- Mardi 20 novembre 2012
- Organisme extraparlementaire - Désignation de candidats
- Nomination d'un rapporteur pour avis
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Écologie, développement et aménagement durables » (transports ferroviaires et fluviaux) - Examen du rapport pour avis
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Écologie, développement et aménagement durables » (protection de l'environnement et prévention des risques) - Examen du rapport pour avis
- Mercredi 21 novembre 2012
Mardi 20 novembre 2012
- Présidence de M. Raymond Vall, président -Organisme extraparlementaire - Désignation de candidats
La commission désigne MM. Stéphane Mazars et Paul Vergès pour siéger respectivement comme membre titulaire et membre suppléant à la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.
Nomination d'un rapporteur pour avis
La commission décide de se saisir pour avis du projet de loi n° 298 AN (XIVème législature) relatif à la création de la Banque publique d'investissement (sous réserve de son adoption et de sa transmission par l'Assemblée nationale) et nomme M. André Vairetto rapporteur pour avis.
Loi de finances pour 2013 - Mission « Écologie, développement et aménagement durables » (transports ferroviaires et fluviaux) - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis sur les crédits « transports ferroviaires » et « transports fluviaux » de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » du projet de loi de finances pour 2013.
M. Roland Ries. - Je me réjouis de vous présenter le volet « Transports terrestres » du projet de loi de finances pour 2013, c'est-à-dire les crédits consacrés aux chemins de fer, aux transports collectifs et à la voie fluviale. C'est grâce à eux que nous pourrons tenir nos engagements en matière de report modal : nous sommes encore très loin de l'objectif de 20 % de transports non routiers en 2020 ! Et nous avons de quoi nous inquiéter, car le bilan carbone des transports est chaque année plus lourd, c'est même le seul secteur à ne pas progresser globalement. L'enjeu est donc de la toute première importance.
L'actualité des transports terrestres est très riche. Le précédent Gouvernement avait pris des initiatives intéressantes, depuis ce grand moment qu'a été le Grenelle de l'environnement en 2008, jusqu'aux Assises du ferroviaire fin 2011, en passant par le SNIT, qui n'a pas été finalisé mais qui a donné l'occasion d'une réflexion approfondie sur la question des mobilités et du développement durable. Même chose pour le projet du Grand Paris : on en a au moins retenu l'idée, devenue consensuelle, de construire un « grand métro », en plus de la rénovation des lignes existantes. La majorité d'hier a donc fait un travail préparatoire, mais c'est bien nous qui devons faire les arbitrages indispensables aux décisions. Cela, bien sûr, ne va pas sans difficultés puisque nous devons trancher entre des priorités toutes légitimes... avec des moyens toujours plus difficiles à trouver.
Comptez sur moi, cependant, pour ne pas vous perdre dans le détail des options possibles pour des transports plus efficaces et plus sobres, des mesures prises ou à prendre sur les plans économique, fiscal, organisationnel, ou encore dans le détail des arbitrages en cours ou à venir : je concentrerai mon propos sur les grandes masses budgétaires, ainsi que sur les sujets saillants qui continueront à faire l'actualité l'an prochain.
Les grands chiffres, d'abord.
Un constat d'ensemble, qui donnera satisfaction à tous les amis du train et des transports collectifs : les crédits consacrés aux « Infrastructures et service de transport », augmentent de 6 %, si l'on y inclut les 400 millions escomptés de l'écotaxe poids lourds ; le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transports ferroviaires progresse de 4 % et les moyens alloués aux trains d'équilibre du territoire gagnent 16 %. Par les temps qui courent, c'est satisfaisant : ces augmentations témoignent bien de la priorité donnée par le Gouvernement aux transports collectifs et aux trains en particulier.
Les sujets saillants, ensuite, qui resteront d'actualité l'an prochain et sur lesquels nous aurons encore à travailler - en particulier au sein du groupe de travail « Mobilités et Transports », que j'anime avec Louis Nègre.
J'aborderai quatre points, sans ordre hiérarchique.
Premier point, l'écotaxe poids lourds, longtemps retardée, qui doit s'appliquer à compter de la mi-2013. Le principe en est tout à fait légitime, puisqu'il s'agit de faire payer au transport routier non pas l'intégralité du prix de la route, mais un peu plus qu'il ne la paie aujourd'hui, car nous savons bien qu'aujourd'hui le transport routier paie un prix très en-deçà du prix réel. Les camions devront donc payer, selon leur poids et selon leur sobriété, un forfait kilométrique pour l'usage des routes non concédées, sachant que, sur les autoroutes, ils paient déjà leur « éco-participation » dans le péage.
Vous savez comme moi combien ce genre de bonne idée est complexe à mettre en oeuvre, quand bien même on a identifié le réseau, choisi l'opérateur, précisé les critères d'allègement de la taxe. Nous avons franchi toutes ces étapes, mais il reste le plus délicat à faire : dire le montant de taxe que les camions devront payer. Ce n'est pas impossible à faire, puisque les Allemands y sont parvenus, avec leur LKW Maut, je le sais d'autant mieux que les camions allemands et européens ont été plus nombreux en Alsace, pour contourner la nouvelle taxe allemande...
L'écotaxe poids lourds doit s'appliquer l'an prochain, le PLF 2013 en tient directement compte puisqu'il diminue la subvention versée à l'AFITF : 400 millions d'écotaxe sont escomptés, la subvention diminue en conséquence. Ces calculs se fondent sur six mois d'une écotaxe moyenne de 12 centimes par kilomètre, à comparer aux 17 centimes des tarifs autoroutiers.
Sachant combien les transporteurs sont réticents, mais aussi la part d'incertitude sur le montant qui sera effectivement perçu, on peut dire que le Gouvernement joue serré. On a vu qu'en Suisse, par exemple, les recettes ont été inférieures aux prévisions, tout simplement parce que les transporteurs ont changé leur organisation logistique, parce qu'ils ont fait rouler moins de camions à vide, ce qui veut dire moins de taxe. Que se passera-t-il si les recettes ne sont pas au rendez-vous ? Aurons-nous à y revenir en collectif budgétaire ? Quoi qu'il en soit, il faudra suivre de très près ce nouvel outil, car sa négociation n'est pas achevée et ses effets seront importants pour le financement des infrastructures de notre pays. Jeudi 15 novembre, devant les transporteurs routiers, Frédéric Cuvillier a annoncé une répercussion intégrale et obligatoire de la taxe sur les chargeurs, qui inclura les frais de gestion supportés par les entreprises de transport routier : c'est très important pour les routiers, qui nous alertent à juste titre sur leurs difficultés à faire face à une nouvelle taxe qui, faute de pouvoir être répercutée sur les clients ou sur les chargeurs, resterait à leur seule charge. Le ministre nous annonce un projet de loi pour janvier prochain : ce qui compte avant tout, c'est que le calendrier de l'écotaxe ne s'en trouve pas modifié, pour qu'elle soit effective comme prévu et que les 400 millions escomptés pour l'AFITF lui parviennent effectivement. Ou bien, il faudrait étaler les projets en cours, ce qui n'est guère souhaitable.
Deuxième point : le troisième appel à projets de transports collectifs en sites propres, les TCSP, c'est-à-dire les métros, les tramways, et les bus dits à haut niveau de service.
A l'issue du Grenelle de l'Environnement, l'Etat s'est engagé à cofinancer 1 500 km de lignes de TCSP supplémentaires d'ici 2020, en y consacrant 2,5 milliards d'euros. Entre 2009 et 2011, dans le cadre de deux appels à projets, l'Etat a mobilisé 1,3 milliard d'euros pour subventionner 119 projets qui représentent 1 100 km de lignes nouvelles et qui auront coûté près de 14 milliards au total. Le rythme a donc été soutenu, malgré la crise économique - et je serai tenté de dire en accompagnement de la crise économique, tant les travaux publics jouent leur rôle dans le soutien à l'activité locale, aussi bien que pour la mobilité des personnes à faible revenu. Il faut donc continuer, le Président de la République s'y est engagé, et Frédéric Cuvillier a annoncé le troisième appel à projets pour le premier semestre 2013, sans en préciser cependant le montant.
Or, ce projet de budget ne comporte aucune ligne de crédits pour cette action. Je sais que ces crédits relèvent de l'AFITF, mais je m'inquiète de ce que le « bleu » n'en fasse pas une priorité. Comment, si l'Etat ne s'engage pas sur des montants précis, les collectivités locales pourront-elles programmer leurs infrastructures ? Les projets ne manquent pas, je pense à Bordeaux, Brest, Caen, Chambéry, Draguignan, Istres-Martigues, Lens, Lille, Marseille, Montpellier, Périgueux, Sathonay-Trévoux, bien sûr Strasbourg, Toulouse, Antibes ou encore Sète : je cite à dessein cette liste de villes qui ont toutes un projet prêt à être engagé, en coeur de cible de la mobilité durable, qu'il s'agisse de bus, de trams, de navettes fluviales, dans toutes les régions de l'Hexagone et sur l'ensemble de l'échiquier politique. Partout, les responsables locaux attendent l'indispensable cofinancement de l'Etat, et avec eux nos concitoyens, qui plébiscitent ces modes de transports collectifs. Les projets sont prêts, certains depuis deux ans puisqu'ils figuraient sur la liste complémentaire du deuxième appel à projets, il faut les engager sans tarder : ce doit être une priorité de l'année 2013.
Nous suivrons donc très attentivement cet appel à projets, en veillant notamment à ce que les moyens de l'Etat aillent exclusivement aux transports collectifs : on entend dire ici ou là que d'autres actions deviendraient éligibles, comme le véhicule électrique ou le covoiturage. Attention, à ne pas dénaturer les lignes de crédits : l'argent public est suffisamment rare pour qu'on sache très clairement à quoi il doit servir ! Le covoiturage est une excellente chose, de même que tout ce qui fera économiser des ressources, mais il ne s'agit pas de transports collectifs en site propre, c'est important de le dire.
Troisième point : les trains d'équilibre du territoire, c'est-à-dire les Intercités et autres Teoz que connaissent bien tous ceux qui habitent ou se rendent dans des territoires non desservis par le TGV, c'est-à-dire encore la majeure partie du territoire français. La SNCF reconnaît que l'exploitation de ces trains est déficitaire depuis au moins vingt ans, mais aussi que ces lignes ont souffert d'un manque d'investissement évident, au moment où la priorité nationale était aux TGV. Cependant, le déficit dérape l'an prochain : il était de 200 millions annuels depuis quelques années, il sera de 325 millions en 2013, c'est un bond de 60 % ! Ce déficit est financé par un compte d'affectation spéciale, qui est abondé principalement par les entreprises ferroviaires, essentiellement la SNCF : la participation des sociétés d'autoroutes étant plafonnée à 35 millions, leur part relative décroît à mesure que le déficit augmente et les autoroutes ne paieront l'an prochain plus que 10 % des déficits des TET. A ce niveau-là, peut-on encore parler d'une participation financière au report modal ? Le problème, cependant, va bien plus loin : le chiffre d'affaires des trains ne cesse de reculer, alors que leur coût ne cesse d'augmenter ; à ce rythme, on ne tiendra pas longtemps ! Les recettes diminuent parce que l'offre de service n'est pas suffisamment attractive, parce que les tarifs n'augmentent pas comme il avait été prévu et parce que l'Etat a maintenu des lignes qui, dans la convention avec la SNCF, devaient fermer. Les coûts montent parce que la SNCF s'est mise à facturer au coût réel, parce que les péages sur le réseau augmentent. Il y a aussi, et c'est moins connu, un nombre croissant d'annulations de trains à cause des travaux de nuit, donc moins de recettes, voire des remboursements lorsque les trains sont annulés tardivement... Et je ne parle même pas des investissements devenus plus que nécessaires, que la SNCF chiffre entre 2 et 3 milliards d'euros et qu'il faudra amortir sur ces lignes en plus de leur déficit ! Quelle que soit l'organisation de notre système ferroviaire, il faut, de toute urgence, aider la SNCF à renouveler le matériel roulant de ces trains essentiels à l'équilibre des territoires, de même qu'il faut aider RFF à entretenir en priorité les lignes concernées. Et cet effort important ne pourra vraisemblablement pas se passer d'une plus forte péréquation intermodale : je crois venu le temps d'une renégociation d'ensemble des conditions de financement de nos infrastructures de transports, dont un des chapitres, parmi les plus urgents, est bien le financement de nos trains d'équilibre du territoire.
Quatrième point, qui ne relève pas directement des programmes budgétaires que j'examine mais qui les concerne tout de même : la réalisation du Grand Paris. Le Gouvernement a décidé de ne pas inscrire dans la loi de programmation budgétaire 2013-2015 le milliard d'euros qui devait constituer la première tranche de la dotation en capital de la Société du Grand Paris (SGP). Certes, cette décision s'est accompagnée de propos rassurants sur le fait que le Grand Paris se ferait « dans les temps ». Mais, ici encore, le temps presse : les phases de consultation et de constitution des dossiers ont révélé un très large accord sur le projet ambitieux d'un « grand métro ». S'il est bien légitime de vouloir un débat permanent sur le Grand Paris, pour plus de démocratie locale dans la région métropole, ce débat permanent ne doit pas signifier une indécision sur les infrastructures ! Une fois les tracés retenus et concertés, toute modification ferait perdre deux ou trois ans au projet, au risque de le menacer tout entier. Des arbitrages financiers doivent encore intervenir pour parer au plus urgent dans la région capitale, où il y a tant à faire pour améliorer les transports en commun, mais la priorité aux trains du quotidien et au réseau existant ne doit pas se traduire par un blocage du développement du réseau. Vous l'aurez compris, et le sujet concerne tout autant l'aérien et le routier, nous suivrons très attentivement le travail réalisé par Cécile Duflot sur le financement du Grand Paris.
Cinquième point, le SNIT, bien sûr, qu'on ne peut évoquer sans parler de méthode. La réalisation d'un schéma national est certainement une bonne chose, si l'on entend par là l'identification des infrastructures les plus pertinentes au regard du développement durable ; une telle démarche se marie très bien avec les schémas - donc les financements. - européens, ceux des réseaux transeuropéens de transports. Cependant, il faut savoir de quoi l'on parle : le schéma de l'idéal, c'est une perspective, pas un programme pour demain matin ! Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'avec le SNIT, le Gouvernement précédent a montré un véritable talent d'illusionniste : jusqu'au bout, d'avant-projet en avant-projet consolidé, l'exécutif a fait comme si la longue liste du schéma national allait être programmée de concert. Il y en avait pour 245 à 320 milliards d'ici « quelque part » entre 2020 et 2030 : comment s'étonner ensuite que les arbitrages, avant même d'être prononcés, fassent des déçus, de très nombreux déçus ? A cet égard, je crois que le Gouvernement a fait un bon choix de méthode : il faut non seulement réexaminer les projets, mais le faire avec les élus. Frédéric Cuvillier a installé la commission « Mobilité 21 », sous la présidence de Philippe Duron, qui est député, maire d'une grande ville, et président de l'AFITF : on ne peut être à meilleur carrefour. Nous y serons représentés par Louis Nègre, nous travaillons très bien, à qui nous pouvons souhaiter bon courage dans cette nouvelle fonction.
Aux franges du SNIT, le dossier du canal Seine Nord Europe, qui me donne l'occasion de vous parler également des crédits aux infrastructures fluviales. De fait, ce canal est un très beau projet sur le papier, l'idée en est très ancienne, au moins depuis les années 1950. Cependant, l'évaluation de son coût ne cesse d'augmenter : ce n'est pas 4 milliards comme annoncé initialement, mais plutôt 6 milliards, avec un besoin de subvention approchant les 2,5 milliards, vu la faible rentabilité de ce type d'équipement à court terme. On comprend que le Gouvernement hésite, alors que la sélection du candidat devrait intervenir avant la fin de l'année entre les deux finalistes, Bouygues et Vinci. Une mission conjointe de l'IGF et du Conseil général du développement durable est en cours, elle sera essentielle pour décider de faire, ou non, cet équipement certes très important, mais qu'il faut bien financer pour commencer les travaux, c'est de bonne méthode.
Quelques mots, pour finir, sur les autres grands sujets dont nous aurons à reparler l'an prochain et qui concernent ce budget.
La gouvernance du ferroviaire, d'abord. Le ministre a annoncé le maintien d'un lien entre la SNCF et RFF au sein d'un « pôle public ferroviaire unifié », parce que leur séparation stricte a démontré son inefficacité en particulier du point de vue de la dépense publique. Le ministre a nommé deux personnalités pour engager le travail : Jean-Louis Bianco pour la concertation avec les syndicats, Jacques Auxiette pour une mission sur la gouvernance du pôle public ferroviaire et le rôle des régions. Un projet de loi devrait nous être présenté « à la fin du premier semestre », c'est-à-dire après que la Commission européenne aura fait ses propositions sur ce qu'on appelle « le quatrième paquet ferroviaire » c'est-à-dire sur les conditions d'ouverture de l'ensemble du réseau à la concurrence. Dans cette affaire, je crois que nous pouvons parvenir à un accord global, pour une réforme ambitieuse que le rail français et ses utilisateurs attendent depuis trop longtemps. Il est vrai que nos engagements européens nous obligent, mais il est également vrai que ces engagements ne coïncident pas toujours avec ce que la Commission européenne voudrait qu'ils soient. En l'occurrence, l'avocat général de la Cour européenne de justice de l'Union européenne a estimé que la gouvernance allemande qui maintient un lien, dans une holding, entre le gestionnaire d'infrastructure et l'opérateur historique ferroviaire, est compatible avec le droit européen : les textes européens laissent aux Etats membres une marge pour organiser leur système ferroviaire, il est faux de prétendre que le droit européen oblige à une séparation institutionnelle. Dans ces conditions, il est bien légitime que la France choisisse l'organisation qui présente le moins de désavantages, sur le plan financier comme sur le plan social. Une concertation approfondie est en cours depuis au moins deux ans, les Assises du ferroviaire sont parvenues l'an passé à un certain consensus, les décisions qui seront prises auront le mérite de poursuivre la réflexion.
La question de la gouvernance est également liée à celle de la dette du ferroviaire, qui est devenue explosive : en 1997, RFF a « hérité » de 20 milliards de dettes, nous en sommes à 30 milliards et le système perd encore plus d'un milliard par an. Avec les investissements importants et nécessaires, qui permettent aujourd'hui à RFF de rénover 1 000 kilomètres de lignes par an, soit deux fois plus qu'avant, nous allons vers un endettement insupportable de 50 milliards dans quelques années ! Il faut donc trouver une solution, le Gouvernement s'y attèle et il a raison de lier les sujets, ceux de la gouvernance, de la dette, du cadre social et des conditions de concurrence.
Le fret ferroviaire, ensuite, ne connaîtra pas de relance si les autres réformes n'aboutissent pas, celle du raccordement des ports, celle de l'indispensable régénération des voies, celle de la gouvernance du ferroviaire pour une meilleure gestion des sillons, celle de l'harmonisation du cadre social, pour des conditions équitables de concurrence. Des objectifs ambitieux sont fixés, ce n'est pas nouveau, mais le Gouvernement dispose aussi de nouvelles cartes, avec les réformes en cours.
Autre sujet complémentaire : la décentralisation des transports avec la création d'autorités organisatrices de mobilité durable. Dans les grandes agglomérations, par exemple de plus de 100 000 habitants, il est grand temps de regrouper l'ensemble de la décision stratégique en matière de transports publics, c'est nécessaire pour organiser l'intermodalité, ou bien tout le monde continuera à travailler dans son coin. Il faut coordonner les transports et l'urbanisme, et pas seulement gérer les flux de transport.
Après toutes ces précisions, et en me réservant la possibilité de déposer en séance un ou des amendements pour compléter le versement transport pour abonder les régions, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux transports terrestres.
M. Raymond Vall, président. - Merci, monsieur le rapporteur, pour cette analyse précise et prudente, je partage vos observations : effectivement, nous devons rester vigilants, pour que les services ferroviaires ne se dégradent pas dans nos territoires.
M. Michel Teston. - L'effort de régénération des voies ferrées est maintenu au rythme de 1 000 kilomètres par an, deux fois plus vite qu'il y a encore peu : l'école polytechnique de Lausanne, cette année, a estimé qu'à ce rythme nous rattraperions notre retard en quelques années et que notre réseau commencerait alors à véritablement s'améliorer, c'est encourageant.
L'écotaxe poids lourds, ensuite, sera mise en place à compter du 1er juillet prochain, elle devrait apporter 400 millions d'euros à l'AFITF, ce qui explique la moindre subvention portée au programme 203 : c'est une bonne nouvelle pour le report modal, d'autant que cet apport devrait se renforcer dans les années à venir.
Les moyens augmentent pour les trains d'équilibre du territoire. C'est vrai qu'ils coûtent plus cher que prévu à la SNCF, mais c'est aussi parce qu'on y a ajouté la ligne Paris-Belfort et que, comme vous le dites, des lignes dont le contrat prévoyait qu'elles fermeraient, ont été maintenues. La semaine dernière, j'ai proposé au ministre de mettre à profit la période qui nous sépare de l'ouverture à la concurrence, dont vous savez tout le mal que je pense mais qu'on nous présente comme inéluctable, pour définir une nouvelle convention avec la SNCF : cela lui donnerait encore six années, jusqu'en 2019, pour moderniser ses matériels roulant, voilà qui soutiendrait utilement nos territoires !
Enfin, le ministre nous a assuré que le troisième appel à projets de TCSP serait lancé l'an prochain et que si le « bleu » budgétaire n'en portait pas mention, c'est uniquement parce que les crédits concernés relèvent de l'AFITF. Je crois que nous pouvons être rassurés, les TCSP ne prendront pas de retard.
Pour ces quatre raisons, et parce qu'il échappe à la rigueur, ce budget mérite d'être soutenu : le groupe socialiste le votera.
En séance, j'interrogerai le ministre sur la ligne des Cévennes, celle qui rejoint Clermont-Ferrand à Marseille par Alès et Nîmes : il faut qu'elle continue de figurer parmi les TET, plutôt que devenir une ligne interrégionale, ou bien on perdra en capacité et en qualité, ce que ne veulent pas les populations desservies, très attachées à cette ligne.
M. Vincent Capo-Canellas. - Face aux difficultés croissantes des transports en Ile-de-France, les collectivités locales sont parvenues à s'accorder pour le Charles-de-Gaulle Express et pour soutenir le plan de modernisation des réseaux existants. Or, en n'inscrivant pas dans, le triennal, le milliard d'euros nécessaire au lancement des opérations par la Société du Grand Paris (SGP), le Gouvernement compromet la réalisation de ce grand projet, utile non seulement aux Franciliens, mais à notre territoire national tout entier, tant la desserte de la capitale depuis son aéroport, ainsi que l'accessibilité de la région capitale, sont devenues un facteur de compétitivité. Des élus de tous bords ont écrit au Premier ministre, l'inquiétude est manifeste et, entre les lignes, nous comprenons que vous n'y êtes pas sourd, monsieur le rapporteur, ce dont je vous remercie. La SGP est certes autorisée à emprunter, mais ce n'est pas la même chose, ni le même équilibre économique pour l'ensemble de l'opération. En attendant, et parce que ce report menace la réalisation du CdG Express, le groupe de l'Union centriste votera contre ces crédits.
M. Alain Le Vern. - Ce projet de budget est réaliste face à l'ampleur des investissements nécessaires pour la réalisation du SNIT, c'est une bonne chose. Il faut que la France obtienne davantage de soutien européen au titre des RTE-T, cela n'a pas été suffisamment fait par le passé, en particulier pour le fret. Ensuite, je suis tout à fait favorable à la priorité donnée aux trains du quotidien : un tiers du réseau voit circuler deux tiers des voyageurs, il est normal que la régénération de ces lignes ait la priorité et que la construction de nouvelles lignes à grande vitesse vienne après. Du reste, nous devrons veiller à ce que les économies réalisées grâce à la réforme de la gouvernance du rail - on parle de 800 millions annuels - aillent bien aux opérations les plus urgentes.
Les régions ont sauvé les TER, en investissant plus de 7 milliards d'euros sur dix ans, dans le matériel roulant, dans les TET, et dans bien d'autres équipements, jusqu'à la rénovation de lignes de fret. La région Ile-de-France a, elle, sauvé les lignes de banlieue et de RER, qui concentrent aussi les flux et qui se trouvent à bout de souffle sur certains tronçons. Le trafic a repris, mais le financement concédé aux régions n'a pas évolué depuis dix ans ! Ce n'est plus tenable, il faut changer le modèle économique des transports dans son ensemble, doter les régions d'une autonomie fiscale enfin conséquente - pour le moment, elle est réduite à la portion congrue des cartes grises... L'Etat nous répond que nous pouvons toujours augmenter la TICP, l'ex-TIPP, c'est une réponse facile quand on sait la popularité de ce type de mesure...
M. Francis Grignon. - Il faut rendre à César ce qui est à César, et c'est bien notre collègue député UMP du Bas-Rhin Yves Bur qui, le premier, a déposé un amendement à la loi de finances pour instaurer une écotaxe poids lourds, quand il a vu, comme tous les Alsaciens, les effets produits en Alsace même par les effets de l'écotaxe allemande... Monsieur le rapporteur des portiques ont été installés dans mon canton : est-ce que l'écotaxe poids lourds va être appliquée à l'Alsace avant les autres régions ? Je préfèrerais une application générale...
Vous vous félicitez que les crédits des TET augmentent de 60 %, je déplore pour ma part que cette dépense supplémentaire aille intégralement au fonctionnement ! L'ouverture à la concurrence nous ferait du bien, des régions y sont prêtes, Keolis, la filiale de la SNCF, nous montre que c'est possible puisqu'elle remporte bien des appels d'offres à l'étranger, mais nous nous l'interdisons, alors même qu'en Allemagne, grâce à la libéralisation, les coûts ont diminué de 20 à 30 %.
Vous vous inquiétez du coût du canal Seine Nord, vous déplorez que le transport fluvial ne se développe pas, mais si Mme Voynet et M. Jospin n'avaient pas annulé le chantier du Saône-Rhône, nous n'en serions pas là ! Il est un peu tard pour le regretter...
Enfin, sur la gouvernance du ferroviaire, tout le monde est d'accord pour regrouper la gestion des travaux et celle des sillons - je suis prêt pour ma part à y voir une fonction régalienne, servie par des personnels sous statut - mais lorsque nous aurons ouvert le trafic à la concurrence, cela posera un problème que l'opérateur SNCF ait une place privilégiée dans cet ensemble ! Nous en reparlerons dans le débat sur le projet de loi.
M. Marcel Deneux. - Le canal Seine-Nord a certes vu son coût augmenter, mais c'est que le projet a changé d'envergure ! Sur le plan environnemental, il est devenu exemplaire : c'est la première fois qu'un canal serait installé non pas en bas de vallée, avec toutes les conséquences néfastes pour les écosystèmes, mais à flanc de coteaux, 17 mètres plus haut. Ensuite, on a ajouté une bretelle vers Dunkerque, pour que les barges de 3000 tonnes venues de ce grand port français puissent accéder au réseau : c'est également coûteux, mais c'est au bénéfice de notre grand port maritime du Nord.
Ce projet est déjà lancé : des réservations foncières sont faites, l'autoroute A29 a été déplacée pour se conformer au tracé futur - l'opération a coûté plus de 200 millions d'euros -, l'appel d'offres est en cours... Les choses sont si avancées et ont déjà tant coûté, que ce serait une hérésie d'arrêter tout, sans aucun bénéfice ! Qui plus est, ce canal est indispensable pour relier Conflans et la Seine au reste de l'Europe fluviale...
M. Charles Revet. - Où en est la LGV Paris-Normandie, qui devait connecter non seulement les deux Normandie à l'Ile-de-France du Grand Paris, mais encore au reste de notre réseau TGV ? Si elle ne devait pas se faire, quelles sont les alternatives ?
Sur la régénération des voies ferrées, ensuite, je ne suis pas aussi optimiste que vous : la Cour des comptes, sur la base du rapport de l'école polytechnique de Lausanne, nous a expliqué récemment que notre réseau continuait à se dégrader... Il faut changer de braquet !
Enfin, nous devons faire davantage pour notre fret. Lorsque Port 2000 a été inauguré au Havre, ni le train, ni les barges n'accédaient aux quais : comment pouvait-on espérer que ce bel équipement démarre ? L'ancien directeur du port du Havre, qui a été à l'origine de Port 2000, rêvait de trains de marchandises longs de deux kilomètres. On me dit que ce n'est pas possible à cause de la longueur des quais, mais les trains de marchandises n'ont pas à s'arrêter partout ! Lorsqu'on n'a pas les moyens de sa politique, il faut faire la politique de ses moyens : nous ne pouvons plus nous permettre d'être les derniers de la classe européenne, trouvons des solutions originales !
M. Gérard Cornu. - Je salue la lucidité de notre rapporteur, qui s'inquiète comme nous le faisons pour le Grand Paris et pour l'écotaxe poids lourds. Je ne comprends pas, en revanche, vos reproches à propos du SNIT : la réalisation d'un schéma prévisionnel est une bonne chose, il faut bien prévoir les investissements en matière d'infrastructures !
Je m'inquiète de ce que deviendra l'écotaxe poids lourds. Au moment du Grenelle, l'objectif fixé à cette taxe n'était pas seulement de rapporter de l'argent, mais d'inciter les poids lourds à rouler sur les autoroutes. Or, vous en arrivez à craindre pour la recette de cette taxe, c'est contraire à une partie de l'objectif. Et si le report sur les autoroutes s'effectue, la recette attendue ne sera pas au rendez-vous. Mais comme vous en faites dépendre les investissements de l'AFITF, vous affaiblissez le report modal lui-même ! On verra ce qu'il en sera, mais 400 millions d'écotaxe sur six mois, ça me paraît complètement illusoire.
Nous voterons donc contre ces crédits, mais nous ferons tout pour que l'écotaxe poids lourds ne prenne pas davantage de retard.
M. Philippe Esnol. - L'intermodalité est essentielle, surtout dans les territoires denses. J'ai trouvé le ministre rassurant sur le canal Seine-Nord, c'est une bonne chose qu'il n'ait fermé aucune possibilité. Cependant, avec la perspective pour le port de Paris d'ouvrir 400 à 500 hectares d'activité portuaire à Saint-Germain-en-Laye et Achères, la prolongation de la Francilienne devient une nécessité : vue la densité de population, les 21 kilomètres coûteraient 3 milliards, c'est beaucoup, mais c'est indispensable. En fait, à l'ouest de Paris, nous avons vingt à trente ans de retard. De grandes opérations y ont été reconnues d'intérêt national, un contrat de développement territorial est en cours, mais ce qu'il faut maintenant, c'est investir !
M. Roland Ries, rapporteur pour avis. - La non inscription, dans le triennal, du milliard d'euros pour la SGP est une source d'inquiétude légitime. Frédéric Cuvillier nous répond que le calendrier des opérations n'est pas remis en cause, je lui fais confiance. Une mission a été confiée à Pascal Auzannet, pour analyser les besoins d'infrastructures nouvelles et de régénération des réseaux existants. Ce qui est certain, c'est que les unes ne pourront pas aller sans l'autre : la régénération de l'existant est complémentaire du « grand métro », nous y serons très vigilants.
Les régions ont effectivement sauvé les TER et il est vrai que sans ressources nouvelles dédiées au transport, nous les laisserons en apesanteur financière au moment même où nous voulons leur confier les pleines responsabilités d'autorités organisatrices de mobilité durable. Cependant, quelle ressource dédiée ? Je crois impossible de rogner sur le versement transport (VT) des autorités organisatrices en zones urbaines, parce que les collectivités ne peuvent déjà plus faire face aux demandes. Mais je crois également que nous sommes au plafond pour les entreprises et qu'il ne serait pas raisonnable d'aller au-delà de 1,8 ou 2 % de la masse salariale, dans le format actuel. C'est pourquoi j'ai proposé un versement transport interstitiel, c'est-à-dire hors plans de déplacements urbains (PDU). Au groupement des autorités responsables des transports (GART), nous avons évalué plusieurs hypothèses, selon que le versement transport est additionnel ou interstitiel : nous parvenons à une enveloppe collectée comprise entre 400 et 700 millions d'euros par an, c'est devenu indispensable pour le développement des transports.
Sur les RTE-T, je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit, mais je sais aussi que tout dépendra de la négociation en cours sur le budget européen. Les RTE-T devaient bénéficier de 50 milliards entre 2014 et 2020, il semblerait que cela puisse être beaucoup moins, le financement de certaines de nos grandes infrastructures de transport en dépend.
Le fret ferroviaire a continué de décliner ces dernières années, y compris avec l'ouverture à la concurrence. La raison en est simple : qu'il soit public ou privé, le fret ferroviaire internalise les coûts de structure, alors que le fret routier les externalise, la différence est de taille et elle explique une bonne partie du décalage de prix. C'est bien ce qui rend l'écotaxe poids lourds indispensable : il faut que le transport routier paie le vrai prix de la route.
Je conviens parfaitement que nous avons, avec le SNIT, besoin d'une vision d'ensemble. Mais le problème commence avec la programmation, ce sera la tâche de la commission Mobilités 21. Je ne suis pas à la place de Philippe Duron, mais je crois qu'au-delà des quatre lignes à grande vitesse déjà engagées - Le Mans-Rennes, Tours-Bordeaux, la LGV Est et le contournement de Nîmes-Montpellier - rien n'est décidé. En matière d'infrastructures, nous devons bien mesurer l'adaptation du projet à la demande et se garder des effets de mode. Il y a quelque temps, on ne jurait plus que par le tramway pour les déplacements urbains, et par le TGV pour l'interurbain. Mais ces équipements lourds sont-ils nécessaires partout ? A partir de quelle distance le TGV se justifie-t-il, par rapport à un train roulant par exemple à 220 kilomètres à l'heure ?
Sur le canal Seine Nord, l'augmentation des coûts prévisionnels s'explique effectivement par les changements dans le projet, qui sont nécessaires lorsqu'il s'agit de relier nos grands ports maritimes, ou bien on ne ferait qu'ouvrir notre marché sans faire une place à nos ports, ce qui serait un comble. Cependant, il faut bien financer ce surplus, c'est nécessaire à la poursuite du projet.
M. Raymond Vall, président. - Le Sénat a joué un rôle important dans la préparation de l'avant-projet de SNIT, nous nous en étions saisis à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire - et c'est grâce à notre action opiniâtre que nous étions parvenus à faire rattacher in extremis au SNIT pas moins de douze routes nationales qui avaient été complètement oubliées alors qu'elles reçoivent du trafic de transit et qu'elles sont indispensables au désenclavement de portions entières du territoire national. Notre pays occupe une place géographique centrale dans les flux européens de voyageurs et de marchandises, il serait normal que l'Europe nous aide en proportion pour nos réseaux qui servent très largement aux Européens !
Pour l'heure, je fais confiance au ministre, qui nous a montré qu'il prenait les problèmes à bras-le-corps. Nous serons également vigilants, et c'est bien cette vigilance commune qui pourrait faire qu'à droite on s'abstienne, plutôt que de s'opposer à ce budget - mais pour ce qui nous concerne, nous voterons ces crédits !
La commission émet un avis favorable aux crédits « Transports ferroviaires et fluviaux » du projet de loi de finances pour 2013.
Loi de finances pour 2013 - Mission « Écologie, développement et aménagement durables » (protection de l'environnement et prévention des risques) - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis sur les crédits « protection de l'environnement et prévention des risques» de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » du projet de loi de finances pour 2013.
M. Philippe Esnol, rapporteur pour avis. - Je vous remercie de la confiance que vous m'avez témoignée en m'attribuant la responsabilité de l'avis portant sur les crédits pour 2013 de la protection de l'environnement et de la prévention des risques, au sein de la mission « Écologie ». Je vous présente donc les conclusions auxquelles je suis parvenu.
Première observation : ce budget se situe dans le contexte général de forte dégradation des finances publiques. Il est donc marqué par un effort partagé de maîtrise des dépenses, engagé par le gouvernement afin de contribuer à redresser nos comptes, tout en veillant à préserver notre capacité d'action sur les grandes politiques et les grands services publics utiles aux Françaises et aux Français. Comme l'a rappelé la ministre Delphine Batho lors de son audition devant notre commission la semaine dernière, un effort budgétaire avait déjà été entamé, non sans maladresses, sous la précédente majorité. Il se trouve aujourd'hui mieux équilibré et davantage ciblé, afin de hiérarchiser les actions et de préserver les interventions les plus importantes. Ainsi, ce budget 2013 préserve l'essentiel des capacités d'intervention en matière de protection de l'environnement, notamment dans le domaine de la prévention des risques naturels et technologiques : je m'en félicite car il s'agit bien là de sujets tout à fait cruciaux.
Deuxième observation : ce budget 2013 s'inscrit également dans le contexte spécifique de la conférence environnementale. Vous le savez, des engagements importants y ont été pris, notamment en matière de protection de la biodiversité, avec l'annonce de la création d'une agence nationale de la biodiversité et la présentation d'un projet de loi-cadre au cours du premier semestre 2013. Cette nouvelle politique ne reçoit pas encore de véritable traduction budgétaire, mais la ministre a clairement annoncé que nous aurons l'occasion d'y travailler concrètement dans le courant de l'année à venir - et nous ne pouvons, je le crois, que nous en réjouir.
L'avis porte sur les crédits de trois programmes : le programme 181 sur la prévention des risques ; le programme 113 sur les paysages, l'eau et la biodiversité ; enfin le programme 159 sur l'information géographique et cartographique. Deux articles sont également rattachés à la mission écologie. Je vous présenterai ces différents éléments successivement.
Commençons par les grands équilibres de chaque programme.
Le programme 181 sur la prévention des risques dispose, dans le budget 2013, de 370,1 millions d'euros en AE et 284,9 millions d'euros en CP. Les crédits de paiement diminuent de 6,8 % en 2013, après avoir augmenté de 9,9 % en 2012. De la même manière, les AE connaissent une baisse de 9,9 % après avoir augmenté de 11,8 %. L'effort entrepris l'an dernier après la catastrophe de Fukushima est donc stabilisé pour 2013 - et c'est une bonne chose, j'y reviendrai.
3 199 emplois concourent à la mise en oeuvre des actions du programme, soit une baisse de 8 ETP par rapport à l'année dernière, baisse très raisonnable compte tenu de l'objectif de maîtrise des dépenses.
La priorité est placée sur la prévention des risques technologiques et des pollutions, puisque cette action représente 62 % des AE et 50 % des CP. Les crédits concernent essentiellement les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) qui ont pour objectif de résoudre les situations difficiles héritées du passé en matière d'urbanisme autour des sites à hauts risques et de maîtriser l'urbanisation future. Les retours d'expérience ont mis en évidence des difficultés liées au financement des mesures foncières et des travaux prescrits dans le cadre de ces plans. Un effort financier renforcé constituera par conséquent une réponse utile.
Le programme 181 est par ailleurs le programme de rattachement des crédits de l'ADEME. J'ai pu auditionner son délégué général adjoint qui m'a indiqué que la baisse des crédits alloués à l'ADEME dans le cadre du programme 181 traduisait la volonté de passer à un financement quasi-exclusif par la ressource fiscale au terme du triennal, c'est-à-dire 2015. L'ADEME touchera pour l'année 2013, outre 57 millions d'euros de crédits budgétaires dont 29 millions inscrits à ce programme, un total de 498 millions d'euros de ressources provenant de la TGAP. L'action de l'ADEME, qui est un appui utile et précieux à l'action du gouvernement aussi bien que de nombreuses collectivités territoriales, s'en trouvera donc confortée.
Une attention toute particulière devra être portée au cours des prochains mois à la mise en place des nouvelles filières de recyclage, par exemple la filière meubles, mais aussi la filière DASRI pour les déchets de soins : il s'agit là d'une véritable préoccupation de santé publique pour les élus locaux.
Le deuxième axe d'action, au sein du programme 181, concerne la sûreté nucléaire, avec le budget de l'Autorité de Sûreté nucléaire. Ce dernier est stable entre la loi de finances initiale 2012 et le projet de loi de finances pour 2013. J'ai procédé à une audition du directeur général de l'ASN, Jean-Christophe Niel qui m'a indiqué que la hausse conséquente du budget de l'ASN constatée entre 2011 et 2012 avait eu pour but de faire face aux exigences de sécurité, renforcées à la suite de la catastrophe de Fukushima. Une attention particulière devra être portée sur ce budget à l'avenir car il convient, comme c'est le cas cette année, de stabiliser ces crédits dans le temps. Les conséquences de Fukushima impliquent en effet un effort budgétaire maintenu à moyen et long termes. Il ne s'agit pas là d'un accident qui serait clos ; mais bien d'une catastrophe, dont les conséquences devront être mesurées sur le long terme. En ce sens, les interventions d'expertise scientifique sur le site de la centrale de Fukushima Daiichi et alentour, conduites par l'ASN mais aussi par l'IRSN, sont des éléments importants de solidarité avec le peuple japonais, si cruellement frappé par la catastrophe du 11 mars 2011. En France, cette catastrophe a contribué à approfondir la réflexion sur les exigences de sécurité et de transparence dans l'industrie nucléaire, de manière encore plus drastique que les normes qui prévalaient déjà : il s'agit, là encore, non pas d'un chapitre clos mais d'une démarche à poursuivre.
Le dernier axe d'action dans le cadre du programme 181 est la prévention des risques naturels. C'est un axe d'intervention important, compte tenu de la fréquence et de la gravité des événements naturels ces dernières années : je pense par exemple à la tempête Xynthia, mais aussi aux récentes inondations dans le Var, pour lesquelles le Sénat a d'ailleurs conduit une mission commune d'information dont les conclusions ont été débattues hier dans l'hémicycle. 42 millions d'euros sont consacrés à la prévention des risques naturels.
Toujours en matière de prévention des risques, deux articles ont été rattachés à la mission écologie, développement et aménagement durables, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013.
L'article 64 vise à étendre le périmètre d'intervention du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « Fonds Barnier ». Pour maintenir la dynamique d'élaboration des plans de prévention des risques naturels prévisibles localement, tout en renforçant leur qualité, la part financée par le fonds est majorée de 15 %. Cette part couvrira désormais 90 % de la dépense. D'après l'évaluation préalable jointe à l'article 64, l'ensemble des mesures d'extension du périmètre du fonds se traduirait par un surcroît de dépenses, à sa charge, de 15 millions d'euros en 2013, puis de 40 millions d'euros à partir de 2014.
Je vous propose de donner un avis favorable à cet article, qui soulagera les collectivités et leur permettra de financer plus facilement les investissements nécessaires à l'application de leurs plans de prévention des risques naturels.
L'article 64 bis, introduit à l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, vise à traduire dans la loi un accord volontaire entre les représentants des industriels et l'association des maires de France : cet accord prévoit une participation respective de 25 % de chaque partie dans la prise en charge des coûts liés aux travaux imposés aux riverains résidant dans des zones couvertes par un plan de prévention des risques technologiques.
Ces dispositions permettront d'alléger la charge pesant sur des ménages souvent modestes, qui ne sont pas responsables du risque industriel les contraignant à réaliser des travaux. Il s'agit donc d'une mesure de justice fiscale et sociale, pleinement acceptée par les contributeurs concernés, qui ont eux-mêmes sollicité la traduction législative de leur accord, afin d'en garantir la pleine application. Je vous propose donc de donner un avis favorable à cet article 64 bis.
Le programme 113 est consacré à la protection des paysages, la politique de l'eau, et la biodiversité.
Les crédits passent de 293 à 280 millions d'euros en AE et de 279,9 à 279,1 millions d'euros en CP. Le budget est donc presque stable. Par ailleurs, les crédits alloués seront constants jusqu'en 2015 aux termes de la nouvelle loi de programmation.
L'accent est mis pour l'exercice 2013 sur le développement des parcs naturels marins et sur le réseau Natura 2000. Toutefois, les grandes réformes interviendront pour l'essentiel, dans le courant de l'année 2013, avec le vote d'une loi-cadre sur la biodiversité et la création d'une agence nationale de la biodiversité.
Le programme 159 comprend les crédits alloués à l'Institut géographique national (IGN). Ce programme est doté, de 96 millions d'euros en AE et en CP et de 1 707 emplois sous plafond. Ces chiffres traduisent une stabilité des moyens alloués à ce programme entre 2012 et 2013.
Au cours de l'exercice 2012, l'inventaire forestier national avait été intégré par le gouvernement précédent à l'IGN. Pour 2013, l'accent est mis sur le développement et l'entretien des référentiels géographiques, notamment à travers le Géoportail. Le but est d'accroître l'accessibilité et la qualité des informations géographiques disponibles.
Je terminerai en rappelant que la mission écologie, développement et aménagement durables, a dans le passé été fortement affectée par la RGPP. Des crédits et des emplois avaient alors été supprimés, sans toujours le discernement nécessaire à de telles décisions.
Je me félicite donc que, aujourd'hui, dans le cadre des trois programmes que je vous ai présentés, les capacités d'intervention du ministère et de ses opérateurs aient été, pour l'essentiel, largement préservées. C'était nécessaire et il faut le souligner.
Au vu de tous ces éléments, je vous propose donc d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
M. Charles Revet. - J'aimerais avoir quelques précisions sur le fonds Barnier, qui a été évoqué. Il fut une époque où ce fonds était très peu utilisé. Je ne suis pas persuadé qu'il n'y ait pas eu à un moment donné, et quel que soit le gouvernement, un transfert de ses crédits sur d'autres secteurs. Où en est-on aujourd'hui ? Quel est le montant dont on dispose via ce fonds ? Quand vous parlez d'élargissement de ses possibilités d'intervention, de quoi s'agit-il ?
Je voudrais, d'une manière un peu plus particulière, évoquer une situation à laquelle on est assez souvent confronté dans le pays de Caux. Il y a eu dans les années 1990 des effondrements à répétition, j'en ai été personnellement victime. Ces effondrements ont parfois causé des décès.
Nous avions réussi à cette époque à obtenir l'intervention des assurances. Dès lors qu'une maison était fissurée du fait d'un effondrement souterrain, l'assurance intervenait. Je ne dis pas qu'il n'y avait pas de problèmes, mais en tout cas les familles pouvaient s'y retrouver financièrement. Il arrive cependant dans notre secteur qu'il y ait des effondrements de tonnelle, c'est-à-dire sur 60 mètres de profondeur. Ces effondrements se situent quelquefois à un mètre des maisons, sans pour autant les toucher. J'ai à l'esprit un cas précis dans lequel le maire a pris un arrêté de péril. Cela signifie que la personne ne peut ni habiter, ni louer, ni vendre sa maison, mais l'assurance refuse l'indemnisation parce que la maison n'est pas fissurée, et considère donc qu'il n'y a pas de risque. Il y aurait probablement des améliorations à apporter sur ces points.
Nous avons aussi sur la vallée de Seine des falaises, qui quelquefois s'écroulent par pans sur des maisons. Dans ces cas-là, s'il y a un risque majeur, le fonds peut intervenir.
M. Michel Teston. - Nous avons tous constaté, dans nos territoires respectifs, qu'il y a parfois des maisons qui ont été construites sur des terrains argileux. Quand il fait extrêmement sec, ces maisons ont tendance à se fissurer, ce qui pose de gros problèmes. Je crois qu'il y a eu par le passé un certain nombre de crédits attribués, mais en nombre limité, à des personnes ayant subi ces dommages. Je pense que cette question n'est pas forcément traitée dans le programme 181, mais que c'est là un problème sur lequel nous aurions probablement intérêt à alerter plus largement les pouvoirs publics.
M. Raymond Vall, président. - On connaît bien ces sujets dans le Sud-ouest.
M. Philippe Esnol, rapporteur pour avis. - Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire Michel Teston. Pour essayer de répondre à la question posée par Charles Revet, je rappellerai que le fonds Barnier est financé par un prélèvement sur la prime « catastrophes naturelles » des contrats d'assurance habitation et automobile, à hauteur de 12 %. Le fonds a été créé en 1995 par la loi relative au renforcement de la protection de l'environnement. Je vais vous donner quelques chiffres : en 2008, le fonds disposait de 68 millions d'euros de recettes pour 63,9 millions de dépenses. En 2009, 130 millions d'euros de recettes et 79,3 millions de dépenses. En 2010, en revanche, les recettes s'élevaient à 203 millions pour 230 millions de dépenses : c'est la conséquence directe de la tempête Xynthia. En 2011, le fonds avait 304 millions d'euros de recettes et 225 millions de dépenses. On reste à un niveau de recettes relativement élevé pour 2012 avec 253 millions d'euros et 210,5 millions prévus pour 2013, et des estimations de dépenses à hauteur de 217 et 184 millions d'euros respectivement. Le fonds disposait d'un solde positif fin 2011 à hauteur de près de 104,8 millions d'euros. Ce qui est proposé dans le projet de loi de finances, c'est de majorer de 15 % la part financée par le fonds dans le cadre des plans de prévention des risques naturels, ce qui porte sa participation à 90 %. C'est donc considérable et je pense que vous n'allez pas pouvoir faire autrement que de voter une telle augmentation...
Cet article 64 a un réel intérêt. Nous connaissons tous localement ces questions de risques naturels. J'ai chez moi des carrières et des champignonnières qui sont un gruyère dans le sous-sol, et nous avons un plan de prévention.
A l'issue de ce débat, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 113 « paysages, eau et biodiversité », 159 « information géographique et cartographique » et 181 « prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».
La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles 64 et 64 bis rattachés.
Mercredi 21 novembre 2012
- Présidence de M. Raymond Vall, président -Création de la Haute Autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement - Examen des amendements
La commission procède à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 747 (2011-2012), présentée par Mme Marie-Christine Blandin et plusieurs de ses collègues, relative à la création de la Haute Autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement.
M. Raymond Vall, président. - La discussion générale sur la proposition de loi de Mme Marie-Christine Blandin a eu lieu le 15 octobre dans l'hémicycle. Les débats reprendront cet après-midi avec l'examen des articles. Il nous faut donc nous prononcer sur les amendements déposés sur le texte. Je crois, monsieur le rapporteur, que vous avez aussi de nombreux amendements nouveaux à nous proposer.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - D'abord un résumé des épisodes précédents : nous nous sommes déjà réunis pour étudier mes amendements au texte de la proposition de loi inscrite à l'ordre du jour dans le cadre de la niche du groupe écologiste. Je cherchais à adapter ce texte aux évolutions intervenues avec la loi Bertrand, ou loi Mediator. Car le texte de Mme Blandin était ancien ; il avait à l'époque reçu le soutien de M. Borloo, mais il fallait actualiser certaines dispositions, revoir le statut du lanceur d'alerte et apprécier les implications, lourdes, de la création d'une cellule d'alerte dans les entreprises.
Mes amendements avaient été adoptés, mais non le texte dans son ensemble, si bien que le débat en séance publique ne pouvait avoir lieu. C'est pourquoi je présente de nouveaux amendements. J'ai tenu compte des remarques des uns et des autres et travaillé en concertation avec les ministères de la Santé, de la Recherche, de l'Environnement et du Travail. Devant le manque d'enthousiasme suscité par la création d'une nouvelle autorité administrative indépendante, je propose d'y renoncer. D'autres dispositions sont de vraies avancées. Le gouvernement a proposé la création d'un registre des alertes au sein des agences. Le dispositif en entreprise est cohérent, conforme aux attentes des syndicats, que Mme Archimbaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, a rencontrés. Nous étions au milieu du gué, le statut de lanceur d'alerte n'existait que dans le secteur du médicament. Nous l'étendons. Le texte constitue une avancée.
M. Hervé Maurey. - Je suis étonné par ces amendements qui modifient considérablement un texte... que notre commission a déjà rejeté. Il est dommage que la concertation ait eu lieu avec le gouvernement, mais pas avec les groupes politiques, en tout cas pas avec le mien. Le texte a considérablement changé : la Haute autorité est devenue une commission de la déontologie et des alertes, ses missions ont été revues à la baisse, et sa composition, désormais très classique, compte essentiellement des hauts fonctionnaires et non plus des professionnels ou des responsables associatifs. Cette instance dépourvue de budget s'apparente à une coquille vide. On crée une nouvelle commission Théodule, sans financement ni véritables pouvoirs.
M. Gérard Cornu. - Je partage cette analyse. De toute façon, à quoi servons-nous quand Mme Blandin explique dans les médias que tout est déjà décidé ? Arrêtons de créer des commissions Théodule, réaffirmons le rôle du Parlement et des commissions parlementaires. C'est une mauvaise politique de créer à tout bout de champ une commission pour faire plaisir à tel ou tel. Si encore on supprimait cinq commissions quand on en crée une... A quoi sert le Parlement s'il faut la bénédiction de l'exécutif pour voter un texte ? Nous rejetterons la proposition de loi, parce qu'il faut savoir dire stop. L'auteur de la proposition de loi a reçu la bénédiction de l'exécutif, mais elle n'a pas demandé la nôtre ! C'est une fumisterie, on amuse la galerie, mais on dévalue le travail parlementaire.
Mme Laurence Rossignol. - Ces deux interventions me surprennent. Le rapporteur a cherché à obtenir un accord dans un esprit de consensus. Il a écouté vos objections. Cela me semble de bonne méthode ! Comment lui reprocher de vouloir modifier le texte qu'en l'état vous rejetiez ? Avouez plutôt que le texte ne trouvera jamais grâce à vos yeux, quelque aménagement qu'on y apporte. Discuter avec le gouvernement me paraît de bonne méthode, positive pour tout le monde.
Qu'il y ait trop d'autorités administratives indépendantes, je l'admets. Ce texte vise, quant à lui, à mettre en place une expertise pluraliste, à protéger les lanceurs d'alerte, tout en évitant de créer une nouvelle autorité indépendante. Evitons les postures d'opposition. Mon groupe émettait des réserves, il est désormais satisfait. La consultation a associé le gouvernement, les groupes de la majorité susceptibles de soutenir le texte, puis notre commission.
M. Hervé Maurey. - Nos objections n'ont pas varié. Nous refusions la création d'une structure supplémentaire, or le texte ne change rien à cet égard. Il existe trois autorités, il aurait fallu les regrouper, à périmètre constant. La bonne méthode, c'est appliquer la loi. Celle de 2009 prévoyait un rapport pour apprécier l'utilité de créer une autorité de prévoyance et d'alerte. Pourquoi ce rapport n'a-t-il pas été établi ? Quel avenir aura cette structure croupion ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Ces arguments m'étonnent. Comment ne pas travailler avec le gouvernement en amont, sur un tel sujet ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-2 modifie la dénomination de la Haute autorité, qui devient une « commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d'environnement », dénomination plus adaptée au contenu de ses missions. Il ne s'agit pas d'une commission croupion puisqu'elle rassemblera les corps constitués. Mme la ministre précisera en séance sa composition. La création de la commission s'effectue à moyens constants.
M. Raymond Vall. - Cet amendement répond à nos observations. Il s'agit d'éviter la création d'une nouvelle autorité chargée de l'expertise de l'expertise. La création de la commission s'effectue à moyens constants. Les objections du groupe RDSE tombent...
L'amendement n° DEVDUR-2 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n°DEVDUR-3, comme les suivants, précise le rôle de la commission en matière d'expertise et d'alerte. La haute autorité est remplacée par une commission nationale de la déontologie, structure plus légère. Les agences n'y sont pas hostiles. L'amendement n°4 est dans le même esprit.
L'amendement n° DEVDUR-3 est adopté, ainsi que l'amendement n°DEVDUR-4.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - J'en viens à l'amendement n° DEVDUR-5 : la commission sera consultée sur les codes de déontologie mis en place dans les établissements et organismes publics relevant des domaines de la santé et de l'environnement.
L'amendement n° DEVDUR-5 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-6 précise que la commission n'instruit pas elle-même les alertes au fond, mais les transmet aux ministres compétents, qui l'informent des suites données.
M. Henri Tandonnet. - Cette transmission est-elle automatique ou bien dépend-elle de l'appréciation de la commission ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Le texte ne prévoit pas d'appréciation.
M. Francis Grignon. - Il s'agit là du travail normal de l'administration. Est-il nécessaire de l'inscrire dans la loi ?
M. Raymond Vall, président. - Le texte instaure une centralisation des alertes.
M. Jean Bizet. - Les lois inutiles affaiblissent celles qui sont nécessaires. Si tout le monde alerte tout le monde, dans quel monde vivrons-nous bientôt ! Il y a déjà des agences qui fonctionnent. Souvenons-nous du rapport de MM. Descours et Huriet : dès 1995, des agences de veille ont été créées, coiffées par une agence au niveau européen. Cependant, dès qu'elles émettent un avis, elles sont critiquées. Respectons l'architecture existante plutôt que de procéder à de nouvelles créations.
L'amendement n° DEVDUR-6 est adopté.
Les amendements de cohérence n°s DEVDUR-7 et DEVDUR-8 sont adoptés.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-9 confie à la commission une mission de diffusion des bonnes pratiques et, surtout, de dialogue avec la société civile.
M. Jean Bizet. - J'ai l'expérience du Haut conseil des biotechnologies créé en 2008, finalement sorti des fondamentaux que nous avions patiemment construits. Le comité scientifique émet des avis, le comité économique, social et éthique formule des recommandations. Nous devons écouter les scientifiques. Or à chaque fois que le conseil scientifique s'exprime, le comité économique et les politiques s'en mêlent. Que chacun reste à sa place !
Mme Odette Herviaux. - Certains scientifiques sont aussi des militants et se comportent même en idéologues. La décision doit revenir in fine aux hommes politiques. Plus il y a d'avis analysant le déroulement de la recherche, mieux c'est.
M. Jean Bizet. - Je me méfie d'un avis scientifique isolé. La collégialité permet d'éviter toute dérive. Revenons aux fondamentaux. Le rôle des politiques n'est pas l'expertise mais la décision. Ne diluons pas les responsabilités. Plus on crée d'agences dans différents domaines, plus l'on accroît l'angoisse des citoyens.
M. Alain Houpert. - Ne créons pas des machines à ne rien faire. Ne cherchons pas vainement des certitudes. La science c'est le doute. Le principe de précaution peut être source d'inaction. M. Kouchner n'a-t-il pas suspendu la vaccination contre l'hépatite en raison de craintes, infondées, d'un lien avec la sclérose en plaques ? Il y a là un danger pour le progrès. Peut-être est-ce un progrès politique de créer des autorités, mais cela en vaut-il le coup ? La vie est pleine de doutes.
Mme Évelyne Didier. - Cette proposition de loi vise uniquement à protéger les lanceurs d'alertes. Ne confondons pas les enjeux. Il n'est pas question ici du progrès ! Une société est démocratique quand le pouvoir politique fait des choix et rend des comptes. Les experts ne sont pas infaillibles. Des expertises multiples permettent d'apprécier si les alertes sont pertinentes.
M. Hervé Maurey. - La nouvelle commission ne dispose d'aucune compétence scientifique. La Haute autorité réunissait les représentants des différentes agences mais la nouvelle structure regroupe des « technocrates ». Elle sera inutile - un organisme fade, insipide et sans saveur. L'absence de scientifiques à son tour de table n'est qu'un des nombreux paradoxes de ce texte.
L'amendement n° DEVDUR-9 est adopté.
Article additionnel après l'article 1
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-10 illustre l'importance des travaux de concertation menés en amont avec le gouvernement, indépendamment de toute posture. Il prévoit que les établissements ayant une activité d'expertise ou de recherche dans le domaine de la santé ou de l'environnement tiennent un registre des alertes qui leur sont transmises. Et il en définit les conditions d'accès. Si nous avions pu établir une telle traçabilité dans le passé, elle nous aurait évité bien des crises.
M. Gérard Cornu. - Nous ne sommes pas dans une posture. Chacun a compris que la majorité souhaite faire aboutir une proposition de loi des Verts. Nous dénonçons cette finalité et ne prendrons pas part à la discussion ni aux votes.
M. Jean Bizet. - A quoi servira alors l'Institut de veille sanitaire ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Il n'est pas compétent dans l'ensemble du champ concerné.
M. Jean Bizet. - Cet organisme fonctionne bien. Ne le fragilisons pas.
M. Hervé Maurey. - La création d'un registre est une bonne chose. Une loi est-elle pour autant nécessaire ? Nous nous abstiendrons. Néanmoins cet amendement a une autre vertu, politique : les Verts estiment utile de discuter avec le gouvernement. C'est la première fois que l'on entend cela depuis le mois de mai !
Mme Laurence Rossignol. - Oui la majorité doit aider les Verts à faire voter un bon texte.
L'amendement n° DEVDUR-10 est adopté.
Article 2
L'amendement de cohérence n° DEVDUR 11 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Les organisations interprofessionnelles représentatives des salariés et des employeurs au niveau national se voient reconnaître, par l'amendement n° DEVDUR-12, un droit de saisine de la commission.
L'amendement n° DEVDUR-12 est adopté.
L'amendement de cohérence n° DEVDUR-13 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-14 supprime la possibilité de saisine directe par des particuliers. La saisine reste réservée aux associations agréées, aux organisations professionnelles, ainsi qu'aux établissements publics ou d'enseignement supérieur, parce que nous ne souhaitons pas créer une usine à gaz ingérable, qui nécessiterait des moyens supplémentaires de l'État.
L'amendement n° DEVDUR-14 est adopté.
L'amendement de cohérence n° DEVDUR 15 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-16 prévoit que des représentants du Conseil économique, social et environnemental siègent aux côtés des parlementaires, des membres du Conseil d'État et de la Cour de cassation et des personnalités qualifiées. Il ne s'agit pas d'une commission croupion.
M. Gérard Cornu. - Les Verts y siègent-ils de droit ?
L'amendement n° DEVDUR-16 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-17 renvoie à un décret en Conseil d'État la composition et les modalités de fonctionnement de la commission. A la différence de M. Cornu, je pense que des lieux de dialogue, où l'ensemble des sensibilités sont représentées, sont nécessaires.
L'amendement n° DEVDUR-17 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Les membres de la commission et les personnes collaborant à ses travaux sont soumis à une obligation de confidentialité, d'impartialité et d'indépendance. Ils devront, en outre, souscrire une déclaration publique d'intérêts, dont le champ est précisé par l'amendement n° DEVDUR-18.
M. Jean Bizet. - Les liens d'intérêts sont gages de la compétence des experts, seuls les conflits d'intérêts sont répréhensibles.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je partage cet avis. L'enjeu est la transparence.
M. Jean Bizet. - Pensez-vous que cette commission, si elle était déjà installée, aurait pu régler la question de l'aéroport de Notre-Dame des Landes ?
L'amendement n° DEVDUR 18 est adopté.
Article 6
L'amendement de cohérence n° DEVDUR-19 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'article 7 prévoit que la commission nationale établit chaque année un rapport, adressé au Parlement et au Gouvernement, qui évalue les suites données à ses avis et à ses alertes, et présente ses recommandations éventuelles. L'amendement n° DEVDUR-20 en précise le contenu et la publicité. La commission nationale ne possède pas en son sein d'expertise spécialisée mais fixe un cadre dans la transparence. Elle renforce l'efficacité du débat démocratique.
L'amendement n° DEVDUR-20 est adopté.
M. Stéphane Mazars. - L'amendement n°41 rectifié met sous la protection du Défenseur des droits les lanceurs d'alerte. Le groupe RDSE initialement opposé à la création d'une Haute autorité puis d'une commission souhaitait conserver la protection des lanceurs d'alerte. Nous avons reçu depuis des explications satisfaisantes.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Avis favorable car la mention du Défenseur des droits renforce la loi. Quant à la suppression de la référence à la Haute autorité de l'expertise, elle est satisfaite par les amendements que nous avons adoptés.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 41 rectifié sous réserve de la suppression du paragraphe II.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-21 est rédactionnel. Je déplore l'absence de consensus. Il ne s'agit pas d'une posture politicienne. Les lieux nous manquent pour remonter les alertes de manière apaisée. Le seul canal aujourd'hui est le recours aux médias et au battage médiatique.
M. Hervé Maurey. - Nous sommes moins critiques sur les lanceurs d'alerte que sur la création d'une commission. Les alertes sont parfois nécessaires, mais doivent être utilisées avec prudence pour éviter la diffamation ou le discrédit, malveillants ou non. Si nous avions disposé d'un rapport, en application de la loi de 2009, pour définir les meilleures procédures possibles, nous aurions sans doute trouvé un consensus. Nous sommes d'accord sur le principe mais souhaitons des garanties : obligation de discrétion, sanction lourde en cas de manquements, etc. car les conséquences peuvent être graves.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Tel est l'objet de l'amendement ! L'existence d'une commission de déontologie, indépendante de l'État, consultative, composée de personnalités de la société civile, conforte les agences en validant les procédures et les règles déontologiques. Les agences elles-mêmes y sont favorables. Il s'agit d'une loi de modernisation sociale, d'un enjeu majeur de société, non d'une loi politicienne.
L'amendement n °DEVDUR-21 est adopté.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - La commission des affaires sociales a examiné la proposition de loi pour avis le 10 octobre dernier. Sa présidente et vous-même, monsieur le président, avez mis en application le protocole de concertation sociale et les partenaires sociaux ont tous été consultés. Nous avons pu en outre auditionner le Medef, la CFDT, la CFTC et la CGT. Nous avons concentré notre travail sur la partie entreprises, afin d'articuler la proposition de loi avec le code du travail. De l'avis des partenaires sociaux, la création d'une nouvelle cellule au sein des entreprises, parallèlement aux institutions représentatives du personnel existantes - CHSCT pour les entreprises de plus de 50 salariés, délégués du personnel pour les autres - paraissait beaucoup trop lourde.
Nos amendements sont tous rédigés dans le même état d'esprit : ils tendent à élargir les compétences des structures existantes, en y ajoutant l'alerte, l'information, la santé au travail, la santé publique et la santé environnementale. Les partenaires sociaux estiment que la proposition répond à une vraie demande pour plus de protection. La pression du chômage accroît le risque d'autocensure. Le filtre du CHSCT protège l'entreprise de la diffamation ou d'une volonté de nuire.
M. Raymond Vall, président. - Il est vrai qu'on peut imaginer des actions visant à nuire, pour des raisons concurrentielles notamment. Il est donc important de commencer par traiter le problème au sein de l'entreprise.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. - Tous nos amendements poursuivent le même but, le n° 2 comme les suivants. A l'article 16, l'amendement n° 11 complètera l'article L. 1132-1 du code du travail pour ajouter à la liste des personnes ne pouvant être écartées d'un recrutement, sanctionnées ou licenciées, celles qui ont été à l'origine d'une alerte. L'alerte ayant été relayée par le CHSCT, elle a été filtrée.
Mme Odette Herviaux. - Parmi tous ces amendements, je m'interroge sur l'amendement n° 9 : il va à l'encontre de l'esprit du texte. Toute personne peut saisir l'agence régionale de santé (ARS), dispose-t-il. Or, nous introduisons des amendements en vue d'instaurer un tri et refusons donc la saisine directe...
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. - Dans les entreprises de moins de onze salariés qui n'ont pas de délégués du personnel, c'est l'ARS qui filtrera.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Une précision : la commission indépendante ne peut pas être saisie par les particuliers. En revanche, tout individu peut saisir l'ARS, ce qui est logique car l'ARS, c'est l'Etat.
Mme Odette Herviaux. - L'ARS est-elle la mieux placée ?
M. Ronan Dantec, rapporteur. - C'est l'avis des partenaires sociaux.
M. Jean-Jacques Filleul. - J'ai fait toute ma carrière dans la pharmacie : que se passera-t-il si des salariés de l'entreprise émettent des doutes sur la formule ou les excipients d'un produit ? Va-t-on aller jusqu'à bloquer le processus de fabrication industriel ?
M. Jean Bizet. - Je partage cette interrogation.
M. Jean-Jacques Filleul. - Le climat est souvent tendu et fragile dans une entreprise et certains salariés sont plus interventionnistes que d'autres. Soyons prudents. Sinon, nous avons un risque de dysfonctionnement majeur.
Mme Aline Archimbaud, rapporteur pour avis. - Le CHSCT filtrera les alertes dans les entreprises de plus de cinquante salariés. Ses règles de fonctionnement sont précises, il ne se réunit pas n'importe comment. Les alertes seront traitées de la même façon que celles qui concernent la santé au travail : la procédure est très cadrée.
M. Raymond Vall, président. - L'alerte concerne-t-elle uniquement la mise en danger de la santé du travailleur ou peut-elle avoir un motif plus large ? Nous sommes ici dans un cas limite : a priori, la production d'une entreprise pharmaceutique a fait l'objet d'un agrément. Or, dans le cas des implants mammaires, ceux qui les fabriquaient savaient qu'ils étaient constitués de produits tendancieux, pour ne pas dire plus. Je suppose que l'entreprise avait obtenu un agrément. Faut-il préciser que l'alerte ne concerne que la mise en danger du personnel ou qu'elle peut dénoncer une formule qui aboutirait à l'arrêt de la production ? C'est un cas un peu difficile.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° 3 prévoit un encadrement des dispositions du titre II. D'autres articles, l'article 19 notamment, visent à éviter la dénonciation calomnieuse.
M. Raymond Vall, président. - En effet, mais le temps d'appliquer l'amendement n° 3, les dégâts peuvent être déjà irréparables.
M. Jean Bizet. - Notre collègue pose une question fondamentale ! Je ne mets pas en doute la bonne foi du rapporteur, mais des dérives sont à craindre. Le rapporteur nous parle d'apaisement et de consensus, mais la réalité est beaucoup plus conflictuelle. J'ai été rapporteur du projet de loi sur le principe de précaution. A l'époque de la vache folle et de l'affaire du sang contaminé, il fallait rassurer nos concitoyens. Mais de la précaution, nous sommes passés à l'inaction et il serait pertinent de réfléchir à un autre principe, le principe d'innovation. Si nous n'appliquons pas celui-ci, nous entrons dans le XXIème sur une seule jambe, celle du principe de précaution. Malgré ses bonnes intentions, je ne voterai pas ce texte, compte tenu des dérives possibles, face auxquelles le législateur sera impuissant.
M. Raymond Vall, président. - Je propose que notre commission émette un avis favorable à l'ensemble des amendements présentés par la commission des affaires sociales.
Mme Évelyne Didier. - Mon groupe les votera.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n°1 à l'article 9, à l'amendement n°2 à l'article 10, à l'amendement n°3 à l'article 11, à l'amendement n°4 à l'article 13, à l'amendement n°5 à l'article 14, ainsi qu'aux amendements n°6, 7, 8 et 9 portant articles additionnels après l'article 14.
Article 15
L'amendement de cohérence n° DEVDUR-22 est adopté.
Article additionnel avant l'article 16
La commission émet un avis favorable à l'amendement n°10.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-23 tend à supprimer l'article 16 car ses dispositions figurent déjà dans le code de la santé publique, il n'est pas souhaitable de les inscrire dans le code pénal. L'amendement n° 11 inscrit dans le code du travail la protection des lanceurs d'alerte. Je me rallie à cette position et retire l'amendement n° DEVDUR-23.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 11 sous réserve d'une rectification.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'article 17 est fondamental, il étend la protection des lanceurs d'alerte. Dans mon amendement n° DEVDUR-24, je calque le dispositif sur celui qui figure dans la loi Médiator.
L'amendement n° DEVDUR-24 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'article 18 est redondant. Mon amendement n° DEVDUR-25 le supprime.
L'amendement n° DEVDUR-25 est adopté.
Article 20
L'amendement de cohérence n° DEVDUR-26 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR-27 supprime un article redondant.
L'amendement n° DEVDUR-27 est adopté.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Même chose avec l'amendement de suppression n° DEVDUR-28.
L'amendement n° DEVDUR-28 est adopté.
Intitulé de la proposition de loi
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Nous vous proposons enfin, avec l'amendement n° DEVDUR-1, de modifier comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte ».
L'amendement n° DEVDUR-1 est adopté.
Les avis sont repris dans le tableau ci-dessous.
Loi de finances pour 2013 - Mission « Écologie, développement et aménagement durables » (transports routiers) - Examen du rapport pour avis
La commission examine le rapport pour avis sur les crédits « transports routiers » de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » du projet de loi de finances pour 2013.
M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis. - Il me revient de vous présenter les crédits « routes » du projet de loi de finances pour 2013. Certains pourraient penser qu'il est paradoxal de confier les routes aux écologistes. Je voulais donc dire ici l'intérêt que j'ai trouvé à l'exercice, à la fois parce que nous avons quand même évidemment besoin de routes, mais aussi parce que le budget routes, ce ne sont pas que des dépenses, mais aussi des recettes dont l'affectation vers le rééquilibrage modal est stratégique.
Quelques mots de contexte. Ce budget précède la redéfinition du SNIT. Nous en avons déjà largement évoqué les enjeux et les difficultés lors de l'audition de Frédéric Cuvillier et lors de notre débat sur les transports terrestres rapportés par Roland Ries. Nous devons parler des infrastructures elles-mêmes, de leur articulation en réseau, mais aussi de leurs usages et des outils dont nous disposons pour choisir les infrastructures et infléchir les usages qu'en font nos compatriotes. Nous devons réunir un très grand nombre d'informations et coordonner des actions d'échelle temporelle très variable, depuis les infrastructures elles-mêmes, qui demandent une prospective à long terme, jusqu'aux actions normatives, qui changent immédiatement certaines conditions du transport, en passant par les enjeux de moyen terme que représente le plus ou moins bon entretien des routes, par exemple.
Or, j'ai été surpris de ce que les services de l'Etat n'appréhendent pas mieux « l'économie générale » de la route. Nous manquons d'une vision stratégique de ce que coûtent et de ce que rapportent les routes dans leur ensemble, toutes collectivités publiques confondues.
Le Grenelle de l'environnement a fixé un cap, avec des objectifs quantitatifs de réduction des gaz à effet de serre et des objectifs qualitatifs sur le choix des infrastructures et la réorientation de la dépense publique. Je reconnais très volontiers, et vous constaterez que je ne fais pas de politique au sens étroit du terme, qu'il y a eu du bon avec le Grenelle de l'environnement : il y a même un « avant » et un « après » Grenelle, quoique l'impact en ait varié selon les domaines. Le président de la République vient de fixer un nouvel objectif très ambitieux : réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Cependant, le bilan carbone des transports s'alourdit, du fait de l'augmentation des déplacements : nous sommes encore loin du compte !
C'est dans ce contexte que j'ai souhaité aller au-delà d'une simple présentation des chiffres et apporter une contribution au débat que nous mènerons sur le SNIT.
D'abord sur « l'argent de la route », c'est-à-dire les crédits d'Etat que je vous présenterai, mais plus largement l'argent que nous prélevons sur la route, en particulier sur les concessionnaires autoroutiers et sur les transporteurs routiers. A quoi vont servir les crédits « routes » de ce projet de loi de finances ? Peut-on prélever davantage sur l'usage de la route, pour accélérer le report modal ?
Ensuite, sur la sélection des projets d'infrastructures et l'utilisation des outils incitatifs : les infrastructures sur lesquelles nous mettons des moyens sont-elles bien celles dont nous avons besoin ? Comment en décide-t-on ? Comment en débattrons-nous dans le cadre du SNIT ?
Enfin, utilise-t-on suffisamment les outils dont nous disposons pour infléchir les comportements, en particulier le levier du bonus/malus et les normes dites « environnementales » ?
D'abord, l'argent de la route, en particulier les grands chiffres de ce budget. Au sein du programme 203 « Infrastructures et services de transports », 731 millions sont consacrés au développement des infrastructures routières et 661 millions à l'entretien et à l'exploitation des 11 500 kilomètres du réseau routier national non concédé, dont 9 000 kilomètres de routes nationales. Ces chiffres sont satisfaisants, parce que la partie « entretien préventif et grosses réparations » progresse de près de 11 %, à 115 millions d'euros, qui vont servir à l'entretien courant, à des travaux d'amélioration de la sécurité et aux services, notamment l'information des usagers de la route. L'Etat limitera strictement l'augmentation de capacité du réseau routier au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou à des besoins d'intérêt local en limitant les impacts sur l'environnement : c'est conforme aux engagements du Grenelle de l'environnement. Il s'agit principalement d'élargissements de routes existantes, de déviations ou d'achèvement de rocades.
Autre point de satisfaction, les crédits de l'AFITF augmentent, du moins sur le papier : nous en avons débattu sur les transports terrestres, il faut que les 400 millions de l'écotaxe poids lourds soient au rendez-vous pour que la hausse soit effective.
M. Gérard Cornu. - C'est bien le problème !
M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis. - Nous y serons tout aussi vigilants que vous et je n'oublie pas que, comme vous l'avez dit, le produit de la taxe pourrait être minoré par les reports de trafic sur les autoroutes, ce qui était l'un des objectifs de l'écotaxe poids lourds évoqué lors du Grenelle. Ces reports vont accroître les revenus des sociétés d'autoroute, ce qui rend légitime d'en récupérer une partie. Frédéric Cuvillier a annoncé une augmentation de la redevance domaniale de 200 millions d'euros, cela ne représentera qu'une faible ponction sur les bénéfices des autoroutes. Ces moyens supplémentaires devront être alloués aux alternatives à la route, en particulier aux trains d'équilibre du territoire (TET).
Les sociétés concessionnaires, privatisées en 2005 pour 15 milliards d'euros, ont dégagé l'an passé un résultat net cumulé de 1,94 milliard d'euros. Un tel rendement dans les infrastructures de transports à si brève échéance, c'est plutôt rare ! Cette privatisation n'est-elle pas devenue si profitable qu'on puisse légitimement y voir une forme de captation de l'investissement public d'hier, voire d'aujourd'hui ?
Quoi qu'il en soit, nous devons être vigilants lorsque les sociétés concessionnaires proposent de prolonger la durée de leur concession en échange de travaux pour améliorer le service, pour respecter certaines normes environnementales, ou encore en échange de nouveaux segments et « petits bouts manquants » de voies, ce que le Conseil d'Etat a accepté dans le principe. Ces propositions sont habiles : l'Etat manque de moyens, les sociétés d'autoroutes en ont beaucoup, pourquoi ne pas prolonger un peu la bonne affaire, quitte à y consacrer une partie des bénéfices : c'est de la bonne gestion d'une affaire bien rentable... Est-ce dans l'intérêt général ? Je ne le pense pas, et je préfèrerais voir les autoroutes revenir dans le giron public, puisqu'elles sont une véritable « manne ». Comment en débattrons-nous ? Des questions se posent pour le transfert de nouveaux segments de routes à des sociétés concessionnaires, où l'intérêt pour la collectivité ne va pas de soi - je pense en particulier à l'A63 (ex RN 10) au sud de Bordeaux, à la RN 154 Orléans-Dreux, ou encore à la route centre Europe Atlantique (RCEA) entre Moulins et Mâcon. Je serai très attentif sur ce point.
Deuxième sujet : la sélection des projets d'infrastructures, et plus largement les choix qui président à l'allocation des ressources.
Le Grenelle de l'environnement a largement débattu des critères devant présider au choix d'infrastructures et à l'allocation des ressources publiques. La loi « Grenelle I » a énoncé et hiérarchisé six critères tenant aux émissions de gaz à effet de serre, aux perspectives de saturation et à la sécurité, à la performance environnementale, à l'accessibilité multimodale, au développement économique, à l'aménagement des territoires et enfin à l'accessibilité des personnes à mobilité réduite. Cette nouvelle « ligne » préside-t-elle à la sélection des projets, à la répartition des ressources dont nous disposons ? A ma grande surprise, j'ai constaté que les nouveaux critères n'étaient pas véritablement intégrés. Pour instruire les dossiers, l'administration utilise toujours une instruction cadre de 2004, rédigée pour prendre en compte le rapport « Boiteux II » de 2001 ! Cette lenteur est décalée avec l'agenda politique du Grenelle et la demande sociale. L'administration m'a répondu que les services travaillaient à une « actualisation » de cette instruction, sans plus de précision. Le risque, c'est que cette grille de critères économiques, sociaux et environnementaux, ajustée au Grenelle de l'environnement, ne soit pas disponible pour la commission « Mobilité 21 », dont la commande politique est précisément de hiérarchiser les projets.
Je n'ai pas l'illusion qu'une grille parfaite existe, je sais bien qu'il faut toujours tenir compte de facteurs particuliers d'aménagement du territoire. Mais nous sommes en retard sur la stratégie d'ensemble et le défaut d'analyse ne peut que faire perdurer le choix « au doigt mouillé »... L'existence même de l'AFITF sanctuarise des crédits pour les infrastructures, c'est indispensable à la visibilité des investissements, mais nous devons y ajouter davantage d'analyse, pour préciser notre stratégie et mieux arbitrer entre les projets.
Voyez le 44 tonnes, exemple même où la stratégie d'ensemble n'est pas claire. On finance le report modal, mais on va autoriser les poids lourds de 44 tonnes sur 5 essieux à circuler sur nos routes jusqu'en 2019 : qu'est-ce qui aura le plus d'impact ? On aide les autoroutes ferroviaires mais des 44 tonnes vont traverser notre territoire du nord au sud : quel sera le bilan croisé de ces deux mesures, pour le report modal ? Et pour l'état de nos routes ? Ne risque-t-on pas que les 44 tonnes dégradent nos routes bien davantage qu'on ne pourra les réparer grâce aux moyens supplémentaires que nous consacrons aux « grosses réparations » ? Je ne fais que poser les questions, mais pour constater que ces calculs ne sont pas faits, faute d'une vision globale.
Le « bleu » budgétaire n'hésite pas à souligner l'« orientation résolument intermodale » de ce budget : est-ce véritablement le cas ? Pour le savoir, il faudrait comparer l'ensemble des mesures : les investissements, les actions spécifiques, bien sûr, mais aussi les actions incitatives et l'ensemble des normes qui ont une incidence sur l'usage des infrastructures. Je partage l'opinion exprimée par Rémy Pointereau sur les transports terrestres : les infrastructures de transports sont des équipements si utiles qu'on ne peut pas les regarder seulement en termes de dette, il faut considérer leur utilité très largement, bien au-delà de leur rentabilité à court terme.
Des changements d'ordre normatif peuvent modifier les conditions de rentabilité de grandes infrastructures. Je pense aux autoroutes ferroviaires, par exemple celle entre le Luxembourg et l'Espagne. Dès lors qu'une telle infrastructure existe, ne faut-il pas interdire ou rendre plus contraignante la traversée de notre territoire par la route sur le même parcours ? La contrainte n'est-elle pas un moyen d'accélérer la mise en place des infrastructures que nous voulons, en sécurisant les recettes à venir ? Ici encore, je n'ai pas les réponses, mais je regrette que l'analyse présentée par l'Etat ne soit pas plus globale, qu'elle ne permette pas suffisamment de comparer ce qui se passe sur plusieurs plans, pour que nous puissions apprécier l'effet conjoint des investissements et des normes. C'est un débat important dans le cadre du SNIT, autant s'y préparer !
Autre sujet, qui mérite un chapitre à lui seul : le bonus-malus écologique automobile. L'Etat y a mis beaucoup de moyens : 1,45 milliard d'euros en quatre ans, à quoi s'ajoutent les 800 millions de la prime à la casse entre 2009 et 2010. Plus de deux milliards, pour quels résultats ? Le taux d'émission de CO2 des véhicules neufs vendus sur notre territoire a beaucoup baissé. Mais la baisse est générale en Europe, y compris dans les pays qui n'ont pas de bonus-malus écologique. La comparaison des courbes montre que nous sommes allés un peu plus vite que d'autres pays, mais est-ce que cela valait les deux milliards d'euros d'argent public que nous y avons mis ? Ici encore, j'ai été surpris d'une très grande faiblesse du « bleu » budgétaire, pour constater ensuite, lors des auditions, que l'Etat manque d'évaluation précise du dispositif : les effets sont mesurés dans leur grande masse, avec une marge d'incertitude sur les causes, mais pas du tout à l'échelle micro, celle de la décision d'achat et de l'influence effective sur le comportement de l'acheteur. A partir de quel niveau un bonus est-il efficace ? L'Etat ne peut pas le dire, parce qu'il manque de sondages qualitatifs précis sur la question.
Ensuite, le bonus-malus est-il utile à l'industrie automobile française ?
M. Gérard Cornu. - Non !
M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis. - Effectivement, on peut en douter ! Le mécanisme devrait inciter les constructeurs à produire des véhicules peu polluants. Mais nos constructeurs automobiles sont en retard, ce qui fait préférer des véhicules plus « propres » mais importés. Le bonus-malus, dans son calibrage, est-il adapté aux gammes de véhicules de nos constructeurs ? Et surtout peut-il les inciter à faire évoluer leur gamme vers des véhicules plus propres ? Nous ne le savons pas bien, ici encore faute d'analyse précise.
Finalement, je dois constater que nous n'avons pas une vision assez fine de cet outil auquel nous consacrons beaucoup de moyens. Je le déplore, parce que c'est seulement avec une idée précise du bon réglage et des effets, qu'on pourrait envisager des alternatives. Pour atténuer la pollution, par exemple, ne faudrait-il pas, au-delà des véhicules neufs, ouvrir le bonus aux véhicules d'occasion récents les moins polluants ? Ne doit-on pas différencier le mécanisme pour les véhicules diesel, sachant qu'ils polluent davantage l'atmosphère, du moins jusqu'à la norme Euro VI ? Pour le savoir, il faudrait disposer d'analyses bien plus précises.
Ces remarques valent pour bien d'autres mécanismes incitatifs, en particulier pour les tarifs autoroutiers, où la directive Eurovignette 3 permet d'aller bien plus loin qu'aujourd'hui dans la modulation en fonction de critères environnementaux. Même chose pour l'écotaxe poids lourds : faut-il, comme l'ont fait les Allemands, aider les routiers à moderniser leur flotte en y consacrant une partie des fonds collectés par l'écotaxe ?
Vous avez compris mon message : ce budget va dans le bon sens, je vous invite à lui donner un avis favorable ; cependant, nous devons aller bien plus loin dans l'analyse de notre action, pour lui donner plus d'efficacité - et nous devons le faire sans tarder puisque nous allons redéfinir le SNIT !
M. Rémy Pointereau. - Je félicite le rapporteur et me réjouis de l'entendre défendre si bien les routes et les autoroutes, qu'il va jusqu'à qualifier de « manne » ! Ceci dit, notre débat d'aujourd'hui a tant de points communs avec celui sur les transports terrestres, qu'on aurait probablement mieux fait de les tenir le même jour.
Je crois que nous avons encore beaucoup à faire pour mieux relier les chefs-lieux de nos départements aux chefs-lieux de région.
Ensuite, sur le fret ferroviaire, il faut tenir compte de la distance et du produit transporté : ce n'est qu'à partir d'environ 700 kilomètres que le fret ferroviaire est efficace et c'est bien plus vrai pour des produits comme les céréales, faciles à transporter par rail, que pour d'autres marchandises. Or, quand vous regardez comment les choses se passent dans la réalité, vous constatez que beaucoup de fret se fait sur de petites distances, dans de petites zones de chalandise.
M. Gérard Cornu. - Effectivement, il est dommage d'avoir séparé les deux débats entre les transports routiers et terrestres, tant ils se recoupent.
Monsieur le rapporteur, tout le monde est d'accord pour renforcer le fret ferroviaire, nous le disons tous ! Cependant, je vous invite à regarder aussi du côté de la performance de nos entreprises de fret ; car si vous ne faites qu'aménager de nouvelles infrastructures sans que nos entreprises améliorent leur compétitivité, vous ne ferez qu'ouvrir un boulevard à la concurrence étrangère !
Nous avons créé le bonus-malus, j'étais circonspect dès le départ sur les arbitrages et je m'en étais ouvert au ministre de l'époque. L'idée est bonne, mais son efficacité dépend de nombreux facteurs. D'abord, le mécanisme devait être équilibré, entre le bonus et le malus. Or, les consommateurs sont allés du côté du bonus, c'est bien normal et c'est ce qu'il fallait mieux prévoir, comme j'en avais averti le ministre : les consommateurs adaptent leur comportement, c'est logique. Le mécanisme a donc été déséquilibré, depuis le début. Le Gouvernement actuel le renforce, mais je doute sérieusement que le bonus-malus s'équilibre enfin ! C'est la même chose pour l'écotaxe poids lourds : les routiers vont s'adapter et les recettes seront moindres que prévues.
Ensuite, je crois que le bonus-malus peut faire du mal à notre industrie automobile. A force de « malusser » les voitures puissantes, en particulier les voitures françaises, on décourage leur achat, avec tous les dégâts que cela entraîne pour nos constructeurs ! Pour avoir travaillé longtemps dans le secteur, je sais qu'il faut être très prudent avec les ventes d'automobiles, je sais aussi que des usines importantes sont en très grand danger. On peut se voiler la face, mais si des usines ferment parce que vous découragez l'achat des voitures qu'elles produisent, ne venez pas pleurer ensuite ! Je partage donc vos interrogations, Monsieur le rapporteur : il ne faut pas aller trop loin avec le bonus-malus, ou bien on peut faire le plus grand mal à nos constructeurs automobiles !
M. Ronan Dantec, rapporteur pour avis. - Je n'ai pas dit cela !
M. Francis Grignon. - Vous prônez une approche globale, qui pourrait être contre ? Mais c'est bien plus compliqué que vous ne le supposez. Pour le fret, nous en débattons régulièrement au sein du conseil d'administration de la SNCF : les facteurs à prendre en compte sont si nombreux, que l'équation en devient aléatoire. Il y a la conjoncture : avec la crise économique, le fret ferroviaire a baissé partout, c'est un fait. Il y a la géographie et en particulier la localisation des industries : en Allemagne, elle est bien mieux répartie sur le territoire que chez nous, cela simplifie les choses et c'est ce qui, pour partie, a rendu possible le magnifique hub ferroviaire de Duisbourg, que nous ne reproduirons jamais en France ! Il y a encore les infrastructures existantes, le matériel roulant, les sillons, et bien sûr les distances opérées par le fret dans la réalité : en France, 70% du fret se fait sur moins de 30 kilomètres, vous devez en tenir compte ! Alors dans ce contexte, c'est vrai que nous ne savons pas mesurer l'effet global d'une mesure telle que l'autorisation du 44 tonnes.
Merci donc pour votre appel à plus de globalité, mais c'est bien ce que nous nous efforçons tous de faire depuis le Grenelle de l'environnement...
M. Jean-Jacques Filleul. - Votre propos était très intéressant, monsieur le rapporteur, c'est vrai que nous manquons de vision globale, que c'est un mal bien français dont nous souffrons depuis fort longtemps. Nous en sommes conscients et nous en parlons pour le fret ferroviaire, mais parce que la situation y est devenue catastrophique. Trop longtemps, on a laissé la SNCF décider seule, comme si c'était elle le véritable ministère des transports. Même chose pour les routes : trop de décisions ont été prises en dehors de toute considération pour l'économie dans son ensemble.
Je veux signaler un problème qui s'aggrave d'année en année : les collectivités locales, singulièrement les petites, n'ont plus les moyens d'entretenir leurs routes. Dans mon département, des maires me disent qu'ils vont devoir abandonner certaines voies, faute de pouvoir les entretenir : quel recul ! Nous devons trouver des solutions avant qu'il ne soit trop tard. Cela suppose des innovations de la part des entreprises de travaux publics, qui doivent s'adapter au contexte. Mais il faut également mieux répartir les moyens : les petites routes subissent les poids lourds, pourquoi ne pas réserver à leur entretien une partie de l'écotaxe poids lourds ? Ne peut-on pas imaginer un fonds de péréquation dédié, pour aider à intervenir là où c'est nécessaire ? Le passage des 44 tonnes aura des effets sur l'ensemble du réseau, même si l'on ne sait pas dire exactement lesquels ni où - mais nous devons nous tenir prêts, en particulier pour aider les communes et les départements, qui n'ont déjà plus les moyens d'entretenir correctement leur réseau !
Je vous rejoins également pour dire que nous avons besoin d'autoroutes ferroviaires : sans elles, il est inutile d'espérer un véritable report modal. Cependant, sur certains parcours, les voies actuelles sont déjà saturées, les sillons disponibles y sont si rares qu'on en refuse déjà aux TER : il est illusoire de penser y faire passer une autoroute ferroviaire ! Ce qui manque donc pour le ferroutage et pour le fret ferroviaire en général, c'est une véritable ambition de l'Etat, pour prendre ce problème à bras-le-corps.
M. Michel Teston. - Ce budget préserve l'essentiel et il va dans le bon sens. Alors que Lionel Jospin et même Jean-Pierre Raffarin avaient refusé de vendre les autoroutes, Dominique de Villepin a commis ce que je n'hésite pas à qualifier de faute politique majeure : celle de privatiser les autoroutes, au vil prix de 15 milliards d'euros dont 4 seulement sont allés au financement des infrastructures via l'AFITF, alors que la rente autoroutière était estimée à 32 milliards à l'horizon 2030 ! C'est cet argent qui nous manque aujourd'hui pour régénérer et développer nos réseaux : nous en sommes à rechercher des moyens de tous les côtés, alors qu'il nous faut de grandes ambitions ! L'écotaxe poids lourds est une très bonne mesure, dont nous espérons bien qu'elle rapportera ce qu'on en attend. Nous serons très attentifs à son utilisation, car c'est bien aux infrastructures de transports qu'elle doit servir, c'est bien en priorité au report modal que l'AFITF devra l'employer.
M. Alain Le Vern. - Une taxe est utile si elle est vertueuse : avec le bonus-malus, ce que l'on voit d'abord, c'est que la consommation moyenne des voitures a diminué par deux en dix ans ! L'écotaxe poids lourds produit des effets avant même d'être entrée en vigueur : dans ma région, un motoriste lance un programme de recherche pour améliorer les performances de ses moteurs, en prévision de l'écotaxe.
Le véhicule électrique représente également un enjeu important dont il faut parler : comment équipe-t-on les routes pour que le « plein électrique » y devienne facile ?
M. Robert Navarro. - Nous nous répétons d'année en année en déplorant le recul du fret ferroviaire et les difficultés du report modal. Il n'y a en fait que deux moyens pour progresser : le cabotage maritime et le ferroviaire. Tant que les armateurs et les chargeurs ne trouveront pas d'intérêt à passer par nos ports, le trafic continuera à se faire par le Nord de l'Europe, y compris pour les marchandises à destination du sud de la France ! Nous avons besoin d'un effort continu pour améliorer l'attractivité de nos ports, ou bien nous perdons notre temps. Même chose pour le fret ferroviaire : la difficulté ne vient pas de ce que les deux-tiers du fret se font à courte distance, nous le savons bien, mais de ce que la SNCF a baissé les bras ! Il faut en faire beaucoup plus pour inciter les chargeurs à remettre les camions sur les trains, voilà la vérité ! C'est toute l'économie des transports qu'il nous faut changer...
M. Jean-François Mayet. - Effectivement, le fret dépend directement des ports maritimes, qui sont à la base de toute la chaîne logistique. Je connais une entreprise qui a dû fermer à Châteauroux parce que sa logistique n'avait pas d'autre solution que Rotterdam, voilà où l'on en est dans notre pays !
Le fret ferroviaire n'est pas attractif parce qu'il est trop cher, c'est aussi simple que cela. Mais ne pensez pas que vous changerez les choses en le rendant obligatoire : nous n'avons pas les infrastructures ! Des calculs ont été faits pour l'axe Lille-Marseille : si l'on devait mettre tous les camions sur des trains, le trafic serait quasiment ininterrompu, ce qui est parfaitement impossible en l'état actuel de nos infrastructures... Avant d'envisager la moindre obligation, il nous faut d'abord plus de sillons, voire des lignes dédiées : nous en sommes très loin. Cela dit, nous avons également bien des progrès à faire en matière de compétitivité, car si nous devions ouvrir demain matin les infrastructures dont nous rêvons, ce serait quasiment au seul bénéfice de la concurrence étrangère !
Mme Odette Herviaux. - Je remercie le rapporteur pour la qualité de son analyse. Nous savons bien que l'intermodalité dépend de facteurs nombreux et qu'elle est complexe à promouvoir. C'est ce que nous avions constaté par exemple à Hambourg, dans notre mission sur les ports maritimes : si les quatre cinquièmes du fret y transitent par le rail, c'est bien sûr parce que ce port hanséatique dispose d'une vaste plateforme multimodale, mais aussi parce que le fret ferroviaire bénéficie en Allemagne d'une organisation d'ensemble qui le rend plus régulier, plus sûr et moins cher que le transport routier !
Je m'interroge sur l'utilisation que vous suggérez de normes contraignantes en matière de ferroutage : d'autres pays européens ont-ils adopté de telles règles ?
M. Yves Chastan. - Il y a déjà bien longtemps que nous demandons plus d'analyse et de vision d'ensemble sur les transports, c'est bien sûr nécessaire à la cohérence des politiques publiques.
Je rejoins Rémy Pointereau : nous avons des progrès à faire sur les liaisons au chef lieu du département ! Dans certains cas, les problèmes sont insolubles : comment fait-on dans un département comme l'Ardèche, qui n'a plus qu'une route nationale au sud du département, qui n'a quasiment plus de train et où le chef-lieu n'est plus relié au réseau routier national ? Notre réseau routier a été déclassé, nous en avons la charge, alors qu'à l'évidence il sert de délestage au réseau national de la vallée du Rhône : est-il bien normal que l'Etat se soit désengagé à ce point ? L'Ardèche démontre également qu'il y a des départements où le désenclavement passe nécessairement et principalement par la route.
M. Henri Tandonnet. - Le bonus malus mobilise effectivement beaucoup de moyens alors qu'on s'en remet pour une grande partie aux aléas de la consommation : ne serait-il pas plus utile, avec le même argent public, de cibler plutôt les investissements ?
J'espère, ensuite, que l'aménagement du territoire figurera parmi les tout premiers critères du SNIT. Si le critère de la population l'emporte et si les métropoles captent tous les investissements, nos territoires ruraux continueront de s'appauvrir, sans perspective...
M. Raymond Vall, président. - Je m'associe à ces propos : effectivement, l'aménagement du territoire doit être prioritaire dans le SNIT, ou bien nous manquons à tous nos devoirs. L'Etat se désengage des routes : il n'a plus que 9 000 kilomètres de routes nationales à entretenir et laisse tout le reste du réseau non autoroutier aux collectivités locales ! Dans certains cas, la route principale du département n'est même plus dans le réseau national : le département est censé l'entretenir, mais il n'en a pas les moyens et la région a trop d'engagements ailleurs pour l'y aider. Dans ces conditions, quel scandale de voir l'Etat refuser de s'engager davantage dans le plan de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) !
Devant notre commission, le président de la SNCF s'est engagé à ne plus démonter de lignes, c'est une bonne chose ! Mais il faut aller plus loin, car des lignes qui ne sont quasiment plus utilisées sont parfois les seuls axes possibles pour développer le fret : il ne faut pas les démonter, mais bien les conforter, ne serait-ce que pour préserver l'avenir. Nous avons un choix historique devant nous : ou bien on maintient a minima le réseau existant, ce qui suppose de l'entretenir, ou bien on laisse mourir une partie du territoire national, c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous avons saisi l'Etat sur les PDMI, il ne faut rien lâcher, c'est bien notre rôle à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire !
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je vous remercie les uns et les autres pour vos propos amènes, mais je tiens à vous rassurer : je reste pleinement écologiste et c'est en écologiste que je vous parle des routes ! C'est bien pourquoi j'ai insisté sur le report modal : ce budget en fait un maître-mot et mon objectif, c'est d'aller plus loin !
Je vous rejoins tout à fait, monsieur le Président, sur les enjeux d'aménagement du territoire : ils sont au coeur même du débat sur la mobilité. Nous avons effectivement un choix historique à faire et c'est bien toute la question du SNIT : comment passer d'un catalogue, à une stratégie ? Je ne vous ai pas dit autre chose : je constate que l'Etat manque de vision globale, alors que nous en avons le plus grand besoin pour définir la stratégie, alors que le débat sur le SNIT est en cours !
Madame Herviaux, les Suisses ont interdit aux poids lourds le transit dans les vallées alpines : les camions doivent monter sur les trains, c'est une obligation et c'est un exemple ; d'autres innovations réglementaires sont également possibles, il faut en débattre.
Je suis en désaccord avec M. Cornu sur le bonus-malus : la question n'est pas que le malus soit trop fort sur les voitures les plus polluantes que des constructeurs continuent de fabriquer, alors que c'est une impasse à moyen terme. Le problème, c'est que l'absence de vision stratégique nous empêche, avec cet outil, d'accompagner la nécessaire mutation environnementale de notre production automobile. Si nos constructeurs vendent moins de véhicules, c'est parce que leur gamme n'est peut-être pas assez compétitive sur les véhicules les moins polluants. Soit on nie cette réalité et les choses ne vont faire qu'empirer, soit on la reconnaît, et on aide alors nos constructeurs dans leur mutation environnementale, en réglant en particulier le problème du diesel. Cela dit, je suis d'accord pour dire que le bonus-malus devrait être à l'équilibre, il en serait plus efficace pour aider les changements. Vous l'avez donc compris : je ne renie rien de mon engagement écologiste !
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « routes » du projet de loi de finances pour 2013.