Mardi 5 février 2013
- Présidence de M. Philippe Marini, président -Compte rendu de la réunion du bureau de la commission et programme de contrôle pour 2013 - Communication de M. Philippe Marini, président
La commission entend une communication de M. Philippe Marini, président, sur la réunion du bureau du 22 janvier et sur le programme de contrôle des rapporteurs spéciaux pour 2013.
M. Philippe Marini, président. - La réunion du bureau a été l'occasion de faire le point sur nos travaux législatifs. Après avoir examiné, la semaine dernière, le rapport de Michèle André sur les conventions fiscales avec Aruba et Oman et entendu, ce jour, le rapport pour avis de Marie-Hélène Des Esgaulx sur le projet de loi sur les transports, notre commission se penchera sur la proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable - dont l'examen en séance s'achèvera le 28 février -, sur le projet de loi bancaire, dont le rapporteur sera Richard Yung, et sur la loi de règlement.
Une loi sur l'épargne est annoncée et nous ignorons la date d'examen du prochain collectif budgétaire. En revanche, nous savons qu'au cours de la première quinzaine d'avril, la commission sera saisie du projet de programme de stabilité et de programme national de réforme avant leur transmission à la Commission européenne. Enfin, il nous faudra sans doute nous saisir pour avis du projet de loi de décentralisation, du projet de loi de programmation militaire et du projet de loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.
La commission devra aussi continuer à organiser des auditions de façon soutenue. Demain, nous entendrons le ministre du budget sur l'exécution de 2012, puis deux réunions seront consacrées à la loi bancaire, celle du 20 février avec des auditions sur la gestion des faillites bancaires et celle du 20 mars au cours de laquelle le ministre des finances nous présentera le projet de loi. Le 20 février, nous entendrons aussi Pascal Saint-Amans, directeur du centre de politique et d'administration fiscales de l'OCDE, sur la fiscalité écologique et celle des firmes multinationales suite aux travaux du G20 des ministres des finances. Autre point à l'ordre du jour de notre commission le 20 mars : la désormais traditionnelle audition de printemps du commissaire général à l'investissement, M. Louis Gallois, sur la mise en oeuvre du programme d'investissements d'avenir. Elle sera suivie, le 27 mars, d'une audition du commissaire aux participations de l'Etat consacrée à la politique de l'Etat actionnaire.
Nous entendrons le Premier président de la Cour des comptes non seulement sur la certification des comptes de 2012 fin mai et sur les orientations budgétaires pour 2014 fin juin mais aussi, pour la première fois cette année, à l'occasion d'une audition consacrée au rapport public annuel de la Cour ; ce sera le 27 février, le rapport étant remis solennellement en séance le 13 février. Nous avons aussi arrêté le principe d'une audition de la ministre chargée du logement, compte tenu du nombre important de sujets financiers dont elle est saisie et pour faire suite aux travaux du groupe de travail présidé par François Marc sur l'ex-Crédit immobilier de France.
Le bureau a décidé d'effectuer son voyage annuel aux Etats-Unis pour y étudier la situation budgétaire et fiscale, tant de l'Etat fédéral que des Etats fédérés. Quant au séminaire de la commission il se tiendra, à l'invitation de notre collègue Claude Haut, en Avignon. Il sera l'occasion d'évoquer nos méthodes de travail - notamment la mise en oeuvre de l'article 40 - et d'étudier sur place la mise en oeuvre de politiques publiques.
M. Marc Massion. - Il conviendrait d'éviter que le séminaire se tienne le 19 mars, qui est désormais une journée nationale commémorative au cours de laquelle nous sommes invités à de nombreuses manifestations.
M. Philippe Marini, président. - Nous allons tâcher d'en tenir compte.
Venons-en maintenant au second point de cette communication qui portera sur l'activité de contrôle budgétaire de notre commission.
M. Philippe Marini, président. - Grâce aux rapporteurs spéciaux, et malgré une année électorale chargée, le bilan des travaux de contrôle en 2012 est important, aussi bien en termes quantitatifs que qualitatifs. Sur les 33 contrôles - dont 6 enquêtes demandées à la Cour des comptes - annoncés en début d'année, 22 ont été achevés donnant lieu à 12 rapports d'information et à 10 insertions ou développements particuliers intégrés dans vos rapports budgétaires. Ces documents ont donné lieu à diverses formes de publicité : communications en commission, communiqués de presse et auditions pour suite à donner en ce qui concerne les enquêtes dites 58-2°.
Trois sujets n'ont pas abouti, soit parce que les contrôles n'ont pu être conduits, soit faute de matière au vu des premières investigations. Six contrôles ont été reportés ou se poursuivent en 2013, tandis que deux enquêtes demandées à la Cour des comptes, au titre de 2012, étaient dès l'origine, programmées pour l'année en cours. De plus, le rapporteur général et moi-même avons conduit et présenté à la commission nos travaux portant respectivement sur le Crédit immobilier de France et sur la fiscalité numérique.
Ce bilan est tout aussi remarquable lorsque l'on examine les suites données à ces travaux en séance publique. Certains contrôles ont alimenté les débats du Sénat et donné lieu à l'adoption de dispositions législatives. Les travaux de nos collègues François Marc et Pierre Jarlier sur le bilan de l'expérimentation de la révision des valeurs locatives professionnelles et commerciales ont ainsi abouti à un vote en loi de finances rectificative pour 2012, tandis que l'enquête au titre de l'article 58-2° sur le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et le contrôle de nos collègues Georges Patient et Eric Doligé sur la défiscalisation du logement social en outre-mer ont tous deux été exploités lors de la discussion de la loi de finances initiale pour 2013.
Des marges de progression demeurent toutefois en ce qui concerne la communication de l'ensemble de ces contrôles. Nous avons mené à bien le même nombre de contrôles qu'en 2011 mais réalisé trois rapports d'information et trois communiqués de presse de moins. En outre, seulement deux rencontres de presse ont été organisées l'an dernier contre trois en 2011. Il faudra faire mieux cette année et le prochain séminaire d'Avignon nous donnera l'occasion d'en discuter. Il est bon de bien faire mais il est encore mieux de le faire savoir.
Le programme des contrôles pour 2013 comporte 33 sujets - autant que l'an dernier - dont 7 enquêtes au titre de l'article 58-2° programmées sur les années 2013 et 2014 ; cet étalement du calendrier des enquêtes de la Cour des comptes permettra de mieux les mettre en valeur. Nous devrions enfin effectuer un bilan des cinq années passées du contrôle budgétaire pour en faire un retour d'expérience. Cet exercice, auquel nous nous étions déjà prêtés sous la présidence de Jean Arthuis, est riche d'enseignements et permet parfois de retrouver une certaine cohérence. Je vous soumets la liste des travaux prévus qui fera l'objet d'une large publicité auprès des médias, des autres commissions permanentes du Sénat, de l'Assemblée nationale et de la Cour des comptes.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial. - La commission des finances pourrait s'intéresser à la réforme des rythmes scolaires et à ses conséquences financières pour les communes, question qui préoccupe les élus locaux comme j'ai pu le constater avec l'association des maires de mon département. Ce sujet ne pourrait-il pas être examiné par notre rapporteur spécial chargé des relations entre l'Etat et les collectivités territoriales ou au sein d'un groupe de travail ?
M. Philippe Marini, président. - Les travaux de contrôle portent généralement sur les dispositifs déjà en place en place ; en revanche, l'examen du texte sur la décentralisation et de celui sur l'école nous donneront l'occasion d'aborder la question des rythmes scolaires.
M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. - Je parle sous le contrôle de Marc Massion ; nous prévoyons de contrôler les 7 à 8 % du budget européen consacrés aux dépenses administratives de l'Union...
M. Philippe Marini, président. - Soit tout de même 60 milliards d'euros.
M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. - Au delà de ces dépenses, qui représentent en quelque sorte la part du croupier, nous souhaiterions nous intéresser aussi aux ressources propres de l'Union européenne.
M. Marc Massion, rapporteur spécial. - J'en suis d'accord.
M. Philippe Marini, président. - La portée de votre saisine sera donc étendue en conséquence.
M. Jean-Paul Emorine, rapporteur spécial. - N'y aurait-il pas aussi des points à approfondir dans les domaines couverts par le rapport spécial sur les pouvoirs publics ?
M. Philippe Marini, président. - Vous pourriez développer un point en particulier dans votre rapport ou l'ajouter à la liste des thèmes de contrôle.
M. Richard Yung, rapporteur spécial. - Je souhaiterais pour ma part travailler sur la question des mises à disposition de personnels enseignants dans les établissements à l'étranger.
M. André Ferrand, rapporteur spécial. - Le contrôle prévu sur le secteur agroalimentaire pourrait-il être étendu à la filière bois qui présente un potentiel économique considérable ?
M. Philippe Marini, président. - Surtout depuis que l'on sait que les troncs sont expédiés en Chine avant toute transformation.
M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. - C'est aussi vrai pour le granit.
M. Philippe Marini, président. - Oui, mais dans le cas du bois, ces pratiques sont encouragées par l'office national des forêts (ONF), ce qui pose tout de même question. M. Botrel, seriez-vous hostile à une telle extension du champ du contrôle ?
M. Yannick Botrel, rapporteur spécial. - Nullement, Monsieur le Président.
M. François Trucy, rapporteur spécial. - Merci au bureau d'avoir marqué son intérêt pour les services historiques de la défense qui, comme je le constate avec Yves Krattinger, ont numérisé des pans entiers de l'histoire de la France et des Français.
M. Philippe Marini, président. - Vous en savez quelque chose puisqu'en tant qu'auteur, vous êtes allé puiser dans les archives.
M. François Trucy, rapporteur spécial. - Le travail remarquable accompli par les services mérite d'être reconnu.
M. Philippe Marini, président. - Notre programme de contrôle pour 2013 est donc arrêté avec les modifications dont nous sommes convenus.
La commission donne acte de sa communication au président et adopte le programme de contrôle des rapporteurs spéciaux pour 2013, dont la teneur suit :
Infrastructures et services de transports - Examen du rapport pour avis
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 260 (2012-2013), portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. - Je voudrais remercier la commission d'avoir confié ce rapport législatif à son rapporteur spécial.
Notre commission a décidé de se saisir de l'article 7 du projet de loi, qui organise la répercussion de l'éco-taxe poids lourds. Cet article n'entre pas dans le champ des lois de finances car il ne modifie ni le taux, ni l'assiette, ni les modalités de recouvrement de l'éco-taxe.
Seulement, pour que cette taxe soit véritablement écologique, il faut qu'elle soit facturée au véritable bénéficiaire de la route qui n'est pas le transporteur, mais son client, le chargeur. C'est ce que l'on a appelé la « répercussion », qui n'est que la traduction du principe « pollueur-payeur ».
L'éco-taxe, dont l'entrée en vigueur théorique est fixée au 20 juillet, c'est aussi un enjeu financier de près d'1,2 milliard d'euros pour l'Etat et les collectivités territoriales. Elle s'appuie sur un mode de recouvrement entièrement nouveau et automatisé. A bien des égards, c'est une taxe du XXIe siècle !
L'éco-taxe française s'inscrit dans le cadre européen de « Eurovignette », dont l'objectif est de supprimer les distorsions de concurrence entre les transporteurs des différents pays. Elle fait figure de précurseur des exigences européennes les plus récentes, notamment en matière environnementale. La Commission européenne observe néanmoins de près sa mise en oeuvre et veille à ce qu'elle ne se révèle pas désavantageuse pour les transporteurs étrangers. Ce point est très important pour l'organisation du recouvrement.
Ce type de taxes se propage par capillarité dans toute l'Union européenne.
Ainsi, depuis le 1er janvier 2005, l'Allemagne applique une taxe poids lourds sur son réseau autoroutier. Quasi-immédiatement, plusieurs milliers de poids lourds se sont reportés sur le réseau routier alsacien et en particulier, sur l'axe Nord-Sud (A 35), établi en parallèle d'une autoroute allemande et qui est gratuit.
Notre ancien collègue député Yves Bur avait donc proposé la mise en oeuvre d'une taxe expérimentale limitée à l'Alsace, équivalente à la taxe allemande, afin de mettre fin à ce report de trafic. Elle a été votée début 2006. Seulement, il est rapidement apparu que la taxe alsacienne ne suffirait pas à traiter un problème plus vaste.
Le Grenelle de l'Environnement a donc décidé d'élargir l'éco-taxe à l'ensemble du réseau routier national non concédé. Cette disposition est inscrite dans le projet de loi de programmation « Grenelle I » et traduite par l'article 153 de la loi de finances pour 2009.
L'éco-taxe poursuit quatre objectifs :
- assurer la couverture des coûts d'usage du réseau routier, qui s'opère par le paiement de la taxe proprement dit ;
- réduire les impacts environnementaux du trafic routier de marchandises, en réduisant la demande de transport routier ; c'est l'objet de la répercussion ;
- financer la politique de développement intermodal des transports ;
- et dégager de nouvelles ressources pour financer les infrastructures.
Ces deux derniers points relèvent de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) à laquelle l'éco-taxe est affectée.
L'assiette de la taxe sera le nombre de kilomètres parcourus sur le réseau routier concerné par un poids lourd de plus de 3,5 tonnes - contre 12 tonnes en Allemagne - , à laquelle un taux moyen de 12 centimes d'euro par kilomètre sera appliqué. Le recouvrement de la taxe constitue le principal défi puisqu'il doit s'effectuer sur un réseau de 15 000 kilomètres parcourus par 800 000 poids lourds dont 250 000 véhicules étrangers. Outre les transporteurs, seront également redevables de la taxe ceux qui transportent des marchandises pour eux-mêmes - les « comptes propres » - dont, mes chers collègues, les collectivités territoriales peuvent faire partie.
La carte du réseau taxable - 10 000 kilomètres de réseau national non concédé en métropole et après accord des collectivités, 5 000 kilomètres de routes locales - figure sur le site du ministère de l'écologie. Quant au barème définissant le taux de la taxe, il obéit à plusieurs critères : le poids des véhicules, leur nombre d'essieux et leur caractère plus ou moins polluant défini par les normes EURO. A ce jour, elles vont de EURO 0 à EURO VI. La majorité de la flotte est constituée plutôt par des camions EURO V et à compter du 1er janvier 2014, tous les véhicules neufs obéiront à la norme EURO VI. Le Gouvernement devrait proposer de ne pas pénaliser la norme EURO IV car elle est encore fortement représentée parmi les PME, qui renouvellent moins régulièrement leur flotte.
Si le taux moyen s'établit à 12 centimes d'euro par kilomètre, ce chiffre varie de 6,8 à 19,6 centimes. Enfin les poids lourds circulant en Bretagne ainsi qu'en Aquitaine et Midi-Pyrénées bénéficient de réductions respectives de 40 % et 25 %, du fait du caractère périphérique de ces régions.
Compte tenu de l'étendue du réseau, le recouvrement est automatisé, chaque véhicule devant disposer d'un équipement embarqué permettant un suivi par satellite. Les informations seront ensuite transmises à un centre de traitement des données qui liquidera l'impôt auprès du transporteur. 173 points de contrôles fixes et 130 bornes déplaçables seront installés et les agents des douanes et des forces de l'ordre seront dotés de boîtiers de contrôle comparables à ceux utilisés pour le contrôle de la vitesse.
La complexité des systèmes nécessaires au traitement des données a conduit l'Etat à recourir à un prestataire privé. L'appel d'offres a été remporté par la société italienne Autostrade per l'Italia associée à Thales, SFR, Steria et à la SNCF au sein du consortium Ecomouv'. Le contrat de partenariat avec l'Etat a été signé pour une durée de 13 ans et 3 mois, dont 21 mois de déploiement et 11,5 années d'exploitation.
Il confie au prestataire le financement, la conception, la réalisation, l'exploitation et la maintenance de l'ensemble des équipements de recouvrement et de contrôle, la formation des agents de l'Etat, l'information des redevables français et étrangers ainsi que la responsabilité de la bonne diffusion des équipements embarqués, accessibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 sur n'importe quel point du territoire et disponibles dans 420 points de distribution en France et à l'étranger. Le centre d'appels d'Ecomouv', installé à Metz prendra des communications dans six langues et la distribution des boîtiers pourra également être assurée par des sociétés habilitées de télépéage (SHT) afin - à la différence de l'Allemagne - de favoriser l'interopérabilité des systèmes des différents pays européens. Les transporteurs bénéficieront d'un abattement d'éco-taxe de 10 %, s'ils recourent à une SHT puisque cette dernière portera le risque financier du paiement de la taxe en lieu et place d'Ecomouv'. On estime que 70 % à 80 % des transporteurs devraient s'abonner ainsi.
L'Etat n'a cependant pas abandonné ses prérogatives puisque le prestataire est soumis au contrôle étroit de la direction générale des douanes. Ecomouv' a ainsi reçu une « commission » - c'est le terme utilisé par la loi - de la part de l'Etat.
Pour mener à bien sa mission de contrôle et d'audit du prestataire, la direction générale des douanes a créé un service dédié, le service taxe poids lourds (STPL), également installé à Metz qui emploie environ 130 agents. En particulier, seul le STPL aura la possibilité d'engager une transaction ou l'exécution d'un recouvrement forcé. La sanction d'un manquement sera juridiquement effectuée par la Douane, quand bien même ledit manquement serait relevé par les systèmes informatiques d'Ecomouv'.
Sur le terrain, la douane sera également en première ligne pour effectuer les contrôles des transporteurs et assurer la crédibilité de la taxe.
Si Ecomouv' doit être prêt à collecter la taxe le 20 juillet 2013, la date effective de mise en service sera fixée sur décision ministérielle. Quant à l'expérimentation alsacienne, elle n'a jamais été formellement abandonnée et devait voir le jour trois mois avant l'éco-taxe nationale. J'estime, comme l'ensemble des interlocuteurs que j'ai pu rencontrer, qu'elle n'a désormais plus de sens et que l'entrée en vigueur du dispositif devrait plutôt être précédée d'une expérimentation nationale à blanc, c'est-à-dire sans perception de la taxe, qui pourrait débuter au mois de juin.
Autre argument en faveur de l'abandon de la taxe alsacienne, la taxe nationale devrait elle-même faire l'objet d'un report de quelques semaines comme Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, l'a clairement laissé entendre lors de son audition devant la commission du développement durable la semaine dernière. Les professionnels préfèrent notamment que le dispositif ne soit pas instauré pendant la période estivale et le ministre ne souhaite pas mettre en place un service qui ne soit pas absolument sûr. J'ai pu lire dans la presse que le lancement pourrait être repoussé au 1er octobre. Ce serait un bon compromis qui priverait cependant l'AFITF d'une partie de ses recettes. En effet, pour l'Agence qui devrait percevoir en année pleine 760 millions d'euros - sur une recette totale de 1,2 milliard d'euros - le report au 1er octobre établirait la recette pour 2013 à environ 70 millions d'euros contre les 235 millions d'euros initialement prévus.
Par ailleurs, 160 millions d'euros seront reversés aux collectivités territoriales et 280 millions d'euros, dont au 50 millions au titre de la TVA, à Ecomouv'.
La rémunération du prestataire est élevée : environ 20 % de la taxe collectée. J'estime cependant que ce choix était opportun, compte tenu de l'ampleur de l'opération. L'entreprise sélectionnée à l'issue d'un appel d'offres dans lequel le coût a constitué un critère important, est soumise à nombre élevé d'obligations et a déjà réalisé plusieurs centaines de millions d'euros d'investissements alors que l'Etat n'a pas encore déboursé un centime.
J'en viens maintenant au problème de la répercussion de l'éco-taxe du transporteur vers le chargeur. Elle ne traduit pas seulement un élément essentiel du caractère écologique de la taxe, elle répond aussi à une nécessité économique, compte tenu de la faiblesse du secteur du transport routier, dont la marge nette se situe autour de 1,5 %.
Si son principe est simple à énoncer, son application pratique demeure un casse-tête plus de quatre ans après le vote de la loi de finances pour 2009. Le prix d'une prestation de transport tient en réalité fort peu à l'itinéraire emprunté, puisqu'un poids lourd peut emporter des marchandises pour le compte de plusieurs chargeurs, s'arrêter en cours de route pour charger ou décharger ou encore revenir à vide.
Les conditions dans lesquelles s'effectue le transport routier rendent quasiment impossible une répercussion à l'euro près de l'éco-taxe acquittée. Le système est donc complexe : l'éco-taxe porte sur le réel et la répercussion est forfaitaire. Or, le forfait est une source d'iniquité, soit que le transporteur répercute plus qu'il ne paye, soit l'inverse.
Le précédent gouvernement avait proposé, par un décret du 4 mai 2012, publié le 6 mai 2012, des modalités de répercussion. Ce système a été unanimement critiqué à la fois par les transporteurs, car trop complexe, et par les chargeurs, qui l'ont même attaqué devant le Conseil d'Etat. Pour ces derniers, il présentait l'inconvénient de ne leur offrir aucune visibilité a priori sur le coût de la répercussion.
Le décret sera abrogé à compter du vote de l'article 7 du projet de loi, qui établit la répercussion sur des bases différentes. Le transporteur appliquera un taux de majoration au prix hors taxes de la prestation de transport. Ce taux, défini par arrêté ministériel, sera fonction de la région de chargement et de déchargement, et calculé en fonction de la densité du réseau taxable dans chaque région.
Il existe donc vingt-deux taux régionaux, pour les cas où le poids lourd se déplace à l'intérieur d'une seule région, et un taux national, de l'ordre de 4,4 %.
Le nouveau système est mieux accueilli par les transporteurs, qui sont rassurés par ce cadre légal, simple et dont les taux de majoration prennent en compte les charges administratives induites par l'éco-taxe, comme la formation du personnel ou l'adaptation des logiciels. Ils trouvent le taux national de 4,4 % peu élevé et proposent de retenir 5,1 % ou 5,2 % pour mieux tenir compte de leurs frais de gestion.
Il est vrai que cette majoration de prix est problématique. Ainsi, le taux de la Lorraine sera de 5,3 % et celui de l'Alsace de 6,3 %, mais un transport entre les deux régions se verra appliquer le taux national de 4,4 %. A l'intérieur même d'une région, le réseau taxable est plus ou moins dense selon les départements.
Cependant, à la lumière des propositions faites auparavant, c'est probablement le système le moins mauvais de tous, car c'est le plus opérationnel, et ses imperfections sont le prix à payer pour sa simplicité et sa facilité d'utilisation.
Le taux de majoration n'a pas vocation à reproduire fidèlement l'éco-taxe poids lourds acquittée par le transporteur. Le Gouvernement ne parle d'ailleurs plus de répercussion mais de majoration de prix. Ce glissement sémantique montre que la majoration de prix est en partie déconnectée de l'éco-taxe payée par le transporteur.
En outre, les transporteurs sont lucides : ils savent bien que la majoration de prix n'éliminera pas la discussion commerciale. L'éco-taxe oblige chargeurs et transporteurs à trouver un nouvel équilibre dans leurs relations financières. Dans ce cadre, la négociation commerciale gardera toute sa place. Néanmoins, les transporteurs estiment que la loi les protège et leur donne une arme supplémentaire dans le cadre d'un rapport de forces parfois tendu.
Je préconise d'établir une commission nationale de suivi, à l'image de celle que prévoyait le décret de mai 2012, et de mettre à disposition des transporteurs un outil Internet de simulation de l'éco-taxe acquittée sur un parcours, permettant d'objectiver la discussion entre transporteurs et chargeurs.
Enfin, au lieu d'instaurer la taxe poids lourds en Alsace dès le 20 avril, je suggère la mise en place d'une expérimentation à blanc, c'est-à-dire sans paiement de la taxe, à l'échelle nationale.
M. Philippe Marini, président. - Ce travail approfondi mené en si peu de temps montre l'étendue de votre implication. Comptez-vous présenter des amendements ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. - Non.
M. François Marc, rapporteur général. - Nous vous remercions d'avoir réussi à nous faire partager votre passion. Voilà la première taxe à emprunter le chemin de la fiscalité écologique, après une réflexion engagée depuis plusieurs années. Nous avions à l'esprit les nombreuses difficultés qu'elle était susceptible de poser, notamment du point de vue de l'harmonisation européenne, ou du coût de recouvrement. Les études d'impact évaluent à 7,8 % du montant estimé de la taxe les frais de gestion, soit 48 millions d'euros. Jean Arthuis évoquait un taux de 7 % à 8 % en Europe : le nôtre est donc raisonnable. Le système proposé semble plus prudent que celui présenté précédemment.
Je souscris à la proposition d'un suivi. La taxe va entraîner un coût supplémentaire pour les chargeurs et, selon les régions, le taux ne sera pas le même. Même si un dispositif savant est destiné à équilibrer le dispositif, les taux varieront entre 1,9 % et 6,1 %, pour l'Ile-de-France. A 12 centimes le kilomètre en moyenne, les zones excentrées seront pénalisées, ce qui explique le traitement particulier de la Bretagne, de Midi-Pyréenées et de l'Aquitaine. Pour ceux qui l'ignoreraient, chaque fois qu'un Breton se rend à Munich pour vendre ses légumes, il parcourt 1 500 kilomètres...
Le comité de suivi est une absolue nécessité pour faciliter des ajustements. Quant à l'outil de simulation, c'est également une excellente idée.
Notre commission des finances peut suivre la volonté de simplification du Gouvernement, même si cela sera sans doute douloureux. Depuis quelques jours, certaines organisations professionnelles se manifestent. Cependant, chacun est conscient des enjeux de la fiscalité écologique, puisqu'il s'agit de modifier les comportements des chargeurs vis-à-vis du transport.
M. Philippe Marini, président. - Les améliorations proposées - comité national de suivi, outil Internet de simulation, suppression de la taxe alsacienne - ne nécessitent-elles pas d'amendements au texte ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. - Non
M. Jean-Vincent Placé. - Le sujet est débattu depuis longtemps. Malgré la directive européenne, le gouvernement précédent, notamment Jean-Louis Borloo, avait reporté son application. Cela est d'autant plus regrettable que le produit de la taxe ira à l'AFITF, qui en a bien besoin, notamment dans le cadre du Schéma national des infrastructures de transport (SNT). A quand un débat sur la nécessité du report modal, en particulier sur son impact environnemental ? Je me félicite que la taxe participe à la diminution de la part du transport routier au profit des autres modes de transport ; pour le reste, je me réjouis de cet oecuménisme. La fiscalité écologique doit contribuer à hauteur de 3 milliards d'euros au plan pour la compétitivité du Premier ministre ; c'est un premier pas : félicitons-nous en.
M. Philippe Dallier. - Sur le principe, je n'ai rien à objecter. Je crains cependant l'usine à gaz. On sait ce qu'il en est de la fiabilité des contrôles : des tracteurs sont parfois verbalisés à 140 kilomètres/heure sur l'autoroute. Dans ce cas, au moins, l'auteur de l'infraction peut assez facilement se défendre. Avec le système de balise embarquée, il y aura toujours un malin pour prendre l'identification d'un autre. En informatique, aucun système n'est inviolable ! Dans quelles conditions le redevable de l'éco-taxe pourra-t-il contester la facture ? Quelles garanties sont apportées pour sécuriser le système ?
En cas de disparition du redevable, c'est le prestataire qui devra acquitter la taxe. Je crains que cela ne soulève un problème juridique. Cette disposition assez particulière a-t-elle un équivalent dans un autre domaine ?
M. Jean-Paul Emorine. - Le Grenelle de l'Environnement comportait 240 articles. L'éco-taxe a été bien accueillie par tout le monde, l'Etat étant à la recherche de recettes pour entretenir les routes. Les 2 milliards d'euros du budget de l'AFITF proviennent d'une subvention de l'Etat de 1 à 1,2 milliard d'euros, et de redevances, à hauteur de 800 millions à 1 milliard d'euros. Avec l'éco-taxe, l'Etat devrait retrouver ses capacités financières.
Sur les 21 000 kilomètres de routes nationales, dont 9 000 kilomètres sont en concession, 10 000 kilomètres rentreront dans le cadre de l'éco-taxe. Les présidents de conseils généraux le savent bien : il y a 370 000 kilomètres de routes départementales, 600 000 kilomètres de voies communales et 600 000 kilomètres de chemins ruraux. C'est dans ce cadre général que doivent être envisagés les 15 000 kilomètres de routes, dont 5 000 à caractère départemental, qui seront soumis à l'éco-taxe.
La mise en oeuvre est un peu difficile certes, mais le système des péages n'est pas plus simple.
Il serait intéressant de connaître la différence entre le prix de l'éco-taxe sur les routes nationales et départementales et celui des péages. Quel est le coût moyen au kilomètre de l'éco-taxe par rapport au péage moyen autoroutier ? En Saône-et-Loire, il y a un grand débat sur la mise au gabarit autoroutier de la RCEA (route Centre-Europe Atlantique) reliant Mâcon à Poitiers. Bien sûr, tout le monde rêve d'un financement par l'éco-taxe. Mais il faut avoir à l'esprit que le département s'apprête à percevoir trois à quatre millions d'euros sur un projet de 1,1 milliard.
M. Richard Yung. - Je salue l'aisance de notre rapporteur sur un système aussi complexe. Je retrouve là tout le génie français de la législation. Mais comme l'a dit Jean-Vincent Placé, l'essentiel est d'avancer dans la voie de la fiscalité écologique.
Concernant la complexité, un GPS sera connecté au satellite en permanence et suivra le chemin de chaque camion. Si j'étais camionneur, je ne suis pas sûr que je trouverais cela très agréable.
Des frais de gestion de 20 % me semblent élevés, même s'ils sont liés à la brièveté de la période d'application, dix ans.
Que se passe-t-il chez nos voisins ? En Alsace, l'existence d'autoroutes des deux côtés de la frontière crée une concurrence. Si l'éco-taxe allemande est inférieure à la nôtre, le trafic va se reporter... Et le même risque menace les régions frontalières de la Belgique, du Luxembourg. On retrouve le problème récurrent de l'harmonisation européenne...
M. Charles Guené. - Je suis moins optimiste que vous sur la nature humaine. Les camions emprunteront rapidement les itinéraires non taxés auxquels il faudra sans doute étendre l'éco-taxe.
Concrètement, les tarifs varieront de 1 à 6 ; les départements percevront-ils la taxe perçue sur leur territoire ? Y aura-t-il péréquation ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. - Il n'y aura pas de péréquation : ils percevront le produit de la taxe perçu sur le réseau qui leur appartient.
M. Philippe Marini, président. - Il est permis d'amender...
M. Éric Doligé. - Etant donné l'efficacité de la SNCF, je ne suis pas certain que l'objectif de report du camion vers d'autres moyens de transport soit facilement atteignable.
Le produit de la taxe n'ira pas intégralement à l'AFITF : les collectivités territoriales, auxquelles ont été transférées de nombreuses routes, en seront également bénéficiaires.
Les coûts de gestion sont importants en raison de la complexité du dispositif et des objectifs de fiabilité qui ont été retenus, bien supérieurs à ce qui se pratique dans d'autres pays. Dans ces pays, en effet, une fiabilité de 98 %, avec un coût de gestion de 10 % est préférée à une fiabilité de 99 %, avec un coût de 20 %. Nous nous sommes fixés une fiabilité prétendument maximale, ce qui explique qu'en 2013 le système prévu pour 2010 ne soit pas mis en oeuvre. J'avais à peu près compris le fonctionnement du système précédent, c'est beaucoup moins le cas aujourd'hui : ces taux différentiels me plongent dans la perplexité. Des taux différents selon les régions, un seul taux national... Quelle complexité ! Mais l'important, c'est de savoir ce qui reviendra à ceux qui entretiennent les routes. J'ai cru comprendre que l'Etat réservait 20 % du produit de la taxe aux gestionnaires, ce qui est logique compte tenu de la complexité de la facturation. Le reste lui reviendra, pour l'essentiel, et les collectivités territoriales percevront des miettes. Pourtant, elles assument la part la plus importante de l'entretien des voiries empruntées par ce type de véhicules. A nouveau, l'Etat récupère le pactole et les collectivités territoriales sont les grandes perdantes...
M. Jean Arthuis. - L'éco-taxe n'est pas la première taxe écologique : c'était déjà le cas de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Nous pouvons d'ailleurs imaginer que l'Etat substitue un jour l'éco-taxe à la TIPP : ce serait plus juste, car certains camions traversent la France sans acheter de carburant.
Le système induit une prime et un avantage compétitif pour les autoroutes, puisque l'éco-taxe ne s'y applique pas. N'est-ce pas l'occasion de réviser le niveau des redevances acquittées par les autoroutes au titre des concessions ?
Comment et avec quels moyens la taxe sera-t-elle récupérée sur les camions étrangers, de plus en plus nombreux sur nos routes ?
J'ai compris qu'une augmentation du prix serait pratiquée, de l'ordre de 4 %. Le responsable des achats de telle centrale d'achats de la grande distribution en tiendra-t-il compte ? Ayons conscience que ce supplément de taxe sera pris en charge, soit par les consommateurs, soit par les producteurs, ce qui risque d'accroître les délocalisations. J'aimerais être sûr que les transporteurs ne se réjouissent pas à l'idée de pouvoir justifier de 4 % de frais supplémentaires. Qu'ils ne rêvent pas trop : ceux qui paient seront tentés de compenser cela sur le prix du transport.
L'éco-taxe coûte 20 % de ce qu'elle rapporte. Mais lorsqu'il y a un allègement, par exemple de 40 %, le coût de recouvrement est relativement plus élevé.
Enfin, si une partie de la taxe va à l'AFITF, il est à craindre que l'Etat ne réduise d'autant sa subvention ...
M. Philippe Adnot. - Lorsque nous avons envisagé ce système, nous avons rencontré les opérateurs à l'étranger, en Allemagne notamment, mais sans les interroger sur la refacturation. Comment font-ils ?
M. Yves Krattinger. - Nous sommes contraints par l'Europe. Les conditions d'interopérabilité entre les pays ont été définies par la directive « Eurovignette », et nous avons une échéance pour la taxation des poids lourds, qui est une fiscalité écologique certes, mais qui tente d'intégrer les coûts externes du transport routier.
Le report de la circulation sur les autoroutes est souhaité pour des raisons évidentes de sécurité et de fluidité. C'est un élément des discussions avec les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Les routes départementales qui vont bénéficier de reports ont été identifiées par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), et les départements informés en ont délibéré. Le périmètre taxable a été défini après avis du Conseil d'Etat. Un observatoire a été mis en place pour savoir si les reports réels sont conformes à l'évaluation : des reports non prévus peuvent se produire, de même que des reports attendus peuvent ne pas voir le jour.
Concernant la répercussion, je rends hommage au rapporteur : cela ne peut pas être simple, mais c'est déjà beaucoup mieux que le système qui avait été imaginé précédemment, qui aurait contraint les petites sociétés dépourvues de logiciel à passer leurs week-ends à faire des calculs impossibles...
La demande des Alsaciens est étrange. Quand les Allemands ont mis en place leur taxe, 2 500 poids lourds ont fait chaque jour le détour par l'Alsace, qui a alors réclamé l'éco-taxe. Aujourd'hui, ils ne veulent plus être en avance...
J'atteste que le travail effectué en amont fut sérieux et approfondi ; il est temps d'aboutir : le fait que le transport routier paye ses coûts externes constitue un progrès indispensable pour l'Europe, et pas seulement pour la France.
M. Philippe Marini, président. - Une comparaison a-t-elle été effectuée avec l'Allemagne concernant ce coût de gestion de 20 % ?
Les GPS pourront-ils être utilisés pour contrôler la vitesse ?
Ce système sophistiqué est-il vendable à l'étranger par la « maison France » ?
Enfin, Madame le rapporteur, quel est votre avis sur le texte ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. - Mon avis est favorable.
Le coût de gestion atteint environ 15 % en Allemagne, mais le réseau taxé est beaucoup plus homogène que le nôtre.
Ce n'est pas nous qui pourrons vendre, mais la société Autostrade per l'Italia, qui compte bien faire la démonstration de son efficacité. Le système allemand n'est pas interopérable, contrairement au nôtre.
Je rappelle aussi qu'il ne s'agit ni plus ni moins que d'appliquer le Grenelle de l'Environnement. Certains pensent que l'article 7 institue une nouvelle taxe : or il ne fait que répercuter une décision votée lors du Grenelle, qui plus est à l'unanimité, moins cinq abstentions. Elle a en outre à nouveau été votée dans la loi de finances pour 2009.
Monsieur Placé, la commission Duron travaille sur la hiérarchisation des projets du SNIT et nul doute que nous aurons des débats à ce sujet.
Monsieur Dallier, la contestation s'opère auprès de la douane. Pour l'identification des véhicules, c'est le système Lapi de lecture automatisée de plaques d'immatriculation qui sera utilisé.
Concernant le recouvrement, ce sera au prestataire de verser la taxe. Dans le cadre d'une procédure d'exception, il peut toutefois demander à la douane d'en être libéré. Aucun système n'est inviolable, je vous l'accorde. Quant au coût du système, il est lié à l'exigence de fiabilité.
Monsieur Emorine, l'éco-taxe va engendrer un surplus de recettes pour les autoroutes évalué entre 250 et 400 millions d'euros. Le Gouvernement discute de cet effet d'aubaine avec les concessionnaires et va sans doute réclamer une hausse de la redevance domaniale.
Concernant le périmètre, il y a eu accord avec les départements, après avis du Conseil d'Etat. De mémoire, soixante-huit collectivités territoriales ont délibéré et aucune n'a été laissée de côté. Ce qui est important, c'est que le périmètre peut être revu, à la demande des collectivités territoriales. En Gironde, j'ai interrogé mes services techniques : trois camions de 3,5 tonnes se rendent régulièrement à Bordeaux. S'ils empruntent l'A 660 ou l'A 63, ils seront redevables à l'éco-taxe. S'ils empruntent la départementale 250, qui leur est parallèle, ils y échapperont.
M. Philippe Adnot. - Ce ne sont pas les départements qui ont fixé le périmètre : l'Etat a fait des propositions, le département des contre-propositions, puis l'Etat a décidé souverainement.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. - Le périmètre n'a pas été décidé sans l'accord des collectivités territoriales. Du moins, est-ce ainsi que les choses m'ont été présentées.
M. Yves Krattinger. - Je confirme les propos de Philippe Adnot. Je co-préside le comité des maîtres d'ouvrage routier avec la DGITM, qui a arrêté la méthode. Nous avons fait des propositions, il y a eu des contre-propositions départementales, parfois un peu trop ambitieuses. C'est sur la base du texte de la loi de 2009 que l'arbitrage a été rendu.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. - Je le note.
Monsieur Yung, je suis d'accord sur le risque de report du trafic vers les pays limitrophes. L'harmonisation européenne, bien engagée dans le cadre de la directive « Eurovignette », doit être poursuivie.
Quant au GPS, les routiers sont d'ores et déjà suivis par leurs entreprises, qui savent à tout moment où se trouvent leurs camions.
Monsieur Guené, nous savons déjà que des sociétés vont proposer leurs services pour optimiser les trajets en évitant l'éco-taxe et les péages.
Le périmètre du réseau local taxable pourra être revu au bout d'un an en fonction de la réalité des reports de trafic.
Il n'y aura pas de péréquation entre les départements : ils percevront la taxe collectée sur leur réseau. 160 millions reviennent aux collectivités territoriales, mais ils seront d'abord perçus par l'intermédiaire de l'Etat.
Les transporteurs raisonnent souvent par département et ne comprennent pas pourquoi les taux de répercussion ne sont pas départementaux. Lorsque le camion reste dans la même région, il se verra appliquer le taux régional. S'il en sort, c'est le taux national qui s'appliquera.
Le coût de la perception s'élève à environ 15 % en Allemagne mais le réseau est beaucoup plus homogène, avec essentiellement des autoroutes, rendant la gestion et le contrôle plus aisés.
Tout le réseau local n'est pas inclus dans le périmètre taxable. Le laitier qui possède un camion de 3,5 tonnes pourra ne pas être taxé si son trajet n'entre pas dans le périmètre de l'éco-taxe.
L'interopérabilité est la grande force du système français : avec Ecomouv', nous avons mis au point un système très performant. Si tout fonctionne bien, nous serons les premiers et nous ferons école.
Monsieur Arthuis, l'éco-taxe mérite plus le qualificatif de fiscalité écologique que la TIPP en raison de son assiette.
Enfin, le report du trafic sur les autoroutes va augmenter la recette des péages de 250 à 400 millions d'euros.
M. Jean Arthuis. - Cela n'a rien d'écologique. Il y a autant d'essence consommée.
M. Philippe Marini, président. - Ce sont autant de nuisances en moins pour les riverains des routes...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. - La hausse de la redevance domaniale est prévue. Cette augmentation pourrait procurer jusqu'à 170 millions d'euros de recettes supplémentaires à l'AFITF.
L'effet inflationniste est très limité. Encore une fois, l'éco-taxe n'est pas la TVA ! Seule une partie de la facture du transport sera concernée.
M. Jean Arthuis. - Y aura-t-il une ligne distincte pour l'éco-taxe comme pour la TVA ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. - Oui.
M. Jean Arthuis. - Est-ce à dire que, dans sa comptabilité, l'entrepreneur enregistrera une recette d'éco-taxe et qu'il recevra des factures du système de recouvrement ? Nous verrons s'il y a un équilibre entre ce qui a été facturé à ses clients...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. - Le commissaire aux comptes pourra le voir.
M. Jean Arthuis. - Tout le monde !
M. Philippe Marini, président. - Pour le transporteur, l'effet en trésorerie devrait être favorable, notamment pour la PME de transport. Le système lui répercutera le forfait dans un certain délai alors qu'il aura perçu sa facture.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. - Cela ne sera pas toujours le cas... Un redevable abonné à une SHT ne sera pas obligé d'avancer le paiement de l'éco-taxe. En revanche, un redevable non abonné devra faire cette avance, car Ecomouv' ne veut pas être débiteur à la place des transporteurs. Ils prendront un abonnement et verseront une certaine somme en avance. Il n'y aura aucun effet d'aubaine.
M. Philippe Marini, président. - C'est un point sensible pour les petits et moyens transporteurs. Sera-t-il possible de contrôler la vitesse avec le système proposé ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur pour avis. - Je ne crois pas.
Monsieur Adnot, il n'y a pas de système de répercussion en Allemagne, où l'Etat a mis en place l'éco-taxe et accordé près de 600 millions d'euros d'aides au secteur des transports.
La commission des finances émet un avis favorable à l'adoption de l'article 7 du projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports.
Mercredi 6 février 2013
- Présidence de M. Philippe Marini, président -Exécution du budget de 2012 - Audition de M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget
La commission procède à l'audition de M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget, sur l'exécution du budget de 2012.
M. Philippe Marini, président. - Monsieur le ministre, merci d'être venu nous parler de l'exécution du budget de l'an dernier alors même que la clôture comptable des comptes, intervenue le 31 décembre 2012, est encore récente. Comment nous situons-nous sur la trajectoire de convergence ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. - La clôture est récente en effet, mais nous avons déjà commencé à tirer les leçons de l'exécution de ce budget. La clôture s'est faite sur une diminution de 300 millions d'euros de l'exercice budgétaire. Cela peut paraître dérisoire au regard de l'équilibre voté en loi de finances initiale, mais il faut en fait comparer ce résultat à celui des années précédentes, qui se soldaient par une augmentation de cinq ou six milliards d'euros en moyenne. Le mérite est partagé avec l'équipe qui a eu la charge des affaires de l'Etat pendant la première partie de l'année. A la suite des évènements électoraux du printemps, le rapport de la Cour de Comptes a mis en évidence une impasse de 9 milliards d'euros, 3 milliards étant imputables à la dégradation de la conjoncture, et 6 milliards à l'excès d'optimisme des prévisions de recettes en LFI. La loi de finances rectificatives (LFR) a corrigé cette situation, grâce à un effort fiscal de 7,2 milliards d'euros et à un surgel de la dépense d'un milliard et demi d'euros, ce qui a permis une diminution des dépenses de 300 millions d'euros sur le champ de la norme « zéro volume », dont 100 millions d'euros sur la norme « zéro valeur ». Elle résulte de l'application d'un rabot, qualifié d'aveugle, de 1,2 milliard d'euros en début d'année - mesure d'économie scrupuleusement respectée par la majorité nouvelle -, et d'une économie de 2,4 milliards d'euros dans le service de la dette, due à la baisse des taux d'intérêt.
Nous avons eu quelques déceptions : les recettes de TVA n'ont pas été celles espérées ni en LFI ni en LFR ; il s'en est fallu de 3,3 milliards d'euros. Je ne peux encore vous donner les raisons de ce fait. Les recettes de l'impôt sur le revenu, à l'inverse, ont excédé les prévisions de quelques centaines de millions d'euros, comme l'ont fait celles de l'impôt sur les sociétés.
Sous réserve de la clôture des comptes de la protection sociale, il est plausible que l'objectif de déficit public de 4,5 % du produit intérieur brut (PIB) soit atteint. La dépense de l'Etat, en tous cas, a été tenue, et les objectifs fixés par les deux majorités successives, atteints.
M. Philippe Marini, président. - Merci. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général. - En 2012 la trajectoire budgétaire a été respectée, et les dépenses ont diminué, ce qui est réjouissant.
Comment la recapitalisation de Dexia sera-t-elle comptabilisée, et à quel exercice sera-t-elle rattachée ? M. Moscovici a indiqué que l'objectif de 4,5 % serait tenu sous réserve qu'elle soit comptabilisée conformément à ce que nous avons souhaité. Qu'en dit Eurostat ?
L'audit demandé à la Cour des comptes au printemps 2012 avait identifié des risques de dérapage des dépenses compris entre 1,2 et 2 milliards d'euros, et d'amoindrissement des recettes de sept à onze milliards d'euros. Quelle aurait été la trajectoire de dépense sans le collectif budgétaire de juillet ?
Pouvez-vous nous donner une estimation globale du coût des dépenses fiscales en 2012 ? La règle de stabilisation en valeur à périmètre constant prévue par la loi de programmation a-t-elle été respectée ?
Quel est l'état final de consommation des crédits de la réserve de précaution ? Quel est le montant des annulations sèches qui s'y rapportent ? A quoi a servi le surgel d'un milliard et demi décidé à l'été 2012 ?
Vous avez trouvé un cadavre dans le placard : le contentieux communautaire sur l'imposition des OPCVM étrangers, qui a donné lieu à l'arrêt du 10 mai 2012 de la Cour de justice Santander Asset Management, n'était pas provisionné dans les comptes de l'Etat, alors que la facture devrait s'élever à plus de 4 milliards d'euros. Pouvez-vous nous indiquer la séquence de coûts définitive de ce contentieux ? Quels sont les principaux risques encourus par la France en matière de contentieux communautaire, et quels seraient les coûts qu'ils pourraient entraîner ?
En ce qui concerne le système Louvois, nos deux collègues Yves Krattinger et François Trucy avaient, dans leur rapport spécial, attiré votre attention sur le fait que certaines indemnités de campagne relatives à 2010 n'avaient toujours pas été versées en septembre 2012. Quelles mesures ont été prises pour empêcher que ces dysfonctionnements ne se renouvellent en 2013 ?
Doit-on croire les informations récentes selon lesquelles la recette de la taxe sur les transactions financières (TTF) serait non pas de 530 millions d'euros mais de 250 millions d'euros ? Les volumes d'échanges seraient en baisse, les transactions de gré à gré auraient été surestimées... Pourrions-nous en savoir un peu plus ? J'ai été interpelé ce matin par des intervenants à une table ronde sur l'épargne, qui estimaient que la taxe favorise une délocalisation de transactions vers des pays comme l'Irlande, le Luxembourg et la Grande-Bretagne. Avez-vous constaté de tels effets ?
Le coût de la censure, par le Conseil constitutionnel, de certaines dispositions du projet de loi de finances pour 2013, sera-t-il bien de l'ordre de 500 millions d'euros ? Pouvez-vous nous préciser les mesures concernées ?
La création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a été largement saluée par les entreprises, qui attendent désormais que le dispositif soit opérationnel pour en bénéficier. Pouvez-vous nous confirmer que l'instruction qui lui est relative sera bientôt publiée, et nous donner les grandes lignes de son contenu ?
Avez-vous une estimation du coût de l'intervention militaire au Mali ?
Un accord a été conclu le mois dernier entre l'Etat et EDF, concernant l'apurement du retard de contribution au service public de l'électricité (CSPE) due à EDF, qui s'élève à 4,9 milliards d'euros. C'est une somme considérable. Y aura-t-il un étalement dans le temps ? Des intérêts de retard ? Des conséquences sur le budget de l'Etat ou sur la facture d'électricité des Français ?
M. Philippe Marini, président. - Dans le chiffrage du coût de la censure du Conseil constitutionnel, est-il possible de prendre en compte l'économie en termes de dépenses fiscales qui résultera de la suppression du plafond spécifique afférent aux investissements outre-mer ? Pourriez-vous nous donner quelques éléments sur le rendement effectif de l'exit tax en 2012 ? En votre qualité de président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, vous aviez obtenu en 2011 un élargissement de son assiette. Où en est-on ?
M. Jérôme Cahuzac. - L'impôt sur le revenu a rendu 500 millions d'euros de plus que prévu, l'impôt sur les sociétés 400 millions d'euros, et la TIPCE 200 millions d'euros. Ces trois bonnes surprises ne compensent pas la mauvaise surprise de la moindre recette de TVA, inférieure de 3,3 milliards d'euros aux prévisions de la LFR de 2012, déjà révisées à la baisse par rapport à la LFI.
L'affaire Dexia coûtera 2,6 milliards d'euros. Le chiffre du déficit public que je vous ai donné s'entend hors cette somme. La typologie de cette opération en comptabilité publique n'est pas précisée : le Gouvernement la considère comme une opération financière, mais nous attendons la confirmation d'Eurostat pour ne pas tenir compte de cette opération dans l'appréciation du déficit public. Si Eurostat nous démentait et la considérait non comme une prise de participation mais comme une dépense budgétaire, le déficit public en serait impacté.
La baisse des taux d'intérêt a permis une économie de 2,4 milliards d'euros. S'ajoutant au 1,2 milliard d'euros de rabot dit aveugle, elle a permis une économie de 3,6 milliards d'euros, qui, alliée à la maîtrise de la dépense, au surgel, aux recettes supplémentaires, nous ont permis de tenir l'objectif de 4,5 % (hors Dexia) et de réduire la dépense budgétaire de 300 millions d'euros - ce qui est exceptionnel. La Cour des comptes avait détecté des moindres recettes de 6 milliards d'euros, et un aléa conjoncturel de 3 milliards d'euros de recettes. Nous avons corrigé ces tendances en LFR.
La dépense fiscale en 2012 a été de 70,9 milliards d'euros environ.
M. Philippe Marini, président. - La règle de stabilisation en valeur des dépenses fiscales à périmètre constant prévue par la loi de programmation a-t-elle été respectée ?
M. Jérôme Cahuzac. - Hors service de la dette et des pensions, la norme « zéro valeur » concerne l'ensemble de la dépense budgétaire, alors même que celle-ci peut évoluer indépendamment des décisions des autorités françaises : si un accord était décidé demain ou après-demain au Conseil européen, prévoyant une augmentation de la contribution française, il faudrait trouver une économie correspondante.
Un contentieux était connu, à défaut d'avoir été anticipé : le précompte mobilier. En revanche, aucun parlementaire n'était averti de celui qui concerne les OPCVM - je ne suis même pas certain que tous les membres du gouvernement précédent en aient eu connaissance. Ce fut une découverte très désagréable. Pour des raisons de procédure nous n'avons pas eu à dépenser 1,5 milliard d'euros en 2012, mais il faudra le faire en 2013 : il est clair que cela complique l'exercice budgétaire. Le chiffre global que vous avez donné est sans doute le bon, mais nous n'aurons pas à tout débourser en une fois : cela s'étalera au fur et à mesure de la constitution des dossiers. Nous avons proposé un modèle unique de confection de dossier afin de faciliter l'examen des demandes de remboursement. Ce contentieux coûtera cher, car les intérêts de retard seront lourds : ils datent pour certains de 2005-2006. On a trop repoussé l'obstacle, il faut à présent le franchir. Il y a un troisième contentieux, au sujet de la taxe sur les fournisseurs d'accès internet. Les conditions dans lesquelles cette taxe fut instaurée ne permettent pas d'avoir beaucoup d'optimisme sur son sort : tout indique qu'elle sera jugée incompatible avec la réglementation communautaire. Nous perdrons alors la recette, et il faudra de surcroît rembourser ceux qui ont été taxés. Cette taxe était censée compenser, pour France Télévision, l'arrêt de la publicité après un certain horaire. Par quoi remplacer cette recette ? Comment trouver les ressources pour rembourser ceux qui doivent l'être ? Une trentaine d'autres contentieux existent, parfois en matière fiscale : j'ai de laborieuses discussions avec le Commissaire européen chargé de la fiscalité. La France ne peut espérer les gagner tous, il faut donc faire la part du feu, privilégier ceux qui nous tiennent à coeur, comme la spécificité fiscale corse ou le taux de TVA réduit sur le livre électronique, et s'efforcer de trouver un compromis sur d'autres avec le Commissaire, sous peine de voir les actes de droit national être déférés devant la Cour de justice pour l'ensemble de ces contentieux, avec le risque de les perdre tous.
S'agissant des militaires, le montant des soldes a été manifestement sous-estimé, pour des raisons que j'ignore, mais sur lesquelles se penche actuellement une mission conjointe de l'inspection des finances et du ministère de la défense. Le système Louvois chargé de régler la paie s'est par ailleurs avéré déficient, les militaires n'ayant soit rien reçu, soit perçu un montant inférieur à ce qui leur était dû. Ce système a sans doute été très mal conçu, malgré son coût ; il est prématuré d'en parler avant les conclusions du rapport réalisé par la Défense et Bercy.
Le rendement de la TTF est effectivement décevant. Nous avons doublé le taux afin de garantir le rendement estimé : même ainsi, nous n'y parvenons pas. La relative atonie des marchés financiers ne peut expliquer à elle seule cette faiblesse. J'ajoute que certains contribuables non résidents ne la paient pas. C'est le cas en particulier des résidents d'Amérique du Nord : l'administration américaine estime en effet qu'il s'agit d'une taxe bénéficiant de l'extraterritorialité, et conseille donc vivement à ses ressortissants de ne pas la payer.
Les chiffres qui ont circulé sur le coût de la censure du Conseil constitutionnel me semblent surestimés. Sur les plus-values, la censure n'a pas touché la mesure essentielle, qui est la suppression de l'abattement forfaitaire de 1 525 euros pour une personne seule, et du double pour un couple. Or, c'est cette suppression qui générait la quasi-totalité des recettes. La censure d'une autre disposition a été sans conséquence pour les prévisions de recettes, puisque, faute de pouvoir les estimer, nous n'avions pas inscrit de recettes correspondantes au budget. Le Conseil a censuré l'article 40, relatif à l'Agence de gestion et de recensement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), pour des raisons de forme : nous lui trouverons une place dans un autre véhicule législatif au cours de l'année, et la recette de 126 millions d'euros qui correspond sera au rendez-vous. Ainsi, le coût de cette censure a pu être important sur le plan politique, mais sur le plan budgétaire il est assez marginal : sur 20 milliards d'euros de recettes nouvelles, la censure porte sur 500 millions d'euros.
M. Philippe Marini, président. - Et pour l'outre-mer, Monsieur le ministre ?
M. Jérôme Cahuzac. - Il n'y aura pas de conséquences préjudiciables avant 2014 car le flux des dossiers était tel que les investissements se feront. Pour 2015 il faudra trouver une solution. A titre personnel, je préférerais une dépense budgétaire, car elle peut être réévaluée chaque année. Il ne faut pas créer d'à-coups mais la défiscalisation a un coût considérable : le rendement garanti par l'Etat est compris entre 15 % et 20 %.
La réserve de précaution a été annulée à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Pour 2013 elle est de six milliards d'euros, dont 500 millions d'euros pour les dépenses de personnel de titre 2, à quoi s'ajoutent 2 milliards d'euros pour le surgel auquel nous sommes en train de procéder dans l'ensemble des ministères.
L'instruction fiscale portant sur le CICE a été publiée hier : vous devriez me demander de venir plus souvent, cela accélère les choses ! Son contenu est sans surprise.
Le coût de l'intervention au Mali s'établit à ce jour à 70 millions d'euros. Il s'agit pour l'essentiel de fournitures de carburant, de transport et de munitions. 630 millions d'euros ont été prévus dans le budget pour 2013 au titre des opérations extérieures. Je doute que l'opération malienne purge cette ligne budgétaire. Personne ne conteste notre action, la décision de la France a été massivement approuvée à l'étranger.
La dette envers EDF sera apurée d'ici à 2018 par le flux de la contribution pour le service public de l'électricité (CSPE). C'est une nécessité : cette dette pesait sur les comptes d'EDF et faisait courir un risque de contentieux avec des actionnaires minoritaires qui pouvaient estimer que cette prise en charge d'une obligation imposée par l'Etat devait être compensée un peu mieux. Il ne faudra plus laisser de telles dettes prospérer au sein d'un établissement de cette nature.
L' exit tax frappe les contribuables qui quittent la France. Dû au départ, cet impôt est corrigé au moment de la cession réelle des titres. Les départs au sein de l'Europe, ou répondant à certains critères, ne donnent pas lieu à imposition. Nous n'avons perçu que des sommes dues à titre provisoire, il est donc difficile de dresser un bilan. Pour 2011, le rendement s'est élevé à environ 19 millions d'euros, mais il devra être réévalué au moment de la cession des titres.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - J'ai cru comprendre que la Commission européenne allait présenter un projet de budget rectificatif pour couvrir les obligations de paiement de 2012 restées en suspens. Il s'agirait d'un engagement considérable pour la France : 260 millions d'euros en 2012 et 480 millions supplémentaires en 2013. Pourriez-vous nous confirmer ces chiffres ? Que pensez-vous de cette logique des retards de paiement qui semble s'installer, et dont les effets potentiels sont désastreux ?
M. Jean Arthuis. - Chaque exercice budgétaire aurait dû prendre en charge la différence entre la taxe collectée et le surcoût des énergies renouvelables. EDF a constaté une créance sur l'Etat au 31 décembre 2012, il serait donc logique que l'Etat constate une dette symétrique. Comment allez-vous traiter cela dans la situation patrimoniale de l'Etat ? Le déficit généré par les mêmes causes en 2013 devra être compensé : avez-vous évalué ce que cela coûtera ?
M. Philippe Marini, président. - J'ai eu à trancher un point délicat d'irrecevabilité financière au titre de l'article 40. Un amendement conduisait à alourdir les charges compensées par la CSPE. Ayant notamment constaté que le Conseil d'Etat l'avait qualifiée d'impôt, j'ai considéré que nous nous situions dans le domaine des charges et des ressources publiques et que, dès lors, l'irrecevabilité s'imposait. Le raisonnement tenu par Jean Arthuis me conforte dans cette idée.
M. Albéric de Montgolfier. - L'exécution du budget de cette année vous paraît-elle de nature à faire lever les réserves de certification émises l'an dernier par la Cour des comptes ? Je pense en particulier aux engagements hors bilan ou aux contentieux, par exemple le contentieux de l'ancien Consortium de Réalisation (CDR). Quelles ont été les recettes au titre des cessions immobilières de l'Etat ? Ont-elles été diminuées par les positions de Mme Duflot sur la cession à titre gratuit de biens immobiliers à des collectivités locales ?
M. Roland du Luart. - J'ai apprécié la loyauté du ministre quand il a expliqué que les bons résultats de 2012 étaient dus aux deux gouvernements qui se sont succédé cette année. Pour 2013, l'ambition est de réduire le déficit à 3 % du PIB. Vous avez dit plusieurs fois, notamment lorsque vous étiez président de la commission des finances à l'Assemblée nationale, que les gouvernements avaient tendance à faire des prévisions exagérément optimistes. Aujourd'hui, vous prévoyez une croissance de 0,8 %, alors que tous les instituts prévoient au mieux 0,2 % ; qu'en est-il réellement ?
M. Vincent Delahaye. - La moindre rentrée des recettes fiscales n'est-elle pas due à la sous-estimation de l'impact des dispositions prises en LFR de juillet 2012 ?
M. Roger Karoutchi. - On lit dans la presse de ce matin que les dotations aux collectivités territoriales, dont la baisse prévue était de 1,5 milliard d'euros, pourraient diminuer de 3 milliards. Avez-vous des éléments d'information sur ce point ?
M. Philippe Marini, président. - Les articles de presse reliaient cela au financement du crédit d'impôt compétitivité-emploi.
M. Philippe Dallier. - Les aides aux logements sont un sujet d'actualité, puisqu'on nous annonce une réforme. Comment s'est terminée l'année 2012 pour ce poste, souvent sous-estimé en LFI ? Avez-vous déjà des pistes pour maîtriser cette dépense, faite à guichet ouvert ?
M. Aymeri de Montesquiou. - Vous annoncez des baisses de dépenses depuis des mois. Pouvez-vous nous préciser quels ministères les subiront ?
M. Philippe Marini, président. - Tous seront touchés, dans la joie et dans le cadre de la Modernisation de l'action publique (MAP), nouvel avatar de la révision générale des politiques publiques. Pouvez-vous nous préciser comment celle-ci se met en place, et ce que vous en attendez ?
M. Jérôme Cahuzac. - Au titre du budget rectificatif européen ce sont 837 millions d'euros qui nous sont réclamés. Cela fait partie du champ « zéro valeur », et cette somme sera donc compensée par des économies.
M. Jean Arthuis. - L'Union européenne ne peut pas emprunter. Lorsque vient le mois de novembre, elle constate qu'elle ne peut plus payer les sommes engagées dans les différents Etats. Le collectif qu'elle élabore alors a pour objet de rembourser aux Etats membres, ou à des collectivités publiques, des sommes - avec l'argent qu'elle leur réclame à cette occasion. Cela souligne le caractère artificiel du budget de l'Europe...
M. Jérôme Cahuzac. - Votre argumentation peut emporter la conviction de ceux qui vous l'entendent exposer. J'ajoute que cela met en difficulté les responsables du budget, car il est difficile d'anticiper ces dépenses, qu'il faut pourtant bien assumer en fin d'année. Une meilleure procédure serait bénéfique, ainsi qu'une meilleure tenue de sa dépense par l'Union européenne. Les dépenses de fonctionnement de la Commission, qui fait parfois la leçon aux Etats, sont loin de respecter la norme « zéro valeur ». Ce sont les Etats, qui s'imposent cette règle, qui doivent compenser ce que le non-respect de cette règle par la Commission entraîne comme débours supplémentaires...
Je n'ai pas encore de réponse à vous donner sur EDF, ni sur le CDR. Je crois néanmoins que pour le CDR, le plus dur, sur le plan financier, est passé.
En 2013 les cessions immobilières de l'Etat produiront moins qu'en 2012, car il a été décidé que le foncier de l'Etat serait cédé à des conditions très avantageuses pour les collectivités locales. J'assume ce choix, qui vise à libérer du foncier pour construire des logements neufs.
L'objectif nominal des 3 % a été confirmé récemment par M. Moscovici, ainsi que par le Président de la République. C'est vrai que ce sera difficile. Mais l'essentiel est l'effort structurel. Le traité européen ratifié récemment recommande de ne pas s'efforcer d'atteindre un objectif nominal quelle que soit la conjoncture économique. C'est l'effort structurel qui compte. Il a été en 2012 de 1,2 point de PIB, et il sera cette année de 2 points : 3,2 points de PIB en deux ans, cela n'a jamais été fait dans notre pays. Pour achever de vous convaincre, notez que notre déficit structurel était de 3,9 % en 2007 et de 4,8 % en 2011 : contrairement aux espérances de ceux qui les manifestaient, dans cette période notre pays s'est structurellement endetté, et non désendetté. En 2012 en revanche, l'amélioration est de 1,2 point de PIB, puis sera de 2 points de PIB en 2013. Vous le voyez : la position de la France à l'égard de la Commission et de ses partenaires n'est pas si inconfortable : un tel effort est historique en France, et peu de pays l'ont réalisé dans un si bref laps de temps.
Les dispositions prises en loi de finances initiale n'ont pas modifié les recettes pour 2012 des impôts auxquels M. Delahaye fait référence, à moins que l'on soit parvenu à chiffrer l'impact psychologique de ces mesures.
M. Vincent Delahaye. - Ma question portait sur la loi de finances rectificative de juillet 2012, qui chiffrait à 7,2 milliards d'euros l'impact des nouvelles mesures fiscales. Au regard des recettes constatées, cet impact n'était-il pas sous-estimé ?
M. Jérôme Cahuzac. - Non. Nous avons, par rapport aux prévisions de la LFR, un surplus de recettes de 500 millions d'euros au titre de l'impôt sur le revenu et de 400 millions d'euros au titre de l'impôt sur les sociétés. Concernant ce dernier, s'agit-il d'un hasard - certaines sociétés ayant bénéficié de nouvelles mesures sur une assiette consolidée - ou est-ce structurel, c'est-à-dire source d'un effet base en 2013 ? La réponse à cette question est prématurée. Elle distinguerait en toute hypothèse les pessimistes des optimistes. Pour ma part, je ne saurais trancher entre l'une ou l'autre.
J'avais annoncé à l'occasion du comité des finances locales une application de la norme zéro valeur à l'enveloppe normée pour 2013, un effort de 750 millions d'euros en 2014 et de 1,5 milliard d'euros en 2015. Ce qui fait 2,250 milliards d'euros...
M. Philippe Marini, président. - Nous avions compris 0 en 2013, 750 millions d'euros en 2014 et à nouveau 750 millions d'euros en 2015.
M. Jérôme Cahuzac. - J'avais annoncé 2,250 milliards d'euros au total sur trois ans. J'ignore s'il y aura davantage ; les discussions sont en cours. Quoi qu'il en soit, la différence n'est que de 750 millions d'euros, qu'il convient de rapporter aux 100 milliards d'euros annuels de concours de l'Etat aux collectivités territoriales, et aux 120 milliards d'euros par an de budget des collectivités locales.
Une remarque personnelle toutefois sur l'ajustement de notre trajectoire de finances publiques : l'Etat seul n'y pourvoira pas. Si l'ensemble des administrations publiques ne participent pas à l'effort nécessaire, il est illusoire de croire à un retour à l'équilibre en 2017.
S'agissant des aides au logement : le dépassement est de 270 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2013, la dépense totale pour l'Etat étant de 5,8 milliards d'euros.
M. de Montesquiou m'interroge sur les économies par ministère : tous sont concernés, même si les missions « Justice », « Sécurité », « Education nationale », ainsi que l'opérateur Pôle emploi sont protégés. L'économie moyenne en dépenses de fonctionnement atteint 5 % par ministère. Les plafonds d'emploi la garantissent. Nous menons à cet égard un travail quotidien de tâcheron pour vérifier, ligne après ligne, que les choses sont tenues dans le respect du PLF et du vote du Parlement.
M. Aymeri de Montesquiou. - Votre réponse de 5 % est précise.
M. Jérôme Cahuzac. - C'est une moyenne : dans certains ministères ce sera davantage, dans d'autres moins. Les 10 milliards d'euros d'économie pour 2013 sont en tout cas pleinement documentés : 2,8 milliards d'euros en fonctionnement, 2,2 milliards d'euros en intervention, 2 milliards d'euros pour la défense nationale, 1,2 milliard d'euros en investissement, etc.
M. Philippe Marini, président. - Vous avez omis la dernière question sur le calendrier de la MAP.
M. Jérôme Cahuzac. - Nous aurions pu demander à la MAP de produire des économies dès 2014, au risque que les administrations ne jouent pas le jeu, dès lors que des objectifs d'économies dans la dépense étaient déjà fixés. Il a plutôt été décidé de laisser se dérouler les évaluations en espérant que des économies en procèdent : non pas en 2013, guère en 2014, mais surtout en 2015. En contrepartie, la procédure budgétaire sera durcie dès 2013, en premier lieu par l'accélération du calendrier. Les lettres de cadrage et les lettres plafond seront envoyées en avance par rapport à la tradition de notre pays.
M. Philippe Marini, président. - C'est à dire que vous comptez envoyer les lettres de cadrage courant mars ?
M. Jérôme Cahuzac. - Plus tôt que cela ! Et c'est le Premier ministre qui y procédera.
M. Philippe Marini, président. - Bien entendu.
J'ai retrouvé l'article 13 de la loi du 31 décembre 2012 de programmation pluriannuelle des finances publiques pour 2012 à 2017 : « l'ensemble des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales ne peut, à périmètre constant, excéder les montants suivants exprimés en milliards d'euros » : 50,53 en 2012, 50,53 en 2013, 49,78 en 2014 - soit une baisse de 750 millions d'euros - et 49,03 en 2015 - soit à nouveau 750 millions d'euros en moins. C'est bien entendu une limite supérieure : si la contrainte était plus lourde, vous ne seriez pas hors la loi !
Merci monsieur le ministre, pour vos réponses précises sur des sujets très techniques.