Mardi 13 mai 2014
- Présidence de Mme Jacqueline Gourault, Présidente. -Audition de M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France, sur le régime juridique des communes nouvelles
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Jacques Pélissard, député, maire de Lons-le-Saulnier et président de l'Association des maires de France, en tant qu'auteur d'une proposition de loi concernant les communes nouvelles. Je précise pour M. Pélissard que nous avons reçu la semaine dernière Mme Lebranchu et M. Vallini au sujet de la réforme territoriale, et qu'il a été fait mention de sa proposition de loi comme d'un élément important dans l'esprit de la réforme.
Je pense qu'un objectif du gouvernement, en s'appuyant sur la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 et sa clause de revoyure, est de revenir sur les intercommunalités pour qu'elles soient, dans certains cas, appuyées sur les bassins de vie. Un certain nombre de nos collègues considèrent que la création de communes nouvelles peut, tout aussi bien que les intercommunalités, contribuer à préserver les communes en France.
Je remercie M. Pélissard pour sa venue et je lui laisse présenter sa proposition de loi qui reste fondée sur le volontariat des élus, ce qui est important, avec un système d'incitations.
M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France. - Je vous remercie de votre accueil, Madame la Présidente, et de me permettre de vous exposer ma proposition de loi. Je suis venu avec des collaborateurs de l'Association des maires de France. Après vous avoir présenté cette proposition de loi, je répondrai à toutes vos questions.
Avec le temps, et dans le cadre de l'AMF, nous avons constaté la nécessité d'un rapprochement entre les communes et les intercommunalités sous la forme de mutualisations. À l'époque, j'avais été critiqué par la Cour des comptes parce que j'avais rapproché ma ville de l'intercommunalité. Il a fallu attendre la loi du 16 août 2004 pour pouvoir mettre en place des services partagés et des emplois cofinancés. La loi du 10 décembre 2010 a complété ce dispositif avec la mutualisation des services. On s'est alors aperçu que les communes mutualisaient leurs services, que les communes et les intercommunalités cherchaient à éviter les doublons.
Dans ma ville, l'intercommunalité est très intégrée. Nous allons inaugurer l'installation dans un bâtiment unique des services administratifs de la ville et de l'intercommunalité. La mutualisation est une nécessité ; tous les gouvernements l'ont encouragée. Et la plus complète serait par construction la fusion de communes.
Les communes nouvelles ont été créées par la loi du 10 décembre 2010. Lors du congrès des maires de France de novembre 2013, j'avais annoncé devant le Premier ministre mon intention de déposer une proposition de loi pour favoriser l'émergence des communes nouvelles. Ainsi, celles-ci seraient créées selon la formule de la loi de 2010, sur le principe du volontariat, mais avec une incitation financière qui n'existait pas à l'époque. Il s'agit de contrer la baisse annoncée des dotations, avec l'affirmation de la stabilité de la DGF pour les communes nouvelles. Mme Lebranchu y était favorable. J'avais proposé par la suite un amendement garantissant cette stabilité pendant trois ans. Bercy a infléchi cette proposition en faisant prévaloir le principe d'une date fixe à la place d'une date glissante.
Cette proposition de loi est l'aboutissement de la mutualisation, avec la volonté de préserver l'identité des communes membres grâce à des maires délégués et des prérogatives préservées. Elle a quatre objectifs principaux. Le premier consiste dans le renforcement des communes en matière de compétences de proximité, il s'agit de pérenniser leur capacité à intervenir auprès des habitants. Le deuxième objectif reprend le principe de subsidiarité, avec une meilleure représentation des communes au sein des communautés de projets. Il permet de renforcer des centralités autour de villes ou bourgs-centres rayonnant sur le territoire intercommunal. Le troisième va au bout de la logique d'intercommunalité, avec la commune nouvelle qui va se substituer à l'intercommunalité. Les communautés intégrées vont se transformer en une unité nouvelle, la commune nouvelle. Cela permet un choc de simplification : il n'y a plus qu'un seul budget, une seule réunion du conseil municipal, au lieu d'une multitude de réunions entre la commune et l'intercommunalité. Enfin, il s'agit d'une réforme de structure importante sur le plan quantitatif. Je rappelle à ce sujet que sur 36 000 communes 31 000 ont moins de 2 000 habitants.
Cette réforme de structure très importante se fait à moindre coût. L'impact financier du système des métropoles a été évalué à 142 millions d'euros. Celui de la commune nouvelle se ferait par la stabilité de la DGF, le gel de la chute des dotations, sans surplus.
Cette proposition de loi prolonge la loi de 2010, avec des ajouts. Une période transitoire serait ouverte jusqu'en 2020. Le conseil municipal de la commune nouvelle serait plafonné à 69 membres. Afin de renforcer la place et le rôle des maires des communes initiales, ils seraient intégrés dans la municipalité en tant qu'adjoints du maire de la commune nouvelle. Une conférence municipale regrouperait les maires délégués et le maire de la commune nouvelle. Par ailleurs, cette proposition de loi prévoit un pacte financier incitatif, un pacte de stabilité de trois ans, avec le gel des DGF pour la commune nouvelle, sans pour autant créer un effet d'aubaine. Ce pacte bénéficierait aux regroupements de communes de moins de 10 000 habitants, avec un bénéfice pour les petites communes. Le gel de la DGF est plafonné pour les communes nouvelles de 10 000 habitants créées avant le 1er janvier 2016. Ce dispositif de stabilité des dotations de l'Etat devrait être mis en oeuvre sans date de départ fixe, contrairement à ce qui a été prévu dans la loi de finances pour 2014. Le dispositif financier garantit le maintien du financement de l'intercommunalité et des communes membres des communes nouvelles, lorsque la commune nouvelle se substitue à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre sans condition de population.
Le quatrième axe permet de mieux articuler la commune nouvelle avec la carte de l'intercommunalité. Il permet d'allonger le délai de rattachement à l'EPCI à fiscalité propre lorsque la commune nouvelle se substitue à une communauté d'au moins 5 000 habitants. Dans la loi de 2010, le schéma départemental de coopération intercommunale prévoyait des communautés de communes d'au-moins 10 000 habitants, et 5 000 en zone de montagne. Si une commune nouvelle atteint le seuil de 5 000 habitants, elle n'est pas obligée d'être dans l'intercommunalité. Cela fonctionnerait lors de la révision du schéma départemental de coopération intercommunale en 2021. Mais actuellement une commune nouvelle d'au moins 5 000 habitants n'aurait pas de contraintes en termes d'intercommunalité.
Le cinquième axe concerne les communes déléguées, les anciennes communes, en les identifiant dans le cadre des projets d'aménagement et de développement durable, dans les documents d'urbanisme, pour favoriser les conditions d'harmonisation jusqu'à la mise en place du PLU.
Voici, Mesdames et Messieurs, les grands axes de cette proposition de loi. Elle a été longuement travaillée avec les services de l'Etat. Elle présente un dispositif intéressant dans une époque où la réforme territoriale pourrait faire passer les intercommunalités à 10 000 habitants, pour que les communes soient fortes au sein des intercommunalités. Les communes vont se renforcer au sein des intercommunalités au périmètre élargi.
Je pense apporter des précisions lors des questions.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je vous remercie, Monsieur le Président. Je passe la parole à M. Eric Doligé.
M. Éric Doligé. - Madame la Présidente, Monsieur le Président, je vous remercie.
Votre exposé présente un grand intérêt, je souhaiterais néanmoins soulever une interrogation : pensez-vous que le contexte de réforme des collectivités territoriales soit propice à votre proposition de loi sur les communes nouvelles ?
Le projet de réforme gouvernemental comprend des dispositions relatives aux intercommunalités qui, si elles sont votées, entraîneront un changement d'échelle et poseront des problèmes d'adaptation. Notre organisation territoriale va connaître un profond changement. Votre proposition de loi pourra-t-elle s'inscrire dans ce cadre, au demeurant très incertain ? Des interrogations subsistent quant aux modalités de fonctionnement, d'organisation, d'élection et de financement des collectivités territoriales. Comment votre proposition de loi et la réforme gouvernementale s'articulent-elles ? Peut-on engager une réforme des communes avant celle des autres échelons ? Ne faudrait-il pas ouvrir une réflexion globale sur l'organisation des collectivités territoriales ?
Je pense que la réforme devrait commencer par la définition d'un schéma d'ensemble de notre organisation territoriale. Votre réflexion est très intéressante mais si chaque association, à chaque échelon, présente une proposition, je crains que nous ayons du mal à mener à bien une réforme.
J'ai constaté que votre proposition de loi prévoit des délais pour la mise en oeuvre des communes nouvelles. Je note également qu'un certain nombre d'intercommunalités nouvellement créées devront être modifiées, après plusieurs années. Les différentes échéances sont-elles compatibles ?
Notre organisation territoriale est d'ores et déjà illisible pour le citoyen, il ne faudrait pas qu'elle soit complexifiée davantage. Votre dispositif, dont je ne remets pas en cause l'utilité, devrait peut-être être intégré au débat d'ensemble, plutôt que de faire l'objet d'une proposition de loi distincte.
M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France. -Votre question est importante et je souhaite y répondre en plusieurs temps.
Beaucoup de citoyens ont aujourd'hui la conviction qu'il faut clarifier notre organisation territoriale. D'un point de vue quantitatif, les communes sont les structures les plus nombreuses. Par ailleurs, plus de 30 000 d'entre elles comptent moins de 2 000 habitants. L'efficacité de la dépense publique étant une ardente obligation, les communes doivent dégager des économies de fonctionnement et réaliser une mise en commun des moyens.
La mutualisation des moyens revêt deux formes. La première est financière, et doit permettre aux communes de conserver les ressources pour investir. La seconde forme de mutualisation est humaine. Sur ce point, j'ai été surpris de constater, au cours des dernières élections municipales, que la modification des règles de déclaration de candidature avait causé bien des difficultés pour trouver des femmes et des hommes désireux de composer les conseils municipaux. Le regroupement volontaire des communes vise à répondre à ces besoins de mutualisation.
Pour des esprits cartésiens comme les nôtres, il faudrait idéalement revoir notre organisation territoriale de manière complète et cohérente. Cela étant, si l'on ne commence pas la réforme par un échelon, alors elle ne se fera jamais. À mon sens, les communes nouvelles constituent un sujet majeur, susceptible de permettre de dégager des économies substantielles.
Les regroupements de communes garantissent une certaine proximité, grâce aux maires délégués qu'ils prévoient. Il est ainsi possible de préserver la figure du maire de proximité, tout en mettant en place la structure, plus large et plus efficace, de la commune nouvelle.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je me permets de préciser que la possibilité de créer une commune nouvelle est déjà prévue par la loi du 16 décembre 2010. La présente proposition de loi ne vise qu'à améliorer le dispositif existant. Je passe la parole à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. - Madame la Présidente, Monsieur le Président, je vous remercie.
Je souhaiterais abonder dans le sens de M. Eric Doligé, en abordant toutefois le problème différemment. Mon collègue s'interroge sur l'opportunité de déposer une proposition de loi sur les communes nouvelles dans le contexte de réforme que nous connaissons. Je me demande, quant à moi, dans quelle mesure votre proposition de loi ne va pas réduire les chances de succès de la réforme de notre organisation territoriale.
La réforme territoriale, telle qu'elle est voulue par le Président de la République et le Premier ministre, est très difficile à mettre en place, car elle vise à fusionner certaines régions et à supprimer les conseils généraux. Ne pensez-vous pas que votre proposition de loi renforce cette difficulté, dans la mesure où les plus petites communes pourraient penser qu'elles sont également concernées par cette réforme ?
Le Gouvernement a évoqué la suppression des conseils généraux et le transfert éventuel de leurs compétences, notamment sociales, aux intercommunalités.
Si les communes venaient à prendre part aux discussions institutionnelles, cela pourrait complexifier davantage les éléments du débat. En présentant une telle proposition de loi, dont je ne critique pas le bien-fondé, ne risque-t-on pas de brusquer les élus municipaux et, ce faisant, de compromettre toute réforme ?
M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France. - Je souhaiterais rappeler que j'ai présenté cette proposition de loi lors du 96e Congrès des Maires de France, en novembre 2013. À l'époque, il n'était pas question de diminuer le nombre de régions ou de supprimer les conseils généraux. Cette proposition de loi avait suscité l'adhésion du congrès des maires de France, dès lors que le principe de volontariat était respecté. J'ai veillé à ce que le principe du volontariat, inscrit dans la loi du 16 décembre 2010, soit maintenu dans la présente proposition de loi.
S'agissant des regroupements de communes, il existe deux cas de figure. Une commune nouvelle peut être créée sur la base d'une ancienne intercommunalité, comme par exemple à Thizy-les-Bourgs, dans le Rhône. Des communes mitoyennes, de petite taille, peuvent également avoir intérêt à se regrouper. Sur ce point, je vous signale le cas, dans ma circonscription d'élection, de deux communes dont les mairies étaient localisées dans le même bâtiment !
Notre proposition de loi et le projet de réforme gouvernemental sont distincts, tant dans leur objet que sur le plan chronologique. Dès l'examen de la loi de finances pour 2014, la stabilisation, pour les communes nouvelles et pendant trois ans, de la dotation globale de fonctionnement, a été votée à mon initiative.
Une plus grande efficacité de l'action locale est possible. Si les transferts de compétences en décident ainsi, des intercommunalités, des communes nouvelles ou des communes pourraient être amenées à prendre en charge certaines fonctions sociales. En tout état de cause, il faudra s'adapter aux circonstances locales et à la taille des structures.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je vous remercie, Monsieur le Président. Je passe la parole à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. - Je vous remercie Madame la Présidente. Je tiens à saluer l'initiative de M. Jacques Pélissard. La possibilité de créer des communes nouvelles existe d'ores et déjà mais a rencontré un succès limité. Les besoins de mutualisation des moyens sont pourtant importants dans certains territoires.
Je pense que c'est au début des mandats municipaux que l'opportunité d'un regroupement se pose. Aussi le calendrier retenu par votre proposition de loi ne me dérange-t-il pas.
Je crois utile d'inciter financièrement les communes à se regrouper. Depuis six mois, leur situation financière a sensiblement changé, du fait de la réduction des dotations de l'État. La dotation globale de fonctionnement baissera de 1,5 Mds d'euros cette année, puis de 3,6 Mds d'euros en 2015 ainsi qu'en 2016. Comment les plus petites communes pourront-elles subsister, sans opter pour des modalités innovantes de gouvernance et de fonctionnement ?
J'ignore si vous recueillez les mêmes témoignages, mais je constate que la question du regroupement est moins taboue qu'auparavant. Des maires de petites communes m'ont dit qu'ils envisageaient de créer des communes nouvelles, car les moyens financiers de leurs communes devenaient insuffisants.
Ces difficultés financières existent à tous les échelons. Certaines intercommunalités n'ont actuellement pas la taille critique pour faire face à la baisse annoncée des dotations. Dans cette situation de tension financière, de nouvelles solidarités doivent se mettre en place, dans le respect du critère primordial du volontariat.
Je souhaiterais poser deux questions. La première porte sur la fiscalité. L'harmonisation de la fiscalité pose des difficultés techniques au moment du regroupement des communes. Si des dispositifs de lissage fiscal existent, ils ne sont pas applicables lorsque les écarts de taux entre les communes sont trop importants. Il ne faudrait pas que la question de l'harmonisation fiscale constitue un frein aux créations de communes nouvelles. A contrario, ces créations devraient être encouragées par une incitation fiscale, et pas seulement financière.
Ma deuxième question concerne la gouvernance. Beaucoup d'élus locaux ont conscience de la nécessité d'élargir le périmètre de leurs collectivités. Cependant, la difficulté réside dans le fait que plus le territoire est large et plus la proximité est faible. Ne faudrait-il pas, sur le modèle des systèmes d'arrondissement existants à Paris, Lyon et Marseille, réfléchir à maintenir des structures de proximité dans les communes nouvelles ?
M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France. - Je vous remercie, Monsieur Jarlier. Je suis d'accord avec votre exposé liminaire.
Je pense que, si une forte incitation financière est souhaitable dans un premier temps, elle ne doit pas être maintenue de façon prolongée. Il me parait bon d'avoir limité la stabilisation de la dotation globale de fonctionnement à trois ans et aux communes nouvelles créées avant le 1er janvier 2016.
En ce qui concerne le problème de la proximité, le dispositif du maire délégué me semble y répondre.
En matière de fiscalité, un dispositif de lissage des taux de fiscalité existe, sur le modèle de celui applicable aux intercommunalités, que Mme Marie-Cécile Georges, qui est à mes côtés, va vous présenter.
Des questions substituent sans doute, sur le Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), sur les transferts de personnels ou sur les limites administratives notamment. En outre, dans le cadre de la loi du 16 décembre 2010, la création de la commune nouvelle intervient par décret, après avis du conseil général ou régional. La création d'une commune nouvelle, située de part et d'autre de départements ou de régions limitrophes, n'est donc pas chose aisée. Il conviendra, au cours du débat parlementaire, de préciser certaines des dispositions de notre proposition de loi.
Mme Marie-Cécile Georges, Association des Maires de France. - Pour ce qui est du dispositif de lissage des taux de fiscalité, le droit actuel prévoit une période ferme de douze ans, sauf s'il existe un écart de taux de 20% entre les communes. La proposition de loi autoriserait les conseils des communes appelées à former une commune nouvelle à écourter ce délai et à adapter les conditions d'harmonisation en fonction des circonstances locales.
M. Rollon Mouchel-Blaisot, Association des Maires de France. - Les douze communes nouvelles existantes ont indiqué à l'AMF que le délai de lissage des taux de fiscalité de douze ans était trop long et trop contraignant. L'objectif de la proposition de loi est de permettre plus de souplesse et d'adaptation. À titre d'exemple, il sera possible de conserver les anciens conseils municipaux, de manière à former le conseil municipal de la commune nouvelle sur une période transitoire. L'accord local a vocation à fixer le rythme et les conditions d'intégration adaptés à chaque situation.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je passe la parole à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. - Je souhaiterais poser deux questions. La première concerne le contexte dans lequel s'inscrit la proposition de loi sur les communes nouvelles. Lors de l'examen du projet de loi sur les métropoles, plusieurs de mes collègues, et moi-même, avons regretté d'avoir débattu du seul dispositif des métropoles, et non de l'organisation générale des collectivités territoriales. Cette absence de vision d'ensemble est particulièrement problématique s'agissant de la suppression des conseils généraux. Cette suppression aura nécessairement un impact sur les régions, les communes et les intercommunalités, notamment en matière de politique sociale, et tout particulièrement dans les territoires ruraux. Une telle suppression est plus aisée pour les grandes agglomérations, comme pour la ville de Strasbourg, qui exerce la compétence sociale du département du Bas-Rhin, mais elle aura une incidence certaine sur les plus petites communes. Je souhaiterais donc savoir si votre proposition de loi peut-être disjointe du projet de loi du relatif à la réforme territoriale ?
La seconde question porte sur le chiffrage des économies potentielles. M. le Secrétaire d'État en charge de la réforme territoriale a indiqué à notre Délégation que la mise en oeuvre des intercommunalités avait permis de réaliser des économies de fonctionnement. En outre, il a estimé, par voie de presse, que le gain financier de la réforme des collectivités territoriales était de 25 Mds d'euros par an. En l'interrogeant, j'ai compris que ce calcul avait été obtenu par extrapolation. L'AMF peut-elle nous communiquer le chiffrage précis des économies réalisées par les communes ?
M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France. - Ma proposition de loi vise à fournir un outil aux communes qui souhaitent mettre en commun leurs moyens. Les économies d'échelle constatées lors des regroupements en intercommunalités seront encore accrues dans le cas des futures communes nouvelles. Elles découleront de la globalisation des appels d'offres en matière de voirie, d'informatique ou de contrats d'assurance. L'AMF ne dispose pas d'étude globale décrivant les économies effectivement réalisées, car les regroupements ont été effectués sur une base volontaire. Je peux cependant citer le cas de la commune nouvelle de Saint-Symphorien, dont la création a permis une réduction de 7 % des dépenses.
M. Michel Delebarre. - Votre proposition de loi a l'avantage d'offrir aux communes la possibilité de participer à la vaste modification institutionnelle annoncée en matière de collectivités territoriales. Je ne mesure pas, actuellement, l'intérêt que cela suscite ou non au sein des communes.
Pour ma part, je tire un bilan positif des fusions de communes que j'ai effectuées, à l'exception de l'action des services des finances de l'État, lesquels se sont montrés incapables d'unifier les différents taux fiscaux en vigueur dans les communes antérieurement à leur fusion. Ce point précis a nécessité de ma part une vigilance de tous les instants, avec l'appui du préfet.
M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France. - Les communes souhaitent fusionner au sein de structures nouvelles pour renforcer leurs capacités. La remarque de M. Delebarre met en lumière un élément que l'AMF a pu déplorer également. En effet, le seul cas de « défusion » entre deux communes qui avaient choisi de se regrouper, observé en Seine-Maritime, est dû à la carence des services financiers de l'État ; leur étude préalable des conséquences fiscales de la fusion s'est révélée inexacte, faussant ainsi les délibérations des conseils municipaux impliqués. Ces conseils maintiennent néanmoins leur volonté de fusionner, mais beaucoup de temps a été perdu dans cette affaire.
M. Rachel Mazuir. - Je maintiens, comme je l'ai fait la semaine dernière lors de l'audition de Mme Lebranchu et de M. Vallini, que la proximité avec la population est un atout essentiel pour les différentes collectivités territoriales.
Je m'interroge, par ailleurs, sur les conséquences fiscales des fusions de collectivités, car, s'agissant des rémunérations des personnels, le « lissage » se fait toujours par le haut, comme nous le montre le cas de la métropole lyonnaise, dont les charges de personnel devraient croître de 20 %. Mon département, l'Ain, applique un barème de primes de 40 % inférieur à celui de la région Rhône-Alpes. Comment faire face à ces disparités, et comment prétendre que les regroupements de collectivités territoriales produiront des économies, dans ces conditions ?
M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France. - Le lissage sera à la fois qualitatif, par le haut, et quantitatif. En ce qui concerne la masse du personnel, il y aura, comme cela a été le cas dans les transferts de personnel entre communes et intercommunalités, une stabilisation de la masse salariale en évitant, pour reprendre les mots du Président de la République, des doublons et enchevêtrements.
Mme Marie-Cécile Georges, Association des Maires de France. - Le texte ne prévoit pas de dispositions spécifiques pour le personnel. Toutefois, ils obéiront aux règles générales relatives aux transferts des agents. Certes, il y aura au départ des surcoûts, notamment dans les grandes villes, car au final, dans les petites communes, il y a peu de personnels. Mais à moyen terme, on assistera à une maîtrise des charges de fonctionnement.
M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France. - Il y a encore des ajustements à opérer, qui pourront notamment être faits par des amendements parlementaires. Ces derniers permettront de régler différents points, comme celui du personnel ou encore celui du périmètre. En revanche, l'idée de base est posée : nous avons besoin de communes plus fortes et disposant d'une plus grande efficacité de gestion grâce à la mise en réseau du système tout en maintenant une proximité via des maires délégués. Les communes nouvelles existantes montrent que ces deux objectifs ne sont pas contradictoires et sont atteignables. D'ailleurs, aucune ne souhaite revenir sur ces mariages de raison et de volonté. Ce projet doit permettre d'avoir un territoire communal fort au sein d'une intercommunalité de projet.
M. André Reichardt. - Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le calendrier d'examen de ce texte, ainsi que sur l'assemblée qui l'examinera en premier ?
M. Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France. - La proposition de loi a été déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale en février 2014. J'en ai parlé à mon groupe politique, ainsi qu'à M. Vallini et à M. Valls il y a huit jours. Il faut que le gouvernement permette son inscription à l'ordre du jour.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Monsieur le Président, je vous remercie pour cette présentation très claire. Soyez assuré que la délégation sera très attentive à ce texte.