- Mercredi 26 février 2014
- Point d'étape
- Audition de M. François Deluga, président du Centre national de la fonction publique territoriale
- Audition de Mme Danièle Carlier, adjointe au maire de Creil et de M. Philippe Raluy, directeur général des services, pour l'Association Ville et banlieue
- Audition de Mme Claire Leconte, chercheur en chronobiologie
Mercredi 26 février 2014
- Présidence de Mme Catherine Troendlé, présidente -La réunion est ouverte à 15 h 07.
Point d'étape
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Nous sommes réunis pour notre dernière vague d'auditions avant la suspension parlementaire due aux élections municipales. Nous reprendrons nos travaux en avril pour procéder à une série de déplacements. Avant d'entendre le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), Mme la rapporteure va nous présenter un point d'étape qui nous permettra de revenir sur le programme d'auditions dense et transversal que nous avons mené.
Je regrette que l'Assemblée des départements de France (ADF) n'ait pas encore réussi à dégager un créneau pour l'audition de ses représentants. Je déplore également que le ministre de l'Éducation nationale n'ait pas encore répondu aux questions très précises et pratiques que nous lui avons transmises pour éclairer les maires.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Je souhaite d'abord échanger avec vous, mes chers collègues, afin de définir la suite de nos travaux. Deux auditions importantes n'ont pu être réalisées pour des questions d'agenda : celle de l'ADF et celle du ministre. Il me semble indispensable de les entendre.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Le ministre a répondu favorablement à notre sollicitation ; nous l'entendrons le mercredi 9 avril dans l'après-midi. L'ADF, quant à elle, nous doit encore une réponse.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - L'éventail de nos auditions depuis décembre était très large. Il nous a permis de recueillir l'avis des organisations syndicales représentatives des enseignants et des animateurs. Nous avons aussi entendu les différentes associations de maires en couvrant les communes grandes, moyennes et petites, sans omettre celles des zones rurales. Les responsables des ministères concernés, ainsi que la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), par deux fois, sont venus nous expliquer les modalités de mise en oeuvre de la réforme. Nous n'avons oublié ni le comité de suivi de la réforme, ni les scientifiques experts des rythmes des enfants. Les fédérations de parents d'élèves nous ont présenté leurs points de vue. La problématique spécifique de l'enseignement privé a été évoquée avec le secrétariat général de l'enseignement catholique. Au-delà du ministre et de l'ADF, il ne me semble pas utile de continuer nos auditions. Nous pourrions nous arrêter là si vous en étiez d'accord.
En revanche, nous devrons, aux mois d'avril et de mai, réaliser une série de déplacements pour évaluer la situation sur le terrain. Je me retourne vers vous, mes chers collègues, pour que vous nous indiquiez les expériences particulièrement intéressantes ou innovantes que nous serions susceptibles d'analyser sur place. Nous devrons veiller à une organisation cohérente des déplacements et nous privilégierons les sites accessibles par le train ou par la route. Nous devrons également visiter des zones urbaines et des zones rurales, des grandes agglomérations et des petites communes, pour tenir compte de la grande diversité d'application de la réforme sur le territoire national.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - J'ai reçu un grand nombre de propositions de déplacement : Paris et sa banlieue, la Gironde et les Landes, le Haut-Rhin et la Haute-Saône, la Haute-Savoie et Grenoble, la Meuse et la Meurthe-et-Moselle, la Sarthe et la Loire-Atlantique, Toulouse et l'agglomération lilloise. M. Husson nous a, par exemple, signalé des particularités intéressantes dans la commune de Laxou. La Haute-Savoie nous permettrait d'aborder la question spécifique des zones de montagne. Toulouse n'est jamais passé à la semaine de quatre jours. En tout état de cause, il me semble que nous devrons choisir des lieux qui possèdent d'importantes spécificités et qui présentent un intérêt très particulier.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Je souhaite que nous nous déplacions également à l'École supérieure de l'éducation nationale (ESEN) de Poitiers. Ce service rattaché à la direction générale des ressources humaines du ministère de l'Éducation nationale forme, notamment, les inspecteurs du premier degré. Or, nos auditions ont montré que ces derniers constituaient un maillon essentiel de la réforme en raison de leur mission d'accompagnement des maires et des professeurs des écoles.
Mme Maryvonne Blondin. - J'y souscris tout à fait.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Nos délégations ne pourront pas comprendre plus de quatre sénateurs, dont la présidente et la rapporteure en raison des contraintes logistiques et financières qui pèsent sur notre mission. Les sénateurs du département visité pourront toutefois nous retrouver sur place.
Nous devrons également nous réunir pour la suite de nos travaux afin de revenir sur les réponses à notre questionnaire transmises par nos collègues sénateurs. Certains d'entre eux ont accompli un travail important.
M. Jean-François Husson. - Ma propre réponse comprenait une synthèse des réponses des maires de mon département, auxquels j'avais transmis le questionnaire.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Pour en revenir aux déplacements, je vous propose à nouveau de nous rendre dans les Hauts-de-Seine. J'attire également votre attention sur la nécessité de veiller à une représentation équilibrée des groupes politiques dans la composition des délégations.
Mme Maryvonne Blondin. - Cela me paraît une exigence essentielle ! Je regrette que nous ne puissions pas aller en Bretagne car il faut veiller à un équilibre géographique dans nos déplacements. De surcroît, les îles constituent aussi un milieu particulier, à l'instar des zones de montagne.
Mme Dominique Gillot. - J'aimerais attirer votre attention sur la situation des collectivités d'outre-mer qui ne doivent pas être négligées. Je suis rapporteure d'une mission d'information sur l'université Antilles-Guyane et j'ai pu constater sur place les besoins éducatifs de ces territoires. Sans nécessairement nous rendre là-bas, nous pourrions demander aux recteurs des académies ultra-marines de nous faire un point de situation.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Lorsque j'étais rapporteure du projet de loi de refondation de l'école de la République, j'avais également évoqué les problématiques spécifiques de l'outre-mer où la scolarisation primaire est difficile. J'avais suggéré à l'époque un déplacement mais on m'a objecté l'insuffisance des crédits disponibles. Nous pourrions, comme le propose notre collègue, procéder à une audition, à défaut de nous rendre sur place.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Après avoir évoqué ces questions d'organisation, pourriez-vous, madame la rapporteure, nous dresser un rapide tableau de ce que vous retirez de nos auditions jusqu'à ce jour ?
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Toutes les personnes que nous avons auditionnées partagent l'objectif global de la réforme. La question des rythmes scolaires était devenue un véritable serpent de mer depuis des années. Il était nécessaire de le prendre à bras le corps. Bien sûr, la réforme bouleverse non seulement des calendriers, mais aussi les habitudes des différents acteurs de l'éducation. Elle n'en est qu'à ses premiers mois d'application. Elle doit vivre sur le terrain et être ajustée en fonction des circonstances locales. Ces ajustements sont permis par le décret de janvier 2013. Les élus, et notamment l'association des maires de France (AMF), ont demandé que l'on évite d'imposer un cadre uniforme partout sur le territoire national et que le dispositif réglementaire leur accorde cette souplesse. Certains détracteurs se plaignent même d'une souplesse excessive qui nourrirait des disparités. Je ne partage pas ce point de vue et je pense que nous avons raison de faire confiance aux élus de terrain et de nous en remettre à « l'intelligence des territoires » pour reprendre le titre d'un rapport sénatorial bien connu.
M. Jean-Claude Carle. - C'était le sens de ma proposition de loi...
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Votre proposition ne conservait même pas de cadre national minimum ! Nous devons conserver le principe de base des quatre journées et demie de classe et utiliser les marges de manoeuvre laissées par le décret pour adapter plus finement l'organisation de la journée scolaire. La souplesse est aussi bien réelle en matière de taux d'encadrement des activités périscolaires. Nous avons pu observer, la semaine dernière lors de nos auditions, le pas de deux de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) et du ministère de la jeunesse et des sports qui se renvoient la responsabilité. Mais le desserrement des contraintes d'encadrement est acquis et même étendu au-delà des trois heures « Peillon » à tout le périscolaire dans le cadre d'un projet éducatif territorial (PEDT) jusqu'au 30 juin 2014. C'est un premier pas qu'il faut confirmer.
La réforme demande à l'ensemble des partenaires élus, Éducation nationale, animateurs, CAF, parents d'élèves, de s'apprivoiser, de se concerter et de travailler ensemble. Il était inimaginable qu'ils puissent du premier coup rendre une copie parfaite. Les hésitations, les tensions du début étaient prévisibles et ne mettent pas en danger l'application de la réforme. Les tâtonnements initiaux relevaient d'un processus normal pour la mise en oeuvre d'une politique publique ambitieuse au service de l'amélioration des apprentissages.
En matière de financement, la prolongation du fonds d'amorçage pour un an et des aides des CAF pour la durée de la convention d'objectifs et de gestion (COG) est déjà acquise. Il restera dans notre rapport à nous prononcer sur la pérennisation du fonds et sur la modulation des aides versées aux communes en fonction de critères équitables. Devons-nous accorder les mêmes sommes quel que soit le poids relatif des dépenses d'éducation dans le budget communal et indépendamment du potentiel fiscal de la commune ? Il me semble que nous pourrions soutenir les communes qui réalisent un effort éducatif particulier.
Se pose également la question de l'éventuelle extension de la réforme aux collèges puis aux lycées. Le calendrier scolaire annuel doit-il être revu, y compris en réexaminant le zonage des vacances scolaires ? On a parfois fait aux ministres le reproche de ne pas avoir traité en une fois l'ensemble de ces questions. Vu la complexité pratique de l'application de la réforme de la semaine scolaire en primaire, une réorganisation encore plus vaste et globale n'aurait jamais vu le jour. Il fallait se jeter à l'eau, commencer par le primaire et progressivement étendre et adapter la réforme.
Force est toutefois de constater un certain déficit d'accompagnement, y compris des enseignants par la hiérarchie de l'Éducation nationale, alors que les conditions d'exercice de leur métier ont été bouleversées. C'est pourquoi je vous faisais part de mon souhait d'aller à l'ESEN. Nous devrons aussi revenir sur la formation des enseignants afin qu'elle les mette en capacité d'interagir avec les élus locaux et surtout de repenser leurs méthodes didactiques et pédagogiques afin de tirer le meilleur profit des nouveaux rythmes. La création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ) doit tenir compte de cet objectif. Nous aurons également à mettre en place des formations conjointes et transversales pour tous les acteurs intervenants sur les temps de l'enfant. Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) pourra apporter une contribution majeure ; c'est pourquoi nous l'auditionnons cet après-midi.
Pour conclure, personne ne souhaite revenir à la semaine de quatre jours, même les opposants à la réforme. Au vu de ce constat et en l'absence d'alternative crédible il ne nous reste plus qu'à avancer dans un esprit constructif.
M. Dominique de Legge. - Vous nous dites que la réponse à toutes les difficultés se trouve dans le dialogue et la concertation. Certes, mais nous sommes là pour mesurer l'ampleur des problèmes rencontrés concrètement sur le terrain et y apporter des solutions pratiques. Notre travail ne doit pas en rester à des généralités théoriques ni détourner le regard au nom du bien-fondé de la réforme, conformément à l'intitulé de notre mission qui porte sur la mise en oeuvre et l'application de la réforme. Tout ne va pas bien sur le terrain simplement parce que nous sommes d'accord sur le principe d'une réorganisation des rythmes scolaires. Plusieurs auditions ont pointé des problèmes de recrutement d'animateurs, de disponibilité des locaux, de fractionnement des sorties d'école, de financement, de relations avec les directeurs académiques des services de l'Éducation nationale (DASEN), etc... qui devront, à mon avis, figurer dans le rapport. Nous devons nous concentrer sur des propositions concrètes, opérationnelles dès septembre.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Je ne suis ni désespérément pessimiste ni déraisonnablement optimiste. J'ai évoqué les difficultés rencontrées mais je ne crois pas que nous devions les amplifier ni les brandir pour faire obstacle à la réforme. Sur le financement, je pense que nous proposerons sans doute une pérennisation du fonds. Si notre rapport ne doit pas occulter les difficultés, il n'a pas vocation non plus à être uniquement à charge !
M. Jean-Claude Carle. - La loi est la loi et nous devons l'appliquer. Mais il nous faut aussi répondre aux interrogations des élus, des enseignants, des parents. L'objet de la mission est de faire des propositions dont le Gouvernement se saisira ou pas. Il est exact que l'on peut avancer sur le terrain grâce au dialogue et à la concertation. Le DASEN de Haute-Savoie s'emploie à tenir compte des particularités et des aménagements nécessaires aux zones de montagne. Au-delà de la semaine scolaire nous devons aussi évoquer l'organisation générale de l'année scolaire et des vacances.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - J'entends votre demande. En même temps les membres de la mission souhaitent aussi se concentrer sur les problèmes pratiques de mises en oeuvre. Il faut parvenir à un équilibre. Nous ne devons pas perdre de vue, au-delà des questions pratiques, le but et le sens même de la réforme si nous voulons véritablement aider les élus et les enseignants.
Mme Marie-Annick Duchêne. - Les auditions de la semaine dernière ont été assez difficiles. La CNAF prétend appliquer la réglementation du ministère de la jeunesse et des sports qui lui-même nie toute responsabilité dans les décisions des CAF. Il est manifestement encore difficile d'obtenir des réponses précises à des questions cruciales pour les élus en matière de qualification des intervenants et d'encadrement des activités périscolaires, alors que nous avons tous essayé d'obtenir une révision des taux d'encadrement.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Il faudra apporter une réponse aux questions sur le taux d'encadrement.
Mme Dominique Gillot. - Personne ne conteste plus le bien-fondé de la réforme. Le rapport de la mission ne reviendra pas sur les orientations fondamentales mais il devrait en éclairer l'application. Il faut analyser la situation dans les villes passées aux nouveaux rythmes en 2013. De mon expérience, je retiens que les deux premiers mois ont été difficiles quel que soit le degré de concertation et de dialogue préalable. J'ai mis en place dans ma commune un comité de suivi de la réforme. En poursuivant le travail de concertation et de conviction, nous avons apaisé les craintes et surmonté les difficultés. Beaucoup de communes, comme la mienne ou celle d'Aubervilliers, ont su triompher des obstacles malgré leurs difficultés initiales. Elles pourront dire quelles erreurs ne pas commettre. Je suis hostile à l'élargissement du champ d'investigations de la mission commune d'information (MCI) car nous risquons de dévier et d'allonger indéfiniment nos travaux en nous enlisant dans des querelles byzantines.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Je pense néanmoins qu'il est dommage de fractionner notre approche des rythmes scolaires ; que nous devrions regarder le problème dans la globalité. Je prends note de l'idée de nous déplacer à Éragny et à Aubervilliers.
M. Michel Le Scouarnec. - Nous avons besoin d'un rapport objectif et synthétique qui fasse un état des lieux des réussites et des difficultés, en soulignant les solutions à trouver, notamment en milieu rural, notamment pour ceux qui souhaitent plus de souplesse dans l'application de la réforme. La précarité subie par les animateurs me préoccupe beaucoup.
Mme Maryvonne Blondin. - Il sera très important de faire la distinction entre les territoires ruraux et urbains.
Mme Marie-Annick Duchêne. - Le passage aux quatre jours a été unanimement condamné. Il nous reste à voir comment faire fonctionner la nouvelle organisation sur quatre jours et demi.
Audition de M. François Deluga, président du Centre national de la fonction publique territoriale
La mission commune d'information procède ensuite à l'audition de M. François Deluga, président du Centre national de la fonction publique territoriale.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Nous poursuivons nos auditions en recevant M. Deluga, président du Centre national de la fonction publique territoriale.
M. François Deluga, président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). - Le CNFPT est un établissement national qui assure, depuis 2007, la formation de 1,8 million d'agents territoriaux. Notre organisation est déconcentrée, avec des délégations régionales, y compris dans les outre-mer, et des instituts spécialisés, tel l'Institut national des études territoriales (INET), à Strasbourg, qui forme les cadres supérieurs de la fonction publique territoriale, et quatre instituts thématiques, qui préparent des cadres A et des spécialistes. Le CNFPT emploie 2 300 agents. Nous formons entre 850 000 et 900 000 agents par an, dans des stages de formation continue, de professionnalisation, de préparation aux concours, ou de formation à la prise de poste pour l'ensemble des 240 métiers de la fonction publique territoriale.
Les collectivités territoriales sont en première ligne pour la réforme des rythmes scolaires. Dès la parution du décret, le 24 janvier 2013, nous avons lancé une réflexion pour accompagner la mise en oeuvre de la réforme, comme nous l'avions fait pour les emplois d'avenir ou le revenu de solidarité active (RSA). Nous avons mis sur pied un pôle de compétences thématique. Depuis 2013, nous organisons une à deux journées d'information dans chaque région pour présenter aux cadres concernés des collectivités territoriales les enjeux et les conséquences de la réforme. Contrairement à notre habitude, nous avons aussi ouvert ces journées aux élus. Nous avons rapidement noué des partenariats avec les directions académiques des services de l'Éducation nationale (Dasen) comme avec les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS), et nous participons aux comités départementaux de suivi de la réforme.
Parallèlement, en 2013, nous avons lancé une révision des itinéraires-métiers de directeur de l'éducation et des affaires scolaires et de directeur de l'enfance et de la jeunesse en introduisant un module sur les projets éducatifs territoriaux. Nous avons également fait évoluer nos formations afin que tous les agents disposent, dès 2014, d'une bonne connaissance du dispositif.
En 2014-2015, nous développons un itinéraire coordonné afin d'harmoniser nos dispositifs de formation. Nous créons un itinéraire consacré à la réforme des rythmes scolaires à l'attention d'un large public : directeurs généraux et adjoints, coordinateurs, agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem). Ce nouvel itinéraire traite du rôle éducatif des agents, du travail en équipe, du management des ressources, de l'animation, etc. Nous développons aussi un itinéraire sur l'accompagnement périscolaire pour les agents concernés. Pour 2015, nous ouvrons, à titre expérimental, un itinéraire sur la coordination du temps éducatif et des activités périscolaires.
Notre offre de formation en matière éducative est importante. Nous avons voulu l'adapter à l'évolution des rythmes scolaires. Nous publierons bientôt une plaquette de communication à l'attention des collectivités.
Au-delà, nous développons des offres de formation sur mesure pour les collectivités territoriales ou les intercommunalités. En outre, nous accompagnons les communes qui nous consultent sur leur projet éducatif territorial et cherchent des formations adaptées pour leurs agents - une demande qui va croissant.
Nous participons le plus assidûment possible aux comités départementaux de suivi de la réforme. Au niveau national nous avons deux partenariats : le premier avec le ministère de la jeunesse et des sports, pour développer un socle commun de formation ; le second avec l'Éducation nationale afin de renforcer les liens entre nos délégations régionales et les Dasen.
Depuis le début de l'année, la demande de formation des collectivités territoriales augmente, comme celle de constructions des parcours ou de retours d'expérience des communes qui ont appliqué la réforme en 2013.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Votre exposé était très attendu ! Toutes les personnes auditionnées, élus comme professionnels, nous ont fait part d'une demande de formation et d'accompagnement. L'Éducation nationale n'a pas accompagné les élus comme ils l'avaient pensé. Aussi le CNFPT est-il très sollicité. Etes-vous en capacité de répondre à cette demande croissante de formation ?
La classification des formations retenue par le ministère de la jeunesse et des sports est spécifique. Certains intervenants dont la formation n'est pas reconnue par la réglementation issue de ce ministère se voient considérer comme des animateurs non-qualifiés ; c'est le cas par exemple de professeurs de musique ou de professeurs de sport qui n'auraient pas le brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa).
Mme Maryvonne Blondin. - Cela pose problème !
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Pensez-vous qu'il faille élargir la classification des intervenants considérés comme qualifiés ? Le ministère, s'il est ouvert, souhaite des garanties quant à la qualité des formations qu'il reconnaît. Le CNFPT a un rôle à jouer.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Arriverez-vous à faire face à la montée en puissance de la demande de formation et quel est le coût pour une commune de celles que vous proposez ?
M. François Deluga. - Notre offre, très large, dépassait la demande en 2013. Malgré une accélération depuis le début de l'année, nous avons la capacité d'accueillir tous les agents. Nous formons déjà 900 000 personnes chaque année. Les crédits nécessaires ont été prévus et les collectivités privilégieront les modules sur les rythmes scolaires. Nos formations sont gratuites pour les collectivités qui cotisent au CNFPT. Le principe est la mutualisation.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Même celles sur mesure ?
M. François Deluga. - Absolument ! Deux-tiers de nos formations sont généralistes, un tiers est réalisé sur mesure. Elles sont gratuites, sauf si la spécificité de la formation demandée requiert un investissement particulier. Nos formateurs interviennent dans les locaux de la collectivité.
Nous discutons en ce moment avec la Jeunesse et les sports sur la classification des formations. Le Bafa ou le brevet d'aptitude aux fonctions de directeur (Bafd) sont indispensables pour certaines activités. Ils sont délivrés par les associations de l'éducation populaire, non par le CNFPT. Pour les autres formations qualifiantes, nous sommes en discussion avec les régions, compétentes en matière de formation professionnelle. Nous avons une expertise des métiers mais pas la capacité juridique pour décerner des formations qualifiantes. Des expérimentations sont en cours : nous agissons pour le compte de certaines régions qui, en retour, financent nos formations.
Avec l'État il faut réfléchir au périmètre des formations reconnues par l'État et identifier celles qui professionnalisent les agents : le Bafa et le Bafd ne sont pas des formations professionnelles. Plus importante est l'articulation des actions éducatives et périscolaires. Sortons du cadre rigide des agréments et identifions les formations professionnalisantes. Nous intervenons sur ce volet professionnalisant, pas sur le volet diplômant.
D'après les remontées de nos délégations régionales, les collectivités territoriales ont parfois le sentiment de ne pas se sentir soutenues par l'Éducation nationale. Une autre question qui nous est souvent posée est celle de l'articulation entre les actions éducative et périscolaire en maternelle. De même, les témoignages de notre délégation à Mayotte révèlent une spécificité ultramarine, liée au climat ou au manque de transports et de locaux.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Je partage votre analyse. Nous nous attacherons à prendre en compte la problématique ultramarine. Ma carrière m'autorise à dire ce que je pense de l'accompagnement par l'Éducation nationale... Il faudra revoir la distinction entre formations qualifiantes et non qualifiantes sous l'angle de la professionnalisation. Tous les intervenants auront besoin de la compétence du CNFPT.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Les communes ont-elles les effectifs suffisants pour relever le défi des rythmes scolaires ou devront-elles embaucher ?
M. François Deluga. - Je vous répondrai à la fois en fonction de mon expérience de président du CNFPT et de maire. Le clivage ne se situe pas entre petites communes rurales et les grandes collectivités : quoique mieux outillées, celles-ci sont confrontées à un effet volume plus important. Les communes qui avaient déjà développé une politique périscolaire ou d'animation ambitieuse ne sont pas en difficulté ; ma commune n'a pas besoin de recruter parce que nous avions mis en place une école multisports, un espace pour les jeunes et une école de musique. Il suffit de réorganiser le temps, tâche parfois difficile pour les services. Les autres communes, en revanche, doivent à la fois inventer un système et recruter. Celles qui ont appliqué la réforme sont globalement satisfaites ; les difficultés concernent surtout les locaux.
Mme Colette Mélot. - Vous évoquez l'agrément, le Bafa, la musique... Je ne vois pas pourquoi un professeur de musique du conservatoire non titulaire du Bafa ne pourrait pas intervenir dans les écoles. Rassurez-moi.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Ils peuvent intervenir, mais ne sont pas reconnus comme des professionnels qualifiés par la nomenclature du ministère de la jeunesse et des sports.
Mme Colette Mélot. - Je ne comprends pas. Le temps périscolaire relève de la responsabilité des communes, non de la Jeunesse et des sports. C'est le maire qui décide.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Oui, mais les aides de la CAF dépendent de la reconnaissance par le ministère de la qualification des animateurs. C'est ce qui a été pointé la semaine dernière comme une absurdité.
M. François Deluga. - Le Bafa est indispensable pour les activités sportives. Il est possible de faire intervenir des professeurs de musique dans le cadre des activités périscolaires, même si, dans ma commune, certains ont refusé au motif qu'ils sont enseignants, non animateurs...Toutefois on ne bénéficie plus des subventions de l'État et de la CAF.
Mme Dominique Gillot. - Il faut tenir compte des réactions catégorielles : les professeurs de musique refusent d'être assimilés à des animateurs, les titulaires du Bafa considèrent que les animations sont leur domaine, etc. Un dialogue social est à conduire pour rassurer les professionnels sur l'amélioration de leur compétence et la reconnaissance de leur mission. Les CAF devront avancer sur ces sujets.
Je remercie M. Deluga d'avoir insisté sur la gratuité des formations du CNFPT, y compris celles réalisées sur mesure. À une époque, j'ai lutté avec ma délégation régionale pour inclure dans l'offre de formation globale des formations spécifiques, que nous avons obtenues gratuitement. Dans ma commune, la professionnalisation, que vous évoquez, est à l'oeuvre. Grâce à l'augmentation du nombre d'heures, nous avons stabilisé et sorti de la précarité les personnes que la commune employait auparavant à temps partiel ou comme vacataires. Cette réforme participe du redressement auquel nous contribuons tous. J'espère que vous en ferez état dans votre communication destinée aux communes et que vous leur indiquerez que l'élévation du niveau de compétence de leurs agents sera bénéfique pour tous.
M. François Deluga. - Le CNFPT s'efforce de plus en plus de répondre à des besoins, à des demandes des collectivités, plutôt que de proposer des formations sur catalogue. Dans ma commune, j'ai transformé en temps pleins les contrats d'animateurs auparavant à deux-tiers de temps ; les aides de l'État et des allocations familiales compensent le tiers temps supplémentaire. La hausse du coût est faible, et grâce à des personnels à temps plein, nous avons pu faciliter la coordination entre les équipes en charge de l'enfance et de la petite enfance. Si j'étais inquiet quand le texte est paru, nous avons finalement trouvé une solution en réorganisant nos services en charge de la jeunesse et de l'éducation.
M. Jean-Claude Carle. - Quels sont les modules de formation les plus demandés ?
M. François Deluga. - Parmi les thèmes les plus demandés, on compte l'accueil des enfants et des parents ; la conception et l'animation d'activités ; la surveillance et la sécurité de l'enfant. Ces formations s'ajoutent à celles que nous proposions pour les Atsem, les animateurs, etc.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Pourrez-vous nous transmettre le document que vous adresserez aux communes pour leur présenter votre offre de formation ? Nous constatons à tous les niveaux un déficit d'information sur la réforme. Tous les élus seront intéressés.
M. François Deluga. - L'offre de formation existe, mais reste peu connue. Nous avons choisi de communiquer après les municipales. Je vous transmettrai un dossier complet sur nos activités, incluant les réflexions de notre pôle de compétence.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Je vous remercie. Votre témoignage était très attendu.
Audition de Mme Danièle Carlier, adjointe au maire de Creil et de M. Philippe Raluy, directeur général des services, pour l'Association Ville et banlieue
Puis la mission procède à l'audition de Mme Danièle Carlier, adjointe au maire de Creil et de M. Philippe Raluy, directeur général des services, pour l'Association Ville et banlieue.
Mme Catherine Troendle, présidente. - Nous recevons maintenant Mme Danièle Carlier, adjointe au maire de Creil en charge de la citoyenneté et du bien-vivre ensemble et M. Philippe Raluy, directeur général des services, pour l'Association Ville et banlieue. Je les remercie de venir contribuer à nos réflexions sur les problématiques mises en évidence par la réforme des rythmes scolaires. Ils nous apporteront un éclairage centré sur les banlieues.
Mme Danièle Carlier, adjointe au maire de Creil. - L'association Ville et banlieue, qui regroupe 120 villes, comporte un groupe de travail sur les premières applications de la réforme des rythmes scolaires, qui compte une vingtaine de participants. Pourquoi certaines communes ont-elles déjà appliqué cette réforme ? Pour éviter une polémique lors des municipales ou par conviction de son intérêt pour les enfants. Une concertation a eu lieu avec les inspecteurs de l'Éducation nationale ou avec les enseignants, ainsi qu'avec les parents. Toutes les villes ont choisi le mercredi, le samedi restant libre. Les temps d'activités périscolaires (TAP) prennent souvent place après l'école, pendant trois quarts d'heure ou une heure, voire une heure et demie s'ils n'ont lieu que deux jours par semaine. Les horaires, en tous cas, sont stables. La proportion d'enfants inscrits aux TAP s'établit entre 75 % et 95 %.
Des difficultés sont apparues pour trouver du personnel d'encadrement : les animateurs formés sont rares, et l'ensemble des villes ont mobilisé des agents des structures municipales, auxquels se sont parfois joints des enseignants, ainsi que des associations. Aux personnels formés s'ajoutent des accompagnateurs, qui sont parfois des parents suivant une formation. La coordination des activités est effectuée par des référents, par école ou par quartier, souvent recrutés par les mairies. Le transport peut poser problème, ainsi que la différenciation des locaux : les enfants ont parfois du mal à se repérer. Outre la question de la sortie des élèves, il conviendrait de distinguer les maternelles, qui soulèvent des questions spécifiques. Les enseignants sont parfois impliqués, mais certains restent crispés sur leurs positions, ce qui gêne la coordination entre projet d'école et TAP. Les parents sont globalement satisfaits, sauf dans les écoles où les enseignants sont mécontents, ce qui les inquiète.
Le coût est compris entre 300 et 390 euros par enfant, ce qui n'est pas négligeable même avec l'aide de l'État. L'évaluation est faite par la Ligue de l'enseignement ou par des comités de pilotage, comme c'est le cas à Creil, où nous avons aussi des groupes de travail.
Comment fidéliser les animateurs, à qui l'on n'offre que quelques heures d'activité quotidienne ? Toutes les villes ont mobilisé les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem). Il conviendrait de faire évoluer le statut des vacataires. La coordination des projets d'école aux TAP mérite de progresser. Les parents s'interrogent sur le mercredi et sur le samedi, même si pour beaucoup de familles recomposées, la libération du samedi est bienvenue. Enfin, il est nécessaire de pérenniser le financement.
À Creil, nous avons choisi d'appliquer la réforme dès la parution du décret, afin que cela ne soit pas un sujet lors des municipales, et surtout pour lutter contre les inégalités tout en ayant une semaine plus équilibrée pour les enfants. Nous avons intitulé les TAP « donner envie de ». La concertation a été conduite par un comité de pilotage. Nous avons proposé aux Atsem d'être partiellement déchargés de leurs tâches de ménage pour s'occuper davantage des enfants : à deux exceptions près, tous ont accepté.
Mme Catherine Troendle, présidente. - Dans ce cas, qui fait le ménage ?
Mme Danièle Carlier. - Nous avons embauché des femmes de ménage. Les directeurs et les animateurs de centres de loisirs ainsi que tous les intervenants des TAP ont été associés. Nous avons eu des réunions avec les directeurs d'école, l'inspectrice de l'Éducation nationale ainsi qu'avec les parents. Une votation citoyenne a été organisée pour choisir entre mercredi et samedi : le mercredi a été choisi à 95 %. La réforme a été présentée en conseil de quartier. Des réunions ont été tenues avec les directeurs d'école et les élus des parents, qui ont été prolongées par des groupes de travail sur une charte des pratiques éducatives. Nous souhaitons que les élus et les représentants de l'éducation nationale soient associés à ces groupes de travail.
La pause méridienne de deux heures a été conservée, les TAP ayant lieu de 15h45 à 16h45. Nous avons choisi de ne pas les faire payer, puisqu'ils sont imposés par l'État. Une seule ville de notre association les facture, comme le périscolaire. Nous avons une direction enfance et jeunesse, une coordinatrice des TAP avec un adjoint, un assistant éducatif par secteur, un correspondant TAP dans chaque école, des accompagnateurs et des animateurs formés issus du centre de loisirs sans hébergement, de l'association Léo Lagrange, de l'école de musique ou d'autres associations, sportives par exemple.
Nous souhaitons développer encore la concertation. Avec deux animateurs par groupe, l'absence de l'un d'entre eux peut poser problème ; il faut aussi renforcer les liens avec les enseignants, revoir l'accès aux locaux. Des incidents ont eu lieu : depuis le début de l'année, soixante avertissements ont été adressés à des parents, dix familles ont été convoquées, deux enfants exclus et un enfant a été orienté vers la réussite éducative. Enfin, les normes d'encadrement demandées par la direction départementale de la jeunesse et des sports (DDJS) posent problème.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Vous nous avez dit à la fois que la votation citoyenne a exprimé une large préférence pour le mercredi matin, et que les parents commencent à s'interroger sur ce choix. Pourquoi un tel revirement ? En quoi ont consisté les incidents et quelle en a été la cause ? Vous déplorez une non-adhésion des enseignants. Les corps intermédiaires, comme les inspecteurs, ont-ils bien joué leur rôle ? Les élus se sont parfois trouvés en première ligne face aux enseignants, ce qui n'est pas leur place.
Mme Danièle Carlier. - Les parents évoquent la fatigue des enfants pour revenir au samedi matin. Celle-ci tient surtout à ce que les enfants ne se couchent pas assez tôt, y compris le vendredi soir. Le choix du mercredi s'explique moins par des départs en week-end que par l'organisation des gardes alternées.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Vous avez évoqué la répartition des heures de TAP à raison d'une heure par jour. Cela signifie-t-il qu'un jour par semaine la journée s'achève plus tôt ?
Mme Danièle Carlier. - Non, l'horaire de fin est le même tous les jours sauf le mercredi.
M. Philippe Raluy, directeur général des services. - Les TAP ont lieu de 15h45 à 16h45.
Mme Danièle Carlier. - Nous avons quatre fois une heure : un format de trois quarts d'heures est trop court pour organiser des activités en dehors de l'école.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - L'Éducation nationale ne s'y est pas opposée ?
Mme Danièle Carlier. - Non : les enseignants terminent à 15h45. Le centre de loisirs sans hébergement ouvre le matin à 7h30, et reprend les enfants après les TAP jusqu'à 18h30.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Vous faites plus que prévu.
M. Philippe Raluy. - Le message de cette réforme a été brouillé par un débat que n'a pas clos la parution, tardive, du décret, de sorte que les cadres des services municipaux n'étaient pas fixés sur la méthodologie à appliquer. Le choix du mercredi a répondu à des considérations d'abord familiales. Les parents s'aperçoivent à présent que cela ne correspond pas au rythme de l'enfant.
Les fonctionnaires de l'Éducation nationale nous ont observés en attendant de voir comment nous irions dans le mur. Nous avons adopté la méthode usuelle pour un projet de développement local, en commençant par recenser les élèves susceptibles d'être concernés et les locaux disponibles, puis nous avons établi des plannings. Le ministère ne nous a pas donné de cadre d'emploi ; les directeurs d'école et les enseignants sont restés en retrait ; l'inspectrice, la direction départementale de l'éducation nationale (DDEN) et les corps intermédiaires ont été absents.
Nous sommes une ville de banlieue de 35 000 habitants, à 35 kilomètres de Paris, avec des problématiques de ville-centre d'une agglomération de 150 000 à 200 000 habitants. Beaucoup d'habitants travaillant loin de leur domicile, les TAP sont incontournables : 75 % des enfants y sont d'ailleurs inscrits.
L'articulation entre le temps de l'école et les TAP n'a pas été assez étudiée. Fallait-il faire une grande récréation ? Aller chercher les enfants dans les classes, comme nous avons choisi de le faire ? Rien n'a été défini, et les activités périscolaires se passent parfois dans la salle de classe, ce qui a de quoi déconcerter les enfants. Le cadre est mieux établi dans les centres de loisirs sans hébergement. Faut-il tolérer le chahut durant les TAP ? L'animateur est-il un enseignant ? Ces difficultés devraient s'estomper - cela avait été le cas lors de la mise en place des centres de loisirs sans hébergement.
M. Jean-Claude Carle. - Pourquoi des enseignants sont-ils mécontents ? À quoi correspond le coût de 300 à 390 euros par enfant que vous avez évoqué ? Comprend-il les transports ? On nous dit que les enfants sont plus fatigués depuis la mise en place de la réforme : est-ce vrai ? Il semble enfin que les enseignants vivent mal le fait que les TAP se déroulent dans les classes. Qu'en est-il dans votre commune ?
Mme Danièle Carlier. - Des enseignants étaient inquiets pour leur statut, certains allant jusqu'à craindre que les maires ne gèrent l'Éducation nationale...
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Nous l'avons entendu : la municipalisation de l'Éducation nationale !
Mme Danièle Carlier. - Certains sont très politisés. Ceux qui sont intéressés par les enfants souhaitent à présent que les choses s'organisent : les choses évoluent. En revanche, la classe a beau être un local municipal, ils considèrent qu'elle est à eux et que nous n'avons pas à y intervenir. Il a fallu bien distinguer le matériel et les fournitures des TAP ; nous avons prévu des armoires pour les TAP, réglé les querelles de photocopieuses et nous nous sommes engagés à remplacer ce qui aurait été cassé - les animateurs disposent d'ailleurs d'un budget de commande pour leur matériel. Pour les enseignants, la priorité aurait dû être de décharger les classes. Ils veulent, en tout état de cause, décider eux-mêmes. Une enseignante m'a même lancé un jour : « les spécialistes de l'enfant, c'est nous ! ». Ils ne sont pas les seuls...
M. Jean-Claude Carle. - Il y a aussi les parents.
Mme Danièle Carlier. - La fatigue des enfants est liée à la suractivité des parents, qui prévoient d'autres activités après l'école et les laissent se coucher tard. Les spécialistes s'accordent à dire que le premier trimestre est toujours le plus fatiguant : les enfants sont toujours épuisés à la Toussaint.
Quand d'autres locaux sont disponibles, tout est plus facile, bien sûr. Mais certaines activités doivent avoir lieu à l'école.
M. Philippe Raluy. - Il nous a été difficile d'estimer le coût réel. Le chiffre de 150 euros par enfant avait circulé ; il est vite dépassé si l'on compte la masse salariale. Des Atsem qui faisaient des temps partiels ont pu effectuer des heures supplémentaires, ce qui résorbe l'emploi précaire mais a un coût. De même, nous avons augmenté le nombre d'heures pour les animateurs des centres de loisirs sans hébergement, qui nous réclament maintenant une indemnité supplémentaire.
Pour évaluer le nombre de vacataires, nous avons divisé le nombre d'inscrits, en constante augmentation, par le chiffre de 14 en maternelle, de 18 en école élémentaire, conformément aux normes d'encadrement. Résultat de ce calcul théorique : 380 personnes ! Nous avions en effet promis aux parents qu'il y aurait un animateur et un accompagnateur. Avec les démissions, la tendance est à la diminution. Pour la ville de Creil, le coût sera compris entre 330 000 et 350 000 euros par trimestre, soit 1 million d'euros à 1,4 million d'euros par an. Il faut aussi compter le mobilier spécifique, ainsi que la rémunération des associations auxquelles nous faisons appel. La formation avait été sous-estimée : la norme dérogatoire 14 ou 18 personnes est contestée par la DDJS qui demande que nous appliquions les mêmes normes que dans les centres de loisirs. Cela implique de faire passer des brevets d'aptitude aux fonctions d'animateur (BAFA), des brevets d'aptitude aux fonctions de directeur (BAFD)... J'imagine que des synergies dégageront des économies : ainsi, les directeurs de centres de loisirs seront associés aux TAP.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Un cadre par école, c'est énorme !
M. Philippe Raluy. - Nos fonctionnaires départementaux sont exigeants...
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - La CNAF et le ministère souhaitent que le taux d'encadrement allégé soit étendu aux centres de loisirs, à condition que 50 % des animateurs soient qualifiés.
M. Philippe Raluy. - Ce n'est pas l'application locale de la norme.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Le matériel qui a été acheté en double n'aura pas à l'être chaque année... Avez-vous chiffré l'économie que représente le fait de ne plus avoir à ouvrir le centre de loisirs le mercredi matin ?
Mme Danièle Carlier. - Davantage d'enfants restent à la cantine le mercredi...
M. Philippe Raluy. - ... et il faut ouvrir le centre de loisirs l'après-midi : les choses sont quasiment équivalentes.
Mme Colette Mélot. - La reprise des cours le mercredi matin a-t-elle accru le nombre de demandes d'inscriptions à la restauration scolaire ? Dans ma ville, Melun, similaire à la vôtre - 40 000 habitants pour une agglomération de 100 000 habitants - nous n'avons qu'un restaurant scolaire pour le mercredi midi. Cela sera-t-il suffisant ?
Mme Danièle Carlier. - Les enfants qui restent déjeuner le mercredi sont ceux qui restent ensuite au centre de loisirs. Nous n'aurions pas pu assurer la restauration si les parents étaient venus chercher les enfants après le repas.
Mme Catherine Troendle, présidente. - Merci de cette très belle présentation.
Audition de Mme Claire Leconte, chercheur en chronobiologie
La commission procède enfin à l'audition de Mme Claire Leconte, chercheur en chronobiologie.
Mme Catherine Troendlé, présidente. - Nous poursuivons nos auditions avec Mme Claire Leconte, chercheur en chronobiologie.
Mme Claire Leconte, chercheur en chronobiologie. - Permettez-moi tout d'abord de me présenter. Chercheur en chronobiologie, j'ai effectué des travaux de recherche pendant plusieurs années dans un laboratoire spécialiste du sommeil à Lille 3, pour étudier les liens entre les rythmes du sommeil et l'apprentissage. J'ai également travaillé pendant trois ans au Centre hospitalier régional (CHR) de Lille au service des grands prématurés, afin d'améliorer leur environnement de vie et leur éviter des troubles du sommeil. J'ai apprécié le rôle fondamental de l'environnement global sur le rythme de veille et de sommeil.
Professeur émérite de psychologie de l'éducation, j'ai formé de nombreux professeurs des écoles et psychologues scolaires et participé aux programmes éducatifs sur l'apprentissage. Mes travaux ont notamment porté sur des facteurs comme la motivation, le climat au sein de la classe et le style cognitif des enfants. Pour moi, la chronobiologie n'est pas une finalité en soi, comme je l'avais écrit dans un article publié en 1998 « Appel pour une chronopsychologie antigourou » : il faut arrêter de croire que l'ensemble des problèmes d'échec scolaire pourront être résolus avec la chronobiologie. La simple analyse de la courbe de vigilance ne supprimera pas l'échec scolaire.
Parallèlement à ces recherches fondamentales, j'ai travaillé avec les écoles, dans les écoles et pour les écoles. Quelle est l'utilité sociale de cette recherche fondamentale ? Les travaux que j'ai menés depuis le début des années 1980 ont permis de réorganiser au mieux l'école en fonction des besoins des enfants sur l'ensemble des temps scolaires et non scolaires. J'ai ainsi monté des projets éducatifs des temps de l'enfant, qui ont perduré.
À la demande des ministères de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports, j'ai été amenée à évaluer l'aménagement des temps, ce qui correspond à une problématique ancienne depuis la publication en 1984 de la circulaire « Calmat-Chevènement ». Dans ces rapports d'évaluation, il a été mis en évidence que certaines modalités d'aménagement pouvaient produire des effets négatifs ou positifs.
Je suis ainsi en mesure d'affirmer que je dispose d'une bonne connaissance de l'école dans son ensemble, alors que la France se situe en bas des classements internationaux. Les évaluations du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Program for International Student Assessment, PISA) s'appuient sur les données recueillies auprès d'élèves âgés de 15 ans en 2012, et qui étudiaient donc dans les classes d'école primaire avant les réformes de 2008, dans le cadre de semaines de quatre journées et demie et sur la base des programmes de 2002 - ce qui n'a pas empêché notre pays de se situer en bas de l'échelle PISA.
Je ne parle plus de rythmes scolaires, car ce terme n'est pas scientifique : il a été construit lors de la découverte des rythmes biologiques et n'est d'ailleurs employé qu'en France. L'expression « rythmes scolaires » ne concerne que l'emploi du temps scolaire, que cadre de manière rigide le décret de 2013. Les temps doivent bien être envisagés dans leur globalité, alors que les temps scolaires (soit 864 heures par an et moins de 800 heures sans les récréations) ne représentent que moins de 10 % de la vie d'un enfant.
Je me suis toujours demandé pourquoi cette réforme n'avait relevé que du ministère de l'éducation nationale, alors qu'elle a une portée interministérielle et concerne également les ministères de la jeunesse et des sports, de la culture, de la santé, de la famille et du travail si l'on veut avoir une vision globale de l'enfant.
J'ai rencontré plus de 300 représentants de communes ou d'intercommunalités depuis un an que je sillonne la France. J'ai recueilli les interrogations des acteurs de terrain, afin qu'ils puissent travailler ensemble à un projet significatif signifiant. Or, personne ne connaît vraiment les rythmes biologiques de l'enfant. J'ai aussi présenté des erreurs à ne pas commettre. Le millier de personnes que j'ai rencontrées m'ont remerciée, car elles ont compris que leur mal-être provenait du non-respect de leurs rythmes biologiques.
Mon intérêt porte en effet sur les rythmes biologiques puisque nous sommes programmés génétiquement. Il n'y a plus de respect de la régularité du rythme veille-sommeil, ce qui a des conséquences sur l'apprentissage des enfants. Lors de la concertation qui avait précédé la loi sur la refondation de l'école, Mme Colombe Brossel, adjointe au maire de Paris chargée de l'éducation, avait ironisé sur mes observations en indiquant qu'elles seraient reprises dans le rapport issu de la concertation. Mais, de fait, il y a bien eu un vrai travail de concertation.
J'en viens à la courbe de vigilance. L'auteur à l'origine de ces travaux m'a affirmé que les données présentaient des fluctuations journalières et suivant l'âge, les activités périscolaires et extrascolaires et les origines sociales et culturelles. Cela représente un grand nombre de conditions à respecter ! Par ailleurs, les données sont surtout recueillies auprès d'élèves de cours moyen. Pour ma part, j'ai toujours préféré faire confiance aux enseignants pour qu'ils fassent le meilleur usage des temps scolaires.
Il faut bousculer la journée scolaire traditionnelle, qui dans son organisation actuelle date de 1834 après la promulgation de la loi Guizot en 1833. La semaine comportait alors cinq jours de classe (les lundi, mardi, mercredi, vendredi et samedi) et des durées de cours de 3h30 le matin et 3 heures l'après-midi. Or les cours du matin n'ont jamais été équivalents à ceux de l'après-midi, comme on le sait depuis les travaux du sociologue Alfred Binet, publiés en 1905.
Sur cette base, nous avons invité les familles à ne pas ignorer les vertus d'un petit déjeuner de qualité. J'ai fait supprimer la première récréation du matin, celle qui précédait l'entrée en classe : les enfants ne s'énervent plus durant dix minutes dans la cour de récréation, mais s'installent tranquillement en classe et sont disponibles lors du démarrage de la journée. Il faut privilégier davantage de matinées de cours dans la semaine, et j'ai étendu l'organisation de la semaine scolaire jusqu'à six matinées par semaine.
J'ai mis en évidence que tous les enfants de classe maternelle et élémentaire, voire de cours moyen, étaient plutôt des enfants matinaux qui pouvaient commencer tôt leur journée de classe. Or aujourd'hui, des enfants attendent parfois 1h30 entre leur arrivée à l'école, à 7h30, et le début des cours à 9h00.
L'importance de disposer d'un plus grand nombre de matinées de cours dans la semaine m'a conduit à m'opposer à la semaine de quatre jours et à plaider pour des matinées plus longues afin de modifier substantiellement la qualité des apprentissages. Le matin on n'apprend pas seulement à lire, à écrire et à compter en mathématiques et en français, mais dans l'ensemble des matières : il faut intégrer la musique, l'éducation physique et sportive, les langues vivantes, l'informatique et la découverte du monde... en faisant alterner les séquences pédagogiques suivant des activités abstraites, ou qui font appel à la créativité et à la motricité de l'enfant. Il est ainsi possible de maintenir la vigilance de l'enfant sans surcroît de fatigue. On met en évidence les liens entre les différentes matières, qui apparaissent toutes également importantes aux yeux des enfants.
Pour que les enfants retrouvent un intérêt dans les activités scolaires, il faut éviter l'émiettement des temps et organiser les activités suivant des parcours comportant des objectifs à atteindre, ce qui entre dans la construction du projet éducatif.
Le bien-être des enfants et leur réussite sont entièrement dépendants de la qualité de vie professionnelle de tous les intervenants, qu'ils soient enseignants ou acteurs de l'animation. Il faut donc requalifier le travail des animateurs en mettant fin à la précarité de leurs emplois qui comportent des temps de travail très courts. Comment demander à des communes très isolées de trouver des encadrants de qualité ? J'ai vu se mettre en place des réformes où le mercredi matin comportait moins de deux heures de cours avec des temps de trajet aller et retour d'une heure et demie, et il était parfois recommandé de regrouper les activités d'éducation physique et sportive sur cette matinée ! J'ai aussi vu des organisations comportant des durées d'activité de seulement trois quarts d'heure pour justifier le respect du cadre des neuf demi-journées de classe.
Comment croire à une moindre fatigue des enfants avec des centres de loisirs croulant sous les demandes, et parfois quarante minutes de trajet jusqu'à la cantine scolaire ? J'ai vu demander aux parents de fournir des paniers repas !
Dès 1995, j'avais cosigné une tribune contre la semaine de quatre jours. Mais il ne s'agissait pas de ne rien changer ou de déstructurer des centres de loisirs qui avaient des projets intéressants. Le principe d'une semaine de neuf demi-journées est la conséquence du décret de 2008 qui a envisagé une organisation par demi-journée, alors qu'auparavant la semaine était organisée sur cinq journées. J'ai regretté ce choix dès le départ. Le rapport de Michèle Tabarot sur le développement de l'offre d'accueil de la petite enfance, en juillet 2008, avait pointé le risque de rigidifier les temps scolaires, alors que les avantages de la semaine de cinq jours n'étaient pas négligeables au regard des expériences de certaines écoles en France et à l'étranger.
Les très nombreux maires que j'ai rencontrés m'ont dit que l'organisation de la semaine sur quatre journées et demi devait permettre de proposer à tous les enfants des parcours éducatifs de qualité au moindre coût, et non pas consister en des activités pour occuper les enfants, ce qui exigeait une vraie mutualisation des interventions entre les enseignants et les animateurs. Un maire de Haute-Savoie, qui a travaillé avec la Fédération des oeuvres laïques (FOL), a observé qu'un accord donné à mon projet conduirait à la création de six emplois. Je demande donc à revoir la situation issue de la réforme, car je constate que ce sera une vraie galère dans de nombreuses communes qui ne pourront pas mettre en application des projets de qualité. Je tiens à votre disposition les courriers d'une ensemble de maires de grandes villes et de communes rurales qui tous me disent qu'ils avaient réussi à construire de vrais projets consensuels, mais qui ont été rejetés car ils n'étaient pas basés sur une semaine de neuf demi-journées. J'ai aussi un courrier d'un candidat aux municipales à Besançon qui appelle à faire sauter ce verrou pour la mise en place de projets éducatifs de qualité.
Je finis par me poser des questions sur l'ambition qui prévaut dans cette réforme, à la relecture d'un article d'un proche du ministre qui s'interroge sur la manière dont la science peut aider à la réforme des rythmes scolaires. Il déclare qu'il ne faut pas décider de manière péremptoire l'organisation de telle matière à telle heure, mais que l'on doit se demander qui est responsable de telle discipline qui figure encore au programme ! De tels propos sont inquiétants, alors même que de nombreuses craintes s'expriment sur une possible municipalisation des professeurs des écoles et le risque de disparition des programmes de certaines matières qui seraient renvoyées aux activités péri et extrascolaires.
En conclusion, je demande le déverrouillage des neuf demi-journées. Nous sommes nombreux à exiger qu'on nous autorise à expérimenter des vrais projets éducatifs consensuels, sur la base d'une connaissance d'un état des lieux et d'une évaluation ex post de certaines organisations qui apparaissent bénéfiques à l'enfant.
Mme Françoise Cartron, rapporteure. - Merci pour cette présentation très dense.
Disposez-vous d'éléments d'évaluation des organisations des temps scolaires que vous avez mises en place, en particulier à Lille où le dispositif que vous avez décrit date de 1996 ? Dans la mesure où, comme vous l'avez rappelé, les matinées sont plus propices aux apprentissages des enfants, quelles conséquences peut-on tirer de la réforme des rythmes répartissant les cours sur neuf demi-journées ? De quelle durée peut-on allonger la matinée ?
Nous sommes tous d'accord sur le constat qu'un enfant passe 10 % de son temps à l'école et 90 % en dehors de la classe. J'ai relevé votre idée généreuse d'un pilotage interministériel de la réforme, mais n'est-ce pas utopique ? Comme enseignante, j'ai rencontré le cas de mères seules obligées d'accepter des emplois de nettoyage à 5h30 du matin... Il faut tenir compte de ces limites lorsqu'on veut améliorer le rythme de vie des enfants.
Quelle serait votre organisation idéale de la semaine scolaire ? Quels changements proposeriez-vous à la réforme portée par le ministre de l'éducation nationale ? J'ai le sentiment que le ministre n'a pas pu aller plus loin dans la mesure où sa marge de manoeuvre est limitée au temps scolaire.
Si je suis votre raisonnement, êtes-vous d'accord pour affirmer qu'une semaine de neuf demi-journées est préférable à une semaine de quatre jours ?
Mme Claire Leconte. - À Lille, la réforme a été expérimentée pendant l'année scolaire 1995-1996 dans un quartier en très grande difficulté, marqué par un fort absentéisme scolaire. C'est pour cette raison que nous avons mis en place la semaine de six jours, afin notamment d'éviter que les enfants oublient de se lever le jeudi matin après la coupure du mercredi... Des ajustements ont eu lieu pendant la première année, durant laquelle il a fallu convaincre les parents. La réforme a été une grande réussite, les enfants ont été très présents à l'école : la matinée a ainsi pu être consacrée aux cours, et l'après-midi à d'autres activités. Outre une diminution de l'absentéisme, nous avons constaté un changement de regard des familles sur l'école. Avec le mouvement d'éducation populaire les Francas, nous avons pu construire des parcours de deux heures l'après-midi, en liaison avec les enseignants, à la bibliothèque ou au musée, en éveillant ainsi la curiosité des enfants. Il est vrai que la stabilité de l'équipe pédagogique a facilité l'inscription dans la durée de cette nouvelle organisation des temps scolaires. Nous avons constaté l'attractivité de la réforme quand des parents des quartiers du centre-ville, plus favorisés, ont commencé à inscrire leurs enfants en maternelle dans ces classes : il y a eu un phénomène de mixité inversée ! Aujourd'hui, tous réclament de pouvoir conserver cette organisation, alors que la réforme des rythmes scolaires impose cinq matinées de cours.
L'expérience a été renouvelée à Lomme en 2012, avec les mêmes résultats positifs. Nous avons mis en place des parcours de philosophie dès la grande section de maternelle ainsi que d'apprentissage de la langue des signes, afin d'amener les enfants à se découvrir des potentialités et à leur faire comprendre qu'ils peuvent réinvestir en dehors de la classe ce qu'ils apprennent à l'école. Par exemple, la géométrie est nécessaire pour pratiquer l'astronomie.
Vous m'avez interrogée sur la durée des enseignements. Les matinées durent quatre heures, entrecoupées par deux pauses. Seule la première récréation, avant l'entrée en classe, a été supprimée. Une pause intervient après que le premier tiers de la matinée a pris fin : les enfants bénéficient alors d'une collation avec des fruits. Nous avons travaillé également à la préparation des récréations, qui ne doivent pas être considérées comme la soupape de sécurité de la cocotte-minute pour calmer des enfants trop énervés, ainsi qu'à l'aménagement des espaces de jeux.
Les cours commencent à 8h30 et terminent à 12h30. Nous avons travaillé sur la qualité des petits déjeuners, en invitant les parents à venir prendre un petit déjeuner avec les enfants. Deux services de déjeuner sont organisés à partir de 12h30.
Vous dites que mes idées sont généreuses. Mais j'ai également milité pour un changement de société, et je ne comprends toujours pas que, lorsqu'on établit des comparaisons internationales, on n'oublie de dire qu'au nord de l'Europe toutes les familles sont rentrées chez elles à 18h. Notre société ne peut pas continuer de fonctionner avec des mamans travaillant en discontinu à partir de 5h30 !
Aujourd'hui, je veux que nous puissions continuer de faire ce que nous faisons, et j'entends les voix de ceux qui me disent, comme à Lannion, vouloir poursuivre leur organisation scolaire actuelle, mais dont le projet est refusé parce qu'il ne s'inscrit pas dans le cadre des neuf demi-journées.
Mme Marie-Annick Duchêne. - À vous écouter j'observe que nous aurions pu organiser les écoles le matin si nous avions eu ce projet il y a très longtemps, avant la généralisation du travail des femmes, mais les choses sont ce qu'elles sont. C'est maintenant au ministre de répondre sur la possibilité de poursuivre les expérimentations que vous avez décrites, lorsque les communes le souhaitent. J'ai été séduite par vos propos, et je comprends pourquoi vous souhaitez une implication des ministères de la santé et du travail.
Mme Claire Leconte. - Je veux qu'aucun enfant ne soit laissé à la rue. Il faut également les amener à découvrir des lieux où ils ne vont pas spontanément.
Au regard du coût de la réforme pour les collectivités territoriales, il est souhaitable que celles-ci investissent dans des projets de qualité. Il est regrettable que, aujourd'hui, des temps périscolaires d'une durée de trois quarts d'heure comportent des temps de trajet aller et retour de dix minutes, avant que ne s'enchaînent d'autres activités impliquant de nouveaux trajets. Il nous faut parvenir à la plus grande mutualisation possible afin d'éviter ces émiettements d'activités.
La réunion est levée à 18 h 35.