- Mardi 9 juillet
2013
- Travail - L'Union européenne et l'emploi des jeunes -Rapport d'information et avis politique de M. Dominique Bailly
- Économie, finances et fiscalité - L'entrée de la Lettonie dans la zone euro - Communication de M. Jean-François Humbert
- Transports - Contrôle technique des véhicules : point d'actualité de M. Jean-François Humbert
- Mercredi 10 juillet 2013
Mardi 9 juillet 2013
- Présidence de M. Simon Sutour -Travail - L'Union européenne et l'emploi des jeunes -Rapport d'information et avis politique de M. Dominique Bailly
M. Simon Sutour, président. - Le premier point de notre ordre du jour est le projet de rapport et d'avis politique de Dominique Bailly sur l'action européenne en faveur de l'emploi des jeunes. Ce sujet a déjà occupé une grande place dans l'audition de Thierry Repentin, la semaine dernière. Il était donc particulièrement utile de l'étudier plus en détail et de prendre position.
Cette prise de position prendrait la forme d'un « avis politique ». En effet, les décisions ont été arrêtées pour l'essentiel par le Conseil européen des 27 et 28 juin : le point important est maintenant la manière dont les institutions européennes vont les mettre en oeuvre. D'où le choix d'un « avis politique », par lequel nous nous adressons directement à la Commission européenne. Je donne la parole à Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. - Établi à 23,5 % au sein de l'Union européenne, le taux de chômage des jeunes est deux fois supérieur au taux de chômage global. Il est supérieur à 25 % au sein de 11 États membres, dont la France, dépassant 50% en Croatie, en Espagne et en Grèce. La crise économique que traverse le continent est, certes, la première cause de cette situation. Au regard de leur position d'entrants sur le marché du travail, l'emploi des jeunes est très sensible à la conjoncture économique.
Le coût du traitement du chômage des jeunes est estimé à 153 milliards d'euros par an au sein de l'Union européenne, soit 1,2 % de son produit intérieur brut (PIB). 5,627 millions d'Européens de moins de 25 ans sont présents sur le marché du travail sans trouver d'emploi. 30,1 % d'entre eux sont sans emploi depuis plus de 12 mois. Le taux de chômage de longue durée est ainsi particulièrement élevé chez les jeunes. En intégrant les jeunes qui ne sont pas inscrits auprès des régimes d'assurance chômage, le nombre des jeunes sans emploi ou sans formation, les NEETs (ni étudiant, ni employé, ni stagiaire), de moins de 25 ans s'élève à 7,5 millions sur le territoire de l'Union européenne. Cette situation contraste d'ailleurs avec les 2 millions postes de travail vacants au sein de l'Union européenne.
En présentant en décembre 2012 une série de mesures concernant l'emploi des jeunes, la Commission européenne a contribué à faire de cette problématique une des priorités d'action de l'Union européenne pour les années à venir. Le souhait du Conseil européen de créer un fonds spécifique pour financer la mise en place d'un mécanisme de garantie pour la jeunesse au sein des États membres est venu confirmer cette tendance. Il s'agit d'éviter que la jeunesse européenne devienne une « génération perdue ».
Cette nouvelle ambition sociale répond également aux objectifs de la stratégie Europe 2020 d'améliorer la formation des jeunes européens. L'Union européenne entend de la sorte contribuer au retour de la croissance économique. Ce faisant, elle donne une autre tonalité à son action, trop facilement résumée ces dernières années à la lutte contre les déficits publics et l'endettement.
Il convient de saluer les contours d'un plan assez large visant tout à la fois la réinsertion de jeunes en rupture avec le système éducatif et le monde du travail, mais aussi le contenu même des formations en insistant, notamment, sur le niveau des stages ou le développement de l'apprentissage.
Abordons en premier lieu la mesure-phare de ce dispositif qu'est la garantie pour la jeunesse. La Commission invite chaque État membre à présenter, dès 2014, une offre de qualité à tous les jeunes sans emploi ou sans formation de moins de 25 ans. Les États sont incités à créer rapidement une structure dédiée, chargée de coordonner tous les organismes intervenant dans ce domaine. Le texte n'a pour autant pas vocation à imposer un type de mécanisme mais bien de faciliter la mise en oeuvre de dispositifs adaptés aux circonstances nationales, régionales ou locales.
La Commission s'appuie sur les dispositifs mis en oeuvre en Autriche, en Finlande ou en Suède, avec un certain succès en Autriche puisque moins de 8 % des jeunes entre 15 et 24 ans sont au chômage. L'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Pologne ou le Royaume-Uni ont également mis en oeuvre des programmes permettant aux jeunes en situation d'échec scolaire ou au chômage de bénéficier d'une formation, d'intégrer une école d'apprentissage ou d'une offre d'emploi dans un laps de temps déterminé. La France lancera également, à titre expérimental, une garantie jeunes à l'automne prochain dans 10 départements. Elle se composera à la fois d'une garantie d'une première expérience professionnelle et d'une garantie de ressources. Elle ciblera les jeunes NEETs de 18 à 25 ans dont les ressources ne dépassent pas le plafond du RSA, soit 483 euros par personne seule.
Afin de financer ce dispositif, le Conseil européen des 7 et 8 février derniers a acté la création d'un fonds spécifique : l'Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ), doté de 6 milliards d'euros pour la période 2014-2020, dont la moitié provient du Fonds social européen, le FSE. La dotation globale de l'IEJ a été portée à 8 milliards d'euros lors du Conseil européen des 27 et 28 juin derniers. Seule la contribution versée au titre du FSE doit être complétée financièrement par les États membres. Ces crédits sont destinés aux régions dont le taux de chômage des jeunes dépasse 25 %. L'Espagne, l'Italie et la France devraient être les principaux bénéficiaires du dispositif : elles devraient ainsi disposer de crédits s'élevant respectivement à 1,7 milliards d'euros, 1 milliard et 570 millions d'euros.
À côté de la garantie pour la jeunesse, la Commission a également présenté deux initiatives concernant les stages et l'apprentissage.
Le document de consultation des partenaires sociaux européens sur un cadre de qualité pour les stages insiste ainsi sur la nécessité de mieux définir les conventions de stage et de limiter la durée des stages à 6 mois. Ceux-ci seraient non-renouvelables immédiatement. La rémunération devrait, dans le même temps, être clairement établie.
La Commission a en outre jeté les bases d'une Alliance européenne pour l'apprentissage. L'objectif est d'améliorer l'offre et la qualité des apprentissages disponibles. L'Alliance a été lancée le 2 juillet dernier à Leipzig. Elle réunit représentants des pouvoirs publics, des entreprises, des partenaires sociaux et des jeunes et se résume pour l'instant à un forum d'échanges de bonnes pratiques.
Au-delà du paquet « emploi des jeunes » proprement dit, la Commission a mis, ces derniers temps, l'accent sur la mobilité des jeunes. La décision de la Commission du 26 novembre 2012 a permis la transformation du réseau européen de l'emploi (EURES) en un réseau européen de placement axé sur les résultats. Afin de compléter ce dispositif, la Commission a présenté le 17 juin 2013 un projet de décision mettant en place un réseau européen des services publics de l'emploi à compter du 1er janvier 2014. La Commission entend également s'appuyer sur le nouveau programme « Erasmus + » pour accroitre la mobilité des jeunes en alternance et répondre à l'objectif fixé par le Conseil en novembre 2011. Le Conseil a d'ailleurs rappelé les 27 et 28 juin 2013 que le programme « Erasmus + », doté de 14,5 milliards d'euros, devait être pleinement opérationnel au 1er janvier 2014.
Il n'en reste pas moins un certain nombre de questions en suspens, auxquelles le Conseil européen des 27 et 28 juin 2013 n'a que partiellement répondu. Il en est ainsi du financement ou du calendrier retenu pour la mise en place du mécanisme de garantie pour la jeunesse. Celui-ci ne saurait, par ailleurs, être envisagé comme la seule réponse à la montée du chômage chez les 15-24 ans. Le terme de « garantie » n'est, en effet, pas sans risque, en laissant croire que 7,5 millions de NEETs pourraient, à court terme, disposer d'une proposition d'emploi ou de stage de qualité. De telles propositions dépendent, on le sait, dans une large mesure de la conjoncture économique, nettement défavorable à l'heure actuelle. Il est indispensable, par ailleurs, que le programme soit le plus lisible possible pour les entreprises.
Par ailleurs, les dispositifs de garantie pour la jeunesse mis en place en Europe du Nord, Finlande ou Suède, souvent cités en exemple, ne constituent pas pour autant un gage de réussite pour endiguer le chômage des jeunes. Celui-ci atteint dans ces deux pays près d'un quart de la population concernée. L'efficacité du mécanisme de garantie doit plutôt être analysée à l'aune de l'exemple autrichien, où le taux de chômage des jeunes est inférieur à 8 %.
Reste que la Garantie jeunes n'intervient en Autriche qu'en dernier ressort, si la formation, l'alternance ou l'apprentissage n'ont pas débouché sur un emploi. Le point fort de la lutte contre le chômage des jeunes tient dans ce pays comme en Allemagne d'ailleurs à l'efficacité du système d'apprentissage ou de formation en alternance. C'est à ce titre qu'il convient de renforcer l'Alliance européenne pour l'apprentissage lancée le 2 juillet pour permettre des échanges de bonnes pratiques. Il faudrait qu'elle débouche également sur l'élaboration de cursus communs de formation en alternance pour différentes professions et faciliter la reconnaissance de l'apprentissage suivi à l'étranger. Il est de fait nécessaire de converger vers un véritable statut européen de l'apprenti.
Dans le même temps, il est indispensable de stabiliser à un niveau élevé - au moins 40 % - la part de l'apprentissage dans les rubriques enseignement supérieur et enseignement et formation professionnels du programme « Erasmus + ». Il serait également utile de mettre en place un véritable guichet européen pour l'alternance destiné à soutenir les initiatives nationales en la matière. Le renforcement de la qualité des stages va également dans ce sens.
En ce qui concerne le Fonds communautaire, l'Initiative pour l'emploi des jeunes, il convient d'éviter tout effet de saupoudrage. 8 milliards d'euros sur 7 ans revient à consacrer 153 € par an à chacun des 7 millions et demi de NEETs européens. Ramené aux seules régions où le chômage des jeunes dépasse 25 %, ce montant atteint 2 300 € sur l'ensemble de la période. On est loin des 16 000 euros consacrés à chaque jeune chômeur en Autriche. Le Conseil européen des 27 et 28 juin a insisté sur la nécessité de mieux utiliser les crédits du FSE pour compléter ce financement. Afin de renforcer la visibilité de l'action de l'Union européenne en matière de lutte contre le chômage des jeunes, il pourrait être opportun de prévoir une enveloppe fixe au sein du FSE.
La deuxième réserve tient au risque d'effet de seuil induit par le choix d'un taux de chômage des jeunes régional à 25 % pour permettre une intervention de l'IEJ. En France, 8 régions et 4 départements d'outre-mer seront éligibles. La région Ile-de-France ou Rhône-Alpes seront par contre écartées. Si une dérogation existe, elle est limitée à 10 % des crédits attribués à un pays, ce qui laisse peu de marges de manoeuvre.
Je salue néanmoins le fait qu'à l'initiative de la France, un peu plus de 5 milliards d'euros seront décaissés dès 2014 et 2015 afin de créer un véritable effet levier. Les États membres devront envoyer à ce titre leurs projets en octobre prochain. Ce délai reste relativement court : il s'agit en effet de déterminer un public pour partie introuvable puisque non inscrit aux différents guichets d'aide sociale. La priorité de tout financement doit d'ailleurs s'orienter en faveur de la détection des NEETs et de leur réinsertion dans le système. J'ai pu constater, dans ma commune, les difficultés à trouver des jeunes suffisamment insérés socialement pour leur faire signer un contrat d'avenir.
Avant de conclure mon propos, je souhaitais revenir un instant sur les initiatives bilatérales. Celle mise en oeuvre fin mai entre la France et l'Allemagne, qualifiée de New Deal, a eu le mérite de déboucher sur une réflexion à 28 sur la question du chômage des jeunes et d'enrichir ainsi les travaux du Conseil européen des 27 et 28 juin. La participation de la Banque européenne d'investissement au programme de lutte contre le chômage des jeunes a ainsi été intégrée dans ses conclusions, même si, je vous l'accorde, des interrogations subsistent sur l'utilisation de cet instrument déjà très sollicité. D'ailleurs, afin de compléter ce soutien de la Banque européenne d'investissement aux petites et moyennes entreprises, il conviendrait d'encourager la formation au niveau européen de pépinières d'entreprises favorisant celles qui recrutent justement des jeunes.
Je suis plus sceptique sur l'accord de coopération signé entre Berlin et Madrid le 21 mai dernier et dont l'objectif principal est de permettre à 5 000 jeunes Espagnols d'accéder à un emploi chaque année, au travers de la formation professionnelle en alternance allemande ou de l'accès à un poste de travail qualifié en Allemagne. Si cette initiative peut paraître louable, je m'interroge sur cette prime accordée à la mobilité. Il existe, en effet, un risque réel de favoriser un départ des travailleurs plus qualifiés et donc d'affaiblir certains États.
Compte tenu de toutes ces observations, je vous propose d'adopter l'avis politique qui vous a été distribué et qui reprend les pistes de travail que je viens d'évoquer pour lutter efficacement contre le chômage des jeunes au niveau européen.
Le Conseil européen des 27 et 28 juin 2013 a présenté, à ce titre, un certain nombre de propositions ambitieuses, qu'il s'agisse de la réforme des systèmes d'enseignement et des marchés du travail, de l'amélioration de l'environnement économique des jeunes entreprises ou de l'allègement de la fiscalité sur le travail. Il a néanmoins rappelé que la plupart de ces chantiers étaient de la seule responsabilité des États membres, reconnaissant explicitement les limites de l'Union européenne en la matière.
La mise en place de l'Initiative pour l'emploi des jeunes comme les mesures en faveur de l'apprentissage, des stages et de la garantie pour la jeunesse constituent, me semble-t-il, un indéniable pas en avant et le signe d'une réorientation plus que nécessaire de l'action de l'Union européenne dans sa gestion de la crise économique.
M. Simon Sutour, président. - Je remercie le rapporteur pour ce travail important. Le fait de concentrer l'essentiel des financements sur les deux premières années va évidemment dans le bon sens.
Mme Bernadette Bourzai. - Je souhaitais féliciter le rapporteur pour la qualité de son travail. La mise en place d'un dispositif européen de lutte contre le chômage des jeunes était urgente. Le ministre des affaires européennes nous l'a déjà indiqué la semaine dernière, il était indispensable que l'Union européenne donne un coup de « booster » en faveur de la jeunesse. On mesure la nécessité de telles mesures à la lecture des chiffres édifiants présentés dans un des tableaux du rapport : le taux de chômage des jeunes peut ainsi dépasser 50 % dans certains pays. Je me félicite donc que l'Union européenne agisse enfin et rapidement. Le décaissement sur les deux premières années de l'essentiel des crédits devrait permettre de donner un véritable souffle à cette action.
La nécessité de mieux former les jeunes est une réalité, on le voit en France. Nous devons réfléchir sur de nouveaux modes d'apprentissage et d'acquisition du savoir. Nous devons réhabiliter certains apprentissages, insuffisamment valorisés. La question de la formation professionnelle est également ouverte.
En ce qui concerne les régions potentiellement bénéficiaires de l'Initiative pour l'emploi des jeunes, j'insisterai sur les régions dont les taux de chômage des jeunes ne sont pas très élevés, non pas en raison d'une relative prospérité mais du fait d'une forte tradition d'émigration. Les jeunes préfèrent quitter ces territoires pour trouver du travail. Les statistiques deviennent artificiellement plus favorables.
Pour conclure, je rappellerai qu'on ne peut faire l'impasse sur la jeunesse sous peine de conséquences dramatiques pour l'avenir de l'Union européenne.
Mme Colette Mélot. - Je tenais également à saluer le travail de notre collègue. Les propositions de la Commission constituent une avancée considérable. Nous devons également explorer ce qui peut être fait en Allemagne ou en Autriche dont les résultats en la matière sont éloquents. Nous devons arriver à mettre en place un système d'apprentissage adapté. Je note qu'en Allemagne, l'apprentissage ne concerne pas uniquement les formations techniques, mais des secteurs très divers, et permet d'obtenir des diplômes de niveau élevé. Le président de Daimler-Benz est lui-même issu de l'apprentissage et il existe d'autres exemples de ce type de réussite.
La lutte contre le chômage des jeunes est incontestablement un travail de longue haleine. Mais comme l'a rappelé Bernadette Bourzai, ce combat est vital pour l'avenir de l'Europe.
M. Jean-François Humbert. - Je suis favorable à l'avis politique qui nous a été présenté. Nous tentons vainement depuis trente ans de régler ce problème tant au niveau national qu'européen. Tout ce qui va dans la bonne direction doit donc être pris en considération, tant le volant du chômage des jeunes est trop important. Nous devons désormais présenter des propositions concrètes à l'Union européenne en vue de soutenir son action.
M. Michel Billout. - Cette question, comme celle du chômage des séniors d'ailleurs, est de la plus haute importance. Je soutiens donc cet avis politique et les dispositions adoptées par l'Union européenne. Cela étant, il est aussi indispensable de créer les conditions d'un retour à une croissance durable sur l'ensemble du continent.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Je voudrais féliciter tout d'abord le rapporteur. Je souscris à ses propositions ainsi qu'aux interventions précédentes. En ce qui concerne les critères d'intervention financière de l'Union européenne, je suis assez sceptique tant une région peut recéler des situations relativement différentes. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur en est un parfait exemple avec une étonnante dissymétrie géographique : 90 % de la population vit sur 10 % de son territoire. Le dynamisme de la région tient de fait à son front de mer et occulte la situation difficile que peuvent rencontrer les jeunes de l'arrière-pays.
M. Dominique Bailly. - Le taux de chômage des jeunes régional établi à 25 % semble être le seul critère d'intervention possible aux yeux de la Commission européenne. Mes entretiens à Bruxelles me l'ont confirmé. C'est regrettable, puisque la région Ile-de-France est ainsi écartée du financement. Il n'en demeure pas moins que le dispositif européen peut avoir un effet de levier pour l'ensemble de nos territoires. Il faut à cet égard saluer l'initiative du gouvernement français pour concentrer les crédits sur les deux premiers exercices. Le paquet « emploi de jeunes » donne également une autre tonalité à l'action de l'Union européenne, plus sociale.
En ce qui concerne les expériences étrangères, on peut aussi avoir une position critique sur l'Allemagne ou l'Autriche, notamment au sujet des rémunérations des jeunes. Il n'en reste pas moins que je préfère voir des jeunes au travail qu'en souffrance et en situation d'exclusion sociale.
M. Simon Sutour, président. - Je vous rappelle que cet avis politique sera adressé directement à la Commission européenne. Il ne s'agit plus d'aiguiller le gouvernement avant l'adoption d'un texte mais de faire état de la position du Sénat quant à l'application de ce dispositif.
La commission a adopté à l'unanimité le projet d'avis politique dans le texte suivant :
Économie, finances et fiscalité - L'entrée de la Lettonie dans la zone euro - Communication de M. Jean-François Humbert
M. Simon Sutour, président. - Le deuxième point de notre ordre du jour est l'entrée de la Lettonie dans la zone euro. Nous sommes appelés à nous prononcer sur les trois textes qui prévoient cette entrée au 1er janvier prochain.
Il faut rappeler que la participation à l'union monétaire est normalement une obligation pour tous les États membres, dès lors qu'ils remplissent les critères de Maastricht (déficit, dette, inflation, stabilité du change). Les textes qui nous sont soumis se bornent donc à porter un jugement positif sur le respect de ces critères par la Lettonie. Si nous voulions nous opposer, il nous faudrait contester ce respect des critères.
Seuls sont dispensés d'entrer dans l'union monétaire les pays qui bénéficient selon les traités d'une dérogation. Dans la pratique, les choses sont plus nuancées, car la Suède qui remplit les critères a refusé jusqu'à présent l'entrée dans l'euro, à la suite d'un référendum. Mais en principe la zone euro a vocation à s'élargir progressivement, dès que les critères sont remplis.
Je donne la parole à Jean-François Humbert.
M. Jean-François Humbert. - Notre commission a été saisie de trois textes (E 8371, E 8372 et E 8459) au titre de l'article 88-4 de la Constitution concernant l'adhésion de la Lettonie à l'Union économique et monétaire au 1er janvier 2014. Cette démarche intervient six ans après que ce pays a connu une crise d'une ampleur inégalée. Cette crise avait sanctionné une surchauffe de l'économie locale. À une croissance annuelle du Produit intérieur brut (PIB) de 10 % entre 2004 et 2007 avait répondu une forte augmentation des salaires réels (+ 20 % sur la même période) et surtout l'apparition d'une bulle immobilière, les prix augmentant de 60 % entre 2006 et 2007. Le retournement de la conjoncture mondiale s'est traduit par une contraction du PIB inédite - - 18 % en 2009 - et une explosion du chômage, porté d'un coup à 15 % de la population active.
Cette dépression économique a débouché sur une crise bancaire nécessitant une aide financière internationale de 7,5 milliards d'euros, qui a été versée par l'Union européenne, le Fonds monétaire international et les voisins scandinaves fin 2008. Cette aide était conditionnée à l'adoption par Riga d'un vaste plan de rigueur. Les salaires dans le secteur public ont ainsi été abaissés de 30 %, 10 % des écoles ont été fermées, les ministères ont vu leurs crédits diminuer de 20 à 40 %. 310 000 Lettons ont dans le même temps choisi d'émigrer. Cette cure d'austérité sévère a eu des résultats relativement rapides, avec un retour de la croissance dès 2011, celle-ci atteignant alors 5,5 % du PIB. Les perspectives économiques restent aujourd'hui positives, les prévisions de la Commission européenne tablant sur une croissance de l'activité de 3,8 % pour 2013 et de 4,1 % en 2014. Le chômage devrait dans le même temps repasser en dessous de la barre des 10 %.
Le déficit public établi à 9,8 % du PIB en 2009 a été ramené en quatre ans à 1,2 %. Le gouvernement letton a par ailleurs remboursé par anticipation en décembre 2012 le solde de l'aide internationale qui lui avait été versée quatre ans plus tôt.
C'est dans ce contexte que la Lettonie a fait acte de candidature auprès de l'Union économique et monétaire en mars 2013. L'adhésion à la zone euro présente plusieurs avantages aux yeux du gouvernement letton. L'adoption de la monnaie unique doit permettre d'éliminer les attaques spéculatives contre sa monnaie, le Lats. Le refinancement de sa dette souveraine sera également moins coûteux. Les banques lettones pourraient également se refinancer dans de meilleures conditions auprès de la Banque centrale européenne.
Selon la Commission européenne, au regard des critères de convergence, l'intégration de la Lettonie se justifie pleinement. Le rapport de convergence qu'elle a publié le 5 juin dernier souligne ainsi que l'inflation s'est établie à 1,3 % entre mai 2012 et avril 2013. Fin février 2013, la Lettonie est d'ailleurs devenue un des trois pays de référence pour le critère de la stabilité des prix. La procédure pour déficit excessif visant la Lettonie a été clôturée alors que le déficit public atteignait 1,2 % du PIB en 2012. La dette publique représente quant à elle 40,7 % du PIB, soit un taux largement inférieur au ratio de 60 % du PIB retenu dans les critères dits de Maastricht. Le taux de change avec l'euro est, quant à lui, resté stable au cours des deux dernières années. Enfin, en ce qui concerne les taux d'intérêt à long terme, leur valeur moyenne s'établit à 3,8 % au cours des 12 derniers mois, soit en deçà de la valeur de référence de 5,5 % établie par l'Union européenne.
Cet avis positif de la Commission ne saurait pourtant occulter les réserves émises par la Banque centrale européenne (BCE) sur l'économie lettone. Dans son rapport de convergence rendu public le 5 juin dernier, elle insiste notamment sur l'impact très important du programme d'aide financière internationale. C'est grâce à ce programme que la Lettonie a pu se rapprocher des standards de la zone euro en ce qui concerne les taux de change ou les taux d'intérêt. En faisant ce constat, la BCE s'interroge implicitement sur la capacité du pays à maintenir son niveau actuel de convergence. Elle s'inquiète dans le même temps d'une reprise de l'inflation à l'occasion de la conversion des prix en euros, phénomène que nous avons tous observé en France. La BCE rappelle que la volatilité des prix a été extrêmement importante en Lettonie au cours des dix dernières années, l'inflation variant selon les exercices de -1,3 % à 15,3 %.
La BCE insiste, en conséquence, sur la nécessité de poursuivre le programme d'assainissement budgétaire, de mettre en oeuvre de nouvelles réformes structurelles destinées à améliorer le fonctionnement du marché du travail, et de pérenniser les gains de compétitivité acquis ces dernières années.
Il faut également relever les interrogations du Fonds monétaire international sur le niveau élevé de la dette à court terme. Afin de faire face aux échéances de remboursement en 2014-2015, la Lettonie devra en effet emprunter 3 milliards d'euros sur les marchés, soit 14 % du PIB.
La Banque centrale européenne pose également la question de la stabilité du secteur bancaire local. Le secteur bancaire letton ne représente que 128 % du produit intérieur brut, ce qui reste en deçà de la moyenne européenne. L'inquiétude de la Banque centrale européenne tient plutôt à la part des dépôts des non-résidents. Ceux-ci proviennent, pour l'essentiel, de Russie et des anciens pays de l'Union soviétique ; ils proviennent également, dans une moindre mesure, du Royaume-Uni. Ces dépôts des non-résidents représentent 48,9 % du total des dépôts dans les banques lettones. Ils dépassent pour la plupart 100 000 euros. 80 % d'entre eux sont des dépôts à court terme ce qui rend le secteur bancaire letton extrêmement vulnérable à une fuite des capitaux. Cette vulnérabilité a également été relevée par le Fonds monétaire international.
Depuis la crise chypriote, les autorités lettones s'emploient à réfuter toute comparaison entre les deux systèmes bancaires. Si le pays compte 29 banques pour 2 millions d'habitants, la contribution de celles-ci au PIB est de l'ordre de 4,5 %, là où la moyenne européenne s'établit à 6 %. L'attrait pour la Lettonie ne tient pas, par ailleurs, à des raisons fiscales - le taux de l'impôt sur les sociétés est établi à 25 % - ou à des taux rémunérateurs comme pour Chypre. La proximité de Moscou, l'importance de la population russophone (50 % des habitants de Riga) ou le partenariat commercial avec la Russie constituent les raisons de cet afflux de capitaux. Celui-ci ne débouche pas pour autant sur une hypertrophie du secteur bancaire. De plus, les banques qui accueillent ces dépôts ne jouent encore qu'un rôle très limité dans le financement de l'économie locale. Les stress tests menés en 2012 ont montré que les établissements financiers lettons pouvaient faire face à des retraits de 50 % des dépôts. La faillite de la Krajbanka en 2011 a par ailleurs souligné la forte résistance du secteur bancaire local en cas de crise. Reste que cette liquidation qui succède à celle de la Parex en 2008 vient souligner les failles de la supervision financière en Lettonie. Les autorités n'ont pas été en mesure de repérer les activités délictueuses de cet établissement, dont l'actionnaire de référence était russe.
Les observations de la Banque centrale européenne sont d'autant plus recevables qu'il existe bien une tendance à renforcer le rôle de plateforme financière régionale détenu par Riga. Les dépôts des non-résidents ont ainsi augmenté de 17 % en un an. Ce qui n'est sans doute pas sans rapport avec la crise chypriote : Riga pourrait devenir à terme une base de repli pour les capitaux russes malmenés à Chypre. Il convient de relever que les autorités lettones encouragent implicitement une telle évolution. La règlementation concernant les permis de résidence, entrée en vigueur en juillet 2010, favorise ainsi de tels dépôts : les citoyens des pays tiers peuvent obtenir un permis de séjour temporaire dès lors qu'ils ont investi 150 000 euros dans le secteur immobilier à Riga ou 75 000 euros dans les autres régions, ou s'ils ont financé à hauteur de 300 000 euros un établissement de crédit ou abondé de 37 500 euros le capital social d'une société lettone. Ce dispositif a permis des investissements immobiliers à hauteur de 360 millions d'euros. Le secteur bancaire, quant à lui, a bénéficié d'une manne de 76 millions d'euros. Je relève également que la Lettonie s'est montrée extrêmement sceptique sur le projet de taxe sur les transactions financières.
Au regard de ces éléments, la Banque centrale européenne souhaite que la Lettonie mette rapidement en place une panoplie de mesures destinées à faire face aux risques pesant sur la stabilité financière, et qu'elle limite la dépendance de son secteur bancaire aux dépôts des non-résidents. Rappelons que le mécanisme de surveillance bancaire européen ne supervisera que les trois plus gros établissements du pays. La Commission européenne rejoint, par ailleurs, la Banque centrale européenne sur la nécessité pour le gouvernement letton de mettre en oeuvre de façon résolue les règlements anti-blanchiment.
A ces réserves purement économiques ou financières, il convient d'ajouter une dimension politique. Si l'adhésion à la monnaie unique constitue un objectif partagé par les autorités locales et les partenaires sociaux, je note qu'elle ne suscite pas l'enthousiasme de la majorité de la population. Un sondage publié début juin mettait en avant que seuls 36 % des Lettons étaient favorables à l'euro. Le gouvernement attend beaucoup d'une campagne d'information sur l'introduction de la monnaie européenne qui devrait débuter à la mi-juillet. Des organisations non-gouvernementales tentent de leur côté de provoquer la tenue d'un référendum national sur la question en multipliant les pétitions. Cette option demeure cependant peu crédible.
Pour conclure, je ne pense pas qu'il y ait lieu de s'opposer à l'adhésion de la Lettonie à la zone euro. Les critères de convergence sont, en effet, pleinement respectés. Or, il faut souligner que l'entrée dans l'euro est un processus résultant des traités : dès lors qu'un pays remplit les critères de convergence, il doit adopter la monnaie unique sauf s'il bénéficie d'une dérogation.
On peut néanmoins s'interroger sur une intégration aussi rapide, moins de cinq ans après la crise que ce pays a pu traverser et alors qu'il sort à peine d'un programme d'assistance financière internationale. Les difficultés rencontrées par Chypre jettent par ailleurs un éclairage particulier sur le rôle financier exercé par Riga et notamment l'importance croissante des capitaux russes. Enfin, je l'ai dit, cette intégration à marche forcée ne répond pas véritablement à une demande populaire et sa signification politique demeure assez faible.
Toutefois, et c'est un point capital, l'Union européenne s'est dotée de nouveaux moyens pour mieux surveiller l'évolution macro-économique de ses membres et prévenir les risques pesant sur leur stabilité financière. Je ne doute pas que ces mécanismes joueront. Il s'agira donc d'une intégration sous surveillance au sein de l'Union économique et monétaire et dans ces conditions, il me semble que nous n'avons pas à nourrir des appréhensions excessives.
M. Simon Sutour, président. - Je remercie le rapporteur pour son travail qu'il sera amené à poursuivre dans les prochains mois.
M. Jean-Paul Emorine. - Je suis favorable à ce que la Lettonie entre dans la zone euro. Ses habitants, comme leurs voisins baltes, sont des Européens convaincus en raison notamment de leurs difficultés séculaires avec la Russie. Je note d'ailleurs que des différents frontaliers existent toujours entre Moscou et Riga.
En ce qui concerne les recommandations de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international, il s'agit là d'une application du principe de précaution... Je serais d'ailleurs curieux de savoir combien de pays membres de l'Union économique et monétaire respectent aujourd'hui pleinement les critères de convergence.
M. Simon Sutour, président. - Cette question des rapports avec la Russie est d'autant plus aigüe en Lettonie que près de 600 000 russophones vivent sur son territoire, sans avoir pleinement accès d'ailleurs à la citoyenneté lettonne. Celle-ci ne peut être obtenue qu'au terme d'une procédure complexe qui n'est pas d'ailleurs sans susciter d'interrogation.
Mme Bernadette Bourzai. - La Lettonie, comme la Lituanie d'ailleurs, est très attachée à son indépendance, notamment à l'égard de la Russie. Celle-ci est très difficile à assumer en matière énergétique notamment. L'Union européenne soit être aux côtés de ces États dans leur combat en faveur de la sécurité d'approvisionnement énergétique.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Cette question de la Russie est cruciale. Au sujet de l'adhésion à la zone euro, la Russie a-t-elle d'ailleurs été spectatrice obligée ou a-t-elle favorisé la démarche de la Lettonie, en pensant pouvoir peser à travers elle sur les décisions touchant à la monnaie unique ? Ce problème d'un éventuel « entrisme » russe mériterait d'être abordé au cours de travaux ultérieurs.
Transports - Contrôle technique des véhicules : point d'actualité de M. Jean-François Humbert
M. Simon Sutour, président. - Enfin, le dernier point de notre ordre du jour est un point d'actualité de Jean-François Humbert sur le contrôle technique des deux roues. Nous avions adopté un « avis motivé » qui contestait ce projet au nom de la subsidiarité. Depuis, les négociations ont avancé et il est intéressant de savoir si nos arguments ont été pris en compte. Je donne à nouveau la parole à Jean-François Humbert.
M. Jean-François Humbert. - Le 4 octobre dernier, notre commission a adopté à l'unanimité un projet d'avis motivé sur la subsidiarité concernant un texte relatif au contrôle technique des véhicules. Le texte prévoyait d'étendre le contrôle technique obligatoire aux véhicules à deux et trois roues, soit les cyclomoteurs, les vélomoteurs, les motos ou les scooters à trois roues. Le texte envisageait également une augmentation de la fréquence des contrôles techniques pour tous les véhicules. La Commission souhaitait par ce biais atteindre l'objectif d'une réduction de moitié du nombre de victimes de la route d'ici à 2020. Elle visait également à réduire les émissions associées au mauvais entretien des véhicules.
Je rappelle brièvement les arguments que nous avions retenus :
- en l'état actuel des données disponibles, aucun lien ne pouvait être établi entre une réduction du nombre d'accidents et l'introduction du contrôle technique sur les motocycles ;
- la Commission européenne s'appuyait sur des documents émanant de Dekra, un des leaders européens du contrôle technique ;
- la dimension transfrontalière de la circulation des véhicules à deux et trois roues demeurait limitée et ne pouvait constituer un argument valable en faveur d'une harmonisation européenne ;
- enfin, l'augmentation de la fréquence des contrôles techniques pour les automobiles apparaissait contradictoire avec leur évolution technologique qui les rend plus fiables plus longtemps. Par ailleurs, les véhicules les plus anciens appartenant généralement à des conducteurs aux revenus modestes, l'intensification des contrôles qui était proposée constituait une lourde charge pour leurs propriétaires, dont il devrait revenir à chaque État membre d'apprécier l'opportunité.
Cette proposition de résolution portant avis motivé est devenue résolution du Sénat le 22 octobre 2012, après que la commission du développement durable l'a adopté sans modification. L'Assemblée nationale a également, dans la foulée adopté un texte en ce sens. Malheureusement, bien que nos réserves aient rencontré un écho dans plusieurs États membres, le nombre d'avis motivés adoptés au sein d'autres parlements nationaux n'a pas été suffisant pour déclencher la procédure du « carton jaune » et pousser la Commission à réviser son projet.
Il n'en demeure pas moins que notre avis a été utilisé par le gouvernement français lors des négociations au Conseil. La « fiche d'impact » sur ce texte préparée par le Secrétariat général du gouvernement reprenait ainsi nos arguments.
Et ces arguments ont porté, puisque le Conseil s'est accordé le 20 décembre 2012 sur une révision en profondeur du texte. Le projet de règlement est devenu projet de directive, le texte ne vise plus les deux et trois roues et la fréquence des contrôles n'est plus augmentée. Les débats au Conseil ont permis à un certain nombre d'États, dont la France, de faire valoir que les données d'accidentologie disponibles ne justifiaient pas la mise en place d'un contrôle obligatoire.
Cet exemple précis montre que nos positions sont écoutées et prises en compte par le Gouvernement et qu'elles contribuent au débat européen.
Les débats au Parlement européen ont, dans un premier temps, abouti au même résultat. La commission des transports et du tourisme a ainsi rejeté le contrôle technique des deux et trois roues et maintenu les fréquences de contrôle existantes pour les voitures lors d'un vote sur le texte le 30 mai dernier.
Cependant, le vote en séance plénière a donné lieu à l'adoption, le 2 juillet dernier, d'un amendement réintroduisant le contrôle technique pour les deux roues. Les cylindrées de plus de 50 cm3 y seraient soumises à partir du 1er janvier 2016. Les plus petites cylindrées seraient concernées à compter du 1er janvier 2018, si un rapport de la Commission le juge utile. En revanche, comme le Conseil, le Parlement européen n'a pas retenu les contrôles techniques plus fréquents pour les voitures de plus de six ans.
Dans le cadre de la procédure de codécision, le texte est désormais renvoyé à la commission des transports et du tourisme qui va négocier avec les représentants des États membres la version définitive du texte. Il n'est pas interdit de penser qu'un nouveau revirement peut intervenir et que le texte final nous donnera entière satisfaction. Je vous propose, cependant, de réaffirmer notre position en adoptant les conclusions qui vous ont été distribuées.
Si la proposition de règlement venait à être adoptée en l'état, il nous resterait également la possibilité d'utiliser la procédure dite du « carton rouge », qui permet au Sénat de déposer un recours devant la Cour de Justice pour non-respect du principe de subsidiarité.
Mme Colette Mélot. - Je soutiens la position de notre rapporteur.
La commission adopte les conclusions suivantes, qu'elle charge son président d'adresser au Gouvernement :
M. Simon Sutour, président. - Ces conclusions vont être transmises au Gouvernement. Elles permettront de réaffirmer notre position. Le Traité de Lisbonne a, par ailleurs, confié aux parlements nationaux de nouveaux pouvoirs. Nous devons bien évidemment les manier avec précaution, en ciblant notre intervention. Nous avons expérimenté l'année dernière la procédure dite de « carton jaune » sur le projet de règlement « Monti II ». Si cela s'avérait nécessaire, le contrôle technique des deux et trois roues pourrait être l'occasion d'utiliser ce « carton rouge ».
Mercredi 10 juillet 2013
- Présidence de M. Simon Sutour -Institutions européennes - Les priorités de la présidence lituanienne du Conseil de l'Union européenne - Audition de M. Petras Austrevicius, vice-président du Parlement lituanien, et de Mme Loreta Grauziniene, membre de la commission des affaires européennes
M. Simon Sutour, président. - Chers collègues du Parlement lituanien, Madame l'Ambassadrice, au nom de mes collègues, je suis heureux de vous accueillir pour une réunion de la commission des affaires européennes. Je salue également la présence de notre collègue Jean Desessart, président du groupe d'amitié France/Pays Baltes.
L'objet de notre réunion, ce sont les priorités de la présidence lituanienne.
Depuis le traité de Lisbonne, la présidence du Conseil a une portée un peu plus réduite qu'auparavant, mais elle reste très importante et le pays qui exerce la présidence conserve une réelle influence. Même sur le plan parlementaire, c'est une responsabilité non négligeable, car le Parlement du pays qui exerce la présidence doit organiser de nombreuses réunions interparlementaires. Il y a maintenant une dimension parlementaire de la présidence.
Nous en avons en quelque sorte une illustration aujourd'hui. D'habitude, c'est l'ambassadeur - ou l'ambassadrice - qui vient nous présenter les priorités de la présidence. Aujourd'hui, nous avons à la fois deux représentants du Parlement, dont un vice-président, et un représentant du Gouvernement, madame l'ambassadrice.
Je cède donc la parole aux représentants de la Lituanie, dans l'ordre qu'ils souhaiteront, pour nous présenter les priorités de la présidence. Ensuite viendront les questions de nos collègues.
M. Petras Austrevicius, vice-président du Parlement lituanien. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, merci beaucoup pour votre accueil et pour l'opportunité que vous nous offrez de présenter les priorités de la présidence lituanienne de l'Union européenne. Je serai très heureux d'entendre vos impressions sur la petite COSAC et nous espérons que la grande COSAC, avec tous les acteurs majeurs, se passera bien.
Ma collègue, Mme Loreta Grauziniene est membre de la commission des affaires européennes et représente la majorité. Je représente l'opposition. Si nous ne sommes pas d'accord sur tous les sujets, en ce qui concerne l'Union européenne, nous parlons d'une seule voix.
Préparer la présidence de l'Union est un travail de longue haleine, mais nous avons conscience de notre responsabilité et nous nous sommes bien préparés. Près de 200 réunions seront organisées et 560 questions seront traitées.
Notre slogan est « Une Europe crédible, ouverte et en croissance ». Nous allons travailler sur la compétitivité de l'Europe, sur la sûreté de l'Europe et sur la croissance et l'emploi en Europe.
Concernant le cadre financier pluriannuel, un grand pas a été fait, mais une cinquantaine d'actes législatifs doivent encore être adoptés. De plus, nous voulons encore apporter des modifications à la distribution des fonds de cohésion. En outre, nous allons entamer le quatrième semestre européen et nous voulons renforcer la convergence économique en Europe.
Pour les affaires étrangères, nous allons beaucoup travailler avec la Haute représentante de l'Union européenne, Madame Ashton, et avec le Service européen d'action extérieure. Concernant l'élargissement, nous estimons que la conditionnalité est centrale. Le sommet du Partenariat oriental est important pour nous : nous mesurerons les progrès faits par chaque pays, individuellement. Concernant l'aide au développement, nous voulons renforcer le FED et les mesures d'aides. Enfin, en matière de défense, nous connaissons les attentes de la France.
Concernant le commerce international, les accords avec nos partenaires stratégiques créeront des opportunités et des emplois. C'est notamment le cas avec nos amis du Partenariat oriental.
Pour ce qui est de l'économie et des finances, nous continuerons la mise en place des réformes, notamment la supervision bancaire et le two pack. Et nous porterons une attention particulière à la lutte contre l'évasion fiscale, la contrebande et le commerce illégal.
Dans le secteur Justice et affaires intérieures, nous concentrerons nos efforts sur la mise en oeuvre du programme de Stockholm, la cybersécurité et les aspects stratégiques. En matière de protection des données, il faudra attendre les progrès des discussions sur ces textes, ainsi que sur la protection des passagers et des voyageurs.
Le sujet le plus sensible reste la création d'emplois. L'initiative pour la jeunesse doit être mise en oeuvre le plus vite possible. Nous suivrons également la question du détachement des travailleurs et l'évolution de la directive sur le tabac.
Dans le secteur de la recherche, de l'innovation, et de l'agenda numérique, nous soutiendrons l'adoption du programme Horizon 2020 et serons attentifs à la question du développement du numérique et des achats par internet.
En matière de transports et d'énergie, nous visons un accord avec le Parlement européen sur le transport routier et l'intermodalité. La sécurité énergétique sera également une priorité et notre objectif est un marché européen de l'énergie dès 2014.
La réforme de la politique agricole commune doit être achevée et des mesures transitoires adoptées. En matière d'environnement, un accord à la Conférence internationale sur le changement climatique doit être obtenu en priorité.
Enfin, en ce qui concerne l'éducation, la jeunesse, la culture et le sport, nous serons attentifs aux thématiques de l'inclusion des jeunes et de l'Europe créative.
J'ajoute que la petite COSAC est désormais derrière nous. Nous espérons que de nombreux représentants français seront présents à la grande COSAC à Vilnius à l'automne. La Seimas estime que les parlements nationaux ont un rôle important à jouer dans l'Union européenne. Ce rôle doit être renforcé et nous voulons nous rapprocher des autres parlements nationaux pour, éventuellement, réfléchir à des critères communs de contrôle des institutions européennes.
M. Simon Sutour, président. - Merci mon cher collègue pour cet exposé très complet.
Nous sommes très attentifs au traitement des données personnelles. Certes, une harmonisation est nécessaire, mais elle doit se faire par le haut. Nous sommes attachés aux standards dont bénéficient les citoyens français.
Concernant l'accord commercial avec les États-Unis, le Sénat a adopté une position unanime sur l'exception culturelle, l'agriculture et les questions de défense. Nous sommes reconnaissants au Président de la République de son action et le mandat donné à la Commission européenne nous semble être le bon. Cependant, nous avons regretté la prise de parole du Président de la Commission européenne et nous considérons que son rôle est d'appliquer le mandat de négociation, mais pas de le commenter !
À propos du Partenariat oriental, nous avons beaucoup travaillé au sein de notre commission sur l'accord d'association avec l'Ukraine. J'ai moi-même reçu récemment M. Leonid Kojara, le ministre des affaires étrangères de ce pays.
Néanmoins, je voudrais rappeler que la politique de voisinage comporte deux volets et qu'il ne faut pas oublier le partenariat avec les pays du sud de la Méditerranée. Pour la grande COSAC, ne sont prévues que des interventions des membres de la troïka, dans laquelle ne figure aucun représentant d'un pays bordant la Méditerranée. Je crois qu'il serait bon qu'un parlementaire méditerranéen puisse intervenir à la COSAC - je pense par exemple à notre collègue portugais - et je serais heureux que vous interveniez en ce sens, monsieur le Président.
M. Jean-Paul Emorine. - Je souhaite évoquer la question de la sécurité énergétique. Je constate que l'Europe est dépendante du Moyen-Orient et je pense qu'elle doit signer des accords avec l'ensemble de ses partenaires stratégiques, y compris la Russie. L'énergie fait partie de la compétitivité de l'Europe et c'est un sujet important.
J'avais par ailleurs une question concernant l'énergie nucléaire et ma région, la Bourgogne. J'ai vu qu'il y avait un projet de centrale nucléaire en Lituanie. Or, c'est en Bourgogne qu'on fabrique les centrales nucléaires françaises. Pouvez-vous nous dire un mot du projet lituanien ?
Mme Bernadette Bourzai. - Un accord a été obtenu en juin sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 après des discussions en trilogue longues et laborieuses. Êtes-vous satisfaits des nouvelles orientations de la politique de cohésion ? Par ailleurs, j'aurais aimé connaitre votre avis sur la convergence des aides entre les deux piliers de la politique agricole commune.
M. Jean-François Humbert. - Après l'adhésion à l'Union européenne et après avoir présidé le Conseil de l'Union, la Lituanie envisage-t-elle d'adopter prochainement l'euro ?
M. Pierre Bernard-Reymond. - J'ai plusieurs questions d'ordre institutionnel. Comment votre Gouvernement a-t-il préparé sa présidence ? Comment fonctionne la collaboration avec M. Von Rompuy, d'une part, et avec les autres membres de la troïka, d'autre part ? Enfin, savez-vous s'il y a, de façon institutionnelle, des gens qui réfléchissent à l'avenir de l'Union européenne ?
M. Petras Austrevicius, vice-président du Parlement lituanien. -La protection des données est à la fois sensible et stratégique. L'échange est nécessaire, mais les garanties doivent être renforcées.
Je suis convaincu que la position du Conseil sur l'accord avec les États-Unis est la bonne approche de travail pour l'ouverture des négociations. La France est sensible à la culture et à l'agriculture, mais la Lituanie a aussi des sujets sur lesquels elle ne peut transiger comme les organismes génétiquement modifiés. La protection de notre territoire à l'égard des OGM est pour nous une question très importante. Pourtant, l'accord commercial avec les USA est primordial. Une étude allemande a montré que ce sont d'abord les grands États européens qui en profiteront, même si les effets ne seront pas à court terme, mais à long terme. Je pense que plus de secteurs seront inclus dans les négociations et plus les résultats seront importants.
Pour ce qui est de la politique de voisinage, il ne doit pas y avoir de division : une même attention doit être portée à nos partenaires de l'est et à nos partenaires au sud de l'Europe. Les voisins de l'Union sont souvent une source d'une instabilité qu'elle doit résoudre. L'Ukraine a une très bonne chance d'être un leader, mais elle doit d'abord faire ses devoirs. J'invite à la patience avec ces pays. Comme l'on dit : « deux pas en avant, un pas en arrière, on avance quand même ! ». Quant à votre demande concernant la COSAC, nous allons réagir.
Pour ce qui est de l'énergie nucléaire, notre position est simple : la Lituanie est un pays nucléaire et souhaite le rester. Nous n'avons pas le choix car nous n'avons pas d'autre ressource, mais la sécurité doit être assurée avant tout.
La Russie a une vision monopoliste et veut imposer ses prix dans le secteur de l'énergie. Elle doit se réveiller et changer son comportement. Avec notre gaz liquéfié, nous voulons l'y pousser. Mais la Lituanie se sent seule sur ce sujet et aimerait plus de soutien de l'Union européenne.
Sur les fonds structurels, un accord de compromis a été trouvé et nous acceptons les nouveaux critères. Pour les aides agricoles, nous pensons que l'Europe va dans la bonne direction mais qu'elle n'y va pas assez vite ! Nous apprécions la solidarité européenne et en échange, nous avons ouvert nos marchés. La Lituanie est un bon élève de la cohésion.
Notre Gouvernement souhaite passer à l'euro le 1er juillet 2015. Nos indicateurs économiques sont bons, à l'exception de l'inflation qui reste un problème et qui pourrait nous empêcher d'accéder à la monnaie unique. Or, cette inflation ne se décide pas à Vilnius, mais chez Gazprom !
Pour préparer la présidence lituanienne de l'Union européenne, les travaux ont été coordonnés par notre représentation permanente à Bruxelles qui a vu ses effectifs augmenter de 90 à 200 personnes actuellement. Quant à la troïka, il y a eu beaucoup d'échanges informels, mais nous avons conscience que la Grèce aura du mal à assumer la continuité nécessaire.
Concernant des réflexions sur le futur de l'Europe, je ne connais pas de réflexions stratégiques de long terme. À titre personnel, je suis pour une nouvelle convention.
M. Simon Sutour, président. -Monsieur le Président, je vous remercie vivement pour cette démarche parlementaire nouvelle et pour votre venue à Paris.