Mardi 8 octobre 2013

- Présidence de Jean-Louis Carrère, président -

Loi de programmation militaire 2014-2019 - Examen du rapport et du texte de la commission

EXAMEN DU RAPPORT

M. Jean-Louis Carrère, président. - Avant de passer aux amendements, je souhaite que nous ayons un débat général maîtrisé. Ne changeons pas notre habitude, qui est de préférer aux grandes déclarations polémiques la recherche de l'intérêt général.

Sans revenir sur les analyses effectuées par le nouveau Livre blanc ni sur la nécessité d'une nouvelle loi de programmation militaire, rappelons que cette dernière répond à une double ambition : adapter notre outil de défense aux évolutions du contexte stratégique et préserver notre effort de défense afin de maintenir notre autonomie d'action. Le président de la République a décidé de sanctuariser les moyens financiers dont disposera la défense nationale. Les ressources du ministère de la défense sont maintenues à 31,4 milliards d'euros par an jusqu'en 2016, puis augmenteront progressivement jusqu'à 32,5 milliards en 2019, pour atteindre un total de 190 milliards d'euros sur la période. La France conserve ainsi ses ambitions de défense tout en tenant compte de l'objectif de redressement des finances publiques, dont la dégradation est devenue en elle-même un enjeu de souveraineté.

La défense est le troisième poste de dépense de l'État, après l'éducation, mais aussi après les intérêts de la dette. Or l'ensemble des démocraties occidentales, en Europe mais aussi aux États-Unis, procèdent aujourd'hui à des coupes drastiques dans leur budget de défense. La France sera ainsi l'un des rares pays en Europe capables de protéger de manière autonome son territoire et sa population, de dissuader tout agresseur étatique grâce au maintien de la dissuasion dans ses deux composantes, et d'intervenir militairement hors de son territoire. Même le Royaume-Uni a été contraint de renoncer à certaines capacités militaires, comme ses moyens aériens de patrouille maritime.

Le projet de loi de programmation prolonge, mais de façon plus modérée, la réduction du format de nos armées prévue par la précédente loi ; moins nombreuses, mais mieux armées, nos forces bénéficieront d'équipements nouveaux qui accroîtront leur efficacité opérationnelle : drones de moyenne altitude et longue endurance (MALE), avions de transport tactique A400M et ravitailleurs en vol, dont l'absence a fait défaut en Libye ou au Mali. Il poursuit tous les programmes d'équipements et en lance de nouveaux : seront ainsi livrés le premier sous-marin d'attaque nucléaire Barracuda, six frégates multimissions (FREMM) et des avions de combat Rafale. La modernisation des moyens de transport et de combat terrestre continuera avec le programme Scorpion. Grâce à la priorité donnée aux équipements, au renseignement et à la cyberdéfense, la France disposera d'un outil de défense moderne et adapté. Notre industrie de défense sera sauvegardée et les crédits de la recherche en matière de défense seront sanctuarisés.

Le projet de loi de programmation préserve ainsi l'essentiel ; il est d'une grande cohérence mais relativement fragile de ce fait même : le manque de l'un de ses éléments peut mettre l'ensemble en péril.

Nous ne sommes donc pas entièrement satisfaits, ou plutôt, nous restons inquiets. Aussi un amendement proposera-t-il, en cas de retour à meilleure fortune, de redresser le budget de la défense vers l'objectif de 2% du PIB.

Pour mettre en oeuvre cette loi de programmation, il faudra relever cinq défis. Le premier tient aux recettes exceptionnelles, provenant notamment de la vente de fréquences ou de cessions immobilières, qui viennent compléter les ressources budgétaires à hauteur de 6,1 milliards d'euros sur la période, soit 3% des ressources totales ; pour s'assurer qu'elles seront bien au rendez-vous, au montant et au moment prévus, l'ensemble des rapporteurs budgétaires de notre commission ont signé un amendement prévoyant qu'en cas de non-réalisation, elles seraient intégralement compensées par d'autres recettes ou par des crédits budgétaires sur un financement interministériel. Le deuxième défi est celui de la réussite de la déflation des effectifs et de la maîtrise de la masse salariale. La maîtrise des dépenses de soutien et du maintien en condition opérationnelle représentent un troisième enjeu. Quatrième défi, la préparation opérationnelle ne doit plus servir de variable d'ajustement : il en va de la crédibilité opérationnelle de nos armées et de leur moral. Enfin, cinquième et dernier défi, l'exportation : le maintien d'une industrie de défense forte suppose des succès à l'exportation quand les besoins des armées nationales ne suffisent pas.

Parce que la bonne exécution de la loi de programmation militaire sera déterminante - elle doit être absolument vertueuse ! -, nous proposerons un ensemble d'amendements renforçant le contrôle du Parlement sur cette exécution. La vigilance des élus est une garantie pour que la défense ne soit pas une nouvelle fois une variable d'ajustement.

Les orientations générales méritent d'être approuvées. Sa mise en oeuvre exigera beaucoup d'efforts, mais elle est très attendue par la communauté militaire et le monde de la défense. Elle est surtout dans l'intérêt de notre pays et au service de nos concitoyens et de notre sécurité. Comme l'a illustré son intervention au Mali, notre pays dispose d'équipements de très grande qualité mais surtout de militaires qui ont fait la preuve de leur professionnalisme, de leur dévouement et de leur efficacité. Notre commission et notre assemblée doivent, en approuvant ce projet de loi, témoigner de l'attachement des élus de la Nation à notre défense et aux hommes et femmes qui servent notre pays parfois jusqu'au sacrifice suprême.

M. Daniel Reiner, rapporteur délégué (équipements). - Jusqu'en 2009, la loi de programmation militaire portait uniquement sur les équipements. On prend désormais en compte les autres agrégats. C'est une bonne chose, tant les interactions entre les grandes masses financières sont fortes. Au demeurant, l'exécution de la précédente loi a moins souffert d'une dérive financière, 3% par rapport au vote d'origine et 1,6% par rapport à la trajectoire rectifiée en 2010, que d'une mauvaise maîtrise de la masse salariale qui est venue amputer les crédits d'équipements. Il faut faire en sorte que cela ne se reproduise plus.

Pour le reste, cette loi de programmation s'inscrit pleinement dans la continuité de la précédente : aucun grand programme d'armement n'est arrêté et aucun n'a été lancé, sauf peut-être les drones et les MRTT dont on parlait déjà. Elle donne la priorité aux équipements : l'agrégat équipements augmentera en valeur absolue de 16 milliards en 2013 à 18,2 milliards en 2019, et cela dans une enveloppe qui stagne en euros courants ; les industriels auraient mauvaise grâce à se plaindre, et ils ne le font pas. Mais cette priorité ne vaut que pour autant qu'elle soit exécutée. Le gouvernement a entendu faire une loi réaliste et sincère, dont nous voudrions qu'elle soit la première à être exécutée conforme. Les lois de Bercy ne sont pas celles de la physique ? Si nous ne sommes pas capables, ni à droite, ni à gauche d'exécuter correctement les lois de programmation, contentons-nous des lois de finances annuelles ! Si au contraire nous souhaitons continuer d'en faire, alors donnons-nous les moyens de faire respecter leur exécution. Cela passe par un renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement, y compris sur pièces et sur place. Nous allons devoir peut-être faire le bonheur du gouvernement malgré lui. Nous n'avons pas accès à des documents importants, comme la version actualisée du référentiel de programmation (VAR), malgré mes demandes répétées. Il n'est plus acceptable que le directeur général de l'armement empêche certains responsables de programmes de venir s'exprimer sur leur exécution. Enfin, il nous semble important que l'État publie sa stratégie d'acquisition, comme cela était prévu dans le précédent Livre blanc.

Il est de l'intérêt de nos industriels de bénéficier de l'éclairage stratégique du client étatique afin qu'ils ne dépensent ni leur temps ni leur énergie sur des recherches ou des démonstrateurs de programmes qui ne verront jamais le jour. Nous vous proposerons en conséquence de sous-amender l'amendement 11 sur la stratégie d'acquisition.

M. Jacques Gautier, rapporteur délégué (équipements conventionnels). - Ne boudons pas notre plaisir : optiquement au moins, la priorité semble bien donnée aux équipements, dans une loi qui a toujours été une loi d'équipements, et sous réserve que les dérapages de la masse salariale n'amputent pas les crédits des programmes, comme cela avait été le cas dans la précédente LPM. Ces nouvelles marges de manoeuvre n'ont pu être dégagées dans une enveloppe qui stagne en valeur qu'au prix de la diminution du format, de l'étalement des programmes et de la réduction des cibles.

La diminution du format, particulièrement rude dans l'armée de terre et dans l'aviation de chasse, touche aussi bien les équipements que les effectifs. Or, en matière militaire, la qualité de l'équipement est déterminante, mais la quantité compte aussi. Une arme est un système complexe composé d'une plate-forme et de la munition, dans un tel système, c'est la munition qui est la véritable arme. Or la loi de programmation va trop loin dans la réduction des cibles des programmes de missiles et de bombes. La cible du scalp naval, déjà ramenée à 200 unités, passe à 150. C'est trop peu, quand on sait que 170 missiles de croisières ont été envoyés sur la Libye aux premiers jours de l'intervention. C'est vrai également du missile Aster et des kits de guidage des bombes AASM qui permettent d'engager des cibles à haute valeur ajoutée hors zone. Il faut corriger cela, sinon notre armée n'aura d'autre utilité que de faire tourner les chaînes de production de nos industriels et de défiler sur les Champs-Élysées.

La réduction des cibles et l'étalement dans le temps sont les deux pires choses qui puissent arriver à un programme d'armement. Toute réduction des cibles se traduit mécaniquement par une augmentation, voire une explosion des coûts unitaires. Nous aurons au final commandé onze FREMM sur les dix-sept contractualisées, mais nous en aurons payé quatorze, et j'attends de faire le décompte pour le Rafale. En outre, cela rend obsolètes des équipements neufs, et conduit l'État à de coûteuses mises à jour. Quand il s'écoule cinquante ans entre la conception d'un programme et l'arrivée dans les forces du dernier exemplaire, c'est un peu comme si nos soldats s'écriaient : « Magnifique ! Les nouvelles Simca mille sont arrivées ! ».

Quand les gouvernements essaient de dégager des marges de trésorerie, l'État a intérêt à respecter sa parole et à avoir des programmes courts. Il serait ainsi préférable d'élargir les séries non pas dans le temps, mais dans l'espace par la coopération, comme dans le cas de l'avion A400M - ce magnifique appareil, désormais arrivé dans les forces, nous donnera une authentique autonomie stratégique, tactique et industrielle.

Je voudrais terminer sur une note positive ; la programmation va se traduire par l'entrée dans les forces d'équipements, pour la plupart d'entre eux conçus et commandés sous les précédents gouvernements. C'est dire comment la solidarité de ce que nous faisons en cette matière transcende la durée des gouvernements en place et doit être considérée du seul point de vue des intérêts de l'État.

M. Xavier Pintat, rapporteur délégué (nucléaire et espace). - Je me réjouis du maintien des deux composantes de dissuasion. Le rapport d'information que Didier Boulaud et moi-même avions rédigé l'an dernier a été entendu et j'en félicite le gouvernement. Mais je mettrai néanmoins un bémol. La trajectoire financière qui sous-tend la programmation prévoit que notre effort de défense sera de 1,3% du PIB dans cinq ans : cela veut dire que nous n'aurons plus les moyens de tout faire ; Il faudra choisir, c'est-à-dire renoncer soit à la composante océanique, soit au groupe aéronaval autour du porte-avions, soit à la capacité d'intervention à l'extérieur et aux A400M. Je ne parle même pas de la composante aérienne de la dissuasion dont le coût de l'ordre d'une centaine de millions d'euros par an - hors rénovation - n'est pas à la hauteur des enjeux. D'autant que les missiles ASMP/A sont les seuls missiles porteurs de l'arme capables de traverser les défenses anti-missiles balistiques. Donc je dirai que le feu est à l'orange : ça passe, mais la prochaine fois on risque fort de devoir s'arrêter au feu.

Je me réjouis de l'arrivée des drones Reaper dans les forces. Nous avions pris des positions en pointe sur ce sujet puisque, avec Jacques Gautier, nous nous étions opposés au gouvernement de l'époque, pourtant de la même couleur politique que nous. C'est la grandeur et l'utilité du Sénat que de prendre ses décisions en toute indépendance. Puisque le gouvernement a pris une décision difficile et courageuse, pour laquelle je rends publiquement hommage à Jean-Yves Le Drian, de grâce, ne perdons pas notre temps et notre argent à essayer de franciser un drone qui marche. Gardons-les pour construire, ensemble avec nos amis européens, un drone de troisième génération en proposant une feuille de route réaliste et financée pour le sommet de décembre des chefs d'État et de gouvernement européens de décembre. Sur ce sujet, nous n'accepterons pas que l'État acquière un drone tactique, quel qu'il soit, sans un appel d'offres. Cela serait contraire aux intérêts financiers de l'État et à la satisfaction du besoin opérationnel de nos armées. Tirons les leçons du passé et ne refaisons pas les mêmes erreurs qu'avec le drone Harfang.

Sur l'espace militaire, je me félicite que la programmation poursuive les programmes déjà engagés tels que Musis (multinational space-based imaging system) ou Syracuse (système de radiocommunication utilisant un satellite). Je regrette cependant l'absence de l'alerte spatiale ou alerte avancée. On ne peut pas insister à longueur de Livre blanc et de loi de programmation sur la souveraineté nationale, l'indépendance stratégique et l'autonomie d'appréciation et ne rien proposer pour les garantir. Il faut être cohérent : ou bien nous réduisons nos ambitions à la hauteur de nos moyens, ou bien nous nous donnons les moyens de nos ambitions. Cette loi de programmation est ainsi la moins mauvaise possible dans le cadre budgétaire tracé... malheureusement ce cadre budgétaire n'est pas le bon.

M. André Dulait, rapporteur délégué (ressources humaines). - Cette loi de programmation poursuit la diminution des effectifs : pour les années 2014-2019, l'article 4 prévoit une réduction d'environ 23 000 postes qui s'ajoute à la suppression d'environ 10 000 postes prévue par la précédente loi, soit une déflation totale de 33 000 postes sur la période et 82 000 sur les deux lois.

La grande manoeuvre des ressources humaines est beaucoup plus qu'une réduction des effectifs. C'est une réforme sans précédent du fonctionnement et des méthodes de gestion des armées, indissociable de la dissolution d'unités, d'organismes et de régiments, de la création des bases de défense, de la mutualisation et de la rationalisation du soutien commun. Les réformes menées de front sont inédites par leur ampleur. Peu d'institutions en France ont réussi un pareil tour de force et restructuré ainsi tout en engageant en permanence plus de 10 000 hommes sur le terrain dans plusieurs théâtres d'opération dont le dernier en date, le Mali, a illustré leurs performances - je veux leur rendre hommage. La catastrophe de Louvois est à comprendre dans ce contexte : une réforme sans précédent menée au pas de charge.

Le rythme de la déflation ira en décroissant vers 2019. Elle portera sur le soutien puis sur les forces de combat, affectant pour 78% des effectifs militaires et pour 22% des effectifs civils. Plus les années passent, plus la réduction des effectifs, notamment dans le soutien, devient difficile.

L'application de la précédente loi avait conduit à un maintien, voire à une croissance de la masse salariale, malgré la diminution des effectifs, à cause notamment de l'augmentation de la proportion des gradés, avec un objectif de dépyramidage. Celle-ci imposera au contraire une surdéflation des officiers, de l'ordre de 5 800 postes pour atteindre une proportion de 16% en fin de programmation. Des mesures similaires seront appliquées pour les civils.

De même, le renforcement de l'autorité fonctionnelle de la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRHMD) précisera les responsabilités en matière de suivi de la masse salariale, avec un document budgétaire unique. Enfin, dans la précédente loi, la moitié des gains résultant de la déflation avait été consacrée à l'amélioration de la condition militaire, l'autre moitié allant aux équipements. De moitié inférieure à la précédente, l'enveloppe de mesures catégorielles (45 millions d'euros par an), traduira un retour catégoriel moindre.

Pour atteindre ces objectifs, un certain nombre de dispositions de la partie normative du projet favorisent les départs de militaires, tels que la pension afférente au grade supérieur (article 23), la promotion fonctionnelle (article 24), ou encore la prolongation du pécule d'incitation à quitter l'armée (article 25) et de la mise en position de disponibilité. L'article 28 proroge en outre l'indemnité de départ volontaire pour les ouvriers d'État. Les armées pourront déterminer de façon précise les cibles par grade et par année susceptibles de bénéficier de ces dispositifs. Ces dispositions très classiques n'appellent ni observation ni amendement.

La réussite de la déflation demande que le moral des troupes soit préservé. Une évolution d'une telle envergure ne pourra être conduite efficacement à son terme sans la mobilisation et l'adhésion de l'ensemble des personnels civils et militaires. La condition militaire ne doit pas s'écarter excessivement des conditions de travail des civils ; la qualité du recrutement comme la fidélisation des militaires en dépendent. Une autre condition est la préservation du flux de recrutement, nécessaire au maintien d'une armée jeune, prête au combat. Or la tentation peut être forte de jouer sur les recrutements si les départs anticipés ou les mobilités vers la fonction publique ne sont pas à la hauteur. Les administrations, qui réduisent leurs effectifs, n'accueillent pas nos militaires à bras ouvert !

Je vous proposerai, lors de l'examen des articles, deux amendements : le premier sur le financement des opérations extérieures, le deuxième relatif au contrôle de la masse salariale.

Mme Michelle Demessine, rapporteure déléguée (accompagnement économique, immobilier et infrastructures). - Soulignons tout d'abord l'engagement de l'État et du ministère de la défense sur l'accompagnement économique des territoires, qui n'existe pas en Grande-Bretagne ou en Allemagne. L'enveloppe de 150 millions d'euros est proportionnée à l'ampleur des restructurations attendues, moindre que dans la précédente loi de programmation. Le rapport annexé indique que les mécanismes de contractualisation avec les communes pour la redynamisation des territoires seront simplifiés et que le régime des prêts participatifs de la Société de financement pour la réforme et le développement (Sofired), désormais au sein de la Banque publique d'investissement (BPI) sera amélioré. La prorogation de la possibilité de cession des emprises militaires délaissées à l'euro symbolique est annoncée pour le projet de loi de finances pour 2015. Il y a peu de précision en revanche, sur l'accompagnement fiscal et sur les dispositifs annexes. Nous vous proposerons quelques amendements pour conforter ce dispositif et pour que le Parlement suive mieux sa mise en oeuvre.

Des ressources exceptionnelles sont attendues des cessions immobilières de la défense : 650 millions d'euros sur la période dont 200 millions par an les trois premières années, en particulier grâce à la cession des emprises parisiennes. L'article 29 proroge la dérogation au code de la propriété des personnes publiques autorisant la remise des immeubles à France Domaines sans avoir à vérifier préalablement leur éventuelle utilité pour d'autres services de l'État. La clause de retour de 100% du produit des cessions au budget de la défense s'achevant à la fin de 2014 serait prorogée dans le projet de loi de finances pour 2015 ; nous vous proposerons de l'inclure dès 2014. Il s'agit enfin de lever des freins à la cession des immeubles, par exemple ceux tenant à la dépollution pyrotechnique.

L'optimisation des infrastructures immobilières se traduira sans doute par une densification des emprises, une rationalisation des structures, mais d'une ampleur plus réduite qu'au cours de la précédente loi. Un effort sera fait pour réaliser certaines infrastructures, décalées au cours de la précédente programmation, concernant la maintenance et les conditions de vie des militaires. Les programmes de réalisation d'infrastructures spécifiques pour accueillir les nouveaux équipements seront poursuivis, comme la rénovation des réseaux électriques des grands ports et celle des hôpitaux. Le réajustement des commandes d'équipement entraînera une adaptation des programmes d'infrastructures qui y sont associés mais dans une moindre mesure : réduisez le nombre de hangars, il faut toujours une piste pour les avions...

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué (articles 30, 31 et 32). - L'article 30 étend le régime juridique des polygones d'isolement autour d'établissements sortis de l'orbite organique du ministère à la suite de privatisations. L'article 31 rehausse au niveau législatif des exemptions et aménagements de nature réglementaire aux procédures de l'enquête publique, afin d'assurer la protection du secret de la défense nationale. L'évolution de la jurisprudence du Conseil constitutionnel y invite. L'article 32 complète un article du code pénal qui sanctionne « les intrusions non autorisées sur un terrain, dans une construction ou dans un engin affecté à l'autorité militaire », parce que les ports militaires étaient couverts de façon insuffisante, notamment pour ce qui concerne les plans d'eau. Nous n'avons pas d'objection à l'adoption de ces articles.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué (préparation opérationnelle et maintien en conditions opérationnelles). - L'entraînement fonde la valeur opérationnelle des forces armées. Depuis plusieurs années, nous nous alarmons de l'effritement continu et préoccupant des crédits dévolus à la préparation opérationnelle et des conditions d'entraînement des militaires, notamment dans les unités non projetées en OPEX. Dans un contexte de rareté budgétaire et d'engagements nombreux, on a privilégié les interventions extérieures au détriment des missions d'entraînement sur le territoire national. Les jours d'entraînement de l'armée de terre ont fondu comme neige au soleil des 150 jours prévus dans la loi de programmation 2009 aux 83 réalisés en 2013....

La priorité donnée aux opérations s'est également ressentie pour les matériels et équipements utilisés pour l'entraînement, dont la disponibilité opérationnelle s'est trouvée particulièrement contrainte, tandis que les dotations budgétaires consacrées à l'entretien programmé des matériels s'éloignaient progressivement des trajectoires de la loi de programmation. On se trouve aujourd'hui dans l'effet de ciseau de ce qu'on appelle la courbe en baignoire : la maintenance d'un parc d'équipement vieilli et hétérogène devient difficile et plus couteuse ; l'arrivée de nouveaux matériels renchérit également le coût d'entretien, insuffisamment couvert par les dotations budgétaires. Puiser dans le stock de pièces de rechange a fini par affecter directement la disponibilité des matériels. Nous avons ainsi de véritables points noirs bien connus : transport stratégique et tactique de l'armée de l'air, patrouille maritime de la marine, AMX10 de l'armée de terre... La prévision de disponibilité est tombée à 40% pour les véhicules de l'avant blindé (VAB), à 50% pour les frégates et à 60% pour les avions de combat de l'armée de l'air.

L'inversion de cette tendance est une priorité forte du projet de loi de programmation militaire. Les crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels progresseront en moyenne de 4,3% par an en valeur pour s'établir à un niveau moyen de 3,4 milliards d'euros courants par an sur la période. Il faudra toutefois agir en deux temps : les deux premières années seront consacrées à la reconstitution des stocks et à la stabilisation de l'activité au niveau d'entraînement, déjà trop juste, de 2013 ; ce n'est qu'à compter de 2016 qu'est prévu un redressement des indicateurs d'entraînement.

Un grand programme de révision de la chaîne logistique (supply chain) a été lancé afin de rationaliser toutes les composantes du MCO. Il devrait voir le jour en 2015, pour une mise en oeuvre en 2016.

C'est dans le moyen terme que les efforts paient. Les améliorations ne se feront pas d'un coup de baguette magique, mais avec de la ténacité, dans la durée. Nous soutenons bien sûr l'effort résolu du Gouvernement en la matière, et je vous présenterai tout à l'heure deux amendements pour l'inciter à ne pas flancher en cours de route.

M. André Trillard, rapporteur délégué (recherche et technologie de défense). - Je me réjouis que les crédits consacrés à la recherche et à la technologie de défense soient en principe sanctuarisés à hauteur de 730 millions d'euros par an, soit un peu plus que dans la précédente loi. Néanmoins, il ne faut pas exagérer l'importance de cette orientation qui résulte de la diminution de la production, de l'étalement des programmes dans le temps et de la réduction des cibles. En d'autres termes, dans une enveloppe budgétaire qui stagne en euros courants, les crédits sont concentrés sur les études plutôt que sur la production. C'est un choix respectable. Imaginer le futur de l'avion de combat et avoir les études sur les drones c'est bien ; avoir les drones en vrai c'est bien aussi. N'exagérons donc pas l'importance donnée aux crédits destinés aux études amont.

Lorsque les temps sont difficiles et les ressources rares il faut dépenser son argent à bon escient. Je regrette que le gouvernement n'ait pas profité de l'occasion pour modifier la démarche stratégique française. Certains documents comme le plan prospectif à trente ans n'ont pas été remis à jour depuis 2011. Cela signifie-t-il que pendant toute la durée de redéfinition du Livre blanc, de la loi de programmation et de la loi de finances, les industriels doivent s'arrêter de travailler ? N'est-il pas dans l'intérêt de ces mêmes industriels, de cette fameuse base industrielle et technologique de défense, de savoir quelles sont les priorités de l'État avant d'investir ? Cela est d'autant plus important pour les PME. MM. Gautier et Reiner défendront un sous-amendement sur le sujet.

De même, je me demande s'il ne faudrait pas dissocier les fonctions d'orientation et d'éclairage stratégique de la recherche des fonctions de conduite des programmes d'armement. Aux États-Unis, la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) est une agence autonome et son action n'est pas absorbée par la lourde responsabilité de définir et de conduire les différents programmes. Or, en France, la Direction générale de l'armement est responsable de tout. Il y a sans doute là une réflexion à mener sur la nécessaire refonte de la démarche stratégique.

M. Jacques Berthou, rapporteur délégué (cyberdéfense). - Les attaques informatiques représentent aujourd'hui l'une des toutes premières menaces qui pèsent sur notre sécurité nationale. Le nouveau Livre blanc et ce projet de loi en font d'ailleurs une priorité nationale, comme l'avait demandé Jean-Marie Bockel.

On peut distinguer trois grands types d'attaques informatiques : l'espionnage, souvent d'origine étatique, est massif, comme l'illustrent les révélations de l'ex-consultant de la National Security Agency (NSA) Edward Snowden, et touche à tous les domaines de souveraineté ; la déstabilisation est l'attaque la plus médiatisée car la plus visible, avec ses messages de propagande ou d'hostilité placés sur des sites internet mal protégés ou la paralysie de l'accès à des sites internet ou à des services en ligne, dites attaques en déni de service ; le sabotage, enfin, cherche à faire dysfonctionner les installations connectées aux réseaux de communications électroniques, qu'il s'agisse de services bancaires ou de centrales de production d'énergie. On peut ainsi penser au virus informatique Stuxnet, ayant détruit un millier de centrifugeuses de la centrale nucléaire iranienne de Natanz, retardant ainsi le programme nucléaire militaire de l'Iran, ou encore l'attaque subie par le premier producteur mondial de pétrole Saudi Aramco en août 2012.

Certaines de ces cyberattaques peuvent mettre en cause la sécurité nationale : attaques sur des systèmes étatiques, sur des réseaux essentiels touchant à des infrastructures critiques (comme une centrale électrique ou le réseau d'électricité par exemple), sur des systèmes de communication de nos équipements militaires, ou encore tentatives de pénétration des réseaux des administrations, des grandes institutions publiques et des entreprises stratégiques. Cette cybermenace ira inévitablement en s'accentuant : nous sommes tous les jours plus dépendants des systèmes d'information et d'internet, ce qui en fait des cibles particulièrement sensibles ; l'interconnexion des réseaux est croissante et l'utilisation de produits standards, dont les vulnérabilités sont en permanence scrutées par les attaquants, se généralise ; le profil des attaquants se professionnalise, avec l'apparition de véritables groupes de hackers capables de monnayer leur savoir-faire auprès d'un large éventail de commanditaires ; certains États eux-mêmes se dotent de capacités offensives ; enfin, ce type d'attaque reste peu coûteux et peu risqué pour celui qui le met en oeuvre.

Comme le souligne le nouveau Livre blanc, il est indispensable de renforcer la protection et la défense des systèmes d'information et de communication jugés essentiels, comme le prévoit le projet de loi de programmation.

M. Jean-Marie Bockel, rapporteur délégué (cyberdéfense). - Trois principales mesures sont prévues dans la partie normative. Le projet renforce les moyens d'action de l'État, grâce à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI). En cas d'attaque informatique grave « portant atteinte au potentiel de guerre ou économique, à la sécurité ou à la survie de la Nation », celle-ci pourra accéder légalement à l'ordinateur utilisé par l'attaquant, surveiller son comportement et éventuellement neutraliser ses effets. Lors de son audition, le directeur général de l'ANSSI, Patrick Pailloux, a comparé cette disposition à la situation des pompiers : en cas d'incendie ils ont le droit d'enfoncer la porte pour sauver les occupants d'un immeuble.

En outre, ce texte renforce, comme nous l'avions demandé, les obligations des quelque 250 opérateurs d'importance vitale en matière de protection de leurs systèmes d'information. Cette loi reprend plusieurs propositions de notre rapport, ainsi que des mesures prévues par une proposition de directive européenne. Ainsi, ces opérateurs signaleront, sous peine de sanction, les incidents informatiques significatifs à l'ANSSI. L'État pourra imposer aux opérateurs des règles de sécurité informatique, définies secteur par secteur, en concertation avec les opérateurs. Il pourra aussi procéder à des audits ou des contrôles en matière de sécurité informatique, comme c'est déjà le cas pour la sécurité physique des installations sensibles. Enfin, en cas de crise informatique majeure, l'État pourra imposer des mesures drastiques, comme la déconnexion de l'Internet.

Le troisième volet renforce la sécurité des grands équipements de réseau, à l'image des routeurs de coeur de réseau, en prévoyant un régime d'autorisation. Il s'agit d'éviter que ces équipements, par lesquels transitent toutes les communications, ne soient utilisés par certains États ou organisations à des fins d'espionnage en y plaçant des dispositifs d'interception.

Au total, les dispositions normatives renforcent la protection de nos systèmes d'information et légalisent des actions que nous serions amenés à mener. Avec Jacques Berthou, nous vous proposerons de compléter ces mesures par deux amendements pour autoriser l'étude des vulnérabilités informatiques des laboratoires de recherche et des entreprises spécialisées dans la sécurité informatique.

Le rapport annexé prévoit un renforcement des moyens humains et financiers des armées, de la DGA et des services spécialisés consacrés à la cyberdéfense, afin de combler notre retard.

Je salue votre engagement, monsieur le Ministre, dans le domaine de la cyberdéfense, qui a été rappelé par le contre-amiral Arnaud Coustillière, officier général à la cyberdéfense, lors de son audition. Malgré la diminution des effectifs du ministère et dans un contexte économique difficile, vous avez récemment annoncé à Rennes que les effectifs et les moyens financiers consacrés à la cyberdéfense seront renforcés. Compte tenu de l'importance de ce sujet, nous avons pensé utile, avec Jacques Berthou et en accord avec notre président, de proposer un amendement afin de graver cela dans le marbre de la loi.

M. André Vallini, rapporteur délégué (judiciarisation). - Le chapitre 4, dont vous avez bien voulu nous charger, avec Marcel-Pierre Cléach, qui m'a prié de l'excuser, lutte contre la judiciarisation inutile de l'action militaire.

Le Président de la République a pris, dès mai 2012, à la suite de la décision très commentée de la Cour de Cassation dans l'affaire d'Uzbeen, l'engagement de ne pas soumettre les militaires engagés en opérations à un risque juridique excessif, qui viendrait paralyser leur action : « Nos militaires qui assurent la protection de la Nation méritent en retour que la Nation les protège, notamment d'une judiciarisation inutile de leur action » a-t-il dit à l'époque. Le recours croissant au juge dans les rapports sociaux n'est pas spécifique à l'action militaire ; c'est une évolution générale de la société. Pourtant, la situation d'un militaire en opérations étant différente de celle d'un chirurgien ou d'un médecin urgentiste, il convient de prévoir des dispositions pénales particulières.

Le militaire est naturellement amené à faire usage de la force ; en opérations, l'urgence est son lot commun. Il exerce parfois son métier dans des conditions extrêmes. La mort, dont l'acceptation figure en toutes lettres, sous le terme de « sacrifice suprême », dans le statut général des militaires, est la conséquence ultime d'un engagement, et non un dommage causé à une victime. L'application du droit commun n'est pas totalement adaptée à ces circonstances très particulières. Pour autant, « On est citoyen avant d'être soldat » disait Napoléon, et l'accès des victimes au juge est un principe constitutionnel qui ne peut souffrir que des exceptions limitées.

Conciliant au mieux ces deux impératifs contradictoires, les propositions du groupe de travail entre les ministères de la défense et de la justice reprennent la réflexion menée dans le cadre de la commission Denoix de Saint Marc en 2004 sur le statut général des militaires, qui nous avait conduits à adopter diverses dispositions législatives en 2005.

Il convient tout d'abord de souligner le caractère très spécifique de la mort au combat, dont la cause n'est, en principe, ni suspecte ni inconnue, pour éviter ainsi que certains événements graves mais inhérents à la nature des opérations militaires, ne soient immédiatement appréhendés sur le terrain judiciaire. Le projet de loi met ainsi fin au déclenchement automatique de l'enquête pour recherche des causes de la mort dans le cadre de combats. Les magistrats pourront décider s'il y a lieu à enquête. De plus, le parquet aura le monopole de la mise en mouvement de l'action publique en cas de crimes ou délits commis par un militaire à l'étranger, dans le strict cadre d'une opération militaire et dans l'accomplissement de sa mission.

L'excuse pénale pour le militaire qui, dans le cadre d'une opération militaire se déroulant à l'extérieur du territoire français, exerce des mesures de coercition ou fait usage de la force armée, ou en donne l'ordre, « lorsque cela est nécessaire à l'accomplissement de sa mission », s'appliquera aussi pour des interventions militaires ponctuelles de type libération d'otages, évacuation de ressortissants ou police en haute mer, et pas seulement pour les OPEX stricto sensu. La responsabilité pénale des militaires ne pourra être engagée pour des faits de violence involontaires qu'après prise en compte par la justice d'un certain nombre de circonstances inhérentes aux difficultés particulières de l'action militaire.

Enfin, la spécialisation des juridictions de droit commun en charge des affaires pénales concernant les militaires se poursuit, d'où la concentration du contentieux pour les infractions commises sur le territoire national sur un plus petit nombre de juridiction - elles passeront de 33 à moins d'une dizaine. La concentration et la spécialisation sont nécessaires ; nous l'avions dit dès 2011 lorsque nous avions supprimé le tribunal aux armées de Paris.

Ce volet de la loi de programmation est très attendu de la communauté militaire, et il est bien reçu aussi bien par le ministère de la justice, que par les avocats et magistrats que nous avons rencontrés. De façon générale, on constate un certain rapprochement entre deux mondes qui étaient soit étrangers soit hostiles l'un à l'autre. Nous avons insisté auprès de la chancellerie et des magistrats sur la formation des juges à la chose militaire, et ce dès l'École nationale de la magistrature, et auprès du ministère de la défense sur l'impératif de professionnaliser la prévôté, de renforcer le conseil juridique auprès des chefs de corps mais aussi d'informer et d'accompagner les familles des victimes, car les proches ne partagent pas toujours l'engagement du soldat victime au combat. En cas d'événement grave, des maladresses ont pu être commises par le passé, qui ont précipité la judiciarisation.

La question la plus sensible est celle du monopole des poursuites pour les événements survenus en OPEX. Le filtre du parquet est justifié non seulement en raison du risque d'instrumentalisation des prétoires contre la politique de défense, que Robert Badinter mettait en avant dès 1982, mais aussi à cause des conséquences opérationnelles de la judiciarisation. Le risque pénal inhibe le commandement, alors que l'audace et la prise de risque calculé font partie de la manoeuvre militaire, suivant la devise : « Qui ose gagne ». Avec le risque de judiciarisation, les chefs voudront se couvrir et leur main pourrait passer de l'épée au parapluie. Le risque pénal fragilise la chaîne d'exécution de l'ordre, alors que la discipline et l'obéissance fondent l'efficacité militaire, surtout dans l'armée française, caractérisée par une prise de responsabilité à tous niveaux, notamment dans les forces spéciales.

Le gouvernement nous proposant un bon point d'équilibre, je ne vous présenterai que des amendements de précision.

M. Alain Néri, rapporteur délégué (harkis). - L'article 33 rétablit les intentions du législateur qui, de façon constante depuis 1987, réserve le bénéfice de l'allocation de reconnaissance servie aux harkis, aux seuls membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie, soumis antérieurement au statut civil de droit local applicable aux populations arabo-berbères d'origine locale. La loi de 1987 et les lois en découlant avaient posé deux critères : celui de résidence ou de domicile sur le territoire français ou de l'Union européenne, et celui de nationalité. Le Conseil constitutionnel a considéré à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité, que ce dernier ne pouvait être justifié par l'objet de la loi. En censurant cette disposition, il a de facto rendu bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance de nouvelles catégories. Le coût de cette extension serait de 270 millions pour 9 000 bénéficiaires supplémentaires. Pour éviter cet effet d'aubaine, l'article 33 vise directement « les membres des formations supplétives de statut civil de droit local », pour éviter la référence au critère de la nationalité prohibé par le Conseil constitutionnel. Je vous propose de l'adopter.

M. Jean-Louis Carrère, président (renseignement). - Le précédent Livre blanc de 2008 avait consacré la nouvelle fonction stratégique « connaissance et anticipation » et fait du renseignement une priorité. La création du coordonnateur national du renseignement, la fusion de la direction centrale des renseignements généraux (RG) et de la direction de la surveillance du territoire (DST) au sein de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), qui s'appellera dans quelques jours la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), ainsi que la création d'une académie du renseignement, ont renforcé les échanges entre les six services de la « communauté française du renseignement » : la DCRI, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), la direction du renseignement militaire (DRM), la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et Tracfin.

La précédente loi de programmation militaire s'est traduite par une augmentation sensible des moyens humains et budgétaires, principalement au profit de la DGSE. En revanche, les programmes majeurs de renseignement militaire, comme les satellites MUSIS et CERES ont subi des retards très importants.

Enfin, les dysfonctionnements constatés à l'occasion de l'affaire Merah ont démontré qu'il fallait renforcer les moyens du renseignement intérieur, mais aussi prévoir un véritable contrôle parlementaire sur les services de renseignement, afin d'éviter une judiciarisation excessive.

Dans le prolongement du nouveau Livre blanc, qui érige le renseignement en priorité majeure, le projet renforce sensiblement les moyens humains et financiers des services de renseignement, et adapte le cadre juridique de leur action. Le chapitre 2 prévoit ainsi de renforcer la protection de l'anonymat des agents appelés à témoigner lors de procédures judiciaires, d'élargir l'accès des services de renseignement aux fichiers administratifs et de police judiciaire, d'autoriser l'accès des services au fichier des déplacements aériens (API), de créer un nouveau fichier sur les données des passagers aériens (PNR) et de clarifier le cadre juridique de la géolocalisation en temps réel.

Avec Michel Boutant et Jeanny Lorgeoux, nous nous sommes entretenus de ces mesures avec le coordonnateur national du renseignement, M. Alain Zabulon, avec le directeur général de la sécurité extérieure, M. Bernard Bajolet, avec le directeur du projet PNR, M. Evence Richard, ainsi qu'avec les représentants de la CNIL. Il est ressorti de ces auditions, comme des travaux du groupe de travail n° 4 de la commission chargée d'élaborer le Livre blanc, auxquels j'ai participé, qu'il fallait adapter le cadre juridique afin de renforcer l'efficacité d'action des agents des services de renseignement, tout en préservant le respect des libertés et droits fondamentaux. À cet égard, les représentants de la CNIL ont critiqué le nouveau fichier PNR, le jugeant inutile et soulevant des difficultés au regard de la protection des données personnelles. Ce fichier s'inspire d'une proposition de directive de la Commission européenne qui a fait l'objet d'un accord politique au Conseil mais qui a été rejetée par le Parlement européen. Les données PNR sont les données communiquées par un passager lors de la réservation d'un vol. Elles sont particulièrement utiles aux services de renseignement. Ainsi, lors de l'enquête sur Mohammed Merah, il est apparu que celui-ci avait effectué plusieurs séjours au Pakistan et en Afghanistan mais qu'il avait trompé la vigilance des services en effectuant plusieurs escales courtes. De plus, les compagnies aériennes françaises transmettent les données PNR aux États-Unis, au Canada et à l'Australie, en vertu d'accords conclus avec l'Union européenne, alors que nos propres services de renseignement ne peuvent y avoir accès. Nous vous proposerons plusieurs amendements pour renforcer les garanties relatives à la protection des données personnelles.

Jusqu'en 2007, la France était la seule démocratie occidentale à ne pas disposer d'un organe parlementaire dédié au contrôle des services de renseignement. La création en 2007 de la délégation parlementaire au renseignement a corrigé cette anomalie. En tant que membre de cette délégation, avec notre collègue Michel Boutant, je peux témoigner que, depuis plusieurs années, une véritable relation de confiance s'est nouée avec les services.

Cette délégation, à qui le projet confère un pouvoir de contrôle de la politique du gouvernement en matière de renseignement, sera informée de la stratégie nationale du renseignement et du plan national d'orientation du renseignement ; un rapport lui sera transmis tous les ans sur les crédits des services de renseignement. Le texte étend aussi la liste des personnes pouvant être auditionnées. Surtout, la commission de vérification des fonds spéciaux deviendrait une formation spécialisée de la délégation. Jusqu'à présent, les deux organismes étaient concurrents et la commission de vérification disposait de moyens plus importants que la délégation. Ces avancées sont importantes. Nous vous proposerons toutefois plusieurs amendements pour renforcer le contrôle parlementaire, en prévoyant que la délégation puisse auditionner les directeurs mais aussi les agents des services et connaître, sous certaines conditions, les opérations achevées.

M. Jacques Gautier. - Nous vivons un moment important, car nous réfléchissons à l'horizon de six, voire de douze ans. Notre approche doit être la plus constructive possible. Membre du Conseil permanent de sécurité et engagés auprès de divers pays africains, nos responsabilités internationales sont importantes, contrairement à d'autres pays européens, et nous intervenons seuls ou au sein de coalitions régionales ou internationales.

Cette loi de programmation correspond-elle aux besoins de notre pays ? Certains estiment que le ministre a obtenu de réelles avancées. Ce qui est sûr, c'est qu'il a sauvegardé l'essentiel. Aussi une partie du groupe UMP s'abstiendra-t-elle, reconnaissant par là même qu'il a préservé l'avenir, même s'il reste incertain. D'autres insisteront sur la fragilité de cette loi de programmation qui ne fait pas de choix et dont l'ambition dépasse nos moyens budgétaires. Dénonçant un manque de courage politique, ils voteront contre. Chacun se prononcera avec sincérité pour que notre pays tienne sa place dans le monde, quitte à revoir ses ambitions.

M. Jean-Marie Bockel. - Les auditions ont été très intéressantes, notamment la vôtre, monsieur le Ministre, mais aussi celles des chefs d'état-major des différentes armes ; certains ont été enthousiastes, d'autres plus réservés.

Reste le débat sur la dissuasion nucléaire : a-t-elle encore un sens, en avons-nous encore les moyens ? Ces questions sont légitimes. Dans le monde actuel, j'estime toutefois que cet outil d'influence conforte notre rôle dans diverses instances internationales. Le groupe UDI se réunira mardi prochain pour déterminer son vote ; en ce qui nous concerne, nous ne prônerons pas un vote négatif.

Mme Michelle Demessine. - Cette loi de programmation a le grand mérite de préserver l'essentiel de notre outil militaire, maintenant ainsi notre rang stratégique et notre influence internationale. Notre pays va continuer, pour combien de temps encore ?, à mener de front la dissuasion nucléaire, des OPEX exigeantes et il va accroître ses efforts dans le domaine du renseignement.

Notre commission a joué son rôle, et elle a déposé des amendements. Pourtant, je doute que les moyens soient alloués objectifs stratégiques du Livre blanc. Nos capacités militaires correspondront-elles aux ambitions du gouvernement ? Des économies sont réalisées au prix d'une réduction drastique des effectifs : 82 000 emplois en douze ans ! Même si nos forces opérationnelles sont les moins touchées, à terme, cette saignée affaiblira nos capacités.

Enfin, nous sommes fondamentalement opposés à la dissuasion nucléaire : ses crédits sont sanctuarisés alors que l'arme nucléaire ne faisant plus face aux menaces actuelles, il est inutile de la moderniser. Ses crédits seraient bien plus utiles à l'armée de terre.

Conscient néanmoins des efforts du gouvernement, le groupe CRC s'abstiendra.

Mme Kalliopi Ango Ela. - Le groupe écologiste se réunira la semaine prochaine pour décider de son vote.

M. Jean-Pierre Chevènement. - Le groupe RDSE votera cette loi de programmation militaire, d'autant que le ministre n'a pas ménagé ses efforts et qu'il a obtenu un résultat très au-dessus de ce que l'on pouvait craindre.

Le déclassement stratégique de la France que pourrait entraîner une prolongation de la stagnation économique, serait grave car notre équation politique est particulière, notre protection est assurée par la dissuasion. Je ne partage d'ailleurs pas ce qui vient d'être dit. Nous ne sommes pas à l'abri de surprises stratégiques, les révolutions arabes l'ont montré et l'Asie est le continent de toutes les tensions à venir. Nous ne sommes pas à l'abri de frappes venues de très loin. Ceux qui souhaiteraient que notre pays se défasse de cette arme oublient qu'elle a été conçue pour que la France reste, le cas échéant, en dehors d'un conflit où ses intérêts vitaux ne seraient pas engagés.

M. Jean Besson. - Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. - Quant aux OPEX, nous devons remplir nos obligations dans le cadre de la légalité internationale. C'est une fonction dont il faut savoir user avec modération.

M. Daniel Reiner. - Les commissaires socialistes soutiendront ce projet de loi, non pas uniquement par solidarité majoritaire, mais parce qu'ils estiment que le ministre a obtenu ce qu'il pouvait espérer dans les circonstances actuelles. La souveraineté de notre pays est assurée. Comme l'aurait dit le général de Gaulle, il y a une ardente obligation de retrouver des équilibres budgétaires qui conservent à la France toute la force de sa voix. Ce projet de loi est en adéquation avec le Livre blanc, et il préserve la cohérence générale de notre armée, ce qui est essentiel.

Nous mesurons néanmoins les insuffisances et les risques - l'histoire nous a montré qu'aucune loi de programmation n'a été respectée. Nous souhaitons que celle-ci le soit et vous trouverez, monsieur le Ministre, l'ensemble des membres de cette commission à vos côtés pour faire en sorte qu'elle le soit.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Nous avons travaillé depuis deux ans à l'élaboration du Livre blanc et nous avions conscience de l'âpreté des temps, la crise érodant la fin de l'exécution de la loi de programmation militaire. La commission toute entière, au-delà des divergences politiques, a travaillé à proposer des solutions les meilleures possibles et dignes de l'intérêt général.

Sur la maritimisation ou maritimité, grâce à la pertinence de nos rapports nous avons joué un grand rôle à l'intérieur de la commission de revue du Livre blanc. Les groupes de travail ont présenté diverses propositions. Le Livre blanc a été écrit et la commission unanime a estimé que l'outil de défense était adapté aux grands enjeux de notre pays.

Vous avez beaucoup travaillé, monsieur le Ministre et, de notre côté, nous n'avons pas ménagé notre peine pour obtenir les meilleurs arbitrages. À quelques heures des décisions finales, nous n'étions pas sûrs d'arriver à ce niveau. Indiscutablement, cette victoire est collective. Le Sénat a obtenu 1,5% du PIB, qui était le plancher en-dessous duquel nous aurions refusé de voter le budget. Comme l'ont dit MM. Gautier, Pintat et d'autres encore, la loi de programmation peut pourtant nous entraîner en-dessous de ce seuil en fin de parcours.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. - S'il y a de la croissance....

M. Jean-Louis Carrère, président. - Si elle revenait avec plus de force, il faudrait aller vers deux points du PIB.

Avec nos rapports, avec les amendements que nous proposons, nous faisons oeuvre utile. Quand je vois notre influence, je suis fier du rôle joué par notre commission et le Sénat : nous aurons renforcé le bicamérisme.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - J'ai reconnu dans vos propos un certain nombre de mes préoccupations. Vos travaux m'ont servi sur plusieurs sujets. La continuité républicaine doit prévaloir pour le dispositif de défense et c'est pourquoi je n'ai pas l'intention de polémiquer avec mes prédécesseurs. En dépit de la situation économique, j'ai défendu la pérennité de notre effort de défense.

La critique que je pourrais formuler à l'égard de cette loi de programmation n'est pas celle de l'insuffisance, mais du risque que disparaisse l'un des éléments de l'équilibre. - je sais pouvoir compter sur la vigilance de votre commission.

J'ai signé hier soir avec le roi d'Arabie Saoudite un contrat à l'exportation de 1,3 milliard ce qui prouve d'une part tout l'intérêt que porte le roi à ce contrat, lui qui n'était pas apparu en public depuis deux ans et, d'autre part, la capacité d'exportation de nos entreprises. Les sept grands industriels de la défense ont publié un texte rappelant les risques mais disant leur volonté de s'imposer. J'en ai la conviction, nous allons gagner.

La dissuasion est un élément majeur de la loi de programmation. Il ne faut ni surestimer son poids financier (12% du budget total), ni sous-estimer son poids politique et sécuritaire. La dissuasion assure une influence internationale, comme l'a dit M. Bockel, mais aussi notre sécurité finale. Un général en retraite s'est fait une spécialité de dire qu'il fallait réduire la dissuasion pour accroître le budget consacré à l'armée de terre. Je ne partage pas ce point de vue et j'aimerais que d'autres porte-parole défendent un concept qui n'a jamais été aussi nécessaire.

Dans Vers l'armée de métier, le général de Gaulle disait que nous ne devions pas construire l'armée de notre héritage mais l'armée de nos besoins. C'est ce qui a guidé ma réflexion tout au long de ce travail.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je vous propose de réserver l'article 2 et le rapport annexé : plusieurs amendements transférant dans la partie normative des paragraphes du rapport annexé, il est préférable d'examiner d'abord les dispositions normatives afin de mettre ensuite en cohérence le rapport annexé.

L'article 2 est réservé, ainsi que le rapport annexé.

Article 1er

L'article 1er est adopté.

Article 3

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 7, cosigné par tous les rapporteurs budgétaires de la mission défense, porte sur les recettes exceptionnelles et garantit la sincérité de la programmation financière en s'assurant que, si les recettes exceptionnelles affectées à la mission défense provenant notamment de la vente de fréquences ou des cessions immobilières ne sont pas bien réalisés au montant et au moment prévus, elles seront intégralement compensées par d'autres recettes exceptionnelles ou par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Avis défavorable du gouvernement.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Pour garantir la sincérité de la programmation, je maintiens l'amendement.

L'amendement n° 7 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article additionnel après l'article 3

M. André Dulait, rapporteur délégué. - Afin de sécuriser le financement des OPEX, la programmation repose depuis la précédente loi de programmation militaire sur une dotation prévisionnelle annuelle dans le budget de la mission « Défense » et un financement interministériel en cas de dépassement. Ce mécanisme assurait une budgétisation sincère pour des dépenses non prévisibles et un financement interministériel afin d'éviter ainsi qu'elles soient gagées par des annulations de crédit d'un montant équivalent en dépenses d'équipement et bouleversent ainsi l'équilibre de la programmation.

Ce projet de loi prend en compte la limitation de nos engagements et les priorités stratégiques définies dans le Livre blanc, dont le montant inscrit dans l'annexe est de 450 millions, contre 630 en loi de finances pour 2013. Nous n'avons pas remis en cause ce montant, même si les menaces internationales ne diminuent pas. Durant ces dix dernières années, les surcoûts moyens des OPEX étaient supérieurs à 500 millions. Nous souhaitons en revanche que cette disposition figure dans le corps du texte et non dans son annexe, d'où l'amendement n° 15. En outre, l'importance de ces opérations justifie qu'elles fassent l'objet d'un débat annuel au Parlement sur les engagements de la France en dehors du territoire national et d'un bilan politique auprès des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Enfin, le mécanisme prévu dans le rapport annexé pour la gestion des surcoûts nets non couverts par cette dotation nous apparaît trop complexe et c'est pourquoi nous vous proposons d'en revenir à la rédaction de la précédente loi de programmation militaire.

M. Jean-Louis Carrère, président. - J'invite M. Gournac à cosigner cet amendement.

M. Alain Gournac. - D'accord.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Avis favorable, sous réserve que cela figure aussi dans le rapport annexé.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Votons l'amendement, nous en tirerons ensuite les conséquences sur le rapport annexé...

M. Pierre Bernard-Reymond. - Soit.

L'amendement n° 15 rectifié est adopté.

Article 4

M. Gérard Larcher. - L'armée de nos besoins ? Nous avons plutôt celle de nos moyens. J'ai de fortes réticences sur les articles 4 et 5 ainsi que sur les amendements n°s 12, 18, 19, 20 et 21, car l'article 35 de notre Constitution confère à l'exécutif la responsabilité d'engager nos forces armées. La révision constitutionnelle de 2008 a donné au Parlement des pouvoirs de contrôle. Je ne suis pas pour leur augmentation excessive, d'autant que la Délégation parlementaire au renseignement a été créée en 2007. Ne passons pas à un autre système. Mon expérience m'incite à ne pas modifier un équilibre institutionnel qui me tient à coeur. Pour ces raisons, je ne voterai pas les amendements sur les articles additionnels après l'article 4 ainsi que sur l'article 5.

M. Alain Gournac. - Moi non plus !

L'article 4 est adopté.

Article additionnel après l'article 4

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 9 insère une clause de revoyure, ainsi qu'une clause de retour à meilleure fortune. Avant la fin 2015, la trajectoire financière, l'activité opérationnelle, les équipements majeurs, les déflations d'effectifs et la mise en oeuvre des réformes seront actualisés. La norme de 2 % du PIB est réaffirmée. Je souhaite que l'amendement soit rectifié afin d'ôter la référence à l'OTAN.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - D'accord sur l'actualisation, qui interviendra en 2015 ; sur la clause de retour à meilleure fortune, je suis en revanche réservé.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Mieux vaut écrire « La présente programmation ». Nous estimons néanmoins qu'il n'est pas de mauvaise méthode psychologique d'afficher nos objectifs. Je vous propose en conséquence de maintenir l'amendement.

M. Jacques Gautier. - 2% du PIB représentent 43 milliards d'euros : même si nous atteignons 1,5% grâce à 21 milliards de ressources exceptionnelles, nous pourrons sabler le champagne !

M. Alain Néri. - Il s'agit de lever de légitimes inquiétudes...

M. Jean-Louis Carrère, président. - Tel est précisément l'objet de notre amendement rectifié.

L'amendement n° 9 rectifié est adopté et l'article additionnel inséré.

Division additionnelle après l'article 4

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 24 insère un chapitre Ier bis intitulé « Dispositions relatives au contrôle parlementaire de l'exécution de la loi de programmation ».

L'amendement n° 24 est adopté et la division additionnelle insérée.

Articles additionnels après l'article 4

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 12 confère aux commissions de l'Assemblé nationale et du Sénat chargées de la défense des pouvoirs de contrôle et d'investigation sur pièces et sur place, pour l'application de la loi de programmation, analogues à ceux déjà reconnus au rapporteur général et aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances, qui ne sont nullement remis en cause. À la différence des membres de la commission des finances, les membres de notre commission peuvent se voir opposer le secret de la défense nationale et ainsi ne pas obtenir communication de documents pourtant critiques, comme la version actualisée du référentiel de programmation (VAR). Les responsables de certains programmes d'armement, comme l'avion militaire A400M, n'ont pu être entendus par nos rapporteurs.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Autant j'ai donné un avis de sagesse ou favorable sur de nombreux amendements, autant je suis défavorable à celui-ci qui pose un problème constitutionnel...

M. Alain Gournac. - J'allais le dire...

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - En outre, je ne peux m'associer à la levée du secret de la défense nationale. Je comprends vos préoccupations, monsieur le Président, mais ne peux vous suivre.

M. Gérard Larcher. - Absolument ! Je voterai contre.

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'argument constitutionnel est contestable : le juge constitutionnel tranchera. Les pouvoirs dont il s'agit sont en tous points identiques à ceux reconnus par la LOLF à la commission des finances, à la seule exception du secret-défense. Notre amendement respecte en outre la décision du Conseil constitutionnel 2011-192-QPC, selon laquelle le secret de la défense nationale est lié aux prérogatives de l'exécutif et au principe de la séparation des pouvoirs, étant entendu que le Conseil a admis des exceptions à deux reprises, en faveur des membres de la délégation parlementaire au renseignement et de la commission de vérification des fonds spéciaux. En attendant, je rectifie l'amendement, en précisant qu'ils sont astreints au respect du secret de la défense nationale, et pour que la première phrase se lise : « disposent des pouvoirs d'investigation les plus étendus sur pièces et sur place pour suivre et contrôler de façon permanente l'emploi des crédits inscrits dans la loi de programmation militaire ainsi que ceux inscrits en loi de finances concernant la mission « Défense ».

Notre rédaction reprend mot pour mot les termes de l'article 3 de la loi de programmation culturelle relatifs au contrôle par le rapporteur de la commission des affaires culturelles du musée d'Orsay...

M. Gérard Larcher. - Ce n'est pas la même matière !

M. Alain Gournac. - Pas du tout !

M. Jean-Louis Carrère, président. - Le contrôle de la programmation militaire n'est pas moins important. Je vous propose de réfléchir, d'ici à la séance publique du 21 octobre, à une nouvelle rédaction.

L'amendement n° 12 rectifié est adopté, et l'article additionnel inséré.

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 13 consacre dans la loi le contrôle semestriel du budget de la défense.

L'amendement n° 13 est adopté, et l'article additionnel inséré.

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 6 prévoit la transmission directe aux commissions de la défense et des affaires étrangères des communications de la Cour des comptes intéressant leur domaine.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Avis favorable.

L'amendement n° 6 est adopté, et l'article additionnel inséré.

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 11 renforce également le contrôle du Parlement sur l'exécution de la loi de programmation, puisqu'il prévoit, avant le débat d'orientation budgétaire, le dépôt d'un rapport annuel du gouvernement, pouvant faire l'objet d'un débat.

M. Pierre Bernard-Reymond. - C'est normal.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Avis favorable.

M. Daniel Reiner, rapporteur délégué. - Nous avons déposé un sous-amendement issu de nos réflexions sur les capacités industrielles critiques, afin d'informer les entreprises du secteur de la stratégie d'acquisition de l'État. Cette stratégie pourrait préciser quand l'Etat souhaite passer des marchés de gré à gré et quand il souhaite au contraire procéder par voie d'appel d'offres ? Un document de l'État en la matière serait utile aux industriels. Les États-Unis et le Royaume-Uni le font. Pourquoi pas la France ? Comment les « plans étude amont » (PEA) seront-ils élaborés, autour de quelles orientations ? L'État doit avoir une stratégie et la faire connaître aux entreprises, afin qu'elles se positionnent. Cela servirait d'autant plus aux PME qui sont désavantagées par rapport aux grandes entreprises...

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 38 demande un rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les dispositifs d'accompagnement des territoires affectés par les restructurations.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - De même que pour l'amendement précédent, je suis favorable à l'inclusion de ces informations dans le rapport annuel du gouvernement sur l'exécution de la loi de programmation.

M. André Trillard, rapporteur délégué. -Rectifions l'amendement n° 11 en ce sens.

M. Jean-Louis Carrère, président. - D'accord.

M. Alain Gournac. - Nous nous abstiendrons.

L'amendement n° 11 rectifié est adopté et l'article additionnel inséré.

Article 5

M. Jean-Louis Carrère, président. - Les amendements n°s 18, 19, 20 et 21 clarifient les missions et renforcent les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement, ainsi que son information. L'amendement n° 18 prévoit d'informer la délégation sur la stratégie nationale du renseignement.

M. Gérard Larcher. - Je me suis exprimé sur cette question.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je vous en donne acte.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Le chapitre II renforce déjà le contrôle parlementaire.

M. Gérard Larcher. - Il faudrait modifier la Constitution de la Ve République pour aller plus loin.

L'amendement n° 18 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n° 19.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Je n'étais pas contre les amendements précédents, mais je m'oppose à l'amendement n° 20, qui propose que la délégation entende les agents des services, pour des raisons de sécurité.

M. Jean-Louis Carrère, président. - S'il n'est pas adopté, il n'y aura pas de vrai contrôle parlementaire. Les agents ne seront entendus qu'après accord de leur chef de service et uniquement par des parlementaires habilités au secret-défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Il en va de la sécurité et de la sérénité du personnel concerné ; j'y suis défavorable.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je vous comprends, mais il faudra en assumer les conséquences devant l'opinion publique.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Nous avons déjà fait progresser le contrôle parlementaire ; il n'est pas possible d'aller plus loin.

M. Jean-Pierre Chevènement. - L'amendement n° 18 se bornait à demander la communication de la stratégie nationale du renseignement, c'est-à-dire d'un document qui a vocation à être rendu public...Je sens un certain flottement, ne peut-on voter à nouveau ?

M. Jean-Louis Carrère, président. - Le vote négatif est acquis.

M. Gérard Larcher. - Il n'y a aucun flottement.

L'amendement n° 20 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n° 21.

M. Michel Billout. - Nous nous abstenons sur l'article 5.

L'article 5 est adopté.

Article 6

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 22 porte sur la commission de vérification des fonds spéciaux, formation spécialisée de la délégation.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Favorable : le gouvernement laisse le soin à la délégation de s'organiser en interne comme elle l'entend, cela ne pose pas de problème majeur.

M. Xavier Pintat. - Il n'est pas précisé que les deux députés et deux sénateurs doivent être également répartis entre majorité et opposition...

M. Jeanny Lorgeoux. - Ce sont des concepts variables.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Il est clair que l'opposition sera représentée.

M. Xavier Pintat. - Ce n'est pas écrit.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Le III de l'article 6 nonies de l'ordonnance dispose que les membres de la délégation sont désignés « de manière à assurer une représentation pluraliste. »

L'amendement n° 22 n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 34 concerne le secrétariat de la commission de vérification.

L'amendement n° 34 n'est pas adopté.

M. Michel Billout. - Nous nous abstenons sur l'article.

L'article 6 est adopté.

Article 7

L'article 7 est adopté.

Article 8

L'article 8 est adopté.

Article 9

L'article 9 est adopté.

Article 10

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 29 exclut les données à caractère personnel sensibles du traitement automatisé.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Favorable.

M. Alain Gournac. - Je suis contre.

M. Jacques Gautier. - Ce sont des éléments qui peuvent servir à caractériser la menace. Il peut être essentiel de mentionner la religion.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je suis absolument contre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Le traitement automatisé de telles données n'est pas autorisé par la CNIL.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Serait-il possible de le retirer ?

L'amendement n° 29 est rejeté.

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 30 fixe une durée maximale de conservation des données de cinq ans.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Favorable.

M. Alain Gournac. - Je suis pour.

L'amendement n° 30 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

M. Jean-Louis Carrère, président. - Les services de renseignement relevant de Bercy, comme la DNRED (direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières) ou Tracfin, doivent pouvoir vérifier les antécédents judiciaires aux fins de recrutement.

M. Alain Gournac. - Je suis contre.

M. Jeanny Lorgeoux. - Pourquoi ? C'est une question d'efficacité...

M. Jean-Louis Carrère, président. - ...qui doit se concilier avec le droit.

M. Alain Gournac. - Je suis contre l'élargissement des pouvoirs au Parlement.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Il s'agit de sécuriser les recrutements ! La mesure accroît les pouvoirs des services, pas du Parlement.

M. Gérard Larcher. - C'est le bon sens !

M. Alain Gournac. - Soit.

L'amendement n° 31 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

L'article 12 est adopté.

Article 13

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 1, présenté par notre collègue Jean-Jacques Hyest, procède à une nouvelle rédaction de l'article, qui donne une base légale pérenne à la géolocalisation. Avant d'adopter une réforme d'une telle ampleur, je vous propose d'attendre l'avis de la commission des lois...

M. Alain Gournac. - Tout à fait.

M. Jean-Louis Carrère, président. -...et de surseoir jusqu'à l'examen des amendements extérieurs.

L'amendement n° 1 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté.

Article 14

L'article 14 est adopté.

Article 15

L'article 15 est adopté.

Article 16

L'article 16 est adopté.

Articles additionnels après l'article 16

M. Jacques Berthou, rapporteur délégué. - L'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) reçoit régulièrement des adresses « IP » localisées en France, correspondant à des équipements industriels vulnérables ou susceptibles de faire l'objet d'une attaque informatique. Or elle ne peut alerter le détenteur ou l'exploitant d'une telle installation en danger. Cet article vise à la doter l'ANSSI d'agents assermentés pouvant obtenir des opérateurs de communications les coordonnées des utilisateurs des adresses internet correspondant à un système d'information vulnérable ou compromis.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Favorable.

L'amendement n° 32 est adopté et l'article additionnel inséré.

M. Jacques Berthou, rapporteur délégué. - L'amendement n° 33 renforce l'armature juridique de l'activité de recherche en sécurité informatique, qui doit utiliser, afin de développer des produits et services adaptés, des programmes destinés à attaquer les systèmes d'information. Or l'article L. 323-3-1 du code pénal interdit, sauf motif légitime, l'importation, la détention, l'offre ou la cession de tels programmes. En France, contrairement aux États-Unis, des sociétés de sécurité informatique ont été poursuivies sur le fondement de cet article. Afin de lever toute ambiguïté, et de renforcer nos capacités de recherche et de développement de produits et services aptes à lutter contre les attaques informatiques, cet amendement clarifie la rédaction de l'article L. 323-3-1 du code pénal, ainsi que de l'article L. 122-6-1 du code de la propriété intellectuelle.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Favorable.

L'amendement n° 33 est adopté et l'article additionnel inséré.

Article 17

L'article 17 est adopté.

Article 18

M. André Vallini, rapporteur délégué. - L'amendement n° 4 précise le champ d'application de l'article en remplaçant la notion « d'opération militaire », pour laquelle l'action publique ne peut être mise en mouvement que par le Procureur de la République, par la notion d'« opération mobilisant des capacités militaires » et en visant explicitement la libération d'otages, l'évacuation de ressortissants et la police en haute mer.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Je vous remercie de votre initiative, favorable à la sécurisation judiciaire du personnel militaire en opération et je me rallie volontiers à cette nouvelle rédaction.

M. Alain Gournac. - Nous aussi.

L'amendement n° 4 est adopté.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 19

M. André Vallini, rapporteur délégué. - L'article 19 décline la loi Fauchon, appelée « loi Fauchon plus » par les militaires.

M. Jeanny Lorgeoux. - D'après l'ancien sénateur du Loir-et-Cher !

M. André Vallini, rapporteur délégué. - Il dispose : « Ces diligences normales sont appréciées au regard notamment de l'urgence dans laquelle ils ont exercé leurs missions, des informations dont ils ont disposé au moment de leur intervention et des circonstances liées à l'action de combat ». L'amendement n° 41 remplace ce « notamment », trop vague, par « en particulier », qui est plus heureux. Sur le fond, il s'agit de permettre aux magistrats de prendre en compte ce fameux « brouillard de la guerre » dans lequel évolue le soldat selon Clausewitz.

M. Pierre Bernard-Reymond. - D'accord.

L'amendement n° 41 est adopté.

M. André Vallini, rapporteur délégué. - Dans le même esprit, l'amendement n° 5 précise la notion d' « opération militaire ».

L'amendement n° 5 est adopté.

L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 20

L'article 20 est adopté.

Article 21

L'article 21 est adopté.

Article 22

L'article 22 est adopté.

Article 23

L'article 23 est adopté.

Article 24

L'article 24 est adopté.

Article 25

L'article 25 est adopté.

Article 26

L'article 26 est adopté.

Article 27

L'article 27 est adopté.

Article 28

L'article 28 est adopté.

Article 29

L'article 29 est adopté.

Article additionnel après l'article 29

Mme Michelle Demessine. - L'amendement n° 37 prolonge jusqu'au 31 décembre 2019 le dispositif de cession à l'euro symbolique aux collectivités territoriales de certaines emprises libérées par le ministère de la Défense.

M. André Trillard, rapporteur délégué. - Avis défavorable. L'État ne peut à la fois demander des recettes exceptionnelles et brader son patrimoine. Le ministre est mieux placé pour distinguer les biens qui ont de la valeur de ceux qui représentent une charge. Laissons-le négocier avec Bercy ou avec les maires et ne fixons pas un cadre rigide et uniforme jusqu'en 2019.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Ce dispositif de cession concerne uniquement les communes victimes de restructurations. Il sera reconduit dans la loi de finances pour 2014. Même si je suis favorable sur le fond à cet amendement, mon avis est défavorable car il est contraire à la Constitution d'inscrire dans la loi de programmation une disposition qui relèvera de la loi de finances pour 2015.

M. Joël Guerriau. - Pourtant la loi Duflot, qui prévoit une décote de 100 % pour le logement social, n'est pas une loi de finances.

M. André Trillard, rapporteur délégué. - Toutes les implantations militaires n'ont pas la même valeur. À Nantes, par exemple, les immeubles de la place Foch, baptisée « place Louis XVI » par les Nantais, ont une valeur inestimable. Il n'est pas possible de traiter de la même manière un terrain d'entraînement et un hôtel particulier. Le ministre est mieux placé pour apprécier selon les cas.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Dans l'annexe, il est précisé que le dispositif sera reconduit pour les collectivités les plus affectées par les restructurations.

L'amendement n° 37 est retiré.

Article 30

L'article 30 est adopté.

Article 31

L'article 31 est adopté.

Article 32

L'article 32 est adopté.

Article 33

L'article 33 est adopté.

Article 34

L'article 34 est adopté.

Article 35

L'article 35 est adopté.

Article 36

L'article 36 est adopté.

Article additionnel après l'article 36

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 25 prévoit que la loi de programmation sera révisée au plus tard quatre ans après sa promulgation.

L'amendement n° 25 est adopté et devient article additionnel.

Article 2 et rapport annexé (précédemment réservé)

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 17 réaffirme l'objectif de parvenir à terme à une défense européenne crédible et autonome.

M. Jean-Pierre Chevènement. - Comme Jésus a ressuscité Lazare, vous ressuscitez l'Europe de la défense, qu'un rapport récent de MM. Reiner, Gautier, Pintat et Vallini enterrait il y a peu. Bravo !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Ma seule observation est de forme. Le gouvernement déposera un amendement rédactionnel.

L'amendement n° 17 est adopté.

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 28 précise les crédits et le nombre de postes supplémentaires dont bénéficieront les services de renseignement sur la période 2014-2019.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Là encore, mes réserves concernent la forme. En effet, la DCRI ne relève pas de mon ministère. Quant aux chiffres cités ils sont inexacts et je ne souhaite pas les divulguer.

M. Jeanny Lorgeoux, rapporteur délégué. - Vous estimez que le nombre de postes budgétaires créés consacrés au renseignement est secret ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Ces chiffres ne sont pas justes et ne correspondent pas à la réalité.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je retire cet amendement. Je m'inspirais des bonnes initiatives prises par la droite qui avait respecté l'objectif qu'elle avait fixé dans la précédente loi de programmation et augmenté le nombre de postes de la DGSE.

L'amendement n° 28 est retiré.

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 23 poursuit les mêmes objectifs que le précédent mais concerne la cyberdéfense.

M. Jacques Berthou, rapporteur délégué. - Le rapport annexé, dans sa rédaction actuelle, mentionne uniquement un renforcement significatif des moyens dévolus à la cyberdéfense. L'amendement n° 23 donne des précisions chiffrées. Ainsi l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) devra disposer d'un budget de 90 millions d'euros et compter 500 agents en 2015. Les effectifs spécialisés dans ce domaine des armées et de la direction générale à l'armement augmenteront respectivement de 350 et 300. Il s'agit des chiffres avancés par le ministre dans son discours de Rennes en juin.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Comme précédemment, je n'ai pas de réserves sur le fond, mais je suggère aux auteurs de l'amendement de proposer une nouvelle rédaction. L'ANSSI ne dépend pas de mon ministère. Quant à la hausse des effectifs consacrés à la cyberdéfense, annoncée à Rennes, elle a déjà commencé.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Soit nous adoptons cet amendement, que nous modifierons ultérieurement, soit nous le retirons et déposerons un amendement extérieur.

M. Alain Gournac. - Ne changeons pas d'avis. Nous y étions favorables.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Adoptons-le et prenons l'engagement de modifier sa rédaction pour éviter qu'il ne tombe sous le coup de l'article 40 en séance.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Le gouvernement proposera une autre rédaction.

L'amendement n° 23 est adopté.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - L'amendement n° 2 précise que l'indicateur de préparation opérationnelle de l'armée de terre fixé à 90 jours s'entend hors participation aux opérations extérieures et intérieures.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Avis favorable. Cet amendement place la barre haut mais correspond à mes engagements.

L'amendement n° 2 est adopté.

M. Gilbert Roger, rapporteur délégué. - Les indicateurs d'activité opérationnelle approuvés par le Parlement ne doivent pas constituer un simple affichage. Aussi l'amendement n  3 remplace-t-il, à l'alinéa 252, les mots « tendre vers » par « atteindre ».

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Avis défavorable.

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'objectif sera sans doute difficile à atteindre en 2016. Mais, monsieur le ministre, mieux vaut fixer un objectif ambitieux que renoncer. Nous maintenons cet amendement.

L'amendement n° 3 est adopté.

M. Joël Guerriau, rapporteur délégué. - L'article 47 de la de la loi de finances pour 2006, modifiée, indique que le ministère de la défense bénéficie intégralement des produits de cessions de ses immeubles domaniaux jusqu'au 31 décembre 2014. Le Conseil constitutionnel considérant que l'affectation des ressources ne peut procéder que de dispositions inscrites dans les lois de finances, il n'était pas envisageable d'introduire un article modifiant l'article 47 dans le texte de la loi de programmation militaire. Aussi, afin de sécuriser l'affectation de ces ressources exceptionnelles, l'amendement n° 36 modifie la rédaction du rapport annexé pour inviter le législateur à proroger ce dispositif jusqu'en 2019.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Je n'ai pas d'objections de principe mais la rédaction doit être revue car certaines de ses dispositions relèvent de la loi de finances pour 2015.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Adoptons-le. Le gouvernement pourra déposer un amendement.

L'amendement n° 36 est adopté.

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 8 rectifié est de coordination. Il modifie la rédaction de la clause de sauvegarde portant sur les recettes exceptionnelles adoptée dans le corps de la loi.

L'amendement n° 8 est adopté.

M. Jean-Louis Carrère, président. - L'amendement n° 16 rectifié est de coordination. Il concerne les opérations extérieures.

L'amendement n° 16 rectifié est adopté.

M. André Dulait, rapporteur délégué.  - La régulation de la masse salariale du ministère de la défense ne peut être effectuée que sur les dépenses sur lesquelles il dispose de leviers d'action. C'est pourquoi l'amendement n° 14 exclut les dépenses "hors socle".

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Avis défavorable. C'est une question de solidarité gouvernementale.

L'amendement n° 14 est adopté.

L'amendement n° 40 est devenu sans objet.

Mme Michelle Demessine, rapporteure déléguée- L'amendement n° 35 inscrit explicitement le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées (FSCT) dans le rapport annexé. Il s'agit de garantir son maintien jusqu'au 1er janvier 2022, soit deux ans après l'échéance de la présente loi, afin de soutenir les collectivités ou leurs services publics affectés par une restructuration importante.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Avis favorable.

L'amendement n° 35 est adopté.

Mme Michelle Demessine, rapporteure déléguée. - Le dispositif préalable spécifique lié à l'état de pollution pyrotechnique présumé des terrains cédé par le ministère de la défense accroît de manière significative les délais de vente et a un effet sur les recettes. Les services du ministère de la défense ont engagé une réforme du cadre juridique de ce dispositif, notamment du décret du 4 mars 1976. Elle vise à modifier le partage des responsabilités entre les ministères de la défense et de l'intérieur et comporte plusieurs mesures destinées à protéger les intérêts financiers de l'État ou à assouplir certaines dispositions du décret du 26 octobre 2005 relatif aux règles de sécurité applicables lors des travaux réalisés dans le cadre d'un chantier de dépollution pyrotechnique.

L'amendement n° 39 introduit un alinéa spécifique, dans le rapport annexé, qui précise que la réforme du cadre juridique de la dépollution pyrotechnique devra avoir été mise en oeuvre avant le 31 décembre 2014. Il s'agit de soutenir la mise en oeuvre de cette réforme et de montrer l'importance de la conduite rapide de cette réforme.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. - Avis très favorable.

L'amendement n° 39 est adopté, ainsi que les amendements de coordination n° 10, 27 et 26.

L'article 2 et le rapport annexé sont adoptés dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le projet de loi et le rapport annexé sont adoptés dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Tableau récapitulatif sur le sort des amendements :

Auteur

Objet

Sort des amendements

CHAPITRE Ier

Article 3

M. CARRÈRE

7

Renforcer la portée de la « clause de sauvegarde » portant sur les recettes exceptionnelles

Adopté

Article additionnel après l'article 3

M. CARRÈRE

15

Insérer une clause de sauvegarde pour le financement des OPEX

Adopté avec rectification

Article additionnel après l'article 4

M. CARRÈRE

9

Insérer une « Clause de revoyure » et une « clause de retour à meilleure fortune »

Adopté avec rectification

Division additionnelle après l'article 4

M. CARRÈRE

24

Dispositions relatives au contrôle de l'exécution de la présente loi de programmation

Adopté

Articles additionnels après l'article 4

M. CARRÈRE

12

Pouvoirs d'investigation des commissions de la défense en matière de contrôle de l'exécution

Adopté avec rectification

M. CARRÈRE

13

Consacrer au niveau législatif les réunions de contrôle du budget de la défense

Adopté

M. CARRÈRE

6

Élargir aux commissions chargées de la défense et des affaires étrangères le bénéfice de la transmission des communications de la Cour des comptes

Adopté

M. CARRÈRE

11

Prévoir un rapport annuel au Parlement sur l'exécution de la présente loi de programmation militaire

Adopté avec rectification

M. CARRÈRE

38

Rapport annuel sur la mise en oeuvre des dispositifs pour l'accompagnement des territoires affectés par les conséquences des mesures de restructuration de la défense

Satisfait

CHAPITRE II

Article 5

M. CARRÈRE

18

Clarifier les missions de la délégation parlementaire au renseignement

Rejeté

M. CARRÈRE

19

Renforcer les prérogatives de la délégation parlementaire au renseignement

Rejeté

M. CARRÈRE

20

Possibilité pour la délégation parlementaire au renseignement d'entendre les agents de ces services

Rejeté

M. CARRÈRE

21

Possibilité pour la délégation parlementaire au renseignement de faire état de graves dysfonctionnements constatés dans l'action des services

Rejeté

Article 6

M. CARRÈRE

22

Simplifier l'organisation et la composition de la commission de vérification des fonds spéciaux

Rejeté

M. CARRÈRE

34

Fusion du secrétariat de la commission de vérification des fonds spéciaux et du secrétariat de la délégation parlementaire au renseignement

Rejeté

Article 10

M. CARRÈRE

29

Prévoir l'exclusion du fichier PNR des données sensibles

Rejeté

M. CARRÈRE

30

Prévoir dans la loi une durée maximale de conservation des données API et PNR

Adopté

Article 11

M. CARRÈRE

31

Possibilité pour les services de renseignement relevant de Bercy d'accéder aux fichiers de police judiciaire à des fins de recrutement

Adopté

Article 13

M. HYEST

1

Réformer le régime juridique en matière d'accès aux données de connexion

Rejeté

CHAPITRE III

Article additionnels après l'article 16

M. CARRÈRE

32

Prévoir l'accès de l'ANSSI aux coordonnées des utilisateurs des adresses Internet

Adopté

M. CARRÈRE

33

Clarifier et renforcer la sécurité juridique des activités de recherche ou industrielle et de service en matière de sécurité informatique

Adopté

CHAPITRE IV

Article 18

M. CARRÈRE

4

Clarifier et étendre le champ d'application de l'article 18 (monopole du Parquet pour engager les poursuites)

Adopté

Article 19

M. CARRÈRE

41

Amendement de précision rédactionnelle sur l'appréciation des « diligences normales » en cas de violences involontaires

Adopté

M. CARRÈRE

5

Clarifier et étendre le champ d'application de l'article 19 (excuse pénale pour usage de la force par les militaires)

Adopté

CHAPITRE VI

Article additionnel après l'article 29

M. CARRÈRE

37

Prolongation de la durée d'application du dispositif de cession à l'euro symbolique jusqu'à la fin de la loi de programmation 2014-2019

Retiré

CHAPITRE VII

Article additionnel après l'article 36

M. CARRÈRE

25

Révision de la présente loi quatre ans après sa promulgation

Adopté

Article 2 du rapport annexé (précédemment réservé)

M. CARRÈRE

17

Avancer vers un renforcement de la politique de sécurité et de défense commune de l'Union européenne

Adopté

M. CARRÈRE

28

Préciser l'augmentation des moyens humains et budgétaires des services de renseignement

Retiré

M. CARRÈRE

23

Donner des précisions chiffrées concernant le renforcement des moyens et des effectifs consacrés à la cyberdéfense

Adopté

M. CARRÈRE

2

Préciser que les 90 jours de préparation opérationnelle de l'armée de terre s'entendent bien hors participation de l'armée de terre aux opérations extérieures et intérieures

Adopté

M. CARRÈRE

3

Indiquer que les normes d'entraînement fixées par le projet de loi seront effectivement atteintes en 2016

Adopté

M. CARRÈRE

36

Proroger le dispositif de retour à 100 % des produits de cession au profit du ministère de la défense dès la loi de finances pour 2014

Adopté

M. CARRÈRE

8

Amendement de coordination

Adopté avec modifications

M. CARRÈRE

16

Amendement de coordination

Adopté avec rectification

M. CARRÈRE

14

Amendement de précision portant sur la masse salariale

Adopté

M. CARRÈRE

40

Amendement de coordination

Tombé

M. CARRÈRE

35

Sécuriser le maintien du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées jusqu'au 1er janvier 2022

Adopté

M. CARRÈRE

39

Montrer l'importance de la conduite rapide de la réforme du cadre juridique de la dépollution pyrotechnique

Adopté

M. CARRÈRE

10

Amendement de coordination

Adopté

M. CARRÈRE

27

Amendement de coordination

Adopté

M. CARRÈRE

26

Amendement de coordination

Adopté

Jeudi 10 octobre 2013

- Présidence de M. Jean-Louis Carrère, président -

Projet de loi de finances pour 2014 - Audition de l'Amiral Guillaud, chef d'état-major des Armées

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées - Notre rencontre du 12 septembre m'avait permis de vous donner mon appréciation du projet de Loi de programmation militaire pour la période 2014-2019. J'avais à cette occasion souligné certains aspects de ce texte, qui prennent en compte les besoins de nos armées à court et à moyen termes, à l'aune bien sûr des contrats opérationnels définis par le Livre blanc de 2013. Je pense à l'effort porté sur la préparation opérationnelle. Je pense aussi à la préservation de nos grands programmes, ces programmes à forte valeur ajoutée au plan opérationnel dont la mise au point et l'adaptation exigent un engagement continu sur le temps long de la construction capacitaire. Je pense enfin à la définition et à la réalisation d'un nouveau modèle d'armée.

Je vous avais également fait part le 12 septembre de mes points de vigilance : la contrainte imposée de fait aux programmes moins prioritaires ; la très forte tension qui pèse et pèsera sur le fonctionnement des armées ; le risque de rupture temporaire de capacité, dans un contexte de vieillissement des parcs ; la maîtrise de la masse salariale. Pour finir, j'avais évidemment insisté sur la nécessité d'une exécution conforme de la loi de programmation militaire, dès la première année.

Le projet de Loi de finances 2014 constitue le premier jalon de la LPM 2014-2019, vers le modèle d'armée 2025. Les ressources totales de la mission Défense sont prévues à hauteur de 31,4 Md€ courants, dont 1,8 Md€ de ressources exceptionnelles. L'engagement du maintien du budget de la défense, porté au plus haut niveau par le Président de la République, chef des armées, est donc confirmé. L'engagement de M. Jean-Yves Le Drian de clarifier les conditions de réalisation des ressources exceptionnelles l'est également. Et je sais qu'au sein de cette commission du Sénat, vous vous employez à permettre aux armées de concrétiser tous ces objectifs, notamment par l'affermissement des clauses de sauvegarde.

Dans le détail, la ventilation des ressources est globalement conforme aux objectifs retenus par la programmation pluriannuelle. Au bilan, ce projet de budget est la transcription fidèle de la première annuité de la LPM.

M. Jean-Louis Carrère, président. - C'était la première question que je comptais vous poser ! C'est parfait...

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées. -L'argumentaire que j'avais développé pour la LPM reste donc tout à fait d'actualité ici. Plutôt que de le reprendre point par point, je voudrais ce matin attirer votre attention sur les enjeux pour nos armées de l'année à venir. Ces enjeux concernent les opérations, les équipements et le fonctionnement ; ils sont aussi - et peut-être surtout, en ces temps de réforme sous forte contrainte budgétaire - humains et financiers.

Ils s'inscrivent dans un contexte marqué par l'articulation de deux réformes d'ampleur. Vous le savez, nous nous trouvons aujourd'hui à la charnière d'un ensemble formé par la réforme issue du « paquet RGPP + Livre blanc 2008 + LPM 2009-2014 », et celui, à venir, prescrit par le Livre blanc 2013, la LPM 2014-2019 et les restructurations associées dont le principe a été annoncé par le ministre de la défense.

Cette transition est d'autant plus délicate à mettre en oeuvre qu'elle se traduit dans les faits par un véritable empilement de mesures à appliquer. La réforme précédente n'est pas achevée, et pour cause : elle devait aboutir en 2015. A ce jour, plus de 10 000 déflations restent à réaliser au titre de la LPM 2009-2014, avant de mener à bien les 23 500 déflations attendues au titre du Livre blanc 2013, dont une part significative devra porter sur les soutiens. Conclusion : nous allons devoir tout remettre à plat, notre carte militaire comme notre modèle de ressources humaines - j'y reviendrai.

En parallèle, le ministre de la défense a décidé de mettre en place une nouvelle gouvernance du ministère. Toutes les fonctions « transverses » sont concernées : ressources humaines, finances, relations internationales, soutien, communication et concertation, maintien en condition opérationnelle.

En tant que chef d'état-major des armées, la chasse aux doublons me paraît impérative, de même que la volonté de simplifier des processus toujours plus complexes. Peu importe, d'ailleurs, qui actionne les leviers, pourvu que l'opérationnel conserve sa crédibilité et sa primauté, et que les armées restent en mesure de faire valoir leurs besoins dans ce cadre. Mais le mot « opérationnel » n'est pas restrictif. La notion de coeur de métier peut être aussi dangereuse que celles de back office et de front office. Un exemple ? L'entretien des hélicoptères à Gao, c'est de l'opérationnel ; si nous le faisions en France, ce serait du simple soutien.

La nouvelle organisation impliquera des changements dans notre manière de fonctionner, et donc jusque sur le terrain. Premier exemple : le maintien en condition opérationnelle de nos équipements. C'est d'heures de vol, de jours de mer et de jours de terrain dont j'ai besoin, plutôt que de matériels dans une base ou un régiment, dont la disponibilité technique est parfaite, avec un coût faible puisque ces matériels ne sont pas utilisés. Nos services de soutien tournent de façon systématique les contrats de soutien vers l'action. Cela a des conséquences sur l'articulation entre les échelons opérationnels et industriels du soutien technique. Deuxième exemple : l'unification des crédits de titre 2 sous la responsabilité du SGA, pour garantir une meilleure maîtrise de la masse salariale. La nouvelle gouvernance devra satisfaire les besoins opérationnels, c'est-à-dire conduire une politique des ressources humaines cohérente avec le temps long du recrutement, de la formation initiale et de l'acquisition régulière de compétences à jour, afin que toutes les compétences nécessaires aux armées soient disponibles au bon moment, y compris les plus rares.

Venons-en aux enjeux du projet de loi de finances. Au plan opérationnel, le projet de loi de finances pour 2014 enregistre une augmentation de 5,5% par rapport à 2013 des crédits affectés à l'entretien programmé des matériels. C'est un mieux, incontestablement, mais qui conduira à un niveau d'activité encore inférieur de 15 à 20% aux normes de la LPM et aux standards internationaux de nos principaux alliés. Cet écart entre l'effort financier consenti et l'évolution des indicateurs d'activité tient au coût des facteurs, toujours supérieur à l'inflation. Il tient aussi au fait que nous nous trouvons dans une situation de rattrapage, avec un effet d'inertie, les conséquences des mesures prises ne se manifestant qu'après 18 à 24 mois. Il tient enfin à l'accroissement du vieillissement des parcs de nos principaux équipements, plus coûteux à entretenir, et au renchérissement, simultanément, du coût de l'entretien des nouveaux matériels.

Je serai très attentif sur cette question de l'activité des forces, essentielle pour notre capacité à faire face à la diversité des scénarios d'engagement. La montée en puissance de certaines de nos capacités, début septembre, dans la perspective d'une opération en Syrie, est une illustration récente de cette diversité. Nous étions prêts, pour une action d'une autre nature que celles conduites récemment en Afrique, dans un environnement de menaces plus confus et a priori plus dangereux.

Les incertitudes pesant à ce jour sur la zone d'intérêt définie par le Livre blanc, au Sahel, en Centrafrique ou au Proche Orient imposent le maintien d'un haut niveau de vigilance, et donc de garantir à nos forces l'activité de préparation opérationnelle nécessaire, dans toute la gamme des savoir-faire, des plus simples aux plus complexes.

S'agissant des équipements, l'agrégat « équipements » sera doté de 16,5 Md€, en hausse de 500 M€ par rapport à la LFI 2013. L'année 2014 verra la livraison de nombreux matériels. Pour ne citer que les plus emblématiques d'entre eux : l'armée de terre recevra 77 VBCI, 4 hélicoptères Tigre dans la version « appui-destruction », 4 hélicoptères NH-90, 13 lance-roquettes unitaires, et 115 porteurs polyvalents terrestres. 250 de ces porteurs polyvalents seront par ailleurs commandés. L'armée de l'air recevra 11 Rafale, 4 A 400M, ainsi que le 10ème et dernier système sol-air à moyenne portée SAMP/T. La marine nationale réceptionnera sa 2ème frégate multi-missions, 3 hélicoptères NH-90, et bénéficiera de la commande du 4ème sous-marin de type Barracuda. Enfin, le segment spatial des armées sera renforcé, en particulier par la livraison du satellite de télécommunications franco-italien SICRAL, et par celle de stations de communications par satellite SYRACUSE III et COMCEPT.

Mais cette année 2014 sera déterminante, car plusieurs décisions importantes sont attendues. À brève échéance, la signature d'un contrat d'export du Rafale est la condition sine qua non pour valider les cadences de livraison nationales retenues pour les premières années de la LPM. Nous comptons par ailleurs sur la décision de lancement du programme SCORPION, essentiel pour la cohérence opérationnelle des forces terrestres à moyen terme. Nous comptons également sur la décision de lancement du programme MRTT, structurant pour l'avenir de la composante nucléaire aéroportée mais aussi, plus généralement, pour notre capacité de projection de force et de puissance hors du territoire métropolitain.

Par ailleurs, le sommet européen de décembre 2013, les réflexions capacitaires conduites à l'OTAN dans le cadre de son avenir post-Afghanistan, ainsi que les différentes initiatives bilatérales nous permettront - je l'espère- d'élargir nos marges de manoeuvre dans les domaines où nos capacités sont les plus tendues. Je pense aux avions ravitailleurs, où notre engagement pour le MRTT serait mobilisateur, mais aussi aux drones MALE, où l'acquisition de Reaper ouvre de nouvelles perspectives avec nos partenaires européens qui disposent déjà de ce système ou envisagent de l'acquérir à court terme.

S'agissant du fonctionnement, vous le savez, l'année 2014 s'annonce très difficile : les économies programmées par le PLF sont supérieures de 30 M€ aux 70 M€ que le ministère de la défense avait prévus au titre de la LPM, et ces 70 M€ représentaient déjà un effort considérable. Sachez, à titre d'exemple, que pour cette année 2013, les budgets de fonctionnement de nos bases de défense seront sans doute consommés dès novembre, et devront donc être abondés en fin de gestion. Les économies réalisées sur le soutien courant sont en effet absorbées par des facteurs haussiers, telle que la hausse du coût des fluides et de l'énergie, qui représente 40% des dépenses des bases de défense.

L'identification des gisements d'économie pour atteindre l'objectif des 100 M€ d'économies qui nous est assigné dès 2014 est donc un défi majeur et immédiat. À cet égard, les restructurations programmées en 2014 permettront d'y contribuer, mais elles seront largement insuffisantes. À titre d'exemple, la fermeture d'un régiment ne permet d'économiser qu'un peu plus de 2 M€ de fonctionnement en année pleine.

Par conséquent, seules des réorganisations couplées à des optimisations de fonctions très volontaristes, en plus des fermetures d'emprises, permettront d'atteindre l'objectif recherché. À défaut, les économies seront « saupoudrées » sur toutes les bases de défense, en prolongeant ou en amplifiant des mesures qui ont déjà été mises en oeuvre au niveau local : réduction de la période de chauffage (à Nancy par exemple, région où il ne fait pas particulièrement chaud, la période de chauffage a été retardée de 15 jours et raccourcie de 15 jours supplémentaires), fermeture de bâtiments (toujours à Nancy, le gymnase a été fermé par exemple) ou absence d'entretien locatif de bâtiments, limitation des services de nettoyage, abandon de l'entretien de certains espaces verts, non renouvellement du mobilier, etc...

M. Jean-Louis Carrère, président. -Nous avons pu le constater hier aussi sur la base de défense de Mont de Marsan, s'agissant du nettoyage des locaux - désormais fait par le personnel !- ou de la tonte des espaces verts, de moins en moins fréquente...

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées - Avec, à la clé, une dégradation supplémentaire des conditions de vie et de travail, du moral et donc, indirectement, de l'aptitude opérationnelle de nos forces.

Je rappelle que nos bases, nos ports et nos camps d'entraînement sont des outils de combat à part entière ou y contribuent fortement. C'est à partir de ces implantations qu'est réalisée la préparation des forces. C'est aussi à partir de ces implantations que sont réalisées les missions permanentes sur le territoire national ou certaines missions en OPEX. Cela pourrait être encore plus vrai à l'avenir, avec le rapprochement géographique de nos zones d'intérêt, qui relativise la notion d'« arrière ».

Des exemples ? L'engagement quotidien de notre police du ciel ou de nos navires dans le cadre de l'action de l'État en mer ; en permanence, le déploiement de nos forces sur le territoire national dans le cadre de plans comme Vigipirate ou Harpie (lutte contre l'orpaillage clandestin), en Guyane ; l'opération Harmattan, qui a été conduite depuis les ports et les bases métropolitains ; certaines actions offensives ou de soutien pendant Serval, là aussi depuis la métropole. Plus récemment, si l'action planifiée en Syrie s'était concrétisée, c'est ainsi également que nous aurions procédé.

La garantie d'un fonctionnement courant de qualité est donc, à mes yeux, primordiale pour la qualité de la préparation opérationnelle des forces et notre aptitude à remplir nos missions. Elle est également essentielle pour la préservation du moral du personnel ; nos régiments, nos ports et nos bases aériennes sont aussi des lieux de vie, en particulier pour les jeunes militaires du rang et une partie des sous-officiers.

Au plan des ressources humaines, 7 881 suppressions d'emploi sont prévues au titre du PLF 2014, ce qui en fait l'annuité de LPM connaissant la plus forte déflation, et ce qui représente 60% des suppressions d'emplois de l'État cette année-là. Ceci souligne la part qu'assument les armées au titre de l'effort de réduction des dépenses de l'État.

Cette manoeuvre sera particulièrement délicate pour le personnel officier. L'objectif d'un taux d'encadrement en officiers de 16% au niveau du ministère est extrêmement sensible, sauf à mettre en place des mesures drastiques de restriction de l'avancement et de recrutement des jeunes officiers, au risque d'hypothéquer dangereusement l'avenir. Nous craignons ce qu'on appelle le « coup d'accordéon ».

Inévitablement, nous devons optimiser notre « modèle RH », c'est-à-dire, dans le format retenu pour les armées : définir un nouveau plan de recrutement, car les armées conservent leur vocation de recruteur ; redonner du souffle à l'avancement ; permettre une meilleure adéquation entre les grades et les responsabilités ; et mieux gérer les flux d'entrée et de sortie du personnel, en s'assurant du succès des mesures de reclassement et de reconversion pour ceux d'entre nous qui quitteront l'uniforme dans les années qui viennent.

La situation actuelle est vécue avec difficulté par le personnel, qui s'investit dans un environnement toujours plus exigeant, tout en nourrissant des inquiétudes pour l'avenir immédiat. Je passe sur Louvois, dont le traitement des erreurs a été « industrialisé », sans pour autant diminuer le taux d'erreurs ; cette affaire doit être réglée, une fois pour toutes, vous le savez !

Avant de conclure, je voudrais également attirer votre attention sur les conditions d'entrée en LPM, et donc sur la fin de gestion de l'année 2013. Je vous l'avais dit en septembre, mais c'est un enjeu capital. Je me répète donc : tout abattement de ressources en 2013, comme la non-levée des crédits gelés ou l'autofinancement des surcoûts OPEX, amplifierait le report de charges que nous prévoyons pour la fin 2013, déstabiliserait de facto les conditions de la gestion 2014 et, par conséquent, l'entrée en LPM.

Pour conclure, mesdames et messieurs les sénateurs, si le projet de LPM 2014-2019 reflète le meilleur compromis possible, au regard de la situation économique et financière actuelle, le projet de PLF en est une première déclinaison fidèle. Elle sera pour autant particulièrement complexe à mettre en oeuvre, dans tous les domaines que je viens d'évoquer et qui sont indissociables les uns des autres.

Comme je l'avais fait il y a un mois à propos de la LPM, j'en appelle à votre vigilance sur les conditions d'exécution du budget, en particulier sur les ressources exceptionnelles, dont la mise à disposition doit être consolidée, et ce dès 2014. Pour maintenir les REX au niveau des 1,8 Md€ programmés en LPM, le PLF prévoit des cessions de matériels. Plusieurs projets sont à l'étude, mais aujourd'hui, les perspectives de ces cessions ne permettent pas encore de garantir les ressources attendues, en tout cas pour 2014.

Dans son discours devant les membres du Conseil supérieur de la fonction militaire, lundi 30 septembre, le Président de la République a rappelé que chaque million d'euro compte. Compte tenu des rigidités auxquelles sont soumis la quasi-totalité de nos dépenses, je ne peux que souscrire à ce propos, et vous faire part de ma détermination pour réussir. Je vous remercie.

M. Jean-Louis Carrère, président. -Amiral, nous sommes évidemment très sensibles à vos analyses, d'autant plus que nous observons une dégradation du moral des militaires, en particulier, mais pas seulement, dans l'armée de terre. En même temps, je ne vous le cacherai pas, nous sommes aussi conscients que les sommes consacrées à la défense -190 milliards d'euros courants sur la période de la LPM- peuvent paraître très importantes à nos concitoyens, compte tenu de l'état de nos finances publiques. La réduction de la charge de la dette est aussi une question de souveraineté nationale, compte tenu de son poids prédominant dans le budget de l'État. Nous continuons donc notre effort d'explication pour faire partager notre conviction de l'utilité des crédits consacrés à la défense et de la nécessité de remonter dès que possible notre effort de défense vers l'objectif de 2% du PIB -ce que notre commission a prévu par voie d'amendement à la LPM.

Notre commission a également adopté des amendements tendant à sécuriser les recettes exceptionnelles et le financement interministériel du surcoût des OPEX. Nous serons vigilants pour l'exécution de la LPM, avec notamment la possibilité de contrôles sur pièces et sur place des députés et sénateurs des commissions de la défense. Quant au retour à meilleure fortune que nous appelons de nos voeux...

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées - Le Président de la République a fait deux fois allusion, dans son discours du 30 septembre, à l'éventualité d'une remontée des crédits de la défense après 2016

M. Christian Cambon. - ...« Veillez et Priez » nous disent les Ecritures !...

M. Jean-Louis Carrère, président. - ... nous aurons un rendez-vous, ou « clause de revoyure », dès 2015. Sur la masse salariale, la Cour des Comptes constate une baisse de 8% des effectifs et une hausse de 5,5% de la masse salariale sur la précédente programmation, mais les effets du glissement-vieillesse-technicité, du chômage et des changements de réglementation sont à prendre en compte.

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées - L'accroissement de 5,5% est ramené à un peu plus de 3% si l'on neutralise les effets -dévastateurs- de Louvois, et de ses trop perçus.

M. Daniel Reiner. - Plus de 100 millions d'euros !

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées - On oublie aussi les effets des mesures indiciaires qu'on nous a demandé de prendre « sous enveloppe », les effets de la loi sur les régimes de retraite qui a de facto différé des départs. Le ministère de la défense paie plus de 140 millions d'euros d'indemnisation chômage d'anciens militaires en 2013, là où ce poste ne s'élevait qu'à 100 millions d'euros en 2009...

M. André Trillard. - Vous avez remis la loi de programmation militaire en perspective du modèle d'armée 2025 ; est-ce qu'en 2025 nous aurons encore notre place au conseil de sécurité des Nations unies ?

Vous avez évoqué la question de la masse salariale, qu'aurait-elle été si le format des armées n'avait pas évolué et le nombre de militaires réduit ? Tout en sachant que certaines tâches ont été externalisées, ce qui a aussi un coût ?

Lorsque nous intervenons à l'extérieur pour aider des Etats ou des populations menacées, je ne suis pas certain que nous en tirions toujours le bénéfice dans nos relations commerciales ou économiques. Avons-nous bénéficié de notre intervention militaire en Libye en termes de retombées économiques ? Qu'en est-il au Mali ? Comment mieux articuler intervention militaire et participation à la reconstruction ?

Les forces spéciales américaines ont mené à la fin de la semaine dernière des opérations en Libye et en Somalie, avec plus ou moins de succès. Aurions-nous été capables de mener des opérations de ce type ?

M. Jean-Marie Bockel. - Les médias font état, ce matin, de nouvelles menaces sur la brigade franco-allemande. Je sais que depuis plusieurs années sa situation est controversée. Jusqu'à maintenant les raisons politiques et notamment le symbole fort qu'elle représente dans la relation franco-allemande ont plaidé pour son maintien, avec même l'installation d'une unité allemande en France pour équilibrer le maintien du 110e RI à Donaueschingen. Quelle est votre appréciation sur cette question ?

M. Gilbert Roger. - On sera en 2014, 15% en dessous des normes de préparation opérationnelle ; la situation ne devrait pas se redresser avant 2016 : en quelle année pourra-t-on atteindre les normes d'activité fixées dans la LPM, les 90 jours pour l'armée de terre, les 180 heures de vol pour les pilotes de chasse, etc.... Ne doit-on pas se donner des objectifs intermédiaires, chaque année, pour atteindre ce but ?

Vous nous avez indiqué l'effort d'économies de fonctionnement à conduire, avec en outre, à assumer l'augmentation du coût des fluides. Partout dans les bases de défense, nous constatons que début novembre les crédits sont consommés et les reports de crédits s'accumulent. Dans ce contexte, est-il réaliste de prévoir, dans le projet de loi de finances pour 2014, 100 millions d'euros supplémentaires dans le soutien ? Ne devrait-on pas solder nos factures pour pouvoir renégocier tous les contrats ?

J'ai lu dans la lettre « Acteurs publics » hier soir que la dérive de la masse salariale serait de 800 millions d'euros. Je suis étonné par ce chiffre. Pouvez-vous me le confirmer ?

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées. -Si aujourd'hui, aucun pays dans le monde ne remet en cause la position de la France comme membre permanent du conseil de sécurité des Nations unies avec droit de veto, c'est à la fois en raison de l'héritage des valeurs que porte la France, de son influence, notamment par le biais de la francophonie de ses armées et de sa dissuasion nucléaire, C'est aussi dû au fait que, de façon ininterrompue, elle a assumé ses responsabilités internationales, et s'est mêlée aux affaires du monde, en intervenant sous la bannière des Nations unies et en dehors. Si nous conservons cette ambition, cette capacité de s'engager, en 2025, la France sera toujours membre permanent du conseil de sécurité des Nations unies.

S'agissant de la charge de la masse salariale en l'absence de déflation d'effectifs, probablement que nous aurions été obligés d'avoir un budget de la défense représentant un pourcentage plus élevé du PIB. En 2008, on nous a forcés à entrer en déficit dans la loi de programmation. Bercy ne nous a autorisé qu'un niveau de masse salariale correspondant à un effectif inférieur à la réalité de 1 500 postes, pour nous inciter à être vertueux. Il y avait en contrepartie dans la LPM une clause de sauvegarde : « vous gérez en effectifs vos RH, il y aura abondement de la masse salariale si vous respectez vos effectifs, et si c'est nécessaire ». Cette clause n'a jamais été honorée. Depuis lors, on commence l'année avec un déficit supérieur à 100 millions d'euros. Je voudrais souligner qu'il n'y a aucune administration qui ait consenti un effort aussi grand. Le directeur du budget l'a lui-même reconnu hier devant la commission des finances du Sénat lors d'une audition. En Espagne, la réduction du budget jusqu'à 0,75% du PIB depuis 5 ans fait que les rémunérations et charges sociales représentent 70% du budget. Si nous n'avions pas réduit les effectifs, nous n'aurions pas pu acquérir les équipements dont nous avons besoin et nous aurions perdu notre autonomie de choix des équipements, avec les conséquences industrielles que cela peut induire y compris en termes d'emplois.

Sur les « retombées » économiques des OPEX, nous ne sommes pas allés jusqu'à intégrer systématiquement comme les Américains dans l'ex-Yougoslavie des chefs d'entreprises dans les réservistes sur le terrain. Ce n'est pas dans notre culture et nous n'aurions pas pu sans doute leur offrir des rémunérations suffisantes. Il y a une continuité et une coordination à assurer qui relèvent plutôt de l'action diplomatique, « la diplomatie économique ». Les armées ne sont qu'une partie d'un instrument global, qui implique au premier chef les affaires étrangères, l'industrie....

Les Américains ont conduit des opérations très complexes en Libye et en Somalie, ils n'ont pas utilisé de drones pour attaquer afin d'éviter des dommages collatéraux.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Des raids ont-ils jamais été réussis en Somalie ?

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - A terre, non. En mer, nous avons eu l'épisode du Ponant.

La situation en Libye est très complexe. Il est très difficile d'assurer une continuité car les interlocuteurs sont rarement les mêmes. Il y a vraiment dans ce pays un problème de continuité de l'action de l'Etat et il est dès lors difficile de coopérer.

Au Mali, nous avons des interlocuteurs. Je ne suis pas inquiet. Nous sommes allés vite et fort avec Serval et cela a plutôt réussi. Le dispositif de formation de l'EUTM fonctionne. Les deux premiers bataillons sont opérationnels et engagés en opérations. L'ensemble des partenaires européens conviennent qu'il faut poursuivre cette formation, le coût n'est pas très élevé et des fonds européens sont disponibles. L'opération Serval est une partie d'un dispositif qui va plus loin et qui doit se poursuivre avec des actions d'aide à la gouvernance et de coopération.

S'agissant de la brigade franco-allemande, les choix ne sont pas faits. Nous travaillons en concertation avec les Allemands, non pas sur l'existence de la brigade qui est sanctuarisée mais sur son activité et sur son emploi. Où et quand peut-on l'utiliser, sur quel théâtre d'opération ?

M. Jean-Marie Bockel- Votre propos est positif. Aurez-vous les moyens de surmonter la question du parallélisme ? Est-ce que la désignation de régiments implantés en France, qui est une vieille idée et qui n'avait pas fonctionné, sera acceptable ?

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées. - L'idée est bien d'utiliser cette brigade. Nous travaillons avec les Allemands pour déterminer sous quelle forme et dans quelles conditions politiques, diplomatiques, géographiques. Ensuite viendra le temps de la décision politique.

S'agissant des normes d'entraînement, ce sont des normes communément admises au niveau international. On peut toujours réduire les heures d'entraînement mais cela entraîne des conséquences sur la préparation opérationnelle. Ainsi, dans certains pays, les pilotes d'avions de chasse n'effectuent en moyenne que 30 heures de vol d'entraînement par an. Certes, les pilotes sont capables de faire décoller leur appareil, de le piloter et de le faire atterrir. Mais ils n'ont pas l'entraînement suffisant pour effectuer des missions.

Je partage votre avis, M. Gilbert Roger, sur la nécessité de renégocier les contrats pour récupérer des marges de manoeuvre. Mais cela nécessite aussi une certaine réduction de nos implantations territoriales, qui sont actuellement dispersées sur le territoire.

M. Jeanny Lorgeoux. - Avec notre collègue Jean-Marie Bockel, nous préparons un rapport sur l'Afrique. Alors que le nouveau Livre blanc accorde une place plus importante que le précédent à ce continent, le projet de loi de programmation militaire n'y accorde que quelques lignes et n'évoque qu'une future revue des forces pré-positionnées, qui devrait se traduire par la suppression de 1 100 postes, mais sans préciser la manière dont s'effectuera cette réforme et quelles seront les implantations concernées. Je souhaiterais donc avoir des précisions. Faut-il s'attendre à une réduction des forces prépositionnées à Djibouti, à Abidjan ou à Niamey ?

M. Christian Cambon. - Je souhaiterais vous interroger sur le système Louvois, dont les dysfonctionnements pèsent lourdement sur le moral des armées. J'ai interrogé le ministre de la défense sur ce point mais je n'ai pas été entièrement satisfait par sa réponse.

Je voudrais également évoquer le sujet de la reconversion des militaires. Compte tenu de la déflation des effectifs et des difficultés pour les militaires de trouver un emploi, il me semble que les collectivités locales pourraient jouer un rôle utile pour faciliter les reconversions, par exemple par l'intermédiaire des délégués militaires départementaux.

M. René Beaumont. - Je souhaiterais vous interroger au sujet de l'opération Harpie de lutte contre l'orpaillage clandestin en Guyane, à laquelle les armées participent aux côtés de la gendarmerie nationale. Comme j'ai pu le constater moi-même à plusieurs reprises, l'orpaillage clandestin constitue un véritable « pillage » de nos richesses. Il donne lieu à des affrontements parfois meurtriers avec nos forces armées et menace la sécurité de cette région stratégique. Or, il semblerait que les orpailleurs, qui sont généralement originaires du Nord-Est du Brésil, bénéficient de complicités ou d'une passivité des autorités locales brésiliennes de l'autre côté de l'Oyapok.

Amiral Édouard Guillaud, chef d'état-major des armées - Concernant le système Louvois, l'affaire remonte à une dizaine d'années. À l'époque, le déploiement de ce système avait été confié au Secrétaire général pour l'administration et à la Direction des ressources humaines du ministère de la défense. Les armées n'ont été que très peu consultées tout au long du processus.

Il est vrai que la mise en oeuvre de ce système était complexe, compte tenu du nombre de personnels au sein du ministère de la défense, du maquis de primes (plus de 160) et d'un système de paiement différent selon chaque armée.

Au début, la mise en place a semblé fonctionner de manière satisfaisante. Ainsi, le système a d'abord été appliqué au service de santé des armées, soit 12 000 personnes, sans provoquer de difficultés majeures. Compte-tenu de ce premier bilan, on l'a étendu à l'armée de terre, puis à la marine.

À ce moment-là, nous nous sommes aperçus que le système Louvois accumule les erreurs, et, pire que tout, fait des erreurs et en efface ensuite la trace, ce qui rend très difficile la possibilité de les corriger.

Actuellement, environ la moitié des personnels de la défense sont concernés par ce logiciel. Aujourd'hui ce système est devenu complètement fou, avec plus de 50% d'erreurs sur les soldes.

Pour ma part, je tiens à rappeler que, dès ma prise de fonction en 2010, j'ai écrit au ministre de la défense de l'époque pour lui faire part de mes inquiétudes au sujet de la fermeture des centres de traitement des soldes des militaires sans attendre l'évaluation de la mise en oeuvre du système Louvois.

Ces centres ont été fermés et les personnels sont partis, alors même que le nouveau logiciel n'avait pas encore été entièrement évalué, ce qui explique en grande partie les difficultés actuelles.

Par ailleurs, si j'ai accepté d'étendre ce logiciel à l'armée de terre et à la marine, car les premiers résultats semblaient satisfaisants, j'ai refusé en revanche de l'étendre à l'armée de l'air compte tenu des premiers dysfonctionnements.

Dès l'année dernière, j'ai dit qu'il fallait changer de logiciel.

Changer de système va toutefois nécessiter de deux à trois ans, un coût de l'ordre de 50 à 70 millions d'euros pour le nouveau logiciel, et plusieurs dizaines de millions d'euros que nous ne saurons pas recouvrer. En définitive, nous allons payer ce système trois fois et je ne parle pas des effets désastreux sur le moral des armées.

S'agissant de la reconversion, l'idée d'impliquer les collectivités locales me paraît excellente. Si chaque commune pouvait embaucher un ancien militaire, nous n'aurions plus de difficultés en termes de reconversion. Les militaires sont loyaux, travailleurs et adaptables. Ils sont donc de très bons candidats pour être recrutés dans la fonction publique ou le secteur privé.

En ce qui concerne la révision des forces prépositionnées en Afrique, comme vous le savez, le Président de la République a souhaité organiser un Sommet avec les chefs d'Etat africains, qui se tiendra début décembre, et il devrait discuter à cette occasion de cette question avec nos partenaires africains.

Pour ma part, je ne peux répondre que du point de vue opérationnel.

Je constate que nous avons une crise sécuritaire dans le bassin sahélo-saharien où nous disposons actuellement de deux points d'appui, au Tchad et au Niger. Nous avons également des forces spéciales, au Burkina Faso, et des forces de soutien, notamment à Dakar, à Libreville, à Abidjan. Il faut aussi tenir compte de la distance.

Actuellement, la crise semble se déplacer vers le Sud, au Nigéria ou en République centrafricaine.

Il faut donc à la fois maintenir notre présence mais d'une manière plus souple et réactive, comme le prévoit d'ailleurs le nouveau Livre blanc, contrairement au précédent.

De plus, il faut aussi tenir compte des contraintes financières.

Mais la présence de nos forces prépositionnées en Afrique apporte de nombreux avantages, en termes de protection de nos ressortissants et de nos intérêts, d'influence diplomatique ou de présence économique, mais aussi pour les armées, notamment de connaissance du terrain, d'aguerrissement et d'entraînement, d'échanges et de partage avec nos partenaires africains.

Le nouveau Livre blanc ne donne pas un chiffre précis sur le nombre de nos forces prépositionnées en Afrique mais évoque seulement une révision.

En tout état de cause, la décision appartient au Président de la République.

L'opération Harpie ne relève pas du ministère de la défense mais du ministère de l'intérieur, qui a fait appel aux armées pour épauler les gendarmes. Elle mobilise en moyenne 350 militaires par jour. Il faut rappeler que la frontière entre la Guyane et le Brésil est la plus longue frontière terrestre de la France, avec environ 700 km, et que ce territoire présente un intérêt stratégique pour notre pays. Le problème du Brésil tient à sa structure fédérale. Même si nous entretenons d'excellentes relations avec l'armée brésilienne, celle-ci n'a légalement pas le droit d'intervenir et de coopérer avec nous de l'autre côté de la frontière. Face à l'orpaillage clandestin, deux approches sont possibles. Soit on réussit à convaincre nos partenaires brésiliens de renforcer leur coopération, soit on met en place une extraction encadrée de l'or de la forêt guyanaise.

M. André Trillard. - Au sujet de la reconversion des militaires, je voudrais rappeler que les trois fonctions publiques vont devoir embaucher un grand nombre de fonctionnaires dans les prochaines années pour remplacer les départs en retraite de la génération issue du « baby-boom ».