Francilien, je crois à la vertu d'un schéma régional d'aménagement, approuvé d'ailleurs par un décret...

M. Jean-Paul Huchon. - La procédure pourrait être accélérée...

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - En effet. Il y a eu des retards. Il faut simplifier, accélérer la procédure et rendre le schéma prescriptif. Le développement économique est fondamental. Les régions ont fait la preuve de leur savoir-faire en matière de développement économique. Pour aller plus loin, elles doivent disposer de moyens de financement accrus.

M. René Vandierendonck, co-rapporteur. - Le rapport de l'inspection générale des finances et de MM. Demaël, Jurgensen et Queyranne, intitulé Pour des aides simples et efficaces au service de la compétitivité, plaide pour une rationalisation du financement de l'économie.

Habitués à utiliser l'allégorie du millefeuille, nous perdons de vue l'essentiel. Que deviendraient les trente équivalents temps plein chargés du développement économique de l'État à la DIRRECTE de l'Auvergne avec la réforme ? Un contrôle de la chambre régionale des comptes à Rouen a mis en évidence que dix-neuf organismes contribuent au développement économique. Ne faut-il pas introduire une certaine rationalisation ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Avec ce texte, nous entrons enfin dans le vif du sujet. Jusque-là, nous avions parlé de la taille du costume sans connaître les mesures du client...Vous avez évoqué la mobilité, qui concerne les routes et les transports en commun, la formation, qui inclut l'insertion et la formation professionnelle, ou l'éducation, qui concerne le collège, le lycée et l'enseignement professionnel. Pour être cohérents, il faudrait fusionner les départements et les régions ! Mais on n'a pas pris cette voie puisque l'on a créé de grandes régions en maintenant les départements. Dès lors, je ne vous suis plus.

Monsieur Rousset, j'aime vos positions sur le développement, l'innovation, l'orientation stratégique, mais pourquoi souhaitez-vous vous encombrer des compétences de proximité, comme la gestion des routes, des réseaux, des collèges et des lycées ? Pourquoi ne pas vous attacher aux fonctions nobles, en incluant la politique de l'emploi et la formation professionnelle ? Seriez-vous prêts à prendre en charge l'insertion sociale ?

Mme Valérie Létard, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. - Renforcer et doter les régions d'un bloc clair de compétences aussi vastes suppose des ressources. Vous avez évoqué la CVAE et le versement transport. Je vous rejoins aussi sur la nécessité de rationaliser. Au moment où l'on cherche à maîtriser les dépenses publiques, il est nécessaire de disposer d'un pilote dans l'avion et de clarifier les compétences des multiples intervenants. Vous avez évoqué aussi le lien avec les métropoles, car on ne peut décider sans concertation avec les territoires. Quelle est votre vision de la gouvernance, de la co-production des stratégies et de la répartition des moyens avec les territoires, les intercommunalités en particulier ? Le schéma territorial fait l'objet d'une concertation au sein de la conférence territoriale pour l'action publique, mais la concertation ne suffit pas. L'enjeu est d'articuler la définition d'un schéma rationnel et efficace au niveau régional, et sa mise en oeuvre au niveau des territoires, en lien direct avec l'ensemble des acteurs locaux. Il ne faut pas penser pour les territoires, mais avec les territoires. Comment parvenir à un co-pilotage et un suivi cohérents ?

Outre les départements et les régions, seules les métropoles signent les contrats de plan État-région et participent à la répartition des fonds européens. Les autres intercommunalités sont exclues, ainsi que les territoires. Or ces CPER définissent les crédits du développement économique. Si la région constitue l'échelon territorial pertinent, comment articuler les différents niveaux comme des poupées gigognes pour penser et agir ensemble ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. - Effectivement, il aurait fallu définir les ressources et les compétences des régions avant de les fusionner. Comment évoquer en effet la puissance financière des régions si elles n'ont pas de ressources ? Cette réforme n'est pas faite pour les élus mais pour les citoyens. L'objet est de clarifier les compétences pour renforcer l'efficacité de chaque collectivité. Des blocs de compétence se dessinent : la commune, base de la démocratie de proximité, le département, gestionnaire de proximité, la région stratège. La région est chef de file économique mais les départements mènent une grande action en ce domaine. Je crains que les régions ne se focalisent sur les grandes entreprises. Il ne faut pas oublier les artisans et les PME. Ainsi, pour faciliter l'installation d'une petite entreprise dans mon intercommunalité, j'ai dû me tourner vers le département, la région ne m'a pas aidé.

La commission du développement durable est saisie de dix articles. Il existe trois schémas différents pour les déchets : déchets dangereux, déchets non dangereux et déchets du bâtiment ! Une simplification est nécessaire ; la région doit être chef de file mais agir en accord avec les territoires. Les articles 8 et 9 transfèrent aux régions les transports routiers non urbains, en les autorisant à déléguer ces services à d'autres collectivités ou EPCI. Mais les transports scolaires ne doivent-ils pas rester la compétence des départements ?

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Mais si les départements n'ont plus les collèges...

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. - Autant fusionner dans ce cas les départements et les régions ! Il s'agit d'une question de proximité. Il en va de même pour la gestion des routes départementales. Les départements ont pris la suite avec succès des DDE de l'Etat. Est-il judicieux de transférer les routes départementales aux régions, pour qu'ensuite celles-ci les délèguent à nouveau aux départements ? Enfin quel est votre avis sur les aérodromes et les ports ?

M. François Bonhomme. - Selon vous, l'emploi est l'affaire des régions. Que deviendront les maisons de l'emploi qui réunissent l'ensemble des partenaires locaux sous forme de convention ? Leur compétence d'ingénierie locale est reconnue. Il existe plusieurs centaines de maisons de l'emploi, qui couvrent des bassins d'emploi cohérents. Ne les oublions pas. L'État doit être cohérent et appliquer la loi Borloo de 2005.

Il n'est pas inenvisageable de transférer les savoir-faire acquis par les départements. Cela vaut pour les routes, cela vaut aussi pour les collèges ! La clarification serait bienvenue. Il suffirait de transférer les dotations de l'État aux régions et de prévoir un tuilage dans le temps. Rien n'empêche de conserver des services déconcentrés de la région au niveau départemental.

La vraie question est celle du mode d'élection des élus départementaux et régionaux. Je suis partisan du principe « un élu, un territoire », gage de proximité et de connaissance fine des territoires.

En revanche, l'incohérence apparaît parce que, comme l'État est désargenté, il transfère des compétences sans les financements associés. Les trous noirs se multiplieront, notamment en matière de culture, car chaque porteur de projet va solliciter les régions pour obtenir des subventions qu'elles ne pourront pas toujours accorder. Ne soyons pas schizophrènes. Les élus doivent faire des choix et éviter le saupoudrage, au nom de l'efficacité.

M. Daniel Gremillet. - Quels moyens réclament les régions pour mener leurs politiques ? Les régions revendiquent la compétence économique, mais la plupart d'entre elles ont abandonné les règlements d'intervention au profit des appels à projet, qui ne sont guère favorables à la transparence. Ne faut-il pas rétablir les règlements d'intervention ? Êtes-vous favorable au guichet unique pour instruire les dossiers d'ordre économique ?

Je partage vos propos sur l'emploi. Quel est la collectivité la plus adaptée pour définir avec souplesse, réactivité et proximité une politique d'emploi en fonction des besoins des territoires ?

Les réseaux des lignes TER sont conçus séparément. Il n'est pas rare qu'une ligne s'arrête une fois atteinte la première ville de la région voisine. Il faut davantage de concertation pour tisser une toile d'araignée sur tout le territoire.

Enfin, je partage votre diagnostic sur l'absence de dialogue entre l'État et les régions. Mais pour aller plus loin, n'est-il pas nécessaire de revigorer le plan, afin de fixer un cap au niveau national et coordonner l'action des différentes régions ?

Mlle Sophie Joissains. - Quelles ressources précisément réclament les régions ? Une concurrence existe avec les métropoles, d'autant plus que nous leur avons récemment octroyé des compétences en matière de transports ou de développement économique.

Avec l'éloignement des institutions et la baisse du taux de participation aux élections, la légitimité démocratique des instances de proximité s'accroît. Les schémas prescriptifs ne seront légitimes que s'ils sont élaborés en concertation avec elles. Or le texte est muet sur ce point. Les communes ou les intercommunalités sont en effet les premiers interlocuteurs des entreprises. Quelle sera la durée de ces schémas ? Auront-ils un aspect évolutif ? Attention à ne pas consacrer la tutelle d'une collectivité sur une autre.

M. Philippe Kaltenbach. - Après beaucoup de critiques, les choses se décantent : aux communes et intercommunalités, la proximité ; aux départements, la solidarité et la cohésion territoriale ; aux régions, le développement économique, les transports et la formation. Cette vision est largement partagée. Je rejoins d'ailleurs l'analyse de M. Bonhomme.

Les régions ont su travailler avec les départements. Pourquoi ne sauraient-elles pas travailler demain en bonne intelligence avec les métropoles ? Toutefois quelles garanties la loi pourrait-elle apporter pour éviter les chevauchements et les conflits entre les régions et les métropoles ?

Enfin l'ARF a-t-elle demandé au Gouvernement la décentralisation du service public de l'emploi ?

M. Alain Rousset. - Cela vient de nous !

M. Daniel Dubois. - Le transfert des collèges aux régions remet en question la continuité des apprentissages entre le primaire et le collège à l'échelle des territoires. Cette question n'est pas dissociable de celle de l'organisation des écoles élémentaires sur les territoires. En particulier, comment penser les regroupements des écoles élémentaires sur les territoires ruraux ou l'irruption du numérique si l'on met à part les collèges ?

En outre, l'instauration de schémas prescriptifs suppose la définition en amont d'une méthode de concertation et de co-production, sinon les blocages seront nombreux.

M. Philippe Bas, président. - Le collège est unique, à la différence des lycées, qui ont un recrutement supra-départemental et ouvrent à l'enseignement général, agricole ou professionnel.

M. Alain Rousset. - Vous êtes inquiets sur la méthodologie de concertation. Mais les régions n'ont pas vocation à rétablir une forme de jacobinisme régional ! La décentralisation au niveau régional constitue en soi un progrès, car la concertation sera mieux assurée par les régions que par les préfets. Par construction, en effet, un schéma national est moins sensible aux réalités locales. Je comprends que certains préfèrent s'appuyer sur le préfet plutôt que de renvoyer à un autre élu. Ils craignent l'instauration d'une tutelle d'une collectivité sur une autre. Mais cette tutelle existe déjà...

Mlle Sophie Joissains. - Justement ! Nous ne voulons pas la remplacer par une autre !

M. Alain Rousset. - Pour satisfaire les besoins de l'intérêt général, il faut travailler ensemble. Comment déplorer les retards en matière de transition énergétique ou les manques de transports si l'on empêche les collectivités territoriales responsables de faire des schémas ? Les moindres décisions font l'objet d'une consultation surabondante. Le temps des débats est considérable, au risque de l'inaction. Songez à la création de réserves aquatiques dans certains départements : on en parle depuis vingt ans et rien n'a encore été décidé. Quant on ne revient pas sur les projets une fois décidés... Ne soyez pas inquiets !

Le transfert des collèges aux régions, après celui des lycées, fait sens. Les bâtisseurs et les équipementiers sont les mêmes ; il y a des mutualisations en matière de numérique ou de personnels. Surtout, il est urgent de sortir la France de l'état que décrit l'enquête PISA. L'ascenseur social est en panne. Le service d'orientation ne fonctionne pas. L'orientation, compétence confiée aux régions, commence au collège. Rien n'interdira, le cas échéant, les subdélégations aux départements.

Je démens catégoriquement que les régions ne s'intéressent qu'aux grandes entreprises ! En revanche, nous pouvons faciliter les dialogues entre les grands groupes et leurs sous-traitants, car malheureusement, notre économie est une économie de sous-traitance. Nous manquons d'entreprises de taille intermédiaire capables de structurer le territoire. Les groupes du CAC 40 discutent avec Bercy, non avec les régions. Nous devons aider les petites entreprises à grandir pour acquérir la taille critique. Quant aux artisans, nous travaillons avec eux. N'accueillent-il pas déjà 75 % des apprentis ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. - Ce n'est pas pour cela que les régions leur prêtent une oreille attentive !

M. Alain Rousset. - Il y a sans doute des insuffisances. Mais cela vaut pour chaque collectivité. Le vrai problème est que l'on ne sait pas qui fait quoi, ce n'est ni efficace ni démocratique. On ne sait plus à qui s'adresser. Clarifions les responsabilités ! Tout suivra.

Mme Jacqueline Gourault. - C'est vrai !

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Les intercommunalités ont un rôle en matière de développement économique, mais pas nécessairement le même que les régions. Les aides aux entreprises doivent relever des régions.

M. Alain Rousset. - Bien sûr !

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - L'intervention des régions ne sera pas exclusive des autres, mais le texte apporte des clarifications. Les collectivités ne pourront plus instaurer leurs propres aides indépendamment des autres.

M. Alain Rousset. - En France, nous avons « acheté » l'intercommunalité, avec les lois Pasqua, Voynet et Chevènement. Et plus l'intercommunalité était riche, plus cela a coûté cher par habitant. Les intercommunalités ont recruté massivement...

Mme Jacqueline Gourault. - Pas toutes !

M. Alain Rousset. - Vous me les signalerez... L'explosion des effectifs de la fonction publique territoriale vient de là ! On a confondu service public et emploi public. Plutôt que mutualiser les effectifs, on a procédé à des recrutements redondants avec les effectifs des communes. Il faut que les électeurs sachent qui fait quoi, c'est ça la démocratie.

Le rapport de Martin Malvy et Alain Lambert montre que le coût de l'action publique est cinq fois plus élevé que dans d'autres pays, car le temps de la décision est long et les enchevêtrements multiples. Il faut un guichet unique. La critique de l'action publique prospère car on ne sait pas qui est responsable. Il n'est plus possible de continuer à avoir un service public de l'emploi et de l'orientation aux résultats aussi déplorables, ni une action économique aussi défavorable aux PME. Il faut aider les PME et les PMI. Les grands groupes font de l'optimisation fiscale et sont accompagnés souvent exagérément par l'État, sans parler de la consanguinité qui existe parfois entre leurs dirigeants et la haute fonction publique...

Le transfert des routes départementales fait débat. Est-ce bien au conseil régional de veiller au déneigement des routes d'une commune de Corrèze ? Toutefois, son intervention pour développer l'intermodalité et le transport collectif est justifiée.

Les ressources ? Une entreprise allemande est cinq fois plus aidée et accompagnée qu'une entreprise française. Comment redresser notre industrie si on ne fait rien ?

Le lycée a partie liée avec l'enseignement professionnel, mais l'orientation commence au collège.

L'État doit édicter les normes, fixer la fiscalité, définir les grands programmes, soutenir les filières, mais le soutien aux PME et TPE, c'est l'affaire des régions. De même l'ADEME doit disposer d'une instance nationale d'orientation, mais des services locaux sont-ils obligatoires ? Il faut éviter les doublons avec les régions... La BPI a une structure nationale, alors que nous souhaitions des banques régionales d'investissement sur les fonds propres. Autant la BPI fonctionne bien sur les prêts, dans le prolongement d'OSEO, autant, pour les fonds propres, tout remonte à Paris. Que de perte de temps ! Il y a un manque de régionalisation.

Enfin, les aéroports sont des éléments structurants du territoire. Ne reproduisons pas l'erreur que nous avons commise avec les autoroutes en les cédant à des groupes privés qui confisqueront le profit de manière scandaleuse.

M. Jean-Paul Huchon. - À l'exception de l'Île-de-France, grâce à la loi Pasqua, aucune région ne possède de schéma prescriptif. Celui-ci fait l'objet d'une concertation permanente, lors de son élaboration et lors de ses révisions. La région pilote la concertation. Nous tenons très largement compte des préconisations des uns et des autres. Nous avons par exemple largement modifié notre projet pour tenir compte des remarques de la Seine-et-Marne, qui représente la moitié de la superficie de la région : M. Hyest en sait quelque chose ! Lors de la révision, nous avions installé un grand panneau, avec des pastilles pour chaque projet où chaque élu pouvait intervenir. Cela a duré cinq jours et cinq nuits... Donc schéma prescriptif ne rime pas avec jacobinisme régional. À quoi bon, d'ailleurs, vouloir imposer un schéma ? Il ne serait pas appliqué ! Le schéma prescriptif est un bel outil, qu'il faut étendre à toutes les régions.

En outre, les collectivités territoriales peuvent travailler ensemble sous forme de conventions. En Île-de-France, nous doublons le contrat de plan État-région d'un contrat avec chaque département. Nous y consacrons 200 millions pour chaque département. Notre effort est modulé en fonction de la richesse des départements, en accord avec les conseils généraux. Nous passons aussi des conventions avec des intercommunalités.

Les routes ne nous passionnent pas, mais les départements les ont bien gérées. À tel point que nous n'avons pas d'inquiétudes sur le financement, à la différence des lycées, que nous avons repris dans un mauvais état, avec des crédits transférés très insuffisants. Désormais, pour les grands projets de transport en commun, on doit veiller à l'intermodalité et à la cohérence entre les schémas et le réseau routier. Par exemple le réseau routier doit accompagner la construction des nouvelles gares du Grand Paris. Il est logique de tout faire ensemble.

Enfin, gérer les lycées et les collèges, c'est le même métier. On peut aller plus loin en réalisant des synergies sur les personnels, l'équipement, l'informatique. Avec 472 lycées et 850 collèges en Île-de-France, comment ne pas pouvoir peser lors de la conclusion des marchés pour faire des économies ? Je regrette d'ailleurs qu'une centaine de collèges parisiens restent en dehors...

M. Philippe Bas, président. - Merci.

La réunion est levée à 13 h 10

- Présidence de M. Philippe Bas, président -

La réunion est ouverte à 16 heures

Nouvelle organisation territoriale de la République - Audition de l'Association des maires de France : M. Jacques Pélissard, président de l'AMF, et M. Jean-Louis Puissegur, membre du Bureau de l'AMF et président de l'Association des maires de Haute-Garonne

La commission entend ensuite M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), et M. Jean-Louis Puissegur, membre du Bureau de l'AMF et président de l'Association des maires de Haute-Garonne.

M. Philippe Bas, président. - Nous avons le plaisir d'entendre MM. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), et Jean-Louis Puissegur, membre du Bureau de l'AMF et président de l'Association des Maires de Haute-Garonne.

M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France. - Merci de nous accueillir. J'exprimerai la position du bureau de l'AMF sur le projet de loi NOTRe. Nous aurions préféré une loi-cadre, déclinée ensuite dans d'autres textes, à l'approche qui a été retenue, fragmentée entre la loi du 27 janvier 2014 dite Mapam et le présent texte. Nous regrettons en outre l'absence d'étude des impacts financiers de ce projet de loi. Une telle évaluation faisait également défaut à la loi Mapam, muette sur les nouveaux coûts supportés par les intercommunalités du fait, par exemple, de la nouvelle compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Nous ignorons ce que sera le produit de la taxe prévue. Enfin, notre bureau unanime a appelé à la création d'une instance de concertation et de dialogue entre l'État et les associations de collectivités en amont du processus législatif. Le Sénat pourrait être ce lieu de concertation avec l'ADF, l'ARF et l'AMF ; j'ai d'ailleurs écrit au président Larcher en ce sens.

Prenons garde à ne pas créer de nouvelles tutelles en décentralisant verticalement. Les communes et intercommunalités en seraient les premières victimes. À cet égard, les schémas prescriptifs ne sont pas acceptables. Il faut certes, sur un territoire et pour une compétence donnée, une direction. Mais nous sommes des partenaires, non des sous-traitants ! Privilégions la co-élaboration. Prenez le cas de la petite enfance : les schémas sont départementaux, alors que la responsabilité des crèches et des haltes garderies est communale, et que le financement provient des communes, des parents, des caisses d'allocations familiales et, très marginalement, des départements...

Laissons les compétences de proximité au bloc local. Le discours de Manuel Valls au Sénat ouvre la porte à la départementalisation des tâches d'ingénierie : nous n'y souscrivons pas ! L'instruction des permis de construire, par exemple, est une compétence de proximité. Le retrait de l'État a provoqué dans nos territoires la création de bureaux d'études, qui agissent à l'échelon le plus efficace. La remontée au département n'apporte rien du point de vue de l'efficacité. De même pour l'ingénierie technique, au niveau d'un bassin de vie, au moyen de syndicats émanant des communes et parfois intégrés dans le périmètre des intercommunalités. La proximité est gage d'efficacité. Dernier exemple : confier le transport scolaire à de grandes régions ne permet pas d'exercer finement l'exercice de cette compétence.

Rendons l'action publique plus efficace. D'abord, le projet de loi NOTRe bat en brèche l'intérêt communautaire, qui consiste à s'adapter au territoire en partageant les compétences selon la géographie, la démographie, l'expérience et le niveau d'équipement de chacun. Mon intercommunalité gère par exemple les bandes de roulement, tandis que l'éclairage public et l'entretien des trottoirs est resté de la compétence communale : pour reboucher des nids de poule, il est moins coûteux d'appeler le cantonnier local que de faire intervenir des équipes de la ville-centre.

Ensuite, l'AMF plaide depuis des années pour la mutualisation des services. J'ai mis en place en 2002 une direction transversale des services entre ma ville et l'intercommunalité dont elle est membre : la chambre régionale des comptes a trouvé l'initiative intelligente et efficace, mais l'a déclarée illégale ! Elle l'était en effet, jusqu'à la loi du 13 août 2004, quoique celle-ci n'ait pas empêché la saisine par la Commission européenne de la Cour de justice de l'Union européenne. La loi du 16 décembre 2010 puis la loi Mapam ont clarifié les choses. Reste que la mutualisation doit être libre. Tout dépend du territoire. Un ensemble de petites communes regroupées dans une intercommunalité doit pouvoir opter pour une mutualisation descendante, de la seconde vers les premières ; elle peut être ascendante lorsque l'intercommunalité regroupe une ville-centre et des petites communes. La pérennité des communes, dans un contexte de baisse des dotations de l'État, réside dans l'efficacité de l'action publique. Dans tous les cas, l'approche impersonnelle est à proscrire.

Enfin, la commune nouvelle, forme la plus aboutie de la mutualisation, est un autre outil d'efficacité. Elle garantit la sécurité, la solidarité, la proximité et la transparence démocratique. Bref, une économie de temps et d'argent.

Une évaluation financière plus détaillée du projet de loi NOTRe est nécessaire. La loi Mapam a coûté 147 millions d'euros en ce qui concerne la création des métropoles ; l'abaissement du seuil des communautés urbaines, 41 millions d'euros ; soit un total de 188 millions d'euros, pris sur l'enveloppe normée. Cela se conçoit si des bénéfices sont à escompter ultérieurement. Mais cela mérite d'être examiné...

Un mot enfin sur le seuil des 20 000 habitants pour les intercommunalités. Sortons de cette conception monolithique de la République. Dans certains territoires ruraux, il est difficile d'atteindre un ensemble de 20 000 habitants, sauf à ignorer les distances et les coûts induits. En zone urbaine en revanche, 20 000 habitants, c'est peu. Sortons des logiques arithmétiques ; faisons confiance à l'intelligence collective des élus locaux pour placer le curseur au bon endroit.

M. Jean-Louis Puissegur, membre du bureau de l'AMF, président de l'association des maires de Haute-Garonne. - Maire d'une commune de 930 habitants à proximité des Pyrénées, j'évoquerai les problèmes de la ruralité.

Les élus des zones rurales ne comprennent pas le chaînage des lois relatives à l'organisation de la République - mais les communes urbaines le comprennent-elles mieux ? Ils se font en outre du souci s'agissant des ressources financières. Les communes rurales sont, il est vrai, habituées à la disette, compte tenu de la faiblesse de leur base fiscale et de l'absence de cotisation foncière des entreprises sur leurs territoires.

La question du regroupement des régions touche peu les élus de terrain. L'évolution des conseils généraux est en revanche un vrai sujet, car ce sont nos premiers partenaires institutionnels. Dans mon département, les aides à l'investissement des communes ont légèrement diminué, mais elles ont toujours été comprises entre 50 et 70 % des montants engagés, tous projets confondus. Seul bémol : cet arrosage des cantons était purement politique, et manquait parfois de discernement dans l'attribution des subventions - le pourcentage était identique pour une salle des fêtes en marbre et une salle des fêtes en bois.

La Haute-Garonne a la particularité de compter une ville d'un million d'habitants, et des communes rurales qui en rassemblent 200 000. Sans Toulouse, nous ressemblerions à l'Ariège ou au Gers voisins. Les communes de ces départements, qui reçoivent peu d'aides, jalousent celles de Haute-Garonne, lesquelles entendent conserver - égoïstement ? - leurs ressources.

Un mot également sur l'appareil productif de ce territoire. Ma commune de 1 400 hectares avait, après la Seconde Guerre Mondiale, soixante petites exploitations de quatre unités de travail humain chacune, soit un total de 240 emplois productifs. Des emplois guère enviables, dira-t-on ; pourtant, les agriculteurs vivaient à l'époque mieux que les ouvriers. Aujourd'hui, ne restent que huit exploitations à cinq emplois chacune, soit une disparition de 200 emplois productifs ; demain, il n'en restera plus. Ces emplois perdus, rien ne les a remplacés. S'il fallait diriger de nouvelles ressources financières vers les communes rurales, c'est sous forme d'aides à l'appareil productif qu'il faudrait le faire, et non de financement de tel ou tel équipement. La forêt, la valorisation directe, sont des pistes. Mais dans les zones agricoles et d'élevage - dans la filière viande en particulier - les résultats ne sont pas là.

L'exportation intellectuelle est un autre problème. Je suis président d'un syndicat intercommunal à vocation multiple de 30.000 habitants et de 20 millions d'euros de budget. Les jeunes ayant un potentiel intellectuel certain, parce qu'ils souhaitent rester au pays, s'engagent comme chauffeurs de poids lourds ou d'engins de chantier. Ils prennent ainsi la place de ceux qui ne sont pas capables d'occuper de meilleurs emplois. Résultat : les laissés-pour-compte sont nombreux, qui alternent petits contrats aidés et périodes de chômage.

En zone rurale, les élus locaux appréhendent mal l'intercommunalité. Le maire et les adjoints y voient l'occasion d'élargir leurs compétences, mais ils peinent à transmettre le message à leurs conseils municipaux. Au reste, les intercommunalités ne sont parfois que des décompressions des budgets des villes-centre. La domination politique de celles-ci sur les élus locaux des communes périphériques est une réalité. L'intercommunalité n'est pas la réponse à tout. Associer 20 ou 25 communes pauvres ne fait pas une intercommunalité riche. Certaines intercommunalités se sont même lancées dans des dépenses inconsidérées - elles ont freiné leur élan, cependant, depuis que les dotations ont diminué au profit de la fiscalité directe.

Les élus sont plus familiers du périmètre des pays ou des schémas de cohérence territoriale (Scot). Parler d'économie dans le cadre d'un Scot, ou de tourisme dans un pays, est plus facile. L'instruction des permis de construire est plus aisée à l'échelle d'un pays.

Les élus ont une sorte de rejet du pouvoir politique dominant. Les conseils municipaux ont changé. Ce ne sont plus les conseils d'il y a vingt ou trente ans. Ils comptent à présent beaucoup de jeunes désireux de s'investir, bénévolement. Il faut en tenir compte, c'est un plaidoyer pour la commune plus que pour l'intercommunalité...

Le conseil général soutient l'investissement : il serait bon que la métropole lui consacre une part de ses ressources financières. M. Moudenc - ou M. Cohen hier - y consent, mais il ne faut pas attendre qu'il prenne de lui-même une telle initiative. À quelle échelle travailler avec la métropole ? À l'échelle régionale ou dans les départements ? Égoïstement, je défendrais bien la péréquation au sein de la Haute-Garonne, mais c'est au niveau régional qu'il faut l'envisager. Or M. Jean-Michel Baylet, qui a une centrale nucléaire sur son territoire, ne veut pas en entendre parler ! Chaque département veut garder ses ressources...

La voirie suppose entre 10 000 et 20 000 euros d'investissement tous les dix ans. Le conseil général aidait les communes de moins de 400 habitants à hauteur de 70 %, les autres à 50 %. Les maires ne savent pas comment faire à présent. Certains chemins ruraux seront sans doute remis dans l'état où ils étaient avant d'être goudronnés...

Je vois dans les communes nouvelles un phénomène périurbain. Comment les implanter en zone rurale, où les élus sont très attachés à leur commune ? J'ai en tête le mauvais exemple d'une intercommunalité rurale financièrement exsangue du fait d'investissements trop lourds, dont le président voit désormais dans la création d'une commune nouvelle le moyen de sortir du marasme...

Le seuil des 20 000 habitants soulève une profonde inquiétude chez les élus ruraux. C'est un problème de temps. Laissons-les réfléchir, sans leur imposer d'échéances ou d'objectifs. Les territoires sont tous différents. Dans certains secteurs de Haute-Garonne, les élus se sont mis à discuter hors la contrainte de l'État ou de la préfecture. Il faut laisser du temps au temps.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Nous avons toujours plaisir à entendre M. Pélissard. Certains sénateurs sont dans le même cas que vous, monsieur Puissegur, y compris en Ile-de-France...

Je n'ai pas compris : êtes-vous favorables au maintien du département ? Attention à ne pas renforcer excessivement les intercommunalités, dites-vous. Nous avons déjà eu du mal à bâtir la carte... Il faut saluer le rôle déterminant de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) dans cette entreprise. La carte actuelle n'est pas parfaitement cohérente ; il faut la faire évoluer, mais sans aller trop vite.

Je comprends votre réticence à l'égard des schémas prescriptifs. Mais confier une compétence à une collectivité implique, avec toute la concertation nécessaire, que celle-ci ait un pouvoir de décision ! Je vous rejoins sur la compétence de petite enfance, dont le transfert est à l'origine de l'augmentation d'une part importante du personnel communal. Sur l'ingénierie, soyons pragmatiques. Certains départements ont mis des services techniques à la disposition des communes. Le pire serait de créer de nouveaux services. Sans mutualisation, nous n'arriverons à rien. De même en matière d'urbanisme : l'instruction des permis de construire, que certains proposent de confier au niveau intercommunal, doit demeurer une compétence communale. Mais pour l'exercer, il faut des techniciens : le meilleur modèle reste celui des services partagés. Dans tous les cas, laissons de la souplesse aux territoires ; pour encourager la mutualisation, point n'est besoin de légiférer. Encourageons-la financièrement. Dès la loi Marcellin du 31 décembre 1970 qui créait les districts, des intercommunalités se sont créées par intérêt fiscal bien compris. Les choses ont été corrigées par la suite.

M. Philippe Bas, président. - J'invite MM. Pélissard et Puissegur à répondre à la brûlante première question de M. Hyest, avant que nous reprenions le fil des questions.

M. Jacques Pélissard. - Je vous donne ma position personnelle, qui n'est pas passée au crible du bureau de l'AMF. Je le dis avec la même sincérité que celle que j'ai eue à l'égard du président de la République : j'aurais été favorable à la suppression du département si l'on avait conservé des régions à taille humaine. Nous aurions alors pu répartir les compétences entre l'État, les régions, et les intercommunalités : politiques de guichet, services d'incendie et de secours pour le premier, développement économique pour les secondes, actions de proximité pour les dernières. Mais passer à des régions de taille XXL impose de conserver des espaces de proximité. Une nuance : nous ne pouvons conserver des départements dotés de la clause de compétence générale, ressuscitée dans le discours du président de la République du 5 octobre 2012. Il faut que chacun sache ce qu'il fait.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Que se passe-t-il lorsqu'une grande métropole concentre 80 % de la population d'un département ? La question ne se pose pas seulement à Toulouse.

M. Jean-Louis Puissegur. - Les maires de mon département veulent garder les départements par intérêt financier ; du point de vue de la démocratie locale, ils sont contre. Cette suppression ne nous gênerait pas. Mais nous avions, en matière d'ingénierie par exemple, un État performant, neutre, et compétent ; je préfère de très loin qu'il soit remplacé par une organisation intercommunale que par un pouvoir politique « politicien ». Les communes veulent se gérer elles-mêmes, et refusent cette chape de plomb. J'aurais bien vu, pour ma part, une articulation entre communes, pays ou Scot, d'une part, et régions, d'autre part, pour peu qu'elles ne soient pas trop grandes. D'accord pour supprimer le département, et même les intercommunalités, si l'on dispose de pays ou de Scot qui travaillent ensemble et de communes fortes comme échelon de base.

M. René Vandierendonck, co-rapporteur. - Le Sénat n'a jamais été contre l'instauration d'une instance de dialogue entre l'État et les trois associations nationales de collectivités territoriales. J'ai même plaidé pour que les députés comme les sénateurs y soient associés. Mais la question du cumul des mandats est venue percuter ce débat et lui substituer ces questions existentielles : que fait-on du Sénat ? Que fait-on des départements ? Du coup, nous sommes passés à côté de l'essentiel : notre besoin d'une instance de dialogue. Reste qu'un simple décret suffit pour créer une telle instance - nous l'avons dit à Mme Lebranchu hier en commission des lois.

Le monde intercommunal atteint un degré de fragmentation dangereux. J'ai d'ailleurs appelé les intercommunalités, au congrès de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), à se regrouper sans attendre, pour assurer une représentation unifiée du bloc communal qu'ils entendent défendre.

S'agissant de l'intérêt communautaire, on peut dire tout et son contraire : soit qu'il faut garantir la subsidiarité - que nous défendons ici depuis longtemps -, soit qu'il revient aux intercommunalités de choisir les compétences qui les intéressent. Or voyez ce qui se passe en matière économique : tout le monde se bat pour les filières, les pôles de compétitivité, la French Tech... Mais l'artisanat et le petit commerce, personne n'en veut !

Comment s'assurer que la subsidiarité ne sera pas un moyen pour les grandes intercommunalités de se défausser des projets qui ne les intéressent guère ?

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. - Merci de nous avoir exposé votre point de vue sur cette réforme. Je partage largement votre avis : il aurait fallu passer par une loi-cadre et estimer l'impact financier.

L'Assemblée des Départements de France et l'ARF nous ont laissé entendre que les transports scolaires et les collèges pourraient revenir aux régions. N'est-ce pas un niveau trop éloigné de la commune, qui gère les écoles primaires ? Certains départements veulent reprendre la compétence exercée par les syndicats d'énergie, qui font beaucoup pour les communes. Qu'en pensez-vous ? La mutualisation, nous en faisons depuis longtemps, comme M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir : qu'est-ce d'autre qu'une communauté de communes ? Des déchetteries, des équipements de sports, et de nombreux autres domaines, sont mutualisés. Les créations de postes sont critiquées par la Cour de comptes : c'est que ce niveau de collectivités a pris des compétences et reçu des obligations... Si les dotations sont réparties en fonction du degré de mutualisation, celle-ci restera-t-elle vraiment facultative ?

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Il ne s'agit que d'une incitation...

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - C'est inquiétant. Que deviendra notre liberté ?

Nous devons sortir d'une logique purement quantitative en supprimant le seuil de 20 000 habitants pour les communautés de communes. Privilégions l'humain en adoptant une logique qualitative ! Pourquoi ne pas laisser chaque département, par l'intermédiaire de son conseil général ou de la CDCI, décider du seuil - actuellement de 5 000 habitants ?

M. François Bonhomme. - Conditionner la dotation au coefficient d'intégration fiscale (CIF), est-ce respecter la libre administration des collectivités territoriales ?

M. Jean-François Longeot. - Merci pour votre présentation. L'erreur a été de redécouper les régions avant de réfléchir à la répartition des compétences. On envisage à présent de confier la distribution de l'électricité et de l'eau potable, effectuée par les syndicats, aux départements qu'on voulait supprimer il y a peu ! La difficulté est de financer le fonctionnement de ces structures - car ce sont elles qui intéressent...

M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis. - En effet !

M. Jean-François Longeot. - Comment les grandes régions pourront-elles gérer les transports scolaires ? Conseiller général du Doubs jusqu'à mon élection comme sénateur, j'ai bien vu comme cette gestion était complexe à l'échelle d'un seul département. Nous devons nous affranchir du seuil de 20 000 habitants : arrêtons de raisonner en nombre d'habitants et pensons territoire, demandons-nous plutôt avec quelles communes nous voulons travailler.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Demandons-nous surtout comment les habitants vivent et de quoi ils ont besoin !

M. Jean-François Longeot. - Exactement. Il faut rendre de la liberté aux élus et leur faire confiance. Les communes de moins de 1 500 habitants ont le plus grand mal à élaborer un PLU. Je connais un cas où il a fallu plus de dix ans pour y parvenir. Les PLUi épuiseront des générations de maires !

M. Philippe Bas, président. - La loi du 16 décembre 2010 prévoyait un réexamen de la carte intercommunale après un certain délai. Le texte actuel l'impose avant le 31 décembre 2015 : bien trop tôt ! La plupart des intercommunalités issues de la loi de 2010 ne se sont installées qu'en 2013 ou en 2014. Leurs exécutifs ont souvent été mis en place en avril dernier seulement. Engager un processus de réexamen aussi rapidement les déstabiliserait. Enfin, la volonté d'un changement d'échelle des intercommunalités se traduira en milieu rural par un élargissement considérable des périmètres. Cet éloignement et l'obligation d'accroître le nombre de compétences transférées à des intercommunalités agrandies ne risquent-elles pas de faire perdre de la substance aux communes ?

M. Jacques Pélissard. - La loi du 29 février 2012 a prévu le cas des intercommunalités les plus récentes. Pour autant, 2016 est trop tôt, j'en suis bien d'accord : il faut leur laisser plusieurs années de plus. Que le schéma de développement économique soit prescriptif, soit... s'il est élaboré de manière concertée entre la région et le bloc local. Peu importe qui, du département ou de l'intercommunalité, est le maître d'ouvrage de l'ingénierie : l'important est qu'elle soit de qualité et que l'adhésion des communes repose sur le volontariat.

À partir d'une certaine taille, une intercommunalité peut très bien instruire les demandes de permis de construire : c'est toujours au maire qu'il reviendra de signer le permis. Le coefficient d'intégration fiscale a prouvé son utilité pour évaluer la mutualisation, mais il ne porte que sur les recettes. L'inspection générale de l'administration et l'inspection générale des finances réfléchissent à un coefficient de mutualisation qui porterait sur les dépenses. Pourquoi pas ? Cela me paraît intelligent. Mais il faudra choisir entre les deux car il semble difficile de les articuler sans engendrer des effets pervers.

Je me suis efforcé depuis des années de mettre en oeuvre un processus de rapprochement des associations. Les présidents des associations des communautés urbaines, des grandes villes, des villes moyennes, des petites villes et des maires ruraux sont membres associés du bureau de l'AMF. Le président de l'AMF est bien conscient qu'un rapprochement, voire une fusion, s'impose. L'AMF serait l'association généraliste, autour de laquelle graviteraient des structures spécialisées comme les associations d'élus de la montagne, du littoral, de banlieue...

L'intercommunal ne doit englober que ce qu'il est pertinent de lui confier. Cela exige une finesse d'analyse. Il faut laisser aux communes la gestion des magasins de proximité, des petits projets culturels d'animation et d'entretien du lien social... La répartition doit être faite au trébuchet.

Confier les transports scolaires aux régions serait inadapté. Pour les établissements scolaires, si un collège va de pair avec un lycée, par exemple dans le cadre d'une cité scolaire comme j'en connais dans le Haut-Jura, sa gestion peut être confiée à la région. Inversement, une intercommunalité pourrait recevoir de la région, par une convention, la compétence sur un collège.

M. Philippe Bas, président. - Dans le cas d'une cité scolaire, pourquoi ne pas confier le tout - s'il faut une compétence unique - au département plutôt qu'à la région ?

M. Jacques Pélissard. - L'aire d'attractivité d'un lycée dépasse celle de l'intercommunalité.

M. Philippe Kaltenbach. - La moitié des 25 cités scolaires des Hauts-de-Seine sont gérées par le département et l'autre moitié par la région. Il est logique qu'un lycée professionnel, qui recrute ses élèves dans le département mais aussi au-delà, soit géré par la région. Il ne le serait pas moins que collèges et lycées soient gérés par la même entité...

M. Jacques Pélissard. - Il faut s'adapter à chaque territoire et sortir d'un jacobinisme uniformisateur.

Les syndicats d'énergie doivent rester aux communes, qui les financent grâce à la taxe intérieure sur la consommation finale d'énergie, et qui sont leurs clients. La mutualisation revêt plusieurs aspects : mutualisation des agents, des équipements, entre communes, entre communes et intercommunalité... Si une mutualisation s'opère entre une intercommunalité et toutes ses communes, autant transférer la compétence. La mutualisation des équipements et des agents a été organisée par les lois du 13 août 2004, du 16 décembre 2010 et du 27 janvier 2014. Elle va dans le bon sens. Manquent encore les outils de gestion de personnels permettant de rassembler l'ensemble des effectifs.

Les pistes évoquées pour supprimer le seuil de 20 000 habitants sont intéressantes. La CDCI qui, par sa composition et son pouvoir, peut imposer ses options au préfet, pourrait être un bon juge de paix. Conditionner la dotation au CIF altère en effet le principe de libre administration, mais ce n'est pas anormal : comment pourrions-nous exiger de l'État des dotations, même en diminution, sans condition ?

Je regrette moi aussi le découplage entre découpage territorial et répartition des compétences. Nous devons rapidement définir des compétences spéciales, faute de quoi la situation sera ingérable. Le seuil des 20 000 habitants doit être remplacé par la définition d'un bassin de vie cohérent.

Il faut, oui, reporter la date butoir du 1er janvier 2016. Heureusement, la loi du 29 février 2012 prévoit des garde-fous et des dispositions « balais » pour l'année 2015, afin de procéder aux ajustements qui s'imposent.

Mlle Sophie Joissains. - Connaissez-vous le coût induit par la mise en place prochaine des métropoles de Paris, de Lyon et d'Aix-Marseille-Provence, même si, s'agissant de cette dernière, 113 des 119 communes concernées y sont opposées ? Les communes n'ont pas été consultées sur les métropoles. Le seront-elles sur le schéma prescriptif régional ?

M. François Bonhomme. - M. Pélissard défend comme nous la simplification et la clarté. Or confier la gestion de tous les établissements d'enseignement secondaire à la région, n'est-ce pas aller vers davantage de simplicité et de cohérence ? Un tel rapprochement n'a rien d'impossible. Quels problèmes poserait-il ?

M. Jacques Pélissard. - En 2015, 62,6 millions d'euros seront prélevés pour les métropoles sur l'enveloppe normée de la DGF ; et en 2016, 124,6 millions d'euros, dont 5,9 millions pour la métropole Aix-Marseille-Provence.

Le schéma régional de développement économique doit être élaboré en concertation avec les communes et les EPCI. Les communes rurales ne pourront être toutes présentes en direct, mais elles seront représentées par l'AMF.

Une cité scolaire associant collège et lycée doit être gérée par la région. Un collège indépendant peut être confié par convention à une intercommunalité, d'autant qu'il existe des passerelles entre le primaire et le collège. En revanche, un lycée, qui est en lien avec le système de formation professionnelle et les universités, a vocation à rester à la région.

Merci pour votre écoute. La commune nouvelle permettra de faire des communes fortes dans des intercommunalités de projet - sauf à ce que l'intercommunalité elle-même se transforme en commune nouvelle... Tâchons de laisser l'année 2015 toute entière aux communes nouvelles pour émerger : elles ne seront exemptées que pendant trois ans de la baisse de la DGF ou de la majoration des gels de 5 %. La réforme des collectivités territoriales viendra aussi des communes.

M. Philippe Bas, président. - Merci. Les communes nouvelles suscitent un large accord. Le sentiment se répand, surtout dans le monde rural, que l'intercommunalité atteint ses limites. Beaucoup d'élus en viennent à s'intéresser à l'idée d'une fusion avec des communes voisines. Votre proposition de loi sur les communes nouvelles reçoit une écoute attentive au Sénat.

La réunion est suspendue à 17 h 35

La réunion reprend à 18 heures

Nouvelle organisation territoriale de la République - Audition de l'Assemblée des communautés de France : M. Marc Fesneau, président de la commission « Institutions et pouvoirs locaux », et M. Alain Berthéas, vice-président de la commission « Développement économique et emploi » de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

Enfin, la commission entend M. Marc Fesneau, président de la commission « Institutions et pouvoirs locaux », et M. Alain Berthéas, vice-président de la commission « Développement économique et emploi » de l'Assemblée des communautés de France (AdCF).

M. Alain Bertheas, vice-président de la commission « Développement économique et emploi » de l'Assemblée des communautés de France. - L'ensemble des élus des EPCI est convaincu qu'il est nécessaire d'évoluer en matière d'organisation territoriale.

Cependant, des questions continuent à se poser, notamment en matière de répartition des compétences.

Avant de parler de « millefeuille institutionnel », commençons donc à réfléchir aux besoins en compétences et à ceux de l'ensemble des habitants de nos territoires.

J'insisterai sur les relations entre EPCI et régions car il est question de confier à celles-ci un rôle de chef de file dans certains domaines. Il est nécessaire de clarifier cet aspect ainsi que la règle du jeu des relations entre ces deux niveaux territoriaux. En outre, il est nécessaire de préciser la notion de schémas prescriptifs, d'éviter l'émergence d'une multiplicité de ces schémas et de prévoir une co-construction de ceux-ci, afin d'éviter le pur et simple remplacement d'une norme nationale par une norme régionale. Dans la mise en oeuvre de cette réforme, il sera ainsi nécessaire de fixer les prérogatives de chaque institution dans le cadre des schémas prescriptifs. Les schémas doivent être territorialisés afin de pouvoir mesurer l'impact de leurs prescriptions.

Personne ne conteste le rôle de chef de file de la région en matière économique. En revanche, il faut travailler en profondeur afin d'aboutir à un rapprochement entre les acteurs institutionnels et les acteurs industriels ou économiques de manière à construire une vision économique du territoire.

M. Marc Fesneau, président de la commission « Institutions et pouvoirs locaux ». - Les métropoles, puis les régions et enfin les compétences : le calendrier législatif aurait peut-être dû être différent... Nous ne savons pas ce qu'est un processus de « co-construction » ; nous ne disposons pas encore de mécanismes pour effectuer une telle co-construction. Faut-il encadrer juridiquement de tels mécanismes ? En tout état de cause, il faut éviter une tutelle des régions sur les EPCI.

Concernant les départements, nous sommes favorables à leur recentrage sur la solidarité, mais laquelle ? Autant la solidarité entre les personnes est incontournable, autant la solidarité territoriale sera difficile à mettre en oeuvre compte-tenu de l'état actuel des finances départementales. Par ailleurs, si le département constitue un espace légitime pour l'ingénierie, il n'est pas souhaitable d'en faire une règle. Dans ce domaine en effet, la coopération doit pouvoir rester communale, intercommunale, voire inter-intercommunale.

Par ailleurs, dès lors que le département constitue une interface entre les régions et le territoire, nous pensons qu'il pourrait être le lieu où s'organise la relation entre les différents EPCI.

Je ne sais pas ce qu'est un territoire rural. Presqu'aucun territoire n'est indemne de toute influence urbaine. Il me paraît périlleux de tenter de délimiter un périmètre qui serait purement rural et une institution qui serait spécifiquement chargée de ce périmètre.

Concernant la création de communes nouvelles, il me semble que certains territoires se mettent en mouvement. 21 % des adhérents de l'AdCF se posent la question. Le dispositif proposé par M. Pélissard est intéressant à cet égard mais il est peut-être nécessaire de simplifier encore le mécanisme de fusion et de s'interroger sur ce qui se passera après 2020 et la fin du dispositif transitoire. Enfin, il ne faut pas s'appuyer uniquement sur une « carotte » financière.

En ce qui concerne l'existence d'un seuil pour la fusion des EPCI, nous y sommes favorables. Un seuil de 20 000 habitants paraît raisonnable en matière d'ingénierie et d'organisation territoriale. La densité ou le nombre de communes peut également constituer un élément à prendre en compte. Il faudrait en tout cas fixer définitivement un tel seuil afin de ne pas paralyser l'action locale, et prévoir des mécanismes de souplesse afin d'éviter que des EPCI ne soient obligés de faire marche arrière dans certains domaines où ils sont déjà intégrés. Dans mon intercommunalité qui organise depuis quelques années la compétence scolaire, une fusion des intercommunalités entrainerait la perte de celle-ci. Il serait pourtant regrettable que le processus de fusion entraine une sortie de compétences pour l'intercommunalité.

M. Philippe Bas, président. - En effet, car le texte prévoit d'agrandir les intercommunalités mais aussi de renforcer leur intégration. Afin de conserver les compétences des intercommunalités qui s'agrandiraient, il serait toujours possible de créer une commune nouvelle au sein de celles-ci.

M. Marc Fesneau. - Il est vrai. Néanmoins, je ne suis pas sûr que cette mesure soit acceptée dans un territoire comme le mien. Pour mettre en perspective le seuil des 20 000 habitants proposé par le texte, sachez que sur le territoire de mon intercommunalité, il y a la plus petite commune du Loir-et-Cher avec 31 habitants. J'adopte toutefois une position ouverte. Je crois que le texte va dans le sens que l'on souhaite, c'est-à-dire vers de plus grandes compétences pour l'intercommunalité.

En termes de gouvernance, nous sommes aussi attentifs aux règles de compensation. Il serait dangereux qu'elles soient adoptées à l'unanimité plutôt qu'à une majorité qualifiée. Il ne faudrait pas qu'une seule personne puisse bloquer la clé de répartition. C'est d'autant plus pertinent que les conseils communautaires seront plus grands, avec plus de conseillers, et qu'il ne faudrait pas pénaliser leur action.

Par ailleurs, je souhaite insister sur les dispositions de l'article 33 du projet de loi, qui prévoient une mise à contribution des collectivités territoriales concernant les conséquences financières des condamnations de l'État français par l'Union européenne, lorsque les manquements relèveraient des domaines de compétences des collectivités territoriales. Je ne peux que m'interroger sur l'applicabilité d'un tel dispositif. À quel degré une collectivité territoriale est responsable, par exemple, de la qualité d'un cours d'eau ? À 20, 22 ou 25 % ? Cela va engendrer des contentieux sur la qualité de l'eau, de l'air ou dans des domaines dans lesquels l'État a tardé à agir.

M. Philippe Bas, président. - C'est délicieusement rédigé. « Les autorités compétentes de l'État proposent une répartition des sommes dues entre les collectivités territoriales ou leurs groupements déduction faite, le cas échéant, de la part incombant à l'État. »

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - L'Assemblée des communautés de France semble avoir largement inspiré la plume du gouvernement. Je trouve en effet que vous êtes assez favorable à l'ensemble de ces mesures.

Je ne suis pas d'accord avec votre argumentation sur les maigres moyens des départements. Il appartient à l'État de compenser suffisamment l'aide sociale versée par les conseils généraux.

Par ailleurs, je suis opposé à toutes les tentatives de faire du département, au mieux, un sénat des collectivités territoriales. C'est inconstitutionnel. Une collectivité, c'est un territoire, une assemblée élue et des compétences précises, d'après la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Je relève que vous êtes favorable au seuil des 20 000 habitants tout en relevant les difficultés pour changer le seuil. Je reconnais que ce seuil est tout à fait envisageable sur certains territoires. Néanmoins, dans certains départements ruraux, le seuil de 20 000 habitants conduira à n'avoir que 3 ou 4 intercommunalités de dimensions considérables sur le département.

Pour mémoire, le seuil de 5 000 habitants était déjà contesté. De nombreuses dérogations ont été mises en place pour les territoires de montagne et l'outre-mer. La carte a été douloureuse et compliquée à établir. Il faut garder de la souplesse. On peut même s'interroger si le seuil implique des fusions ou des démembrements des intercommunalités existantes pour correspondre aux bassins de vie ?

M. Alain Berthéas. - Un certain nombre de communautés sont organisées selon un découpage historique qui ne correspond plus aux réalités de la vie des habitants. Faut-il faire un redécoupage pour tenir compte de ces réalités ou s'en tenir au découpage actuel ? Il y a en tous cas des incohérences dans la carte actuelle des intercommunalités.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Je suppose que vous préconisez une évolution de la carte intercommunale par la loi, avec la même méthode que celle des commissions départementales de la coopération intercommunale mise en place par la loi du 16 décembre 2010. Ce texte prévoyait notamment un droit d'opposition des élus aux initiatives préfectorales intempestives.

M. René Vandierendonck, co-rapporteur. - J'ai eu la chance d'échanger avec vous lors du dernier congrès de l'AdCF.

Je pars du constat fait par le Sénat, tous bords confondus, avec le rapport de MM. Krattinger et Raffarin. Dans le panorama de l'intercommunalité établi par ce rapport, il y a dix régimes fiscaux différents, avec des degrés d'intégration très contrastés.

On dit que le département joue un rôle en matière de solidarité : c'est aujourd'hui une réalité. La mission de solidarité territoriale est souvent indispensable. Cela n'empêche pas d'armer les intercommunalités pour y participer, mais on ne peut pas se passer du département. Les départements gardent un rôle irremplaçable, et bien au-delà de 2020.

En mars dernier, on n'a pas voté pour l'élection de tous les délégués intercommunaux au suffrage universel direct, car le fléchage, lors des élections municipales, n'était applicable qu'aux communes de 1.000 habitants et plus, régies par le scrutin de liste proportionnel. Ne faisons donc pas semblant de croire que les intercommunalités sont des collectivités territoriales.

Mme Jacqueline Gourault. - Il faut faire progresser l'égalité entre tous les territoires !

M. René Vandierendonck, co-rapporteur. - Il ne faut pas opposer départements et intercommunalités, mais il faut mettre de l'ordre dans le « qui fait quoi ». Nous sommes empoisonnés par l'idéologie du millefeuille. Il ne faut pas oublier qu'il existe aussi de nombreux organismes issus du démembrement des collectivités.

Le Gouvernement a le courage de s'attaquer au problème de la rationalisation de l'organisation territoriale dans une logique d'égalité. La problématique, c'est d'armer les intercommunalités, mais pas de faire l'impasse sur le département, car on en a besoin ! Si on veut aller plus loin, on peut toujours les supprimer, mais aucune structure n'est prête aujourd'hui à reprendre les compétences du département, sauf ponctuellement au cas par cas, pour certaines d'entre elles.

Un EPCI, ce n'est pas une collectivité territoriale !

Mme Jacqueline Gourault. - On s'énerve sur les conseils généraux, alors qu'ils existent au moins jusqu'en 2020 et, en réalité, ad vitam aeternam.

Les départements doivent aider les territoires, tous les territoires. Si on reste sur l'idée que la justification du département, collectivité territoriale dotée de compétences effectives, c'est la proximité et la ruralité, si on est toujours dans la défense exclusive de la ruralité...

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Il ne faut pas raisonner sur des cas pathologiques...

Mme Jacqueline Gourault. - ... le département doit aussi aider les zones urbaines et péri-urbaines, les agglomérations...

Je n'aime pas l'idée de la tutelle d'une collectivité sur une autre, par exemple la tutelle de la région dans le domaine économique avec un schéma prescriptif. Je n'aime pas non plus cette idée en matière de solidarité territoriale - je ne sais pas ce que c'est d'ailleurs - c'est-à-dire la tutelle du département sur les communes et les intercommunalités. Les communes sont des collectivités territoriales.

Que les départements subsistent, très bien, mais la question a de toute façon été close par le Premier ministre.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Nous parlons de l'avenir des départements car on a proposé leur suppression...

Mme Jacqueline Gourault. - L'association des grandes villes de France a lancé à l'Assemblée nationale une organisation parlementaire pour défendre l'urbain. Pour l'image du Sénat, je ne voudrais pas qu'on se cantonne à la défense des ruraux, ce serait une catastrophe pour le bicamérisme.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - C'est idiot de dire qu'il faut des départements uniquement dans les zones rurales !

Mme Jacqueline Gourault. - Je suis d'accord.

M. Philippe Kaltenbach. - Arrêtons d'opposer le monde rural et le monde urbain : chacun a besoin de l'autre. Pendant les campagnes électorales, la ruralité est parfois utilisée avec des visées électoralistes. Mais rural et urbain sont liés et c'est d'ailleurs pour cela que le Gouvernement a évolué sur la question : au départ, les départements devaient être supprimés à l'horizon 2020, puis il a été décidé de conserver les départements ruraux. Devant la difficulté de définir objectivement ces derniers, le Gouvernement a porté à cinquante le nombre de département maintenus. Finalement, le choix a été de conserver tous les départements, sauf lorsqu'il existera une métropole sur leur territoire. Les départements vont donc perdurer sur 95 % du territoire, leurs compétences dans le domaine social et leur rôle de cohésion territoriale venant en aide et en soutien aux communes et aux intercommunalités.

Les choses sont donc clarifiées et il est inutile de rouvrir ce vieux débat, l'objectif unique qui doit être poursuivi doit être le service aux citoyens.

J'ai noté dans vos propos un soutien marqué au projet de loi, ce qui n'a pas été le cas de toutes les associations nationales d'élus. Je pense que l'avenir est aux regroupements de communes : le mouvement est enclenché, rien ne pourra l'arrêter. Les intercommunalités auront des compétences de plus en plus larges. D'ici quelques années, les élus des intercommunalités seront désignés au suffrage universel direct. C'est une tendance naturelle : les citoyens souhaiteront de plus en plus choisir les élus de leur intercommunalité.

Concernant vos propositions sur les intercommunalités, je souhaiterai revenir sur le seuil de 20 000 habitants qui sera désormais nécessaire pour constituer une communauté de communes, seuil qui est souvent critiqué. Avez-vous effectué un sondage auprès de vos adhérents et auprès des intercommunalités sur la pertinence de ce seuil ?

Sans un seuil précisément fixé, il sera très difficile d'opérer des regroupements mais si on veut un seuil, il faut bien le calibrer. Quel est le seuil adéquat ? L'alternative est de créer des incitations financières aux regroupements mais en la matière, il n'existe plus beaucoup de marges de manoeuvre.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Il en existe d'autant moins que ces incitations seraient financées aux dépens des autres collectivités.

M. Philippe Kaltenbach. - Sans un seuil, il n'y aura pas de regroupements. Bien sûr, le seuil de 20 000 habitants pourrait être modulé pour l'outre-mer et pour les zones de montagne.

Enfin, quelque chose m'a frappé : vous êtes les seuls, parmi les associations nationales d'élus, à ne pas avoir parlé du nerf de la guerre que sont les moyens financiers. C'est une bonne chose d'obtenir des compétences mais encore faut-il avoir les moyens financiers de les exercer, sinon elles resteront lettre morte. On a entendu les régions, les départements, très inquiets de l'état de leurs finances. Les communautés de communes et les communautés d'agglomération sont-elles inquiètes à ce sujet ? Créer de grandes intercommunalités, leurs donner plus de compétences, plus de pouvoirs, va nécessiter plus de capacités financières. Les intercommunalités disposent-elles de ces capacités aujourd'hui ? Pourront-elles les avoir par les mutualisations et par les transferts de moyens ? Quelle est votre analyse des contraintes financières qui pèsent actuellement et qui pèseront demain sur les intercommunalités ?

M. Jérôme Bignon. - Je ne suis pas du tout d'accord avec l'idée qu'il ne faille pas regarder d'une manière différente le monde rural et les villes. Il ne s'agit pas de les opposer, cela n'aurait pas de sens, mais il s'agit de prendre en compte leurs différences, qui sont réelles. Je viens d'un département très rural, et dire qu'il n'existe pas de différences entre les habitants de la campagne et ceux des villes, c'est nier une réalité. J'ai vécu une partie de ma vie en ville comme professionnel du droit puis j'ai vécu dans le monde rural, en tant que maire d'une petite commune - elle-même résultant d'une fusion - au sein d'un petit canton de 6 000 habitants. J'ai présidé une communauté de communes qui a exercé dès 1994 la compétence scolaire sur son territoire. J'ai été pionnier dans mon département sur ce sujet car j'ai senti qu'il existait dans les campagnes des écarts d'opportunités entre les populations. Je me suis dit que l'école permettrait de donner une chance équivalente à tous les enfants. Dire qu'il n'y a pas de différences profondes entre le monde rural et les villes, c'est méconnaître une réalité ! Monsieur Kaltenbach, je vous invite à venir dans mon département pour le constater.

M. Philippe Kaltenbach. - J'ai dit qu'il ne fallait pas les opposer, cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problème.

M. Jérôme Bignon. - Ne pas les opposer sous-entend qu'il n'existe pas de problème, alors qu'il y a un vrai problème, plus grave qu'on ne pense.

Vous connaissez mieux les villes mais je connais mieux la campagne. Les personnes que nous entendons aujourd'hui mettent le doigt sur des problèmes fondamentaux, mais il est très difficile de trouver une solution : ni le Gouvernement, ni personne n'a de solution équilibrée et satisfaisante. La proximité me paraît être un élément d'équité. Dès qu'on crée de grosses collectivités, les habitants se sentent abandonnés. Vous pouvez estimer que c'est un sentiment subjectif mais il est profond. Avec un seuil de 20 000 habitants qui correspondra à 40 ou 50 communes de 200 habitants, vous créerez de la distance. Avoir en tête que la proximité est un facteur d'équité est essentiel : la ruralité souffre, à tort peut-être, d'un sentiment profond d'injustice.

La diversité, c'est la liberté : l'uniformité n'est ni comprise ni acceptée. Pourquoi ce seuil de 20 000 habitants ? Qui le propose ?

Avec M. Germinal Peiro, un député socialiste très investi dans le monde rural, nous avons étudié pendant une année, dans le cadre de la commission d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, la politique d'aménagement du territoire en milieu rural. Il en ressort qu'il n'existe aucun modèle uniforme de la ruralité. Des études très sophistiquées ont été menées et il en ressort que ce n'est pas la taille des collectivités qui compte, mais les talents des personnes, les projets de territoires, la qualité des hommes et des femmes qui mènent ces projets. Un seuil de 20 000 habitants ne veut rien dire : ce n'est ni une bonne, ni d'ailleurs une mauvaise idée, mais je n'ai vu nulle part une telle proposition. Je me rappelle avoir participé à plusieurs réformes statutaires de collectivités d'outre-mer avec MM. Pierre Mazeaud et Jean-Jacques Hyest, quand il était député. À une époque, tous les statuts d'outre-mer étaient identiques. Leurs élus nous ont sollicités en nous demandant qu'on élabore des statuts qui répondent à leurs besoins. L'idée était de donner un outil permettant de valoriser les territoires, pour des gens de qualité inégale, car il n'y a pas que de bons élus. Il faut garder en tête ces idées.

Aujourd'hui, l'unité de la France n'est plus menacée et il n'est pas nécessaire d'avoir une pensée uniforme. Les seuils pourraient donc varier fortement sur tout le territoire. Dans le cas de la Somme, qui compte 500 communes de moins de 500 habitants, 15 communes de plus de 3 500 habitants à 600 000 habitants, je voudrais rappeler qu'il existe un très grand nombre de petites communes extrêmement dispersées et que, dans chacune de ces communes, il existe une église, une mairie, un local communal qui sert de salle des fêtes, une voirie, etc. Or une communauté de communes ne va jamais exercer toutes les compétences communales. La communauté de communes de la région d'Oisemont va-t-elle par exemple prendre en charge les 32 églises des XVe et XVIe siècles de ses communes-membres, alors que le département ne sera plus là pour aider ?

M. René Vandierendonck, co-rapporteur. - Il serait intéressant, d'autant que le Gouvernement annonce une rencontre avec le monde rural, que nos invités - qui disposent des outils pour le faire -, recensent le nombre de SCoT mis en oeuvre par des intercommunalités où l'espace agricole est regardé comme autre chose qu'une variable d'ajustement, le nombre de SCoT où la politique de développement économique incorpore la dimension agricole, enfin, les SCoT qui luttent contre l'étalement urbain. Car, la ruralité c'est « tendance », tout le monde s'émeut, mais qui fait quoi ?

M. Marc Fesneau. - Monsieur Bignon, il est vrai que s'exprime parfois, entre le rural et l'urbain, un sentiment de défiance. La ruralité vit l'urbain comme une menace et l'urbain, quant à lui, se plaint des mécanismes de compensation financière en faveur des territoires ruraux qui n'accueillent pourtant pas la plus grande part de la population.

Nous devons toutefois nous employer à lutter contre cette opposition entre l'urbain et le rural. Souvent, ces territoires partagent des problèmes communs même s'ils s'expriment différemment. La démographie médicale en est un exemple. En outre, une grande majorité de ruraux vivent le jour dans la ville parce qu'ils y travaillent ou que leurs enfants y étudient.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Ce n'est pas toujours vrai.

M. Marc Fesneau. - Tout à fait. Comme je l'ai dit précédemment, qu'il s'agisse du rural ou de l'urbain, il y a une grande diversité de situations.

L'Assemblée des Communautés de France a toujours veillé à ne pas opposer les territoires urbains et les territoires ruraux. Seulement, il y a un paradoxe : plus on parle de la ruralité, moins on s'en occupe. Ces territoires s'appauvrissent et se sentent abandonnés, ce qui les expose à la tentation d'un vote extrémiste.

Nous défendons une conception positive de la ruralité : ces territoires peuvent se projeter vers l'avenir. Il est possible d'y réimplanter des activités.

Monsieur Hyest, nous ne souhaitons pas la mort des départements.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - On a pourtant pu le lire dans certains écrits de l'association.

M. Marc Fesneau. - Dire que le département est la collectivité des solidarités sociales et territoriales ne soulève pas l'objection. Toutefois, ne nous illusionnons pas : si, aujourd'hui, les communes craignent pour la pérennité de certains de leurs équipements, c'est bien parce que le département ne peut plus contribuer à leur financement.

M. Philippe Bas, président. - La question n'est pas de découvrir aux départements une nouvelle compétence de soutien aux communes : ils l'ont déjà. Dénoncer les difficultés de financement que rencontrent les départements est une chose, en conclure qu'ils auraient renoncé à agir en faveur des communes en est une autre. Dans la Manche, le conseil général apporte 15 millions d'euros à travers les contrats de territoires, espérant ainsi susciter un effet de levier.

Pour l'avenir, le problème est de savoir comment assurer la pérennité de cet investissement des départements auprès des communes et des intercommunalités.

M. Alain Berthéas. - Monsieur Bignon, plus qu'un seuil arbitraire, ce qui confère une véritable légitimité à une fusion ou un regroupement de communes, c'est le projet de territoire. Une approche réaliste des intercommunalités conduit à lier leur taille aux besoins qui s'expriment dans le territoire. C'est vrai aussi pour les régions : les plus grandes ne sont pas forcément les plus pertinentes. Leur taille doit être adaptée aux réalités territoriales. Dans une grande région telle que celle qui résultera de la fusion entre l'Auvergne et Rhône-Alpes, comment les petites intercommunalités seront-elles prises en compte ? Un équilibre doit être trouvé.

Monsieur Kaltenbach, la question du financement est effectivement cruciale. Mais cela est vrai pour tous les niveaux de collectivités. À cet égard, la réduction de la DGF pose problème.

Monsieur Vandierendonck, je vous enverrai le SCoT Sud-Loire. Vous pourrez constater que les préoccupations que vous avez soulevées sur les besoins en habitat, foncier agricole, emploi et transport sont prises en compte.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - La région et le département ont-ils contribué à l'élaboration de ce SCoT ?

M. Alain Berthéas. - Bien entendu, nous avons ainsi tenu compte des réalités et des influences des territoires voisins du nôtre, y compris grâce à un inter-SCoT.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Les prescriptions du SCoT sont plus facilement respectées lorsqu'il a été ainsi élaboré par la concertation.

M. Marc Fesneau. - Ceci pourrait d'ailleurs inspirer les politiques de co-construction que nous avons précédemment évoquées.

Monsieur Bignon, nombre des difficultés des communes que vous évoquiez sont aujourd'hui réglées par les intercommunalités, qu'il s'agisse, par exemple, de la voirie ou de la mutualisation du personnel. Ces intercommunalités permettent même parfois aux communes de retrouver les compétences qu'elles n'étaient plus en mesure d'exercer.

S'agissant du seuil de 20 000 habitants pour la constitution des regroupements intercommunaux, il permet de donner un cap mais il n'est pas applicable à tous les territoires.

M. Jérôme Bignon. - Il y a parfois un problème de gouvernance : qui décide lorsque l'ensemble est trop vaste et les conseillers communautaires trop nombreux ?

M. Marc Fesneau. - Je vous l'accorde.

Monsieur Hyest, je ne pense pas, en défendant certains aspects de ce projet, être plus dans la ligne de ce Gouvernement que dans celles des précédents. La promotion de l'intercommunalité est un objectif partagé depuis longtemps.

M. Jean-Jacques Hyest, co-rapporteur. - Mes propos visaient ceux qui souhaitent remplacer les départements par une fédération d'intercommunalités.

M. Marc Fesneau. - Enfin, je pense effectivement que la question financière est très importante. J'observe, d'une part, que, s'il s'agit de freiner la dépense, les investissements seront les premiers à en pâtir et que, d'autre part, les conséquences des restrictions budgétaires sur les mécanismes de péréquation financière sont susceptibles de remettre en cause le processus coopératif.

M. Philippe Bas, président. - Je vous remercie.

La séance est levée à 19 h 30