Mardi 13 novembre 2012
- Présidence de Mme Jacqueline Gourault, présidente -La coopération décentralisée - Examen du rapport d'information
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur. - Ce rapport est le résultat de nombreux entretiens. Mon propos s'articulera en trois points : tout d'abord les limites de l'étude, puis une présentation historique et, enfin, l'état actuel de la coopération décentralisée.
Les limites de l'étude, en premier lieu : les jumelages, les partenariats économiques, scientifiques ou universitaires ont été exclus du périmètre de ce rapport, qui se concentre sur les relations des collectivités territoriales françaises avec les collectivités « du sud ».
La coopération décentralisée a connu un développement important ces dernières années, tant en nombre de projets menés que d'un point de vue géographique, notamment vers l'Asie. Elle s'est développée au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans un esprit de paix entre les pays, principalement avec des collectivités locales européennes. Parmi ses promoteurs, on peut citer Édouard Herriot affirmant que « le rapprochement communal est la meilleure condition du rapprochement humain ». Puis, dans les années 60-70, la coopération s'est tournée vers les pays du sud.
Au début, elle est marquée par l'absence de base juridique. Le premier pas est la loi du 2 mars 1982. L'article 65 de cette loi relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions donne pour la première fois un fondement légal à la coopération décentralisée, mais la limite aux régions et à la coopération transfrontalière. L'article 65 précise en effet que « le conseil régional peut décider, avec l'autorisation du Gouvernement, d'organiser, à des fins de concertation et dans le cadre de la coopération transfrontalière, des contacts réguliers avec des collectivités décentralisées étrangères ayant une frontière commune avec la région ».
La coopération décentralisée se caractérise donc, dans un premier temps, par une méfiance du gouvernement et une volonté de l'encadrer fermement pour éviter des dérives en matière de politique extérieure. Des circulaires vont progressivement élargir le champ de l'action extérieure des collectivités territoires en 1983 et 1985 aux départements et aux communes. La loi sur l'administration territoriale de la république du 6 février 1992 est la première grande loi qui reconnaît pleinement, pour tous les niveaux de collectivités territoriales, la coopération décentralisée. Cette dernière n'est d'ailleurs plus restreinte à la seule coopération transfrontalière. Toutefois, elle reste limitée aux domaines propres des collectivités territoriales. Celles-ci ne peuvent intervenir que par convention et sous le contrôle de l'Etat.
Dans les années 2000, plusieurs jugements interrogent l'intérêt local de la coopération décentralisée et plusieurs arrêts remettent en cause les délibérations dans ce domaine des collectivités locales, car l'intérêt local n'est pas démontré. Face aux incertitudes juridiques nées d'une jurisprudence non constante, le législateur s'empare de ce thème par la loi de 2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements, à l'origine de laquelle est notre ancien collègue Michel Thiollière. Cette loi clarifie les possibilités d'intervention en fonction de trois distinctions :
- les projets menés dans le cadre des compétences de la collectivité française ;
- les projets créés par convention ;
- l'intervention d'urgence face à des catastrophes naturelles et humaines.
Enfin, la dernière étape juridique est la loi du 16 décembre 2010 qui supprime la clause générale de compétence pour les départements et les régions. Cette suppression aurait pu être source d'inquiétudes mais l'administration m'a précisé, lors de la préparation de ce rapport, qu'elle considérait la coopération décentralisée comme une compétence d'attribution. En outre, il est probable que la future loi de décentralisation rétablisse la clause générale de compétence pour tous les niveaux de collectivités. Les bases juridiques sur lesquelles repose la coopération décentralisée sont donc aujourd'hui solides.
Beaucoup plus d'incertitudes pèsent sur le bilan chiffré. Certes, le nombre de collectivités menant des actions de coopération décentralisée est bien documenté : elles sont ainsi un peu plus de 4 800, dont les 26 régions, 80 départements et 250 intercommunalités. Toutefois, en ce qui concerne les montants financiers, les données sont beaucoup plus incertaines. La tendance est à l'augmentation sur la dernière décennie et l'aide déclarée au titre de l'aide publique au développement (APD) des collectivités territoriales est de 60,5 millions d'euros en 2011. Or, selon une étude réalisée par l'agence Coop Dec Conseil, 60% des départements, villes de plus de 100 000 habitants et communautés urbaines n'ont pas déclaré leur APD en 2011, d'où une connaissance approximative des montants d'APD réels des collectivités territoriales. Un chiffre faisant consensus évalue toutefois à 115 millions d'euros cette dernière. Pour autant, il n'est pas certain que ce montant prenne en compte toutes les dépenses relatives à la coopération décentralisée, comme par exemple les salaires des personnels en mission. C'est pourquoi les propositions n° 11, « rappeler aux collectivités territoriales l'intérêt de mettre à jour de manière exhaustive et régulièrement l'Atlas français de la coopération décentralisée », et n° 14, « rappeler aux collectivités territoriales la nécessité d'informer systématiquement les ambassades françaises dans le pays partenaire de la mise en place ou de l'existence d'une action de coopération décentralisée », visent à améliorer la connaissance de la coopération décentralisée. L'atlas de la décentralisation est un outil de travail dont l'utilisation optimale souffre aujourd'hui d'un manque d'exhaustivité dans son renseignement. Cependant, je tiens à rappeler qu'il n'est pas question de mettre en place des moyens coercitifs - cela n'est d'ailleurs pas possible. Dernier point sur le montant de la coopération décentralisée : les régions sont les plus gros contributeurs, représentant 55% des sommes allouées à la coopération décentralisée.
L'intérêt de la coopération décentralisée n'est plus à démontrer : elle apporte une plus-value par l'existence de liens privilégiés entre les élus. De nombreuses personnes auditionnées ont insisté sur ce point. Elle permet ainsi un réel dialogue, qui ne se dément pas même en cas de tensions internationales. A titre d'exemple, les tensions entre la France et la Chine durant la période 2007-2009 n'ont pas eu d'impact sur les relations entre les collectivités françaises et chinoises. En outre, l'expertise propre des collectivités territoriales françaises, que ce soit en matière d'urbanisme, d'assainissement, de gouvernance locale, de transport ou de développement durable est reconnue par tous. Les actions de coopération décentralisée sont d'autant plus légitimées qu'il existe un consensus en leur faveur, que ce soit au niveau national, mais aussi au sein des organes délibératifs des collectivités territoriales, à l'exception des critiques formulées par certains élus d'extrême droite. Enfin, la coopération décentralisée présente deux autres originalités : d'une part, contrairement aux ONG, elle s'inscrit dans la durée et va au-delà de la simple mise en oeuvre de tel projet. Par ailleurs, l'Agence française du développement souligne que la participation des collectivités territoriales françaises et l'existence d'actions de coopération décentralisée améliorent la qualité des projets ainsi que la durabilité de leur impact pour la collectivité bénéficiaire ; d'autre part, elle permet la mobilisation d'un certain nombre d'acteurs locaux, que ce soit les associations, les entreprises ou les agences de l'eau, autour d'un projet commun.
Je souhaite maintenant évoquer les partenaires des collectivités territoriales dans leurs projets de coopération décentralisée.
Ces partenaires sont au nombre de quatre. Il s'agit tout d'abord du ministère des Affaires étrangères et européennes, plus précisément de la Délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales. Cette dernière n'a pas un rôle de tutelle, mais propose un appui juridique et peut servir d'interface avec les ambassades et les préfectures. En outre, elle apporte un cofinancement, dans les secteurs que l'Etat a choisis, pour un montant de 9,8 millions d'euros en 2011, ce qui n'est pas négligeable. L'aboutissement de la reconnaissance du savoir-faire des collectivités territoriales par le ministère est la mise en place d'un label officiel dénommé PACT2 (programme d'appui à la coopération thématique des collectivités territoriales).
L'Agence française du développement (AFD) est le deuxième partenaire majeur dans ce domaine. C'est en effet l'opérateur pivot de l'aide bilatérale de la France. Si elle travaille principalement directement avec les collectivités du Sud, souvent sous forme de prêts, elle cherche de plus en plus à associer les collectivités françaises et à bénéficier de leurs expertises. Des obstacles persistent toutefois : ainsi, les projets qu'elle porte sont souvent très lourds financièrement et un cofinancement de la part des petites et moyennes collectivités est souvent difficile. En effet, le cofinancement demandé aux collectivités territoriales françaises pour ces projets est rarement inférieur à 300 000 euros.
Cités Unies France est un autre partenaire incontournable de la coopération décentralisée : près de 500 collectivités ont adhéré à cette association spécialisée dans l'action extérieure des collectivités territoriales. L'animation et la coordination des actions sont ses principales actions. Par ailleurs, elle a signé une convention avec l'AFD.
Enfin, l'Union européenne, qui a une conception plus large de la coopération décentralisée, est un partenaire récent dans ce domaine. Le consensus européen sur le développement du 20 décembre 2005 en est l'une des premières manifestations européennes. Ainsi, « l'Union européenne encourage une participation accrue des assemblées nationales, des parlements et des autorités locales ». Il coïncide avec le rapport de Pierre Shapira, adopté par le Parlement européen, où est soulignée la nécessité « d'appuyer et de renforcer la coopération directe des autorités locales européennes avec leurs partenaires internationaux ». Un programme thématique réservé aux organisations non gouvernementales et aux autorités locales a été mis en place pour un montant de 1,6 milliard d'euros sur la période 2007-2014. Toutefois, la France a du mal à obtenir des subventions de la part de l'Union européenne. Un recensement des actions de coopération décentralisée est également réalisé à l'échelle européenne.
Dernière partie de cet état des lieux : les secteurs d'intervention des collectivités territoriales françaises. D'un point de vue thématique, les actions s'inscrivent dans une nouvelle logique. De plus en plus, il s'agit de proposer des formations aux élus et agents partenaires, de mettre en place un suivi sur le long terme d'un projet, avec le souci de faire de la collectivité territoriale du Sud un acteur de son propre développement. A titre d'illustration, plutôt que de se borner à financer des puits, l'action porte également sur la formation à l'entretien de ces derniers. Au demeurant, les financements du ministère des Affaires étrangères concentrent l'effort sur l'aide à la formation et à la gouvernance locale, plutôt que sur les infrastructures.
D'un point de vue géographique, l'Afrique reste la première destination de la coopération décentralisée, bénéficiant de 60% des montants d'APD des collectivités territoriales, dont 20% dans la zone subsaharienne. L'Amérique est la deuxième zone géographique, avec 14% des montants, dont les deux-tiers vers Haïti. Enfin, depuis les années 2000, la coopération décentralisée se développe vers l'Asie, notamment la Chine.
Le contexte actuel de tension sur les finances publiques pose la question du financement de la coopération décentralisée. Les collectivités territoriales disposent de deux moyens principaux : leurs fonds propres et les possibilités ouvertes par la loi Oudin-Santini.
La loi Oudin-Santini du 9 février 2005 permet aux collectivités territoriales, à leurs groupements ainsi qu'aux agences de l'eau de consacrer 1% de leurs ressources des services de l'eau à des actions de coopération décentralisée dans le cadre de conventions, de projets visant à répondre à une urgence humanitaire ou pour des actions de solidarité internationale dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. En 2011, cette facilité a permis de consacrer 19,4 millions d'euros à des projets de coopération décentralisée, contre 6,4 millions d'euros dégagés sur fonds propres. Cette loi a produit de bons effets, même si l'on peut aller plus loin. Elle a été élargie à la distribution d'énergie par un amendement de notre collègue Xavier Pintat. Toutefois, cette possibilité semble peu utilisée et nous ne disposons pas de chiffres sur le nombre de projets financés par le dispositif introduit par cet amendement. Ce financement est peu élevé pour le citoyen, puisqu'il s'élève en moyenne à 0,5 euro par habitant et par an. Pourtant, il n'est que très partiellement utilisé. Un tiers seulement de son potentiel est mis en oeuvre, soit 20 millions sur 70 millions d'euros. Seules les agences de l'eau vont plus loin, avec 71% du potentiel utilisé.
M. François Grosdidier. - Comment ces montants sont-ils mis à disposition ?
M. Rémy Pointereau. - Il y a quinze jours, nous avons organisé dans mon département une réunion avec l'ensemble des maires, car beaucoup ignorent que l'agence de l'eau, au même titre que le conseil régional, peut cofinancer les projets de coopération décentralisée. L'Agence Loire-Bretagne dispose de 2 millions d'euros. Ceux qui se présentent peuvent obtenir un financement. Même des petites communes ou des communautés de communes peuvent prétendre à monter un dossier de cofinancement.
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur. - Il s'agit d'une faculté ouverte aux agences de l'eau par la loi Oudin-Santini. Plusieurs propositions sont faites sur ce sujet dans le rapport, notamment « inciter les collectivités territoriales et leurs groupements à utiliser 1% des ressources affectées aux budgets des services de l'eau, de l'assainissement, de l'électricité et du gaz pour financer des actions de coopération décentralisée » (proposition n° 3) en informant mieux les collectivités territoriales sur l'existence de ce dispositif, ou encore « mettre en place un fonds national mutualisant un pourcentage des ressources mobilisées par les services publics d'eau et d'assainissement ainsi que par les agences de l'eau » (proposition n° 4). Les collectivités du Sud pourraient avoir accès à ce fonds national pour financer des projets, qui serait également un moyen pour les petites collectivités de participer à des actions de coopération décentralisée. En effet, en raison de leurs moyens financiers et humains limités, elles peuvent aujourd'hui difficilement agir de manière isolée.
Enfin, beaucoup de personnes auditionnées appellent à développer d'autres financements innovants. Certaines villes l'ont fait, comme la ville de Grenoble avec une taxe sur le stationnement La proposition n° 5 propose ainsi d'« élargir la portée de la loi Oudin-Santini au traitement des déchets ménagers ». De manière plus générale, une réflexion avec les associations d'élus et l'ensemble des acteurs concernés sur les domaines pouvant faire l'objet d'un mécanisme similaire à celui de la loi Oudin-Santini pourrait être mise en place (proposition n° 6). En outre, les collectivités territoriales françaises sont peu efficaces dans la recherche des financements européens. Ainsi, selon une étude de Cités Unies France, les trois quarts des collectivités ayant répondu au questionnaire envoyé par cette association ont déclaré n'avoir jamais cherché à obtenir un financement européen. Les raisons sont diverses : des délais de réponses aux appels à projet européens trop courts, des dossiers au montage trop complexe, la nécessité de maîtriser le langage administratif européen, des informations à fournir inadaptées à la réalité des collectivités territoriales, comme le chiffre d'affaires, le bénéfice, les capitaux propres. Le taux d'acceptation des dossiers des collectivités françaises est très mauvais : en 2008, sur l'ensemble des collectivités françaises, un quart ont sollicité des financements ; seuls 19% de ce quart ont obtenu une réponse favorable. Or, le taux d'acceptation des dossiers des autorités locales italiennes est de 47%, et il est de 60% pour le Portugal. D'où la proposition n° 1, qui tente de répondre à la complexité du processus de demande de cofinancement : « mettre en place dans les associations d'élus locaux ou celles dédiées à la coopération décentralisée des formations concernant spécifiquement l'accès aux financements européens en matière d'aide au développement ». Souvent, la qualité de présentation du dossier est déterminante pour le succès de la demande.
Je souhaiterais encore évoquer quatre thèmes qui me semblent importants. Premièrement, l'évaluation des actions est aujourd'hui primordiale. Elle a lieu de plus en plus fréquemment mais n'est pas encore systématique. Aussi, la proposition n° 8 propose de « procéder à une évaluation systématique des actions de coopération décentralisée, en associant l'ensemble des acteurs, sur chacun des territoires partenaires ».
Deuxièmement, il serait bon de renforcer la sensibilisation des ambassadeurs et des agents travaillant dans les ambassades à la coopération décentralisée, par exemple dans le cadre de la conférence annuelle des ambassadeurs. C'est le sens de la proposition n° 16. Il y a quelques années, un atelier était consacré à ce thème, mais il a aujourd'hui disparu. Je crois qu'il serait nécessaire de le rétablir. Troisièmement, la question des visas est également importante, notamment pour les coopérations dans les pays qui connaissent des troubles. La venue d'agents ou d'élus des collectivités partenaires de ces pays est souvent le seul moyen de ne pas mettre un frein aux projets menés. Une plus grande réactivité et une meilleure sensibilisation des ambassades en ce qui concerne la délivrance de visas seraient bienvenues, d'autant qu'il s'agit de séjours courts, dont la durée est connue à l'avance. C'est le sens de la proposition n° 16.
Enfin, il apparaît également souhaitable de mettre en place une campagne d'information et de promotion de la coopération décentralisée, qui pourrait être cofinancée par la délégation à l'action extérieure des collectivités territoriales. En effet, outre ses avantages pour la collectivité du Sud bénéficiaire, la coopération décentralisée a également un impact positif sur le territoire de la collectivité territoriale française. Plusieurs exemples en sont présentés dans le rapport. La coopération décentralisée peut favoriser différentes formes de citoyenneté locale, elle permet une animation du territoire de la collectivité impliquée, mais également une réflexion sur le fonctionnement de sa propre administration, lorsqu'elle travaille sur la gouvernance locale en partenariat avec les collectivités du Sud. D'où la proposition n° 7 « mettre en place une campagne de communication et d'information sur les impacts positifs pour les territoires français de la coopération décentralisée, financée conjointement par la délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales et les associations d'élus ». Bien sûr, ce sont des propositions qui sont à discuter.
Voilà, Madame la Présidente, j'ai présenté les principaux thèmes abordés dans ce rapport ainsi que certaines propositions en découlant. Les autres propositions pourront être évoquées lors du débat.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Merci pour ce rapport et cette synthèse. Au départ, c'est en siégeant au sein des régions que l'on apprenait la pratique de la coopération décentralisée. J'y avais personnellement été sensibilisée par Cités Unies France, fondée par Bernard Stasi. C'est un domaine qui reste assez peu connu. Il y a sûrement encore beaucoup d'information à déployer à ce sujet. Je voudrais aussi évoquer la nécessité d'un encadrement, dans la mesure où, comme dans tout système, il y a parfois des excès.
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur. - Excès qui sont difficiles à évaluer, pour en avoir fait la tentative.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - La coopération décentralisée n'en demeure pas moins un domaine important, dans le cadre duquel sont déployés des programmes qui fonctionnent très bien.
M. François Grosdidier. - Je suis très intéressé par le sujet et j'ai beaucoup appris de votre exposé. Dans ce domaine plus que dans d'autres, les élus évoluent dans un maquis qui mériterait plus d'information. Et encore, l'information ne suffit pas, puisqu'il faut un certain degré d'expertise pour connaître et accéder aux financements en montant les dossiers. Les régions ont effectivement été pionnières, ayant davantage de moyens à y consacrer. Mais les départements, et davantage encore les communes, constituent un potentiel important.
Au niveau communal, ce potentiel n'est pas valorisé par défaut de connaissance, d'accès aux informations et d'expertise. Le concept de coopération décentralisée a essentiellement été développé par les régions. Dans les communes, il y a souvent des opérations de coopération transfrontalière, comme en Moselle, ou des jumelages, avec des territoires, assez proches d'ailleurs. Même lorsqu'elles ont des moyens, les communes n'ont pas toujours intégré le concept de coopération décentralisée. La situation est un peu différente dans certaines communes, comme la mienne, où il y a une très forte part de population d'origine étrangère et où des liens sont noués avec les pays d'origine. Mais subsistent les problèmes d'accès à l'information, les difficultés juridiques, le maquis financier. A ce sujet, je suis heureux de découvrir qu'il y a des financements autres que ceux des programmes européens, qui apparaissent souvent inaccessibles. Il est certes possible d'avoir recours à une expertise privée, mais elle coûte très cher et ne garantit pas l'accès aux financements envisagés, ce qui peut constituer un frein pour les communes. Les services de l'Etat, centraux ou déconcentrés (préfectures et sous-préfectures), devraient être outillés pour apporter un appui aux communes. Je constate qu'il n'y pas d'engouement en la matière dans le corps préfectoral. N'y aurait-il pas des propositions à faire pour que les services de l'Etat soient davantage mobilisés ?
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur. - Cette piste n'a pas été explorée mais elle peut déjà exister dans certains SGAR et dans les régions. La proposition n° 2 peut être une réponse au manque de moyens que vous évoquez dans les petites et moyennes communes. Il s'agirait de « développer un réseau d'experts dédié à la réponse aux appels à proposition chargés de proposer un appui technique aux collectivités qui répondent aux appels à proposition ». Ces agents spécialisés seraient réunis dans un pool auquel les collectivités pourraient avoir recours. Des questions restent en suspens, notamment concernant sa gestion. Cités Unies France pourrait éventuellement avoir un rôle à jouer. J'avais créé une agence de ce type dans mon département. Le premier jour d'intervention était gratuit et les jours suivants étaient facturés. Il s'agissait d'éviter que cette agence soit monopolisée par quelques-uns. En outre, les collectivités payaient une cotisation. Aujourd'hui, les collectivités peuvent avoir recours à des cabinets privés mais cela coûte effectivement très cher.
M. François Grosdidier. - Souvent, quand il n'y a pas d'expertise, il n'y a pas de financement.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - La proposition de mise en place d'un fonds mutualisé me semble importante, notamment pour les communes qui ne disposent pas de montants suffisants pour s'engager seules dans ce domaine.
M. Alain Richard. - Le fonds ne peut toutefois remplacer un porteur de projet.
M. Rémy Pointereau. - Le problème de l'information est primordial parce que les communes rurales ne sont pas au courant des possibilités qui leur sont offertes. Il revient peut être plus aux communautés de communes de prendre cette compétence, afin d'y affecter des moyens plus importants. Il faut prendre garde au saupoudrage des crédits et des actions, et veiller à monter des opérations dont le format permette effectivement d'avoir un impact au niveau de l'économie et des populations. Il faut donc quand même disposer de moyens suffisants.
Il existe ensuite un problème de compétence : les syndicats des eaux peuvent-ils également appliquer le 1% de l'agence de l'eau ?
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur. - L'un des premiers contributeurs financiers de la coopération décentralisée, c'est le syndicat des eaux de l'Île-de-France.
M. Rémy Pointereau. - Mon interrogation porte sur la légalité de cette intervention, pour un syndicat à vocation unique. Je pose juste la question, pour avoir un éclaircissement.
Un autre point me paraît important : la formation doit s'étendre à la connaissance des enjeux et du contexte sur place, sans quoi un certain nombre de projets sont voués à l'échec. Cette nécessité confirme l'importance du suivi et de l'évaluation des projets.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Je voudrais revenir sur le problème de la communication. Lorsque l'information ne passe pas bien, il peut en résulter des difficultés dans la mesure où les crédits sont souvent octroyés aux premiers candidats, ce qui pénalise les acteurs n'ayant pas reçu l'information à temps ou ne l'ayant pas reçue du tout.
Je me demande également s'il ne pourrait pas y avoir des relations entre les ambassades et les préfectures, qui seraient ensuite relayées auprès des communes. Les associations d'élus peuvent être des relais, mais je rappelle que toutes les communes n'en sont pas nécessairement membres, ce qui peut entraîner un manque d'information.
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur. - Je crois beaucoup à la mutualisation. Dans ce rapport il est évoqué les réseaux régionaux multi-acteurs, qui sont actuellement au nombre de onze. Ils permettent une coordination des différents acteurs sur le terrain, à l'échelle de la région. La proposition n° 12 suggère de « compléter les réseaux régionaux multi-acteurs en incitant les acteurs de la coopération décentralisée à créer cet outil dans les régions qui n'en disposent pas ». On pourrait s'adresser à eux, y compris pour la formation.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je crois qu'à une époque le réseau des chambres d'agriculture conduisait également ce type d'opération.
M. François Grosdidier. - C'est effectivement ces structures qui avaient les moyens en milieu rural. D'ailleurs, et il faut insister sur ce point, il est absolument nécessaire, dans le montage des dossiers, de disposer d'un réseau d'expertise qui puisse être sollicité et surtout, en amont, d'un représentant de l'État en mesure de transmettre l'information. Sur ce point, je regrette que les services préfectoraux soient très peu portés sur ces questions et jugent même avec une certaine méfiance ce type de projets lorsqu'ils accueillent les élus locaux qui souhaitent s'y engager. Par ailleurs, je constate également, au sein de ma communauté d'agglomération par exemple, les difficultés à accorder les sensibilités des uns et des autres. Si les points techniques peuvent en effet faire l'objet d'accords, en revanche les affinités et les préférences respectives sont en partie liées à l'histoire, à la sociologie d'une commune en particulier. Le risque est donc de voir la commune centre, au niveau de l'intercommunalité, mettre en oeuvre des projets en laissant de coté le potentiel des communes périphériques, qu'il conviendrait pourtant de valoriser et de ne pas négliger.
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur. - Personnellement, je ne crois pas beaucoup à un renforcement de l'implication de l'Etat à l'échelle territoriale sur cette question. D'ailleurs, il a plutôt fait preuve de méfiance. L'un des moyens serait d'inclure à nouveau, comme cela avait été fait avant 2006, un volet coopération décentralisée dans les futurs contrats de partenariats États-Régions. Cela permettrait, d'une part, d'avoir pour les projets choisis des cofinancements supplémentaires pour les petites et moyennes collectivités, ainsi qu'un surcroit de légitimité et, d'autre part, une expertise car ces projets auront fait l'objet d'une sélection selon des critères à définir dans ces contrats de partenariat.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Il me semble d'ailleurs que cela existait déjà ?
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur. - Effectivement, avant la réforme importante de 2006. Ensuite, nous n'en n'avons connu que très peu, d'où la nécessité de réintroduire ce volet.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je vous remercie, Monsieur le rapporteur, car vous avez traité de façon claire et précise un sujet dont les enjeux sont malheureusement souvent négligés, alors même qu'ils sont très importants. Je parle d'expérience car je me suis plongée dans ce sujet il y a quelques années, lorsque j'étais élue régionale, et aujourd'hui ma collectivité n'est pas suffisamment grande pour faire de la coopération décentralisée.
Le rapport est approuvé.