Mercredi 19 février 2014
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -Droit à l'information dans le cadre des procédures pénales - Examen du rapport et du texte de la commission
La réunion est ouverte à 9 h 30.
La commission examine le rapport de M. Jean-Pierre Michel et le texte proposé par la commission pour le projet de loi n° 303 (2013-2014) portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (procédure accélérée).
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Ce projet de loi, que le Gouvernement nous demande d'examiner en procédure accélérée, est complexe. Il transpose deux directives : l'une, dite « directive B », doit être intégrée dans notre droit national avant le 2 juin 2014, ce qui n'est pas anodin car les sanctions financières sont lourdes en cas de retard de transposition, et l'autre, la « directive C », partiellement et par anticipation, qui doit être transposée avant le 27 novembre 2016, qui concerne surtout la présence de l'avocat aux différents stades de la procédure pénale.
L'idée de ces directives est d'édicter un socle commun minimal de normes procédurales applicable à l'enquête et au procès dans l'ensemble des pays de l'Union européenne. Mais ces directives introduisent des bouleversements considérables dans notre procédure pénale. Elles sont inspirées par le droit anglo-saxon qui privilégie la procédure orale, alors que notre procédure est davantage écrite. Les fonctionnaires de police devront donc se soumettre à des impératifs nouveaux qui allongeront les procédures.
Ce projet de loi s'inscrit dans le cadre du programme de Stockholm, à la suite duquel avait été adoptée une « feuille de route », d'ores et déjà matérialisée par trois directives. La France a déjà transposé la directive sur le droit à l'interprétation et à la traduction, texte rapporté par notre collègue Alain Richard (directive A). Le présent projet de loi transpose la directive B en introduisant de nouvelles obligations, à chaque stade de la procédure, en ce qui concerne l'information des personnes, qu'elles soient suspectes ou mises en examen, ce qui nous conduit notamment à encadrer l'audition libre, en intégrant les principes posés par le Conseil constitutionnel. Il transpose également une partie des dispositions de la directive C sur le droit d'accès à un avocat, celles concernant l'accès à un avocat des personnes librement entendues, anticipation souhaitée par le Gouvernement.
La France, comme d'autres États, avait émis des réserves sur ce dernier projet de directive et avait plaidé pour que la place de l'avocat dans la procédure pénale et l'aide juridictionnelle soient traitées ensemble, car, en l'état, il y aura incontestablement une augmentation exponentielle de l'aide juridictionnelle. Le Sénat s'était d'ailleurs fait l'écho de cette position par l'adoption d'une résolution européenne le 28 janvier 2012, à l'initiative de Jean-René Lecerf.
Les observations de la France n'ont été que très partiellement prises en compte, dans la version finale, qui instaure comme principe le droit d'accès effectif à un avocat dans tous les cas où une personne est suspectée ou accusée, qu'elle soit libre ou détenue, pendant la phase d'enquête, d'instruction et de jugement des affaires pénales ainsi que le droit de communiquer avec un tiers et d'informer un tiers de l'arrestation. Nous devrons donc nous préparer à des bouleversements considérables avant le 27 novembre 2016, notamment sur l'aide juridictionnelle. Le projet de loi anticipe certaines dispositions de la directive C en ouvrant à la personne suspecte entendue librement le droit d'être assistée par un avocat.
Aujourd'hui, il y a le simple témoin, d'une part, et la personne suspectée, d'autre part, qui peut être entendue sous le régime de l'audition libre. Cette personne entendue librement n'est pas un simple témoin. Avec cette directive, la personne suspectée pourra être entendue librement avec son avocat, son audition libre pouvant à tout moment être transformée en garde à vue. Dans une procédure orale accusatoire, c'est cohérent, mais cela s'appliquera à une procédure écrite non contradictoire, ce qui est peu satisfaisant. Il y aura une inégalité entre ceux qui peuvent être assistés par un avocat et les autres. La procédure sera alourdie et des difficultés sont prévisibles.
Les avocats sont très favorables au texte, les policiers et les gendarmes sont beaucoup plus réservés, compte tenu des difficultés d'application de la loi. La garde des sceaux a chargé M. Jacques Beaume, procureur général près la cour d'appel de Lyon, de conduire un groupe de travail consacré à l'équilibre de la procédure pénale. On réfléchit à ce sujet depuis longtemps en France, en attestent les nombreux rapports sur le sujet : rapports Delmas-Marty, Truche, Léger, etc., plus celui que j'ai écrit avec Jean-René Lecerf il y a quatre ans. Malgré cela, on se trouve toujours dans une certaine confusion, avec des transpositions de directives européennes, année après année, ce qui d'ailleurs montre malheureusement le manque de poids de nos gouvernements successifs au sein du Conseil de l'Union européenne.
Le projet de loi conduira d'abord à un renforcement des droits de la défense à tous les stades de la procédure. L'audition libre est créée, la personne susceptible d'être soupçonnée devant pouvoir avoir recours à un avocat. Or, aujourd'hui, on ne dénombre pas moins de 800 000 auditions libres, police et gendarmerie confondues, en France chaque année. Envisager le recours à un avocat pour toutes les personnes entendues librement est donc potentiellement très lourd, même s'il est évident que toutes les personnes concernées n'auront pas recours à ce droit. La personne en audition libre, qui est donc suspectée, ne pourra être entendue qu'après que ses droits lui auront été notifiés. Cela comprend le droit d'être assisté par un avocat pour la personne suspectée d'avoir commis un crime ou un délit puni par une peine d'emprisonnement.
Le projet de loi renforce également d'autres droits pour les personnes entendues librement. Mentionnons le droit à un interprète, le droit de se taire, le droit de partir à tout moment, etc. Le droit au silence, c'est-à-dire le droit de ne pas s'incriminer en droit européen, est un sujet particulièrement important. La Cour européenne des droits de l'homme a statué à plusieurs reprises sur le droit au silence. Ce droit est aujourd'hui réglementé dans la garde à vue, il devra l'être également dans le régime de l'audition libre. Le Gouvernement a donc proposé une rédaction pour traduire dans notre droit cette faculté de se taire dans le cadre de l'audition libre, pendant la mise en examen, sous le statut de témoin assisté, devant le tribunal correctionnel et devant une cour d'assises. La personne suspectée peut ainsi « faire des déclarations, répondre aux questions posées ou se taire ». Cette rédaction est conforme aux exigences de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Enfin, le projet de loi parachève la transposition de la directive du 20 octobre 2010 concernant les enquêtes de police, de gendarmerie et douanières.
Sur la question de l'accès au dossier, le projet de loi ne remet pas en cause la distinction entre les phases policière et judiciaire prévue par le code de procédure pénale. En cas de garde à vue, le code de procédure pénale prévoit que l'avocat peut consulter le procès-verbal constatant la notification de placement en garde à vue, les procès-verbaux d'audition et le certificat médical sans avoir le droit d'en prendre copie.
Cet état de droit est jugé insatisfaisant par certains avocats qui plaident pour avoir accès à l'ensemble des pièces dès la garde à vue, ce qui comprend par exemple l'ensemble des témoignages recueillis.
Dans le rapport d'information que nous avons co-rédigé avec Jean-René Lecerf, nous avons souligné qu'il faut distinguer les phases policière et juridictionnelle de la procédure. L'ensemble des personnes entendues, à l'exception des avocats, soulignent que seuls les éléments provenant du mis en cause doivent être accessibles pendant la phase d'enquête. Il faut éviter que des co-auteurs d'infraction soient avertis par une personne ayant eu accès au dossier, pour protéger des témoins notamment. Les avocats voudraient avoir accès à l'ensemble des pièces. Les représentants de policiers auditionnés soulignent le risque que constitue la transmission du procès-verbal d'une audition à toute personne concernée. Sans compter que matériellement, cela impliquerait de retranscrire en temps réel, sous forme de procès-verbal, toutes les auditions. Or, élaborer les procès-verbaux prend parfois du temps et toutes les pièces de l'enquête ne sont pas forcément accessibles au moment de la garde à vue.
Pendant l'instruction et dans la phase de jugement, il faudra donner l'intégralité du dossier aux parties qui ont choisi de se défendre seules. C'est un pas de plus vers la fin du secret de l'instruction. C'est aussi une avancée dans la procédure contradictoire : l'intéressé aura connaissance du dossier dans son intégralité.
Abordons enfin l'article 10 qui n'a pas de lien direct avec le projet de loi. Il prévoit d'habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le droit d'asile. Ce n'est pas un secret que de dire que ce point fait l'objet d'une polémique entre différents ministères. Mais je considère que le Gouvernement a arbitré, puisqu'il a inséré cette disposition dans le projet de loi.
Le ministère de l'intérieur souhaite présenter un texte distinct sur la procédure d'asile, mais ce texte ne sera pas prêt avant fin 2014. La difficulté, dans l'immédiat, perdure : les personnes que l'on renvoie dans un autre pays membre de l'Union européenne n'ont actuellement pas de recours suspensif. Cela pourrait valoir à la France une condamnation. L'article 10 prévoit ce recours suspensif.
En tant que rapporteur, j'ai déposé une série d'amendements sur ce texte pour prendre en compte les inquiétudes des officiers de police judiciaire. J'accepte donc le principe, retenu par le Gouvernement, d'une application de la directive a minima. Ce n'était pas la position du Conseil national des barreaux par exemple. Il faudra malgré tout que le ministère de l'intérieur fasse un effort de pédagogie, et cela rapidement : la directive B sur l'information des droits est applicable sans délai.
M. François Pillet. - Cet exposé suscite deux qualificatifs. Il est tout d'abord excellent, car très informatif. Il est aussi inquiétant, car il apporte des bouleversements dans la procédure pénale. Il suscite également des questionnements et des observations, il y a des problèmes techniques et pratiques qui méritent un examen précis.
Tout d'abord la question du témoin, qui a priori ne sera pas assisté. Imaginons que le témoin devienne un suspect ou un complice à l'issue de la procédure. Dans ce cas, la procédure n'a pas été respectée pour lui, et nous savons que les juges ont alors tendance à annuler la procédure. C'est donc dangereux. Pour y remédier, il faudrait faire assister tous les témoins. Nous allons passer de 800 000 personnes qui ont besoin d'assistance à beaucoup plus. Cela pose un problème de nombre évident. La loi pourra-t-elle être appliquée ? À Paris, oui probablement, mais cela posera des difficultés pour les petits barreaux.
Il y a également la question de l'accès à la justice pour tout le monde. Cela sera difficile pour le petit délinquant qui n'a pas les moyens d'être assisté. Fera-t-il alors appel à l'aide juridictionnelle ? Les chiffres de l'étude d'impact de ce projet de loi concernant l'aide juridictionnelle sont impressionnants. On connaît déjà des difficultés importantes avec l'aide juridictionnelle, je ne vois pas comment le problème peut être réglé. Nous arriverons probablement à des situations dans lesquelles le suspect ne disposera pas d'avocat, faute de pouvoir rémunérer ce dernier pour une demi-journée ou une journée. Ce point m'inquiète énormément.
Concernant l'article 5, ce dernier modifie les dispositions relatives à l'instruction préparatoire et permet au témoin assisté d'obtenir copie du dossier. Il s'agit de l'explosion totale du secret de l'instruction !
Ce texte est fait pour les personnes à qui l'on reproche une infraction. Et la partie civile ? Je me demande si ce texte est équilibré au regard des droits des victimes.
J'en termine avec une remarque plus générale. Depuis que je suis sénateur, les règles de la procédure pénale sont modifiées tous les semestres. Ne devrions-nous pas ré-harmoniser le code de procédure pénale ? Cela ne peut se faire à court terme, mais ce code n'est ni inquisitoire, ni accusatoire, il n'a plus de logique propre, et cela peut poser des problèmes dans certains domaines.
Mme Cécile Cukierman. - Nous nous associons aux derniers propos de notre collègue : il faudrait une vision plus globale de la procédure pénale, notamment en transposant également la directive C. Ce texte marque des avancées notamment pour les personnes mises en cause. Le caractère contradictoire de la procédure est renforcé à travers ce texte, c'est satisfaisant, même si la question de la place de l'avocat dans l'ensemble de la procédure doit être revue, afin de renforcer les droits de la défense.
Selon nous, l'article 10 pose problème. Tout d'abord il s'agit d'un cavalier. En outre, il s'agit d'une habilitation à légiférer par ordonnance, or notre groupe a déjà eu l'occasion de dire ce qu'il pense du recours aux ordonnances. Enfin, il s'agit du droit d'asile, abordé au détour d'un texte qui ne porte pas sur ce sujet. Nous n'adopterons pas le texte si l'article 10 est maintenu dans sa rédaction actuelle.
M. Pierre-Yves Collombat. - Je ne comprends pas ce qu'apporte l'audition libre qui n'est plus libre, tellement elle est encadrée ? Comme évoqué par M. Pillet, nous risquons de nous retrouver devant un problème lorsqu'une personne aura été entendue en tant que témoin alors qu'elle aurait dû l'être en tant que suspect. Ne peut-on pas plutôt améliorer les règles de la garde à vue afin d'éviter ce dispositif à deux étages ?
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vois mal comment nous pouvons refuser de transposer cette directive. Notre rapporteur propose des solutions pour adapter au mieux les choses, dans la logique du dispositif français. Ses amendements vont dans le bon sens. Je voulais souligner, comme l'a fait notre collègue François Pillet, que la question de l'aide juridictionnelle doit effectivement être prise en compte. Si on lit l'étude d'impact, le coût relatif aux besoins supplémentaires en termes d'aide juridictionnelle serait entre 13 et 29 millions d'euros. Une phrase de l'étude d'impact a attiré mon attention, je cite : « Par ailleurs, le rapport de mission de M. Carre-Pierrat sur l'aide juridictionnelle est susceptible de préconiser des modalités nouvelles de participation de la profession d'avocat aux missions d'aide juridique de nature à modifier la présente étude d'impact établie sur la base d'un paiement à l'acte ». Cette phrase n'aura pas manqué d'attirer l'attention des barreaux ! J'émets une réserve sur cette phrase car on ne doit pas s'engager sur des hypothèses qu'on ne peut vérifier.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Il est vrai, M. Pillet, qu'il faudrait engager une réforme globale de la procédure pénale. Plusieurs rapports ont été publiés en la matière, qui n'ont pas été suivis d'effets. Je doute qu'il y soit possible d'introduire une telle réforme, qui paraît indispensable, avant la fin du quinquennat. Évidemment, à partir de l'année prochaine, le Sénat peut très bien constituer un groupe de travail sur le sujet.
Ce texte va permettre de distinguer clairement le témoin et le suspect. Le témoin peut être entendu librement ou retenu pendant 4 heures. Le suspect est convoqué et entendu dans le cadre d'une audition libre ou d'une garde à vue. Il peut devenir un présumé coupable et être placé en garde à vue au terme de l'audition libre.
Pour le témoin, il n'y a pas lieu d'ouvrir l'aide juridictionnelle : il ne fait pas l'objet d'une « accusation de nature pénale » au sens de la convention européenne des droits de l'homme.
Sur la question de la copie du dossier accessible au témoin assisté, je précise que le juge d'instruction peut s'opposer à ce que la personne elle-même en prenne connaissance.
Pour répondre à Mme Cukierman, la directive C va imposer l'avocat dans tous les actes d'enquête : interrogatoires, perquisitions, « tapissages », etc. Le ministère de la justice dit qu'il faut du temps pour s'y préparer. Le procureur général Beaume, qui est chargé d'établir un rapport sur la procédure d'enquête pénale, est notamment chargé de préciser comment cette directive peut être transposée.
Pour répondre à M. Collombat, l'audition est dite libre car on peut en partir à tout moment, il n'y a aucune contrainte. Aujourd'hui, un tiers des personnes suspectées le sont dans le cadre d'une garde à vue, deux tiers dans le cadre d'une audition libre. On me dit que ce texte augmentera le nombre de gardes à vue car il accroît le formalisme de l'audition libre.
Concernant l'aide juridictionnelle, la Constitution impose les études d'impact, mais pour moi, elles n'apportent pas grand-chose et celle-ci ne fournit que des évaluations approximatives. Les avocats, qui sont très favorables aux dispositions suivantes, doivent partager le financement de l'aide juridictionnelle. Comment ? La participation des Caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) doit être examinée.
Sur l'article 10, le ministère de l'intérieur m'a donné le projet d'ordonnance, qui n'est pas abouti. Je vais quand même vous lire l'exposé des motifs : « l'article 27 du règlement dit « Dublin III » impose aux États membres l'obligation de créer dans leur droit national un « recours effectif » contre toute décision de transfert d'un demandeur d'asile vers l'État responsable de l'examen de sa demande, assorti d'un effet suspensif ainsi que de l'accès à l'aide juridictionnelle et à l'assistance d'un interprète. Dès lors que ce règlement s'applique depuis le 1er janvier 2014 [...], l'objectif est de créer directement [...] ce recours spécifique au bénéfice des demandeurs d'asile faisant l'objet d'une décision de transfert. La personne concernée pourra ainsi contester cette décision en formant un recours en annulation, de plein droit suspensif, devant le président du tribunal administratif dans un délai de sept jours et, saisi d'un tel recours, le juge statuera sur la régularité ou le bien-fondé de la procédure « Dublin » dans un délai de quinze jours [...] Outre l'institution de ce recours protecteur à l'égard des personnes sous procédure « Dublin », le présent texte a également pour objet, d'une part, de consacrer dans la loi le droit de ces personnes à rester sur le territoire français jusqu'à leur transfert effectif et, d'autre part, de faire figurer le régime des décisions de transfert dans le livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), consacré au droit d'asile, et non dans le livre V relatifs aux mesures d'éloignement ». Voilà ce que serait l'objet de ce texte.
M. Jean-Pierre Michel. - Mon premier amendement n° 30 est rédactionnel.
L'amendement n° 30 est adopté.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n° 31 rectifié simplifie la mise en oeuvre de l'article 1er du projet de loi. Il propose de préciser que, dès lors que la personne suspecte a été convoquée au commissariat de police, les informations concernant ses droits peuvent figurer en tout ou partie sur la convocation qui lui est adressée, de sorte que ces informations n'aient pas à être réitérées par oral au début de l'audition et que l'intéressé ait la possibilité, le cas échéant, de bénéficier d'une consultation juridique dans un point d'accès au droit et de solliciter l'assistance d'un avocat avant la date fixée pour l'audition. Cette solution a été préconisée par les forces de police. La personne convoquée pourra ainsi se renseigner, grâce aux informations détaillées sur l'imprimé qui lui sera envoyé avant l'audition.
M. Alain Richard. - Si cet amendement a pour objectif une simplification, pourquoi faire figurer la mention « en tout ou partie » ? S'il manque certains des alinéas de l'article 61-1 du code de procédure pénale dans la liste, cela ne sert à rien !
Mme Cécile Cukierman. - Ma première remarque est identique à celle de M. Richard concernant la mention « en tout ou partie ». Nous nous interrogeons également sur le fait que vous opposiez cet envoi écrit à la réitération de ces droits à l'oral. Le principe de réalité invite à ne pas opposer les deux.
M. François Pillet. - Sous réserve d'une éventuelle modification rédactionnelle, l'esprit de cet amendement est très positif.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La mention « en tout ou partie » a été ajoutée à la demande du Gouvernement, afin que les enquêteurs n'aient pas à indiquer systématiquement dans la convocation tout ce qui est reproché à la personne qu'ils convoquent. Cette position me semble justifiée, mais je m'en remettrai à votre sagesse.
M. Jean-Jacques Hyest. - Ce qui pose problème est le 1° de l'article 61-1, qui concerne les faits qui sont reprochés à la personne convoquée.
M. Alain Richard. - Il faudrait donc écrire « aux 2° à 6° ».
M. Jean-Jacques Hyest. - Je suis d'accord, et il faut enlever « en tout ou partie ».
M. Pierre-Yves Collombat. - Si on écarte l'essentiel, quelle sera l'utilité de ce dispositif ?
M. André Reichardt. - Exactement !
M. Pierre-Yves Collombat. - La formule alambiquée du Gouvernement est peut-être la meilleure.
Mme Hélène Lipietz. - La difficulté que soulève la formulation proposée par l'amendement concerne la personne qui décidera ce que l'on met dans la convocation. Il me semble que c'est une source importante de contentieux. La proposition de M. Hyest est protectrice des droits de la personne entendue. La mention de la raison pour laquelle la personne est convoquée peut ensuite attendre le moment où elle est entendue, d'autant que l'enquête peut avancer entretemps.
M. André Reichardt. - Les deux propositions me semblent un peu choquantes : elles visent à priver les personnes suspectées d'une partie des droits que la directive entend leur conférer.
M. Alain Richard. - En réalité, quelle que soit la rédaction retenue, lorsque l'enquêteur arrive à la conclusion qu'il doit notifier l'infraction reprochée, on change de nature d'audition et la personne entendue change de statut. La solution « aux 2° à 6° » paraît donc satisfaisante. Ensuite, au cours de l'entretien, à un moment charnière, l'enquêteur notifiera la nature de l'infraction reprochée et une autre audition commencera. La formulation proposée par Jean-Jacques Hyest correspond donc à la première partie de l'audition.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'alinéa que je propose d'ajouter est plus protecteur que la solution proposée par nos collègues. Il s'agit d'une audition de suspect, et non d'un témoin. C'est à la suite de la demande du Gouvernement que j'ai ajouté la mention « en tout ou partie ».
M. Jean-Pierre Sueur. - Je vais mettre aux voix l'amendement du rapporteur puis, le cas échéant, l'amendement assorti de la proposition de rectification de M. Hyest tendant à remplacer les références « 1° à 6 » par « 2° à 6° » et à supprimer les termes « en tout ou partie ».
L'amendement n° 31 rect., ainsi rectifié, est adopté.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n° 32 propose de prévoir qu'il ne peut pas y avoir d'audition libre lorsque la personne a été conduite par la force publique devant l'officier de police judiciaire.
L'amendement n° 32 est adopté.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n° 33 vise à préciser l'articulation entre l'audition libre et la garde à vue. Il ne paraît pas opportun d'interdire qu'une garde à vue puisse immédiatement succéder à une audition libre, au risque de multiplier le recours aux gardes à vue dès lors qu'il paraît nécessaire d'entendre une personne suspecte. Toutefois, dans ce cas, la chambre criminelle de la Cour de cassation considère de façon constante que la durée de l'audition commencée librement doit être imputée sur la durée de la garde à vue, ce que le présent amendement propose d'inscrire explicitement dans le code de procédure pénale.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il s'agit donc d'inscrire dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassation.
L'amendement n° 33 est adopté.
Mme Hélène Lipietz. - Mon amendement n° 2 est le premier d'une série d'amendements visant à remettre de l'ordre dans les droits reconnus à la personne suspectée. Le premier de ses droits est en effet celui de se taire. Il s'agit également de préciser la possibilité de faire des déclarations spontanées, qui doivent être distinguées des déclarations en réponse aux questions posées.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Concernant l'audition libre, la rédaction du projet de loi est le fruit d'un compromis, inverser l'ordre serait saugrenu.
M. Alain Richard. - Je suis d'accord avec le rapporteur concernant l'ordre des droits. S'agissant des « déclarations spontanées », je remarque que l'adjectif est superflu, comme bien souvent dans un texte juridique : le droit de faire des déclarations recouvre le droit de faire des déclarations spontanées !
M. Patrice Gélard. - Je souhaite formuler une remarque générale : nous prenons l'habitude en transposant les directives communautaires d'ajouter des dispositions sans rapport avec celles-ci, ce que d'ordinaire nous ne faisions pas à la commission des lois. Transposer une directive n'est pas réécrire le droit annexe !
Mme Hélène Lipietz. - Je retire mon amendement. Il s'agit en somme d'une question de rhétorique. Doit-on finir une phrase par l'important ou par le subsidiaire ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement rédactionnel n° 3 de Mme Lipietz, sous réserve qu'il soit rectifié. Il convient d'écrire : « pour laquelle elle est entendue ».
L'amendement rédactionnel n° 3, ainsi rectifié, est adopté.
Article additionnel après l'article 1er
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Mon amendement n° 34 satisfera beaucoup d'entre vous, puisqu'il consiste à permettre à la victime d'être entendue en présence d'un avocat, afin de combler le silence du projet de loi sur l'audition de la victime.
Pour éviter que l'amendement soit irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, j'ai prévu que les frais seront mis à la charge de la victime. Le Gouvernement, qui est favorable à cette disposition, devrait préciser en séance que la victime peut avoir recours à l'aide juridictionnelle.
L'amendement n° 34 est adopté.
Article 2
L'amendement de coordination n° 35 est adopté.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n° 42 est une précision, qui vise à mieux garantir le respect des droits de la personne gardée à vue.
L'amendement n° 42 est adopté.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n° 43 propose d'étendre à l'ensemble des personnes gardées à vue la possibilité de demander au procureur de la République ou au juge des libertés et de la détention, lorsque ce magistrat est saisi d'une demande de renouvellement de la garde à vue, qu'il y mette un terme.
L'amendement n° 43 est adopté.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n° 49 corrige un oubli de coordination.
L'amendement n° 49 est adopté.
Mme Hélène Lipietz. - Certaines personnes ne comprennent pas les termes de « qualification juridique » d'une infraction. Il conviendrait de préciser cette notion en expliquant à quoi elle renvoie, c'est l'objet de mon amendement n° 4.
Mme Virginie Klès. - C'est le rôle de l'avocat !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je suis défavorable à cet amendement qui propose d'informer la personne de la « nature » de l'infraction. Il serait préférable de parler des « faits reprochés », qui est une notion plus juridique. Cependant, on est dans le cadre de la garde à vue, c'est le rôle de l'avocat lorsqu'il est présent. Dans le cas où il n'y a pas d'avocat, l'officier de police judiciaire explique à la personne gardée à vue les faits qui lui sont reprochés, ne serait-ce que pour recevoir ses explications.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 5 est rédactionnel : il s'agit de répertorier les documents pouvant être consultés par la personne placée en garde à vue au sein de l'article 63-1 du code de procédure pénale, plutôt que d'opérer un renvoi à l'article 63-4-1 du même code.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je suis défavorable à cet amendement : il procède certes d'un effort louable de lisibilité, mais en cas de modification ultérieure de l'article 63-4-1, le législateur risque d'oublier d'opérer les coordinations nécessaires à l'article 63-1.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 6 est rédactionnel.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - La commission ayant adopté l'amendement n° 43 qui réécrit l'alinéa 8 de l'article 3, cet amendement tombe.
M. Alain Richard. - On pourrait toutefois l'intégrer comme un sous-amendement : la rédaction proposée est meilleure.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je vous propose d'en discuter lors de l'examen des amendements de séance.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 7 est un amendement rédactionnel, visant à préciser qu'en garde à vue, seul s'appliquera le dernier alinéa de l'article 803-6 du code de procédure pénale, qui prévoira la remise à une personne gardée à vue d'une déclaration écrite de ses droits.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Ce n'est pas un amendement rédactionnel. En garde à vue, c'est l'ensemble de l'article 803-6 du code de procédure pénale qui s'appliquera et non uniquement son dernier alinéa. J'émets un avis défavorable à cet amendement.
Les amendements nos 7 et 8 sont retirés.
Amendements portant article additionnel après l'article 3
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 1 a pour objet de permettre à l'avocat d'accéder à l'intégralité des pièces du dossier, dès la garde à vue. Si cet amendement n'était pas adopté, je vous propose un amendement n° 28, de repli.
L'amendement n° 1 vise à transposer fidèlement la directive 2012/13/UE du 22 mai 2012, en permettant à l'avocat d'avoir accès à l'intégralité du dossier dès la garde à vue, car actuellement, n'ayant accès qu'à quelques pièces, les avocats ne peuvent pas assurer une défense efficace de leur client. La présence de l'avocat pendant la garde à vue est une très bonne mesure, mais s'il ne peut pas aider efficacement son client, cette avancée est inutile.
Si vous estimez que l'amendement n° 1 est trop général, je vous propose d'adopter l'amendement n° 28, qui dispose que l'avocat a accès à toutes les pièces du dossier, sauf celles qui auraient été expressément écartées par le procureur de la République, afin d'éviter d'éventuelles « fuites ». L'amendement répertorie aussi les pièces devant être actuellement communiquées, en tout état de cause, à l'avocat.
J'ai bien conscience que cette disposition est en avance sur le calendrier du Gouvernement. Toutefois, comme l'illustre l'article 10 du projet de loi, nous sommes toujours en retard pour transposer les directives et, de ce fait, la France est sanctionnée. Il est donc essentiel de réfléchir en amont aux mesures de transposition des directives.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je suis défavorable aux amendements nos 1 et 28. Actuellement, l'article 63-4-1 du code de procédure pénale dispose qu'« à sa demande, l'avocat peut consulter le procès-verbal [...] constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical [...], ainsi que les procès-verbaux d'audition de la personne qui l'assiste [...] ».
Le présent projet de loi ne prévoit pas de modifier cette situation car la possibilité pour l'avocat d'accéder à l'intégralité du dossier pose plusieurs difficultés.
S'agissant tout d'abord de la nature de la garde à vue, j'ai eu l'occasion, dans un rapport co-signé avec Jean-René Lecerf, de souligner qu'il ne faut pas confondre phase policière et phase judiciaire de l'enquête. Ce point avait été également souligné par Robert Badinter lors d'un débat au Sénat le 9 février 2010.
Le projet de loi actuel fait le choix de maintenir le statu quo s'agissant des documents susceptibles d'être consultés par la personne ou par son avocat au cours de la garde à vue. Cette position est compatible avec la directive du 22 mai 2012. Elle l'est également avec l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme relatif au droit à un procès équitable, comme l'a jugé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 19 septembre 2012.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à ces deux amendements et j'observe d'ailleurs que la problématique de la consultation de l'ensemble du dossier par l'avocat d'une personne gardée à vue est actuellement étudiée par Monsieur Jacques Beaume et le groupe de travail qu'il anime sur l'amélioration de la procédure d'enquête pénale. Il vaut mieux attendre sa réponse sur ce sujet.
Les amendements nos 1 et 28 sont rejetés.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 29 a pour objet d'accorder aux avocats intervenant auprès des étrangers retenus les mêmes droits d'accès aux documents qu'aux avocats intervenant en garde à vue.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je suis défavorable à cet amendement car il est relatif aux droits des étrangers, ce qui n'est pas l'objet de ce texte. En outre, l'amendement n'est techniquement pas abouti car il modifie le code de procédure pénale et non le CESEDA.
M. Jean-Jacques Hyest. - Quand on retient un étranger, c'est pour vérifier son droit de circulation et de séjour sur le territoire français, ce qui n'a rien à voir avec une enquête judiciaire !
L'amendement n° 29 est rejeté.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n° 44 est rédactionnel, sur plusieurs points. On doit parler d'« infraction reprochée », par exemple, et non d'« accusation », qui en droit français renvoie à la seule procédure criminelle. Les autres modifications rédactionnelles visent à substituer à des anglicismes des notions et termes utilisés en droit pénal français.
L'amendement n° 44 est adopté.
L'amendement rédactionnel n° 9 est adopté.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 10 a pour objet d'expliquer aux gardés à vue les conditions d'exercice des droits qui leur ont été notifiés, ce qui conduirait par exemple à leur expliquer que les frais d'avocat peuvent être pris en charge dans certaines conditions.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je suis défavorable à cet amendement : il s'insère mal à la fin du deuxième alinéa de l'article 4 et il est en outre satisfait par les dispositions de cet article.
L'amendement n° 10 est retiré.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 11 a pour objet d'énumérer les droits des personnes gardées à vue d'une manière plus cohérente.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je m'en remets à la sagesse de la commission.
L'amendement n° 11 est adopté.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 12 vise à lever une ambiguïté en distinguant la possibilité pour une personne gardée à vue de prévenir un tiers de la possibilité pour un étranger de prévenir son consulat, car la disposition, telle qu'elle est rédigée, donne l'impression que seul l'étranger peut informer un tiers qu'il a été placé en garde à vue.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je suis favorable à cet amendement sous réserve de la rectification consistant à remplacer les deux alinéas proposés par un alinéa unique rédigé ainsi : « - le droit qu'au moins un tiers ainsi que, le cas échéant, les autorités consulaires du pays dont elle est la ressortissante soient informés de la mesure privative de liberté dont elle fait l'objet ; ».
Mme Hélène Lipietz. - J'accepte cette rectification.
L'amendement n° 12, ainsi rectifié, est adopté.
L'amendement rédactionnel n° 13 est adopté.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 14 est rédactionnel.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Cet amendement n'est pas rédactionnel : il n'a pas lieu de notifier le droit à conserver la déclaration écrite des droits. Je m'oppose donc à cet amendement.
Mme Hélène Lipietz. - Je ne comprends pas : l'expression « être autorisé » n'équivaut-elle pas à reconnaitre un droit ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Il faut distinguer le fait d'autoriser la personne à conserver le document et le fait de l'inscrire sur la déclaration écrite : ce n'est pas la même chose.
Mme Hélène Lipietz. - Si ce n'est pas un droit, j'estime qu'il faut le créer. Je maintiens donc cet amendement.
L'amendement n° 14 est rejeté.
Mme Hélène Lipietz. - L'amendement n° 15 prévoit qu'une notification orale des droits est faite aux personnes ne sachant pas lire.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Je suis défavorable à cet amendement qui va plus loin que ce qu'impose la directive : la directive ne prévoit ce droit que pour les personnes ne comprenant pas le français et à qui il n'est pas possible de délivrer une déclaration écrite des droits dans la bonne langue.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Madame Lipietz, maintenez-vous cet amendement ?
Mme Hélène Lipietz. - Tout à fait ! Car c'est une occasion d'aller plus loin que ce qu'impose la directive, à peu de frais, alors que les problèmes d'analphabétisme touchent beaucoup de personnes.
M. Christian Cointat. - La compréhension par la personne de ses droits doit être de mise ici. Dans la mesure où l'on s'assure que quelqu'un qui ne comprend pas la langue française est effectivement informé de ses droits, il me semble frappé du coin du bon sens de prévoir une notification orale de leurs droits aux personnes ne sachant pas lire.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Cette disposition figure déjà dans toutes les dispositions particulières du code de procédure pénale : l'article 4 ne traite ici que de la déclaration écrite des droits.
L'amendement n° 15 est rejeté.
L'amendement rédactionnel n° 16 est adopté.
L'amendement n° 17 est rejeté.
Article 5
L'amendement n° 36 est adopté, ainsi que les amendements nos 37, 38 et 47.
L'amendement n° 18 est retiré.
L'amendement n° 19 est adopté.
L'amendement n° 20 est retiré.
L'amendement n° 39 est adopté, ainsi que l'amendement n° 40.
L'amendement n° 21 est retiré.
L'amendement n° 22 est adopté.
Mme Hélène Lipietz. - Mon amendement n° 23 est un amendement de cohérence. L'alinéa 6 prévoit que « ... les parties ou leur avocat peuvent, avant toute défense au fond ou à tout moment au cours des débats, demander par conclusions écrites, qu'il soit procédé à tout acte qu'ils estiment nécessaires à la manifestation de la vérité », l'alinéa 7 que les « conclusions peuvent être adressées avant le début de l'audience, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par remise au greffe contre récépissé ». Je propose de fusionner ces deux alinéas.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - Avis défavorable. Les demandes faites avant l'audience ne peuvent pas être faites par tout moyen.
L'amendement n° 23 est retiré, ainsi que l'amendement n° 24.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'article 279 du code de procédure pénale permet aux accusés et aux parties civiles d'obtenir copie gratuite de certaines pièces du dossier : procès-verbaux constatant l'infraction, déclarations écrites des témoins et rapport d'expertise. Parallèlement, l'article 280 prévoit que les parties peuvent obtenir toutes les autres pièces de la procédure à leurs frais.
Or cette distinction est depuis longtemps devenue obsolète car il est plus simple pour les greffes d'envoyer la reproduction de l'entier dossier, par exemple sous forme d'un cédérom.
L'amendement n° 41 simplifie par conséquent le droit en vigueur en instaurant un seul article qui dispose que les parties peuvent obtenir copie de toutes les pièces du dossier.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - C'est un amendement de modernité !
Article additionnel après l'article 6
L'amendement n°41 du rapporteur est adopté.
Article 7
Les amendements de cohérence nos 45 et 46 du rapporteur sont adoptés.
L'amendement n° 25 est retiré.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - L'amendement n° 26 tombe car il est incompatible avec l'amendement n° 46 précédemment adopté.
L'amendement n° 26 tombe.
Article 9
L'amendement rédactionnel n° 50 est adopté, ainsi que l'amendement de coordination n° 48.
Mme Hélène Lipietz. - Cet amendement n° 27 supprime l'introduction dans une loi de procédure pénale de modifications concernant le droit d'asile, pis encore sous forme d'habilitation législative.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - C'est une question très compliquée. En l'état, je vous propose d'accepter l'article 10, sous réserve que le Gouvernement dépose d'ici lundi prochain un amendement substituant à l'habilitation demandée les modifications de la loi nécessaires à l'application du règlement européen. Si ce n'est pas le cas, je vous proposerai alors d'adopter un amendement de suppression de l'article 10.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - La commission des lois a une sensibilité particulière sur les habilitations législatives. Je crains que nos amis de l'Assemblée nationale n'aient pas la même position. C'est ce qui s'est passé pour le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures par lequel le Gouvernement a demandé à être habilité pour réformer par ordonnance le droit des obligations.
En ce qui concerne l'amendement n° 27, l'objet du texte est protecteur pour les demandeurs du droit d'asile. J'insiste donc sur le fait que premièrement, nous avons cent fois raison de dire que l'article 10 n'a pas de lien direct avec le texte ; deuxièmement, que l'objectif poursuivi par ce même article est protecteur des demandeurs d'asile ; troisièmement, que le texte de l'ordonnance doit engager le Gouvernement dans son ensemble.
Je vous propose donc de dire que nous demandons explicitement un texte d'ici la séance publique. Je demanderai au rapporteur de proposer préventivement à la commission un amendement de suppression de l'article 10. Il sera retiré en cas de dépôt du texte gouvernemental.
M. André Reichardt. - Pourquoi travailler ainsi dans l'urgence ? Pourquoi ne pas attendre un projet de loi ?
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je crois qu'il y a un problème de délai de transposition.
M. François Zocchetto. - Je suis prêt à suivre la position du rapporteur mais de quel type de texte parlons-nous ? Trois pages d'amendement ou cent pages ? Ce texte résultera-t-il d'un amendement du rapporteur ou du Gouvernement ?
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous demandons que ce soit un amendement du Gouvernement qui se substitue à l'habilitation législative de l'article 10 pour avoir un texte « en dur ».
M. François Zocchetto. - Mais alors cette position est contradictoire puisque aujourd'hui nous allons adopter l'article 10 tel qu'il est rédigé dans le projet de loi. Il serait plus logique de commencer par supprimer cet article 10 -ce n'est pas une déclaration de guerre- en attendant le texte du Gouvernement.
M. Hugues Portelli. - Oui. Le mieux est que l'on vote sur l'amendement n° 27.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. - J'ai entendu les observations de M. François Zocchetto. En l'état je vous propose d'accepter l'amendement de notre collègue Hélène Lipietz.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - C'est un appel suspensif !
L'amendement n° 27 est adopté et l'article 10 est supprimé.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - C'est une position unanime de la commission.
L'ensemble du projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Renforcer la lutte contre la contrefaçon - Examen, en deuxième lecture, du rapport et du texte de la commission
Enfin, la commission examine, en deuxième lecture, le rapport de M. Michel Delebarre et le texte proposé par la commission pour la proposition de loi n° 335 (2013-2014), modifiée par l'Assemblée nationale en première lecture, tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.
M. Michel Delebarre, rapporteur. - Nous sommes saisis en deuxième lecture de la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon. La conférence des présidents de ce soir devrait inscrire ce texte à l'ordre du jour du Sénat mercredi 26 février au soir. En effet, bien que la procédure accélérée ait été engagée, le Gouvernement n'a pas demandé la réunion d'une commission mixte paritaire.
Je vous indique tout de suite que je vous proposerai un vote conforme pour cette deuxième lecture. Les échanges approfondis que j'ai pu mener avec mon homologue de l'Assemblée nationale, Jean-Michel Clément, très ouvert à la discussion, et avec le Gouvernement, ont permis d'aboutir à l'issue des travaux de l'Assemblée nationale en séance, le 4 février dernier, à un texte tout à fait proche des préoccupations du Sénat et ne remettant en cause aucune de ses positions. Je ne peux que m'en féliciter.
Honnêtement, ce texte me semble satisfaisant en l'état. D'ailleurs, aucun amendement n'a été déposé pour la réunion de ce matin et je n'envisage pas de vous en soumettre pour la séance publique...
Je vous rappelle que ce texte tire son origine d'une proposition de loi déposée par notre collègue Richard Yung le 30 septembre 2013, elle-même reprenant pour l'essentiel le texte de la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon déposée par notre ancien collègue Laurent Béteille, tel que notre commission l'avait adopté le 12 juillet 2011, sans que ce texte puisse être inscrit à l'ordre du jour du Sénat.
Avant de présenter les modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale, permettez-moi de faire le point sur la question des « semences de ferme ». Comme lors des débats en séance au Sénat, cette question a quelque peu détourné les débats de l'Assemblée nationale de l'objet même du texte, qui consiste à renforcer les moyens de la lutte contre le phénomène de la contrefaçon, en harmonisant et en améliorant les procédures existantes, dans le respect du cadre fixé par le droit communautaire.
Je rappelle qu'en aucun cas ce texte ne modifie le fond du droit applicable aux obtentions végétales et à la dérogation prévue pour les semences de ferme. Je rappelle également que le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, adopté par l'Assemblée nationale le 14 janvier, doit être examiné en avril par le Sénat : c'est le texte idéal pour ceux qui souhaitent avoir un débat sur les semences de ferme.
Cependant, afin de répondre aux inquiétudes - infondées je le répète - qui ont su s'exprimer quant aux conséquences de ce texte sur la possibilité pour les exploitants agricoles de recourir aux semences de ferme, l'Assemblée nationale a accepté, avec l'accord du Gouvernement, deux amendements précisant que les semences de ferme ne constituent pas des contrefaçons et ne peuvent pas faire l'objet de la procédure de retenue douanière et de destruction simplifiée. Ces amendements ne remettent heureusement pas en cause la logique du texte.
J'en reviens à présent à l'objet réel du texte, c'est-à-dire les moyens de la lutte contre la contrefaçon.
Sur 21 articles en navette, 8 articles ont été adoptés conformes par l'Assemblée nationale. Il s'agit des articles 9, 10, 14, 15, 16, 16 bis, 17 et 18.
Je rappelle que l'article 16 bis a été introduit par notre commission, en vue d'instaurer une obligation de formation continue pour la profession de conseil en propriété industrielle.
S'agissant plus particulièrement de l'article 16, qui vise à aligner sur le délai de droit commun de cinq ans les délais de prescription en matière civile figurant dans le code de la propriété intellectuelle, conformément à la réforme initiée par notre commission à l'initiative de Jean-Jacques Hyest, il a en revanche fait l'objet d'importantes discussions.
En effet, dans un premier temps, sur la proposition de son rapporteur, la commission des lois de l'Assemblée nationale avait approuvé le relèvement de trois ans à cinq ans du délai de prescription de l'action civile en matière de contrefaçon, mais elle avait souhaité maintenir à dix ans le délai de prescription de l'action en paiement des sommes recouvrées par les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur lorsque ces sommes n'ont pas pu être versées à un ayant-droit, considérant qu'il s'agissait d'une action en paiement et que la réduction à cinq ans serait moins favorable aux ayants-droits.
Une telle modification remettait évidemment en cause la position défendue par notre commission, attachée à l'alignement sur le délai de droit commun de cinq ans selon une logique d'harmonisation des délais de prescription. Ainsi modifié, cet article constituait la principale divergence entre nos deux assemblées.
Cependant, après discussion, à l'initiative du Gouvernement et avec l'accord du rapporteur de l'Assemblée nationale, l'article 16 a été rétabli en séance publique dans sa rédaction adoptée par le Sénat, de sorte que l'article a été voté conforme.
D'autres articles ont fait l'objet de modifications notables, mais sans dénaturer la portée du texte voté par le Sénat en première lecture.
À l'article 2, destiné à améliorer les dédommagements civils en cas de contrefaçon, l'Assemblée nationale a modifié les modalités de l'indemnisation forfaitaire et apporté des précisions rédactionnelles, sans remettre en cause la position du Sénat visant à écarter tout risque de dommages et intérêts punitifs.
À l'article 5, concernant les conséquences de l'absence d'action civile ou pénale de la part du saisissant à la suite d'une saisie-contrefaçon, l'Assemblée nationale a préféré s'en tenir à l'état actuel du droit en matière de propriété industrielle, c'est-à-dire l'annulation de l'ensemble des opérations de saisie-contrefaçon, saisie réelle comme saisie descriptive, plutôt que de suivre la voie intermédiaire adoptée par le Sénat d'une mainlevée de la seule saisie réelle, permettant à la saisie descriptive de demeurer valable dans la perspective d'une éventuelle action ultérieure devant la justice. Suivant la logique d'harmonisation du texte, l'Assemblée nationale a cependant aligné la procédure prévue en matière de propriété littéraire et artistique, douteuse d'ailleurs d'un point de vue constitutionnel, sur celle prévue en matière de propriété industrielle.
Il s'agit d'une question de conciliation entre les droits de la défense, dans le cadre d'une procédure quelque peu exorbitante, et l'efficacité de l'action des personnes victimes de contrefaçon. La solution adoptée par le Sénat faisait l'objet d'appréciations partagées chez les professionnels concernés, tandis que la solution de l'Assemblée nationale a au moins le mérite de s'en tenir au droit en vigueur...
L'article 13, vous vous en souvenez peut-être, instaure une obligation de transmission aux douanes des données relatives aux colis transportés par les prestataires de services postaux et les entreprises de fret express, à des fins de contrôle par la mise en place de traitements automatisés de ces données. Ce dispositif est très contesté par les entreprises concernées.
L'Assemblée nationale a poursuivi la démarche d'encadrement du dispositif engagé par le Sénat sur ma proposition, au nom du principe de proportionnalité et de l'exigence de protection des données personnelles. En particulier, la collecte des données relatives aux personnes concernées par les colis a été supprimée, ce qui constitue une garantie importante pour la protection de la vie privée. En outre, le dispositif est expressément soumis aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Le délai de conservation des données est fixé à deux ans par la loi.
S'agissant de l'exclusion des envois domestiques de ce dispositif, c'est-à-dire envoyés en France à destination de la France, exclusion votée par le Sénat pour assurer une meilleure proportionnalité du dispositif, l'Assemblée nationale a estimé qu'elle posait une difficulté au regard du principe de non-discrimination et du principe de libre circulation des marchandises dans l'Union européenne.
Seuls seraient exclus du dispositif les envois en provenance ou à destination des États extérieurs à l'Union européenne, car ils sont déjà couverts par une obligation européenne similaire de transmission de données.
Enfin, concernant l'article 20, relatif à l'application du texte dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, les échanges avec le rapporteur de l'Assemblée nationale ont permis de parvenir à une rédaction conforme aux textes organiques fixant les statuts des collectivités ultramarines concernées et à la répartition des compétences entre l'État et ces collectivités.
Dans ces conditions, dès lors que les positions prises par le Sénat en première lecture n'ont pas été remises en cause par l'Assemblée nationale, qui a partagé les finalités comme les modalités de ce texte, je vous propose d'adopter cette proposition de loi sans modification et de proposer au Sénat un vote conforme la semaine prochaine.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Au-delà du débat sur les semences de ferme qui a beaucoup agité nos deux assemblées, je tiens à vous rappeler que ce texte a des effets sur des dizaines de milliers d'emplois. Aussi je vous invite à suivre la proposition du rapporteur afin que ce texte devienne applicable le plus rapidement possible.
M. Jean-Jacques Hyest. - Notre commission s'est penchée sur le sujet de la contrefaçon, et tout particulièrement sur la question de l'indemnisation, qui était insuffisante, depuis de nombreuses années avec la mission de MM. Béteille et Yung qui a abouti à la proposition de loi que nous examinons. Je me félicite que l'Assemblée nationale nous ait finalement rejoint sur l'article 16 relatif aux délais de prescription, car il aurait été dommage de jeter à bas le travail d'harmonisation que nous avons réalisé par le passé. On pourrait probablement peaufiner encore ce texte mais l'important est qu'il entre rapidement en vigueur. Nous rejoignons donc la position du rapporteur.
La commission adopte la proposition de loi sans modification.
La réunion est levée à 11 h 40.