Mardi 5 novembre 2013
- Présidence de M. Jean-Claude Peyronnet, vice-président -Table ronde « La sécurité sociale des élus locaux »
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Mme Jacqueline Gourault, que je remplace.
La délégation a souhaité traiter aujourd'hui de la sécurité sociale des élus, élément majeur de leur statut, si tant est qu'il existe. Poursuivant l'objectif de compenser ou de réduire les contraintes supportées par ceux qui exercent des mandats locaux, un certain nombre de mesures récentes ont été adoptées, notamment sur la base des rapports du Sénat. La dernière d'entre elles, introduite le 12 décembre 2012 par l'article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013, prévoit que l'affiliation de tous les élus locaux au régime général de sécurité sociale, et que l'ensemble de leurs indemnités de fonction seront soumises à cotisations - alors qu'auparavant les élus exerçant une activité professionnelle en étaient exonérés. Nous ne l'avions pas vu venir, mais c'est fait et maintenant il faut mettre en musique ce texte entré en application le 1er janvier 2013, dont le rendement attendu s'élève à 140 millions d'euros par an.
Cette disposition a fait l'objet de critiques, notamment de la part des associations. Au plan symbolique, elle pose la question du point de savoir si l'on est toujours dans un régime d'indemnités. En termes financiers, l'addition pour les élus se révèle corsée, d'autant que la baisse de revenu qui en découle n'a pas été compensée par un relèvement du barème des indemnités.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Qu'en est-il de l'application de la circulaire d'application très dense publiée le 14 mai 2013 ? Je précise que cette réunion ne fera pas l'objet d'un rapport, mais d'un travail interne à la délégation susceptible de nourrir de nouvelles propositions.
M. Philippe Gosselin, représentant de l'Association des maires de France. - Maire d'une commune et président d'une communauté de communes dans la Manche, je représente ici l'AMF mais suis également député et co-auteur avec Philippe Doucet d'un rapport sur le statut de l'élu déposé au mois de juin dernier. Je commencerai par préciser que les questions de sécurité sociale et d'indemnités ne doivent pas être surestimées, car les élus ont beaucoup d'autres préoccupations.
Adopté sans réelle concertation, l'article 18 du PLFSS a suscité la surprise, voire une certaine indignation. Les élus veulent bien participer à l'effort national de financement de la sécurité sociale, mais ils ressentent une certaine injustice lorsqu'on leur prélève des cotisations de façon rétroactive plusieurs mois après la perception des indemnités. Leur perte de revenus se double, pour les collectivités, du sentiment d'avoir à supporter une charge nouvelle qui n'avait pas été provisionnée.
Sans revenir sur le débat, qui mérite d'être posé, sur l'assimilation des indemnités à un salaire je souhaite plutôt évoquer plusieurs problèmes concrets. Tout d'abord, au-dessus d'un seuil fixé à 1 543 euros bruts par mois, les cotisations sociales sont prélevées sur la totalité de l'indemnité de fonction, y compris une fraction représentative de frais d'emploi de 646,25 euros. C'est paradoxal, c'est comme si l'on soumettait à l'impôt sur le revenu des remboursements de frais de déplacements !
Ensuite, force est de constater que les Urssaf ou les CPAM ne sont pas toutes au clair sur cette procédure et que, malgré l'intervention de la direction de la sécurité sociale, la CNAMTS n'a toujours pas désigné de médiateur.
Une difficulté particulièrement importante est celle du cumul emploi-retraite dont les ministères de l'Intérieur et des Affaires sociales confirment qu'elle n'est pas résolue. Certains élus se sont ainsi vus privés du versement de leur pension au motif qu'ils percevaient une indemnité de fonction ! Des évolutions sont attendues du projet de loi mais il est toujours en navette. Nous tenons à rappeler le principe du cumul entre retraite et indemnité de fonctions.
Enfin, la prise en compte du changement de leur situation s'est traduite, pour certains élus, par une perte de leur protection sociale antérieure. Ils se retrouvent désormais sans rien !
Il faut que des réponses soient apportées rapidement. En plus du projet de loi sur les retraites, il faut compter sur la proposition Gourault-Sueur sur le statut de l'élu, qui reviendra devant la commission des Lois de l'Assemblée nationale le mercredi 13 novembre.
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Votre intervention est très critique. Quant au nouveau dispositif, il ne nous avait pas été présenté comme un moyen de sauver la sécurité sociale mais comme une extension de la protection des élus, même si je n'ai toujours pas bien compris comment...
M. Philippe Gosselin, représentant de l'Association des maires de France. - Sans volonté polémique aucune, je rappellerai qu'il nous avait été indiqué que cette réforme créerait des droits supplémentaires. Or, menée à la va-vite et sans concertation, elle aboutit à faire cotiser davantage certains élus sans qu'ils n'en tirent aucun bénéfice et, qui plus est, dans des conditions qui les pénalisent.
Mme Marie-Madeleine Mialot-Muller, représentante de l'Association des régions de France. - M'étant beaucoup démenée pour mobiliser les parlementaires sur ce texte, je vous remercie de nous recevoir aujourd'hui. Si l'article 18 se contente de poser le principe de l'affiliation de l'ensemble des élus pour l'ensemble des risques, c'est avec le décret du 26 avril 2013 que les choses ont commencé à se gâter. En effet, en fixant un seuil d'assujettissement à 50 % du plafond de la sécurité sociale, ce texte distingue des élus soumis aux cotisations en totalité et ceux qui ne cotisent pas du tout. Ce dispositif remet en cause la nature de la part représentative de frais, alors même que les questions écrites, notamment des sénateurs, n'ont eu de cesse de rappeler que les élus locaux exercent une fonction gratuite et, qu'en conséquence, l'indemnité de fonction n'est pas une rémunération mais une compensation pour frais de représentation.
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Il y a eu de grands débats à ce sujet...
Mme Marie-Madeleine Mialot-Muller, représentante de l'Association des régions de France. - Quant à la circulaire du 14 mai 2013, elle applique définitivement aux élus le régime des salariés. Elle prévoit notamment l'affiliation pour les risques « accident du travail et maladies professionnelles », ce qui nécessite la définition d'horaires de travail et des trajets effectués dans la circonscription. Dans la mesure où elle prévoit des règles de cumul emploi-retraite, doit-on en déduire que la circulaire abroge celle prise en 1984, juste après les lois de décentralisation, qui excluait explicitement les élus de ce dispositif ?
Le nouveau système impose à la collectivité de recueillir toutes les informations relatives aux autres indemnités ou rémunérations professionnelles de l'élu car les cotisations sont assises sur l'ensemble. Le service des ressources humaines, dans ma région, doit ainsi prendre en compte 77 cas de figures différents selon que les élus sont ou non retraités et, si c'est le cas, selon qu'ils relèvent ou non du régime général ! En outre, il est désormais prévu que des élus en congé maladie ou en congé maternité perçoivent des indemnités journalières (IJ). Mais est-il prévu, comme pour les salariés, une subrogation au profit de la collectivité permettant à ceux-ci de maintenir le paiement de l'indemnité de fonction tout en percevant les IJ en compensation ?
Enfin, la circulaire crée une véritable inégalité devant la loi. Il y a inégalité devant le paiement des cotisations entre les fonctionnaires détachés, les fonctionnaires en activité, les salariés du privé ou les retraités avec, pour ces derniers, des différences entre les régimes. En matière de droits ouverts, les choses varient aussi selon que l'on est, par exemple, retraité du régime général ou de la fonction publique. Le système précédent était simple ; aujourd'hui il y a autant de cas de figure que d'élus. Je n'évoque même pas la situation des actifs rémunérés par un salaire variable, pour lesquels la collectivité doit recalculer chaque mois le montant des cotisations.
Tout cela est à revoir. Messieurs les sénateurs, faites quelque chose ! Il faut sortir de cette situation où les retraités du régime général attendent chaque mois pour savoir s'ils ne vont pas perdre leur retraite.
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Je vous remercie pour cette présentation sévère mais argumentée.
Mme Marie-Madeleine Mialot-Muller, représentante de l'Association des régions de France. - Ayant débuté ma vie professionnelle en constituant des dossiers de retraites, ce sont des sujets auxquels j'ai été sensibilisée.
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Les représentants des ministères nous diront si l'esprit de la loi a bien été respecté par la circulaire.
Mme Martine Surrel, représentante de l'Association des maires ruraux de France. - La circulaire prétendait améliorer la protection sociale des élus locaux ; au final, elle a suscité l'incompréhension des petits maires. D'autant que ce texte, adopté à la va-vite sans concertation, a été découvert en mai pour une application au mois de janvier précédent.
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Donc sans avoir été provisionné dans le budget.
Mme Martine Surrel, représentante de l'Association des maires ruraux de France. - Loin de moi l'idée de ne pas être solidaire sur la part « élus », mais sur la part « collectivité », c'est autre chose. Pour un montant net de 1 300 euros par mois, le coût pour la collectivité s'élève à 561 euros. S'il n'a pas été budgété, la collectivité devra trouver cet argent, au besoin dans la poche du contribuable, ce qui est insupportable. Et que devient la fraction représentative de frais d'emploi ?
M. Christophe Peyrel, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale à la Direction générale des collectivités locales (DGCL). - Intéressant à la fois le statut de l'élu et le financement du régime général de la sécurité sociale, cette réforme a été initiée et défendue par le ministère en charge de la Santé, dans le cadre du PLFSS pour 2013.
Lors des débats parlementaires, certains ont estimé que ce texte aurait dû trouver sa place dans un texte relatif au statut de l'élu. Il n'est toutefois pas illégitime qu'un texte relatif à la protection sociale trouve sa place dans un PLFSS, d'autant qu'il était chronologiquement le premier vecteur législatif disponible.
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Ça s'est joué à quelques semaines...
M. Christophe Peyrel, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique à la DGCL. - En effet, la proposition de loi Gourault-Sueur a été examinée au Sénat en janvier.
Quoiqu'il en soit, la mesure n'engendre pas de bouleversements insurmontables. Seuls 4% des élus - ceux dont l'indemnité de fonction dépasse 1 543 euros - sont concernés, soit moins de 4 % du total des 520 000 élus locaux.
Mme Marie-Madeleine Mialot-Muller, représentante de l'Association des régions de France. - Vos chiffres sont erronés...
M. Christophe Peyrel, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique à la DGCL. - Ce n'est pas la première fois que les indemnités de fonction des élus sont soumises à des prélèvements fiscaux ou sociaux. Elles n'ont certes pas le caractère d'un salaire, d'un traitement ou d'une rémunération, mais elles constituent néanmoins des ressources. À ce titre, elles sont déjà soumises à imposition et sont prises en compte dans le calcul des prestations sociales et des pensions alimentaires. Le fait de ne pas constituer un salaire n'est pas un motif d'exemption de cotisations sociales.
Cette réforme est fondée sur un objectif général de renforcement de la solidarité nationale et elle contribue à améliorer la protection sociale des élus locaux : d'une part en étendant le bénéfice des prestations du régime général, d'autre part en étendant le régime de retraite par rente (dispositifs FONPEL et CAREL) adapté à la situation des élus locaux.
M. Antoine Lefèvre. - C'est effectivement un progrès...
M. Christophe Peyrel, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique à la DGCL. - Le rapport d'information de l'Assemblée nationale sur le statut de l'élu, remis le 19 juin dernier, reconnaît des progrès évidents même s'il déplore le coût de ces mesures pour les collectivités territoriales et pour les élus. Il note également le caractère relativement étoffé de la couverture, qui demeure néanmoins inégalitaire.
Je ne vous dirai pas que cette réforme, adoptée dans le cadre très normé de l'élaboration du PLFSS, a été l'occasion d'une concertation totale et optimale avec les élus. Cependant, une fois la loi votée, la DGCL et la DSS ont, pour la préparation du décret et de la circulaire, mené deux réunions de travail avec l'AMF et l'ADF. Ces réunions ont eu lieu en janvier et février 2013, et je regrette que l'ARF, qui a toujours été conviée, n'y ait pas participé. C'est dommage car nous aurions peut-être pu prendre en compte toutes les observations que vous venez de formuler. Ces travaux et les démarches des élus auprès des cabinets du ministre de l'Intérieur et de la ministre de la Réforme de l'Etat et de la Fonction publique, ainsi que les questions écrites et orales des parlementaires, nous ont permis d'identifier certaines questions relatives aux cumuls d'indemnités ou aux écrêtements.
La circulaire a été davantage conçue comme un guide pratique que comme un texte strictement juridique. Sa mise en oeuvre a révélé deux difficultés. La première, concernant le cumul emploi-retraite, a conduit le gouvernement a insérer dans l'article 12 du projet de loi relatif aux retraites des dispositions excluant les élus locaux du plafonnement de ce cumul aux effets potentiellement incohérents et démotivants. Hier, cet article 12 n'a malheureusement pas été adopté par le Sénat, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec cette question.
Nous devrons être attentifs à rétablir ce dispositif dans le cadre de la navette parlementaire. Une deuxième difficulté pour laquelle nous sommes conscients que des améliorations sont nécessaires porte sur la retraite par rente des élus locaux. Il faut tout d'abord reconnaître que le la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a permis des progrès dans ce domaine. Dans le cadre de l'examen de la proposition de loi Gourault-Sueur le 28 janvier dernier, le gouvernement avait proposé une disposition visant à rendre obligatoire la retraite par rente. Cet amendement a été rejeté par le Sénat, au motif que le coût serait trop important pour le budget des collectivités territoriales. La mission d'information sur le statut de l'élu de l'Assemblée nationale, qui a rendu son rapport le 19 juin dernier, a repris l'idée du dispositif du gouvernement dans sa proposition n°8 en le modifiant afin d'en limiter les effets négatifs et le coût. Il est ainsi proposé de rendre obligatoire pour tous les élus qui perçoivent des indemnités de fonction, la constitution d'une rente, en supprimant toutefois la possibilité de rachat de points pour une période antérieure à l'entrée en vigueur de cette obligation. Cette limitation des possibilités de rachat est importante car le système actuel entraîne des surcoûts et des contraintes importantes pour les collectivités territoriales. Il me semble que la proposition de l'Assemblée nationale peut constituer une piste d'amélioration importante et permettre d'offrir aux élus locaux une protection sociale conciliable avec le budget des collectivités territoriales. Avant de donner la parole à la direction de la sécurité sociale, je terminerai mon intervention en disant que nous sommes conscients de la nécessité d'améliorations.
Nicolas Hubert, Direction de la Sécurité sociale - Mon propos portera sur les avancées récentes et les principes qui ont guidé le gouvernement dans la mise en place de cette réforme, ce qui permettra peut-être de répondre aux questions portant sur l'opportunité de la mesure. Je reviendrai également sur les sujets évoqués en essayant d'apporter des réponses précises.
En ce qui concerne le cumul emploi-retraite, l'article 12 du projet de loi sur les retraites permet désormais d'exclure les indemnités de fonction des élus locaux des sommes prises en compte pour évaluer si le plafond du cumul emploi-retraite est atteint. À terme, et j'évoquerai ensuite la date d'application qui pose également problème, un élu local qui perçoit une indemnité de fonction pourra cumuler une rente de retraite intégrale, ainsi qu'un revenu d'activité annexe et une indemnité de fonction. En ce qui concerne la date d'application, je dois souligner que cette mesure a été introduite par amendement à l'article 12 à l'Assemblée nationale. Or, l'article 12 ne sera applicable qu'à partir de 2015. Nous avons fait remonter ce problème au cabinet de Mme Touraine en indiquant qu'une correction doit être envisagée pour 2014 et même pour 2013. En effet, il n'y a pas de raison pour que l'année 2013 soit traitée différemment, dans la mesure où le nouveau régime est applicable depuis janvier 2013. Toutefois, aujourd'hui, nous ne connaissons pas la position du cabinet.
Une autre amélioration - qui peut paraître modique mais qui n'est pas totalement négligeable - est la mise en place d'un correspondant « élu local » dans les CPAM. En effet, les CPAM ont été sensibilisées par la CNAM et il leur a été demandé de mettre en place, dans chacune d'entre elles, un référent élu local qui sera joignable en deuxième ressort. Un premier contact peut être opéré par le numéro habituel des CPAM, le 3646. Lorsque l'on achoppera sur des questions trop compliquées, le référent « élu local » prendra le relais. Il reste des points que la CNAM a voulu se faire préciser. Une lettre directive de la CNAM va être publiée d'ici la fin de l'année. Nous reconnaissons que c'est sans doute un peu tard et que ce délai pose des difficultés pour les élus. En effet, lorsqu'ils ont contacté leur CPAM, certaines d'entre elles leur ont répondu que tous les textes n'avaient pas été publiés. Mais, de notre point de vue, la loi de financement de la sécurité sociale est applicable et les textes d'application ont été pris. Il n'y a pas à attendre de nouveaux textes.
En ce qui concerne l'esprit de la réforme, les débats qui ont été tenus ici ont déjà eu lieu lors du débat parlementaire et lors de l'examen du décret devant la cCmission consultative d'évaluation des normes, puisque le décret fixant le seuil à la moitié du plafond y a été examiné. À cette occasion, les associations d'élus représentées et le président ont engagé une discussion sur le texte et sur l'opportunité de la mesure. Dans ce cadre, le président, M. Lambert, a souhaité ajourné l'examen du texte de cinq semaines, comme il en a le pouvoir. Il s'est adressé à Mme Touraine pour demander des précisions sur cette mesure. Une réponse sous forme de lettre a été apportée. Je ne vais pas vous la lire, car elle a circulé et est connue de tous. Ce document a rappelé qu'antérieurement à la LFSS pour 2013, il y avait des élus qui étaient affiliés, en raison de leurs activités professionnelles, et d'autres qui ne l'étaient pas. Cette situation était défavorable aux élus non affiliés. La lettre rappelle également, sans toutefois faire de déclaration de principe sur la sécurité sociale, que l'obligation de cotiser est indépendante de la question du salaire et de la rétribution, mais aussi et il faut le dire, de celle de la contrepartie que peut attendre l'assuré en termes de droits contributifs. Cela vaut également pour des travailleurs à temps partiel qui ont de faibles rémunérations et ont plusieurs emplois. Ils cotisent sur tous les emplois, y compris s'il n'y a pas de contreparties contributives pour certaines prestations de l'assurance maladie. J'ai bien conscience que dans le cas qui nous intéresse nous ne sommes pas en présence de salariés mais, par parallélisme, un salarié avec deux rémunérations pourrait considérer demain qu'il ne doit au final cotiser que sur une seule d'entre elles. Or cela remettrait en cause un principe fondamental sur lequel repose le financement de la sécurité sociale.
Le courrier rappelait aussi que sur le sujet du salariat, personne n'a expliqué que l'on était en train de « salairiser » les indemnités lorsque les cotisations à l'IRCANTEC ont été instaurées. Cela n'a pas posé de difficultés.
La lettre évoquait enfin l'effet de seuil, du fait de la moitié du plafond. En effet, lorsqu'un élu est en dessous de la moitié du plafond, il ne cotise pas ; au-dessus, il cotise. La mesure a été envisagée comme cela pour ne pas pénaliser les élus percevant les indemnités les plus faibles. Dès lors, les effets de seuil sont inévitables. Mais si un tel dispositif n'avait pas été mis en oeuvre, on aurait pu reprocher au gouvernement de faire cotiser des élus qui ont de faibles rémunérations. J'entends l'idée qui a été émise de faire un rabot sur l'assiette de la cotisation à hauteur du seuil, mais telle n'a pas été la solution choisie par le gouvernement. Le seuil a été créé pour protéger les élus locaux ayant les indemnités les plus faibles.
Je souhaitais aussi revenir brièvement sur l'idée selon laquelle cette mesure a été prise pour redresser les comptes de la sécurité sociale. L'étude d'impact indique que le rendement de cette mesure est de 140 millions d'euros. À la demande de M. Lambert, nous avons affiné notre analyse. En ce qui concerne les dépenses, on estime à 10 millions d'euros le coût des prestations au titre des accidents dans l'exercice des fonctions - lesquels sont aujourd'hui pris en charge par les collectivités territoriales -, et 13 millions d'euros pour les indemnités journalières pour maladie, soit au total 23 millions d'euros auxquels s'ajoutent les retraites. Pour ces dernières, nous sommes incapables de prévoir le montant des rentes versées, car cela dépend des situations individuelles.
Enfin, nous ne considérons pas que cette mesure ait un caractère rétroactif. En effet, la loi parle du plafond de la sécurité sociale, or le plafond est une notion annuelle. Lors de la préparation des textes d'application, nous avons été alertés par le fait que si le texte paraissait tardivement, le rattrapage serait douloureux du point de vue de la « cotisation salariale » et de la « cotisation employeur », si vous me permettez ce parallélisme. Or, l'ajournement de cinq semaines de l'examen du texte devant la CCEN a participé à cette entrée en application tardive.
M. François Grosdidier. - On a eu d'un côté des exposé très clairs, et de l'autre côté, excusez-moi, un peu de langue de bois. Vos réponses aux questions posées sont très loin de me donner satisfaction.
Certains parmi nous, membres de l'opposition, ont voté en faveur du PLFSS, d'autres ont voté contre. Ces derniers ont été bien inspirés : ce qu'on découvre aujourd'hui est encore pire que ce que l'on pensait. Je considérais pour ma part que cette réforme consistait uniquement en un transfert supplémentaire, depuis les collectivités territoriales et les élus, vers le budget de la sécurité sociale. Mais je ne pensais pas que le ratio entre les dépenses engendrées par la mesure et les recettes attendues serait aussi défavorable.
De plus, la mise en oeuvre de la réforme pose problème. Si les élus doivent déclarer leurs arrêts maladie aux collectivités locales, on touche du doigt l'aberration totale de ce système. Qu'est-ce que le travail d'un élu ? A-t-il le droit de travailler le dimanche, de travailler la nuit ?
Une chose apparaît évidente : d'un côté 23 millions de dépenses pour la sécurité sociale, et de l'autre 140 millions qui vont être prélevés sur les collectivités et les élus, alors que les indemnités de ceux-ci ne sont pas revalorisées. Il y a non pas un accroissement, mais une réduction des droits.
Un problème aurait éventuellement mérité d'être corrigé. Hier, les élus membres des exécutifs territoriaux pouvaient décider d'arrêter de travailler et cotiser volontairement. Mais ceux qui n'étaient pas membres d'un exécutif ne le pouvaient pas, même s'ils avaient de vrais responsabilités - par exemple dans le cas d'un élu à la fois conseiller général et régional.
Aujourd'hui, tout le monde cotise, sans avoir de nouveaux droits ouverts à la hauteur des prélèvements opérés. Les droits supplémentaires sont infinitésimaux, et ne sont pas même encore arrêtés - alors que les conséquences pour les élus sont certaines. Cela mériterait que nous organisions au plus vite un travail au sein de la délégation pour corriger les mesures prises.
Vous évoquez le cas des gens qui ont deux salaires - je n'en connais pas beaucoup. On voit beaucoup plus fréquemment des travailleurs aux salaires élevés qui utilisent d'autres modes de rémunération, en entreprise, pour compléter leurs revenus et moins cotiser.
Le système qui est en train de se créer, très défavorable aux élus, va les dissuader de s'engager. De nombreux maires dans la force de l'âge renoncent à se présenter aux élections tant les indemnités sont faibles au regard du temps consacré à leur mandat. Le nouveau système, que beaucoup vont découvrir a posteriori, va aggraver cette crise des vocations. On ne peut pas se satisfaire de la situation présente.
M. André Reichardt. - Le choix qui a été fait vise à faire payer chacun, quelle que soit sa situation. Il valait mieux se contenter de « boucher les trous de la raquette », en réglant le cas des élus qui n'étaient pas protégés. Mais faire payer les élus qui cotisent déjà, sans aucune compensation, engendre un malaise grandissant.
Dans mon département, de nombreux élus qui cotisent déjà en qualité de retraités se voient à nouveau appliquer une cotisation sur leurs indemnités, c'est incompréhensible. Donner une couverture sociale digne de ce nom aux élus qui en sont privés est une cause noble. Il faut s'arrêter là.
J'ai une question complémentaire sur la fiscalisation de ces indemnités. Certains élus locaux m'indiquent parfois que ces indemnités seraient fiscalisées au premier euro, sans prendre en compte les prélèvements sociaux. Il s'agit peut-être d'une erreur, mais peut-on me donner des assurances sur ce point ?
Nicolas Hubert, Direction de la Sécurité sociale - En matière sociale, ce qui est assujetti à l'impôt sur le revenu c'est le revenu brut - incluant les cotisations salariales - et la CSG non déductible. Il n'y a pas de cas où les cotisations patronales sont assujetties à l'impôt sur le revenu.
Mme Marie-Madeleine Mialot-Muller, représentante de l'Association des régions de France. - Si, il existe un cas. Depuis 2011, la part patronale de la retraite CAREL ou FONPEL est incluse dans la base imposable.
M. Christophe Peyrel, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale à la Direction générale des collectivités locales (DGCL). - C'est un autre sujet. Mais il est juridiquement impossible que les élus se voient appliquer une imposition au premier euro sur l'indemnité. Si cela se produit, c'est sans doute une erreur de comptabilité. Il n'y a aucune volonté d'aller en ce sens. Je vous invite à faire remonter ce genre de cas.
Un éventuel prélèvement à la source, dès le premier euro, effectué sur l'indemnité versée à un élu local, ne pourrait découler que d'une erreur commise par la recette locale des finances, et serait sans base juridique. Ma direction souhaiterait que lui soit transmis les éléments précis de cas de ce type, pour éviter leur renouvellement.
M. Georges Labazée. - Il semble normal que la part « indemnités » soit soumise à cotisations pour financer la couverture sociale des quelques élus qui en sont dépourvus. En revanche, je voudrais être certain qu'une décision formelle a bien été prise, après concertation, pour soustraire la fraction représentative des frais d'emploi (FRFE) de toute cotisation.
M. Antoine Lefèvre. - Je remarque le point positif qui, à mon sens, a corrigé une injustice concernant les élus qui n'étaient affiliés nulle part. J'ai fait partie de ces élus et j'ai donc été assez satisfait de cette mesure. Mais j'ai aussi vu les autres effets, qui ont créé d'autres types d'injustices et d'autres incongruités. Aujourd'hui, dans les mandats locaux, il y a en effet beaucoup de conseillers ou d'adjoints qui sont retraités.
J'ai interrogé la semaine dernière Mme Touraine, et Mme Escoffier m'a répondu, concernant le problème des élus qui touchent des allocations au titre du handicap. Dans ce domaine, c'est encore plus choquant, car l'allocation de handicap n'est pas un revenu mais l'expression d'une solidarité nationale. Je crois donc qu'il faut regarder cela.
Je suis arrivé au Sénat en 2008, j'ai intégré la Délégation aux collectivités territoriales sous la présidence d'Alain Lambert. Peu d'élus locaux et nationaux étaient conscients du phénomène de la non-affiliation de certains élus. Nous n'étions pas forcément nombreux à être concernés, mais cela était assez gênant, notamment pour des élus qui, comme c'était mon cas en 2001, avaient pris l'engagement en devenant maire de cesser leurs activités professionnelles.
J'ai appelé le service juridique de l'AMF, qui m'a expliqué que si je n'étais pas réélu à l'issue de mon mandat, je relèverais directement de la couverture maladie universelle (CMU), cela m'a inquiété.
Sur ce plan, la réforme apporte un élément positif, mais la concertation n'a pas été suffisante, ou en tout cas incomplète. On a répondu à un problème dont le règlement était attendu depuis longtemps, il y a des effets induits. Je partage ce que disait François Grosdidier sur les responsabilités pesant sur les élus locaux et sur les vocations à venir. Je pense qu'il sera de plus en plus difficile de trouver des volontaires.
Mme Christiane Jury - Pour notre commune de 1 600 habitants, il faut que j'augmente les taxes ménages de 1,6 % pour permettre le paiement de la part patronale.
Nous avons énormément de frais. Peuvent-ils être déductibles en tant que frais d'exercice du mandat, auquel cas nous passerions en-dessous du seuil ?
M. Christophe Peyrel, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale à la Direction générale des collectivités locales (DGCL). - Ces frais sont pris en compte de manière forfaitaire dans la FRFE. La question que pose Mme Jury revient à celle que vous avez posée, Monsieur le président, à savoir : la FRFE peut-elle être prise en compte ? À ce stade, ce n'est pas un projet sur lequel le gouvernement travaille.
Les représentants des administrations que vous avez devant vous ont bien compris les messages et l'urgence que vous invoquez. Cela va donc remonter rapidement vers les instances politiques responsables.
M. Philippe Gosselin, représentant de l'Association des maires de France. - Vous minimisez les chiffres quand vous dites que cela ne concerne que 4 % des 520 000 élus locaux. Ce n'est pas vrai, car il ne faut pas prendre la totalité des élus municipaux et des conseillers généraux. Très peu sont en réalité indemnisés : maires et adjoints ; parfois dans certaines villes, et très rarement, pour ne pas dire jamais, dans les communes rurales, il y a des conseillers municipaux délégués qui sont indemnisés. J'estime à environ 120 000 le nombre d'élus indemnisés. Donc 20 000 sur 120 000, nous ne sommes plus à 4 %, c'est beaucoup plus. En réalité, en dehors des communes rurales de moins de 1 000 habitants, dès qu'il existe une intercommunalité et que l'on franchit les 1 000 habitants, la question se pose. Il y a donc un impact sur l'ensemble du territoire national. Ce n'est pas 4 %.
M. Christophe Peyrel, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale à la Direction générale des collectivités locales (DGCL). - Nous estimons que le nombre d'élus indemnisés oscille entre 180 000 et 230 000. Nous ne sommes pas si loin des 120 000 que vous avancez.
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Vous nous avez dit qu'il y aurait une amélioration dans le cadre de la loi sur les retraites. Voyez-vous un véhicule que l'on pourrait utiliser rapidement, PLFSS, PLF ou autre, pour améliorer un ou deux aspects, soit au Sénat soit à l'Assemblée ? Car il y a des éléments qui ne sont pas acceptables.
M. Christophe Peyrel, sous-directeur des élus locaux et de la fonction publique territoriale à la Direction générale des collectivités locales (DGCL). - Pour la partie qui me concerne et qui concerne le statut de l'élu, il y a la proposition de loi de Mme Gourault et de M. Sueur. C'est le véhicule législatif le plus proche et qui traite du statut de l'élu.
M. Philippe Gosselin, représentant de l'Association des maires de France. - Cette proposition de loi arrive la semaine prochaine à la commission des Lois de l'Assemblée nationale, et en débat public aux alentours des 11, 12, 13 décembre, sachant qu'il y a un risque de télescopage avec la loi sur les métropoles.
Mme Marie-Madeleine Mialot-Muller, représentante de l'Association des régions de France. - Vous avez dit tout à l'heure que nous contribuions à l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (IRCANTEC) et que cela ne nous posait pas de problèmes. Je rappelle que l'IRCANTEC nous ouvre des droits qui nous sont envoyés tous les ans. C'est très différent du système prévu par la circulaire où, tout en cotisant, les retraités n'auront aucun droit. Il ne faut pas comparer les deux choses. L'IRCANTEC est un système bien fait. Je leur ai d'ailleurs écrit en décembre pour leur demander si nous allions continuer à être à l'IRCANTEC, puisque nous sommes au régime général. Ils m'ont répondu par l'affirmative, mais nous aurions pu nous poser la question.
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Si le Gouvernement voit que c'est une mesure raisonnable, peut-être peut-il la reprendre.
M. André Reichardt. - Il conviendrait de réfléchir aux seuils. L'idée que l'on va exempter les indemnités faibles est en contradiction avec l'idée d'assurer une sécurité sociale à tous les élus.
Il conviendrait de reprendre tout cela et peut-être faudrait-il créer un groupe de travail. La DGCL s'honorerait à organiser quelque chose avec nous.
M. Jean-Claude Peyronnet, président. - Nous avons eu un débat approfondi et dans un esprit constructif.
Je vais transmettre les informations à Jacqueline Gourault pour qu'elle voie avec l'Assemblée si l'on peut, dès l'examen de la proposition de loi, introduire certaines mesures. Je lui transmettrai également la proposition de former un groupe de travail, afin que l'on puisse également entendre les associations et discuter au fond.