Mardi 3 décembre 2013
- Présidence de M. Simon Sutour, président -Élargissement - La Serbie et l'Union européenne : rapport d'information de M. Simon Sutour, Mlle Sophie Joissains et M. Michel Billout
M. Simon Sutour, président. - Comme vous le savez, le Conseil européen des 27 et 28 juin 2013 a décidé d'ouvrir les négociations d'adhésion à l'Union européenne avec la Serbie, qui dispose du statut de candidat depuis mars 2012. Les conclusions du Conseil ne précisent pas pour autant la date à laquelle seront ouvertes ces négociations. À l'initiative de notre commission, le Sénat a adopté le 16 octobre dernier une résolution européenne demandant au Gouvernement d'agir auprès de ses homologues afin que la conférence intergouvernementale destinée à ouvrir ces négociations d'adhésion se tienne le plus rapidement possible.
C'est dans ce contexte que nous nous sommes rendus, Sophie Joissains, Michel Billout et moi-même, à Belgrade, du 4 au 6 novembre derniers.
Le rapprochement entre l'Union européenne et la Serbie a longtemps été tributaire du contexte régional. La coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et le règlement du conflit gelé au Kosovo ont longtemps pesé sur les relations entre Belgrade et Bruxelles. L'absence de résultats tangibles avec le TPIY a longtemps différé la ratification de l'Accord de stabilisation et d'association, l'ASA, signé en 2008, et l'examen de la candidature à l'adhésion déposée fin 2009. L'ASA n'est ainsi entré en vigueur que le 1er septembre dernier.
La Serbie a obtenu le statut de pays candidat à l'Union
européenne en mars 2012. La position serbe en faveur d'une
adhésion à l'Union européenne s'est définitivement
- et paradoxalement - concrétisée depuis
l'arrivée au pouvoir d'une coalition comprenant des partis nationalistes
en mai 2012. Compte tenu de leurs histoires respectives, ces formations
étaient peut-être les seules à pouvoir faire accepter un
désengagement progressif de la Serbie au Kosovo. Le dialogue technique
avec le Kosovo, entamé par la précédente coalition, a
ainsi pris une nouvelle dimension avec la signature, sous l'égide de
l'Union européenne, d'un accord à Bruxelles, le 19 avril
2013, qui ouvre un processus de normalisation des relations entre les deux
pays.
Sur un plan plus technique, un plan national de reprise de l'acquis communautaire étalé de 2013 à 2016 a été adopté par le gouvernement le 28 février 2013. Des stratégies nationales en faveur du renforcement de l'État de droit et de la lutte contre la corruption ont par ailleurs été adoptées et saluées par la Commission européenne. L'ouverture des négociations d'adhésion était donc logique. Le gouvernement serbe espère désormais un processus d'adhésion relativement court, entre quatre à cinq ans, pouvant aboutir à une adhésion à l'horizon 2020. Pourtant, comme je vous l'indiquais dans mon propos liminaire, la date d'ouverture effective des négociations n'a pas été fixée, les conclusions indiquant qu'elle devrait avoir lieu au plus tard en janvier 2014.
Il convient, au préalable, que le Conseil adopte un cadre de négociation. La proposition de cadre de négociation présentée par la Commission le 22 juillet dernier insiste sur deux points : les chapitres 23 (pouvoir judiciaire et droits fondamentaux) et 24 (justice, liberté, sécurité) d'un côté, et bien sûr le Kosovo de l'autre. La priorité accordée aux questions ayant trait à l'État de droit rejoint la nouvelle approche des négociations d'adhésion validée en décembre 2011 par le Conseil et déjà mise en oeuvre pour le Monténégro.
La question du Kosovo est, quant à elle, plus épineuse, faute d'unanimité au sein de l'Union européenne sur son statut. Le traitement réservé à cette question sera identique à celui des chapitres 23 et 24. Ainsi, tout retard enregistré dans ce dossier entraînera la suspension des négociations dans d'autres domaines. Il semble cependant délicat de demander à la Serbie d'avancer une position précise et consignée par écrit sur l'évolution de ses relations avec le Kosovo, compte tenu de la sensibilité politique, historique et culturelle du dossier dans le pays et de son refus réitéré de reconnaître officiellement l'indépendance de son ancienne province. Le pragmatisme qui a présidé à la conclusion de l'accord de Bruxelles du 19 avril devra, à cet égard, être respecté dans l'intérêt de toutes les parties.
Certains États - l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Finlande et les Pays-Bas - souhaitent néanmoins que cet accord devienne désormais juridiquement contraignant. L'ambition affichée notamment par le Royaume-Uni est de parvenir à la signature d'un accord semblable à celui du traité fondamental entre les deux Allemagnes de 1972. La pleine normalisation des relations et le caractère contraignant de l'accord de Bruxelles doivent donc ainsi figurer, à leurs yeux, parmi les critères de clôture du chapitre consacré au Kosovo, le chapitre 35.
Il est regrettable que ces pays considèrent avec défiance la Serbie au travers d'un prisme hérité de la guerre. Je rappelle, à toutes fins utiles, que celle-ci a éclaté au début des années quatre-vingt-dix, soit il y a plus de vingt ans. Le personnel politique serbe a depuis changé et la rhétorique nationaliste semble désormais confinée à des formations politiques minoritaires sur la scène politique locale. Faire de la normalisation des relations avec le Kosovo l'élément déterminant des négociations d'adhésion paraît de fait exagéré. Cette vision mésestime les efforts déjà accomplis par les formations politiques au pouvoir à Belgrade et introduit une forme de surenchère permanente, difficilement acceptable par l'opinion publique serbe et susceptible de fragiliser la position du gouvernement. Il existe dans le pays une réelle envie d'Europe qu'il convient avant tout d'encourager. Le pragmatisme observé au sein du gouvernement serbe doit être respecté.
Ce cadre de négociations devrait être adopté lors du Conseil européen des 19 et 20 décembre prochains. L'Allemagne comme le Royaume-Uni attendent, en tout état de cause, un nouveau rapport de la Commission sur l'application de l'accord du 19 avril avant de se prononcer sur l'ouverture des négociations. Dans ce contexte délicat, tout conduit à penser que l'ouverture des négociations ne sera pas effective avant le mois de janvier 2014.
La priorité pour le gouvernement serbe semble désormais de s'atteler aux réformes structurelles, juridiques et économiques induites par la perspective d'adhésion. Le remaniement du gouvernement intervenu début septembre 2013 s'inscrit dans cette logique. L'ambition affichée était également de mettre en avant des experts dans leur domaine, plus jeunes, avec pour objectif de s'atteler désormais à la convergence réglementaire avec l'Union européenne. La coalition gouvernementale ne semble pas, pour l'heure, fragilisée par les positions historiques qu'elle a adoptées sur la question du Kosovo ou par les sacrifices qu'impliquent les réformes structurelles annoncées. Celles-ci semblent susciter une réelle adhésion populaire selon les enquêtes d'opinion.
Comme l'a souligné le rapport de progrès de la Commission européenne, la stratégie de réforme judiciaire 2014-2018 adoptée par le gouvernement doit désormais être effectivement mise en oeuvre afin de garantir véritablement l'indépendance de la justice. Les juges demeurent en effet encore nommés par le Parlement serbe. La lutte contre la corruption doit également être intensifiée, sans interférence politique. L'augmentation du nombre d'enquêtes ne saurait occulter la crainte d'une justice sélective et partiale - 57 membres de l'opposition sont ainsi poursuivis dans des affaires de corruption depuis le changement du gouvernement - qui s'appuie sur des campagnes de presse bien orchestrées. Certains observateurs relèvent ainsi la faible indépendance des organes de lutte anti-corruption.
La Commission pointe également l'absence de réforme de l'administration publique, soulignant qu'aucune stratégie globale n'avait réellement été mise en oeuvre. Le système de recrutement et l'absence de grille des salaires transparente sont notamment mis en exergue. Le gouvernement semble pour l'heure privilégier deux axes de travail tenant plus au poids du secteur public dans l'économie locale : la réduction de ses effectifs, plus de 700 000 agents étant pour l'heure rémunérés par l'État, et une dépolitisation de l'ensemble du secteur.
La lutte contre les discriminations, notamment celles qui concernent les Roms et les LGBTI, fait également partie des priorités de travail aux yeux de la Commission européenne. Certains progrès ont néanmoins été accomplis depuis des années en vue d'intégrer les autres minorités ethniques - 15 % de la population serbe -, même si la situation varie d'une région à l'autre de la Serbie. Les autorités ont ainsi mis en place des Conseils nationaux, représentant chacun des minorités reconnues sur le territoire serbe. 19 minorités et la communauté juive de Belgrade disposent ainsi d'organes représentatifs. Financés sur le budget de l'État, ils disposent de compétences en matière d'éducation et de culture.
L'ouverture des négociations d'adhésion devrait, quoiqu'il en soit, intervenir dans un contexte économique délicat. Pays le plus peuplé issu de l'ancienne Yougoslavie, les revenus y sont quatre fois moins élevés qu'en Slovénie et deux fois moins élevés qu'en Croatie. L'outil productif dont dispose la Serbie est, de son côté, vieillissant, le pays payant encore le prix des guerres de sécession qui ont déchiré la région : l'activité industrielle en 2013 atteint à peine 65 % du niveau qu'elle avait en 1989. Toute relance économique repose de fait sur la capacité du pays à attirer des investisseurs. L'ajustement budgétaire fait également figure de priorité pour les autorités alors que le déficit public s'établissait à 6,7 % fin 2012.
Il me semble - et je crois traduire aussi le sentiment de mes collègues - que les États membres de l'Union européenne doivent désormais engager une véritable dialectique de la confiance envers la Serbie. Sans mésestimer les réformes restant à accomplir, il convient de ne pas relativiser les avancées assumées par le gouvernement serbe, parfois à rebours de sa tradition politique. Des changements considérables se sont produits. Il est indispensable de les saluer et surtout de les appuyer. Toute action inverse conduirait à retarder une nouvelle fois le rapprochement légitime entre ce pays et l'Union européenne, et contribuer à l'étiolement du sentiment européen en Serbie. L'Europe en général et les Balkans occidentaux en particulier n'auraient rien à gagner à un tel recul.
Nous n'avons pas jugé qu'une nouvelle résolution du Sénat serait utile, après celle qui été adoptée le 16 octobre et qui a été saluée par nos interlocuteurs serbes.
Pour conclure, je dirais que l'Union doit s'attacher d'abord à encourager les progrès. Quand des efforts manquent, il faut le dire ; mais quand les efforts sont là, il ne faut pas formuler des exigences prématurées.
Mlle Sophie Joissains. - J'ai peu à ajouter. Nous avons senti une réelle volonté d'adhérer à l'Union, une forte motivation, alors même que l'adhésion demandera des évolutions très profondes, notamment pour ce qui concerne l'énorme secteur public. La réforme judiciaire est un point essentiel. Nous avons vu le cas de magistrats démis dans des conditions anormales, qui ont dû attendre un an pour que leur réintégration soit acceptée. Mais je conviens que notre but doit être d'aider à aller dans le bon sens, non d'utiliser les insuffisances pour retarder les négociations.
M. Michel Billout. - J'ai été frappé qu'aucune force politique ne soit opposée à l'adhésion. On ne voit pas de différence entre majorité et opposition. La position prise par le Sénat a été appréciée. La Serbie reste un grand pays des Balkans, zone qui reste encore à stabiliser comme le montre l'ampleur de la mission de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine. Je m'étonne de voir que l'Allemagne semble plus favorable à l'adhésion du Monténégro qu'à celle de la Serbie.
M. Roland Ries. - La Serbie est un pays foncièrement européen : c'est l'Histoire qui explique qu'elle ne soit pas aujourd'hui membre de l'Union. Il faut prendre la juste mesure des obstacles à l'adhésion. Sur le Kosovo, des progrès ont été faits, et la volonté de trouver un compromis est indéniable même si la situation n'est pas mûre pour une reconnaissance. Le problème n'est pas insoluble, car la volonté d'adhérer à l'Union sera la plus forte. Sur la situation économique, il faut admettre qu'il y a beaucoup à faire pour obtenir un redémarrage. C'est une raison pour ouvrir les négociations le plus tôt possible, de façon à encourager les investissements en donnant une perspective. Les négociations aideront aussi à progresser en matière de justice et d'affaires intérieures.
Le poids de l'Histoire reste fort. La première Guerre mondiale est née dans les Balkans, et à la fin de l'ère Tito, on a vu ressurgir des antagonismes nationaux qui avaient été en quelque sorte gelés. L'adhésion à l'Union est la chance de sortir de ces antagonismes. Notre rôle doit être de la faciliter.
M. Simon Sutour, président. - Les élections municipales se sont bien passées au Kosovo dans la partie située au sud de l'Ibar, mais plutôt mal dans la zone serbe située dans la partie nord du Kosovo, bien que la Serbie ait tout fait pour faciliter les opérations. La situation reste fragile. Ce serait une erreur de freiner l'engagement des négociations, alors qu'il faut au contraire créer un climat de confiance.
M. Roland Ries - La Serbie a incité à participer aux élections municipales, alors qu'auparavant elle prônait le boycott. Cela montre que des évolutions et des compromis pragmatiques sont possibles.
M. Bernard Piras - Je souscris à cette idée et je crois que la France peut jouer un rôle très positif. Les Serbes conservent un attachement pour notre pays.
M. Éric Bocquet - L'évolution a-t-elle un effet d'entraînement sur l'ensemble de la zone ?
M. Simon Sutour, président. - Il y a une dynamique européenne. Quand nous avions rencontré le président croate, il avait soutenu la perspective d'adhésion de la Serbie. Cependant, il faut distinguer entre d'un côté la Slovénie, la Croatie, la Serbie, qui sont des États solidement constitués, et les autres États de la région, plus fragiles.
L'autorisation de publier le rapport d'information est accordée à l'unanimité.
Économie, finances et fiscalité -Déclaration normalisée de la TVA : Proposition de résolution portant avis motivé de M. Yannick Botrel
M. Simon Sutour, président. - Je donne la parole à notre collègue Yannick Botrel, qui est également membre de la commission des finances, et qui va nous expliquer pourquoi le projet de directive portant sur la création d'une déclaration normalisée européenne de TVA ne respecte pas pleinement, en l'état, le principe de subsidiarité
M. Yannick Botrel. - Mes chers collègues, vous avez bien voulu me charger de vérifier si la proposition de directive créant une déclaration de TVA normalisée pouvait contrevenir au principe de subsidiarité.
La TVA, impôt de conception française - dû à l'imagination d'un haut fonctionnaire de la DGI - institué en 1954 puis importé sans droit ni taxe un peu partout dans le monde, fait partie aujourd'hui de l'acquis communautaire. Chacun sait que c'est une taxe perçue sur le prix de vente des biens et des services qui est payée par le consommateur final puisque le principe de la TVA veut que les entreprises collectent la TVA lorsqu'elles vendent des produits et des services et qu'elles déduisent ensuite la TVA qu'elles ont elles-mêmes payée lorsqu'elles ont acheté des biens et des services à d'autres entreprises et enfin reversent le solde à l'État. Ce principe simple devient complexe dès que les échanges se multiplient entre entreprises de pays différents.
En matière de fiscalité au sein de l'Union européenne, deux principes antithétiques s'affrontent. En vue d'assurer l'établissement d'un marché intérieur unique au sein de l'Union européenne, les États membres s'efforcent, sans hâte, depuis des années, d'harmoniser leurs législations fiscales. Mais la fiscalité reste un symbole de souveraineté qui relève essentiellement de la compétence des États membres et l'unanimité est la règle, chaque État disposant donc d'un droit de veto.
Pour la TVA, une assiette commune a été trouvée, mais les taux ne sont pas harmonisés mais seulement encadrés, pas plus que les formalités pratiques pour la perception de la TVA.
C'est pourquoi, la Commission européenne a proposé le 23 octobre 2013 l'introduction d'une déclaration de TVA normalisée qui permettrait de diminuer les coûts pour les entreprises de l'UE d'un montant pouvant aller, selon elle, jusqu'à 15 milliards d'euros par an.
Toujours selon la Commission, l'objectif est de réduire les formalités administratives à accomplir par les entreprises, de faciliter le respect des obligations fiscales et de rendre plus efficace le travail des administrations fiscales dans l'UE. La déclaration de TVA normalisée se propose de remplacer les déclarations nationales et de garantir que toutes les entreprises de l'UE fournissent les mêmes informations de base dans les mêmes délais.
En effet, le principe même de la TVA exige des entreprises qu'elles remplissent des déclarations de TVA périodiques contenant les informations nécessaires pour le paiement et le contrôle de la TVA, ce qui peut se révéler particulièrement complexe quand ces déclarations sont déposées dans plusieurs États membres. Cette complexité provient du niveau d'exigence de chaque administration fiscale nationale, des différentes informations à fournir, de la non harmonisation des définitions, du manque d'orientations communes appropriées et des divergences des règles et procédures de dépôt. Tous ces facteurs entraînent une augmentation de la charge du travail administratif et non productif pesant sur les entreprises ; ils nuisent à la précision des déclarations de TVA, au respect des délais et ils finissent par entraver les échanges transfrontaliers.
Partant de ces constatations, la Commission veut imposer une déclaration de TVA normalisée. Cette déclaration normalisée qui serait obligatoire pour tous les États membres et pour toutes les entreprises prévoit une liste d'informations avec un nombre restreint d'éléments. La Commission fonde sa proposition sur l'article 113 du TFUE dans la mesure où une harmonisation est nécessaire pour assurer le fonctionnement du marché intérieur et éviter les distorsions de concurrence.
La proposition de directive se fixe plusieurs objectifs dont voici les cinq principaux :
1) permettre à toutes les entreprises de fournir des informations normalisées à chaque État dans un format commun afin que les données de la déclaration de TVA soient identiques pour l'ensemble des États membres, soit 26 champs d'informations dont seuls 5 seraient obligatoires, les États membres pouvant dispenser leurs entreprises des 21 autres ; dans certains cas particuliers très précis, les États membres pourront exiger des informations allant au-delà de ces 26 champs d'informations normalisées.
2) la périodicité des déclarations sera uniformisée et le paiement de la TVA interviendra à l'échéance de dépôt de la déclaration de TVA, ce qui signifie que le paiement par acompte serait supprimé ;
3) les délais de dépôt seront harmonisés : la date limite de dépôt ne pourra pas excéder deux mois à compter de la fin de chaque période imposable ;
4) les procédures de correction des déclarations de TVA seront identiques ;
5) une norme commune de transmission électronique des déclarations de TVA sera mise en oeuvre au niveau communautaire.
Il est permis d'avoir des doutes sur la pertinence de la proposition de la Commission.
En effet, il convient de remarquer qu'en ce qui concerne la France, la déclaration de TVA telle qu'elle existe aujourd'hui contient plus de 26 champs à renseigner et que leur définition est souvent plus précise que celle retenue par la Commission. La normalisation proposée risque d'entraver l'efficacité de la lutte contre la fraude à la TVA, car les services fiscaux disposeront de moins d'informations.
Certes, aux termes de la proposition de directive, les États membres pourront exiger des informations complémentaires mais seulement sur certains territoires et pour certains régimes particuliers. La liste de ces informations complémentaires serait fixée par la procédure de comitologie, donc contrôlée par la Commission elle-même.
En outre, cette proposition supprime la possibilité laissée aux États de choisir une autre date de paiement que celle établie par la règle générale selon laquelle le paiement de la TVA intervient au moment du dépôt de la déclaration de TVA.
On peut regretter aussi que le paiement par acompte soit supprimé et que la déclaration doive être déposée au plus tard à la fin du mois suivant la période imposable. En France, les délais de dépôt sont plus longs et peuvent atteindre cinq mois.
Au total, le texte proposé par la Commission entraînera un recul des possibilités de contrôle pour les États membres et la suppression de certaines souplesses pour les entreprises.
La Commission européenne avait dans un premier temps envisagé de ne pas soumettre ce texte au contrôle de subsidiarité en avançant qu'elle possédait une compétence exclusive en matière de TVA. En effet, le principe de subsidiarité ne s'applique pas dans le cas d'une compétence exclusive de l'Union. Mais il faut reconnaître que la TVA est en fait une compétence partagée avec les États membres. L'Allemagne s'en étant émue, la Commission européenne a finalement transmis ce texte le 7 novembre dernier aux fins de contrôle de subsidiarité.
On doit par ailleurs remarquer que l'article 113 du TFUE ne donne de compétence à l'Union que pour les règles de fond de la TVA et non pour les procédures d'encaissement de cet impôt.
Le progrès dans l'harmonisation proposé par la Commission européenne resterait de toute manière incomplet puisque seuls 5 champs d'information seraient obligatoires et 21 seraient optionnels.
La déclaration normalisée paraît la plus mal adaptée à la situation des petites entreprises soumises à un régime simplifié d'imposition et qui peuvent déposer une déclaration annuelle de TVA sur laquelle s'imputent les acomptes versés au cours de la période d'imposition ; la directive risquerait de se traduire par un alourdissement de leurs charges administratives.
La réduction de quatre à deux mois du délai maximal de dépôt de la déclaration de TVA pénaliserait également les petites entreprises.
L'article 5 du traité sur l'Union européenne dispose que, en vertu du principe de subsidiarité, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée peuvent être mieux atteints par une action de l'Union. Autrement dit, l'intervention de l'Union doit apporter une plus-value indiscutable.
En l'occurrence, la plus-value apportée par l'intervention de l'Union paraît incertaine :
- l'harmonisation reste limitée,
- la capacité d'adaptation aux situations nationales se trouve réduite,
- le contrôle risque d'être rendu plus difficile dans un domaine où la fraude est importante,
- la situation spécifique des petites entreprises n'est pas suffisamment prise en compte.
C'est le sens du projet d'avis motivé que je vous soumets, dont l'inspiration est d'ailleurs proche du texte adopté par nos collègues du Bundesrat allemand.
M. Simon Sutour, président - Je remercie notre collègue pour la clarté de son exposé et j'ouvre le débat.
M. Roland Ries. - Je regrette que la Commission s'emploie à harmoniser les procédures de perception, non de procéder à une harmonisation fiscale, ce qui serait autrement plus important et plus utile. Pour renforcer la loyauté de la concurrence, il nous faut une convergence des taux de TVA. Le texte ne paraît pas très bien fondé : il ne réalise pas de véritable harmonisation, mais supprime des adaptations possibles au contexte national.
M. Simon Sutour, président - J'approuve votre souhait d'harmonisation fiscale, mais aujourd'hui nous nous prononçons seulement sur la subsidiarité.
M. Michel Billout - J'ai envie de dire : « tout ça pour ça » ! On ne voit pas bien la nécessité de ce qui est proposé. Où la Commission veut-elle en venir ? Où se cache le loup, s'il y en a un ?
M. Simon Sutour, président - Comme le dit un ancien ministre que vous connaissez bien : « quand c'est flou, il y a un loup ! ». Nous pouvons par cet avis motivé donner à la Commission européenne que sa proposition, telle qu'elle est, n'apporte pas la plus-value européenne indispensable.
L'avis motivé est adopté dans le texte suivant :
Mercredi 4 décembre 2013
- Présidence de M. Simon Sutour, président -Éducation - Accueil des étudiants et chercheurs hors Union européenne : communication de Mme Catherine Tasca
Mme Catherine Tasca. - Je m'étais vivement opposée, comme beaucoup d'entre nous, à la circulaire Guéant, qui limitait le nombre des étudiants non ressortissants de l'Union européenne souhaitant prolonger leur expérience professionnelle en France. Devant les protestations quasi unanimes, cette circulaire avait d'abord été modifiée dans un sens plus libéral par le précédent gouvernement ; le gouvernement actuel l'a abrogée.
Par sa proposition de directive COM (2013) 151 du 26 mars 2013, la Commission instaure un cadre juridique qui protègera les droits des étudiants étrangers désireux de travailler dans l'Union après l'obtention de leur diplôme.
L'attractivité de l'enseignement supérieur tient en partie aux modalités d'entrée et de séjour sur le territoire d'accueil. Dans l'Union, ces conditions sont contenues dans la directive de 2004 relative aux conditions d'admission des ressortissants de pays tiers à fin d'études, d'échanges d'élèves, de formation non rémunérée ou de volontariat. La mobilité de ces ressortissants favoriserait l'Europe en tant que centre mondial d'excellence pour les études et la formation professionnelle.
La France n'est pas en reste depuis 1998 et la loi dite « Réséda » (relative à l'entrée et au séjour des étrangers et du droit d'asile) : 70 000 visas annuels de long séjour sont accordés aujourd'hui pour études. Le parcours des demandeurs d'entrée reste toujours un peu plus long que celui d'autres grandes nations, pour des raisons essentiellement administratives, mais le projet de loi sur l'enseignement supérieur prévoit des visas pluriannuels pour les étudiants et les chercheurs.
Ce parcours comprend en général trois étapes et sa durée varie selon les pays d'accueil. La première étape, qui dure au minimum un mois, est l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur. La deuxième étape, l'autorisation d'entrée sur le territoire, prend entre quelques jours et quelques semaines ; la troisième est le renouvellement annuel du droit de séjour, qui peut donner lieu à vérification des critères de sérieux et de réalité des études.
Dans certains pays, l'obtention de l'inscription dans une université entraîne la délivrance quasi immédiate, si le dossier est accepté, du visa et du titre de séjour pour la durée des études. La Commission souhaite harmoniser ces règles et tendre vers une simplification et une libéralisation favorables aux demandeurs.
La proposition s'inscrit dans le cadre général de l'article 79 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Le Parlement et le Conseil désirent améliorer ces dispositions en tenant compte de la stratégie « Europe 2020 » : l'immigration en provenance des pays tiers représente un vivier de personnes hautement qualifiées. La facilitation des contacts ne peut que renforcer l'efficacité de la politique européenne de voisinage. De leur côté, les pays extérieurs à l'Union sont demandeurs d'un enseignement de qualité dont ils ne disposent pas encore chez eux.
L'Europe est confrontée à des défis économiques et démographiques majeurs. La population en âge de travailler va bientôt diminuer. L'Europe perd ses chercheurs et manque d'ingénieurs, alors qu'elle a besoin d'innover. Elle doit être promue en tant que centre mondial d'excellence pour l'éducation et les relations internationales. La démarche d'ouverture n'est donc pas seulement généreuse : elle tient compte de l'intérêt bien compris de toutes les parties.
Plusieurs dispositions sont déjà en vigueur. La directive 2004/114/CE énonce les règles communes pour l'entrée et le séjour des étudiants, mais laisse toute latitude aux États membres pour les appliquer aux ressortissants admis pour un échange, une formation non rémunérée ou du volontariat. La directive 2005/71/CE prévoit, quant à elle, une procédure d'admission spécifique pour les chercheurs. C'est un cadre très souple que la Commission souhaite rendre plus contraignant pour les États membres.
La nouvelle proposition définit les conditions d'entrée et de séjour, pour une durée supérieure à trois mois, des chercheurs, étudiants, élèves, stagiaires rémunérés ou non, volontaires et personnes au pair, ressortissants de pays tiers. Elle introduit des conditions d'admission pour deux catégories qui ne relèvent actuellement d'aucun cadre juridique contraignant de l'UE : les personnes au pair et les stagiaires rémunérés. Les modalités régissant l'admission des membres de la famille des chercheurs sont assouplies, ainsi que celles concernant leur accès au marché du travail et leur mobilité à l'intérieur de l'Union.
Un demandeur qui satisfait à toutes les conditions se verra accorder un visa de long séjour ou un titre de séjour. La proposition facilite la mobilité à l'intérieur de l'Union pour les étudiants et chercheurs relevant des programmes « Erasmus Mundus » ou « Marie Curie » : ceux-ci seront élargis et leur part dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020 augmentera.
La proposition accroît le droit des étudiants à travailler à temps partiel et de rester sur le territoire, à l'issue de leurs études ou recherches, pour recenser les possibilités d'activité professionnelle.
Elle introduit une meilleure information et une plus grande transparence ; des garanties concernent les délais de prise des décisions, leur motivation écrite et les voies de recours. Enfin, les droits perçus devront être proportionnés de manière à ne pas être dissuasifs.
La France remplit largement les conditions posées par la Commission.
Son projet pose le principe général selon lequel un demandeur qui satisfait à toutes les conditions se voit automatiquement accorder un titre de séjour ou un visa de long séjour par l'État membre où il a présenté sa demande. Les conditions générales d'admission sont les mêmes que pour l'immigration légale : des documents valables, une assurance maladie et un montant minimal de ressources.
Des conditions spécifiques aux chercheurs exigent que l'organisme de recherche, agréé par l'État, ait signé une convention d'accueil. La plupart de nos universités et centres de recherches travaillent déjà en réseau et développent des relations suivies avec leurs correspondants étrangers, d'autant que le nombre de doctorants étrangers est souvent une condition du maintien de certaines filières.
Les personnes au pair devront prouver que la famille d'accueil prend en charge leurs frais de subsistance et de logement, à travers une convention définissant les droits et les obligations de chacun.
Le programme de formation, la durée, les conditions de suspension des droits de séjour et les conditions de travail des stagiaires rémunérés devront être précisées, et l'entité d'accueil pourra être tenue de déclarer que le ressortissant du pays tiers ne pourvoit pas un poste vacant : cela évitera que les stagiaires servent de main d'oeuvre bon marché.
Pour les chercheurs et pour les étudiants, le titre de séjour doit être d'une durée d'un an au moins. Pour toutes les autres catégories, l'autorisation est limitée à un an, par principe, avec de possibles exceptions.
Le projet de directive détermine les motifs obligatoires et facultatifs de refus, de retrait ou de non renouvellement d'une autorisation, par exemple des conditions non remplies ou des faux documents.
Les ressortissants des pays tiers jouiront de l'égalité de traitement posée par la directive « permis unique ».
Je souligne deux mesures très positives : les chercheurs pourront enseigner et les étudiants travailler pour une durée hebdomadaire portée de 12 à 20 heures. Ils auront en outre la possibilité de rester sur le territoire douze mois après la fin de leurs études ou recherches, afin de trouver un emploi ou créer une entreprise.
Les chercheurs et les membres de leur famille, les étudiants et les stagiaires pourront circuler entre les États membres.
Les États membres devront se prononcer en 60 jours pour toutes les catégories de demandeurs et 30 jours pour ceux qui relèvent des programmes de l'UE, « Erasmus Mundus » et « Marie Curie ». Ils ont le devoir de rendre disponible l'information sur les conditions d'entrée et de séjour. Le coût du traitement de la demande doit respecter une proportion qui ne mette pas en péril la réalisation des objectifs de la directive.
La principale source de la valeur ajoutée des économies développées au XXIème siècle viendra de la recherche et de la technologie. L'accueil d'étudiants et de chercheurs étrangers est donc indispensable au maintien de la position européenne dans la compétition internationale. L'Europe doit maintenir un égal niveau de reconnaissance et d'attractivité vis-à-vis des pays tiers, participer à la formation des élites étrangères, et ainsi veiller à la défense de ses intérêts. La formation des cadres étrangers est aussi un facteur clé de la politique d'aide au développement et de l'amélioration de l'équilibre international.
Notre pays remplit sa mission avec détermination. En 2012-2013, la France a accueilli 289 274 étudiants étrangers, dont 74,7 % à l'Université. Ils représentent 12 % des étudiants et 41 % des doctorants. Plus de la moitié sont francophones à l'arrivée et presque la moitié d'entre eux proviennent du Maghreb et de l'Afrique noire. Cette politique publique correspond à une dépense annuelle de 4 milliards d'euros.
Grâce à son histoire, son prestige, et encore à sa langue, du moins dans les filières littéraires, la France est le troisième pays d'accueil après les États-Unis et le Royaume-Uni.
Mais la question de la langue est de plus en plus aiguë dans les domaines scientifiques et techniques. L'émergence de pays aux demandes spécifiques, dans un environnement de plus en plus concurrentiel, remet en question le statut du français, langue de travail et d'enseignement, les nouvelles générations des pays francophones portant leur regard vers d'autres horizons. Notre débat du 24 avril 2013 a souligné l'enjeu. La France a intérêt à bien accueillir les meilleurs étudiants étrangers : les liens contractés à cette occasion sont les meilleurs garants d'une francophilie durable. Comme l'estime le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce projet de directive va dans le bon sens.
Sans doute y a-t-il quelque chose de surréaliste à plaider pour l'attractivité de notre territoire au lendemain de la publication des données de l'étude PISA (programme international de suivi des acquis)...
M. Aymeri de Montesquiou. - ... dont les résultats ne sont pas contradictoires : il y a l'élite et le reste !
M. André Gattolin. - Le niveau des États-Unis, selon l'enquête PISA, est inférieur au nôtre.
M. Simon Sutour, président. - Cette enquête ne concerne que les enseignements primaire et secondaire.
Mme Catherine Tasca. - L'ambition est tout de même que les élèves du secondaire accèdent à l'université avec un bon niveau.
M. Simon Sutour, président. - Certes. Merci pour votre rapport. Notre situation, à l'égard des étudiants étrangers, est désormais apaisée. À l'époque de la circulaire Guéant, nous devions supplier les préfets d'accorder des permis de séjour à des gens de valeur, qui travaillaient très bien dans des entreprises qui en étaient très satisfaites ! On a fini par abroger cette circulaire qui n'aurait jamais dû voir le jour.
La proposition de directive européenne fait consensus : c'est pourquoi nous n'avons pas préparé de résolution.
Mme Colette Mélot. - Je vous félicite pour votre travail et me réjouis des constats que vous avez dressés. Il est bon de savoir que la France est bien placée et dispose de toutes les conditions souhaitées pour accueillir les étudiants. La proposition de directive ne pose aucun problème. Le dernier projet de loi sur l'enseignement supérieur comporte des avancées pour la défense de notre langue. Certes, il est désormais possible, notamment en sciences, d'enseigner en anglais, mais des conditions sont posées pour proposer aux étudiants qui viennent dans notre pays d'apprendre le français. Le fait est que nous ne pouvons lutter contre la domination de la langue anglaise. Nous l'avons vu récemment en Slovaquie ...
M. Simon Sutour, président. - En effet !
Mme Colette Mélot. - ...même assistés d'un interprète, nos interlocuteurs préféraient systématiquement s'exprimer dans cette langue plutôt que dans la leur... Un nombre important d'étudiants étrangers favorisera la francophilie.
M. Aymeri de Montesquiou. - Quels membres de la famille des chercheurs pourront être accueillis et circuler librement dans l'UE ?
Mme Catherine Tasca. - Seulement le noyau familial, le conjoint et les enfants.
M. Aymeri de Montesquiou. - D'où vient la proportion si forte des étrangers chez les doctorants ? Je suis saisi par l'écart entre la proportion d'étudiants étrangers (un sur huit) et celle des doctorants (près d'un sur deux) : sont-ils meilleurs que les doctorants français ?
Mme Catherine Tasca. - Si les formations de niveau licence ou master n'y manquent pas, ils ont moins de doctorats de haut niveau dans leurs propres pays : les nôtres exercent donc une réelle attractivité. Leur présence, je l'ai dit, permet le maintien de filières qui, si elles étaient réduites aux seuls Français, seraient menacées de disparition.
M. Aymeri de Montesquiou. - Presque un doctorant sur deux, tout de même : voilà une vraie interrogation !
Les entreprises ciblent-elles des pays émetteurs d'étudiants, avec l'idée qu'ils représentent des marchés porteurs pour nous ? Est-ce la demande des étudiants qui joue ici, ou plutôt l'offre d'enseignements de nos universités ?
Mme Catherine Tasca. - Les universitaires que nous avons entendus nous ont assuré qu'il n'y avait aucun pilotage national. Les pays d'origine varient beaucoup d'une université à l'autre, en fonction des politiques et des stratégies de chacune. De plus, elles entretiennent des liens avec tel ou tel pays, qui peuvent conduire à des échanges d'étudiants - je pense en particulier aux étudiants coréens. Par ailleurs, le recrutement peut différer selon les filières...
M. Aymeri de Montesquiou. - Bien sûr !
Mme Catherine Tasca. - À Toulouse par exemple, les filières scientifiques mènent des prospections de long terme auprès de certains pays.
Quant aux étudiants chinois, ils viennent d'eux-mêmes, en sachant qu'ils sont très organisés : une agence spécifique chinoise prépare leur venue.
Nous avons une relation très forte avec le Maghreb et les pays de l'Afrique sub-saharienne.
M. Aymeri de Montesquiou. - Nous n'investissons pas assez dans les universités étrangères elles-mêmes en y envoyant des enseignants. Le Kazakhstan, par exemple, subit le monopole des Anglo-Saxons et ses étudiants s'en vont à la London School of Economics, à la Harvard Business School ou à Princeton.
Nous avions tous été surpris par l'ostracisme de la circulaire Guéant. Elle paraissait répondre - ce qui peut l'expliquer, mais ne la justifie pas - à une crainte de dumping social : les étudiants concernés auraient pu accepter des salaires plus bas.
M. André Gattolin. - Il faut encore tenir compte des doctorats à double tutelle, qui sont particulièrement nombreux en France. En outre, beaucoup de chercheurs extérieurs à l'Union viennent chez nous pour faire une seconde thèse de manière à se placer dans les normes LMD.
La présence de tant d'étudiants étrangers est aussi expliquée par l'histoire coloniale. A l'inverse des Britanniques, les Français, par souci de contrôler les élites locales, n'avaient pas créé d'universités dans leur empire. Cela, d'ailleurs, pose aujourd'hui des problèmes de coût et de papiers aux étudiants d'Afrique noire qui veulent venir en France. Beaucoup s'en vont désormais dans des universités de l'Afrique anglophone, comme le Ghana ou le Nigéria, ce qui en amène certains à passer à l'anglais...
Enfin, la France a été une terre d'accueil démocratique à l'époque des dictatures sud-américaines et ibériques. Elle est ainsi devenue, dans les années 1950 à 1970, une véritable capitale latine. Ce lien s'est prolongé grâce aux enfants de l'intelligentsia sud-américaine et a créé un vrai melting pot de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Catherine Tasca. - Les doctorats à double tutelle, en effet, se développent beaucoup : ils sont presque systématiques avec l'Algérie.
Le faible niveau relatif des droits d'inscription offre une autre explication de l'afflux des étudiants étrangers : il est l'un des éléments de l'attractivité de notre territoire.
M. Yannick Botrel. - Je vous félicite à mon tour pour votre communication très éclairante. Le sujet, vital pour l'influence de la France, nécessite un travail à long terme.
L'arrivée des étudiants étrangers ne proviendrait-elle pas de politiques d'investissements à l'intérieur de leur propre pays ? Ils pourraient être envoyés chez nous par leurs professeurs, soucieux d'entretenir les liens humains qui les unissent à nos universités.
Quelle est l'origine nationale des étudiants ? Quelles sont les filières qui les accueillent ?
Mme Catherine Tasca. - La répartition est la suivante : dans l'ordre, Maroc, Chine, Algérie, Tunisie, Sénégal, Allemagne, Italie, Cameroun, Viêtnam, Espagne, Russie, Brésil, États-Unis, Liban, Roumanie, Côte-d'Ivoire, Madagascar, Gabon, Belgique, Portugal. L'empreinte de la francophonie, vous le voyez, est vaste. Cela peut évoluer : les nouvelles générations, hélas, commencent à se tourner ailleurs, rendant nécessaire une démarche volontariste de nos universités et de nos centres de recherche en direction des pays émergents.
Le rang réel de la France varie, suivant les classements, entre la troisième et la cinquième place.
M. Aymeri de Montesquiou. - Il me semble en effet que l'Allemagne accueille plus d'étudiants étrangers que nous.
Mme Catherine Tasca, rapporteure spéciale. - Sur le plan linguistique, chaque université développe sa stratégie. L'université de Grenoble organise à destination des non-francophones une formation initiale au français en préfiguration de leurs études. Elle est payante dans tous les sens du terme : ceux qui la suivent plongent dans un bain de français.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Le mercredi 20 novembre 2013 :
- M. Antoine GRASSIN, directeur général, Campus France ;
- MM. Marc NEVEU, secrétaire général, Pierre CHANTELOT, secrétaire national en charge de la formation, et Marc DELEPOUVE, responsable du secteur international, SNESUP.
Le mardi 26 novembre 2013 :
- Mme Geneviève FIORASO, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ;
- Mme Nadia KHELEF, conseillère de Mme la ministre ;
- M. Hervé TILLY, sous-directeur à la Sous-direction des affaires européennes et multilatérales à la DREIC ;
- M. Anthony ALY, adjoint du conseiller parlementaire.
Le jeudi 28 novembre 2013 :
- Mme Marie-Christine LEMARDELEY, présidente, et M. Emmanuel FRAISSE, vice-président délégué aux relations internationales, Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 ;
- MM. Bertrand GIRARD, président, Yan BAILLY, directeur des relations internationales, Université de Grenoble ;
M. Laurent GROSCLAUDE, directeur du département des relations européennes et internationales, Université de Toulouse.
Institutions européennes - La citoyenneté européenne : communication et proposition de résolution européenne de M. André Gattolin
M. André Gattolin. - 2013 est « l'année européenne des citoyens ». La citoyenneté européenne, introduite par le traité de Maastricht, concerne tout ressortissant d'un État membre et s'ajoute à sa citoyenneté nationale. Ce n'est pas l'Union qui la détermine, mais chaque État en fonction de son droit propre de la nationalité.
Le traité de Lisbonne énonce la liste des droits qui en résultent : circulation, séjour, vote et éligibilité aux élections européennes et municipales dans l'État de résidence. Il lui a donné un contenu plus concret en instituant un droit d'initiative citoyenne, entré en vigueur il y a un peu plus d'un an. Les droits des citoyens européens résultent aussi de la Charte des droits fondamentaux, désormais juridiquement contraignante.
La citoyenneté figure expressément dans le portefeuille confié à Mme Viviane Reding. Or, dans son rapport de 2010, la Commission a souligné les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la liberté de circulation et de séjour ainsi que dans l'exercice des droits électoraux.
Pour tenter de rapprocher l'Europe des citoyens, le Conseil et le Parlement européen, après avoir envisagé une « année de la citoyenneté européenne » ont donc proclamé 2013 « année européenne des citoyens ». Il s'agissait de mieux faire connaître les droits associés à la citoyenneté de l'Union, les politiques et les programmes qui en favorisent l'exercice, d'encourager un débat sur les politiques menées et d'amplifier la participation civique - avant les prochaines élections européennes. Un budget d'un million d'euros a été attribué à cette initiative, coordonnée en France par la Conférence permanente des coordinations associatives. Plusieurs événements, nationaux et locaux, sont soutenus par la Commission dans toute l'Europe.
Je souhaiterais que le Parlement européen attribue une citoyenneté européenne d'honneur aux titulaires du Prix Sakharov pour la liberté de l'esprit, décerné chaque année par le Parlement européen. En 2013, il a été remis à la militante pakistanaise pour l'éducation des filles, Malala Yousafzai, connue pour son combat face aux intégrismes. Les activistes du Printemps arabe l'ont reçu en 2011 ; en 2003, l'ONU et son secrétaire général ; en 1988, Nelson Mandela. L'Europe a besoin de symboles et une telle proposition contribuerait à lui donner du sens.
Les rapports de la Commission tendent à faciliter la vie des citoyens européens, par exemple pour les documents d'état civil. L'exercice véritable de ses droits permettra au citoyen européen de se sentir partout chez lui. La Cour de justice a appuyé cette démarche dans les arrêts Rottmann, du 2 mars 2010, et Zambrano, du 8 mars 2011 : nul ne peut être privé, en droit ou en fait, des droits liés à la citoyenneté européenne.
Mais bien des difficultés demeurent, en raison d'une conception restrictive de la citoyenneté. L'obligation de choisir une nationalité a pour effet de limiter le droit de vote. La double citoyenneté au sein de l'Union n'existe pas. Un Franco-Canadien jouit de la quasi-totalité des droits de vote dans les deux pays, mais pas un Français en Italie : sa nationalité d'origine l'empêche de voter aux élections législatives. En outre, certains États membres privent de leur droit de vote leurs ressortissants résidant à l'étranger pendant une longue période. Un Maltais présent en France plus de cinq ans perdra ce droit chez lui, sans pour autant le gagner chez nous !
L'Union n'ayant aucune compétence dans ce domaine, la citoyenneté européenne se trouve conditionnée par les pratiques des États. Par exemple, l'Autriche accorde le droit de vote à 16 ans. Plus préoccupant : le parlement maltais a décidé, le 12 novembre, que les non-ressortissants de l'Union pourraient acquérir la nationalité maltaise - donc la citoyenneté européenne - moyennant 650 000 euros... Les médias russes, on se demande pourquoi, s'intéressent beaucoup à cette mesure invraisemblable...
M. Aymeri de Montesquiou. - C'est étrange !
M. André Gattolin. - Il y a un vide juridique : comment introduire, sans créer de précédent, une discrimination entre les citoyens ayant acheté leur nationalité et les autres ? Une étude de législation comparée sur l'accès à la nationalité permettrait à notre commission d'approfondir cette question. Nous pourrions suggérer un mécanisme intergouvernemental d'alerte, commun aux États membres, lorsque des décisions relatives à la nationalité auraient, comme ici, un impact sur la citoyenneté européenne.
Les enquêtes Eurobaromètre montrent que la possibilité de voter à toutes les élections organisées dans l'État de résidence répondrait à une attente de nombreux citoyens européens. Au-delà, le contenu de la citoyenneté européenne leur paraît singulièrement faible. Le volet social - l'harmonisation du système de protection sociale vient en tête des réponses, à 41 % - pourrait le renforcer.
La dimension culturelle occupe une place très faible. J'avais souligné ici même le caractère assez factice du programme des « capitales européennes de la culture ». Le Sénat avait adopté, le 26 décembre 2012, une résolution européenne déplorant que la dimension européenne soit souvent occultée, au profit d'une simple opération de promotion de la ville élue.
La jeunesse devrait aussi être une priorité. Une résolution du 11 avril 2012, à l'initiative de Colette Mélot, avait proposé d'apposer le label unique Erasmus à l'ensemble des actions européennes en la matière. Il est satisfaisant que ce point de vue l'ait emporté. Les nombreuses initiatives menées dans les lycées doivent aussi être encouragées.
Le Sénat a adopté la proposition de résolution de Pierre Bernard-Reymond sur la création de RFE (Radio France Europe), pour informer nos compatriotes de ce que font les autres États membres. Tout se passe comme si la connaissance de l'activité européenne était réservée aux initiés ! L'Europe demeure abstraite, sauf quand on veut lui faire porter le chapeau de ce qui va mal !
Un document de synthèse, transmis aux parlementaires, leur donnerait les moyens d'informer les citoyens. Celui dont nous disposons lors du débat budgétaire ne retrace que la contribution financière de la France à l'Union européenne. Le Secrétaire général des affaires européennes, M. Serge Guillon, relevait le paradoxe de notre vote annuel, qui ne porte que sur la dépense que représente cette contribution et jamais sur les retours qu'elle implique... Il faut informer les citoyens des réalisations concrètes qui voient le jour grâce aux financements européens, dont bénéficient notre agriculture, nos territoires - ou nos tramways, financés à moitié par la Banque européenne d'investissement (BEI).
Des documents accompagnant les formulaires de déclaration d'impôts devraient détailler la contribution moyenne au budget européen et les retours pour les catégories de population concernées et les agriculteurs - souvent hostiles aux institutions européennes alors qu'ils en bénéficient et que la France y gagne 7 milliards d'euros ! Les positions françaises dans les négociations de textes importants, la façon dont elles ont été prises en compte, seraient ainsi mieux comprises. Nous verrons si cette proposition peut être réalisée par Bercy.
Pour faire participer les citoyens au processus de décision, la Commission, qui se rend compte de sa déconnexion vis-à-vis de la réalité, ouvre chaque année des consultations en grand nombre : 104 entre janvier et octobre ; les « livres blancs » et « livres verts » se succèdent, parfois sur des enjeux essentiels, comme l'énergie et le climat. Le Gouvernement nous a précisé que les autorités françaises y répondaient à hauteur de 55 % à 65 %.
Le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) encourage les acteurs de la société civile et les parties prenantes à répondre aux consultations, mais sans résultat probant. Or, le processus de décision résulte d'un jeu d'influences. Il implique une mobilisation de tous. Ainsi, la mobilisation récente des professionnels sur le dossier des aides au cinéma a infléchi la position de la Commission. De même, les Parlements nationaux pourraient prendre une part plus active dans cette phase « pré-législative ». Lors de notre entretien, le commissaire Maros Sefcovic, vice-président de la Commission, chargé des relations interinstitutionnelles et de l'administration, m'a rappelé qu'avec le contrôle de la subsidiarité, les Parlements nationaux disent à la Commission si l'Union doit légiférer. Leurs réponses aux livres blancs ou verts l'orienteraient de façon précoce. Grâce à ses liens avec les territoires, le Sénat est susceptible de jouer un rôle privilégié pour relayer l'information sur l'existence de consultations publiques.
La citoyenneté européenne c'est aussi la libre circulation, Erasmus, ou la carte « E 111 ». Un autre aspect concerne la place des femmes dans les institutions européennes. La France compte 44 % de femmes dans sa représentation au Parlement européen. De même, au plan national, la France est devenue « mieux-disante » en luttant contre le plafond de verre, ou pour les nominations dans les hautes instances publiques. La parité a été instaurée dans la composition du Haut conseil des Finances publiques, de la Banque publique d'investissement, du Conseil national des programmes scolaires ou dans l'audiovisuel public. La Commission propose un quota de 40 % de femmes dans les conseils d'administration des sociétés cotées. C'est une avancée. Mais la place des femmes dans les institutions européennes demeure limitée dans les postes d'influence. À la Commission, 7 femmes occupent des postes de directeurs généraux sur un total de 36. C'est peu. La Commission a défini des objectifs de promotion interne, afin que les postes d'encadrement supérieur soient occupés à 30 % par des femmes. Il faut une action volontariste pour parvenir à la parité !
J'en viens aux élections au Parlement européen. Le taux de participation n'a cessé de diminuer, chutant à 43 % en 2009. Dans une résolution de novembre 2012, le Parlement européen a demandé aux partis politiques de proposer des candidats à la présidence de la Commission. Ceux-ci devraient jouer un rôle moteur dans la campagne électorale, en présentant personnellement leur programme dans tous les États membres.
En mars 2013, la Commission a recommandé d'encourager la transmission d'informations aux électeurs sur les liens d'affiliation entre partis nationaux et partis politiques européens. Elle demande également que les partis nationaux et européens fassent connaître avant les élections le nom du candidat aux fonctions de président de la Commission qu'ils soutiennent et son programme. Elle souhaite que les États membres arrêtent une date commune pour les élections, avec une fermeture des bureaux de vote à la même heure. Elle a aussi présenté, en septembre 2012, une proposition de règlement relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes. Les fondations politiques allemandes, très bien dotées, jouent un grand rôle en Allemagne.
En septembre 2013, le Parlement européen a lancé une campagne d'information. Beaucoup d'autres initiatives similaires sont prises, notamment par des think tanks. L'opinion publique attend de l'Union des réponses concrètes à des préoccupations du quotidien. Il faut montrer ce que fait l'Union dans ces domaines et nourrir le débat avant les élections.
Les ressortissants d'autres États membres peuvent voter en France. Il faut faciliter l'exercice de ce droit, en évitant les tracasseries administratives. Le Sénat a adopté, hier, le projet de loi transposant une directive qui simplifie l'exercice du droit d'éligibilité aux élections au Parlement européen, pour les citoyens de l'Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants. Mais, en France, il existe deux listes d'inscription, l'une pour les municipales, l'autre pour les européennes, et les ressortissants européens doivent recevoir deux récépissés. Selon le ministère de l'intérieur, l'existence de ces deux listes laisse aux citoyens de l'Union le choix de voter aux élections européennes en France ou dans leur pays d'origine. Mais, en pratique, beaucoup de mairies ne délivrent que le récépissé afférent aux élections municipales et bien des électeurs le découvriront trop tard ! Le ministre de l'intérieur m'a indiqué qu'il avait pris des mesures.
M. Simon Sutour, président. - Elles sont discrètes !
Mme Colette Mélot. - Comme toujours !
M. André Gattolin. - Des listes accueillant davantage de ressortissants d'autres États membres renforceraient le sentiment de citoyenneté européenne.
Enfin, le traité de Lisbonne a créé l'initiative citoyenne européenne (ICE). Elle complète le droit de pétition. La Commission reste libre de lui donner une suite favorable ou de la refuser. Après validation, les organisateurs ont un an pour recueillir un million de signatures dans un quart des États membres. La Commission a pris des initiatives pour répondre aux difficultés de collecte des signatures. Une fois que les ministères de l'intérieur des pays concernés ont validé les signatures, le Parlement européen ou la Commission se saisissent du projet, qu'ils peuvent adopter ou rejeter. Sur les huit initiatives déposées, trois ont atteint le seuil requis : l'une demande que l'eau soit « un bien public, pas une marchandise ». L'ampleur de la mobilisation citoyenne sur ce thème a été telle que M. Michel Barnier a retiré l'eau du champ des négociations sur l'élargissement du marché intérieur. La deuxième souhaite mettre un terme au financement par l'Union d'activités qui entraînent la destruction d'embryons humains, tandis que la troisième demande la fin de l'expérimentation sur les animaux vivants. Mais des difficultés ont été signalées par les organisateurs : l'exigence d'un numéro d'identification personnel imposé par la plupart des États membres a un caractère dissuasif. Ainsi, la France demande le numéro de passeport ou de carte d'identité, à la différence de l'Allemagne, plus souple. Là aussi, il faudrait harmoniser.
Un amendement concernant les enfants de couples binationaux qui se séparent a été déposé par Joëlle Garriaud-Maylam et Colette Mélot à la proposition de résolution que nous allons examiner à l'issue de cette communication. J'y suis favorable. Néanmoins, il conviendrait de compléter également l'exposé des motifs de la proposition de résolution européenne que je vous soumets.
M. Simon Sutour, président. - Merci pour cette communication qui dresse un panorama complet des différents aspects de la citoyenneté européenne. Avec seulement sept femmes directrices générales à la Commission, la marge de progression est étendue !
Cette communication est l'occasion, à nouveau, de constater à quel point le traité de Lisbonne, tant vilipendé, est plein de richesses...
M. André Gattolin. - Oui.
M. Simon Sutour, président. - Nous nous en étions déjà aperçu, à travers le renforcement des pouvoirs des parlements nationaux, les pouvoirs accrus du Parlement européen dans l'adoption du cadre financier européen, ou l'élargissement de la procédure de codécision à l'agriculture.
Le rapporteur donne donc un avis favorable à l'amendement déposé par Mmes Garriaud-Maylam et Mélot, sous réserve d'une réécriture des considérants de la proposition de résolution.
Mme Colette Mélot. - La proposition de résolution, très complète, englobe de nombreux aspects de la citoyenneté européenne. À l'heure de la libre circulation de la jeunesse en Europe, n'oublions pas les mariages binationaux : 13 % des couples en Europe sont binationaux...
M. Aymeri de Montesquiou. - Cela paraît beaucoup.
M. André Gattolin. - Sont-ils tous formés de ressortissants de pays européens ?
M. Aymeri de Montesquiou. - Il importe de le savoir.
Mme Colette Mélot. - Il faudra vérifier. Ce chiffre est issu d'un rapport de Joëlle Garriaud-Maylam. De nombreuses difficultés apparaissent, qui donnent lieu à des procédures interminables et parfois dramatiques, en cas de divorce, autour du paiement de la pension alimentaire, du partage de l'autorité parentale, voire de rapts d'enfants, etc. Les médias se sont fait l'écho de plusieurs affaires.
M. Aymeri de Montesquiou. - Cet amendement présente l'avantage d'être positif. Nos concitoyens accumulent trop de griefs contre l'Europe, qu'il importe de présenter positivement.
À l'occasion de cette proposition de résolution, il conviendrait d'adopter une position ambitieuse sur l'impôt. Les contributions de chaque pays doivent être transformées, à montant constant, en la composante d'un véritable impôt européen. Un tel impôt serait fédérateur.
En outre, ne soyons pas schizophrènes. Un salaire minimum est appliqué dans l'administration européenne, pourquoi n'en serait-il pas de même dans les pays membres ? Nous approuvons des recommandations européennes sur l'âge de la retraite ou le temps de travail, mais on ne les applique pas.
M. Simon Sutour, président. - On s'éloigne de la citoyenneté européenne...
M. Aymeri de Montesquiou. - Il est essentiel que les droits convergent. Je suis un fondamentaliste européen. C'est brique par brique que nous construirons l'édifice.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Pour avancer sur l'impôt, il faut déterminer sa nature. Doit-il dépendre de ressources propres ou des contributions nationales ? Les deux logiques sont très différentes. Beaucoup de pistes de réformes existent, mais il n'est pas certain que les chefs d'États et de gouvernements en fassent leur priorité, puisque la question du financement de l'UE paraît réglée, d'ici à 2020...
M. Jean-François Humbert. - La communication de M. Gattolin dépasse nos engagements personnels, ainsi que les clivages partisans. Pourquoi notre commission ne publierait-elle pas, en s'appuyant sur elle, un document d'information, quelques mois avant les élections européennes, sur la citoyenneté européenne, montrant les avantages que celle-ci procure ? Un tel document contribuerait à défendre l'idée européenne dans l'esprit de nos concitoyens.
M. Simon Sutour, président. - Tout à fait.
M. Aymeri de Montesquiou. - Avec M. Gattolin, nous avons été députés européens avant de devenir sénateurs. Nous nous sommes d'ailleurs tous les deux prononcés en faveur de l'attribution du prix Sakharov à Aung San Suu Kyi.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Je remercie André Gattolin d'avoir voté notre résolution en faveur de la création d'une station de radio française « Radio France Europe » et d'avoir incorporé cette question dans sa propre proposition de résolution.
M. André Gattolin. - Monsieur Humbert, nous attendons du gouvernement une synthèse. Peut-être pourrait-elle servir de base au document que vous appelez de vos voeux ?
Je suis partisan d'un impôt européen. Je suis toujours surpris quand les gens se plaignent que l'Europe les « vole ». En France la moitié des ménages, les plus modestes, ne sont pas imposables au titre de l'impôt sur le revenu. Même s'ils participent à la contribution européenne via la TVA ou la CSG, ils bénéficient bien plus de la redistribution européenne...
M. Simon Sutour, président. - L'affaire est complexe...
M. André Gattolin. - N'oublions pas que la contrepartie de l'impôt est l'équité, la transparence et la lisibilité. On en est loin...
Madame Mélot, je suis favorable à votre amendement. La procédure de coopération renforcée pourrait, dans un premier temps, contribuer à résoudre les problèmes des couples binationaux.
M. Simon Sutour, président. - L'harmonisation du droit est un vaste chantier.
M. André Gattolin. - La citoyenneté européenne concerne de nombreux aspects. Pour avancer, il faut les mentionner, au risque de se retrouver face à un inventaire à la Prévert de questions juridiques.
La commission adopte l'amendement, puis la proposition de résolution européenne dans le texte suivant :