- Mardi 21 mai 2013
- Mercredi 22 mai 2013
- Adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable - Examen du rapport pour avis
- Modernisation de l'action publique territoriale- Examen du rapport pour avis
- Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat
- Accélération des projets de construction - Audition de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement
- Jeudi 23 mai 2013
Mardi 21 mai 2013
- Présidence de M. Daniel Raoul, président -Prolongation de la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques- Examen des amendements au texte de la commission
La commission examine les amendements sur le texte n° 567 (2012-2013), adopté par la commission sur la proposition de loi n° 447 (2012-2013), visant à prolonger la durée de vie des agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques et à faciliter la reconstitution des titres de propriété en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Martin.
Les avis et les amendements sont repris dans le tableau ci-dessous.
Mercredi 22 mai 2013
- Présidence de M. Daniel Raoul, président -Adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission examine le rapport pour avis sur le projet de loi n° 585 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine du développement durable.
M. Roland Courteau, rapporteur pour avis. - Nous examinons à intervalles réguliers des projets de loi regroupant des dispositions qu'il est nécessaire de prendre afin de parfaire l'intégration du droit européen dans notre législation.
Il n'y a donc pas à chercher de ligne directrice particulière dans le présent texte, sinon le lien avec le droit européen et le développement durable. Nous aurions bien sûr pu souhaiter un texte qui soit construit de manière plus spécifique autour des compétences de chaque commission, ce qui clarifierait certainement la discussion au Parlement.
Le texte déposé à l'Assemblée nationale comportait 31 articles, auxquels les députés ont inséré pas moins de 11 articles additionnels.
Au Sénat, c'est la commission du développement durable qui est chargée de l'examen au fond du texte, sur le rapport de Mme Odette Herviaux. Notre commission s'est saisie pour avis de l'article 9 ainsi que des articles 27 à 30, c'est-à-dire le titre III consacré aux dispositions relatives à l'énergie.
Parmi ces articles, la commission du développement durable nous a délégué l'examen au fond de l'article 9, relatif aux sociétés de vétérinaires, et de l'article 30 consacré aux stocks stratégiques pétroliers.
Au-delà du catalogue à la Prévert auquel ce type de texte fait immanquablement penser, il nous rappelle surtout le caractère incontournable du droit de l'Union européenne. C'est le cas notamment dans un secteur comme l'énergie où trois « paquets » de directives ont amené la France et le Parlement à transformer l'organisation du secteur avec plusieurs grandes lois prises au cours des années 2000.
On peut regretter que cette intervention de l'Europe se fasse seulement à un niveau très juridique, avec un accent particulier mis sur l'organisation des marchés de l'énergie, et non pas à un niveau plus stratégique. Une véritable politique européenne de l'énergie devrait à mon sens, au-delà de l'organisation de la concurrence, traiter réellement de la gestion des ressources, de la coordination des réseaux et du coût de l'énergie pour les particuliers comme pour les entreprises. Les pays européens se réunissent justement, aujourd'hui même, dans un Conseil européen consacré à l'énergie. Espérons qu'ils parviennent à définir et mettre en oeuvre une politique de l'énergie, prévue rappelons-le par le traité de Lisbonne.
Je vais vous présenter les articles dont notre commission s'est saisie.
L'article 9, que nous examinons au fond, concerne la mise en oeuvre de la directive Services concernant les sociétés de vétérinaires. Nous connaissons bien cette directive qui a fait l'objet d'une transposition par morceaux à travers de nombreux textes consacrés à tel ou tel secteur. La Commission européenne, dans un rapport relatif à la mise en oeuvre de cette directive, a noté le 8 juin 2012 que la France limitait toujours les formes de sociétés autorisées sur le territoire français pour l'exercice de la profession de vétérinaire. Le droit actuel ne prévoit en effet l'exercice en société de la profession vétérinaire qu'au sein de sociétés civiles professionnelles ou de sociétés d'exercice libéral.
Le texte prévoit donc que d'autres formes de société, notamment étrangères, pourront être retenues. Cette ouverture s'accompagne de garde-fous qui préservent l'indépendance des vétérinaires. En particulier, la majorité du capital, ainsi que les fonctions de direction, doivent revenir à des vétérinaires. De plus, la détention de parts ou d'actions du capital social est interdite à deux catégories de professionnels : les fournisseurs de services, produits ou matériels aux vétérinaires d'une part, les éleveurs, producteurs ou transformateurs de produits animaux d'autre part. Les députés ont étendu à juste titre cette interdiction aux personnes exerçant une activité de cession d'animaux. Les pouvoirs de contrôle de l'ordre des vétérinaires sont également renforcés.
Un point fortement discuté concerne le mandat sanitaire. Le texte prévoit qu'un vétérinaire exerçant en France à titre temporaire et occasionnel, sans être installé, pourra être habilité à réaliser certaines opérations sanitaires auxquelles les détenteurs d'animaux doivent faire procéder par un vétérinaire. On peut certes s'interroger sur ce point, mais il faut constater que le candidat à l'habilitation doit avoir suivi une formation appropriée, qu'il est choisi par l'éleveur et que son habilitation peut lui être retirée si cela devient nécessaire : ces critères paraissent plus importants que le simple fait de savoir s'il est ou non installé sur le sol français.
Les articles 27 à 30 forment le titre III consacré aux dispositions relatives à l'énergie. Les députés y ont ajouté, lors de l'examen en séance publique, trois articles que je vous présenterai aussi.
L'article 27 A, sur la proposition du rapporteur M. Philippe Plisson, mais contre l'avis du gouvernement, a remplacé dans la législation existante le terme « biocarburant » par le terme « agrocarburant ». Nous avons déjà eu ce débat, notamment lors de l'examen de la loi dite « Grenelle 1 ». Je comprends bien l'intention de l'auteur de cette modification, qui souligne que les biocarburants ne sont pas « bio » au sens où un produit alimentaire peut être « bio » dans les rayons de supermarché. Mais le préfixe « bio » n'est pas un monopole des produits issus de l'agriculture biologique. Les biocarburants sont avant tout des carburants produits à partir de la biomasse. Je vous présenterai donc un amendement tendant à conserver la dénomination actuelle qui préserve l'évolution future des biocarburants et qui rejoint ceux qui ont déjà été déposés par certains de nos collègues.
L'article 27 ratifie l'ordonnance du 4 septembre 2011 qui a elle-même transposé deux directives du 23 avril 2009 concernant d'une part les énergies renouvelables, d'autre part les carburants et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette ordonnance a modifié le mécanisme des garanties d'origine de l'électricité produite à partir de sources renouvelables et elle a transcrit dans le droit français les objectifs fixés par la directive en matière d'énergies renouvelables et de réduction des émissions de gaz à effet de serre concernant les carburants. Elle a enfin inscrit dans le code de l'énergie les critères de durabilité que doivent respecter les biocarburants afin de bénéficier d'un régime de soutien. Je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article.
L'article 28 ratifie l'ordonnance du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l'énergie. D'une part, cette ordonnance a rassemblé dans un code unique, à droit constant, les dispositions des grandes lois consacrées depuis un siècle au secteur de l'énergie. D'autre part, elle a intégré des dispositions de transposition des directives « électricité » et « gaz » du troisième « paquet » énergie.
Il s'agit en particulier de la séparation entre les activités de transport et les activités de fourniture et de production. Je vous rappelle que la Commission européenne souhaitait une séparation patrimoniale des réseaux de transport et que la France, avec d'autres pays, a obtenu la possibilité de maintenir des « entreprises verticalement intégrées » avec un renforcement de l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport. Ce modèle fonctionne, me semble-t-il, tout à fait correctement et il n'y a donc pas lieu de revenir dessus.
Je constate toutefois le nombre très élevé, plus de 40, des corrections que le présent article apporte au code de l'énergie, par rapport à la version publiée dans l'ordonnance de 2011. Ces corrections portent sur des erreurs de grammaire, des oublis de codification ou des mises en cohérence, et parfois sur des points essentiels tels que la part que l'État doit conserver dans une grande entreprise du secteur de l'énergie... Les gouvernements successifs ont pourtant disposé de six années pour rédiger ce code, puisque la première habilitation remonte à 2005. Il faut donc souligner la vertu des relectures : si le recours aux ordonnances peut être nécessaire dans certains cas, rien ne peut remplacer un examen approfondi, en plusieurs lectures, par le Parlement.
Je vous proposerai un amendement tendant à corriger une erreur de référence dans le code de l'environnement suite à l'adoption de la loi du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre.
L'article 29 précise les modalités de la réalisation d'un audit énergétique dans les grandes entreprises, qui est rendue obligatoire par la directive 2012/27/UE du 25 octobre 2012 relative à l'efficacité énergétique. Notre commission a étudié cette directive il y a un an et demi sur le rapport de M. Ladislas Poniatowski : il s'agit pour les grandes entreprises de réaliser un audit énergétique d'ici au 5 décembre 2015. Ce délai a paru trop court à nos collègues de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, qui ont proposé de le repousser d'un an, mais leur amendement n'a pas été défendu en séance publique. Après examen, il ne me paraît pas possible de modifier le délai. A travers les auditions que j'ai menées, il ressort que si le Gouvernement fait l'effort suffisant pour prendre les textes réglementaires rapidement, nous disposons des compétences et de l'expérience nécessaire pour que les audits puissent être menés à temps.
La directive prévoit que les audits doivent être « effectués de manière indépendante » par des experts qui, toutefois, peuvent appartenir à l'entreprise. Cela peut surprendre, mais la directive prévoit que l'État doit mettre en place un suivi de la qualité de ces audits : ce suivi me paraît essentiel afin de s'assurer qu'aucune complaisance n'est de mise.
L'article 29 bis, introduit en séance publique à l'Assemblée nationale sur un amendement du gouvernement, rend éligibles au bénéfice des certificats d'économie d'énergie (CEE) les sociétés d'économie mixte dont l'objet est l'efficacité énergétique et proposant le tiers-financement. Actuellement, les CEE sont attribués à des entreprises du secteur de l'énergie ou à des organismes publics ou semi-publics du secteur de la construction pour des actions additionnelles à leur activité habituelle qui permettent de réaliser des économies d'énergie. Il paraît légitime d'en faire bénéficier des sociétés qui aident les particuliers à financer les travaux de rénovation thermique.
L'article 30, que notre commission examine au fond, concerne la gestion des stocks stratégiques pétroliers. La modification est assez mineure : il s'agit, conformément à la lettre de la directive 2009/119/CE du 14 septembre 2009, de désigner un organisme comme « entité centrale de stockage » alors que, dans le système français, la gestion de ces stocks fait intervenir deux organismes : le Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers et la Société anonyme de gestion des stocks de sécurité. C'est cette dernière société qui recevra la qualité d'entité centrale de stockage, sans que cela modifie de manière importante la manière dont sont gérés ces stocks.
Enfin, l'article 30 bis A, ajouté là encore par les députés sur un amendement déposé en séance publique par le Gouvernement, crée un nouveau mode de valorisation pour les grosses installations de cogénération industrielle.
Certains sites industriels possèdent des installations de cogénération qui produisent à titre principal de la chaleur utilisée dans les processus industriels, voire dans un réseau de chaleur. Elles produisent également de l'électricité, qui a bénéficié de contrats d'obligation d'achat arrivant à expiration. Ces installations pourront, à partir de fin 2016, bénéficier du mécanisme de capacité prévu par la loi NOME et par le décret du 14 décembre 2012, mais elles font face d'ici là à des difficultés de rentabilité. Cet article leur ouvre donc la possibilité de recevoir une « prime de capacité » pour la disponibilité annuelle de leur capacité de production : elles peuvent en effet contribuer à la gestion de l'équilibre entre offre et demande en période de pointe de consommation électrique. L'arrêt de ces installations affecterait également, ne l'oublions pas, l'équilibre économique d'industries fortement implantées localement et déjà fragilisées par la hausse des coûts de l'énergie.
Je vous proposerai un amendement rédactionnel sur cet article.
Voici donc les « diverses dispositions » sur lesquelles notre commission est amenée à se prononcer. Il s'agit certes pour l'essentiel, comme l'indique le titre du projet de loi, de s'adapter à la législation prise en commun avec les autres États européens dans d'autres instances, mais vous voyez que ce texte permet aussi de faire avancer des dossiers utiles à la politique de l'énergie et du développement durable. De plus cette étape d'examen des dispositions issues du droit européen, qui passe aussi, en amont, par l'examen de propositions de résolutions européennes auquel nous procédons régulièrement, est indispensable pour maintenir le lien et la cohérence entre les politiques menées aux niveaux nationaux et européens.
M. Ladislas Poniatowski. - Je suis d'accord avec le rapporteur pour avis sur la suppression de l'article 27 A : je me réjouis de ce retour au terme « biocarburant ». S'agissant, à l'article 29, de la possibilité laissée aux grandes entreprises de faire réaliser les audits énergétiques en interne, je voudrais préciser qu'il est tout simplement difficile de trouver des sociétés indépendantes capables de réaliser ces audits : bien souvent elles dépendent d'un groupe concurrent et leur intervention au coeur même de l'entreprise poserait des difficultés sérieuses.
J'approuve également l'article 30 bis A, qui constitue une bonne initiative du gouvernement. Nous commettons toutefois une erreur en nous limitant à la période transitoire : nous avons besoin des installations de cogénération et le mécanisme de capacité ne suffira pas à partir de 2016. L'Allemagne soutient très fortement la cogénération et la méthanisation, mais la Commission européenne la laisse faire parce que ce sont les Länder qui interviennent, et non l'État fédéral...
M. Daniel Raoul, président. - Je ne partage pas totalement la position du rapporteur sur la notion de biocarburants. Ces derniers résultent de la transformation de protéines végétales en alcool ou éthanol, renvoyant ainsi au débat sur l'utilisation des surfaces agricoles aux fins d'alimentation ou d'énergie. Vous indiquez que ce type de carburant est issu de la biomasse ; or, cela n'est pas nécessairement le cas pour la troisième génération, s'agissant par exemple de ceux issus de bactéries. Le terme de biocarburants ne couvrant pas tous les nouveaux types de carburants en cours de développement, il me paraîtrait préférable de conserver le terme d'agrocarburants.
La prochaine loi d'orientation agricole permettra de débattre à nouveau des arbitrages dans l'utilisation des terres entre alimentation et énergie. Que l'on produise du méthane à partir de déchets, très bien. Mais, comme nous l'avons vu en Allemagne l'année passée avec une délégation de la commission, que des exploitations d'un millier de vaches n'ayant jamais vu la lumière du jour trouvent leur équilibre principalement à travers l'exploitation de leur lisier, et accessoirement de leur lait, en étant en plus subventionnées par la politique agricole commune (PAC), cela m'interpelle fortement.
S'agissant de la cogénération, je rappelle que nous sommes dans une période transitoire, et que le problème sera réglé dans le texte sur la transition énergétique.
M. Ladislas Poniatowski. - Cela n'est pas prévu et ne le sera pas, pour des raisons financières. Mais si vous menez le combat en ce sens à cette occasion, Monsieur le Président, je vous soutiendrai résolument.
M. Martial Bourquin. - Ces débats ne manqueront pas de trouver des rebondissements prochainement, sur la transition énergétique. Un article de Gérard Mestrallet paru dans Les Échos d'hier soulignait à quel point nos sources d'énergie sont polluantes et coûteuses, et s'interrogeait sur les directives européennes en la matière.
Je rejoins notre président sur les agrocarburants. J'ai visité une jeune entreprise innovante fabriquant du carburant à partir d'algues sans produire de dioxyde de carbone. Il faut laisser le champ ouvert dans ce domaine pour développer une grande diversité de sources de carburation. Mais au regard de notre déficit en protéines animales, faisons attention à conserver des terres arables, en Europe, pour les productions alimentaires.
Je partage l'analyse qui a été faite concernant la cogénération, qui constitue une technologie intéressante. Mais attention, lorsqu'elle est privée, à ce que l'on ne pousse pas à la consommation, mais à l'économie d'énergie.
Notre pays reste très compétitif pour ce qui est du coût de l'énergie ; celui-ci y est inférieur de 30 % à ce qu'il est dans un pays comme l'Italie. Il nous faut conserver cet avantage économique d'importance, qui est aussi un atout industriel.
M. Jean-Jacques Lasserre. - Je suis favorable à ce que l'on conserve le terme d'agrocarburants, issus de la biomasse. La production d'énergie à partir de céréales, qui avait cours il y a quelques années, est aujourd'hui inadmissible. Mais des technologies nouvelles apparaissent. Il ne faut pas s'interdire de réfléchir dans notre pays à l'utilisation du lisier à des fins énergétiques, sans toutefois que cela se fasse dans d'immenses exploitations. Je regrette que la recherche n'ait pas exploré le développement de plantes constituant de la biomasse dédiée à la production d'énergie.
M. Daniel Raoul, président. - La mission première de l'agriculture doit demeurer l'alimentation ...
M. Jean-Jacques Lasserre. - Mais avec, comme le prévoit la PAC, une rotation de 30 % des cultures, d'autres destinations sont envisageables.
M. Daniel Raoul, président. - S'agissant des modalités de l'activité des vétérinaires définies à l'article 9, nous n'avons pas évoqué les traders, qui ne devraient pas non plus pouvoir participer au capital des sociétés de vétérinaires.
M. Roland Courteau. - Ceux qui pratiquent la cession d'animaux sont exclus du capital de ces sociétés.
M. Daniel Raoul, président. - J'imagine qu'ils sont sur pied, ces animaux ? En l'occurrence, dans l'affaire des farines animales, il s'est agi de minerai de viande, et non d'animaux. Or, les vétérinaires doivent intervenir également sur ce minerai.
M. Roland Courteau. - Pour ce qui est de la distinction sémantique entre biocarburants et agrocarburants, je persiste à préférer la première dénomination. Le préfixe « bio » renvoie à la notion de « vie », et le terme de biocarburant englobe la catégorie des agrocarburants. Il recouvre ainsi les carburants fabriqués à partir de lignine, d'algues, de bactéries... Il convient d'adopter une terminologie ouverte pour l'avenir.
M. Ladislas Poniatowski. - Les algues ne seront jamais à la source d'un agrocarburant, mais d'un biocarburant ...
M. Roland Courteau. - A l'article 29 du projet de loi, l'argument de notre collègue Ladislas Poniatowski, sur les risques que peut poser la réalisation d'audits par des personnes externes à l'entreprise, m'a convaincu.
Pour ce qui est de l'article 30 bis A, sur la cogénération, faut-il aller au-delà de 2016 et de la période transitoire ? Certes, il y aura rémunération, mais cela affectera la contribution au service public de l'énergie, à l'origine de l'endettement d'EDF à hauteur de 5 milliards d'euros, et l'on risque de se heurter à l'article 40 de la Constitution...
M. Ladislas Poniatowski. - Je souhaitais simplement attirer l'attention sur ce problème de l'après 2016 ; nous aurons un débat à ce sujet lors de l'examen du texte sur la transition énergétique.
M. Daniel Raoul, président. - Je rappelle aussi que, dans la transposition du troisième « paquet » énergie, il existait trois possibilités pour les entreprises verticalement intégrées du secteur de l'énergie : la séparation patrimoniale, la gestion par un opérateur extérieur et la troisième voie que nous avions défendue à l'unanimité au sein de la commission ...
M. Bruno Sido. - Nous avions déjà eu cette discussion sur le choix du terme « biocarburant » ou « agrocarburant » dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Il me paraîtrait sage de préférer le premier, qui est à la fois plus large et plus exact que le second : certains carburants issus de la biomasse ne proviennent pas de productions agricoles. En outre, même si le terme « agrocarburant » était inscrit dans la loi, tout le monde continuerait en pratique à parler de biocarburants.
M. Roland Courteau. - Lors de l'examen en première lecture de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, le Sénat, sur proposition du sénateur Jacques Muller, avait en effet retenu le terme d'agrocarburant, contre l'avis du rapporteur du texte. L'Assemblée nationale a, lors de l'examen du texte en deuxième lecture, rétabli le terme de biocarburant.
M. Daniel Raoul, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des amendements du rapporteur.
M. Roland Courteau. - L'amendement n° 1 vise à supprimer l'article 27 A, qui rétablit la dénomination d'agrocarburant. Je lui préfère en effet celle de biocarburant, pour les raisons que j'ai précisées précédemment.
L'amendement n° 1 est adopté à l'unanimité moins une abstention.
M. Roland Courteau. - L'amendement n° 2, à l'article 28, supprime une référence obsolète du code de l'environnement vers les unités de production éoliennes.
L'amendement n° 2 est adopté à l'unanimité.
M. Roland Courteau. - L'amendement n° 3, portant sur l'article 30 bis A, est rédactionnel.
L'amendement n° 3 est adopté à l'unanimité.
M. Daniel Raoul, président. - Merci monsieur le rapporteur, vous allez à présent transmettre notre avis à la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, qui examine ce texte sur le fond.
Modernisation de l'action publique territoriale- Examen du rapport pour avis
La commission examine ensuite le rapport pour avis sur le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dans le texte n° 581 (2012-2013).
M. Daniel Raoul, président. - Nous passons maintenant à l'examen du rapport pour avis de notre collègue Claude Dilain, sur le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. - Déposé au Sénat le 10 avril dernier, le projet de loi a été adopté la semaine dernière par la commission des lois, saisie au fond, qui l'a largement amendé. Pour ma part, c'est la première fois que je suis appelé à exercer la responsabilité de rapporteur sur un projet de loi et j'y ai trouvé un grand intérêt. Le contexte entourant le présent texte est bien connu : le 3 juillet 2012, lors de sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre avait déclaré que la démocratie locale serait renforcée, au travers d'un nouvel acte de la décentralisation, qui fera l'objet d'une large consultation. Sous l'égide du président Jean-Pierre Bel, le Sénat avait lancé, dès décembre 2011, les états généraux de la démocratie territoriale, qui ont permis de recueillir la parole des élus locaux, leurs attentes et leurs propositions pour l'avenir de nos territoires.
Le 10 avril dernier, le Gouvernement a donc déposé trois projets de loi visant à réformer l'administration locale : le projet de loi sur les métropoles, que nous examinons aujourd'hui, le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires, et le projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.
Je salue le souhait du Gouvernement de renforcer et de clarifier les compétences des collectivités territoriales, ce qui constitue une preuve de confiance à l'égard de ces dernières et de leurs représentants, et la reconnaissance de leur rôle essentiel en matière économique et sociale. Pour autant, je regrette la décision du Gouvernement de scinder le projet de loi initial en trois textes : cette décision affaiblit la lisibilité de la réforme.
L'élément phare du présent projet de loi est la consécration du fait métropolitain avec la création de trois métropoles à statut particulier, Paris, Lyon et Marseille et la refonte du statut des métropoles de droit commun.
À l'heure où plus de 60 % de la population française réside dans une aire urbaine de plus de 100 000 habitants et où la métropolisation constitue un enjeu pour tous les pays européens, le projet de loi permet de renforcer les compétences des métropoles françaises.
Je me félicite tout particulièrement de la consécration de la Métropole de Paris, rebaptisée « Grand Paris Métropole » par la commission des Lois. Nul n'ignore le poids économique de la région d'Île-de-France : il s'agit de la première région économique française, regroupant, par exemple, 8 des 71 pôles de compétitivité français, et l'une des premières au niveau européen. La création de la Métropole de Paris est dans la droite ligne des initiatives lancées depuis 2009 dans le cadre de Paris Métropole.
Au-delà de la consécration du fait métropolitain, le projet de loi illustre l'apport de la décentralisation ainsi que ses limites. Deux exemples sont révélateurs : les cas des Métropoles de Lyon et de Marseille.
Dans le cas de Lyon, l'article 20 du projet de loi prévoit la constitution d'une collectivité territoriale à statut particulier, la Métropole de Lyon, résultant de la fusion de la communauté urbaine et, sur le périmètre métropolitain, du département du Rhône. Il s'agit d'un projet original, initié par nos collègues Gérard Collomb et Michel Mercier, et qui correspond à une vraie vision de l'avenir de la métropole lyonnaise. Je me félicite du soutien du Gouvernement à la démarche entreprise par nos collègues.
Pour ce qui concerne Marseille, la Métropole d'Aix-Marseille-Provence, instituée par l'article 30, constitue un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre dont le périmètre excède celui de la communauté urbaine de Marseille puisqu'elle est issue de la fusion de six EPCI. Le projet du Gouvernement rencontre une très vive opposition sur le terrain, puisque 109 des 119 maires concernés seraient opposés à ce projet, comme l'a confirmé l'audition organisée le 23 avril dernier par la commission des Lois.
Dans ce contexte, je salue la détermination du Gouvernement : quand l'intérêt général est en jeu, il est indispensable que l'État intervienne ! Lors de l'audition organisée par la commission des lois, M. Eugène Caselli, président de la Communauté urbaine de Marseille Provence Métropole a souligné l'absence de projets communs à Marseille et une situation marquée par, « six autorités organisatrices de transport, une balkanisation des zones d'activité et des zones commerciales, pas de cohérence territoriale ». Cette situation justifie le projet porté par le Gouvernement.
J'estime toutefois que ce projet de loi n'a pas été, sur certains points, au bout de la logique de rationalisation de l'organisation administrative. Un exemple francilien l'illustre à travers le maintien des départements de petite couronne. Avec l'émergence de Grand Paris Métropole et l'achèvement de la carte intercommunale en Île-de-France, la question de la pertinence des départements de la petite couronne se pose en effet clairement, d'autant que la solidarité et la péréquation sont difficiles à mettre en oeuvre entre eux.
Notre commission des Affaires économiques s'est saisie pour avis de plusieurs articles du projet de loi :
- l'article 3 qui désigne des collectivités chefs de file pour la mise en oeuvre de plusieurs compétences nécessitant l'intervention des collectivités territoriales relevant d'une autre catégorie ;
- les articles portant sur les différentes métropoles, à savoir l'article 12 sur Grand Paris Métropole, l'article 20 sur la Métropole de Lyon, l'article 30 sur la Métropole d'Aix-Marseille-Provence et l'article 31 sur les métropoles de droit commun, pour ce qui concerne les compétences relevant du périmètre de notre commission ;
- l'article 13, que la commission des Lois a délégué au fond à notre commission, qui porte sur l'élaboration par le conseil régional d'Île-de-France d'un schéma régional de l'habitat et de l'hébergement ;
- les articles 18 et 19 qui portent sur le quartier d'affaires de La Défense ;
- enfin, l'article 45 qui limite à un le nombre d'établissements publics fonciers d'État par région.
Sur ces articles, j'ai procédé à une dizaine d'auditions. J'ai ainsi entendu les responsables des bailleurs sociaux, l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Île-de-France (IAURIF), l'association des établissements publics fonciers locaux, les représentants des établissements publics fonciers d'État franciliens ou encore les représentants des deux établissements publics oeuvrant sur le site de La Défense.
Ces auditions m'ont permis d'y voir plus clair quant à la portée des dispositions du projet de loi.
S'agissant de l'article 3 qui désigne chaque catégorie de collectivités territoriales comme chef de file pour la mise en oeuvre de plusieurs compétences, j'estime qu'il est pleinement cohérent avec l'objectif de clarification poursuivi par le présent projet de loi. Pour ce qui concerne le champ de compétence de notre commission, à l'issue des travaux de la commission des Lois, la région sera ainsi chef de file en matière de développement économique, de tourisme et d'innovation.
S'agissant de la Métropole de Paris, qui regroupera la ville de Paris et les EPCI à fiscalité propre de l'aire urbaine de Paris, je salue les modifications opérées par la commission des Lois à l'article 12 qui ont recentré « Grand Paris Métropole » sur la priorité du logement, enjeu majeur en Île-de-France. La Commission des Lois a supprimé à juste titre la possibilité pour l'État de déléguer à la Métropole ses compétences en matière de droit au logement opposable (DALO), de réquisitions et d'hébergement. Il s'agit en effet de compétences exclusives de l'État : ce dernier ne peut se défausser sur les collectivités territoriales.
L'article 12 prévoit que Grand Paris Métropole élabore un plan métropolitain de l'habitat, qui devra être compatible avec le schéma directeur de la région d'Île-de-France (SDRIF), et tenir compte du schéma régional de l'habitat et de l'hébergement (SRHH) prévu par l'article 13 du projet de loi. Je me suis beaucoup interrogé quant à la pertinence de deux nouveaux documents de planification et sur les liens entre eux. Au terme de mes travaux et après avoir notamment entendu les acteurs du logement qui saluent ces deux dispositifs, j'estime que la proposition du projet de loi est cohérente et équilibrée : le schéma régional sera établi dans le respect des compétences de la Métropole tandis que le plan métropolitain tiendra compte du schéma régional.
Je me félicite de la détermination du Gouvernement, par le biais de ce projet de loi, à moderniser la gouvernance de la politique du logement en Île-de-France. Je vous rappellerai seulement deux chiffres pour illustrer la crise du logement dans cette région :
- on construit uniquement 37 000 logements par an, alors qu'il faudrait en construire 70 000 pour satisfaire les besoins ;
- en 2011, la région Île-de-France concentrait 60 % des recours DALO en matière de logement et près de 75 % en matière d'hébergement.
A mes yeux, le dispositif proposé par le projet de loi constitue une vraie réponse en termes de gouvernance. Il ne suffira cependant pas à résoudre la crise du logement. Il convient de réfléchir, pour cette région, à la mise en place de contraintes supplémentaires pesant sur les communes en matière de permis de construire, sans quoi les documents de planification n'auront que peu d'intérêt.
J'en viens aux articles 18 et 19 qui concernent le quartier d'affaires de la Défense. Ils visent à clarifier les missions de l'établissement public de gestion, l'EPGD, au regard de celles exercées par l'établissement public d'aménagement, l'EPADESA.
Ces articles que je pensais initialement être des dispositions de simplification ont une portée extrêmement importante, comme l'ont montré les auditions que j'ai réalisées sur ce sujet.
Le quartier de la Défense est le premier quartier d'affaires européen, avec près de 2 500 sièges d'entreprise et 150 000 salariés. Opération d'intérêt national depuis 1958, date à laquelle a été créé l'Établissement public d'aménagement, l'EPAD, la gouvernance de ce quartier a été réformée en 2007.
La loi du 27 février 2007 a déconnecté les activités d'aménagement de celles de gestion, suite aux travaux de la commission des finances du Sénat et de la Cour des comptes. L'EPAD assumait en effet jusqu'en 2007 des actions situées en dehors de sa mission normale, notamment un rôle d'exploitant particulièrement coûteux, du fait du refus des collectivités locales de prendre en charge la gestion des espaces et des équipements publics et de participer à leur financement.
La loi de 2007 a donc mis en place un établissement public local de gestion, l'EPGD, habilité à gérer les ouvrages et espaces publics mis à sa disposition ou qui lui sont transférés.
Plus de 6 ans après, les objectifs de la loi ne sont pas atteints, avec des difficultés juridiques importantes : les deux établissements publics, l'EPGD et l'EPAD (devenu EPADESA), s'opposent quant à l'interprétation des dispositions de la loi et au devenir des biens transférés ou mis à disposition de l'EPGD. Un procès verbal signé en décembre 2008 - dans des conditions plus que surprenantes - est le coeur du problème. Ce document, dont la nature juridique est sujette à caution, induit de l'insécurité juridique et la question de la légalité de certaines de ses clauses est soulevée. La situation actuelle est marquée par un vrai blocage : l'État a engagé plusieurs contentieux contre des délibérations prises par l'EPGD.
Les articles 18 et 19 apportent une réponse à cette situation qui, je le souligne, nuit à l'attractivité du site : les missions de l'EPGD sont clarifiées ; la possibilité de transfert d'équipements en pleine propriété par l'EPADESA est supprimée ; le procès-verbal de 2008 est privé d'effets.
Par le biais de ces articles, les frais de remise en état des équipements publics sont mis à la charge de l'EPGD, et donc des collectivités locales, à savoir les communes de Courbevoie et de Puteaux ainsi que le conseil général des Hauts-de-Seine. Il s'agit d'une somme certes importante, au minimum 100 millions d'euros mais certainement plus en réalité, mais ces collectivités en ont la capacité financière et sont en grande partie responsable de la dégradation des équipements publics par leur refus de contribuer à leur gestion.
Je ne m'attarderai pas sur les dispositions relatives aux Métropoles de Lyon et de Marseille que j'ai évoquées précédemment, même si je souhaite saluer la volonté d'apaisement de la commission des Lois qui a repoussé d'un an la mise en place de la Métropole d'Aix-Marseille-Provence. J'en viens donc aux métropoles de droit commun, dont l'article 31 prévoit la rénovation du statut issu de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
Je salue le relèvement par la commission des Lois du double seuil démographique de constitution des métropoles : outre Lyon et Marseille, six métropoles devraient ainsi voir le jour. Il convient en effet d'éviter, comme l'a souligné le rapporteur de la commission des Lois, « la métropolisation de l'ensemble du territoire national ».
La commission des Lois a également utilement supprimé la possibilité pour l'État de déléguer aux métropoles de droit commun ses compétences en matière de DALO ou d'hébergement, et le transfert automatique aux métropoles de compétences des départements, lui préférant le simple conventionnement.
J'en termine par l'article 45 du projet de loi, qui a été supprimé par la commission des Lois. Cet article indiquait qu'il ne peut exister plus d'un établissement public foncier d'État par région. Je regrette la suppression de cette disposition qui apportait une réponse à la situation francilienne : quatre établissements publics fonciers de l'État coexistent en effet en Île-de-France. Je vous proposerai donc, plutôt que de rétablir l'article 45, d'adopter un amendement créant un nouvel article dans la partie du projet de loi relative à l'Île-de-France, visant à indiquer que la région d'Île-de-France ne compte qu'un établissement public foncier d'État.
La consécration du fait métropolitain doit être saluée, tout comme la détermination du Gouvernement à trouver des réponses à la très grave crise du logement en Île-de-France et à résoudre la situation de blocage qui existe à La Défense.
M. Bruno Sido. - Je donnerai ici un point de vue personnel, qui n'engage pas mon groupe. Il me semble que le modèle métropolitain à la lyonnaise est le meilleur. Nous ne cessons de déplorer le « mille-feuilles territorial ». Or la situation de 2013 est très différente de celle de 1789. Lyon comptait alors moins de 100 000 habitants. Les villes sont maintenant beaucoup plus peuplées Dans les grandes agglomérations, les départements ne représentent plus grand-chose. Les métropoles pourraient absorber toutes les communes qui les composent, et même le département. L'enjeu est de simplifier.
M. Yannick Vaugrenard. - Il est toujours difficile de passer à une nouvelle étape de décentralisation. Les débats dépassent les clivages politiques. La solution trouvée dans le Rhône est exemplaire et montre que l'on ne doit pas toujours imposer un modèle unique d'organisation territoriale. Des expérimentations à géométrie variable peuvent exister sans porter atteinte à l'intérêt général.
Je remercie le rapporteur pour ses précisions sur Paris Métropole mais je conserve une interrogation majeure : les départements franciliens ont-ils encore un sens ?
Concernant Marseille, la mise en place de l'échelon métropolitain est difficile mais un constat doit guider notre action : un habitant des quartiers nord se rend plus vite à Aix-en-Provence qu'en centre-ville de Marseille. Des corrections doivent être apportées, même si elles ne doivent pas l'être contre les élus ou en donnant le sentiment qu'on voudrait leur faire la leçon.
J'ignore quelle sera l'issue de cet acte III de la décentralisation mais j'insiste sur la nécessité d'apporter des réponses sur deux points qui faisaient consensus lors des états généraux de la démocratie territoriale : simplifier les normes et créer un vrai statut de l'élu. Des perspectives existent-elles sur ces deux sujets ?
Mme Élisabeth Lamure. - Je me réjouis que la sagesse lyonnaise soit reconnue. Il n'y a pas consensus en revanche sur les projets de métropole concernant Paris et Marseille. Mais la création de la métropole lyonnaise aura des conséquences sur le département du Rhône, qui va passer d'1,7 million d'habitants à 430 000. Les communes sont inquiètes sur les termes financiers de cette évolution institutionnelle. Nous disposons à grand peine de simulations, qui laissent penser que 75 % des recettes et des dépenses seraient transférées.
Le projet de loi sur les métropoles procède à un empilement des Conseils et Conférences. Dans la Conférence territoriale, à l'échelle de la région, comment seront désignés les représentants des maires ? Au niveau des métropoles, nous aurons à la fois un Conseil de métropole, une Conférence territoriale des maires et une Conférence métropolitaine. N'y a-t-il pas un échelon de trop ? Au demeurant ces Conférences n'auront pas de pouvoir, sinon celui d'être consultées.
Mme Mireille Schurch. - La métropolisation de notre territoire pose un problème : que faire des territoires qui s'inscriront en creux dans ce mouvement ? Dans les métropoles se concentreront la population et les activités économiques. Que se passera-t-il aux marges des métropoles, comme par exemple dans tout le grand Massif central ? Les départements ruraux sont inquiets.
J'ajoute que la nouvelle étape de décentralisation qui nous est proposée repose sur trois textes. Or nous commençons par les métropoles. Ce choix suscite l'incompréhension car, si l'on peut admettre qu'il y ait une spécificité francilienne, la France n'est pas que Paris !
L'exemple de l'Alsace montre que la population ne suit pas toujours les projets de réforme territoriale. Il faut pourtant associer nos concitoyens à celles-ci. Or cela n'est possible que si la réforme est simple à comprendre. Sur ce point, j'ai des doutes.
Enfin, s'il est nécessaire de prendre en compte la diversité de nos territoires, tous doivent se sentir respectés. Ce texte donne l'impression que les petites villes n'ont pas d'avenir.
M. Bruno Retailleau. - Je salue le travail de la commission des Lois, saisie au fond, qui a supprimé le pacte de gouvernance territoriale ou encore l'obligation de mettre en place un établissement public foncier d'Etat unique à l'échelon régional. Pour autant, même amendé, le texte reste insatisfaisant. La préparation de cet acte III de la décentralisation a d'ailleurs suscité des mécontentements, exprimés par les présidents de toutes les associations représentants les collectivités territoriales. Il a d'ailleurs fallu le découper en trois morceaux, ce qui nuit à sa cohérence. Où est la vision ?
S'il y en a une, elle repose sur la métropolisation. Or il n'y a pas que les métropoles en France. Une décentralisation qui repose principalement sur les métropoles se fait au détriment de la ruralité. Il n'y a pas de représentants de la ruralité dans les Conférences territoriales. Or la ruralité est une spécificité de la France en Europe, qui doit être davantage prise en considération. Les départements sont affaiblis, or, dans l'organisation territoriale française, ils sont la garantie apportée au monde rural.
Je me félicite que la clause générale de compétence soit conservée au niveau des régions et des départements. Je n'avais pas voté la précédente réforme en grande partie du fait de la remise en cause de cette clause. La mise en place de chefs de file va dans le bon sens mais suscite des interrogations : que vont devenir les compétences touristique, économique des départements ? En Vendée, heureusement que nous n'avons pas attendu la région pour développer les actions en matière de tourisme ! Le désenclavement numérique ou routier est indissociable de la politique de développement économique. De même, on ne peut pas faire d'insertion sociale sans proximité avec les entreprises. Les exemples sont nombreux.
Enfin, la question des moyens doit être abordée. Il y a désormais un consensus autour du diagnostic établi par l'Association des départements de France (ADF), présidée par Claudy Lebreton : il manque 5 milliards d'euros aux départements. On ne peut parler de décentralisation sans parler de meilleure autonomie financière des départements.
M. Daniel Raoul, président. - Ma première remarque est sémantique : je ne vois nulle part le mot « décentralisation » dans le dispositif du projet de loi puisque l'État ne transfère rien aux collectivités territoriales. Par ailleurs, je reviens sur la notion de projet commun pour rappeler que coexistent aujourd'hui six autorités organisatrices de transport (AOT) à Marseille, ce qui s'accompagne nécessairement de certains dysfonctionnements. Cette situation s'explique historiquement par le montant élevé de l'ancienne taxe professionnelle, chaque entité défendant son pré carré. Cependant, cela aboutit à un déficit de vision commune qui risque de nuire à la survie économique de Marseille, les autres métropoles ayant du mal à inclure cette dernière dans les projets de développement d'envergure européenne.
M. Jean-Jacques Lasserre. - On se dirige à marche forcée vers un mode d'organisation territoriale que l'on n'a jamais pratiquée dans notre pays. Certes 80 % de nos concitoyens vivent dans des métropoles mais de nombreux facteurs, comme la réforme de l'élection des conseillers généraux vont dans le sens de la déprise des zones rurales et de la diminution de leur influence : je le regrette.
Les séquences prévues par l'ensemble des projets de loi - d'abord les métropoles, ensuite, les régions, et puis le reste - m'inquiètent également. J'ajoute que le texte ne prévoit aucune disposition au plan fiscal. Or les péréquations verticales et horizontales ont permis, tant bien que mal, de garantir un certain équilibre. Je m'inquiète, dès lors, de la tournure des événements à partir du moment où on bouleverse l'architecture antérieure. Les départements ont une autonomie fiscale d'à peu prés 15 % et le chiffre avoisine 10 % pour les régions. Cette base me parait bien trop étroite pour organiser les transferts et les péréquations.
Mme Valérie Létard. - Toutes les remarques qui viennent d'être faites sont révélatrices du malaise que suscite ce texte. Je souligne qu'on mesure mal l'impact et les conséquences globales des trois volets de la réforme. On manque donc de visibilité, à la fois sur les implications de la gouvernance institutionnelle que ce texte définit au départ et sur les conséquences budgétaires de la réforme. Il faut également s'interroger sur les implications concrètes de la notion de « chef de file ». Cela signifie-t-il que les collectivités vont se voir imposer une vision de l'aménagement du territoire élaborée principalement au niveau régional ? Certes un important travail a été fait par la commission des Lois pour améliorer le texte mais on voit encore mal où on va.
M. Daniel Raoul, président. - Je signale à notre collègue Valérie Létard que les deux autres projets de loi sont d'ores et déjà déposés. Je fais également observer que la clause de compétence générale n'est pas, à mon sens, un facteur de simplification du mille-feuille institutionnel. Cela a aussi des conséquences en matière financière : il semble difficile de clarifier la fiscalité locale à partir du moment où chaque niveau de collectivité peut fonder ses demandes de ressources supplémentaires sur la clause de compétence générale.
M. Bruno Retailleau. - Je me suis contenté de rappeler que le manque à gagner atteignait 5 milliards d'euros pour les départements.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. - Je rappelle tout d'abord que la préparation du projet de loi a été très difficile en amont : obtenir un large consensus sur un tel sujet est quasiment impossible car les intérêts sont contradictoires. Ce texte a au moins le mérite et le courage de définir une orientation alors que, nous le savons, la seule façon de ne mécontenter personne est de ne rien faire.
Je rappelle également que mon examen, en tant que rapporteur pour avis, se limite aux compétences et ne concerne pas les aspects institutionnels qui relèvent de la commission des Lois.
A propos de Lyon, je rejoins les propos qui ont été tenus et manifestent un assez large consensus. Toutefois, comme cela a été souligné, les solutions efficaces pour certains territoires ne le sont pas nécessairement pour d'autres : l'unité de la République n'est pas renforcée par l'uniformité, comme l'a rappelé notre collègue Michel Mercier devant la commission des Lois.
Je ne suis pas loin de partager les propos tenus sur la problématique de l'empilement institutionnel mais j'observe que la commission des Lois a apporté certains correctifs. A mon sens, nos concitoyens ne s'intéressent pas particulièrement au « meccano institutionnel » mais ils sont très concernés par la résolution des difficultés concrètes en matière de transport et de logement.
Par ailleurs, j'exprime dans le rapport écrit le regret que la réforme soit décomposée en trois volets séparés, ce qui rejoint certaines interventions.
Je souligne par ailleurs que l'accent mis sur les métropoles ne retire rien à la ruralité.
Je précise également que le chef de file a une vocation organisatrice mais il n'a pas l'exclusivité de la compétence : l'article 3 du projet de loi est parfaitement clair à ce sujet. Le rétablissement de la clause de compétence générale implique, corrélativement, d'ordonner l'action au moyen du « chef de filât ».
La balkanisation de Marseille est effectivement préjudiciable à la France entière ; n'oublions pas, en effet, que cette métropole est la principale porte d'accès du monde méditerranéen dans notre pays. Les élus de Marseille ont indiqué au cours des auditions qu'ils n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble en demandant une phase d'adaptation.
M. Daniel Raoul, président. - Nous en venons à l'examen des amendements présentés par notre rapporteur.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Claude Dilain, rapporteur. - L'amendement n° 1 a pour but de souligner le caractère prioritaire du logement en Île-de-France en rappelant l'objectif de construction de 70 000 logements fixé par la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris.
M. Daniel Raoul, président. - C'est un amendement de précision.
M. Ladislas Poniatowski. - J'indique que le groupe UMP arrêtera sa position définitive sur l'ensemble du projet de loi la semaine prochaine.
M. Gérard Le Cam. - Le groupe communiste républicain et citoyen est dans la même position.
M. Claude Dilain, rapporteur. - L'amendement n° 5 apporte une clarification. En effet, la rédaction du projet de loi semble sous-entendre qu'au terme des consultations sur le projet de schéma, le conseil régional doit délibérer sur un nouveau projet de schéma, ce qui n'est pas le cas.
M. Claude Dilain, rapporteur. - L'amendement n° 4 est rédactionnel.
L'amendement n° 4 est adopté.
Article additionnel après l'article 13
M. Claude Dilain, rapporteur. - L'article 45 du projet de loi ayant été supprimé par la commission des Lois, le présent amendement n° 6 vise à apporter une solution aux difficultés spécifiques de l'Île-de-France. Il est souhaitable que la politique du logement et de l'aménagement de cette région puisse s'appuyer sur un outil efficace de maîtrise foncière. Or, il existe à l'heure actuelle quatre établissements publics fonciers d'État en Île-de-France, dont trois ont une compétence essentiellement départementale. Cet amendement propose de fusionner ces quatre établissements au sein de celui dont le périmètre d'action est le plus large. Je réaffirme cependant que ce qui est valable pour la région d'Île-de-France, dans laquelle les problématiques du logement, de l'aménagement et de la maîtrise foncière se posent de manière régionale, ne l'est pas forcément ailleurs.
M. Bruno Retailleau. - Même si je comprends bien le point de vue du rapporteur, nous avons débattu de cette question et nous voterons contre l'amendement pour trois raisons. Tout d'abord, on ne travaille bien dans le domaine de la maîtrise du foncier que dans la proximité. Ensuite, cet amendement vise à créer une superstructure qui comporte un risque non négligeable de tutelle de la région sur le département, comme l'a redouté la commission des Lois en supprimant l'article 45. Enfin, je crains, pour ma part, un risque de contagion sur l'ensemble du territoire.
M. Daniel Raoul, président. - L'amendement concerne la région d'Île-de-France et je me demande si on ne pourrait pas préciser, par souci de cohérence, qu'il ne peut exister qu'un seul établissement public de l'Etat en matière de logement sur le territoire de la métropole.
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. - En ce qui concerne l'impératif de proximité, je fais observer qu'en pratique, dans les régions où un établissement public foncier unique existe, il suffit de créer des antennes pour assurer l'efficacité opérationnelle. En second lieu, l'argument de la tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre ne me parait pas non plus se poser puisqu'il s'agit d'un établissement public d'État. Enfin, le projet de loi consolide la compétence stratégique de la région en matière de logement et si on veut un outil adapté à cette philosophie, ce dernier doit être également régional.
Mme Mireille Schurch. - Je suis favorable à cet amendement. Je note que l'argument de la proximité est aujourd'hui considérée comme un bien alors même qu'en matière de logement social, on nous avait rétorqué que l'application de l'obligation de construction de 25 % commune par commune n'était pas souhaitable.
M. Daniel Raoul, président. - Ce débat est récurrent. Fondamentalement, je me demande si, en Île-de-France, le périmètre de la métropole n'est pas celui de la région. Je me demande si on ne doit pas également regretter l'époque où une vision forte de l'aménagement du territoire parvenait à s'imposer.
M. Ladislas Poniatowski. - Avez-vous interrogé chacun des départements intéressés par votre amendement ?
M. Claude Dilain, rapporteur pour avis. - J'ai auditionné chaque établissement public. Les trois départements ayant un établissement public spécifique sont très certainement opposés à cet amendement.
L'amendement n° 6 est adopté.
Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat
Enfin, la commission procède à la nomination d'un candidat appelé à siéger comme membre suppléant au sein du conseil d'administration de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et désigne M. Claude Dilain.
Accélération des projets de construction - Audition de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission auditionne Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction.
M. Daniel Raoul, président. - Les débats sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction se sont prolongés tard dans la nuit à l'Assemblée nationale ; merci de venir nous le présenter aujourd'hui.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Nous sommes convenus de nous revoir à l'automne pour examiner une loi relative à l'urbanisme et au logement qui sera déposée cet été. Ce calendrier sera respecté, mais dans l'intervalle le Gouvernement a souhaité vous présenter ce projet de loi qui habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance des dispositions destinées à accélérer les projets de construction : la concertation avec les professionnels a dégagé des pistes pour débloquer un certain nombre de projets dans cette situation économique difficile pour le secteur. Ce projet de loi est l'un des fruits du plan d'investissement pour le logement annoncé le 21 mars par le Président de la République. Le débat à l'Assemblée nationale a été de haute tenue : nous avons adopté des amendements venus de l'ensemble des bancs ; il y a eu des abstentions mais pas d'opposition.
Les professionnels, les élus et les citoyens se plaignent de l'empilement dans le temps des procédures pour construire des logements. Le Gouvernement vous propose donc de bâtir une procédure intégrée qui fusionne les délais, pour des projets de mixité sociale et fonctionnelle - comme ont souhaité le préciser les députés. Nous proposons aussi d'améliorer l'accès aux documents d'urbanisme à travers un portail national de l'urbanisme qui aidera à déterminer les terrains constructibles. Son coût a soulevé des craintes, mais il est trois fois moindre que celui de la transmission obligatoire des documents papier. L'État aura à sa charge les servitudes, il ne s'agit donc que de la numérisation des plans locaux d'urbanisme (PLU) ou des cartes communales, soit un coût compris entre 500 et 750 euros.
Nous proposons également de faciliter le financement de projets d'aménagements en augmentant le taux maximal de garantie d'emprunt que les collectivités peuvent consentir.
Il est en outre urgent de réduire les délais de traitement des recours contentieux et de lutter contre la multiplication des recours de type mafieux contre les permis de construire. Le président Daniel Labetoulle m'a remis un rapport très intéressant sur ce thème, comprenant des propositions innovantes comme l'enregistrement de la transaction en cas de renonciation au recours : cela n'empiétera pas sur le droit d'agir en justice, mais aura un effet dissuasif. Pour raccourcir les délais de traitement, une proposition très intéressante est de donner au juge la possibilité de fixer une date au-delà de laquelle de nouveaux moyens d'annulation ne puissent plus être invoqués : c'est la cristallisation. Il convient aussi de donner aux cours administratives d'appel une compétence de premier et de dernier ressort pour les projets d'une surface supérieure à 1 500 mètres carrés situés dans une commune où le déséquilibre entre offre et demande de logements est marqué. La possibilité d'une action en dommage et intérêt contre les recours abusifs a été ajoutée par les députés. Pour lutter contre les recours abusifs, mon prédécesseur avait annoncé un décret. En fait, il faut une loi : pour aller plus vite, nous passons par les ordonnances.
Pour construire en zone tendue, il faut densifier. Nos dispositions permettront de faire de la dentelle : l'alignement au faîtage remplira les dents creuses, des dérogations ponctuelles aux PLU pour délivrer des permis de construire seront possibles. Il s'agit pour les élus d'options, et non d'obligations.
M. Daniel Raoul, président. - Monsieur Dubois, cela vous intéressera. Il ne s'agit pas de modifier le PLU, mais d'y déroger.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Il s'agit d'offrir aux maires la possibilité de déroger au PLU.
M. Daniel Raoul, président. - Je n'avais pas compris cela en première lecture.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Le dernier point est la création d'un statut du logement intermédiaire : cette offre de logement fait cruellement défaut, ce qui enferme des locataires dans le parc social. Ce statut permettra de réaliser ce type de logements dans les programmes locaux de l'habitat (PLH). Un bail de longue durée dédié à la production de logements intermédiaires sera créé. Les opérateurs HLM pourront créer des filiales dédiées à cette tâche. Un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale pour renforcer l'étanchéité entre les fonds issus du logement social et ces filiales, pour calmer les inquiétudes exprimées.
M. Daniel Raoul, président. - Le logement intermédiaire est une des préoccupations de notre collègue M. Daniel Dubois, en particulier du point de vue du parcours résidentiel.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Je présenterai mon rapport demain. A quelles conditions un projet peut-il être exonéré de tout ou partie de l'obligation de création d'aires de stationnement pour les logements ? Le a) du point cinquième de l'article 1er du projet de loi me paraît assez vague.
Quel est le coût de la création d'un géo-portail ? Vous nous avez dit que cela ne coûterait rien aux collectivités.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Cela coûte environ 500 euros.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Cela a donc un coût. Pour les petites communes, cela pose à la fois le problème de la numérisation du cadastre et celui de la mise à jour régulière des données. Comment le nouveau régime du logement intermédiaire s'articulera-t-il avec l'actuel ? Va-t-il s'y substituer ? S'y juxtaposer ? Les plafonds de ressources sont compris entre ceux du logement social et ceux des loyers libres : pouvez-vous préciser ? Quel rôle les organismes HLM joueront-ils dans le nouveau dispositif ? Des précisions ont en effet été apportées sur le principe d'étanchéité, mais en intervenant dans la construction de logements intermédiaires, ne vont-ils pas se détourner de leurs fonctions principales ?
M. Daniel Raoul, président. - Vous avez voulu éclaircir la notion d'étanchéité dans un amendement de compromis qui précise, entre autres, que les personnes assurant la détermination effective de l'orientation de l'activité de la filiale ne peuvent pas être les mêmes que celles exerçant les mêmes responsabilités au sein de la maison-mère. Cet amendement pose un problème pour les représentants de collectivités.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Nous n'avons pas encore une expertise juridique très précise : les débat se sont prolongés hier jusqu'à une heure passée...
M. Daniel Raoul, président. - Cela peut poser problème dans les communes.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Je sais que les parlementaires sont sourcilleux sur l'usage des ordonnances...
M. Daniel Raoul, président. - Sur ce point, mes collègues se réservent pour la séance publique!
Mme Cécile Duflot, ministre. - Ils le sont à juste titre : ma famille politique est très soucieuse de respecter les prérogatives du Parlement. Mais l'utilisation d'ordonnances nous fera gagner un an dans la mise en oeuvre de ces dispositions : en temps de crise, ce n'est pas du luxe. De plus, ces mesures ont été élaborées en concertation avec la profession. Enfin, je me propose de venir vous présenter les ordonnances avant que le Président de la République ne les promulgue. Vous pourrez ainsi vérifier qu'elles vont bien dans le sens que vous souhaitez : au-delà des mots d'amour, ce seront des preuves !
M. Daniel Raoul, président. - Tous ces déplacements pèseront sur votre bilan carbone...
Mme Cécile Duflot, ministre. - Je viendrai à vélo !
Un mot sur les conditions d'exonération de parking : en l'absence de schéma de cohérence territoriale et à proximité des transports en commun, le nombre de places de stationnement devra être limité à une par logement. Le schéma de cohérence territoriale pourra moduler cette limitation. L'ordonnance définira la manière dont la possibilité de dérogation aux règles du PLU sera appréciée. Le maire, autorité qui délivre le permis, apprécie le projet dans son ensemble. Il s'agit de rendre possible la réalisation de projets pour lesquels l'application stricte du PLU rend impossible la délivrance du permis : par exemple, un immeuble de bureau enchâssé dans du bâti ne peut être transformé en logements sociaux si l'obligation de stationnement doit conduire à creuser deux niveaux de parking...
En ce qui concerne le coût du géo-portail, la numérisation par vectorisation des pièces graphiques et des cartes d'un document d'urbanisme coûte entre 230 euros et 540 euros TTC (avec une TVA à 19,6 %). Le montant moyen est de 345 euros. L'État dispose d'un budget d'un million et demi d'euros par an pour aider à la numérisation certaines collectivités et de très petites communes. Par comparaison, le coût de quinze envois de documents papiers aux services instructeurs est de 1 500 euros. La numérisation est d'un accès plus simple, et d'un coût inférieur. La mise en ligne du géo-portail lui-même sera évidemment prise en charge par l'État ; celui-ci sera fondé sur le référentiel de l'IGN.
Nous souhaitons créer un statut du logement intermédiaire, défini dans le projet de loi d'habilitation, avec un niveau de loyer compris entre le logement social et le marché. Le dispositif fiscal dit « Duflot » impose des loyers maximaux de 20 % inférieurs à ceux du marché et vise ainsi à développer l'accession sociale à prix maîtrisé. Certaines collectivités l'ont déjà développée en-dehors de tout cadre légal : en accord avec les promoteurs elles ont fixé un prix plafond de cession du foncier. Nous avions évoqué cette question lors de l'adoption du dernier projet de loi relatif à la mobilisation du foncier, en ajoutant des clauses anti-spéculatives pour intégrer cette accession sociale dans le cadre de la cession du foncier public et de la décote possible jusqu'à la gratuité. Ces deux types de logement ont un intérêt : chaque élu peut vouloir en installer dans sa collectivité, mais ne dispose pas d'un cadre permettant de le faire figurer comme objectif au sein d'un PLH. Il est hors de question pour le Gouvernement de créer une échappatoire aux obligations de constructions de logements sociaux. L'objectif de 150 000 logements est renforcé par la loi que vous avez votée en décembre qui augmente le pourcentage de logements sociaux obligatoires dans les communes de plus de 3 500 habitants. Il n'est pas question d'intégrer les logements intermédiaires dans les logements locatifs sociaux. C'est une autre catégorie de logements, très utile pour faciliter la fluidité des parcours résidentiels.
Néanmoins, le souhait d'étanchéité était très fort parmi les parlementaires : d'où la rédaction de cet amendement en séance. Son expertise juridique est en cours. La création de filiales ne devrait pas concerner la majorité des bailleurs sociaux, mais seulement ceux qui ont des opérations mixtes sur les zones tendues.
M. Daniel Dubois. - Le Parlement n'est jamais enthousiasmé par les ordonnances.
M. Daniel Raoul, président. - Faisons un effort !
M. Daniel Dubois. - Nous sommes prêts à le faire, car la crise est réelle, et nous sommes loin des 150 000 logements sociaux annoncés. Mais agir par ordonnance doit se faire sur des sujets cadrés et dans des délais courts. Je comprendrais que vous agissiez ainsi pour transformer des bureaux, ou faire en sorte que le problème des recours abusifs soit réglé. Or vous allez beaucoup plus loin, et nous demandez une habilitation extrêmement large. Le logement intermédiaire constitue un sujet complexe, qui mérite un vrai débat et qui aurait pu figurer dans le prochain projet de loi...
Le problème des filiales des sociétés d'HLM est lui aussi très important. Dès lors que les cloisonnements existent, il est compréhensible que des filiales soient créées. Mais il faudrait en débattre, même si nous sommes d'accord sur l'urgence d'aboutir.
Il y a trois délais pour la prise des ordonnances, qui vont jusqu'à huit mois pour le logement intermédiaire, alors que le projet de loi doit nous être soumis dans moins de deux mois... Cela pose problème. Vous avez répondu à l'une de mes questions sur le positionnement des maires dans le cadre de la densification. J'ai cru comprendre que le principe sera de faire un seul parking, mais que le maire pourra y déroger : vous déplacez la charge de la preuve.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Si nous avions fait l'inverse, et donné le pouvoir de décision à l'État, vous auriez dit le contraire, Monsieur Dubois !
M. Daniel Dubois. - C'est une possibilité offerte à la collectivité, une souplesse accordée : fort bien.
Enfin, élargir les possibilités de garantie des communes est une bonne chose, mais beaucoup de petites communes ont du mal à accorder ces garanties.
Tous ces sujets mériteraient de figurer dans la loi plutôt que dans les ordonnances. Une habilitation large, des délais qui se recouvrent... Il y aura matière à débat dans l'hémicycle !
Mme Mireille Schurch. - En tant que parlementaires, nous ne pouvons être favorables aux ordonnances, même si nous connaissons l'urgence qui les motive, en particulier en matière de logement social. Le droit actuel réserve à l'État et aux collectivités territoriales et à leurs groupements la possibilité d'élaborer une déclaration de projet. Il est prévu d'élargir cette possibilité : qui pourra recourir à ce dispositif ? Vous déployez pour le logement intermédiaire un outil que nous avons nous-mêmes développé dans notre agence nationale foncière : le bail qui délie la valeur du foncier de celle du bâti. Pourquoi est-ce réservé au logement intermédiaire ? Que pensent les maires de l'élargissement des garanties ? Sera-ce une charge supplémentaire ? Comment vont-ils y répondre ?
Enfin, si des dérogations sont nécessaires, c'est que les PLU sont inadaptés : pourquoi ne pas en tirer les conséquences ? Pourquoi déroger à certaines règles du code de la construction et de l'habitation liées à la performance énergétique et acoustique ? Où va-t-on ? Ne déréglementons pas !
Ce projet de loi laisse entendre que ce seraient les maires qui freineraient le logement. Mais que fait l'État ? Quelle est sa politique foncière ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je suis moins pessimiste que Mireille Schurch. Cette loi d'habilitation est liée aux mesures annoncées par le président de la République pour améliorer le financement du logement social, notamment le passage de la TVA à 5 %, ajoutée au milliard d'euro du 1 % logement, aux terrains mis à disposition par l'État ou les collectivités, à une légère augmentation de l'aide à la pierre... Ne disons pas qu'il n'y a pas d'effort pour construire du logement social ! Il y a des marges de manoeuvres, aux élus de s'en saisir.
J'ai une préoccupation concernant le logement intermédiaire. J'avais compris que le logement intermédiaire désignait du logement locatif intermédiaire, car, pour permettre les parcours résidentiels en zone tendue, ce qui manque c'est soit l'accession sociale à la propriété, soit le logement locatif intermédiaire. Or, et la ministre l'a rappelé, le nouveau régime recouvre aussi l'accession à la propriété maîtrisée, ce qui me laisse dubitative. Si on donne à une filiale HLM la possibilité de faire de l'accession à prix maîtrisé, soit il s'agit d'accession à un prix qui correspond à l'accession sociale telle qu'elle existe aujourd'hui, et cela correspond au gros de la demande, soit elle se fait à un prix supérieur et...
Mme Cécile Duflot, ministre. - Pardonnez-moi. Une précision : le nouveau statut du logement intermédiaire n'est pas réservé aux organismes d'HLM et à leurs filiales.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est bien le problème.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Pour faire revenir les investisseurs institutionnels...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Ils ne viennent pas pour de l'accession.
Mme Cécile Duflot, ministre. - Ils le peuvent.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Quel est l'intérêt ? Ils font du pré-financement, qui ne nécessite pas un produit spécifique... Ma crainte est que cela ne tue l'accession sociale. Nous avons un énorme problème d'accession sociale.
M. Daniel Dubois. - Je suis entièrement d'accord.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je sais l'implication de la ministre. Si le prêt social location-accession n'a pas la TVA à 5 %, nous n'aurons plus d'accession sociale. Ma crainte est que la mise en place d'un outil d'accession dite maîtrisée ne soit plus attirante pour les investisseurs que le soutien à l'accession sociale. Pourriez-vous nous apporter des clarifications ? Historiquement, il a été refusé aux organismes d'HLM de faire davantage d'accession non sociale pour équilibrer l'ensemble du dispositif.
Par ailleurs, nous manquons d'études sur les besoins réels de logements intermédiaires. À Paris, nul ne veut du prêt locatif social : c'est trop cher pour les demandeurs, et les autres préfèrent accéder à la propriété et s'éloigner un peu.
Notre rapport sur les DOM va être présenté : notre préoccupation est le « Duflot-DOM » qui est inadapté. L'aide fiscale est insuffisante. Il faut prévoir une forme particulière plus adaptée aux DOM. Nous proposons par ailleurs de travailler à un prêt à taux zéro social en substitution à la défiscalisation. Si le ministère du logement pouvait aider un peu...
M. Daniel Raoul, président. - Bercy, surtout ...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Ma préoccupation est vraiment l'accession sociale.
M. Bruno Sido. - Il est difficile de s'exprimer après deux ministres du logement, et des orateurs si brillants.
Je déplore les conditions qui nous sont imposées, ces ordonnances qu'en d'autres circonstances le camp d'en face décriait. Une fois à la manoeuvre, on voit mieux leur utilité ! Ces mesures ont été annoncées par le président de la République le 21 mars dernier : nous avons perdu deux mois, alors que l'urgence est là, tant pour le logement que pour l'emploi, et le délai de ratification va encore nous faire perdre du temps. La promesse de 500 000 logements, dont 150 000 sociaux, n'a pas été tenue : nous nous y attendions. En 2012, 304 000 logements ont été mis en chantier, 100 000 de moins qu'en 2011. Je rappelle qu'en cinq ans, sous la précédente mandature, nous avions mis 2 millions et demi de logements en chantier, dont 600 000 sociaux...
Vous avez tenu à détricoter tout ce que nous avions fait : c'est dommage, car il y avait de bonnes choses, comme la possibilité pour le maire de densifier l'habitat sans modifier le PLU. Vous proposez une nouvelle version, c'est autant de temps perdu : il fallait proposer de simplifier les procédures et les normes et surtout de réduire les délais. Je suis absolument d'accord avec la limitation des recours contentieux abusifs, de même que sur la facilitation du financement des opérations. Une question se pose cependant : l'ordonnance est-il le bon véhicule contre les procédures mafieuses ?
Que dire du tango du gouvernement sur la TVA ? De 7 %, elle est passée à 10 %, avec les dégâts que l'on sait, et maintenant, le président de la République veut la ramener à 5 %.
Qu'apportera la nouvelle loi par rapport aux ordonnances que nous ratifierons sans doute au même moment ?
M. Daniel Raoul, président. - Non.
M. Bruno Sido. - Densifier, pourquoi pas ? Mais cela n'a rien de neuf, il en était déjà question dans le Grenelle de l'environnement.
Comme nous tenons à soutenir l'emploi dans le secteur et à améliorer l'offre de logements, nous serons bienveillants envers ce texte qui va dans le bon sens, mais notre vigilance sera grande sur l'habilitation et la ratification.
M. Daniel Raoul, président. - J'ai entendu le même discours à l'Assemblée nationale.
M. François Calvet. - L'habilitation par ordonnance ne nous plaît pas beaucoup, mais la réalité, c'est que la crise du logement s'accroit, et que les entreprises du bâtiment ne créent pas d'emploi. Le détricotage est regrettable, de même que le yoyo sur la TVA, mais les nouveaux pouvoirs du maire sont intéressants, car ils leurs permettront de débloquer certains projets. Mais comment l'administration lira-t-elle les textes ?
M. Bruno Sido. - Je suis d'accord !
M. François Calvet. - Une circulaire gouvernementale serait bienvenue.
Que contiendra le prochain projet de loi sur l'ensemble de la filière logement ? Les collectivités ont de plus en plus de mal à garantir les emprunts : quelles sont vos propositions ? Il est urgent de trouver une solution à ces problèmes, car ils ont des répercussions sur les programmes.
Cependant, comme ce projet de loi d'habilitation va dans le bon sens, nous aurons une attitude bienveillante.
M. Daniel Raoul, président. - Merci de votre mansuétude.
M. Joël Labbé. - Notre famille politique n'aime guère les ordonnances, d'autant qu'elles font suite à une loi adoptée en procédure accélérée dans un contexte tendu. Je m'interroge sur l'éligibilité au dispositif Duflot : si les secteurs A et B1 ne posent pas de problèmes, en revanche, dans le secteur B2 dit tendu, toutes les communes ne sont pas éligibles. Quels seront les critères ? Il semble que des communes vont être victimes du dispositif alors qu'elles ont l'obligation d'atteindre le niveau requis de logements sociaux. Une possibilité serait d'attribuer les dérogations sur les zonages B2, dotés d'un PLH. Je vous ai d'ailleurs écrit à ce sujet.
Sur les garanties d'emprunt, je compte sur les précisions que vous nous donnerez pour rassurer les petites communes.
M. Marc Daunis. - Devant une crise d'une telle ampleur, je vous félicite pour votre réaction. En tant que parlementaire, je ne ressens nulle schizophrénie entre ce que je perçois sur le terrain et mon activité à Paris. Certes, je ne suis pas très favorable aux ordonnances, mais je le suis encore moins au chômage, au mal logement et aux expulsions !
Votre approche est raisonnable et pragmatique, comme le montre le dispositif sur la numérisation des cadastres.
J'entends le raisonnement de Daniel Dubois sur les délais, mais n'oublions pas qu'avec un projet de loi, il faut ajouter au temps pris par la navette parlementaire le temps nécessaire à la publication des décrets d'application : tout cela prendrait plus de huit mois, et c'est un luxe que nous ne pouvons nous permettre.
Je rejoins François Calvet : il est fondamental qu'une circulaire soit adressée aux préfets et que les élus locaux soient informés pour donner son efficacité maximale à la mesure envisagée.
Nous déplorons tous que les normes constituent un frein. Et ce n'est pas qu'une question de volonté !
Le logement intermédiaire, entre l'accession sociale et le prix du marché, est nécessaire. Dans ma commune, nous avons lancé des expérimentations de logements à prix encadré avec clause anti-spéculative pour les primo-accédants, non sans difficultés. Soyons attentifs aux éventuelles dérives évoquées par Marie-Noëlle Lieneman pour éventuellement les corriger dans le cadre de la future loi.
J'aurais souhaité que dans le cadre d'une ZAC (zone d'aménagement concerté) où une étude d'impact a été réalisée...
Mme Cécile Duflot, ministre. - C'est dans la loi !
M. Marc Daunis. - Merci ! Mais n'était-il pas possible de le faire figurer dans l'ordonnance ? Il est insupportable de perdre un an et demi ! Pendant ce temps, le bâtiment et l'emploi continuent de chuter...
Mme Valérie Létard. - Tout le monde l'a dit et redit : une loi d'habilitation n'est jamais agréable, mais nécessité fait loi.
Le logement intermédiaire suscite beaucoup de commentaires. Quelles seraient ses incidences, notamment sur l'environnement ? J'avoue ne pas avoir d'avis sur un sujet complexe. Il me semble plus sage d'attendre la future loi... à moins que la ministre n'estime avoir bien mesuré l'ensemble.
Un bailleur ne se lance pas sans garanties d'emprunt. Chez nous, les collectivités sont au taquet depuis longtemps. En deux ou trois ans, les garanties d'emprunt ont atteint 250 millions d'euros, pour 400 logements construits par an. Je fais des dossiers tous les mois, et leur nombre augmente constamment. Certains bailleurs sont fragiles, il faut les ménager. Nous travaillons beaucoup à leur suivi avec la Caisse des dépôts mais nous ne sommes pas à l'abri du risque. Nous remontons le curseur sur les garanties, mais peut-être pourrions-nous sécuriser l'édifice pour éviter de mettre les collectivités en difficulté. Sans compter que les populations locataires ne sont pas les mêmes d'un territoire à l'autre, avec des fragilités pour les bailleurs qui varient également...
Mme Cécile Duflot, ministre. - Le futur projet de loi suivra une procédure classique. Il sera déposé avant l'été sur le bureau du parlement, sa lecture démarrera dès la rentrée à l'Assemblée nationale, et le Sénat devrait être saisi à la mi-octobre. En raison du projet de loi de finances, il ne reviendra qu'en janvier à l'Assemblée, et au mieux en février au Sénat, avant les vacances parlementaires liées aux élections municipales. Ce calendrier, que j'avais déjà annoncé, sera respecté.
Je remarque une certaine confusion sur le logement intermédiaire. Vous savez qu'après les municipales, il est fréquent que les nouvelles équipes relancent des PLU, voire des PLUI (PLU intercommunaux) et des PLH (programme local de l'habitat) : nous souhaitons qu'elles intègrent dans leur réflexion ce nouveau statut. Nous n'allons pas plus loin : les questions d'exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties sont prématurées. Il s'agit seulement de fournir le cadre légal qui a fait défaut aux communes qui se sont lancées sans cadre juridique et qui en ont fait les frais : j'ai dû par exemple venir au secours de la ville de Saint-Ouen...
Les garanties d'emprunt sèment également la confusion. Ce que nous souhaitons, c'est que les opérations d'aménagement, en particulier lorsqu'elles sont complexes, puissent être garanties au-delà du plafond de 80 % par les collectivités, et cela, sans aucune obligation : il s'agit seulement de supprimer le clapet qui interdisait d'aller au-delà et qui bloquait certaines opérations. Rassurez-vous, il n'y a aucune prise de risque.
M. Daniel Raoul, président. - Veuillez m'excuser : je suis attendu en Conférence des présidents.
Présidence de M. Martial Bourquin, vice-président
Mme Cécile Duflot, ministre. - Mireille Schurch, la procédure intégrée pour le logement fonctionne sur le principe de la déclaration de projet : c'est la collectivité qui engage la procédure, conjointement avec l'État. Rien n'est changé, rien n'est supprimé, mais les dispositifs pourront désormais être cumulés dans le temps, plutôt que d'être engagés successivement.
Pourquoi déroger au PLU plutôt que le réviser ? Tout simplement parce que les deux sont possibles, et que la révision d'un PLU prend de deux à quatre ans : la dérogation permet de patienter.
Les possibilités de dérogations sur les extensions de bâtiment ont fait de moi, pour certains, une écologiste traître. Je rappelle à ce sujet qu'il n'est pas question de remettre en cause les normes de la construction neuve. En revanche, lorsqu'on surélève des bâtiments, des normes peuvent ne pas être applicables, l'isolation acoustique par exemple. Que l'on se rassure : il sera toujours préférable de surélever une construction en zone dense que de construire un bâtiment sur des terres agricoles. Ma morale écologiste sera sauve !
Il n'y a dans les ordonnances aucune volonté de mettre en cause les maires. Au contraire, des dispositifs comme les garanties d'emprunt, visent à les aider.
Concernant l'éligibilité au dispositif Duflot, il n'est pas du ressort de la loi sur l'urbanisme et le logement. S'il porte mon nom, c'est par cette sorte de fatalité qui attache le nom des ministres du logement à ce type de mesures. En attendant sa belle mort, il a du mal à décoller... La question pourra être posée en loi de finances, mais votre piste sur l'agrément opération par opération me semble intéressante.
Merci à Marc Daunis pour ses encouragements. J'étudierai la piste de la circulaire aux préfets.
Valérie Létard, le choix politique des ordonnances répond à la nécessité d'aller plus vite sur les sujets ne soulevant pas de grandes difficultés.
Je ne pourrai pas être avec vous demain, mais nous nous retrouverons quand je vous présenterai les ordonnances : c'est une nouvelle forme de démocratie participative...
M. Martial Bourquin, président. - Nous vous remercions.
Jeudi 23 mai 2013
- Présidence de M. Daniel Raoul, président -Accélération des projets de construction - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport et le texte de la commission sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer pour accélérer les projets de construction.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Lors de l'annonce du Plan d'investissements pour le logement, le 21 mars dernier, le Président de la République a demandé au gouvernement de recourir aux ordonnances pour accélérer la mise en oeuvre de la politique en matière de construction.
Si cette procédure ne saurait être un mode habituel d'élaboration de la loi, elle est justifiée dans des domaines précisément circonscrits, en raison de l'urgence ou de la grande complexité technique des sujets.
Depuis un an, le Parlement joue un rôle central dans la politique du logement. Aussi bien en loi de finances qu'à l'occasion du vote de la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, il a adopté plusieurs mesures fortes : renforcement des obligations en matière de construction de logements sociaux, mise à disposition des terrains de l'État pour construire des logements sociaux, augmentation des aides à la pierre, création d'un nouveau dispositif d'investissement locatif, etc.
Une nouvelle séquence parlementaire s'ouvrira bientôt. Au cours de l'été, sera déposé un projet de loi destiné à infléchir les politiques publiques en matière d'aménagement et d'urbanisme, et ainsi concilier plus harmonieusement l'objectif de construire davantage et mieux avec celui de préserver les espaces naturels et agricoles. Là encore, le Sénat et l'Assemblée nationale exerceront sans restriction ni délégation leurs compétences législatives.
Le projet de loi d'habilitation s'inscrit donc dans l'intervalle entre ces deux séquences parlementaires fortes, les lois Duflot I et Duflot II. Il comporte des mesures à la fois pragmatiques et techniques, décisives pour lever des freins à la construction. Simplification des procédures administratives, réduction des délais contentieux en matière d'urbanisme, accès plus aisé du public à l'information urbanistique ou encore raccourcissement des délais de paiement dans le secteur de la construction : autant de mesures détachables du projet de loi Duflot II et qu'il serait ridicule de garder dans les tiroirs !
Avec les ordonnances nous gagnons plusieurs mois, et peut-être un an, soit un temps précieux. Retarder l'adoption de ces mesures utiles constituerait une erreur économique tout autant que sociale et politique, car stimuler la construction et la rénovation de logements est non seulement un impératif humain pour tous les ménages qui ont du mal à se loger, mais c'est aussi un formidable moyen de soutenir le secteur de la construction et d'appuyer le tissu des TPE et des PME du bâtiment, qui irriguent tout le territoire.
L'article 1er définit le champ de l'habilitation à légiférer demandée par le Gouvernement en recensant huit points.
Le premier point concerne la création d'une procédure intégrée pour le logement (PIL) qui sera applicable pour les projets de construction ou d'aménagement comportant principalement la réalisation de logements au sein des unités urbaines.
Certains projets rendent nécessaire de modifier préalablement, parfois de façon substantielle, certains documents d'urbanisme (PLU ou SCOT) mais aussi certains schémas et plans qui s'imposent aux documents d'urbanisme du fait de la hiérarchie des normes : les programmes locaux de l'habitat (PLH), les plans de déplacement urbain (PDU), les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP) ou les aires de mise en valeur du patrimoine (AVAP), les plans de prévention des risques naturels (PPRN), etc.
Toutefois ces documents doivent être modifiés selon des procédures spécifiques et souvent longues, qui, comble de l'absurde, comprennent des éléments redondants, notamment dans le domaine de la consultation du public et de l'évaluation environnementale. Le temps perdu est considérable, d'autant plus que chaque procédure de modification peut être attaquée devant le tribunal administratif : aux délais administratifs s'ajoutent les délais contentieux.
Il existe certes déjà une procédure censée regrouper les procédures de modification - la déclaration de projet - mais elle fonctionne mal et est très peu utilisée car elle ne s'applique pas à certains documents (par exemple les PLH ou les DUP) et, dans d'autres cas, le législateur a omis de préciser la procédure à suivre...
La procédure intégrée pour le logement comblera ces manques. Une évaluation environnementale unique sera réalisée en amont de la procédure. Elle précisera comment réaliser en une fois la modification des divers documents qui font obstacle à un projet. Certaines autorisations individuelles pourront être instruites dans la foulée. Le temps d'instruction des dossiers sera ainsi divisé par deux ou trois.
La PIL restera cependant circonscrite aux zones urbaines et sera utilisable uniquement pour des projets d'intérêt général comportant principalement la réalisation de logements. Elle constituera donc une démarche d'exception, qui n'a pas vocation à se substituer aux procédures normales d'élaboration et d'évolution des documents d'urbanisme. Le niveau d'exigence de l'évaluation environnementale ne diminuera pas, puisque la PIL retiendra les modalités d'évaluation et de consultation du public les plus exigeantes parmi celles prévues dans les procédures regroupées.
Cette procédure ambitieuse est cependant très complexe à élaborer car plusieurs codes devront être modifiés simultanément de manière cohérente. Le recours à une ordonnance est justifié.
Le point 2 crée un géoportail de l'urbanisme.
Le point 3 facilite le financement des projets d'aménagement comportant principalement des logements en assouplissant les règles prudentielles en matière de garantie d'emprunt prévues par le code général des collectivités territoriales. Il s'agit concrètement d'étendre aux projets d'aménagement des possibilités de dérogations qui existent déjà dans la loi pour la construction de logements sociaux.
Le point 4 vise à accélérer le règlement des litiges dans le domaine de l'urbanisme et à prévenir les contestations dilatoires ou abusives. C'est une demande ancienne, tant des porteurs de projets que des élus locaux. La question avait été abordée lors des débats sur la loi Duflot I, notamment par Daniel Dubois. La ministre s'était engagée à avancer rapidement des propositions. Le Gouvernement a créé un groupe de travail. Le rapport Labetoulle a été rendu public début mai et ses propositions apportent des solutions innovantes et équilibrées. Ainsi, l'obligation pour le requérant de déclarer aux services fiscaux les indemnités perçues en contrepartie de son désistement du recours engagé, sous peine de nullité de la transaction.
Autre exemple : la possibilité pour le bénéficiaire du permis de construire d'intenter une action en dommages et intérêts contre l'auteur d'un recours abusif, en cas de préjudice anormal. La mesure visera uniquement les recours malveillants.
De même, le juge aura la possibilité de fixer une date au-delà de laquelle de nouveaux moyens ne pourront plus être invoqués à l'appui d'une demande d'annulation du permis de construire. C'est la cristallisation des moyens.
Le point 5 de l'habilitation vise à faciliter les projets de construction dans les zones tendues en autorisant les dérogations à certaines règles posées par un document d'urbanisme. Il ne s'agit pas d'une dérogation générale aux règles des PLU telle que la prévoyait la loi sur la majoration des droits à construire présentée en 2012 par le précédent Gouvernement. En l'espèce, la non-opposabilité des règles des PLU à certaines demandes d'autorisation sera circonscrite dans l'espace, puisqu'elle concernera uniquement les zones caractérisées par un écart important entre l'offre et la demande de logements, et circonscrite aussi dans son objet, puisque les domaines où la dérogation interviendra sont définis par le texte d'habilitation.
Ainsi la surélévation d'un immeuble ou la transformation des bureaux en logements peut se heurter aux obligations en matière d'aires de stationnement définies par le PLU. Il faut donc prévoir les conditions dans lesquelles on déroge à ces règles. De même, pour lutter contre les « dents creuses » et permettre l'alignement d'un bâtiment sur la hauteur des bâtiments adjacents, il faut prévoir les conditions dans lesquelles déroger, le cas échéant, aux règles de gabarit et de densité.
Le point 6 de l'habilitation vise à favoriser le développement du logement intermédiaire, destiné à combler le vide qui existe dans les zones tendues entre l'offre de logement social d'un côté et le marché libre de l'autre. Certains ménages des classes moyennes sont trop aisés pour prétendre à un logement social et trop pauvres pour se loger correctement au prix du marché. Par ailleurs, ce vide dans l'offre bloque les parcours résidentiels pour les ménages qui pourraient quitter le parc social.
Les documents de planification (PLU, SCOT, PLH) fixeront ainsi des objectifs ou des obligations prenant en compte ce type de logement intermédiaire.
L'ordonnance créera aussi un nouveau régime de bail permettant de produire des logements intermédiaires à des prix maîtrisés tout en garantissant que l'effort financier consenti par les collectivités ne sera pas détourné par des pratiques spéculatives. Le dispositif envisagé repose sur la dissociation entre le foncier et le bâti des logements intermédiaires. Les personnes publiques propriétaires du foncier concèderont aux promoteurs des terrains à un prix bas, pour une période de long terme, avec un bail emphytéotique de 75 à 99 ans, dans le cadre d'une convention qui précisera que les logements construits sont destinés à un public de locataires ou d'acquéreurs bien précis, défini par des niveaux de revenus intermédiaires. Les logements construits sur ces terrains ne pourront être loués qu'à ces personnes et ils ne pourront être cédés qu'à la condition que l'acheteur respecte lui aussi la destination initiale de ces locaux d'habitation.
Le point 7 de l'ordonnance vise à généraliser la garantie financière d'achèvement extrinsèque pour toutes les opérations de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA). La garantie extrinsèque est fournie par un établissement financier, à la différence de la garantie dite intrinsèque, en réalité une simple dispense de garantie accordée sous certaines conditions au constructeur. En cas de défaillance du constructeur, les acheteurs se retrouvent démunis. L'ordonnance rend obligatoire la garantie extrinsèque.
Enfin, le point 8 de l'habilitation prévoit de modifier les règles relatives aux délais de paiement et au versement des acomptes dans le domaine de la construction afin de soulager la trésorerie des entreprises du secteur. Actuellement, les entreprises sous-traitantes transmettent leurs factures au maître d'oeuvre, qui procède à leur vérification puis se fait payer par le maître d'ouvrage. Les délais de vérification (30 jours) s'ajoutent aux délais de paiement. L'idée est d'intégrer ces deux délais pour accélérer le règlement des acomptes.
Quelques mots sur les délais. L'article 2 prévoit que les ordonnances devront être prises dans un délai de quatre, six et huit mois, selon les cas. L'article 3 fixe, quant à lui, un délai de cinq mois après la publication de l'ordonnance pour déposer devant le Parlement un projet de loi de ratification.
En conclusion, ce texte va dans le bon sens. Sur la forme, la complexité technique et le caractère relativement urgent des mesures envisagées justifie le recours aux ordonnances. Comme le Parlement a un contrôle clair sur les objectifs et les principes qui définissent le contour de l'habilitation et qu'il contrôlera le texte final lors de la ratification, rien ne s'oppose à l'utilisation de l'article 38 de la Constitution.
Je demanderai à Madame la ministre, lors du débat en séance, que le Parlement soit informé au fur et à mesure de la rédaction des ordonnances, de manière à pouvoir conduire un dialogue constructif avec l'administration.
Sur le fond, certaines mesures sont ponctuelles, d'autres structurelles. La procédure intégrée pour le logement, le géoportail de l'urbanisme et la réforme du contentieux de l'urbanisme marquent un net progrès vers plus de proximité, de simplicité et de réactivité de l'administration. C'est ce que nos concitoyens attendent et ce dont notre économie a besoin. Voilà un bel exemple du choc de simplification appelé de ses veux par le Président de la République.
Plusieurs points ont été précisés par les députés au cours des débats à l'Assemblée nationale, comme la possibilité de condamner au versement de dommages et intérêts l'auteur d'un recours abusif, le recentrage du régime du logement intermédiaire sur les zones denses, ou encore les précisions apportées sur les liens entre les organismes d'HLM et leur filiale dédiée au logement intermédiaire.
Quelques points appellent cependant des précisions supplémentaires.
Je vous propose un amendement pour préciser que les dérogations aux règles des PLU prévues pour densifier seront une faculté ouverte aux communes et non une obligation. Autant le préciser dans le texte, d'autant que la ministre l'a confirmé hier lors de son audition.
Également, à l'article 1er, la rédaction des alinéas 15 et 18 sur les dérogations en matière de gabarit, de densité ou d'obligation de stationnement prévues au 5° est obscure. Je vous proposerai une rédaction alternative mais seulement pour l'examen en séance publique compte tenu de la technicité du dispositif et des délais très brefs de l'examen du texte transmis par l'Assemblée nationale.
Il en va de même pour la fin de l'alinéa 22 qui prévoit que les personnes assurant la détermination effective de l'orientation de l'activité des filiales d'organisme d'HLM qui font du logement intermédiaire ne puissent assurer la détermination de l'orientation de l'activité au sein de l'organisme mère. Or, les membres du conseil d'administration de la filiale et de la maison mère sont forcément en partie les mêmes, puisqu'y figurent des représentants des collectivités locales. Je vous proposerai également la semaine prochaine une solution à ce problème.
Malgré ces quelques points secondaires encore en suspens, je vous propose d'adopter le texte modifié par le seul amendement en discussion.
M. Daniel Raoul, président. - L'Assemblée nationale a aussi adopté un article additionnel après l'article 4 pour reporter à 2018, un délai fixé initialement à 2013 autorisant le recours à la procédure de conception-réalisation par les organismes d'HLM, au cas où la loi Duflot II ne serait pas entrée en vigueur d'ici là. Elle a aussi adopté sans modification l'article 4 visant à sécuriser la procédure d'expropriation.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Il faut que les filiales d'organismes HLM chargées du logement intermédiaire s'occupent exclusivement de la gestion locative intermédiaire. C'est conforme à l'exposé des motifs du texte. La ministre Cécile Duflot a expliqué que le mécanisme du logement intermédiaire donnerait aux maires, dans les PLU, une capacité de négociation sur les charges foncières et favoriserait la mixité sociale. Donc le concept de logement intermédiaire inclut l'accession à prix abordables et la location intermédiaire.
En revanche, les structures qui construiront et géreront devront être séparées entre celles consacrées au locatif et celles consacrées à l'accession. Si une même entreprise a la possibilité de faire les deux, l'accession à prix modérée l'emportera sur l'accession sociale. En outre, ouvrir la porte aux grands opérateurs empêchera les petits promoteurs de se lancer sur le marché de l'accession sociale.
Mon amendement précisera ainsi que les filiales sont consacrées à la gestion locative intermédiaire.
Enfin, concernant la distinction entre les membres des conseils d'administration des filiales des organismes HLM et ceux de leur maison mère, il serait bon de prévoir une exception pour les représentants des collectivités territoriales, car tous représentent l'intérêt public.
M. Daniel Raoul, président. - J'avais soulevé ce problème hier lors de l'audition de la ministre. Il faut souligner qu'il s'agit des représentants des collectivités ; ils ne sont pas nommés intuitu personae. Une solution semble possible.
Mme Mireille Schurch. - Je salue le travail du rapporteur. Ce texte crée des dérogations aux règles du PLU. Un amendement précisera utilement qu'il s'agit d'une faculté, non d'une obligation ; mais déjà, certains maires n'utilisent pas les outils de densification autorisés par les PLU. Il est toujours délicat de légiférer en créant des dérogations : pourquoi ne pas modifier durablement les règles des PLU en zones denses ?
Un statut du logement intermédiaire a été créé car 1,7 millions de personnes attendent un logement social. Le texte facilite son développement mais je crains qu'il ne se substitue au logement social. L'urgence est de promouvoir le logement social et de l'élargir : je regrette donc l'absence d'article à ce sujet. La procédure proposée pour le logement intermédiaire aurait pu être étendue au logement social.
Au sein des organismes d'HLM, il faudra veiller à l'étanchéité entre les filiales. Les offices HLM risquent, en effet, d'être tentés de privilégier le logement intermédiaire, plus rentable et moins compliqué que le logement social. En filigrane se pose la question de l'aide à la pierre, que nous devrons réexaminer lors du projet de loi de finances.
M. Claude Dilain. - La crise actuelle du logement, même si ses effets sont différents selon les territoires, s'avère aussi grave que la crise des années cinquante, mais sa résolution est plus complexe. A l'époque, il a suffi de construire des immeubles au milieu des champs de betteraves ; aujourd'hui, si l'on ne veut ni densifier, ni construire sur les terres agricoles, il ne reste plus que la planète Mars ! Je me réjouis des mesures proposées, qui semblent nécessaires pour endiguer la crise. La loi Duflot I, ces ordonnances, la loi Duflot II et la loi sur les métropoles traduisent une politique cohérente du gouvernement qui bousculera, heureusement, certaines habitudes.
M. François Calvet. - Un mot sur la forme : le recours aux ordonnances me surprend : vous les aviez tellement critiquées sous le gouvernement précédent...Mais chacun sa croix !
Sur le fond, la crise du logement est générale : elle fragilise le tissu des entreprises familiales du BTP et menace bien des emplois. Il faut agir, l'urgence est là.
Le texte crée des dérogations aux documents d'urbanisme. Mais sur le terrain, les élus ont du mal à faire avancer les dossiers. Une circulaire permettrait de faire comprendre à l'administration qu'il est urgent d'agir.
Je m'abstiendrai sur ce projet de loi : je suis hostile au recours aux ordonnances mais ce texte répond à une impérieuse nécessité : il faut débloquer ces programmes immobiliers qui attendent ; ils sont nombreux dans mon département !
M. Marc Daunis. - J'adresse un sincère salut au rapporteur, qui a effectué un remarquable travail. J'approuve les propos de Claude Dilain. François Calvet, puisque nous faisons face à une « impérieuse nécessité », répondons-y par un mouvement impétueux et soutenons tous ensemble le texte. De nombreuses opérations se fondent sur le modèle : un tiers de logement social, un tiers d'accession sociale à la propriété et un tiers de logements dits libres. D'après certains, ce derniers tiers est indispensable pour amortir le prix du foncier et respecter les plafonds d'attributions ; fort bien. Non, justement ! Car dans les territoires où le logement est très tendu, Marie-Noëlle Lienemann en conviendra, le bailleur social doit être porteur du projet ; actuellement, on l'oblige à enfourcher le porte-bagages d'un promoteur pour bâtir du logement intermédiaire qui est, pour nous, vital.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je connais bien ce problème.
M. Marc Daunis. - Avec le système des trois tiers, il est sûr et certain que des appartements seront convertis en résidences secondaires.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Mais non !
M. Marc Daunis. - Mais si, puisqu'il y a du logement libre ! Seuls le logement intermédiaire et l'accession sociale à la propriété garantissent la maîtrise du peuplement et de l'économie globale du projet.
Voilà pourquoi je plaide pour ménager une possibilité dans l'ordonnance, quitte à rectifier le tir dans la future loi sur le logement si nous constatons des abus.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Autrement dit, vous approuvez le dispositif prévu dans l'ordonnance.
M. Marc Daunis. - Absolument ! Il est d'autant plus important que nous disposerons ainsi de recul lorsque nous examinerons la loi sur le logement pour éventuellement le rectifier.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je ne suis pas d'accord avec ce raisonnement.
M. Michel Houel. - Un merci sincère au rapporteur. J'approuve les dérogations au PLU, mais il aurait fallu prendre en compte les places de parking. Essayer de reconstruire la ville sur la ville aboutit à un résultat catastrophique, je le vois bien à Condé-Sainte-Libiaire.
Qu'en est-il des obligations imposées dans les ZPPAUP ? Je connais bien le sujet car ma commune en compte une dont le périmètre est vaste. Quoi qu'il en soit, j'espère en revanche que les dérogations ne vaudront pas pour les zones d'inondation, nombreuses en Île-de-France.
Les recours ? Ils sont sincères s'ils sont déposés par des voisins immédiats. Au-delà d'un rayon de 5 à 10 km, ils deviennent abusifs. En Île-de-France, certaines personnes en vivent ; il faut le savoir : le retrait d'un recours se négocie entre 50 000 et 100 000 euros. Je comptais d'ailleurs porter une proposition de loi pour régler cette question.
Je reviens sur les places de parking, que nous devons systématiquement prévoir quand nous construisons des logements. Dans mon PLU, je demande deux places pour un studio. Prenez un couple de jeunes pacsés : chacun a sa voiture.
Cela étant dit, cela ne me gêne pas, a priori, de voter ce texte.
M. Jean-Jacques Mirassou. - A mon tour de remercier le rapporteur pour la grande qualité de son travail. Remettons les choses en perspective : ce texte se situe à l'intersection de Duflot I et de Duflot II et doit permettre de gagner du temps. Pour autant, il y a des problématiques de fond dont j'ai la faiblesse de penser qu'elles seront traitées dans Duflot II.
J'ai passé trente ans de ma vie à prendre des ordonnances. Elles se justifient par l'urgence et, en l'espèce, il y a urgence ; nous sommes tous d'accord sur le diagnostic. Nous gagnerons un an ou deux, ce qui est loin d'être négligeable quand la crise du logement frappe à la porte de toutes les communes de France et de Navarre. Donc, oui aux ordonnances. En revanche, je m'inscris en faux contre ceux qui se livrent à de singulières extrapolations : l'ordonnance ne se substitue pas à un texte pérenne, restons fidèles à son esprit.
M. Martial Bourquin. - Le rapporteur a légitimement mis en exergue trois points forts du texte, à commencer par la PIL. Une clarification, notamment des procédures d'urgence, s'impose pour réduire le stock de logements en attente que nous avons accumulé à cause des recours, des problèmes d'urbanisme et des modifications de ZPPAUP. Un exemple parmi d'autres. Je veux construire un éco-quartier de 100 habitations à Audincourt. Eh bien, le projet est reporté d'un an et demi, voire deux ans, parce qu'on a découvert 2 000 chauves-souris en raison des obligations du Grenelle II. Pourtant, le projet est situé à 10 mètres de la forêt. La PLI ne signifie pas que l'on négligera la protection de l'environnement, bien au contraire.
Le géo-portail sur l'urbanisme constitue une très bonne mesure, la ministre nous a rassurés sur son coût hier. L'Allemagne a perdu 500 000 habitants quand nous en gagnons 5 millions. Plus la démographie est galopante, plus nous avons besoin de logements. Dans quelques années, la population nette de la France sera plus élevée que celle de l'Allemagne.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Tant mieux !
M. Martial Bourquin. - Il était question de prix tout à l'heure. Alors, donnons-les : le mètre carré coûte 1 300 euros en moyenne en Allemagne, contre 3 800 en France. Pourquoi ? Parce qu'il est rare, parce qu'il y a de la spéculation. Les ordonnances, quoique nous ayons tous des réserves sur leur utilisation, sont bonnes parce qu'elles comportent des mesures anti-spéculatives. Il est plus que temps d'agir : je connais des entreprises du bâtiment qui font les salaires au mois le mois. Ce texte, s'il ne règle pas tout, déblayera le terrain.
M. Joël Labbé. - Mes oreilles ont sifflé quand Martial Bourquin a parlé des chauves-souris. Regardons les choses de manière globale, et pas seulement environnementalistes. L'épandage de certains produits est plus nocif pour les chauves-souris que la construction de logements.
Le logement intermédiaire, qui facilite les montages financiers et, donc, la recherche de l'équilibre économique, contribue à la réalisation de logements sociaux. Il représente une véritable avancée.
M. Daniel Raoul, président. - Au sujet du foncier, qu'a évoqué Martial Bourquin, je compte déposer un amendement en loi de finances, que nous avions proposé avec Thierry Repentin, pour taxer le prix de vente, comme le font les pays nordiques, plutôt que de s'amuser à calculer les plus-values. Ce serait bien plus simple et, je vous le promets, cela libérera des terrains.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Je pense à faire cette proposition depuis longtemps ; j'en ai discuté avec Marie-Noëlle Lienemann.
M. Martial Bourquin. - Il faudrait aussi se pencher sur la taxation du foncier non bâti !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Merci pour vos félicitations que je dois partager avec les administrateurs de notre commission.
Marie-Noëlle Lienemann veut ajouter le terme « locatif » pour caractériser le logement intermédiaire...
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - ...sur la partie filiale !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - ...auquel nous venons de consacrer nos débats. Le logement intermédiaire, qui figurera dans le PLH et peut-être dans le SCOT, est bienvenu ; parce qu'il correspond à une vraie demande entre le social et le résidentiel libre, il offre un vrai parcours au locataire jusqu'à la propriété à un prix accessible à tous. Nous réfléchirons également à la proposition de Marie-Noëlle Lienemann sur les collectivités territoriales à l'alinéa 22. Il faut éviter toute ambiguïté sur la représentativité des collectivités territoriales au sein de la filiale et de la maison-mère.
Je veux rassurer Mireille Schurch : les dérogations aux règles du PLU sont extrêmement circonscrites. Vous voulez changer la loi, mais nous ne pouvons pas le faire à l'occasion de ce texte ; attendons la prochaine loi sur le logement annoncée pour cet été.
Le logement intermédiaire, à mes yeux, n'entre pas en concurrence avec les logements qui bénéficient du PLS. En fait, tout dépend de l'endroit d'où l'on parle. Moi, je suis sénateur de la Dordogne ; à Périgueux, 80% des habitants peuvent prétendre à un logement social. La situation est différente dans les zones très tendues. Sans faire de prosélytisme, rappelons les mesures prises sous l'impulsion du Président de la République en faveur du logement social, comme l'augmentation de l'aide à la pierre. Bien sûr, ce n'est jamais assez ; mais l'effort est important.
Concernant l'étanchéité, le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale est clair.
Claude Dilain a raison : ces mesures vont bousculer nos habitudes, mais il faut trouver une solution avant de construire sur Mars.
Je remercie François Calvet de son intervention. Nos sensibilités politiques divergent, certes ; mais nous sommes tous des sénateurs ancrés dans nos territoires. Nous savons de quoi nous parlons pour être ou avoir été maire, conseiller municipal, général ou régional. La remarque qu'il a faite à la ministre hier était de bon sens : il faudra alerter les préfets pour éviter une mauvaise interprétation de l'ordonnance. La PIL permet de regrouper les procédures sans rien perdre des exigences sur le respect de l'environnement.
Pour les entreprises du bâtiment, nous avons demandé et obtenu une TVA de 5% appliquée à la rénovation et à la construction de logements sociaux. Les acteurs veulent plus tout en se satisfaisant de cette mesure qui leur apportera du chiffre d'affaires.
Michel Houel a évoqué les ZPPAUP pour lesquelles il n'est pas prévu de dérogations. Nous avons également parlé des plans de protection contre les risques d'inondation et des PPRN. J'ai défendu la création d'une ZPPAUP dans ma commune de manière très volontariste ; je m'en suis mordu les doigts ensuite car elle limite considérablement les projets de construction... L'intérêt est que la modification interviendra dans les mêmes délais que le PLU, ce qui nous fera gagner du temps.
Jean-Jacques Mirassou, grand praticien de l'ordonnance, a parlé vrai.
Martial Bourquin a démontré de manière convaincante, en prenant les exemples de la PIL, du géo-portail et de la relance, les avantages à légiférer par ordonnance.
Joël Labbé partage mon point de vue sur le logement intermédiaire, je m'en réjouis.
M. Daniel Raoul, président. - La possibilité de voir des logements intermédiaires se transformer en résidences secondaires n'existe pas ; la procédure est très encadrée.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Vrai !
M. Daniel Raoul, président. - Au bout de deux ou trois ans, cela peut néanmoins arriver mais ce sont des faits individuels. Dans les Alpes-Maritimes, un département cher à Marc Daunis, la tendance à la résidence secondaire est forte. J'ai entendu dire que certains installaient des locataires, voire les payaient, pour disposer, à terme, d'une résidence secondaire.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Le risque existe, que l'opérateur soit public ou privé. Les quartiers mono-acteurs ne sont jamais une bonne chose surtout lorsqu'ils sont signifiants. Le danger, c'est la banalisation ; Bruxelles risque de mettre en cause les avantages acquis aux HLM. En tout cas, le logement intermédiaire facilite l'accession sociale et la régulation des prix.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Par l'amendement n° 1, je traduis à l'alinéa 13 de l'article 1er du projet de loi l'engagement pris par la ministre hier : faciliter les projets de construction de logements en utilisant des dérogations est une faculté pour les collectivités non une obligation.
Je proposerai d'autres amendements en vue de la séance publique pour consolider les alinéas 15, 18 et 22 de l'article 1er que l'Assemblée nationale a modifiés nuitamment après avoir trouvé un consensus avec les députés de l'opposition.
M. Michel Houel. - Raison pour laquelle ils sont bons !
M. François Calvet. - D'accord.
M. Daniel Raoul, président. - Il faut faire de la pédagogie ; chacun doit comprendre ce qu'il y a derrière ces alinéas adoptés rapidement. C'est le cas de celui sur la gouvernance qui résulte d'un compromis avec M. Benoît Apparu.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. - Nous pouvons trouver un autre compromis.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'article premier est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les articles 2, 3, 4 et 5 sont adoptés sans modification.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Joël Labbé. - Décidément, on en apprend tous les jours. Hier, j'ai compris que le dispositif Duflot, parce qu'il était fiscal, dépendait de Bercy. Or les communes dans les zones B2 qui ne seront pas retenues, seront doublement victimes puisque les investisseurs leur préféreront les communes voisines. Je compte déposer un amendement dans le collectif budgétaire, s'il y en a un, ou dans la prochaine loi de finances pour proposer une éligibilité par opération plutôt que par commune. Nous éviterons ainsi toute discrimination.