- Mardi 27 novembre 2012
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Régimes sociaux et de retraite » - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Egalité des territoires, logement et ville » et articles 64 ter et 64 quater rattachés - Examen du rapport pour avis
- Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 - Examen du rapport en nouvelle lecture
- Mercredi 28 novembre 2012
- Loi de finances pour 2013 - Action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Examen du rapport pour avis
- Enquête de la Cour des comptes relative à la politique vaccinale de la France - Nomination d'un rapporteur
- Prix des médicaments - Proposition de résolution européenne
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Outre-mer » et article 66 ter rattaché - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Travail et emploi » et articles 71 et 72 rattachés - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 - Examen des amendements en nouvelle lecture
Mardi 27 novembre 2012
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Loi de finances pour 2013 - Mission « Régimes sociaux et de retraite » - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une première réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de Mme Christian Demontès sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Régimes sociaux et de retraite »).
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis. - La mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe la quasi-totalité des subventions d'équilibre de l'Etat aux régimes spéciaux de retraite en déficit. Ces régimes anciens, pour la plupart en voie d'extinction, se caractérisent par un fort déséquilibre démographique qui les empêche de s'autofinancer. D'une année sur l'autre, la contribution de l'Etat vient mécaniquement équilibrer leurs comptes. Les crédits de la mission sont ainsi en progression continue : plus de 50 % au cours de la dernière décennie...
Le budget de la mission s'élèvera à 6,5 milliards d'euros en 2013, en hausse de 72 millions et de 1,1 %. Elle comporte trois programmes de volume inégal : le programme « Régimes sociaux et de transports terrestres », qui vise à assurer l'équilibre des caisses autonomes de retraite de la SNCF et de la RATP et représente à lui seul 64 % des crédits ; le programme « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins », pour 13 % des crédits, qui abonde l'Etablissement national des invalides de la marine (Enim) ; enfin, le programme « Régime de retraite des mines, de la Seita et divers », qui concerne des régimes fermés ou en voie d'extinction pour un total de 1,5 milliard d'euros, dont 89 % à destination du régime des mines. Au total, les crédits de la mission représenteront en 2013 plus de 67 % des ressources cumulées des régimes de la SNCF, de la RATP, des mines et de la Seita.
Le périmètre de la mission a évolué, tout d'abord avec la suppression, bienvenue, des contributions exceptionnelles au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », qui avaient conduit en 2012 à la création d'une ligne budgétaire nouvelle dotée de 250 millions d'euros, mesure purement technique qui n'améliorait ni la lisibilité ni la cohérence.
En 2012, la liquidation en bloc du portefeuille d'actifs financiers du régime de la Seita avait rapporté 103 millions d'euros de produit exceptionnel et la subvention d'équilibre au régime avait été réduite d'autant. Le mouvement est inverse en 2013.
Enfin, l'Etat n'aura plus à compenser le déficit du fonds d'assurance vieillesse des chemins de fer secondaires, fermé depuis 1954 et qui ne compte plus que 156 pensionnés, dépense qui était budgétée à hauteur de 70 000 euros : le PLFSS intègre en effet ce fonds au régime général et le collectif de fin d'année annulera les crédits prévus dans la loi de finances initiale pour 2012.
Malgré une légère baisse du nombre de pensionnés dans les régimes relevant de la mission, la participation totale de l'Etat continue de progresser en 2013 du fait de la revalorisation des pensions et de la diminution des ressources propres des régimes. En outre, le produit de la compensation spécifique inter-régimes, qui décroît depuis 1995, disparaîtra en 2012, conformément à la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.
Cette orientation générale recouvre des évolutions contrastées. En 2013, les régimes de retraite de la SNCF et de la RATP bénéficieront d'une subvention d'équilibre de respectivement 3,4 milliards d'euros et 615 millions. A la SNCF, les cotisations ne couvrent que 36 % des charges de pensions, le ratio cotisants-retraités étant passé sous les 56 % en 2010. A la RATP, les cotisations couvrent environ 46 % des charges de pensions mais le ratio cotisants-retraités s'établit encore à 91 %.
La réforme des régimes spéciaux de 2008 a appliqué à ces deux régimes les principes de la réforme de 2003 : hausse de la durée d'assurance requise pour un départ à la retraite au taux plein, barèmes de décote et de surcote et indexation du montant des pensions sur l'évolution des prix. La réforme des retraites de 2010 leur sera également applicable à compter de 2017. Envisagé en 2005, l'adossement du régime de la RATP au régime général n'a, quant à lui, toujours pas été réalisé.
Ces deux réformes n'auront toutefois qu'un impact limité et très progressif sur le montant des subventions d'équilibre. Selon la Cour des comptes, les gains escomptés s'élèveraient à 10,4 milliards d'euros entre 2011 et 2030 pour la SNCF et à 1,4 milliard d'euros sur la même période pour la RATP. Au total, la subvention d'équilibre demeurerait de 3,5 milliards en 2020 et de 2,8 milliards d'euros à l'horizon 2030 pour les deux régimes réunis. En outre, les mesures d'accompagnement de ces réformes ont entraîné des surcoûts salariaux évalués à 8,9 milliards sur la période 2011-2030 pour la SNCF et à 0,8 milliard pour la RATP. La Cour conclut à un « bilan économique global incertain » à long terme et négatif de 600 à 800 millions entre 2011 et 2020.
Le régime de retraite des marins, très particulier en raison des spécificités du métier et du poids des carrières courtes, et le régime des mines, aujourd'hui fermé, n'étaient pas concernés par les réformes de 2008 et 2010. Les subventions d'équilibre ont vocation à diminuer à mesure que baisse le nombre des pensionnés.
Le régime de retraite des marins bénéficiera en 2013 d'un versement de l'Etat de 840 millions, en baisse de 1,9 % par rapport à 2012, qui couvre près de 80 % des recettes de la branche. Les cotisations représentent moins de 15 % des charges de pensions, en raison notamment des mesures d'allègement des cotisations sociales patronales, destinées à soutenir les secteurs de la pêche et de la marine marchande. Comme en 2012, l'Etablissement national des invalides de la marine sera conduit à mobiliser son fonds de roulement à hauteur de 47 millions d'euros ; le montant de ses réserves devrait lui permettre d'y faire face.
Le régime de retraite des mines, géré par la Caisse des dépôts et consignations depuis le 1er janvier 2005, se verra attribuer une dotation de 1,3 milliard en 2013, en baisse de 1,7 %. Ce régime n'accueille plus de nouveaux cotisants depuis le 1er septembre 2010 et se trouve en voie d'extinction, à l'instar des huit autres régimes financés par la mission, dont certains ne comptent plus aucun cotisant. Le régime des mines compte environ 3 700 cotisants pour plus de 307 000 pensionnés et le financement repose à 80 % sur la subvention d'équilibre.
Comme l'indique la nouvelle programmation triennale 2013-2015, les crédits de la mission continueront à croître, de 3,2 % entre 2013 et 2014 et de 1,3 % entre 2014 et 2015, soit de 4,6 % sur l'ensemble de la période. La donne démographique des régimes concernés laisse très peu de marge de manoeuvre ! Je vous invite à donner un avis favorable sur les crédits de cette mission, dont la commission des finances propose l'adoption.
Mme Catherine Procaccia. - Merci de ce rapport clair, qui s'inscrit dans le droit fil des précédents : M. Dominique Leclerc ne disait pas autre chose. Certains de ces régimes sont en voie d'extinction, dîtes-vous. Mais pas ceux qui nous coûtent le plus cher, la RATP et surtout la SNCF ! A-t-on mesuré l'incidence sur ces régimes de la réforme de l'été 2012 sur le retour à la retraite à soixante ans ? Va-t-elle encore alourdir la note ?
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis. - Il y a une continuité dans les rapports, en effet. A l'exception de ceux de la SNCF et de la RATP, ces régimes sont en voie d'extinction. A la RATP, le ratio cotisants-pensionnés est encore élevé ; ce n'est pas le cas à la SNCF. Ni l'un ni l'autre de ces régimes n'est concerné par le décret de juillet 2012. Quant à la réforme de 2010, elle s'appliquera aux agents de la SNCF à compter de 2017.
Mme Catherine Procaccia. - On a payé cher la paix sociale !
M. Jean Desessard. - Elle n'a pas de prix !
Mme Catherine Procaccia. - Mais elle a un coût...
M. Marc Laménie. - Merci pour ce rapport. Les crédits de la mission s'élèvent à 6,5 milliards d'euros, c'est beaucoup. La subvention d'équilibre au régime de la SNCF est de 3,4 milliards. Etant donné la baisse du nombre d'actifs et l'augmentation du nombre de pensionnés, ce montant est-il appelé à augmenter à l'avenir ?
M. Jean Desessard. - A mon tour de remercier notre rapporteure. L'évolution démographique de la SNCF est inéluctable : elle s'explique par une évolution normale des métiers - il y a moins de gardes-barrières par exemple - mais aussi par un recours accru à la sous-traitance, pour l'entretien des voies par exemple. A-t-on évalué le manque à gagner en cotisations entraîné par ce déplacement de personnel, qui ne cotise plus au régime de la SNCF mais au régime général ? Et je ne parle pas du remplacement des agents aux guichets par des machines automatiques...
Mme Christiane Demontès, rapporteur pour avis. - Ces questions se complètent. Le ratio cotisants-pensionnés va diminuer : avec plus de pensionnés que de cotisants, la subvention de l'Etat va continuer à augmenter pour combler cet écart. Les conséquences de la sous-traitance de diverses fonctions sur les comptes de la caisse n'ont pas été mesurées, mais à mesure que le phénomène s'accroît, le déséquilibre se creuse...
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - A la SNCF, les cotisations ne couvrent que 36 % des charges de pensions, le ratio cotisants-retraités est de 56 % : tout le problème est là, il est connu. Si l'on veut revenir à un système d'équilibre, de justice et d'équité, il faudra se résoudre à encadrer des avantages qui ne sont plus toujours justifiés. Du temps de mon grand-père, le travail sur les machines était particulièrement pénible - il me l'a raconté souvent - et cela justifiait un départ en retraite très anticipé. Il n'en est plus de même aujourd'hui. Il faudra donc revenir sur le sujet lors du rendez-vous de 2013.
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis - La SNCF compte aujourd'hui 150 000 cotisants environ, pour 270 000 retraités.
Mme Isabelle Debré. - Le Gouvernement a décidé de créer une nouvelle commission chargée de travailler sur les retraites. A-t-elle une feuille de route ? Les régimes spéciaux feront-ils l'objet d'une réflexion spécifique ? Le Gouvernement veut-il s'y atteler ?
M. Jean-Pierre Godefroy. - A quel régime cotisent les salariés de RFF depuis la scission avec la SNCF ?
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis - La plupart des personnels de RFF sont des salariés qui cotisent au régime général et, pour la retraite complémentaire, à l'Ircantec.
Mme Isabelle Debré. - Quid des anciens ?
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis - Les pensionnés partis à la retraite avant la scission relèvent toujours du régime de la SNCF.
Mme Annie David, présidente. - Ce qui accroît encore le déséquilibre !
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis - Le Conseil d'orientation des retraites, dont nous sommes membres avec Mme Debré et M. Teulade, mène des travaux fort intéressants. Je n'ai pas d'information sur la nouvelle commission, et j'ignore si la question des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP sera abordée lors du rendez-vous de 2013. Si les sommes en jeu sont importantes, cela reste une goutte d'eau à l'échelle de l'ensemble des régimes de retraites !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Ces régimes représentent environ 3 % du total du régime général.
La commission donne un avis favorable à l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Loi de finances pour 2013 - Mission « Egalité des territoires, logement et ville » et articles 64 ter et 64 quater rattachés - Examen du rapport pour avis
M. Luc Carvounas, rapporteur pour avis. - La maquette budgétaire a évolué depuis l'année dernière avec la création d'un ministère de l'égalité des territoires et du logement dont le périmètre doit permettre de mieux articuler les politiques de l'aménagement, de l'urbanisme, du logement, de la ville, de l'hébergement et de l'insertion, au service du développement équilibré de nos territoires.
Certains crédits d'urbanisme auparavant inclus dans la mission « Ecologie, développement et aménagement durables », sont désormais rattachés au programme 135, jusqu'ici dédié aux seules aides à la pierre. L'action « Aide alimentaire » a été transférée à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Le programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » sera ainsi recentré sur l'hébergement et l'aide à l'accès au logement. Enfin, un programme support « Conduite et pilotage des politiques de l'égalité des territoires, du logement et de la politique de la ville » regroupera les dépenses de personnel du ministère du logement.
Les crédits de la mission diminuent de 5,6 % pour s'établir à près de 8 milliards d'euros. La programmation triennale prévoit une quasi-stabilisation pour 2014 et 2015. Cette évolution est toutefois compensée par la mobilisation de ressources extérieures aux crédits de la mission.
Ainsi, à partir de 2013, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) se verra affecter 590 millions d'euros par an de recettes issues de la vente de quotas carbones. Ce nouveau mode de financement pérenne contribuera à la rénovation thermique d'un million de logements par an, conformément à l'engagement du Président de la République lors de la conférence environnementale.
Action logement mobilisera 1,5 milliard d'euros par an sur les trois prochaines années pour participer à la construction de 150 000 logements sociaux par an et contribuera au financement du Programme national de rénovation urbaine (PNRU) à hauteur de 800 millions d'euros par an et du fonds national d'aide au logement pour 400 millions. Ce dernier bénéficiera en outre, pour 619 millions, d'une fraction du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placement créé par l'article 3 du PLFSS pour 2013. Il faut faire évoluer le modèle de financement des logements sociaux. Si la suppression du prélèvement sur le potentiel financier des organismes HLM leur rendra certaines marges de manoeuvre, il faudra mutualiser ces fonds au service des objectifs ambitieux de construction fixés par le Gouvernement.
La dotation allouée au programme « Politique de la ville » diminue légèrement pour s'établir à 504,7 millions. Mais 20 millions d'euros de dépenses auparavant incluses dans le programme seront désormais prises en charge par le fonds interministériel de prévention de la délinquance dans une autre section du budget.
Le programme « Politique de la ville » compense à hauteur de 116 millions les exonérations de charges sociales dans les zones franches urbaines (ZFU) et les zones de redynamisation urbaine (ZRU). A cette somme s'ajouteront, en 2013, 2,5 millions dédiés à l'expérimentation des emplois francs, c'est-à-dire à une exonération de cotisations sociales pour les employeurs embauchant de jeunes actifs résidant en zone urbaine sensible.
Ce programme finance également, pour 333 millions d'euros, les actions menées par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé) dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale (Cucs), du programme adultes-relais ou encore du programme de réussite éducative. Ce dernier voit ses crédits baisser de 1 million alors qu'il a prouvé son efficacité et que les besoins des élèves et de leurs familles sont loin de diminuer. Au cours de l'année scolaire 2011-2012, 515 projets de réussite éducative ont été financés par l'Acsé ; plus de 60 % des 115 000 enfants concernés ont bénéficié d'un parcours individualisé.
Le Gouvernement a lancé le 11 octobre dernier une grande consultation sur la réforme de la politique de la ville. Trois groupes de travail ont été mis en place dont les conclusions devraient être examinées au cours d'une réunion du comité interministériel des villes prévue début 2013. La question de la géographie prioritaire est centrale. Il faudra dépasser les rigidités du zonage et l'empilement des dispositifs pour concentrer les moyens dans les zones prioritaires, renforcer le droit commun et assouplir le dispositif tout en renforçant l'équité territoriale.
Le secrétariat général du comité interministériel des villes assure aujourd'hui la tutelle des différents opérateurs, à commencer par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et l'Acsé. Or, selon la Cour des comptes, ce pilotage gagnerait à être repensé afin d'assurer une meilleure articulation entre les différentes agences. Sans aller jusqu'à fusionner deux opérateurs dont les missions sont très différentes, il faut une meilleure coordination des actions menées sur les territoires.
Y aura-t-il un second Programme national de rénovation urbaine (PNRU) ? Au 30 juin 2012, 396 projets de rénovation urbaine étaient engagés au profit de 3,8 millions d'habitants et pour un total de 45 milliards d'euros. Il serait prématuré de lancer un second programme sans avoir mené le premier à son terme. Or, étant donné les délais de mise en oeuvre des contrats de rénovation urbaine (CRU), il faut d'abord abonder les projets en cours ; la sortie des CRU nécessite la mobilisation de moyens financiers adaptés ainsi qu'une action conjointe de l'Acsé et de l'Anru. Faisons d'abord porter l'effort sur ces deux points.
Les crédits du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » s'élèvent à 1 221 millions pour 2013, en hausse de 1,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2012. Cette augmentation ne permet toutefois pas de porter les crédits au niveau des dépenses qui devraient être effectivement constatées en 2012 et sont estimées à 1 245 millions. Comme les années précédentes, il faudra sans doute abonder le programme en cours d'exercice.
En hausse de 12,7 %, les crédits de l'hébergement d'urgence financeront la création ou la pérennisation de 1 000 places en 2013. Les demandes ne cessent de croître : 17,5 % de progression pour la seule année 2011. Une sur deux seulement est satisfaite, faute de places le plus souvent. En outre, l'hébergement est trop rarement la porte d'entrée pour un accompagnement durable et adapté vers le logement. Le Gouvernement prévoit de créer 5 000 places d'hébergement d'urgence et 10 000 places de logement adapté sur la durée du quinquennat. Des moyens financiers sont indispensables. Surtout, il faudra repenser en profondeur la politique du « logement d'abord » initiée par le précédent gouvernement. Le groupe de travail dédié aux questions de logement et d'hébergement qui a été constitué pour préparer la conférence nationale de lutte contre la pauvreté tracera des pistes sur toutes ces questions.
Les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), créés en 2010, ont vocation à constituer, au niveau départemental, des plateformes uniques pour répondre aux besoins de prise en charge des personnes mais également pour mieux coordonner les acteurs de l'hébergement et du logement. Il faudra toutefois mieux associer l'ensemble des partenaires, à commencer par les conseils généraux et les bailleurs sociaux.
Deux articles rattachés à la mission ont été insérés à l'Assemblée nationale. A l'initiative du groupe écologiste, l'article 64 ter prévoit que le fonds national d'accompagnement vers et dans le logement, jusqu'ici réservé aux personnes prioritaires au titre du droit au logement opposable (Dalo), pourra orienter ses actions vers les personnes ou familles éprouvant des difficultés particulières pour accéder à un logement ou s'y maintenir. L'accompagnement des personnes en difficulté en sera plus lisible et cohérent.
Par ailleurs, à l'initiative de sa commission des finances, l'Assemblée nationale a décidé, dans les communes non soumises à la taxe sur les logements vacants, un assujettissement à la taxe d'habitation pour les logements vacants depuis deux ans et non plus cinq ans comme aujourd'hui : c'est l'article 64 quater.
Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Egalité des territoires, logement et ville » ainsi qu'aux deux articles qui lui sont rattachés.
M. Jean-Noël Cardoux. - En matière de logement d'urgence, l'objectif est de créer 5 000 places en cinq ans - soit dix par an et par département. C'est beaucoup... Je veux évoquer le difficile problème des « mineurs-majeurs » étrangers qui, depuis un an et demi, arrivent en grand nombre dans nos départements. Claude Bartolone, alors président du conseil général de Seine-Saint-Denis, s'étant ému du problème, le précédent gouvernement avait réparti ces étrangers dans les différents départements proches de la région parisienne, dont le Loiret. Des filières organisent l'arrivée, depuis l'Afrique, de ces jeunes qui, partis le matin d'Angola, frappent le lendemain à la porte de l'unité territoriale de solidarité (UTS) d'Orléans pour demander un logement en prétendant être mineurs. Or, dans neuf cas sur dix, il s'agit de majeurs, qui relèvent donc de la compétence de l'Etat. Ce dernier manquant de places d'hébergement, il les laisse aux conseils généraux, et ces majeurs occupent des places destinées à des mineurs. Dans le Loiret, le budget consacré à cet hébergement est passé en trois ans de 1,5 million d'euros à 7,5 millions. Les présidents de conseils généraux doivent lancer un cri d'alarme !
M. René-Paul Savary. - La Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) estime que le concept du « logement d'abord », qui fonctionne dans d'autres pays, ne doit pas être brutalement abandonné. Nous manquons de recul. Il est souhaitable de proposer une solution de logement plutôt que d'hébergement, quand on sait le nombre impressionnant de nuitées d'hôtel prises en charge et surtout leur coût !
Oui, il faut territorialiser le dispositif, mieux articuler les compétences de l'Etat et des départements. A l'Etat l'accompagnement vers le logement, au conseil général l'accompagnement dans le logement. Ne pourrait-on traiter globalement l'accompagnement social délivré à la famille, coordonner les différents comités en mettant la personne au sein du dispositif ? Il y aurait sans doute des économies d'échelle à la clé : les travailleurs sociaux perdraient moins de temps, les dépenses pourraient être rationalisées. C'est une piste à suivre, qui aurait pu figurer dans le rapport.
M. Jean Desessard. - Merci pour ce rapport très précis. Je salue la volonté et les efforts du Gouvernement en matière de politique du logement. Mais seront-ils ciblés ? Les 590 millions par an qui seront consacrés à la rénovation thermique d'un million de logements iront-ils prioritairement vers les plus démunis, qui sont les premiers à souffrir d'une mauvaise isolation ? Rien n'est moins sûr. Les 1,5 milliard d'euros qui doivent financer la construction de 150 000 logements sociaux par an seront-ils ciblés sur les zones tendues ? Là encore, j'en doute : on ne finance pas un logement à Paris avec 10 000 euros.
Mme Isabelle Debré. - Les 5 000 places d'hébergement d'urgence et les 10 000 places de logement adapté comprennent-elles les places d'urgence pour les victimes de maltraitance ?
Mme Samia Ghali. - En matière de droit au logement opposable, l'action des conseils généraux et des préfectures mériterait d'être mieux coordonnée. Souvent, les personnes éligibles au Dalo ont été expulsées pour impayés. Une femme avec de jeunes enfants qui perd son mari, se retrouve sans ressources et tombe en dépression, peut se retrouver ainsi mise à la porte pour cause d'impayés : il faut alors reloger la famille. Quelle perte d'énergie, quel parcours du combattant... et je ne parle pas des effets psychologiques sur les enfants !
Ne pourrait-on, également, contraindre les bailleurs sociaux à attribuer les logements en fonction de la composition familiale ? Parfois, un couple de retraités occupe un T5, et une famille avec quatre enfants un T3 : les bailleurs n'organisent pas les mutations nécessaires.
A propos de l'Anru, on gagnerait du temps en confiant la maîtrise d'ouvrage des projets aux grands projets de ville, puisque ce sont eux qui bénéficient de fonds de la part des conseils généraux, régionaux, des comités d'agglomérations, des villes...
La sécurité est en effet une vraie préoccupation. Mais l'éducation est primordiale : il faut mettre les moyens nécessaires, pour éviter le décrochage. Dans certains quartiers de Marseille, plus de 20 % des jeunes sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification !
Mme Christiane Demontès. - Les crédits de la politique de la ville n'ont pas vocation à se substituer au droit commun : en matière de réussite éducative, que chacun assume ses responsabilités ! En matière d'éducation, c'est le ministère de l'éducation nationale qui est aux commandes. Tout au plus les crédits de la politique de la ville peuvent-ils aider à mettre en place des expérimentations, ou des dispositifs complémentaires, mais cela ne doit en aucun cas se faire de manière pérenne.
De plus en plus, les acteurs de l'hébergement d'urgence prennent conscience qu'il n'y a rien de pire que les places d'hôtel : on ne peut faire aucun travail avec des personnes qui sont mises à la porte le matin, qu'il faut reloger le soir... Et cela coûte très cher : plusieurs millions d'euros. Nous devons progresser dans la mise en oeuvre de solutions pérennes, en mutualisant les expériences, car la situation actuelle est inacceptable.
Faut-il, pour mieux conjuguer rénovation urbaine et développement social, regrouper l'Anru et l'Acsé ? Une chose est sûre, elles doivent travailler ensemble. La première a apporté des améliorations au cadre de vie sans régler les difficultés sociales. Et la crise a encore davantage précarisé les habitants des quartiers concernés par les Cucs. Un effort supplémentaire est donc nécessaire pour que s'imbriquent mieux rénovation urbaine et cohésion sociale. A cet égard, le contrat urbain unique me semble aller dans la bonne direction, puisqu'il oblige les parties prenantes à se parler et à travailler ensemble.
M. Hervé Marseille. - A quoi sert le 1 % logement ? Les organismes qui le collectent s'en voient prélever quasiment la moitié par l'Etat pour l'Anru, et le reste est employé non pas à des subventions mais à des prêts, dont l'intérêt ne me semble pas démontré, et à des contingents et autres droits d'attribution dont la complexité rebute les maires. Une vraie réflexion s'impose sur ce sujet.
On parle beaucoup de la création de logements, très peu de l'entretien des bâtiments. Ce qu'on appelait autrefois la « qualité de service » a presque disparu des préoccupations des bailleurs, qui n'y consacrent plus de ressources. Il est vrai qu'ils n'en ont plus guère : leurs recettes sont plafonnées et leurs charges augmentent sous l'effet de la hausse de la TVA ou de l'application des nouvelles normes issues du Grenelle de l'environnement, isolation thermique, accessibilité, équipement des parkings pour accueillir les voitures électriques, etc.
Le Dalo est le moteur de nouvelles attributions, donc de la construction de nouveaux logements. Mais le vrai problème est la maîtrise globale des attributions : comment préserver la mixité lorsque tant de catégories sont prioritaires, Dalo, contingents du 1 %, bénéficiaires des logements passerelles, etc. ? La demande de logements sociaux s'accroît avec l'augmentation du nombre des séparations familiales, un ménage sur deux en Ile-de-France. Mais les collectivités ont de plus en plus de difficultés à construire et, à l'arrivée, elles n'ont plus aucune attribution !
M. Marc Laménie. - Je constate une baisse de 5,6 % des crédits de cette politique, qui atteignent presque 8 milliards d'euros. D'où provient la baisse de 10 % des aides personnelles, qui en constituent plus de la moitié ?
L'Anru, qui met en oeuvre la politique de la ville dans les grandes comme dans les petites communes, gère quelques programmes importants. Beaucoup d'argent public est injecté pour améliorer les quartiers et la vie de leurs habitants - c'est aussi de l'argent qui soutient le secteur du bâtiment et des travaux publics. Où apparaît-il dans le budget ? S'agit-il des 504 millions indiqués ?
M. Gilbert Barbier. - J'aurai du mal à voter ce rapport, qui nous présente une baisse de 500 millions d'euros des crédits de la politique du logement et de la ville, quand nous savons que la situation est périlleuse et qu'il y a urgence. Le rapporteur a minimisé habilement la diminution de ces crédits, mais je ne suis pas sûr qu'elle soit compensée par des augmentations dans d'autres secteurs. Une baisse de 5,6 % est considérable et suscite des inquiétudes sur l'avenir des programmes, d'autant qu'une hiérarchie semble en train de s'installer entre les villes, dont certaines deviennent plus prioritaires que d'autres : j'ai peur que beaucoup de villes moyennes souffrent de cette insuffisance de crédit. Les besoins, sur notre territoire, sont énormes, et cela aurait justifié que cette politique soit maintenue à un certain niveau.
M. Georges Labazée. - Vous faites état de 2,5 millions d'euros dédiés à l'expérimentation des emplois francs. On sait qu'ils sont destinés aux zones urbaines sensibles. Les emplois d'avenir viendront-ils s'y ajouter ? Il semble que ce soit le cas : peut-être cela pourrait-il être précisé dans le rapport.
M. Luc Carvounas, rapporteur pour avis. - Je vous confirme que les emplois francs et les emplois d'avenir sont bien distincts les uns des autres.
M. René-Paul Savary. - Le rapprochement que vous évoquiez entre l'Anru et l'Acsé bute sur la différence entre leurs périmètres respectifs d'intervention : certaines actions sociales sont menées en dehors des quartiers où agit l'Anru. Mais il faut bien réfléchir à ce sujet, dans l'acte trois de la décentralisation, car il s'agit du coeur de cette politique. Comment faire mieux à périmètre financier réduit, puisque la dépense publique, c'est indispensable, doit diminuer ?
M. Luc Carvounas, rapporteur pour avis. - De nombreux départements qui n'étaient auparavant pas concernés par le phénomène sont désormais confrontés à une demande d'hébergement d'urgence en croissance exponentielle. Comment les épauler ? Etudions comment les dispositifs existants peuvent être améliorés. Le plus important me semble être le réseau et la synergie. Il y a d'ailleurs une vraie demande de mutualisation des expériences. Pour la mise en oeuvre du « logement d'abord », le rôle des SIAO est fondamental.
Le Président de la République a déclaré lors de la conférence environnementale qu'il fallait cibler les logements les plus anciens et les plus mal isolés. Je ne peux guère vous apporter plus de précisions.
Les structures d'hébergement financées par la mission ne sont pas spécifiquement destinées aux femmes battues : il s'agit d'un dispositif d'ordre général, dont elles peuvent profiter.
Sur le Dalo, je ne peux que confirmer la nécessité d'accroître notre vigilance et de travailler en réseau.
Le cas de retraités vivant dans de grands appartements du parc locatif a été évoqué. Les bailleurs font des propositions, sur la base du volontariat, pour que ces occupants acceptent de changer de logement. Mais en dehors des projets de renouvellement urbain, dans le cadre duquel cela se fait automatiquement, il n'existe aucun moyen coercitif.
Je suis d'accord avec ce que dit Mme Demontès sur l'éducation nationale. J'ai simplement essayé d'apporter un éclairage particulier sur les projets de réussite éducative (PRE) : dans les quartiers sensibles, l'accompagnement individuel s'est révélé efficace, mais il n'entre pas dans les missions de l'éducation nationale.
Le débat sur l'Anru et l'Acsé est aujourd'hui tranché : elles doivent travailler en plus étroite concertation mais chacune a son périmètre d'action et il n'est plus question d'une fusion.
Le financement consacré au PNRU est de 800 millions par an. Il n'est pas retracé dans les crédits de la mission mais sera assuré par l'Action logement. La baisse des aides personnelles, que vous signalez comme significative, sera compensée par la mobilisation de ressources extérieures.
Les emplois francs et les emplois d'avenir ne concernent pas les mêmes catégories de jeunes et ne sont donc pas substituables les uns aux autres.
Suivant le rapporteur pour avis, la commission donne un avis favorable à l'adoption sans modification des crédits de la mission « Egalité des territoires, logement et ville » et des articles 64 ter et 64 quater rattachés.
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 - Examen du rapport en nouvelle lecture
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l'examen du rapport en nouvelle lecture sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a examiné hier en nouvelle lecture le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sur lequel 248 amendements avaient été déposés. Après avoir repoussé une question préalable et une motion de renvoi en commission déposées par le groupe UMP, elle a maintenu son texte de première lecture sur soixante et un articles, y compris la suppression des articles 14 et 50.
Elle a supprimé deux articles de quatrième partie qu'elle avait introduits en première lecture : l'article 42 bis relatif aux conditions d'exercice libéral à l'hôpital et l'article 43 ter sur la facturation en matière de biologie médicale.
Elle a modifié quarante-deux articles. Sur les trois premières parties, elle a actualisé six articles relatifs aux prévisions de recettes, aux objectifs de dépenses et aux tableaux d'équilibre. Elle a, sur sept articles, repris des amendements qui avaient été adoptés par le Sénat avant le rejet de la troisième partie relative aux recettes.
A l'article 11, elle a rouvert aux pédicures-podologues relevant du régime maladie des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés le droit de demander leur affiliation au régime social des indépendant, afin de lever les obstacles à l'exercice de leur droit d'option. Elle a modifié l'article 17 pour prendre en compte la situation des élus locaux percevant des indemnités de fonction inférieures à 1 516 euros par mois et non affiliés à un régime obligatoire de sécurité sociale. L'article 33 a été amendé afin d'affilier l'ensemble des artisans ruraux au RSI. En effet, ceux qui emploient deux salariés ou moins sont affiliés à la mutualité sociale agricole (MSA) au titre des cotisations à la branche famille, de la cotisation sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), d'où des complexités et des erreurs, les cotisations et contributions étant indûment appelées au titre des deux régimes. A l'article 35 bis, l'Assemblée a limité dans un premier temps au versement de transport et aux cotisations au titre du fonds national d'aide au logement la simplification des modalités de versement des cotisations sur les indemnités de congés payés dans les professions dotées de caisses de congés payés.
Sur la quatrième partie relative aux dépenses, l'Assemblée a repris sur onze articles plusieurs dispositions provenant d'amendements de notre commission. Elle a ainsi corrigé une erreur matérielle à l'article 39, qui ouvre la voie à une négociation conventionnelle interprofessionnelle valorisant la coordination des soins, et apporté des clarifications rédactionnelles à l'article 40 qui crée le statut de praticien territorial de médecine générale et prévoit la mise à disposition de médecins salariés dans des déserts médicaux. L'article 43 sexies, qui ouvre deux expérimentations relatives au tiers payant, a lui aussi fait l'objet de clarifications et les étudiants dépourvus de couverture complémentaire santé ont été intégrés dans le dispositif. L'article 51 a enfin été modifié pour préciser que les médecins pratiqueront les tarifs opposables pour les personnes détenues affiliées en tant que telles au régime général, à l'instar de ce qui se pratique pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire et de l'aide pour une complémentaire santé.
Au final, l'Assemblée nationale n'a apporté de nouvelles modifications qu'à un nombre réduit d'articles, dont l'article 24 ter, qui élargit l'assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments et des dispositifs médicaux : elle a en effet porté de 50 % à 75 % l'abattement dont bénéficient les dépenses liées aux frais de congrès. Cette mesure de prudence est cohérente avec la préoccupation que j'avais exprimée lors de la discussion générale.
Pour cette nouvelle lecture, mes amendements sont en totale cohérence avec nos positions adoptées de première lecture. Ils ne sont que dix, parce que l'Assemblée nationale en a déjà repris plusieurs et que d'autres tombent sous le coup de la règle de l'entonnoir définie par l'article 48 de notre règlement et supervisée avec vigilance par le Conseil constitutionnel. C'est en particulier le cas pour la taxation additionnelle sur l'huile de palme, de palmiste ou de coprah affectée à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), que nous avions proposée en première lecture.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 1 rétablit l'article 14. Assujettir au forfait social les plus-values des gestionnaires de fonds de capital risque dégagera une recette de 80 millions d'euros.
L'amendement n° 1 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Avec mon amendement n° 2, le fonds de solidarité vieillesse (FSV) recevrait en 2013 un montant de 350 millions d'euros grâce au produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa), comme le prévoyait le projet de loi initial, les 100 millions supplémentaires découlant du vote de l'Assemblée nationale allant à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) afin de compléter la dotation aux départements pour l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa).
M. Gérard Roche. - Cet amendement est-il le même que celui voté par le Sénat en première lecture ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Votre amendement affectait la totalité des 450 millions d'euros de recettes nouvelles à la CNSA. Le projet initial du Gouvernement dégageait 350 millions de recettes supplémentaires, montant porté à 450 millions par l'Assemblée nationale, avec une absolue neutralité pour la CNSA qui serait privée d'un montant équivalent de CSG, reversé au FSV. L'amendement que je redépose et dont j'espérais déjà en première lecture qu'il suscite un compromis, permet d'affecter une partie de la recette nouvelle à hauteur de 100 millions, dans les comptes de la CNSA.
M. Gérard Roche. - Notre proposition était beaucoup plus radicale, puisqu'elle visait à verser la totalité de la Casa à la section 2 du budget de la CNSA et ce, de façon pérenne. Votre amendement qui pourrait, pour nous, constituer un compromis, a-t-il des chances d'aboutir ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - J'avais à tout le moins pensé qu'un tel amendement de compromis pourrait aller plus loin que le vôtre dans le débat parlementaire.
M. Gérard Roche. - Nous nous abstiendrons sur cet amendement et nous discuterons entre nous pour savoir ce que nous ferons. Toutefois, les présidents de conseils généraux, qui préparent leur budget, ne comprendraient pas que nous ne redéposions pas notre amendement. Et puis, il suivra le chemin qui doit être le sien...
L'amendement n° 2 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 3 clarifie le tableau relatif aux droits sur les tabacs.
L'amendement n° 3 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 4 vise à substituer à un rapport administratif un rapport parlementaire sur la fiscalité comportementale.
L'amendement n° 4 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'alinéa 3 de l'article 40, tel qu'il résulte de l'adoption d'un amendement du groupe de la gauche démocrate républicaine (GDR) à l'Assemblée nationale, dispose que les engagements individualisés du contrat entre l'agence régionale de santé (ARS) et le praticien « peuvent porter sur le respect des tarifs opposables », ce qui risque d'affaiblir le principe du respect des tarifs opposables déjà énoncé dans le texte proposé pour l'article L. 162-5-14-1 du code de la sécurité sociale. Je propose de supprimer cet ajout qui n'est pas nécessaire.
L'amendement n° 5 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 6 inclut les établissements médico-sociaux dans les expérimentations de parcours de soins.
L'amendement n° 6 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Mon amendement n° 7 supprime la mention des objectifs, notamment financiers, sur lesquels peut être délivrée une recommandation temporaire d'utilisation.
L'amendement n° 7 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 8 autorise l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à consentir des avances aux établissements hospitaliers.
L'amendement n° 8 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 9 inclut le ministre en charge des affaires sociales dans le processus de fixation des prestations du régime agricole.
L'amendement n° 9 est adopté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 10 simplifie le financement de l'agence des systèmes d'information pour la santé.
L'amendement n° 10 est adopté.
Le rapport est adopté.
Mercredi 28 novembre 2012
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Loi de finances pour 2013 - Action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » - Examen du rapport pour avis
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de Mme Laurence Cohen sur le projet de loi de finances pour 2013 (action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement »).
Mme Laurence Cohen, rapporteure pour avis. - L'an dernier, je recommandais à notre commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption du budget de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt). Depuis 2007, celle-ci concentrait en effet son action sur la répression, n'accordant que peu de place à la prévention et à la réduction des risques, ce qui l'avait coupée des professionnels de l'accompagnement des toxicomanes.
Où en est-on un an plus tard ? L'année 2012 a été pour la Mildt une année de transition. Sa présidence, vacante de mai à octobre, a été attribuée à Mme Danielle Jourdain-Meninger, inspectrice générale des affaires sociales, en remplacement de M. Etienne Apaire. Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies portait sur la période 2008-2011 ; le prochain devrait être présenté à la fin du premier semestre 2013.
Dans ce contexte, les attentes envers la Mildt sont très élevées de la part de tous les acteurs, policiers, magistrats, médecins ou associations d'aide aux usagers. Tous souhaitent un outil de pilotage interministériel de la politique de l'État qui soit fort, cohérent et équilibré.
Malheureusement, le budget pour 2013 n'est pas à la hauteur : à 22 millions d'euros contre 23,2 millions en 2012, il baisse de 5,5 %. La Mildt est également financée par un fonds de concours alimenté par le produit de la vente des biens saisis aux trafiquants, qui a fortement augmenté ces dernières années avec la création par la loi Warsmann du 9 juillet 2010 de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués. Cette ressource, qui était de 21 millions d'euros en 2010 et 2011, ne devrait toutefois pas dépasser 15 millions en 2012. Les perspectives pour l'an prochain ne semblent pas meilleures. Ce fonds de concours n'offre qu'un palliatif insuffisant et, par nature, aléatoire au désengagement budgétaire de l'Etat. Il faut néanmoins encourager la Mildt plutôt que la condamner car la tâche à accomplir est immense.
L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), rattaché à la Mildt, dresse un tableau de l'usage de stupéfiants en France : 13,4 millions de personnes ont déjà consommé du cannabis. On compte 1,2 million d'usagers réguliers et 550 000 usagers quotidiens ; à dix-sept ans, 41,5 % des jeunes ont déjà expérimenté cette drogue. La banalisation de la cocaïne se poursuit : entre 2005 et 2010, le nombre d'usagers au cours d'une année est passé de 250 000 à 400 000, avec 1,5 million d'expérimentateurs. L'héroïne connaît depuis 2010 une diffusion accrue : le nombre d'expérimentateurs est passé de 360 000 à 500 000 entre 2005 et 2010 et sa consommation a fortement augmenté. Avec un public souvent marginalisé et un mode de consommation par injection, vecteur de transmission du sida ou de l'hépatite C, c'est une question de santé publique majeure.
Enfin, la situation est également inquiétante pour les produits licites, alcool et tabac, en particulier chez les jeunes. Si l'expérimentation à dix-sept ans est en très légère baisse, l'usage régulier augmente : 31,5 % des jeunes de cet âge sont des fumeurs quotidiens, contre 30 % des adultes. Le phénomène des ivresses répétées se développe tandis que la consommation régulière d'alcool chez les adultes diminue. On compte néanmoins 3,8 millions de consommateurs à risque, majoritairement des hommes. Des estimations déjà anciennes attribuent 60 000 décès chaque année au tabac et 33 000 à l'alcool.
Face à ce constat, il faut axer notre politique des addictions sur la prévention et à la réduction des risques, sans pour autant relâcher les efforts en matière de lutte contre les trafics. Le chef de l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (Octris) m'a dit manquer de moyens pour faire face aux nouveaux réseaux d'acheminement de la drogue en France, depuis l'Amérique latine et les Caraïbes via l'Afrique de l'Ouest, depuis le Maroc ou par les poreuses frontières orientales de l'espace Schengen. Les crédits du ministère de l'Intérieur couvrent à peine ses dépenses de fonctionnement et d'équipement standard, et c'est le fonds de concours de la Mildt qui finance une partie de ses initiatives opérationnelles. Est-ce bien juste ?
Depuis 2007, le produit de ce fonds de concours est redistribué pour 35 % à la police, 25 % à la gendarmerie, 10 % aux douanes, 20 % au ministère de la justice et 10 % à des actions de prévention. Il convient de corriger ce déséquilibre en faveur des services répressifs, d'autant que les sommes en question ont été multipliées par trois depuis 2007. Les professionnels que j'ai auditionnés prônent tous une meilleure visibilité de l'utilisation du fonds de concours et une modification de la clé de répartition.
L'accès aux mesures de prévention, de réduction des risques et de traitement, prôné par l'OMS depuis 1993, n'est pas assuré en prison. De ce fait, le risque de contamination par l'hépatite C est y multiplié par dix, celui de contamination par l'hépatite B, par quatre. Comme le recommandait déjà la mission d'information Assemblée nationale-Sénat sur les toxicomanies dont notre collègue Gilbert Barbier était corapporteur, des considérations de santé publique rendent impérative une action résolue en faveur de la réduction des risques en milieu carcéral.
Les traitements de substitution aux opiacés bénéficient d'ores et déjà à 9 % des détenus. Il importe de garantir la continuité de ces traitements à l'entrée, durant et surtout à la sortie de la détention : selon l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT), le risque de mortalité est accru durant les deux semaines suivant la libération.
L'absence de programme d'échange de seringues n'est pas acceptable : cessons de nier l'évidence ! Les mesures de réduction des risques doivent s'accompagner d'une formation des personnels aux spécificités de la prise en charge de la toxicomanie. L'audition de représentants des agents de l'administration pénitentiaire m'a révélé l'absence totale de formation des surveillants, qui sont pourtant en première ligne. Il faut aussi sensibiliser les personnels soignants des unités de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) et conduire des travaux épidémiologiques en milieu pénitentiaire.
De manière générale, il est indispensable que la nouvelle politique des addictions dont la Mildt devrait être le fer de lance ouvre enfin la voie aux initiatives innovantes adoptées par nos voisins, à commencer par les salles de consommation à moindre risque. Mme Touraine a confirmé que leur expérimentation, promesse de campagne du Président de la République, aurait lieu dès 2013. La Mildt est chargée d'en définir le cahier des charges ; sur le terrain, les associations sont prêtes. Je souhaite que l'on dépasse les fantasmes sur cette question, et que l'on s'attarde sur les causes et les conséquences des pratiques clandestines d'usagers parmi les plus fragiles, avec l'ambition d'améliorer le vivre-ensemble pour les riverains.
C'est une solution pragmatique. En plus d'offrir un cadre sanitaire indispensable pour des conduites à risques qui sont souvent le fait de personnes désocialisées, ces salles seraient aussi un lieu d'accueil et de dialogue, point d'entrée vers les traitements de substitution et le sevrage pour ceux qui le souhaiteraient. Un travail de concertation avec les acteurs et de dialogue avec les riverains est bien entendu nécessaire, mais il est dans l'intérêt de tous que des salles de consommation à moindre risque voient le jour, à titre expérimental, à Paris et en province, où des collectivités de toutes sensibilités politiques sont candidates.
Il faut également évaluer les expérimentations en cours. Le manque de moyens est usant : ainsi, l'association Gaia n'a pu acheter un appareil de diagnostic de l'hépatite C qu'en combinant l'aide de la région Ile-de-France et celle d'un laboratoire privé.
La politique de réduction des risques doit s'appuyer sur des données scientifiques incontestables. J'espère que la feuille de route en sera constituée par les recommandations issues de l'expertise collective réalisée par l'Inserm en 2010, dont le précédent gouvernement n'avait que très peu tenu compte, en commençant par l'adaptation des outils et des approches à l'évolution des substances et des modalités de consommation. Il convient de mettre l'accent sur la prévention en direction des collégiens et lycéens, à l'intérieur comme en dehors du cadre scolaire. Les jeunes décrocheurs sont les plus exposés. Il faut généraliser leur suivi sanitaire et social et travailler avec les acteurs associatifs.
Il nous incombe de nous interroger sur la demande exponentielle de réponses pénales faite aux magistrats et que dénonce le syndicat de la magistrature. Si le recours à la troisième voie, aux alternatives aux poursuites, se développe, le simple non-respect d'un stage de sensibilisation est une infraction inscrite au casier judiciaire, d'où un cercle vicieux, une sanction, une stigmatisation permanente.
Les nouvelles formes d'addiction comportementales, dites sans substance, ne sont véritablement prises en compte que depuis la fin des années 2000. Jeu pathologique ou cyberdépendance vont souvent de pair avec des situations personnelles et familiales complexes. La France compterait 200 000 joueurs excessifs, dont la moitié jouent plus de 1 500 euros par an. Les comorbidités, notamment avec l'alcool et le tabac, sont établies et l'impact financier, social et familial de ces pratiques peut être grave. Pour adapter l'offre de soins, formons mieux à ces questions les généralistes et les tra0vailleurs sociaux.
Les premiers gestes du Gouvernement et de la présidente de la Mildt sur le traitement des addictions sont encourageants. Nous y reviendrons lorsque le futur plan de lutte contre les drogues et les toxicomanies sera connu ; il devra fixer dès le départ les modalités d'une évaluation rigoureuse et impartiale.
La Mildt n'échappe pas aux réductions de moyens que connaît la politique de santé. Ce recul de l'Etat pose problème car les défis à relever sont immenses. Une répartition budgétaire est nécessaire sur quatre points : la prévention, la réduction des risques, le soin et la réduction de l'offre et des dommages dus au trafic de drogues. Ces axes se retrouvent dans une charte intitulée « Pour une autre politique des addictions » rédigée en juillet dernier par des experts reconnus et à laquelle j'ai participé. Elle a été signée par 1 620 personnes et associations représentatives, vous l'avez sous les yeux. A nous parlementaires de soutenir ces initiatives de la société civile.
La nouvelle direction de la Mildt annonce des orientations axées sur la prévention, l'éducation et l'accompagnement, qui devraient corriger les effets délétères des pratiques de ces dernières années. Je salue cette nouvelle politique des addictions tout en déplorant l'insuffisance des crédits accordés par le Gouvernement, qui rendra difficile sa mise en oeuvre.
Mme Samia Ghali. - Je salue le travail de la rapporteure sur ce sujet aussi vaste que complexe. La consommation de drogue n'est-elle que le fait de personnes en difficulté ? La réponse est-elle dans les salles de shoot ? Je n'en suis pas convaincue.
Les politiques menées ces dernières années, par exemple la distribution de seringues, ont fait reculer la contamination par l'hépatite C et le sida. Les dispositifs mobiles d'associations comme la Croix Rouge ou Médecins du Monde sont allés dans les cités, à la rencontre des toxicomanes et même des vendeurs. Seuls les plus aguerris se rendront dans les salles de shoot ; je crains que celles-ci ne servent qu'à nous donner bonne conscience... Répression d'un côté, autorisation de l'autre : c'est contradictoire !
Les consommateurs de drogue, surtout de cocaïne et d'héroïne, se recrutent souvent plus parmi les classes aisées que dans les quartiers populaires, par exemple des cadres qui se droguent en réponse au stress. Comment faire intervenir la médecine du travail, à laquelle vous ne faîtes pas référence ?
Je n'en démordrai pas, il faut taxer les consommateurs, car ce sont eux qui font vivre le trafic. Acheter de la drogue est une forme de recel. Je mets acheteur et vendeur sur le même plan. Un simple stage de sensibilisation, le plus souvent non suivi, ne suffit pas : agissons là où ça fait mal, en sanctionnant tout autant le consommateur que le petit dealer.
La prévention ? Il faudrait expliquer dès le CM2 les risques liés à la consommation de drogue, dire à ces enfants, qui fument parfois déjà, qu'un joint n'est pas la même chose qu'une cigarette. L'immense majorité des consommateurs de cocaïne ont commencé par le cannabis, preuve que la prévention est indispensable parce qu'il n'y a pas de drogue « douce ». Même ceux qui arrivent à s'en sortir connaîtront des séquelles tout au long de leur vie.
Mme Catherine Génisson. - Ne stigmatisons pas les consommateurs de drogue : toutes les couches de la société sont concernées. Sans doute les propositions de Samia Ghali relèvent-elles plutôt de la commission des lois que de la nôtre.
N'oublions pas les drogues de synthèse, dont la toxicité psychique et neurologique est terrible.
Des professionnels de santé, des médecins estiment que les salles de shoot ne sont peut-être pas une mauvaise solution. Pour ma part, je suis perplexe. La prise en charge sanitaire des toxicomanes pose de vrais problèmes. Les toxicomanes se passent le nom des médecins ou pharmaciens qui y sont sensibilisés, ce qui expose ces derniers à des poursuites et parfois à de lourdes peines. J'ai ainsi vu en Nord-Pas-de-Calais des médecins tout sauf malhonnêtes condamnés pour être allés au-delà de l'altruisme...
M. Claude Jeannerot. - Ce rapport a le grand mérite de présenter un état des lieux complet. Les chiffres cités montrent l'ampleur d'un phénomène qui touche toutes les couches de la société. Attention toutefois à ne pas adopter une approche trop fataliste. Oui à une prévention offensive, notamment dans le cadre scolaire, au développement des soins aux toxicomanes, mais cela ne suffit pas : il faut aussi empêcher concrètement l'émergence et le développement de ces addictions.
Enfin, quelle nuance faites-vous entre « expérimentateur » et « consommateur » ?
M. René-Paul Savary. - Il y a un problème lié aux traitements de substitution aux opiacés. J'ai suivi des toxicomanes qui, dix ou quinze ans après avoir arrêté la drogue, prenaient encore des produits de substitution et restaient dans une dépendance légalisée. Triste constat, d'autant que la consommation de drogue peut provoquer des dégâts psychiatriques très importants, avec notamment des états schizophréniques. Les rares qui s'en sortent conservent toujours des séquelles.
La question de la recherche n'est abordée ni dans le rapport, ni dans la Charte. Il est établi que certains organismes sont génétiquement plus appétents : il leur suffit d'avoir touché une fois à la drogue, lors d'une rave party par exemple, pour en réclamer à nouveau. On ne trouvera de solution que lorsqu'on aura compris quel gène rend certains organismes plus appétents que d'autres, et comment y remédier.
Mme Isabelle Pasquet. - Ce débat est intéressant mais frustrant car l'examen d'une ligne budgétaire du projet de loi de finances se prête mal à l'évaluation de la politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie. L'an dernier, la mission commune d'information Assemblée nationale-Sénat sur les toxicomanies avait réalisé des auditions très intéressantes, notamment sur la recherche, et produit un rapport très riche. Je regrette qu'aucune suite ne lui ait été donnée.
La compétence de la Mildt s'étend à l'ensemble des addictions, parce que toutes posent un problème de santé publique et appellent des mesures et des prises en charge spécifiques. La politique du tout-répressif menée jusqu'ici a montré ses limites. Les objectifs de la nouvelle présidente de la Mildt sont intéressants ; j'espère que nous pourrons faire des propositions pour le plan qui sera présenté au printemps.
Les salles de consommation ? Changeons d'abord leur nom. Mieux vaudrait par exemple parler de centres de santé spécialisés. Ces lieux offriront aux consommateurs une prise en charge médicale et sociale, et s'inscriront dans la démarche de prévention et d'éducation.
Enfin, comme l'a dit Samia Ghali, le rôle à confier à la médecine du travail et aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) mérite également d'être étudié.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - La dépénalisation n'entraîne pas une réduction de l'usage, au contraire. Je crains que l'instauration des salles de shoot ne lève l'interdit. Les jeunes se diront : c'est autorisé. Je pense comme Samia Ghali qu'il faut pénaliser le consommateur, et pas seulement le petit dealer. A la mort de son père, un jeune homme de mon village très tranquille a basculé dans la drogue. Hospitalisé d'office, il est ressorti huit jours plus tard sans avoir été soigné. Il peut suffire d'un problème grave dans la vie pour que quelqu'un sombre dans l'alcool ou la drogue. Ce gentil garçon, Jean-François, est mort. Il ne faut donc pas appeler ces salles « centres de santé » !
Mme Laurence Cohen, rapporteure pour avis. - Un rapport budgétaire, aussi passionnant soit-il, est un exercice qui a ses limites, notamment de temps. Trop souvent, la question de la drogue et de la toxicomanie est traitée sur le mode du sensationnel : on braque les projecteurs tantôt sur le cannabis, tantôt sur les salles de consommation, tantôt sur les déclarations de tel ou tel ministre, sans donner au public de véritables éléments de réflexion. La charte apporte des éléments pour un débat renseigné, au-delà du cercle des spécialistes, car nous sommes tous concernés, en tant qu'élus bien sûr, mais aussi dans le cadre familial ou professionnel.
Les nombreux professionnels que j'ai auditionnés estiment que la politique répressive ne répond pas aux réalités du terrain. Cette charte, qui rassemble des points qui ont fait consensus parmi les associations, pourrait servir de base à des politiques de prévention.
Pour répondre à Claude Jeannerot, on parle d'« expérimentateur » quand la personne a fait usage de la drogue une fois dans sa vie, et de « consommateur » quand cet usage est régulier. Taxer les consommateurs ? Aux termes de la loi de 1970, la consommation de drogue est punie d'une peine de prison. Le syndicat de la magistrature estime que ce n'est pas une réponse adéquate.
J'ai été frappée d'apprendre à quel point le personnel pénitentiaire était démuni. Dans nos prisons surpeuplées, les toxicomanes, loin d'être suivis, sont relégués dans leur cellule. Quand des violences éclatent, les surveillants ne peuvent y répondre, d'où l'importance d'une formation adaptée à ces comportements. Je pensais naïvement qu'il y avait sans doute une surconsommation de médicaments en prison ; j'ai appris qu'en réalité, les médicaments étaient détournés de leur usage, écrasés et sniffés avec des pailles qui sont partagées et réutilisées, entraînant blessures et infections. Il est impératif de se pencher sur la toxicomanie en prison et d'adapter nos politiques au terrain.
La Mildt a réalisé en 2012, avec le ministère du travail, un guide sur la prévention des risques liés à la consommation de drogues en milieu professionnel. Longtemps ignorée, cette question fait aujourd'hui l'objet d'une attention renouvelée.
Nous aurions aimé qu'une attention plus grande soit portée à la prévention, à l'éducation et à l'accompagnement, mais les moyens alloués jusqu'ici étaient très faibles. La lettre de cadrage du Premier ministre et les déclarations de la présidente de la Mildt vont toutefois dans le bon sens.
L'alcool, enfin, est une drogue, licite. Heureusement que les jeunes ne regardent pas nos débats : celui que nous venons d'avoir sur la taxation de la bière ne les aurait guère incités à réduire leur consommation !
M. Jacky Le Menn. - Bien sûr !
M. René-Paul Savary. - Le problème, c'est la surconsommation. Comme pour l'huile de palme !
Mme Gisèle Printz. - Samia Ghali connaît très bien ces sujets, je rejoins ses propos. Allons à l'essentiel : il faut plus de moyens pour traquer et punir les trafiquants ; sans eux, il n'y aurait pas de drogue, donc pas de toxicomanie.
M. Jacky Le Menn. - Comme René-Paul Savary, je suis d'avis qu'il faut faire davantage pour la recherche. Qu'entend-on par prévention ? Est-elle identique pour les jeunes et pour ceux qui sont enracinés dans la vie professionnelle ? L'esprit du temps conduit beaucoup de jeunes cadres à recourir à des stupéfiants, pour atteindre les objectifs qui leur sont fixés. La prévention est liée aux conditions de travail.
Quel est l'objectif de la Mildt ? Selon la charte, elle devrait s'attacher à « créer du lien, rechercher du consensus entre les différents acteurs administratifs et professionnels afin de proposer et d'animer une politique publique dans ce domaine ». Si c'est d'une politique d'ensemble pour lutter contre tout ce que recouvre le terme générique de drogue qu'il s'agit, que faisons-nous face au lobby de l'alcool ? Souvenons-nous de nos débats en séance publique où tant d'aberrations ont été énoncées ! Des crédits doivent être destinés parallèlement à la répression, aux services du ministère de l'Intérieur qui ont en face d'eux des gens dotés de moyens importants. Dans cette perspective, que doivent peser les moyens de la Mildt ? Il faut financer l'accompagnement, la prévention, la communication, qui doivent être adaptés et diversifiés. La mission ne peut pas tout faire, compte tenu de l'ampleur du problème des toxicomanies...
M. René-Paul Savary. - Des addictions !
M. Jean-Pierre Godefroy. - Vous regrettez à juste titre la baisse des crédits alloués cette année. Pourquoi en effet l'effort devrait-il être moindre que l'année dernière ?
La diminution prévisible des fonds de concours, malgré la loi Warsmann, est-elle due à un déstockage massif lors de l'exercice précédent ou à une moindre efficacité des saisies ? En vertu de quoi s'effectue la répartition entre les différents services, que vous retracez dans votre rapport ? Vous parlez des poreuses frontières orientales de l'espace Schengen. Les frontières maritimes ne le sont pas moins. La suppression des postes de douanes ou police aux frontières dans les ports n'aide pas les saisies. Les crédits sont-ils bien ciblés ?
M. Jean-Claude Leroy. - Je suis frappé par la recrudescence des accidents de la route causés par la drogue ou l'usage combiné de drogue et d'alcool. Les jeunes ne devraient-ils pas être sensibilisés aux effets néfastes de la drogue au moment où ils sont réceptifs, pendant qu'ils préparent le permis de conduire ? J'aimerais disposer de statistiques claires sur le nombre d'accidents dus à la drogue.
Mme Samia Ghali. - La lutte contre le trafic et la consommation de drogue est l'une des raisons de mon entrée en politique. C'est dire combien notre travail ici est essentiel pour moi. Catherine Génisson considère que beaucoup a été fait pour les consommateurs de drogues. Il reste encore beaucoup à faire. Si nous touchons là au domaine de la commission des lois, il nous revient de lui apporter nos réflexions et propositions. Il faut mettre les consommateurs face à leurs propres responsabilités.
On ne peut estimer que le trafic ramène le calme dans les cités, bien au contraire. Tous les problèmes réapparaissent, les violences faites aux femmes en particulier. Les trafiquants sont des chefs d'entreprise hors pair, organisés et pourvus d'indéniables compétences intellectuelles. Ils achètent aux employés des bailleurs sociaux la liste des impayés et ciblent les familles monoparentales en difficulté, proposant de payer leur loyer contre la mise à disposition d'une pièce où ils accèdent à tout moment. Des familles entières sont ainsi détruites, des femmes déprimées, au bord du suicide.
J'entends bien l'avis du syndicat de la magistrature. Cela leur ferait du travail supplémentaire. Il faudrait réfléchir à de fortes amendes pour les consommateurs. Et que dire de l'exemple donné par les adultes, les éducateurs, quand les jeunes me font remarquer que les professeurs de leur lycée, les policiers même, viennent leur acheter de la drogue ? On a cassé l'autorité, brisé les repères : il y a quelque chose qui ne va pas dans notre société.
Il y a aussi une irresponsabilité de la part de certains hommes politiques. Mes propos sont durs mais je les assume : je regrette ces déclarations sur la dépénalisation ou la légalisation que certains prônent dans les médias, sans débat préalable au Parlement, sans souci du danger de leurs propos pour les jeunes qui regardent la télévision. Ils donnent le sentiment que ce n'est pas grave...
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Absolument !
Mme Samia Ghali. - Ce n'est pas dans les cités que la consommation est la plus importante, mais dans les quartiers bourgeois. Les cités ont consommé dans les années 1980, puis elles ont vécu les dégâts causés par la drogue. Elles en ont souffert. Il est vrai que pendant ce temps, on n'avait pas à s'occuper de l'emploi, de l'école, de la situation économique et sociale. On les a peut-être endormies, peut-être a-t-on laissé la drogue s'y installer. Elles ont compris sa nocivité, alors elles se sont mises à vendre plutôt qu'à consommer.
Mme Catherine Génisson. - Je respecte le témoignage que nous venons d'entendre. Nous voyons combien il importe d'approfondir la recherche sur ces questions très difficiles. Tout de même, les consommateurs sont dépendants des trafiquants. On ne peut occulter ce fait. Le récit poignant de Marie-Thérèse Bruguière montre combien les addictions graves exigent une permanence de soins, car on ne peut être coercitif 24 heures sur 24. C'est d'ailleurs ce qui explique les échecs de la lutte contre les drogues, licites ou illicites...
L'alcool n'est pas une drogue en soi, c'est la surconsommation qui est dangereuse, pas la consommation normale. Ne faisons pas d'amalgame. Quant aux salles de shoot, leur vocation n'est pas celle de centres de soins, mais plutôt de lieux où les risques liés à la consommation seraient réduits. Je reste donc perplexe...
Mme Laurence Cohen, rapporteure pour avis. - Gardons-nous des caricatures. Les salles de consommation s'adressent à une population sur laquelle les professionnels n'ont aucune prise, afin de renouer un lien, pour ensuite proposer des soins, un accompagnement. On ne peut mener la politique de l'autruche. Le regroupement de consommateurs dans un quartier crée des problèmes d'insécurité. Ces salles offrent une occasion de travailler avec ces publics, en leur redonnant un cadre. Attention à la façon de les nommer : ce ne sont ni des salles de shoot, ni des salles de consommation gratuite, mais des lieux de contact avec les professionnels, où ceux-ci proposeront une prise en charge.
Les politiques suivies en France, mais aussi en Europe et aux Etats-Unis reviennent sur l'aspect répressif, qui a échoué. C'est pourquoi je suis à titre personnel, comme de nombreux professionnels, pour la dépénalisation de l'usage, mais contre la légalisation...
Mme Samia Ghali. - C'est la même chose !
Mme Laurence Cohen, rapporteure pour avis. - ... pour marquer l'interdit. La lutte contre l'usage de la drogue, qui relève d'une politique de santé, exige des moyens financiers et humains. Or ceux-ci diminuent d'année en année. Aussi les nombreuses personnes que nous avons entendues n'ont-elles jamais mentionné la recherche lors des auditions. Bien sûr qu'il faut y travailler, mais connaissez-vous l'état global de la recherche en France ?
Nous devons mener une politique beaucoup plus volontariste. Redonnons aux services de police leur mission de lutte contre les organisations criminelles ! Il y a les consommateurs, certes, mais aussi les réseaux criminels et leur puissance financière, qui pourrissent les quartiers.
Le fonds de concours a perduré sans concertation ni évaluation de la clé de répartition. Tous les professionnels, y compris ceux des services de police, réclament la transparence de l'allocation des crédits et sont favorables à une nouvelle clé de répartition. Seuls 10 % de l'enveloppe vont à la prévention. N'oublions pas que la mission est interministérielle. Or le ministère de l'Intérieur, sur les crédits de la Mildt, paie des factures de téléphone ou des jumelles de surveillance et tant d'autres choses disparates, qu'il devrait prendre en charge sur son budget de fonctionnement. Je ne peux répondre à la question de Jean-Pierre Godefroy sur les causes de la variation du fonds de concours, notamment l'écoulement d'éventuels stocks, faute de données plus précises.
Mme Isabelle Debré. - Vous ne dites mot de la présence de médecins dans les salles de shoot. Cela m'inquiète. Que se passe-t-il en cas d'accident ?
Mme Annie David, présidente. - Ces salles ne sont pas encore mises en place. C'est la Mildt qui est chargée d'établir leur cahier des charges. Il est temps de passer au vote sur le rapport pour avis et les crédits.
M. Alain Milon. - Nous nous abstenons.
Mme Isabelle Pasquet. - Le groupe CRC s'abstient également.
Mme Samia Ghali. - Moi aussi.
La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mildt » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
Enquête de la Cour des comptes relative à la politique vaccinale de la France - Nomination d'un rapporteur
La commission désigne Georges Labazée en qualité de rapporteur sur l'enquête de la Cour des comptes relative à la politique vaccinale de la France.
Prix des médicaments - Proposition de résolution européenne
Mme Annie David, présidente. - La commission des affaires européennes nous a renvoyé la proposition de résolution européenne qu'elle a adoptée mercredi dernier. Présentée par Jean-Louis Lorrain, elle porte sur deux projets de textes communautaires que le rapporteur a étudiés précisément : une proposition de règlement sur les essais cliniques de médicaments ; une proposition de directive encadrant les procédures nationales de fixation des prix des médicaments.
Son rapport met en évidence les inquiétudes suscitées par le projet de règlement sur les essais cliniques qui, en l'état actuel de sa rédaction, pourrait mettre en place une procédure européenne d'autorisation offrant bien moins de garanties que notre législation en matière d'évaluation éthique ou de protection des personnes vulnérables. Il souligne également le caractère contestable du projet de directive sur la transparence des mesures nationales de fixation des prix des médicaments, qui raccourcit les délais pour réaliser les évaluations préalables à l'autorisation de mise sur le marché et exclut leur réexamen lors des décisions relatives au remboursement.
La proposition de résolution demande le retrait du projet de directive et des modifications substantielles du projet de règlement. Nous pourrions désigner un rapporteur et y apporter d'éventuels amendements dans un délai d'un mois, soit au plus tard le 21 décembre. Il me semble cependant qu'il n'y a pas lieu de dupliquer le travail déjà effectué par Jean-Louis Lorrain, qui a abouti à des réserves très claires sur ces deux textes européens.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Le paragraphe n° 17 de la proposition de résolution relève que les articles consacrés aux aspects éthiques sont très insuffisants. Cette remarque peut-elle concerner la question de la recherche sur les personnes, dont nous avons débattu récemment ?
Mme Annie David, présidente. - Il s'agit ici des essais cliniques de médicaments... Jean-Louis Lorrain propose de ne pas accepter en l'état le projet de règlement européen, très en retrait par rapport à notre législation nationale en matière de protection des personnes se prêtant aux essais de médicaments.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Je suis rassuré.
Mme Annie David, présidente. - Je vous propose de laisser jouer la disposition de notre règlement prévoyant qu'à l'issue du délai d'un mois, la proposition de la commission des affaires européennes est considérée comme adopté par la commission saisie au fond. Elle deviendrait alors une résolution du Sénat sauf si le président du Sénat, un président de groupe ou de commission ou le Gouvernement demandait sa discussion en séance publique.
M. Alain Milon. - Les membres du groupe UMP sont convoqués salle Médicis. Veuillez nous excuser.
Loi de finances pour 2013 - Mission « Outre-mer » et article 66 ter rattaché - Examen du rapport pour avis
La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Michel Vergoz sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Outre-mer »).
M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis. - Le 15 novembre, le Parlement adoptait définitivement le projet de loi relatif à la régulation économique outre-mer posant, après la création d'un ministère des outre-mer de plein exercice, un jalon dans la lutte contre les difficultés économiques et sociales de nos départements et collectivités ultramarins : le niveau de vie médian des populations d'outre-mer est inférieur d'un tiers au niveau hexagonal, tandis que les écarts de prix atteignent jusqu'à 40 % sur les produits alimentaires. Sur fond de chômage massif chez les jeunes (60 % en Martinique et à la Réunion contre 22 % dans l'hexagone) et de sentiment de relatif abandon, cette situation a conduit aux manifestations aux Antilles en 2009, à la paralysie de Mayotte pendant quarante-quatre jours en 2011, au conflit social à la Réunion au début de cette année.
Après plusieurs années de diminution, les crédits marquent une inflexion salutaire. Le budget de la mission s'élèvera l'année prochaine à plus de 2 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 5 %). Il ne représente qu'une partie de l'effort total consenti en faveur des populations ultramarines. Celles-ci bénéficient de crédits transversaux, répartis en quatre-vingt-onze programmes, relevant de vingt-sept missions, à hauteur de 13,8 milliards d'euros de crédits de paiement.
Les outre-mer ont largement participé à l'effort national de maîtrise de la dépense publique. Sous couvert d'appel au développement endogène, trop propice au désengagement de l'Etat, des coûts de rabot successifs sur les dépenses fiscales ont remis en cause la solidarité nationale. Après la réduction des exonérations de charges sociales décidée par la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodéom), les crédits de la mission ont chuté dans les deux dernières lois de finances. L'année dernière en particulier, les crédits de paiement ont baissé de 53,5 millions d'euros au préjudice du soutien aux entreprises et du service militaire adapté (SMA).
Les économies et les sociétés ultramarines sont devenues très dépendantes de la dépense fiscale, largement privilégiée par rapport à la dépense budgétaire. Elle s'élève à 3,1 milliards d'euros en 2013, après 3,4 milliards d'euros en 2011, soit une fois et demie le montant des crédits de paiement de la mission.
L'article 56 du projet de loi de finances pour 2013 abaisse le plafonnement global des réductions et crédits d'impôt à caractère incitatif ou liés à l'investissement à compter de l'imposition des revenus de l'année 2009. Compte tenu de la grande précarité de nos territoires, je salue la décision d'exonérer les dépenses fiscales spécifiques à l'outre-mer, mais j'ai aussi conscience du malaise que cela provoque. Il ne s'agit pas d'avantages indus ; les outre-mer sont trop souvent injustement accusés de profiter de soi-disant largesses. La nécessité de réduire les niches fiscales peut se justifier pour redresser les finances publiques, elle est même impérative lorsque ces niches sont improductives ou inefficaces. Toutefois, il s'agit depuis des années du principal outil de soutien à nos territoires d'outre-mer. Un retrait brutal risquait de mettre en péril des pans entiers d'économies qui font face dans leur environnement régional à la concurrence de faibles coûts salariaux. Comme l'a déclaré le président François Hollande dans sa conférence de presse sur le pacte de compétitivité, « l'économie n'aime pas les chocs ; ce que demandent les acteurs économiques, c'est de la visibilité, de la stabilité, et pas des improvisations ».
Ce choix ne préjuge pas de l'évaluation des niches fiscales outre-mer que le Gouvernement réalisera avant le 1er mai 2013, engagement défendu à travers l'amendement n° 333 soutenu par le président de la commission des finances Gilles Carrez et adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 15 novembre. Après une appréciation objective de l'efficacité des incitations fiscales, nous pourrons décider en toute connaissance de cause. Je serai très attentif à la réalisation effective de ce projet.
La maquette budgétaire ne connaît pas de changement fondamental par rapport à l'an dernier. Seule la constitution du ministère a entraîné la création d'une nouvelle action, consacrée au pilotage des politiques des outre-mer, dotée de 2,8 millions d'euros, qui regroupe des crédits relevant auparavant du ministère de l'intérieur.
Le programme « Emploi outre-mer » sera doté de près de 1,4 milliard d'euros en crédits de paiement, soit plus de 4 % par rapport à 2012. Représentant la plus grande partie des dépenses du programme, la compensation des exonérations de charges s'élèvera à 1,157 milliard d'euros contre 1,117 milliard en 2012. Ciblé sur les plus petites entreprises, l'allégement des charges doit, en diminuant le coût du travail, favoriser la création d'emplois pérennes dans les entreprises du secteur marchand des départements d'outre-mer et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Les moyens de cette action sont légèrement supérieurs au montant des besoins évalués par les caisses de sécurité sociale à environ 1,15 milliard d'euros en 2012. Mais les crédits prévus sont généralement sous-budgétisés : malgré leur hausse significative, il reste malaisé de savoir si l'Etat pourra faire face à l'intégralité de ses engagements envers les organismes de sécurité sociale.
L'essentiel des autres crédits du programme « Emploi outre-mer » concerne le service militaire adapté (SMA), doté de 199 millions d'euros, en progression de 7 %. En tant que maire, j'ai mesuré avec bonheur à quel point ce dispositif essentiel répond aux besoins des outre-mer, en tout cas à la Réunion. Grâce à un programme effectué sous statut de volontaire dans les armées pendant environ un an, le SMA offre à une partie des jeunes ultramarins âgés de dix-huit à vingt-six ans, le plus souvent en situation d'échec scolaire, une formation civique et une meilleure employabilité.
Le programme « SMA 6000 », lancé début 2009, augmente la capacité de formation de 2 900 volontaires à 6 000 en 2015 et l'ouvre à de nouveaux bénéficiaires, jeunes diplômés en chômage de longue durée, pour un cursus de formation court (six mois). Pour accompagner la montée en puissance de ce programme, la mission « Outre-mer » prévoit une hausse de 43 % des dépenses d'investissement du SMA, tandis que ses dépenses courantes seront maîtrisées. Nous nous félicitons de cette évolution très positive. Les acteurs concernés se sont approprié le dispositif et le taux d'insertion des jeunes à l'issue de leur formation s'élève à 76 %.
Etant donné la dégradation de la situation économique des outre-mer, la mobilité vers l'hexagone est un facteur de succès. Le besoin est évalué à 1 200 volontaires sur 4 200 jeunes insérés par an, alors qu'aujourd'hui seulement 600 s'engagent dans cette voie. Il conviendra de renforcer l'information sur la mobilité hors des territoires d'outre-mer.
Le programme « Conditions de vie outre-mer » s'établit à 645,5 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse de 2,7 %. La volonté de revenir à la ligne budgétaire unique (LBU) comme socle de la politique du logement dans les outre-mer se traduit par une remise à niveau significative. Elle progresse de 6 % en crédits de paiement, pour atteindre 227 millions d'euros.
La situation du logement en outre-mer demeure tendue. Les contraintes spécifiques sont connues : besoins très importants liés au rattrapage économique et à la croissance démographique supérieure à celle de l'hexagone, pauvreté, limitation des disponibilités foncières, difficultés financières de certaines collectivités territoriales. Certes, en 2011, 8 107 logements ont été financés, dont près de la moitié à la Réunion, soit 53 % de plus qu'en 2007. Cependant, il y avait plus de 70 000 demandes de logements sociaux pour l'ensemble de ces territoires. Selon les projections réalisées par la délégation générale à l'outre-mer, 20 500 logements neufs devraient être construits chaque année jusqu'en 2030 pour répondre à l'intégralité des demandes. La dotation prévue ne suffira pas pour faire face à l'immensité des besoins : elle constitue une première étape.
Les crédits du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) augmentent très fortement en 2013, de 194 % en autorisations d'engagement et 36 % en crédits de paiement, conformément à un engagement de campagne du Président de la République, qui a annoncé un programme pluriannuel d'investissements publics.
Les crédits affectés au FEI ont fortement diminué, revenant de 165 millions d'euros en autorisations d'engagement et 51 millions d'euros en crédits de paiement en 2009 à 17 millions d'euros en autorisations d'engagement et 19 millions d'euros en crédits de paiement en 2012.
Le rattrapage du retard des outre-mer en équipements structurants est impératif pour améliorer les conditions de vie de nos concitoyens ultramarins. En 2013, le plan de rattrapage des investissements publics sera doté de 50 millions d'euros et 500 millions d'euros sont prévus pour les cinq prochaines années. Les investissements devraient être ciblés sur l'adduction d'eau potable et l'assainissement, ainsi que les équipements de proximité sanitaires et sociaux.
La lutte contre le désenclavement est, de manière tout à fait inappropriée, intitulée « continuité territoriale », ce qui est un leurre si l'on compare sa dotation (51 millions d'euros) à celle de la Corse (plus de 180 millions d'euros). « Aide à la mobilité » m'apparaît plus conforme à la réalité.
Sous cette réserve, je salue la volonté de préserver l'une des rares missions dont les crédits progresseront en 2013. Selon la programmation triennale, les crédits poursuivront leur hausse, au rythme de 3,9 % entre 2013 et 2014, puis de 3,6 % entre 2014 et 2015.
Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission, que la commission des finances a adoptés le 20 novembre dernier.
M. Claude Jeannerot. - Vous soulignez à juste titre l'évolution positive de ce budget, ainsi que la pertinence du SMA, qui s'adressera à un nombre de jeunes en hausse significative. Un tel dispositif serait très utile en métropole, où certains jeunes rempliraient parfaitement les conditions d'accès. Si l'on y ajoute les emplois d'avenir, nous avons deux dispositifs qui ouvrent des perspectives aux jeunes d'outre-mer.
Mme Catherine Génisson. - Je suis sur la même ligne que vous sur le SMA ainsi que sur ce beau département de Corse. Vous parlez d'exonérations de charges de 1,157 milliard d'euros. Ne s'agit-il pas plutôt de cotisations ? Sont-elles les mêmes que sur le territoire métropolitain ?
Vous évoquez les niches fiscales. Ma question est peut-être inopportune, mais quand pensez-vous voir la fin de ce système dérogatoire, qui mettrait enfin les Dom à égalité avec les territoires métropolitains ?
M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis. - Pas de sitôt, voire jamais ! C'est la Constitution qui l'affirme. Elle dispose, en son article 73, que les lois et règlements « peuvent faire l'objet d'adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités » - insularité, éloignement, exigüité de leur territoire...
Mme Catherine Génisson. - Vous-même avez parlé de « malaise ».
M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis. - Appelons un chat un chat : oui, la défiscalisation crée un malaise. La possibilité de dérogations est inscrite, non seulement dans notre loi fondamentale, mais à l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Nous aurons de grands débats à ce sujet, qu'il nous faudra suivre avec attention. Sans être un promoteur ou un idéologue de la défiscalisation, je ne veux pas jeter le bébé avec l'eau du bain.
Donnons au nouveau Gouvernement le temps de la réflexion. Non seulement les banques locales ont tourné le dos aux entreprises, plus encore qu'en métropole, mais encore l'Etat s'est désengagé budgétairement, à hauteur de 40 %, ces dernières années. Je n'ai d'ailleurs jamais entendu la rue réunionnaise ou ultra-marine réclamer la défiscalisation : celle-ci a été élaborée dans le secret de cabinets parisiens, pour servir quelques milliers de privilégiés dans l'hexagone. Dont acte. Nous héritons de cette situation. Je suis très heureux que la sagesse l'ait emporté et que le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale ait déclaré qu'il fallait laisser du temps pour l'analyse.
Quelle est l'alternative ? Comment en sortir ? Si le Gouvernement veut remplacer un jour la dépense fiscale par une dépense budgétaire équivalente, banco ! D'autant qu'il se chuchote - parce qu'aucune étude objective n'a jamais été menée à ma connaissance - que la défiscalisation coûterait plus cher à la Nation que la dépense budgétaire. Imaginons que ce soit exact... Responsables, nous savons que la Nation affronte des difficultés.
Je suis d'accord avec M. Jeannerot sur le service militaire adapté (SMA) qui est apprécié chez les ultra-marins. J'ai plaisir à entendre un collègue souhaiter son expérimentation dans l'hexagone. Les jeunes en sortent formés, diplômés et insérés dans la société. Il y a de multiples formations comme chauffeurs de poids-lourds ou de tractopelles. Une intéressante section consacrée à l'environnement a également été ouverte.
M. Claude Jeannerot. - En Martinique, le SMA marche bien, ainsi qu'en Guyane. Il faudrait le proposer dans certaines régions de métropole.
Mme Annie David, présidente. - Le SMA forme dans tout l'outre-mer, notamment aux métiers du bâtiment.
M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis. - Les exonérations de cotisations patronales sont spécifiques à l'outre-mer et concernent des entreprises de moins de onze salariés.
Mme Catherine Génisson. - Je voterai ce rapport, mais pourquoi ne pas envisager de péréquation pour respecter les spécificités des territoires ultra-marins ? Ce serait préférable et sans doute plus juste que les défiscalisations actuelles.
M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis. - J'ai été révolté par les dérives de la défiscalisation. Ces bateaux de vingt-cinq mètres pourrissant dans le port de la Pointe des Galets et que des pêcheurs n'avaient pas le droit d'acheter, c'était inadmissible. Sortons par le haut en proposant des mesures plus justes.
Suivant son rapporteur, la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » ainsi qu'à l'article 66 ter rattaché
Loi de finances pour 2013 - Mission « Travail et emploi » et articles 71 et 72 rattachés - Examen du rapport pour avis
Enfin la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Claude Jeannerot sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Travail et emploi »).
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. - Depuis dix-huit mois, le nombre de demandeurs d'emploi augmente sans discontinuer, le cap des trois millions de chômeurs a été franchi en août et il y a eu 45 000 chômeurs de plus en octobre. Dans le même temps, la France doit gérer un endettement historique, d'où l'indispensable effort de réduction des déficits publics. Le Gouvernement en a tenu compte en élaborant un projet de budget du travail et de l'emploi qui marque un réel changement d'orientation.
Le changement se manifeste d'abord par l'évolution globale des crédits : entre 2008 et 2012, le nombre de demandeurs d'emploi a augmenté d'un million, tandis que les crédits de la mission « Travail et emploi » baissaient de 20 %. Ce budget inverse la tendance avec 10,3 milliards, soit une hausse de 2 %, et même de 4 % en tenant compte du transfert de 250 millions vers le compte d'affectation spéciale « fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage ».
Le changement se traduit également par la volonté d'établir une relation de confiance avec les partenaires sociaux. Par respect de leur autonomie, le Gouvernement a décidé de ne plus ponctionner le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, pratique à laquelle nous nous étions opposés l'an dernier.
Le changement passe surtout par la définition de nouvelles priorités. L'emploi des jeunes, d'abord, a été au coeur de la campagne du président de la République. 100 000 jeunes seront embauchés en emploi d'avenir. La montée en charge se poursuivra en 2014 pour arriver à un total de 150 000 bénéficiaires par an. Les crédits consacrés aux emplois d'avenir atteindront 2,3 milliards en autorisations d'engagement et 466 millions en crédits de paiement. Les moyens consacrés aux autres dispositifs en faveur des jeunes, notamment au contrat d'insertion dans la vie sociale, seront maintenus. En revanche, le Gouvernement propose de supprimer le contrat d'autonomie, lancé en 2008 dans le cadre du plan « Espoir banlieues » et dont nous en avions maintes fois dénoncé le médiocre rapport coût-efficacité. Sa suppression occasionnera une économie de 46 millions.
Dans quelques semaines, nous examinerons le projet de loi relatif au contrat de génération, retranscrivant l'accord unanime conclu par les partenaires sociaux le 19 novembre. Les entreprises de moins de trois cents salariés bénéficieront d'une aide de l'Etat lorsqu'elles recruteront un jeune tout en maintenant dans l'emploi un senior qui sera chargé de transmettre ses savoirs et ses compétences. Le coût de cette mesure, qui sera présentée en collectif, devrait se monter à un milliard par an.
La deuxième priorité consiste à atténuer les effets de la crise pour les publics les plus fragiles, grâce notamment aux contrats aidés. En 2012, le Gouvernement a pris des mesures d'urgence pour remédier à la surconsommation des contrats aidés observée pendant les premiers mois de l'année. Il a d'abord autorisé, en juin, la conclusion de 80 000 contrats supplémentaires : 60 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et 20 000 contrats initiative-emploi (CIE). Puis il a ouvert en octobre une nouvelle enveloppe de 40 000 CAE, un décret d'avance débloquant les 300 millions nécessaires. Pour 2013, le projet de loi de finances consacre encore 1,5 milliard à 340 000 CAE et 186 millions à 50 000 CIE. Le déploiement des emplois d'avenir n'interviendra pas au détriment des autres contrats aidés.
Le secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) effectue un travail remarquable auprès de personnes en grande difficulté. Il était initialement prévu de reconduire à l'identique les crédits votés en 2012, soit 140 millions pour les entreprises d'insertion, 23,5 millions pour les ateliers et les chantiers d'insertion et 12,7 millions pour les associations intermédiaires. Lors du débat sur les emplois d'avenir, il a beaucoup été question des moyens attribués à ce secteur. L'Assemblée nationale, qui a souhaité adresser un signal positif aux entreprises d'insertion percevant une aide au poste dont le montant n'avait pas été revalorisé depuis dix ans, a décidé de majorer de 10 millions leur dotation. Sans répondre à tous les besoins, cette mesure aidera les entreprises d'insertion à attendre la réforme du financement de l'IAE que Michel Sapin a annoncée mercredi dernier.
Troisième priorité, l'accompagnement des mutations économiques est plus nécessaire que jamais dans le contexte de crise. Il est proposé de pérenniser le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), créé en 2011, auquel 90 000 personnes ont déjà adhéré. Le CSP, pour lequel plus de 100 millions sont prévus, offre un parcours de transition professionnelle à des personnes licenciées pour motif économique. Le dispositif du chômage partiel est relancé : il évite des licenciements en cas de retournement brutal de la conjoncture. Le gouvernement précédent avait pourtant réduit considérablement la dotation qui n'était plus que de 40 millions en 2011 et de 30 millions cette année. Il est proposé de la porter à 70 millions. Le Gouvernement a également décidé de rétablir la procédure d'autorisation administrative préalable supprimée en début d'année.
La quatrième priorité est le renforcement du service public de l'emploi. En 2011, la précédente majorité avait supprimé 1 800 postes à Pôle emploi, alors que le chômage repartait à la hausse. En 2012, il a été décidé, au contraire, d'augmenter les moyens de Pôle emploi en lui permettant d'embaucher 2 000 agents supplémentaires en CDI. Afin de les financer, la dotation de l'Etat va augmenter de plus de 100 millions, pour atteindre 1,47 milliard. Ces 2 000 agents seront tous affectés à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, pour mettre en oeuvre le nouveau suivi personnalisé. En complément, Pôle emploi va redéployer 2 000 postes de travail des fonctions support vers l'accompagnement. Au total, 4 000 conseillers supplémentaires seront ainsi au contact direct des usagers.
Les missions locales, qui suivent les jeunes de moins de vingt-six ans, verront également leurs moyens augmenter : à la dotation de base de près de 180 millions, s'ajouteront 30 millions au titre de leur contribution au déploiement des emplois d'avenir.
Cinquième et dernière priorité, le développement des formations en alternance, avec l'objectif, fixé par le Premier ministre, de 500 000 apprentis à la fin du quinquennat. Cet objectif peut sembler en retrait par rapport aux annonces passées. L'ancien président de la République avait annoncé, le 1er mars 2011, que 800 000 jeunes seraient formés par alternance dès 2015, ce qui supposait d'augmenter le nombre d'alternants d'un tiers en quatre ans. Peu friand d'effets d'annonce, Jean-Marc Ayrault a préféré fixer un objectif plus modeste, mais plus réaliste. Une partie des moyens consacrés à l'apprentissage figurent dans la mission « Travail et emploi ». Les régions recevront notamment une dotation de 550 millions, pour la prime d'apprentissage, et 1,2 milliard sera versé à la sécurité sociale afin de compenser le manque à gagner dû à l'exonération de cotisations sociales applicable aux contrats d'apprentissage.
Depuis l'an dernier, une part importante des ressources dédiées à l'apprentissage est retracée dans le compte d'affectation spéciale « fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage » qui dépensera 825 millions en 2013, dont 250 millions versés aux régions au titre de la compensation des compétences transférées en matière d'apprentissage, 200 millions consacrés à la péréquation des sommes perçues au titre de la taxe d'apprentissage, 360 millions au financement des actions arrêtées en application des contrats d'objectifs et de moyens conclus entre l'Etat et les régions et 15 millions pour financer le bonus versé aux entreprises qui comptent plus de 4 % d'apprentis dans leurs effectifs. L'Assemblée nationale a majoré de 2 millions la dotation des actions de promotion de l'apprentissage, afin de prolonger certaines expérimentations tendant à prévenir les ruptures de contrats d'apprentissage, encore trop fréquentes, notamment dans des secteurs comme l'hôtellerie-restauration.
La politique du travail et de l'emploi prend sa part de l'effort nécessaire de réduction des déficits publics. Elle y contribue en supprimant ou réduisant des niches fiscales et sociales et je me félicite de la limitation des exonérations applicables aux heures supplémentaires. Notre commission souhaitait remettre en cause ces exonérations coûteuses pour les finances publiques - 4,9 milliards en 2012 - et qui décourageaient les embauches.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit d'aligner le taux de cotisation des auto-entrepreneurs sur celui des autres travailleurs indépendants. Cette mesure représente une économie de 130 millions, puisque l'Etat n'aura plus besoin de compenser le manque à gagner pour la sécurité sociale.
L'article 71, rattaché à la mission, supprime l'exonération de cotisations sociales pour les salariés créateurs ou repreneurs d'entreprise, instituée par la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique. Cette mesure a eu peu de succès et est aujourd'hui concurrencée par le régime de l'auto-entrepreneur. Sa suppression économisera 4 millions. L'article 72 réserve le bénéfice de l'exonération applicable aux organismes d'intérêt général installés dans les zones de revitalisation rurale à ceux comptant moins de cinq cents salariés, soit une économie de l'ordre de 20 millions.
Des économies sont enfin demandées aux services du ministère du travail et de l'emploi : il perd 141 ETP, les crédits de fonctionnement courant baissent de 6 % et les dépenses de gestion et d'entretien du parc immobilier de 8 %. Les subventions versées à divers opérateurs, tels que l'Institut national du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (Intefp), le Centre d'études de l'emploi (CEE) ou l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) vont également diminuer. Cette baisse des crédits et des effectifs impose aux agents des réorganisations, mais elle est indispensable pour accroître les moyens des ministères prioritaires, sans creuser les déficits ni augmenter encore les prélèvements obligatoires.
Il nous faudra rester vigilants sur la situation de ces chômeurs âgés, ayant suffisamment cotisé pour avoir droit à une retraite à taux plein, qui arrivent aujourd'hui en fin de droits et qui subissent les conséquences de la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER). Le Sénat a voté hier soir un amendement de Martial Bourquin instaurant une taxe sur les nuits d'hôtel de luxe, dont l'objectif est de trouver une ressource. M. Cahuzac nous a dit que le nombre de personnes concernées serait précisément connu en décembre, et il a confirmé l'engagement du gouvernement à faire avancer ce dossier d'ici janvier.
Mme Catherine Génisson. - Et d'apporter une solution !
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. - Certes, car à l'expiration de leurs droits à l'assurance chômage, ces personnes se retrouvent titulaires de minima sociaux, dont le montant est modeste, 470 euros pour l'ASS, alors que le montant de l'AER, dont elles pensaient bénéficier jusqu'à leur retraite, était de l'ordre de 1 000 euros. Le Gouvernement souhaite disposer d'un peu de temps pour évaluer les effets du décret qui a rétabli l'âge de départ à la retraite à soixante ans pour les salariés qui ont commencé à travailler tôt. Il réexaminera cette question dans le cadre de la discussion sur l'avenir des régimes de retraite qui aura lieu au premier semestre 2013. Dans l'immédiat, le ministre du travail a donné instruction aux préfets d'éviter, à court terme, une chute des revenus de ces chômeurs grâce à des contrats d'accompagnement dans l'emploi.
Je suis très attaché au devenir de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). Son président, Yves Barou, nous a dit à quel point sa situation financière était précaire. Le Gouvernement a pris des mesures d'urgence pour éviter la cessation de paiement mais une action plus structurelle est nécessaire : tel est l'objet du plan de refondation qui vient d'être rendu public. L'Etat peut aider l'Afpa en lui transférant le patrimoine immobilier dont il est propriétaire, via des baux emphytéotiques, et en participant à sa recapitalisation, ses besoins en fonds propres étant estimés entre 200 et 300 millions. A moyen terme, la définition d'un service d'intérêt économique général (SIEG) ferait échapper une partie du marché de la formation à la stricte application des règles de la concurrence, ce qui aiderait l'Afpa à faire valoir ses atouts et ses spécificités.
En conclusion, ce projet de budget n'est évidemment qu'un des leviers à la disposition du Gouvernement pour gagner la bataille de l'emploi. La compétitivité de nos entreprises doit s'améliorer : tel est l'objet du pacte annoncé par le Premier ministre, qui prévoit la mise en place d'un crédit d'impôt afin d'alléger le coût du travail. Beaucoup d'entreprises étant également confrontées à des problèmes de financement, nous allons bientôt examiner le projet de loi relatif à la Banque publique d'investissement. Nous devrons également améliorer le fonctionnement du marché du travail, qui fait peser tout le poids de la précarité sur les jeunes et les seniors. Les partenaires sociaux sont invités à négocier sur ce sujet un accord historique, qui pourrait servir de base à une grande réforme législative. Dans cette attente, je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, ainsi que des deux articles qui y sont rattachés et du compte d'affectation spéciale FNDMA.
Mme Laurence Cohen. - Vous avez noté, à juste titre, l'augmentation du chômage. Une manifestation aura lieu samedi prochain à l'appel de l'Association pour l'emploi, l'information et la solidarité des chômeurs et travailleurs précaires (Apeis) : il faut soutenir le travail de ces associations, car le problème est à la fois individuel et sociétal.
Je partage vos remarques sur l'Afpa : le SIEG répondrait, en partie, aux difficultés actuelles.
Qu'en est-il des cotisations sociales versées par les auto-entrepreneurs ? Pour certains chômeurs, ce statut séduisant n'est-il pas une illusion ?
Je suis étonnée par votre conclusion : vous donnez un avis positif à l'adoption de cette mission alors que ses crédits, en forte baisse, ne sont pas à la hauteur de nos ambitions.
Mme Catherine Génisson. - Ce rapport de qualité illustre le dynamisme de notre politique en faveur de l'emploi. La baisse des crédits de fonctionnement s'explique par le nécessaire redressement des comptes publics.
Le rapporteur a rappelé notre débat d'hier soir sur l'AER : j'espère que le gouvernement fera rapidement des propositions concrètes pour régler ce problème douloureux.
Concernant le service public de l'emploi, je partage ses remarques sur l'Afpa. Je signale que le Nord-Pas-de-Calais expérimente un service public de la formation professionnelle continue. Pourquoi ne pas examiner ce qui s'y fait ? Enfin, les maisons de l'emploi, qui n'ont pas été évoquées, ne font-elles pas doublon avec Pôle emploi ?
Les collectivités territoriales devraient proposer plus de contrats d'apprentissage, car les formations en alternance, qui existent aussi dans l'enseignement supérieur, offrent aux jeunes une voie royale vers l'emploi.
Notre rapporteur a évoqué la suppression des exonérations de cotisations sociales pour les auto-entrepreneurs. Il faudra sans doute aller plus loin et réexaminer ce statut, qui est souvent choisi par des chômeurs qui n'ont en réalité pas les moyens de mener à bien un projet de création d'entreprise. De plus, il donne lieu fréquemment à des abus, certaines entreprises licenciant leurs salariés pour leur demander de devenir ensuite des sous-traitants auto-entrepreneurs.
Mme Annie David, présidente. - Les 30 millions en faveur des emplois d'avenir seront-ils versés aux missions locales ? J'ai été interrogée à ce sujet...
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. - Tout à fait !
Mme Annie David, présidente. - L'apprentissage est une voie de formation intéressante et il faut se préoccuper, comme vous le faites, monsieur le rapporteur, des ruptures de contrats d'apprentissage.
Je m'inquiète de la baisse des subventions à certaines agences, notamment à l'Anact, alors que les conditions de travail se dégradent.
Hier soir, nous avons eu un débat très intéressant sur l'AER : certes, la mesure adoptée sur les nuits d'hôtel de luxe mérite sans doute d'être améliorée, mais nous devons venir en aide à ces personnes qui se retrouvent dans des situations dramatiques.
M. Georges Labazée. - En tant que président de conseil général, je finance des mesures en faveur de l'apprentissage dans des grands groupes. Les chefs d'entreprise qui comparent volontiers leur situation à celle qui prévaut en Allemagne, oublient trop souvent que l'apprentissage est dans ce pays au coeur de la stratégie des entreprises.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. - Oui, l'apprentissage est indispensable et devrait être encouragé par les collectivités territoriales. Dans mon département, je dois me montrer pédagogue pour faire comprendre tout l'intérêt de cette formation. L'objectif de 500 000 apprentis d'ici cinq ans me semble ambitieux, mais réaliste.
Des moyens supplémentaires sont donnés aux missions locales : pour les emplois d'avenir, elles sont le seul référent des jeunes.
Ces deux dernières années, les crédits versés aux maisons de l'emploi ont fortement diminué. Les maisons de l'emploi percevront, comme en 2012, 63 millions alors qu'elles étaient dotées de 95 millions en 2010. Bien que le Gouvernement maintienne leurs crédits en 2013, nous devrons être attentifs car les situations varient considérablement d'une région à l'autre. Dans certains territoires, les maisons de l'emploi ont su trouver leur place, dans d'autres, elles restent en concurrence avec Pôle emploi. Le travail de complémentarité doit aller à son terme.
Le projet de loi de financement pour 2013 prévoit de relever le taux de cotisation des auto-entrepreneurs, sans modifier leur statut. Néanmoins, je partage votre appréciation sur celui-ci et la question reste posée.
Laurence Cohen estime que les crédits diminuent : certes, mais uniquement pour les services du ministère du travail, ce qui aura des conséquences sur l'administration et sur certaines agences, comme l'Institut national du travail qui devra consentir des efforts de gestion, et l'Anact dont les effectifs passeront de 84 à 82 ETP, ce qui n'est pas considérable. Globalement, les crédits de la mission augmentent, je le rappelle, de 2 %.
M. René Teulade. - N'oublions pas l'apport de la future Banque publique d'investissement qui apportera une contribution décisive au financement des entreprises.
Suivant son rapporteur, la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi qu'aux articles 71 et 72 rattachés et au compte d'affectation spéciale « FNDMA ».
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 - Examen des amendements en nouvelle lecture
- présidence de M. Claude Jeannerot, vice-président, puis de Mme Annie David, présidente -
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'examen des amendements sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, en nouvelle lecture.
M. Ronan Kerdraon, rapporteur en remplacement de M. Yves Daudigny, rapporteur général. - M. Yves Daudigny, empêché ce soir, vous prie de bien vouloir l'excuser. S'agissant de la motion n° 16 tendant à opposer la question préalable, il me semble, contrairement à ses auteurs, que les conditions de déroulement du débat sont réunies.
Je vous demande donc d'émettre un avis défavorable sur cette motion.
La commission émet un avis défavorable sur la motion n° 16.
EXAMEN DE LA MOTION PRÉALABLE
MOTION DE PROCÉDURE |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Groupe UMP |
16 |
Motion tendant à opposer la question préalable |
Défavorable |
M. Ronan Kerdraon. - Préalablement à l'examen des amendements extérieurs, je dois vous indiquer qu'un certain nombre d'entre eux visent à substituer des dispositions nouvelles à des articles en discussion, ou à introduire au sein de ces articles, des dispositions nouvelles sans lien avec leur objet.
Or l'article 48 du règlement du Sénat comme la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en dernier lieu en août 2011 sur la proposition de loi Fourcade, dont plusieurs articles ont été annulés sur ce motif, sont très clairs sur ce point.
Après la première lecture, « est irrecevable toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion ».
L'article 48 du règlement prévoit aussi que « la commission saisie au fond est compétente pour se prononcer sur la recevabilité des amendements et des sous-amendements » dans les cas prévus par cet article.
En conséquence, vous trouverez dans la liasse mention des amendements que la commission doit déclarer irrecevables en application de cette règle dite de « l'entonnoir ».
Il s'agit des amendements nos 41, 32, 33, 36, 50, 37, 38, 39 et 34.
Article 19 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Groupe UMP |
21 |
Suppression de l'article |
Défavorable |
Article additionnel après l'article
21 |
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Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Groupe CRC |
33 |
Taux de TSCA pour les contrats complémentaires santé conclus par les bénéficiaires de l'ACS |
Irrecevable |
Article additionnel avant l'article
33 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Groupe CRC |
34 |
Contribution sur les bénéfices des cliniques |
Irrecevable |
Article 45 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Groupe UDI-UC |
63 |
Suppression de l'article |
Défavorable |
Article 57 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Groupe socialiste et apparentés |
13 |
Financement du plan Hôpital numérique |
Tombe |
Article 57 bis |
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Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Groupe UDI-UC |
62 |
Suppression d'une phrase |
Défavorable |