- Mardi 23 octobre 2012
- Contrôle budgétaire - Financement des projets d'infrastructures et d'urbanisme - Communication
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Culture » - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Sport, jeunesse et vie associative » - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Conseil et contrôle de l'Etat » - Examen du rapport spécial
- Mercredi 24 octobre 2012
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Régimes sociaux et de retraite » - Compte d'affectation spéciale « Pensions » - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2013 - Mission « Economie » - Compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » - Examen du rapport spécial
- Programmation et gouvernance des finances publiques - Examen du rapport et du texte de la commission
Mardi 23 octobre 2012
- Présidence de M. Philippe Marini, président, puis de M. Jean-Claude Frécon, vice-président -Contrôle budgétaire - Financement des projets d'infrastructures et d'urbanisme - Communication
La commission entend tout d'abord une communication de M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, rapporteurs spéciaux, sur le financement des projets d'infrastructure et d'urbanisme (AFD-PROPARCO).
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - En 2012, vos rapporteurs spéciaux de la mission « Aide publique au développement » ont choisi de faire porter leur contrôle non pas sur un pays, comme c'était l'usage, mais sur une politique transversale : les projets d'infrastructure et d'urbanisme, c'est-à-dire les opérations d'aménagement et de renouvellement urbain, les interventions sur les modes de transport, les réseaux d'eau et d'énergie.
En effet, alors que l'aide au développement est souvent assimilée à une aide d'urgence lors de crises humanitaires, les sommes les plus importantes vont à des projets qui structurent l'espace des pays en développement, notamment dans le domaine des infrastructures et de l'urbanisme. Ces projets n'ont pas toujours bonne presse : n'entend-on pas dire que l'on finance des projets pharaoniques, des « éléphants » éloignés des besoins immédiats des populations ? A l'issue de nos travaux, ces reproches nous paraissent illégitimes : les sommes investies ont un effet multiplicateur, non seulement sur la croissance économique et le progrès social des pays du tiers monde, mais aussi sur l'économie et la société françaises, par leurs retombées directes et indirectes.
Restait à vérifier la qualité des procédures et des évaluations, pour s'assurer du bon emploi des deniers publics. Nous nous sommes plus particulièrement intéressés à l'Agence française de développement (AFD), qui établit des partenariats dans le domaine public, et sa filiale Proparco (Promotion et participation pour la coopération économique), qui soutient des projets d'investissement privés. Dans la mesure où Fabienne Keller et moi-même siégeons au conseil d'administration de l'AFD, nous avons pu décortiquer le processus décisionnel depuis l'identification des projets jusqu'au vote formel des instances délibératives.
Combien de projets sont concernés, et quel est le montant des engagements ? La réponse n'est pas simple, car les cadres d'intervention sectoriels de l'AFD classent différemment les projets. Nous avons examiné trois cadres d'intervention : les collectivités locales et le développement urbain, l'eau et l'assainissement, les transports, soit 2 milliards d'euros par an. Avec les interventions dans le domaine de l'énergie et celles de Proparco, un peu moins de 20 % de celles du groupe AFD, ce sont 3 milliards d'euros qui sont consacrés chaque année aux projets d'infrastructure et d'urbanisme dans le monde - environ soixante-dix projets, infrastructures routières et aéroportuaires, réseaux d'eau et d'énergie...
L'aide française est totalement déliée : le versement d'un prêt ou d'une subvention n'est pas conditionné au choix d'entreprises françaises, ce qu'interdiraient d'ailleurs les règles relatives aux marchés publics dans la plupart des pays du monde. Mais nos partenaires étrangers sollicitent naturellement la France qui compte dans ses domaines de spécialité plusieurs groupes de renommée mondiale. Nos entreprises participent à la réalisation d'équipements qui améliorent la vie des populations locales et jettent les bases du développement. L'AFD évalue aussi les risques sur l'environnement et l'équilibre social des pays, pour réduire autant que possible les externalités négatives.
Les procédures, rigoureuses, associent les équipes locales de l'AFD et les bureaux sectoriels et géographiques de Paris. Les projets font l'objet d'une demande expresse du pays ou de l'entité bénéficiaire. Dès la phase de pré-évaluation, le mode de financement et les impacts sociaux et environnementaux sont pris en compte. Toutefois la procédure d'instruction et de suivi des dossiers peut encore être améliorée et l'AFD revoit ses critères d'appréciation. En outre, si les ambassades sont associées à toutes les étapes de la procédure, les agences de l'AFD sont juridiquement et opérationnellement autonomes, ce qui peut provoquer des conflits. Une fois la décision prise par les instances délibératives de l'AFD ou de Proparco, une convention de financement est conclue. Certains projets sont abandonnés ou ne sont pas menés à terme. C'est plus fréquent dans le cas de Proparco, qui finance des acteurs privés auxquels elle octroie des prêts non bonifiés : une fois sur dix, le client fait défaut - ce fut le cas pour cinq des quelque cinquante opérations que nous avons examinées.
Une partie de l'opinion française juge les interventions de l'AFD et Proparco exorbitantes, étant donnée la situation de notre pays. Cette appréciation ne correspond pas à la réalité. Le taux des prêts non bonifiés de l'AFD est établi en vue d'atteindre l'équilibre économique global et ne comprend pas de marge bénéficiaire. Le différentiel par rapport aux taux de marché est constitué de la bonification versée par l'Etat. Le coût des emprunts de marché de l'AFD est en effet supérieur à celui des principaux bailleurs multilatéraux, la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement, la Banque africaine de développement et la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KFW), qui bénéficie des taux très bas de l'Allemagne. Toutefois, l'AFD possède des avantages comparatifs : elle peut intervenir auprès d'une collectivité sans garantie de l'Etat, en « risque direct » ; elle dispose d'une large gamme d'instruments, subventions, prêts à la concessionalité plus ou moins élevée, financements souverains - prêts directs aux Etats ou avec la garantie de ceux-ci - ou non souverains - pour des entreprises publiques du secteur concurrentiel ou des sociétés privées, sans garantie de l'Etat. L'AFD est capable d'adapter ses schémas financiers à des situations variées, en finançant par exemple la part d'investissement incombant à l'Etat sous forme de concours souverain, et la part incombant au partenaire privé sous forme de prêt classique. Elle peut aussi apporter son appui technique ou institutionnel, notamment en partenariat avec des collectivités territoriales françaises, grâce à son maillage d'agences.
Avec l'AFD et Proparco, notre pays dispose d'instruments opérationnels remarquables. L'augmentation des engagements, qui peut certes exposer la France à une réévaluation de son risque souverain par les agences de notation, n'en est pas moins justifiée par nos ambitions diplomatiques et commerciales.
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Après cette analyse générale, nous avons voulu nous rendre sur le terrain, et j'ai mis le cap sur la Tunisie à la fin du moins de juin pour aller observer la conduite opérationnelle de projets. Ce pays, avec lequel nous avons tissé des liens historiques, est depuis longtemps l'un des premiers bénéficiaires de notre aide publique au développement. Il était intéressant de voir comment la France avait adapté ses interventions après le « printemps arabe » : réagissant très rapidement, elle a poursuivi et amplifié son aide, ce que nos amis tunisiens ont apprécié même si des attentes, voire des impatiences, se sont fait jour face à l'urgence des besoins sociaux. Yvon Collin n'a pas pu m'accompagner, mais il avait fait partie d'une délégation du bureau de notre commission qui s'était rendue en Egypte, en Libye et en Tunisie au mois de mars.
Le 17 décembre 2010, l'immolation de Mohamed Bouazizi marquait le début de la révolution tunisienne, qui devait s'achever par le départ du président Ben Ali. Le régime qu'il avait mis en place se caractérisait par la confiscation des ressources nationales au profit de sa famille, par un autoritarisme social et politique au service de la politique dite « du changement ». Le 23 octobre 2011 a été élue une assemblée législative dotée de pouvoirs constituants, qui devait achever ses travaux aujourd'hui même - en fait, ce sera plutôt au printemps. Dans l'attente de l'adoption d'une nouvelle constitution, le pouvoir est exercé par une troïka qui associe les principales formations politiques aux institutions provisoires : le président de la République Moncef Marzouki, le président de l'Assemblée nationale constituante Mustapha Ben Jaafar, et le Premier ministre Hamadi Jebali. La croissance économique s'est arrêtée : le PIB a diminué de 1,8 % en 2011 et n'augmentera au mieux que de 3 % en 2012, ce qui ne suffira pas à faire reculer le chômage et la pauvreté.
Expression du soutien français au processus démocratique, une liste de projets prioritaires a été établie par les experts français et tunisiens. Une aide de 350 millions d'euros a été annoncée en avril 2011 par Alain Juppé à Tunis, puis portée à 425 millions d'euros lors de la réunion des ministres des finances du G8 à Marseille. L'AFD aidera à financer le Plan d'appui à la relance du gouvernement tunisien, auquel contribuent les quatre principaux bailleurs de fonds, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, l'Union européenne et l'AFD. Les fonds français sont destinés aux différents axes du plan de relance : d'une part, 185 millions d'euros ont été décaissés en priorité et affectés à la formation professionnelle ainsi qu'à la préservation et à la modernisation du secteur financier et bancaire, d'autre part, 240 millions d'euros visent à l'amélioration des conditions de vie et au rattrapage économique de certaines régions et populations. La convention de financement portant sur une première contribution de 185 millions d'euros, à décaissement rapide, a été signée à l'occasion du sommet du G8 de Deauville le 27 mai 2011. Le 22 juillet 2011, l'AFD, premier bailleur à débloquer des fonds, a versé la somme considérable de 85 millions d'euros ; le second versement est intervenu en février 2012, après la formation du nouveau Gouvernement.
Les projets d'infrastructure et d'urbanisme occupent une place de premier plan dans ce programme. Une convention de financement de 40 millions d'euros pour le renforcement de la production de la Société nationale d'exploitation et de distribution des eaux (Sonede) a été signée en mai 2012. Le même mois, une aide de 20 millions d'euros pour le développement des réseaux d'adduction en eau potable rurale a été approuvée par le conseil d'administration de l'AFD. Toujours en mai 2012, l'Union européenne a délégué à l'AFD une subvention de 7,75 millions d'euros pour compléter le Programme national de requalification urbaine (PNRU), déjà financé à hauteur de 40 millions d'euros par l'AFD. A cela s'ajoutent un projet de tramway ou « métro léger » à Tunis, et un autre de RER, le Réseau ferroviaire rapide (RFR).
J'ai pu constater à quel point les réalités tunisiennes étaient proches des nôtres. On assiste là-bas à une course-poursuite entre la route et les transports collectifs, dont la part modale n'est encore que de 25 %. Il faut douze à dix-huit mois seulement pour construire une autoroute, comme celle que l'Arabie saoudite vient de financer entre le centre de Tunis et l'aéroport... J'ai rencontré les responsables de la Société des transports de Tunis (Transtu). Je me suis aussi entretenue avec les dirigeants de la Société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT), ceux de l'Agence de réhabilitation et de rénovation urbaine (Arru) - bien antérieure à notre Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) ! - et ceux de l'Office national d'assainissement (Onas) et de la Sonede, ainsi qu'avec des urbanistes. Enfin, j'ai eu une entrevue avec Riadh Bettaieb, ministre de l'investissement et de la coopération internationale, l'interlocuteur direct de l'AFD au sein du gouvernement tunisien. J'ai pu apprécier la haute technicité de nos interlocuteurs, dont beaucoup ont été formés en France, mais aussi la force des attentes vis-à-vis de notre pays et l'enthousiasme éprouvé à bâtir un pays nouveau, en relevant les défis du développement.
Le projet structurant RFR se heurtait au choix du chef de file ; le gouvernement a finalement décidé que la société RFR serait chargée de la construction de la ligne et la SNCFT de son exploitation. Cela ressemble fort au partage des tâches entre la RATP et la SNCF...
Il existe en Tunisie un logement social de fait, un habitat populaire issu d'une urbanisation spontanée, sur des terrains cédés au mépris des règles générales de l'urbanisme. La construction des maisons s'échelonne dans le temps, les étages s'ajoutent les uns aux autres à mesure que les familles s'agrandissent. C'est l'Agence de rénovation urbaine qui installe ensuite l'électricité, l'eau et l'assainissement, qui aménage les rues, tandis que le ministère de l'éducation construit des écoles. A Bizerte, j'ai visité le quartier d'Oued Roumine, très à l'écart du centre-ville et du port, où la sécurisation des capacités de production et d'adduction d'eau potable coûtera 40 millions d'euros en cinq ans. Les quartiers de Hached et Bir Massyougha sont situés loin du centre, là où les terrains sont bon marché : leur rattachement aux réseaux de transport et d'approvisionnement coûte donc très cher. Les habitants m'ont accueillie de façon très conviviale, mais ils m'ont fait part de leurs attentes vis-à-vis des institutions tunisiennes et de la France.
En Tunisie, l'AFD intervient aux côtés de la KFW allemande et des bailleurs européens et internationaux, et elle est souvent tête de réseau, même pour des projets où elle ne participe que très faiblement : cela s'explique par les liens noués avec les responsables tunisiens, mais aussi par le fait que notre expertise est reconnue et recherchée. Toutefois, l'action de la France n'est pas toujours suffisamment visible : notre ambassade réclame une communication plus offensive. Le soutien à des micro-projets, en lien avec les ONG tunisiennes, va dans ce sens, alors que le manque de relais dans la société civile avait empêché la France de percevoir les prémices de la révolution tunisienne.
Nos engagements résistent aux changements politiques. En Tunisie, l'AFD a continué à travailler chaque jour lors de la période troublée de la révolution. La pérennité de l'aide est précieuse.
Je souhaite que la France tienne les promesses faites à Deauville il y a plus d'un an, sous le gouvernement précédent : le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius m'a donné des assurances en ce sens, mais les contraintes budgétaires sont fortes, qui expliquent certains délais... Je souhaite aussi, bien sûr, que l'on respecte le processus démocratique en cours. Il est important que la transition démocratique se passe bien en Tunisie, car ce pays sert d'exemple au Maghreb et à toute la région. Je crois nécessaire de soutenir des projets structurants dans les pays en développement. Lors d'une conférence sur le Maghreb à Strasbourg, Alexandre Adler appelait la France à renforcer son aide technique et financière aux Tunisiens, dans cette période où des débats de fond traversent la société. J'ajoute que si les touristes sont revenus, la part des Français est en recul.
M. Philippe Marini, président. - Considérez-vous que l'argent public ainsi dépensé l'est à bon escient ? Y a-t-il lieu d'adresser à l'administration des remarques ou des questions ? Bref, tout va-t-il aussi bien que vous semblez le dire ?
M. Aymeri de Montesquiou. - L'APD bénéficie-t-elle aux entreprises françaises ?
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Je l'ai dit, les aides sont déliées : l'AFD veille au respect des règles applicables aux marchés publics.
Pour répondre au président Marini, l'AFD est un outil très performant, le bras armé de notre aide publique, dans les pays en développement et ailleurs, puisqu'il existe différentes sortes de prestations en fonction de la richesse des pays : aides directes, prêts bonifiés, prêts simples. Les interventions, dont la gamme est particulièrement large, sont très appréciées à l'étranger.
La France a intérêt à rester présente à l'étranger, et pas seulement lors des crises humanitaires. On a longuement débattu des prêts - non bonifiés - accordés par l'AFD en Chine. Lors du tremblement de terre du Sichuan qui a fait 200 000 morts, notre intervention humanitaire a eu des prolongements lors de la reconstruction, et nous avons alors financé, par exemple, des équipements de méthanisation pour les entreprises agricoles. Dans cette région de 80 millions d'habitants, notre présence a été fort appréciée. Les revenus des prêts suffisent à couvrir les frais de fonctionnement de l'AFD en Chine, où travaillent une quinzaine de salariés. Or les interventions de l'agence contribuent à ouvrir des marchés aux entreprises françaises, par exemple dans le domaine du chauffage urbain.
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - En Tunisie, j'ai eu le sentiment que l'Agence faisait un bon usage des fonds qui lui sont versés : elle accorde surtout des prêts pour des investissements techniques, et quelques subventions d'un montant beaucoup plus faible pour des projets environnementaux ou la formation professionnelle. Le plus souvent, il s'agit de prêts souverains.
Ces interventions profitent-elles à nos entreprises ? La Tunisie réalise 30 % de ses échanges avec la France, dans les deux sens ; de plus en plus d'entreprises françaises sous-traitent là-bas une partie de leurs activités, et les Tunisiens espèrent une nouvelle implantation d'une entreprise automobile européenne. Place de Barcelone, j'ai vu le même tramway Citadis qu'à Strasbourg : Alstom a remporté l'appel d'offres. J'attire votre attention sur les limites de l'aide liée : la gare de Tunis est un conservatoire de vieux trains dépareillés, venus de Hongrie et d'ailleurs, qu'il est très difficile d'entretenir.
La Tunisie est un Etat industrialisé, où le régime Ben Ali, malgré ses graves travers, a fait scolariser tous les enfants et créé des universités dans l'ensemble du pays. Ce n'est donc pas une aide humanitaire que nous apportons, mais un soutien à l'économie du pays et à un Etat en voie de consolidation. Je l'ai dit, la Tunisie sert de modèle, et il est important que la transition s'y déroule correctement. La situation alimentaire n'est pas bonne. La communauté internationale, et la France au premier chef, doivent être aux côtés du peuple tunisien.
Sans doute l'aide publique des pays européens pourrait-elle être mieux coordonnée, grâce à un système formalisé de reconnaissance mutuelle : de même que la France est chef de file en Tunisie, de même la Belgique, l'Allemagne ou le Royaume-Uni pourraient l'être ailleurs, compte tenu de leurs liens historiques avec tel ou tel pays. Cela éviterait les doublons et rendrait l'aide plus efficace : la KFW allemande ne compte que deux représentants pour toute la Tunisie...
M. Éric Doligé. - J'ai cru comprendre à vos propos que des prêts étaient accordés pour l'implantation d'entreprises automobiles. Finance-t-on des délocalisations ?
La Tunisie est peut-être un exemple de démocratie, mais la fuite des cerveaux ne met-elle pas en péril son économie ?
M. Jean Arthuis. - On peut s'étonner que l'AFD intervienne en Chine et au Brésil : il est cocasse de voir ces pays nous prêter de l'argent pour que nous leur venions en aide. Yvon Collin nous assure cependant que cela a un effet d'entraînement pour les entreprises françaises...
Y a-t-il une vraie synergie entre les aides de l'AFD et celles de l'Europe, auxquelles est consacrée une partie des 20 milliards d'euros de la contribution française au budget de l'Union ?
Des zones d'activité se développent au Maghreb, attirant des industries et des centres d'appels téléphoniques, mais y a-t-il là une vraie stratégie ?
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Eric Doligé m'a mal comprise : je disais que la Tunisie réalise 30 % de ses échanges commerciaux avec la France, en partie parce que des industriels français ont localisé une partie de leur production en Tunisie.
Tous les pays en développement souffrent de la fuite des cerveaux, d'autant plus qu'ils sont plus pauvres : paradoxalement, le Nord aspire et pompe les compétences du Sud. La Tunisie est relativement épargnée, même si nos hôpitaux fonctionnent en grande partie grâce à des médecins formés là-bas ; en revanche la situation est dramatique à Haïti, île vidée de ses élites et de sa classe moyenne par la dictature et les chocs climatiques successifs.
Jean Arthuis peut légitimement s'interroger sur la présence de l'AFD en Chine et au Brésil, mais le budget de l'aide au développement pour ces pays inclut les frais d'écolage des étudiants chinois et brésiliens qui étudient en France. Quant aux prêts, ils sont modestes au regard du PIB de ces pays.
M. Jean Arthuis. - Ils servent surtout à occuper l'AFD...
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - Au Brésil, la France et les entreprises françaises sont implantées depuis longtemps. La présence en Chine est plus récente.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Malgré une certaine compétition, la Banque européenne d'investissement, la KFW et l'AFD cherchent bien à coordonner leur action, et ont même décidé de mettre en place un système de reconnaissance mutuelle afin qu'un pilote soit désigné pour chaque opération.
Mme Fabienne Keller, rapporteure spéciale. - C'est indispensable, car il est terrible pour les gestionnaires de devoir s'adresser à tant d'établissements, pour des projets souvent limités dans le temps et alors que ces pays sont souvent mal organisés. Les Européens n'arriveront pas à s'entendre pour désigner une ambassade chef de file, mais c'est sans doute possible pour l'aide au développement.
A l'issue de ce débat, la commission donne acte de leur communication à M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, rapporteurs spéciaux, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Loi de finances pour 2013 - Mission « Culture » - Examen du rapport spécial
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Yann Gaillard et Aymeri de Montesquiou, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Culture » (et article 63).
M. Philippe Marini, président. - Nous entamons la longue série des rapports budgétaires. Les crédits de la mission « Culture » vont être présentés par nos deux collègues, qui ont travaillé conjointement.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Avant de détailler les crédits consacrés aux programmes « Création » et « Transmission des savoirs et Démocratisation de la culture », je dirai quelques mots du contexte général dans lequel le budget de la culture a été établi. Pour 2013, la culture recevra 2,6 milliards d'euros, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement - avec une maquette stabilisée par rapport à l'exercice 2012.
En volume, les crédits diminuent de 0,8 % en autorisations d'engagement et de 3,7 % en crédits de paiement : la culture n'a pas échappé à la rigueur et la ministre n'hésite pas à revendiquer ses décisions courageuses. Dès l'été, la presse a dressé la liste des projets abandonnés ou redéfinis : Maison de l'histoire de France, Musée de la photographie à Paris, Centre de restauration, de conservation et de recherche des patrimoines, salle supplémentaire pour la Comédie française, Tour Médicis à Clichy-Montfermeil... La ministre assume ses décisions.
M. Philippe Marini, président. - Mais la Philharmonie de Paris continue de peser sur le budget.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - J'ai dit tout le mal que j'en pensais lors de la présentation de mon rapport de contrôle, la semaine dernière, et j'ai vu que beaucoup d'entre vous m'approuvaient. A la suite de cette réunion, vous-même, monsieur le président, avez adressé à Mme Filippetti des questions et observations : je me réjouis que nos réunions aient des effets pratiques sur les relations entre le Parlement et le Gouvernement.
M. Philippe Marini, président. - Nous remplissons notre rôle.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - La réunion d'aujourd'hui est consacrée à un autre sujet...
La presse avait évoqué un milliard d'euros d'économies, dont 250 millions dès 2013. La réalité est un peu différente. L'abandon de ces projets est une source d'économies, mais moindres que ce qu'on a pu lire, et en partie virtuelles : comment évaluer précisément ce qu'aurait coûté la réalisation de projets encore à l'étude ? En outre, la mission « Culture » bénéficie de la priorité donnée par le Gouvernement à la jeunesse et à l'éducation : les crédits des écoles d'architecture ou d'art sont majorés et un plan d'éducation artistique et culturelle est engagé. Au total, le bilan financier est moins positif que ne l'a dit la presse.
Un mot des dispositions de la première partie du projet de loi de finances. M. de Montesquiou abordera sans doute la question du Centre national du cinéma (CNC), mais je n'ai pas voulu le suivre, car j'ai beaucoup de sympathie pour cette institution. L'an dernier, la mission d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales avait jugé avec sévérité la multitude de dispositifs relevant du champ culturel. Seule la réduction d'impôts en faveur de la production cinématographique avait été jugée efficiente. Comme le dispositif Malraux, dont l'incidence pour la préservation des centres anciens est reconnue par tous, les Sociétés pour le financement du cinéma et de l'audiovisuel (SOFICA) vont sortir du plafond des niches fiscales. Dans le contexte financier actuel, nous ne pouvons que nous en féliciter.
M. Philippe Marini, président. - Nous en féliciter ? Cela accroit le montant de dépenses fiscales, la Commission des finances ne peut guère s'en féliciter !
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Sachons faire quelques concessions, il s'agit de la culture...
Je salue aussi les clarifications budgétaires de nature à améliorer la sincérité de la présentation des crédits. J'ai dans le passé dénoncé les modalités de financement de la gratuité de l'entrée dans les musées pour les jeunes, par le déblocage de la réserve de précaution, et selon un calcul qui aboutissait à une surcompensation. Pour la première fois, les crédits correspondants, dont le montant est désormais mieux connu, sont inscrits en loi de finances.
Le versement des bourses aux étudiants, seule dépense de guichet de la mission, donnait lieu chaque année à des opérations internes de gestion en cours d'exercice, car la revalorisation et le dixième mois n'étaient pas financés. C'est désormais chose faite.
Les subventions d'investissement des musées, enfin, ne sont plus considérées comme des subventions pour charge de service public mais bien comme des dotations en fonds propres, ce qui est plus conforme à leur objet.
Les crédits du programme « Création » sont répartis entre 679 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 713 millions d'euros de crédits de paiement pour le spectacle vivant, ainsi que 72 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 62 millions d'euros de crédits de paiement pour les arts plastiques. L'évolution des dotations consacrées au programme est assez contrastée : les autorisations d'engagement progressent de 2,1 % quand les crédits de paiement diminuent de 1,6 %. Les moyens sont globalement stabilisés, dans l'attente de la loi d'orientation sur la création et le spectacle vivant annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale. Cette loi viendra-t-elle un jour ?
Les subventions aux multiples opérateurs baissent de 1 % à 2,5 %. En outre, comme les années précédentes, ces opérateurs contribuent à la maîtrise de l'emploi public. Globalement, les dotations diminuent donc de 2,8 %. Les travaux déjà engagés - essentiellement de mise aux normes - se poursuivront.
L'évolution la plus notable concerne les transferts aux collectivités. Il s'agit du coeur du dispositif de soutien au spectacle vivant. Plus de deux mille structures bénéficient d'une subvention, sur des crédits qui sont, pour l'essentiel, déconcentrés, et qui représenteront 283,77 millions d'euros l'année prochaine. La progression apparente de ces crédits est due à la construction de la Philharmonie de Paris - je n'y reviens pas. L'ouverture de 25 millions d'euros en autorisations d'engagement, m'a-t-on expliqué, est destinée à pouvoir faire face à d'éventuels surcoûts...
Les crédits de paiement du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » diminuent de 2,8 %. Le recul serait encore plus fort s'il n'y avait la priorité donnée à l'éducation et à la jeunesse. Les crédits de l'éducation artistique et culturelle progressent en effet de 7,4 %. Un plan d'accompagnement est mis en place, dont la montée en puissance sera progressive : 2,5 millions d'euros en 2013, 5 millions en 2014, et 7,5 millions en 2015. Nous verrons... Les autres crédits diminuent de manière drastique, qu'il s'agisse du financement des conservatoires, de l'action internationale ou des crédits de fonctionnement du ministère ; mais les opérations en cours seront honorées.
La redevance d'archéologie préventive, sur laquelle porte l'article 63 rattaché, a fait l'objet d'une refonte l'an dernier afin de procurer une recette stable à l'Institut national de recherches et d'archéologie préventive (Inrap). La redevance est désormais adossée à la taxe d'aménagement mais, sous la pression de l'Assemblée nationale, le Gouvernement avait consenti à une exonération en faveur des constructions individuelles - l'Inrap est plutôt impopulaire dans nos campagnes ! Cette disposition est inéquitable : un propriétaire au sein d'un logement collectif, lui, est assujetti à la redevance. Elle entre aussi en contradiction avec la volonté générale d'éviter l'étalement urbain. C'est pourquoi, conformément à la position adoptée par notre commission l'année dernière, je vous propose d'accepter le principe de la suppression de cette exonération, et donc d'adopter cet article sans modification.
- Présidence de M. Jean-Claude Frécon, vice-président -
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. - Le budget de la mission « Culture » n'a pas été sanctuarisé, mais le nombre des emplois sous plafond ne diminue que légèrement, à 15 184 équivalents temps plein travaillé (ETPT) contre 15 204 en loi de finances initiale pour 2012 : suppression de 101 ETP chez les opérateurs, et de 20 autres après la dissolution de la Maison de l'histoire de France ; création de 30 ETP pour renforcer les moyens des écoles nationales supérieures d'architecture et d'art, et de 90 dans le programme « Patrimoines », pour le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) ou le Musée Picasso rénové.
Néanmoins, les crédits du programme « Patrimoines » sont en recul, de 5 % sur les autorisations d'engagement, 10 % sur les crédits de paiement. Plusieurs programmes arrivent à leur terme, comme le centre des archives de Pierrefitte-sur-Seine, qui ouvrira en décembre. Et des projets du précédent gouvernement, en cours de réalisation, sont abandonnés, la Maison de l'histoire de France, ou le Centre de restauration, de conservation et de recherche des patrimoines et le Centre national de la musique qui devait voir le jour sur le modèle du CNC.
Pour le patrimoine monumental, en cette année qui marquera le centenaire de la loi fondatrice de la politique de conservation des monuments historiques, les crédits seront reconduits, et deux initiatives méritent d'être relevées : d'une part, un bilan sanitaire quinquennal des monuments historiques sera établi en début d'année pour rendre compte des investissements menés depuis 2007, et d'autre part, le ministère entend réserver 15 % des crédits alloués à la restauration aux actions de conservation. Le patrimoine étant l'une des richesses de notre pays, et le tourisme une source de ressources financières, cette décision est bienvenue.
Sur l'action « patrimoines des musées de France », des crédits sont ouverts afin d'assurer l'ouverture du MuCEM à Marseille au deuxième semestre 2013 : les crédits de fonctionnement passent de 8 à 17,7 millions d'euros, tandis que les crédits d'investissement diminuent.
L'inscription des crédits de compensation de la gratuité pour les jeunes de 18 à 25 ans dans les musées représente un supplément de dotations de 18 millions d'euros. Le plan d'investissement en faveur des musées territoriaux est consolidé, puisque les crédits de paiement passent de 15,1 millions d'euros en 2012 à 15,6 millions. La politique d'investissement en faveur des centres d'archives départementales et communales est renforcée : les autorisations d'engagement progressent de 2 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2012. La population porte un intérêt croissant à la généalogie, donc aux archives.
Les crédits prévus pour les acquisitions et l'enrichissement des collections publiques, en revanche, sont divisés par deux, ce qui est considérable, mais sans doute inévitable dans la conjoncture budgétaire actuelle. Les musées sont invités à développer d'autres sources de financement, à l'instar du musée du Louvre dont les salles consacrées au mobilier du XVIIIème siècle seront intégralement financées par le mécénat.
Comment évaluer les sommes consacrées au mécénat culturel ? L'intégralité des charges liées aux déductions des dons faits aux associations est imputée sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Comme la Cour des comptes, nous souhaitons que le ministère se donne les moyens de chiffrer précisément la part qui va à la culture. Les sommes en jeu se montent tout de même à plus de deux milliards d'euros. Avant de mobiliser de nouvelles ressources propres et de chercher à mobiliser des partenaires, faisons en sorte de disposer de données précises sur les sommes déjà dépensées en faveur de l'action culturelle.
La mise à jour du répertoire des oeuvres, qui a pris du retard, doit s'achever en 2014. Cela répondra aux préoccupations exprimées par la Cour des Comptes dans son rapport de mars 2011, « Les musées nationaux après une décennie de transformations, 2000-2010 ».
Au sujet du CNC, enfin, notre audition du 3 octobre dernier a suscité des avis divergents, mais montré les limites du modèle économique actuel. Une fiscalité affectée incite l'opérateur à programmer des dépenses aussi dynamiques que le sont ses ressources. Certes, il y a le plan de numérisation des salles et des oeuvres, mais la situation des finances publiques impose de modérer les dépenses du CNC. Il ne me semble pas qu'un prélèvement de 150 millions d'euros, sur une cassette de 800 millions, soit excessif : ce n'est, selon moi, pas suffisant. Nous aurons l'occasion d'y revenir lors de l'examen des articles de première partie. En contrepartie, semble-t-il, le CNC sortirait du dispositif de plafonnement des taxes affectées aux opérateurs. Un autre élément pointé par la Cour des comptes a particulièrement attiré mon attention : il s'agit de l'absence d'évaluation de la pertinence des aides versées par le centre, notamment à l'étranger - il serait souhaitable que les films soient au moins doublés en français, ou sous-titrés. Certains des films ne sont projetés qu'une semaine dans une seule salle - juste le temps de justifier une subvention...
M. Jean-Claude Frécon, président. - Quel vote préconisez-vous ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Je recommande de voter les crédits.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. - Tout en étant un peu plus sévère que mon collègue sur certaines dotations, je suivrai son avis.
M. Jean-Claude Frécon, président. - Merci. Les deux rapporteurs pour avis de la commission de la culture souhaitent-ils s'exprimer ?
M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis de la commission de la culture. - Le calendrier de travail de notre commission étant un peu décalé par rapport au vôtre, je venais surtout m'informer de votre point de vue sur cette partie du budget. Le budget de la culture concerne des activités économiques essentielles, non délocalisables, indispensables à la cohésion sociale. Il ne s'agit pas d'une cerise sur le gâteau, mais de dépenses stratégiques. Pour reprendre un titre récent du périodique de la Fondation du patrimoine, « l'investissement patrimonial est une dépense pleinement utile à notre économie ». Il faut donc rester vigilant, même si la conjoncture nécessite sans doute de réduire certaines lignes budgétaires. Réduisons, mais avec intelligence et en minimisant les conséquences économiques.
Il n'y a pas de réfaction globale des crédits, il y a des choix. Ainsi le soutien à la création architecturale se développe-t-il, ce qui est extrêmement précieux puisque, depuis le patrimoine historique jusqu'à l'architecture contemporaine, cet art symbolise l'aspiration légitime de nos territoires à une certaine qualité du bâti. Il faut en outre mener à leur terme les opérations engagées qui, après avoir engendré des dépenses d'investissement, exigent à présent des crédits de fonctionnement, musée Picasso, MuCEM, qui ouvrira ses portes en 2013, au moment où Marseille sera capitale européenne de la culture. Nous ferons ce travail d'analyse détaillé au sein de notre commission.
Mme Maryvonne Blondin, rapporteure pour avis de la commission de la culture. - Pour ma part, je me consacrerai uniquement au spectacle vivant. M. Gaillard a indiqué qu'il était préservé et je partage cette appréciation. Vous avez mentionné la Philharmonie de Paris : il aurait fallu l'arrêter lors de l'interruption des travaux qui a duré dix-huit mois ! Dès lors que l'opération a été relancée, la ministre fait à présent un choix assez raisonnable.
Quant au CNC, il aide beaucoup nos collectivités dans la numérisation des salles comme des oeuvres, et participe à la création des films français. Notre cinéma est reconnu dans le monde.
M. François Trucy. - Aujourd'hui, chaque budget doit comporter des sacrifices : on en trouve quelques-uns dans le budget de la culture. Peut-on cerner davantage les sacrifices que représente l'arrêt, l'abandon, le ralentissement de certaines opérations ? Les études engagées sont-elles complètement perdues ?
M. Vincent Delahaye. - J'ai plaisir à voir un budget en diminution, et je félicite la ministre pour cela, car ce n'est pas une tâche facile. Je me réjouis que des propositions que j'avais faites l'an dernier - elles n'avaient recueilli d'assentiment ni dans l'hémicycle ni en commission - sur la Maison de l'histoire de France par exemple, soient aujourd'hui formulées par la ministre. A propos de l'audiovisuel aussi, mes propositions budgétaires ont été plus que satisfaites : je demandais 0 % et ce sera cette année une réduction de plus de 2 % ...
Sur le programme « Création », j'ai cru comprendre qu'une seule personne officiait à la fois à la salle Pleyel, à la Cité de la musique et à la Philharmonie, qui représentent des subventions de fonctionnement de respectivement 4,7 millions d'euros, 23,4 millions et 4 millions, sachant que la Philharmonie touche aussi 4 millions de la Ville de Paris. J'aimerais connaître la rémunération de ce directeur de trois structures, dont le budget de fonctionnement me paraît excessif - et je connais les coûts d'un opéra et d'un orchestre, nous en avons un à Massy.
Le montant indiqué pour les dotations en fonds propres, page 132 du projet annuel de performances, ne correspond pas à celui qu'on trouve dans le détail de la page 154. La différence est de cinq millions : où passent-ils ? Ce nouveau concept de dotations en fonds propres correspond-il à une nouvelle politique ? A quoi sert-il ? J'estime enfin qu'on aurait pu ponctionner plus lourdement le CNC, dont l'excédent provient de taxes prélevées sur l'économie française : il est donc juste qu'il contribue aussi aux efforts budgétaires.
M. Jean Arthuis. - A-t-on une idée du montant de dépenses fiscales que représente le mécénat, qui est appelé à prendre toujours plus d'importance ? Nous devons demander au Gouvernement de reclasser cette dépense fiscale sur le budget de la culture pour la part qui lui revient. Avez-vous une idée de l'équilibre relatif du régime de chômage des intermittents du spectacle ? Enfin, j'étais en conflit avec le précédent gouvernement, dont le premier ministre prescrivait la réduction des dépenses publiques, quand son ministre de la culture menaçait les scènes nationales qui n'engageaient pas au moins deux millions de dépenses d'un retrait de l'agrément. Je n'arrivais pas à comprendre cette contradiction. Le nouveau gouvernement y a-t-il mis un terme ?
M. Francis Delattre. - Le CNC est un partenaire utile pour les communes. Mais il a dans les commissions départementales d'équipement cinématographique une influence hégémonique qui n'est pas normale. Le représentant du CNC est souvent le seul professionnel de la commission et il a en pratique le pouvoir de faire remonter un dossier en commission nationale. Celle-ci est généralement sourde à nos arguments, et ses membres ne connaissent même pas l'économie du cinéma. Elle refuse en deux lignes des projets préparés de longue date par des gens compétents. Les salles parisiennes sont l'unique objet de son intérêt. Or la banlieue parisienne manque cruellement de salles de cinéma, ce qui n'est pas sans contribuer au malaise de la jeunesse. Il serait bon que le ministre revoie le fonctionnement de ces commissions, et mette un terme au rôle occulte qu'exerce le représentant du CNC en leur sein.
M. Pierre Jarlier. - Ce budget est courageux et donne l'exemple. J'y relève deux points positifs : l'éducation artistique et culturelle progresse fortement, et les effectifs des écoles supérieures d'art et d'architecture sont étoffés, à une période où l'on a besoin de réfléchir à de nouveaux modes d'habitat et d'urbanisme. Je souhaite appeler l'attention de nos rapporteurs sur le rôle déterminant du CNC dans la modernisation des salles en secteur rural, où les cinémas sont souvent gérés par les collectivités. Sans le CNC, nous n'aurions plus de salles ! S'il y a des économies à faire, ce n'est certainement pas sur l'aménagement du territoire.
M. Jean-Claude Frécon, président. - Absolument.
M. Pierre Jarlier. - Il faut aussi dissocier, à propos du régime des intermittents du spectacle, les artistes en voie de professionnalisation, qui ont besoin de ce statut, et les sociétés qui utilisent ce statut alors qu'elles n'en ont nul besoin.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. - Parmi les projets abandonnés, on peut citer la Maison de l'histoire de France, le Centre de restauration et de conservation du patrimoine, et le Centre national de la musique, le musée de la photographie, la remise en cause de la subvention pour le projet dit Lascaux 4 ...
A propos de la Philharmonie, il faut avoir à l'esprit que ce projet coûte 386 millions. Certes, on peut dire qu'une grande capitale comme Paris doit avoir une Philharmonie, mais ce projet a été mal conçu, sans étude de marché, sans projet de réseau international, avec un certain amateurisme donc. Les frais de fonctionnement, qui s'élèvent à 80 millions, sont importants. Le rachat de la salle Pleyel a coûté 62 millions d'euros : qu'en faire à présent ? A-t-on vraiment besoin de deux établissements ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Nous avons eu déjà eu ce débat. Nous n'avons pas connaissance du montant du salaire du directeur que vous évoquiez. Cela n'a pas fait partie des investigations que nous avons faites, ni des questions que le président de la Commission des finances a posées au ministre de la culture. Peut-être pourrait-on l'y ajouter ?
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. - Sur le cinéma : il y a des films qui ne sont même pas projetés ! Un écran pendant une semaine, c'est peu pour justifier une subvention. Et 800 millions de réserve, c'est beaucoup ! Dans la période d'étiage que nous connaissons, il n'est pas nécessaire que le CNC dispose d'une telle cassette. Il est dommage qu'il ait échappé au plafonnement des taxes. Les mesures d'assainissement sont bienvenues.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - J'ai dit dans mon intervention que les subventions pour charge de service public sont désormais retraitées en dotations en fonds propres. C'est pourquoi cette ligne apparaît dans les crédits de la mission. Les subventions pour charge de service public diminuent à due concurrence.
M. Vincent Delahaye. - Et pour les cinq millions que j'évoquais ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - les dotations en fonds propres des opérateurs se répartissent entre les deux actions du programme, à hauteur de 12 millions d'euros pour le soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant et 5 millions d'euros pour le soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques.
M. Jean Arthuis. - Ces dotations en fonds propres sont une clarification : il s'agit bien d'une contribution à l'investissement, et non d'un crédit de fonctionnement. La sincérité y gagne.
M. Jean-Claude Frécon, président. - Nous aurons besoin de nous habituer à ce nouveau vocabulaire.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial. - Sur les dépenses fiscales, la ventilation est très difficile car tout est regroupé sur un seul programme. L'ensemble fait 2,1 milliards. Mais on ne sait quelle part est consacrée à la culture.
M. Jean-Claude Frécon, président. - Les rapporteurs émettent donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et de l'article 63 rattaché.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Culture » ainsi que de l'article 63 du projet de loi de finances pour 2013.
Loi de finances pour 2013 - Mission « Sport, jeunesse et vie associative » - Examen du rapport spécial
Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial, sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. - La mission « Sport, jeunesse et vie associative » est de taille modeste : moins de 500 millions d'euros en crédits et aucun emploi depuis le transfert, en 2011, de ses personnels vers la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Il s'agit cependant d'une véritable politique, bien identifiée et qui a retrouvé son unité sous l'actuel Gouvernement, sous la direction de Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative.
La nature de ses dépenses prédispose la mission à subir la régulation dans un contexte budgétaire difficile : en effet, elle comporte une forte part de crédits d'intervention, sur lesquels il est possible d'exercer un arbitrage.
Les efforts seront sensibles. Néanmoins les crédits de paiement de la mission augmentent de 1 % à périmètre constant en 2013, pour atteindre 0,46 milliard d'euros. Et le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une progression tant en 2014 qu'en 2015. Mais cette évolution recouvre des contrastes : après plusieurs années de baisse, les crédits du programme « Sport » se stabiliseront de 2013 à 2015, quand ceux du programme « Jeunesse et vie associative », sous l'effet de la progression du service civique, augmentent.
Le programme « Sport » regroupe 225,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 232,2 millions d'euros de crédits de paiement, soit 50,2 % de l'ensemble des crédits de paiement de la mission. A périmètre constant, les crédits de paiement accusent une nouvelle baisse marquée, de 9,1 %. Mais si l'on tient compte des dotations attribuées en loi de finances initiale pour 2012 à la suite d'initiatives parlementaires, la baisse se limite à 5 % par rapport à l'année en cours. Cela reste très significatif et prolonge la tendance engagée depuis deux ans.
A cela s'ajoute un total de fonds de concours de 19,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 20 millions d'euros en crédits de paiement. Il s'agit presque exclusivement du fonds de concours de 19,5 millions d'euros du Centre national pour le développement du sport (CNDS) en faveur de l'action « Promotion du sport pour le plus grand nombre ».
Sans vouloir polémiquer, je me dois de souligner qu'au-delà de la crise, la ministre doit aussi gérer les impasses budgétaires laissées par le précédent gouvernement. Ainsi pour les primes des médaillés olympiques, aucune provision n'avait été effectuée en 2012 - ce que j'avais dénoncé. En 2013, il faudra également trouver 6,1 millions d'euros pour les cotisations de retraite des sportifs de haut niveau, non financées par la précédente équipe. Et la situation est encore pire pour ce qui concerne le CNDS.
Pour parvenir à boucler le budget dans ces conditions, le Gouvernement propose, au sein du programme « Sport », des efforts conventionnels, comme la baisse de 5 % des subventions aux fédérations sportives, ou l'étalement des travaux de rénovation de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep). Mais il prend aussi la décision radicale de n'inscrire aucun crédit au titre de la pénalité à verser au consortium gérant le Stade de France pour absence de club résident, alors que 12 millions d'euros étaient inscrits en loi de finances initiale pour 2012 et que la dépense aurait pu atteindre en 2013 jusqu'à 17 millions d'euros.
En première analyse, ce choix m'a surpris. En effet, une telle absence semble poser un problème de sincérité budgétaire, la pénalité résultant d'une obligation contractuelle de l'Etat qui, bien que dénoncée par de nombreux rapports parlementaires, ne s'en impose pas moins à lui. Or, si la somme en question devait être décaissée, l'exécution de ce budget serait mise à mal. Néanmoins, je partage la conviction de la ministre : la situation présente ne peut plus durer, à la fois parce que le montant de la pénalité connaît une évolution dangereuse et parce que cette pénalité résulte d'un contrat fragile - certains éléments pouvant du reste être qualifiés d'abusifs. Le contrat a été signé par le gouvernement Balladur dans une situation tendue, entre les deux tours de l'élection présidentielle de 1995 et à trois ans d'une Coupe du monde de football que la France avait le devoir d'organiser.
La convention est fragile car le Conseil constitutionnel, par une décision du 11 février 2011, a considéré que la loi du 11 décembre 1996 qui l'avait validée était contraire à la Constitution. Cette censure n'a pas entraîné la nullité du contrat de concession liant l'Etat au consortium Stade de France depuis avril 1995. Mais elle a mis en lumière la fragilité juridique de certaines dispositions du contrat, fragilité qui avait justifié la validation législative de 1996.
Au titre de l'indemnité pour absence de club résident, l'Etat, depuis le début du contrat, a dépensé 115 millions d'euros ; or le consortium aurait été à l'équilibre - au moins - sans cette contribution. Une mission vient d'être confiée conjointement à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale de la jeunesse et des sports pour assister le Gouvernement dans l'examen de la gestion de la concession ainsi que des conséquences financières d'une éventuelle dénonciation du contrat par l'Etat - lesquelles ne seraient pas insurmontables.
Le Gouvernement a su associer aux négociations les fédérations de football et de rugby, qui assurent la rentabilité du stade et qui ont toutes deux des griefs à l'égard du consortium. Tout le monde pourrait s'entendre sur un accord raisonnable.
De fait, si les négociations aboutissent - ce qui semble dans l'intérêt commun et paraît souhaitable - l'Etat n'aurait rien à régler en 2013 au titre de la pénalité. En tout cas, il est clair que ne pas inscrire de crédits en 2013 a contribué à faire réagir tout le monde et dépasser les blocages.
Tout en étant conscient que l'Etat prend un risque dans cette affaire, j'ai fini par approuver l'absence de ligne de crédits proposée pour 2013 et je salue la volonté du Gouvernement de remettre en cause des dispositions contractuelles contestables et très pénalisantes pour les finances publiques.
Par ailleurs, comme l'ont fait ressortir nos travaux menés sur la base d'une enquête de la Cour des comptes, la situation est encore plus grave pour ce qui concerne le CNDS, financé par des crédits non budgétaires. Cet établissement public normalement dévolu au financement du sport amateur et des installations sportives sur le territoire, a été chargé par l'Etat, au fil des ans, de missions sans lien avec cette vocation et incomplètement financées, voire pas financées du tout.
Je pense à la promesse de l'Etat de participer, à hauteur de 160 millions d'euros, à la rénovation des stades de l'Euro de football, à comparer à une recette de 120 millions d'euros. Je pense à la promesse de financer à hauteur de 50 millions d'euros le programme « Arénas » sans la moindre recette correspondante. Et je pense au fonds de concours de 19,5 millions d'euros en faveur du programme « Sport », qui va finir, dans ce contexte, par étrangler la trésorerie du CNDS - et dont la régularité est remise en question par Cour des comptes.
Si rien n'est fait, l'établissement se dirige vers des difficultés financières d'importance. Dès 2012, le déficit s'élèvera à 32 millions d'euros, le fonds de roulement sera quasi nul, et la dette dépassera 480 millions d'euros. En 2013, le déficit sera de près de 40 millions d'euros, et le fonds de roulement sera négatif à hauteur du même montant. Enfin, à l'horizon 2016, le déficit atteindra 50 millions d'euros et le fonds de roulement sera négatif de 175 millions d'euros. Cette impasse, dont le Gouvernement a hérité, appelle des choix. D'une part, un plan d'économies qui ne manquera pas d'avoir des conséquences sur les territoires mais qui semble indispensable. Les dépenses devraient ainsi être réduites de 5 % dès 2013. D'autre part, à titre provisoire, une augmentation des ressources du CNDS - non prévue par le présent projet de loi de finances. Je l'avais souligné l'an dernier, il convient, quand l'Etat charge le CNDS de mettre en oeuvre ses propres engagements, de lui en donner les moyens. Ce n'a été le cas ni pour les travaux des stades de l'Euro 2016, ni pour les Arénas 2015. Ce débat relève néanmoins de la première partie de la loi de finances et ne peut donc être tranché aujourd'hui.
Le programme « Jeunesse et vie associative » regroupe 230,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, soit 49,8 % des crédits de paiement de la mission, en hausse de 7,4 %. Douze dépenses fiscales - essentiellement des niches destinées à encourager les dons - sont en outre rattachées au programme, pour un coût de 2 430 millions d'euros.
Malgré les apparences, de nombreux acteurs consentent des efforts. Ainsi, le Fonds d'expérimentation pour la jeunesse (FEJ), créé par Martin Hirsch, ne recevra pas de crédits. Il sera au contraire sollicité, au travers d'un fonds de concours de 15 millions d'euros, pour soutenir la montée en puissance du service civique. Les partenaires privés du fonds devraient, eux, maintenir leur concours. Le FEJ va désormais achever l'évaluation des quatorze appels à projets qui ont été lancés et, si les résultats le justifient, assurer la transition vers le droit commun. L'objectif sera de capitaliser les résultats probants des expérimentations en vue de leur essaimage dans les collectivités ou auprès des promoteurs volontaires.
Le soutien direct aux associations agréées baisse également, tout comme d'autres crédits, notamment pour l'information des jeunes. Le maintien du financement par l'Etat de postes Fonjep, à hauteur de 24,9 millions, montre toutefois la volonté du ministère de soutenir l'emploi associatif.
En réalité, la poursuite de la croissance du service civique absorbe l'intégralité de la hausse des crédits du programme, et même de la mission : les moyens qui lui sont dévolus passeront de 130 à 160 millions d'euros. Cette hausse, de 23 %, doit permettre de porter le nombre de volontaires de 25 000 à 30 000. Si l'on peut évidemment se féliciter du succès du service civique, né d'une initiative d'Yvon Collin, le dispositif devra toutefois évoluer, pour deux raisons. D'une part, l'objectif ambitieux fixé par le Président de la République d'ouvrir le service civique à 15 % d'une classe d'âge, soit environ cent mille jeunes, pèsera lourdement sur le budget ; d'autre part, la création des emplois d'avenir risque d'entrer en concurrence avec le service civique. Il faudra donc faire évoluer le modèle, proposer par exemple des missions plus courtes ou étalées dans le temps. Martin Hirsch, actuel président de l'Agence du service civique (ASC), n'y est pas fermé. En tout état de cause, il faudra à la fois maîtriser le coût du service civique, et bien distinguer les objectifs et missions du service civique et des emplois d'avenir.
À l'issue de cet examen, et sous réserve des initiatives que pourrait prendre l'Assemblée nationale, je vous recommande d'adopter sans modification les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
M. Francis Delattre. - Je voterai contre ce budget. Le désengagement de l'Etat dans le secteur sportif se répercutera implacablement sur les collectivités territoriales. On réduit les crédits des fédérations de 5 % ? Elles réclameront des financements aux conseils régionaux, aux conseils généraux et aux communes ! L'essentiel des équipements et des dotations est financé par des collectivités, mais tout succès sportif se termine par une visite à l'Elysée : jamais un mot de reconnaissance pour ceux qui font vivre le sport dans notre pays. Certaines fédérations disposent certes d'importants moyens, mais d'autres ont de vrais besoins - notamment dans des sports que l'on ne médiatise que tous les quatre ans, quand ils rapportent des médailles ! Ce sont les communes qui en assurent le fonctionnement au quotidien.
Un mot sur le financement des grands investissements. Après la Coupe du monde, la France accueillera bientôt la Coupe d'Europe. Michel Platini à la tête de l'UEFA, quel symbole ! Mais les stades sont loin d'être prêts : à Lyon, les travaux viennent à peine de commencer. Il faut veiller à ce que l'Etat apporte bien sa contribution, même si elle n'est que de 10 %. À l'heure actuelle, il y a partout un problème de financement.
Je félicite le rapporteur pour son analyse sur le Stade de France. La désignation des opérateurs s'est faite dans des conditions scandaleuses. Mais pourquoi n'être pas revenu sur la convention, pendant les cinq ans durant lesquels vous avez été au pouvoir ? Sans pénalité pour absence de club résident, les opérateurs actuels n'auront aucune peine à équilibrer leur budget, quitte à multiplier les évènements non sportifs - mais l'acceptera-t-on ? La fédération de rugby, qui alimente les caisses du Stade de France, veut son propre stade en région parisienne. L'Equipe de France, deuxième client du Stade, rechigne de plus en plus à y jouer car ses joueurs sont sifflés... Le PSG, seul club résident, préfère agrandir le Parc des Princes. Bref, il faut revoir le fonctionnement du stade mythique de 1998 et refuser le chantage du consortium !
Je partage votre analyse sur le CNDS. Quid du grand bassin olympique annoncé d'abord dans le XVIIème arrondissement de Paris, puis en Seine-Saint-Denis ? Le président de la région Île-de-France a même donné une conférence de presse pour l'annoncer, ce qui n'était pas sans m'étonner, étant donné l'état de nos finances...
François Hollande a annoncé cent mille jeunes en service civique. Cela ne se fera pas sans peine ; il faudra aménager le dispositif tout en en préservant le principe.
Autant de raisons de voter contre ce budget.
M. François Patriat. - M. Delattre vient de découvrir quelque chose que nous savons depuis bien longtemps. La baisse du budget du sport a toujours rejailli sur les collectivités territoriales. J'en dirige une depuis huit ans...
M. Francis Delattre. - Moi, depuis trente ans !
M. François Patriat. - Comme parlementaire, vous avez pourtant toujours voté le budget du sport ! On peut regretter que ce budget soit en baisse, mais celui des collectivités le sera également, si bien que les clubs devront faire preuve de responsabilité : pas les petits clubs amateurs, mais les grands équipements.
Le Grand Prix de France de Formule 1 a été organisé en Bourgogne pendant des années. L'Etat ne nous a jamais accompagnés. Il investit des millions dans les Mondiaux de l'hippisme, mais rien dans la Formule 1, alors que notre circuit est grenello-compatible, et que la course rapporte 30 millions d'euros de retombées !
Vous dites que la baisse des crédits du CNDS affectera le moins possible la part territoriale. Cela signifie-t-il moins de crédits pour les équipements territoriaux ?
Enfin, je m'inquiète du regroupement des Centres d'éducation populaire et de sport (Creps). Quel sera leur avenir ? Je ne manquerai pas d'interroger le ministre, sans doute par écrit.
M. François Trucy. - Le CNDS est en grande fragilité financière. Je le déplore.
Le coup de semonce adressé au Stade de France est opportun. Les désaccords pervers entre le consortium, les fédérations et les clubs susceptibles d'y jouer sont insupportables. La suppression des crédits au titre de la pénalité est une excellente mesure. Il faut forcer ces gens à s'entendre, on ne peut gaspiller un tel équipement ! Il est tout aussi déraisonnable que la fédération de rugby réclame son propre stade.
N'oublions pas que la quasi-totalité des ressources du CNDS proviennent du jeu, via la Française des jeux - qui a été taxée pour contribuer à l'aménagement des stades de l'Euro - et, depuis 2010, via les paris sportifs. Une partie importante de la vie sportive en France repose sur un monopole de l'Etat.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture. - Ce budget est un budget de transition, le Gouvernement ayant annoncé une loi cadre de modernisation du sport pour la fin 2013, qui aura sans nul doute des répercussions financières. Certains secteurs sont préservés : le sport pour tous, le sport santé, les aides individuelles aux sportifs de haut niveau. En revanche, l'Etat réduit son apport dans le cadre des conventions passées avec les fédérations sportives. A elles de prendre toutes leurs responsabilités face aux dérives observées en matière de paris ou de dopage. 2013 doit être l'année de la remise à plat des relations entre l'Etat et les fédérations.
La situation du CNDS est très préoccupante, et le moment est venu de prendre des décisions fortes. On a pris l'habitude de demander au CNDS de financer tout et n'importe quoi : son budget dépasse d'ailleurs celui du ministère pour le sport !
Je soutiens la position du Gouvernement vis-à-vis du Stade de France. Le contrat de 1995 a fait la part belle à l'exploitant. Tout le monde a intérêt à trouver un compromis rapidement, car en 2025, l'exploitation du stade revient à l'Etat. Celui-ci n'ayant guère vocation à gérer un équipement sportif, il faudra avoir apuré la situation et que le dossier soit présentable.
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. - Monsieur Delattre, les motifs que vous avez invoqués devraient vous conduire à voter ce budget ! Les collectivités locales ? La réduction de 5 % des subventions aux fédérations que vous avez évoquée ne s'appliquera qu'au soutien au sport de haut niveau, et les fédérations s'attendaient d'ailleurs à une baisse bien plus dramatique. Le Stade de France ? Vous devriez voter pour cette mesure courageuse. Et je ne puis m'empêcher de vous faire remarquer que vous avez été au pouvoir pendant dix ans sans que vous dénonciez la convention ! La France avait besoin de ce stade pour accueillir la Coupe du monde de 1998, d'où la convention. Mais il est évident que l'on ne peut continuer ainsi. Du reste, le consortium et les autres parties prenantes ont eu des réactions très prudentes face à la décision ministérielle.
Mon rapport de l'an dernier évoquait déjà la question d'un stade pour le rugby. L'Etat fait confiance à la négociation, et il a réuni autour de la table les fédérations de rugby et de football. Il est vrai que le PSG réalise des travaux d'urgence au Parc des Princes, mais vu ses ambitions, les recrutements annoncés et les résultats sportifs espérés, on peut penser qu'il y sera bientôt à l'étroit. Bref, il faut avancer sur le dossier du Stade de France.
Le CNDS a été totalement dépouillé. J'ai même volé au secours du ministre UMP l'an dernier en séance publique - en vain - pour demander que l'on puise un peu plus dans les recettes de la Française des jeux pour le financer. On ne donne pas au CNDS les moyens d'investir dans les territoires : cela pénalise les collectivités ! Il faudra trouver des crédits complémentaires pour financer les équipements. Et je ne parle pas des Arenas ni des autorisations de salles décidées à la veille des élections... La « part nationale », qui subventionne notamment le Comité olympique, sera réduite, les investissements dans les territoires aussi, aucun nouveau dossier d'investissement ne sera examiné d'ici la fin de l'année. La ministre avancera des mesures au prochain conseil d'administration du CNDS.
S'agissant du rugby, la fédération a toujours dit qu'elle souhaitait son propre stade.
M. François Patriat. - Qu'elle financera elle-même !
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. - L'Etat ne peut participer à un équipement autre que le Stade de France en Île-de-France. Il ne faudrait pas que trop de matchs de foot ou de rugby se jouent hors du Stade de France.
Sur le bassin de natation, je n'ai pas d'information particulière.
M. Jean-Pierre Caffet. - Le bassin, ça va et ça vient...
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial. - Je ne doute pas que les stades seront prêts pour la Coupe d'Europe, malgré le retard pris, souvent en raison des nombreux recours. Le CNDS a beaucoup servi à financer les stades, la situation est difficile.
M. Jean-Claude Frécon, président. - Je remercie notre rapporteur spécial, qui a travaillé dans des délais très courts. Les ministères sont tenus de répondre aux questionnaires des rapporteurs spéciaux avant le 10 octobre, or nous n'avons rien reçu, sur ce budget, avant le 15. Il faut laisser à la commission des finances le temps de travailler correctement.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
Loi de finances pour 2013 - Mission « Conseil et contrôle de l'Etat » - Examen du rapport spécial
Enfin la commission procède à l'examen du rapport de M. Charles Guené, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ».
M. Charles Guené, rapporteur spécial. - La mission « Conseil et contrôle de l'Etat » se compose de trois programmes indépendants : le Conseil d'Etat et les autres juridictions administratives, la Cour des comptes et les autres juridictions financières, le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Sur 625,9 millions d'euros, 59 % sont consacrés à la justice administrative, 35 % aux juridictions financières, 6 % au Cese. Ils sont en principe épargnés par la régulation budgétaire.
Le programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » comporte 369,2 millions d'euros de crédits de paiement, en hausse de 5,9 % par rapport à 2012, signe de l'importance accordée aux moyens de la justice administrative. Poursuivant la tendance engagée depuis plusieurs années déjà dans le but de réduire les délais de jugement, les effectifs des juridictions augmentent de 40 ETP en 2013. Afin de rétablir un niveau de performance très dégradé, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a vu ses moyens humains augmenter depuis 2010. Pour 2013, son plafond d'emplois progresse de 23 ETP et passe à 341. L'objectif est de réduire le délai moyen de jugement, qui s'élevait à un an, trois mois et neuf jours en 2009, à sept mois en 2013. Il devrait être de huit mois en 2012, sans dégradation de la qualité de l'instruction. Atteindre l'objectif fixé l'an prochain suppose que l'augmentation des demandes d'asile ne dépasse pas les prévisions et que les avocats soient suffisamment disponibles pour représenter leurs clients. Il faut aussi poursuivre dans la voie de la modernisation et de la professionnalisation.
Le Cese disposera en 2013 de 38,6 millions d'euros, un budget en hausse de 3,15 %. En réalité, cette augmentation est optique : la hausse de 5,57 % des dépenses de titre 2 résulte essentiellement de l'abondement exceptionnel d'1,5 million d'euros au profit de la subvention d'équilibre de la caisse de retraites, consentie par la direction du budget jusqu'en 2015. Hors dépenses de personnel, les crédits du programme diminuent de 8,47 %, grâce à la réduction de 18,6 % des crédits de fonctionnement. Je me félicite que, sous l'impulsion du Président Delevoye, le Cese se soit engagé dans une démarche volontariste d'économies, notamment s'agissant des frais de déplacement et de représentation.
La stratégie de valorisation du patrimoine immobilier du Conseil mérite également d'être saluée. Une augmentation de 47,6 % des dépenses d'investissement permettra la modernisation de l'hémicycle ainsi que les travaux de conservation, d'accessibilité et de mise aux normes du bâtiment. La location du Palais d'Iéna pour diverses manifestations devrait procurer 1,7 million d'euros de recettes, qui alimentent le programme d'investissement à hauteur d'1 million d'euros. Un cercle vertueux est ainsi en train de se mettre en place.
Une partie de ces recettes, 0,5 million d'euros, est affectée au financement de la caisse de retraites, dont l'équilibre, longtemps menacé, est désormais assuré jusqu'en 2017, notamment grâce à la salutaire réforme amorcée en 2011. Le Cese attend en outre le chiffrage de l'abandon de la liquidation automatique à 60 ans de la pension d'ancien membre du Conseil.
Enfin, il met en oeuvre à moyens constants ses nouvelles missions issues de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Jusqu'à présent, une seule saisine parlementaire a été enregistrée, à l'initiative de l'Assemblée nationale.
Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » est doté de 218 millions d'euros en crédits de paiement, en progression d'1,9 %. Hors dépenses de personnels - 86,8 % du programme - les crédits restent stables en volume, à 28,7 millions d'euros.
La réforme des juridictions financières est désormais une réalité. Le regroupement des chambres régionales des comptes, lancé en avril 2012, devrait être achevé au premier semestre 2013. Les juridictions financières comptent dorénavant vingt chambres régionales des comptes, sept de moins qu'avant la réforme. Difficile toutefois d'en chiffrer l'impact financier. Malgré un surcoût de 4,6 millions d'euros en 2013, principalement dû au dispositif d'accompagnement des départs, le regroupement devrait, à terme, être source d'économies. Je regrette de ne pas disposer d'éléments de chiffrage plus précis. Enfin, la mesure de la performance du programme a été repensée pour englober la totalité des missions des juridictions financières, ce dont je me félicite.
En conclusion, je propose à la commission d'adopter, sans modification, les crédits proposés pour la mission. Je remercie le Conseil d'Etat, le Cese et la Cour des comptes pour la qualité de leurs réponses au questionnaire budgétaire.
M. Jean-Claude Frécon, président. - Je connais bien cette mission, pour en avoir été longtemps rapporteur spécial. Je salue l'effort fait par le Conseil d'Etat et la CNDA pour réduire la durée d'instruction des affaires. La hausse des effectifs décidée il y a deux ans était destinée à éponger le stock, qui était tel que la durée moyenne augmentait continument. A présent, la durée diminue, je suis heureux de cette évolution positive.
M. Charles Guené, rapporteur spécial. - Elle est remarquable : en trois ans, on a gagné trois mois. L'objectif est de parvenir à six mois. En matière d'asile, un mois de gagné représente 15 millions d'euros. Le Conseil d'Etat comme le Gouvernement y gagnent. Le goulot d'étranglement se situe au niveau des avocats, qui ne sont pas assez nombreux pour traiter les dossiers. C'est une piste de réflexion intéressante.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ».
Mercredi 24 octobre 2012
- Présidence de M. Philippe Marini, président -Loi de finances pour 2013 - Mission « Régimes sociaux et de retraite » - Compte d'affectation spéciale « Pensions » - Examen du rapport spécial
La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Francis Delattre, rapporteur spécial, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».
M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - Les crédits pour 2013 de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » représentent des masses significatives du budget, compte tenu du volume des pensionnés de l'Etat - au nombre de 1,76 million pour les pensions civiles et de 0,55 million pour les pensions militaires au 31 décembre 2011.
La mission « Régimes sociaux et de retraite » retrace les subventions d'équilibre versées à certains régimes spéciaux : les caisses autonomes de retraite de la SNCF et de la RATP, le régime spécial de sécurité sociale des marins et plusieurs autres régimes en rapide déclin démographique (la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, les régimes de retraite de la SEITA).
Les crédits inscrits au sein de cette mission s'élèvent pour 2013 à 6,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), soit en apparence une diminution de 1,1 % par rapport à 2012.
Néanmoins, deux mesures de périmètre doivent être rappelées :
- d'une part, la suppression des contributions exceptionnelles au CAS « Pensions » ;
- d'autre part, la non reconduction des produits exceptionnels dont a bénéficié en 2012 le régime de retraite de la SEITA qui ont diminué d'autant, de façon exceptionnelle, la subvention d'équilibre nécessaire à ce régime.
En neutralisant ces deux éléments, les crédits de la mission augmentent en réalité de 1,1 % entre 2012 et 2013.
J'approuve l'absence, pour 2013, d'abondement du CAS « Pensions » via la mission « Régimes sociaux et de retraite » ; c'était l'une des recommandations de mon rapport d'information de juillet dernier. Je ne reviens pas en détails sur cette procédure que j'avais, comme la Cour des comptes, critiquée. De façon schématique, il s'agissait d'une commodité technique pour assurer l'équilibre du CAS.
Les crédits de la mission, après neutralisation de mesures de périmètre, augmentent de 1,1 %. Mais ce taux global masque des évolutions contrastées : si les subventions d'équilibre des régimes de retraite de la SNCF, de la RATP et de la SEITA augmentent, les dotations aux autres régimes diminuent.
S'agissant plus particulièrement du régime des marins, la subvention ne compensera que partiellement le déséquilibre entre les charges et les produits prévisionnels de l'établissement national des invalides de la marine (ENIM), ce qui conduira ce dernier à mobiliser son fonds de roulement à hauteur de 47 millions d'euros. Le montant des réserves de l'établissement devrait permettre de faire face à cette opération.
La construction du PLF pour 2013 a bien sûr été réalisée dans le cadre de la nouvelle programmation triennale 2013-2015. Le taux de progression des crédits de la mission sera de 3,2 % entre 2013 et 2014, et de 1,3 % entre 2014 et 2015, soit une évolution globale des crédits de la mission de 4,6 % sur l'ensemble de la période.
Je rappelle que les plafonds de crédits fixés à la mission dans le cadre des précédentes lois de programmation n'ont jamais été respectés en raison, en particulier, du caractère encore non stabilisé des comportements de départ à la retraite après les réformes intervenues en 2008 et 2010, qui peuvent influer sur le niveau des subventions d'équilibre nécessaires.
Comme les années passées, je me suis intéressé à l'impact de ces deux réformes sur l'évolution à venir des subventions d'équilibre versées par l'Etat aux principaux régimes spéciaux de la mission.
En effet, alors qu'ils n'avaient été concernés ni par les mesures décidées en 1993 pour le régime général, ni par celles de 2003 appliquées aux fonctionnaires, les régimes spéciaux ont connu deux importantes réformes récentes : la première en 2008 était spécifique aux régimes spéciaux ; la seconde, débattue à l'automne 2010, concernait l'ensemble des régimes de retraites du secteur privé et du secteur public.
Ces deux réformes n'auront qu'un effet très progressif et relativement limité sur le montant des subventions d'équilibre versées dans le cadre de la présente mission. Cette crainte, émise à plusieurs reprises par la commission des finances, a été récemment confirmée, s'agissant des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP.
Ainsi, selon les données de la Cour, les subventions d'équilibre versées par l'Etat demeureront à un niveau élevé en dépit des réformes : 3,5 milliards d'euros en 2020 (SNCF et RATP) et 2,8 milliards d'euros à l'horizon 2030.
Je souhaite qu'en séance publique, le Gouvernement nous indique si de nouvelles pistes de réforme sont actuellement étudiées pour assurer la pérennité de ces deux régimes spéciaux.
En effet, le contexte extrêmement contraint des finances publiques et l'aggravation des déséquilibres démographiques rendent quasi-inévitables de nouvelles mesures. La question des régimes spéciaux devra être attentivement examinée lors de la concertation sur les retraites qui sera lancée, par le Gouvernement, en 2013.
En ce qui concerne le compte d'affection spéciale « Pensions », je rappelle qu'il a été institué par l'article 21 de la LOLF qui a prévu la mise en place, au 1er janvier 2006, d'un compte distinct du budget général pour retracer les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite des agents de l'Etat et avantages accessoires. Il répond donc à un souci de lisibilité du budget, traduisant effectivement le consensus politique qui a présidé à l'adoption de la LOLF.
Le CAS « Pensions » est structuré en trois programmes, représentant :
- les pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité (programme 741) pour un montant de 51,8 milliards d'euros, répartis entre 41,64 milliards d'euros de pensions civiles, 10,02 milliards d'euros de pensions militaires et 144 millions d'euros d'allocations temporaires d'invalidité ;
- les pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat (programme 742) pour un montant de 1,85 milliard d'euros ;
- les pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions (programme 743) pour un montant de 2,39 milliards d'euros.
Au total, les crédits du CAS « Pensions » augmentent en 2012 de 2 milliards d'euros pour s'établir à 56,1 milliards d'euros, soit une hausse de 2,7 %. Ils représentent donc un facteur dynamique de progression des dépenses budgétaires.
Il convient de noter que, dans le présent projet de loi de finances, un excédent de 659 millions d'euros sur le CAS « Pensions » conduit à la reconstitution de son fonds de roulement, à hauteur de 1,25 milliard d'euros fin 2013. Ce fonds de roulement lui permet de faire face aux besoins de gestion en trésorerie. Ce réabondement répond à une recommandation que j'avais formulée suite à ma mission de contrôle budgétaire sur le compte d'affectation spéciale.
Par ailleurs, pour ne pas fragiliser la trésorerie du CAS « Pensions », il est souhaitable de publier dans les meilleurs délais le décret prévoyant des majorations de retard en cas de non-versement dans les délais des contributions des ministères employeurs au CAS.
Afin d'assurer l'équilibre du programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » et de permettre la reconstitution du fonds de roulement du CAS « Pensions », le projet de loi de finances pour 2013 prévoit des augmentations des taux de contribution employeur de l'Etat de 68,59 % à 74,28 % (soit + 8,3 %) pour les pensions de retraite des civils, et de 121,55 % à 126,07 % (soit + 3,7 %) pour les pensions militaires. Cette hausse intègre notamment le besoin de financement pour reconstituer le fonds de roulement du CAS « Pensions ». Il s'agissait, là encore, de la mise en oeuvre d'une de mes propositions dans le cadre de ma mission de contrôle budgétaire sur le CAS.
La hausse des cotisations tire aussi les conséquences du décret du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse. Ce décret prévoit l'augmentation des taux de cotisations salariale et patronale afin de financer l'élargissement du dispositif « carrières longues », à raison d'une augmentation de 0,25 point, répartie entre une hausse de 0,10 point dès le 1er novembre 2012, puis une augmentation de 0,05 point par an en 2014, 2015 et 2016.
S'agissant du taux de cotisation salariale, son évolution est conforme à l'article 42 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites et au décret du 30 décembre 2010, qui a prévu un relèvement de ce taux de 0,27 point chaque année pour atteindre en 2020 celui en vigueur pour les régimes de droit commun (10,55 %). Compte tenu de la hausse de 0,10 point prévue pour financer les carrières longues, que je viens d'évoquer, le taux de cotisation salariale est porté de 8,39 % à 8,49 % dès le 1er novembre 2012 et à 8,76 % à compter du 1er janvier 2013.
Je souhaite mentionner la revalorisation de la retraite du combattant. La valeur du point d'indice des pensions militaires d'invalidité (PMI) a été revalorisée à 13,87 euros à compter du 1er juillet 2011, par arrêté du 26 juillet 2012. Il en résulte une augmentation des sommes inscrites dans le présent projet de loi de finances de 36,5 millions d'euros, soit une hausse de près de 5 %, dont je me félicite : il s'agit de la reconnaissance par la nation du rôle joué par nos anciens combattants.
Enfin, je souhaiterais dire un mot des frais de gestion des traitements attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire. Au total, ces traitements sont inférieurs à 800 000 euros par an, alors que les frais de gestion sont supérieurs à 1 million d'euros chaque année ! Je recommande donc d'affecter la totalité des traitements aux sociétés d'entraide de la Légion d'honneur et de la médaille militaire en l'absence de réponse de l'intéressé, au terme d'un certain délai. Ces dispositions sont d'ordre réglementaire. Le Gouvernement n'a pas paru fermé à une telle réforme, et je souhaite l'interroger sur ce point en séance publique.
En conclusion, comme le paiement des droits à pension constitue pour l'Etat une obligation, je vous propose, au bénéfice de mes observations, de préconiser l'adoption les crédits du compte d'affectation spéciale « Pensions » et de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
M. Philippe Marini, président. - Permettez-moi de vous poser quelques questions. Je serai peut-être un peu provocateur, mais pourquoi le Gouvernement actuel ne supprime-t-il pas l'archaïsme que constitue le versement des traitements attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire ?
La note de présentation évoque la nécessité de mieux mesurer le coût complet de la fonction « pensions ». Ce sujet étant réévoqué régulièrement depuis de nombreuses années, pourquoi cet objectif n'a-t-il toujours pas été atteint ?
Notre rapporteur spécial a évoqué la nécessité, pour ne pas fragiliser la trésorerie du CAS « Pensions », de publier dès que possible le décret prévoyant des majorations de retard en cas de non versement dans les délais des contributions des ministères employeurs au CAS. Serait-il possible d'expliciter les difficultés concrètes que posent de tels retards ?
S'agissant des régimes spéciaux de retraite, vous relevez, à juste titre, que la Cour des comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2012, a confirmé les craintes émises de longue date par notre commission selon lesquelles les réformes de 2008 et de 2010 sur les régimes spéciaux n'auront qu'un effet très progressif et relativement limité sur le montant des subventions d'équilibre versées dans le cadre de la présente mission. Vous souhaitez interroger le Gouvernement sur ce point. Pouvez-vous nous en dire plus ?
M. Vincent Delahaye. - Permettez-moi de souligner qu'il faut poursuivre les réformes de structure concernant les régimes de retraite en général. S'agissant des régimes spéciaux, la subvention d'équilibre versée à la RATP augmente de 1,1 % en un an, et celle dont bénéficie la SEITA progresse de 18 % en deux ans. J'ai bien noté que des produits exceptionnels expliquent la hausse de la subvention à la SEITA en 2012, mais va-t-on continuer sur la même pente ?
Je suis d'accord avec la proposition de notre président de supprimer les traitements attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire.
Enfin, peut-on détailler le coût du financement temporaire de la Caisse des retraites des fonctionnaires de Mayotte par la mission « Régimes sociaux et de retraite » ?
M. Jean-Paul Emorine. - Pouvez-vous nous donner les chiffres des subventions d'équilibre versés aux régimes de retraite de la RATP et de la SNCF, sachant que ces entreprises publiques sont en concurrence avec des entreprises privées dans le monde entier.
M. Christian Bourquin. - Monsieur le Président, pourquoi le Gouvernement actuel serait-il mieux placé pour supprimer les traitements attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire que le précédent ? Toute évolution ne peut se faire que si un consensus politique se dégage sur cette question. Il y a en réalité deux possibilités : les supprimer, comme vous le proposez, mais pourquoi ne pas aussi les augmenter ?
M. Philippe Marini, président. - Mon propos était un peu provocateur. Je pense que nous sommes nombreux à penser qu'il faut supprimer cet archaïsme. Mais qui va déposer l'amendement ? 1,8 million d'euros, c'est peu au regard des enjeux financiers du CAS « Pensions », mais c'est quand même une somme.
M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - Les traitements attachés à la Légion d'honneur et à la médaille militaire concernent 160 000 personnes. Les sommes versées sont faibles, de l'ordre de 5 à 30 euros par bénéficiaire, mais présentent un enjeu symbolique important. C'est pourquoi la recherche des bénéficiaires induit des coûts de gestion élevés et que je propose, en l'absence de réponse de l'intéressé, d'affecter les sommes aux sociétés d'entraide.
M. Philippe Marini, président. - Votre proposition est politiquement correcte...
M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - La gestion des traitements de la Légion d'honneur et de la médaille militaire est d'ordre règlementaire, et relève de la compétence du Gouvernement. Revenir sur l'existence des traitements est un débat politique. Votre rapporteur spécial n'en prendra pas la responsabilité.
S'agissant du décret concernant la majoration des versements en cas de retard, il convient de souligner qu'un certain nombre de ministères ne s'acquittent pas de leurs obligations en temps et en heure. Des retards, même de quelques jours, fragilisent fortement la trésorerie du CAS « Pensions ». Quand un employeur ne paie pas ses charges sociales, il doit s'acquitter d'une pénalité. Le mécanisme proposé pour les ministères employeurs est identique ; le décret est prêt, et il aura un caractère incitatif sur la gestion du CAS « Pensions » qui est à flux tendus.
Les réformes des régimes spéciaux n'auront qu'un impact très progressif et relativement faible sur les subventions d'équilibre versées par l'Etat. Les « mesures d'accompagnement » de ces réformes ont été très importantes. Il faudra bien que le Gouvernement prenne ses responsabilités. Compte tenu de la situation des finances publiques et de l'aggravation des ratios démographiques, de nouvelles mesures sont quasi-inévitables.
La SEITA est un régime qui n'a pratiquement plus de cotisants, et son déficit est structurel.
M. Vincent Delahaye. - La hausse de la subvention d'équilibre versée par l'Etat va donc continuer d'augmenter ?
M. Francis Delattre, rapporteur spécial. - Nous manquons de projections à long terme. Mécaniquement, moins il y a de cotisants, moins le régime bénéficie de cotisations, et plus la subvention d'équilibre de l'Etat augmentera.
S'agissant de la contribution exceptionnelle à la Caisse de retraite des fonctionnaires de Mayotte, elle s'est élevée à 13 millions d'euros en 2011.
La part de la subvention de l'Etat dans le budget des principales caisses de retraite relevant de la mission « Régimes sociaux et de retraite » s'élève à 63,3 % pour la SNCF, 56,9 % pour la RATP, 74,2 % pour le régime de retraite des marins, 77,2 % pour le fonds de retraite des mines et 98,2 % pour la SEITA. La subvention de l'Etat atteint 3,4 milliards d'euros pour la Caisse autonome de la SNCF, et 615 millions d'euros pour la Caisse autonome de la RATP. En 2020, la subvention d'équilibre à ces deux régimes - la SNCF et la RATP - devra atteindre 3,5 milliards d'euros, dont 660 millions d'euros pour la RATP.
Enfin, le président Philippe Marini a répondu à la question de notre collègue Christian Bourquin.
Pour finir, je souhaite rappeler que le besoin de financement des régimes de retraite de la fonction publique d'Etat, actualisé à cent ans, s'élève à 505 milliards d'euros.
M. Philippe Marini, président. - Pour ma part, j'interrogerai le Gouvernement sur le maintien des traitements de la Légion d'honneur et de la médaille militaire.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».
Loi de finances pour 2013 - Mission « Economie » - Compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » - Examen du rapport spécial
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Christian Bourquin et André Ferrand, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Economie » et le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. - Je commencerai cette intervention par un constat de base auquel nous devons tous faire face : la situation des finances publiques et les engagements du Gouvernement en faveur de la réduction du déficit des comptes publics laissent peu de marges de manoeuvre. Sur ce point, je souhaite par avance écarter les éventuelles critiques de l'opposition sur la supposée absence d'économie faites sur les dépenses. Notre Gouvernement a annoncé des réductions de moyens, que nous assumons, et les crédits de la mission « Economie » n'y échappent pas. Je vous livre quelques chiffres que vous retrouverez plus en détail dans le rapport. Par rapport aux crédits ouverts pour 2012, la dotation de la mission « Economie » pour 2013, environ 1,8 milliard d'euros, enregistre, à périmètre constant, une diminution de 2,1 %. Les dépenses de personnels sont stabilisées avec une réduction du plafond d'emplois de 148 ETPT ramenant le nombre d'emplois à 12 999 pour 2013. Par ailleurs, les réductions les plus notables de crédits d'intervention sont les suivantes :
- le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) enregistre une réduction de près de 10 millions d'euros (32,3 millions d'euros au lieu de 42 millions en 2012 et 64 millions l'année précédente) ;
- l'aide au départ des commerçants et artisans baisse de plus de 6 millions d'euros (11,9 millions d'euros au lieu de 18 millions) ;
- la dotation des politiques industrielles de soutien à la compétitivité des PME est amputée de 8 millions d'euros (54,7 millions d'euros au lieu de 63 millions en 2012) ;
- la subvention aux centres techniques industriels (CTI) est réduite de 2,5 millions d'euros (23,4 millions d'euros au lieu de 26 millions).
De leur côté, les dix opérateurs de la mission participent également à l'effort global de réduction des dépenses avec une baisse de 2 % de leurs effectifs (3 370 ETPT) et de 3,4 % du montant global des subventions pour charges de service public qui leurs sont attribuées (184 millions d'euros).
En revanche, certaines missions essentielles sont consolidées car il s'agit de « joyaux » de notre politique économique. Ainsi, les moyens des opérateurs en charge de la promotion de l'export (l'agence française pour le développement international des entreprises - Ubifrance), de l'attractivité du territoire (l'agence française pour les investissements internationaux - AFII) et du tourisme (l'agence de développement touristique de la France - Atout France) sont préservés. Il s'agit d'un axe stratégique de la politique de redressement productif et de croissance durable pour notre pays. Je sais que mon collègue André Ferrand est sensible à ce sujet qui dépasse les clivages politiques et sur lequel nous pouvons nous retrouver.
Mais ce ne sont pas 1,8 milliard d'euros qui sont de nature à impulser à eux seuls l'économie nationale. Au-delà de ce budget, je veux maintenant vous livrer quelques réflexions sur les actions et les réformes qui doivent, à mon sens, être menées d'urgence. Je propose d'en initier la trame afin de les intégrer dans le débat parlementaire à venir.
Tout d'abord, un mot sur le projet de création de la banque publique d'investissement, adopté le 17 octobre dernier par le Gouvernement en Conseil des ministres, pour garantir le financement des entreprises industrielles, des entreprises innovantes et des PME exportatrices. L'économie du tourisme doit aussi y trouver sa place car il s'agit d'un secteur non délocalisable. Il doit être salué dans son principe mais il conviendra de suivre avec attention l'application de deux de ses axes majeurs :
- une capacité de financement de 42 milliards d'euros, sans commune mesure avec celle des crédits de la mission « Economie » ;
- et une gouvernance qui devrait associer les Régions tant dans les orientations qui seront prises que dans la gestion concrète du dispositif puisque les entreprises qui voudront s'adresser à cette banque se tourneront vers un guichet unique régional. Il faut que ce soit bien une banque décentralisée et pas déconcentrée. Avec mon collègue François Patriat, également président de région, nous serons vigilants sur ce point lorsque le projet de loi viendra devant le Parlement.
Ensuite, il faut ouvrir d'urgence de nombreux dossiers, qu'il s'agisse de la crise du financement du FISAC, de la relance d'une politique de tourisme social ou de l'accompagnement à l'export de nos PME, et procéder à des réformes à tous niveaux local, national et international.
Le financement du FISAC est en crise et doit être réformé de toute urgence. J'ai été informé qu'une mission d'inspection avait été commandée par le Gouvernement afin de dresser un bilan de la gestion passée et proposer des solutions pour l'apurement des demandes en cours non financées. Le stock de 1 600 dossiers et le flux en cours représentent plus de 2 000 projets en souffrance. Pour apurer le stock, il faudra plus de 50 à 60 millions d'euros. Le travail de cette mission nourrira notre réflexion parlementaire, mais je veux ajouter, sur la base de mon expérience dans le Languedoc-Roussillon et en y associant mon collègue François Patriat, que la question devra se poser au niveau régional. En effet, territorialiser la gestion de ce dispositif permettrait, me semble-t-il, de mieux gérer les critères d'attribution et, surtout, d'en assumer les choix politiques plus aisément qu'au niveau national.
De même, une réflexion doit être menée en vue de simplifier et sécuriser le mode de financement des centres techniques industriels qui fait appel à un « mixte » complexe et illisible entre taxes affectées plafonnées et dotations budgétaires.
Sur un autre plan, il me semble qu'à la lumière des travaux de la Cour des comptes sur la gestion de l'agence nationale des chèques vacances, il serait temps de repenser la politique du tourisme social, sachant que 46 % des Français ne partent pas en vacances. Sans moyens supplémentaires, il faudrait réfléchir à mieux coordonner les actions de l'Etat et des collectivités dans ce domaine. Toujours en matière de tourisme, je partage également le constat selon lequel la collecte et la répartition du produit de la taxe de séjour pourraient être modernisées afin de mieux correspondre aux besoins des collectivités et participer à la promotion de la France à l'étranger. Ce doit être une priorité car l'industrie du tourisme est un gisement d'emplois non délocalisables.
Enfin, nous pourrions nous pencher sur une possible manne fiscale supplémentaire en ce qui concerne les habitations légères et de loisir. Il m'est apparu que celles-ci ne supportent pas de taxe sur le foncier bâti. Cela demanderait à être expertisé et chiffré car ce serait non seulement une distorsion de concurrence, mais aussi une injustice par rapport aux infrastructures de tourisme construites « en dur », et également une perte de recettes pour les collectivités.
Pour en venir au vote du budget, je propose à la commission d'adopter en l'état les crédits de la mission « Economie » car je pense que, dans le contexte très resserré que nous vivons sur le plan budgétaire, ses missions essentielles sont consolidées tout en considérant que ce budget doit s'inscrire dans une perspective de réformes.
S'agissant du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes financiers », dont les crédits interviennent notamment en soutien de l'installation des agents en poste à l'étranger, je propose à la commission d'en adopter les crédits, sans modification.
M. André Ferrand, rapporteur spécial. - Je ne reviendrai pas sur les éléments chiffrés de ce budget que mon collègue a déjà décrits précisément. Je comprends la position délicate de la majorité qui fait face à un budget pour 2013 très semblable à celui qui avait été présenté par l'ancienne majorité pour 2012, et qui se traduit par une poursuite des réductions de dépenses d'intervention. Aussi, me permettrez-vous simplement de m'étonner du fait que l'année dernière, vous aviez rejeté ces crédits alors que vous vous apprêtez à adopter un budget similaire pour cette année. Cela dit, cette remarque est faite sans malice et nous comprenons parfaitement que vous mettiez en oeuvre une certaine rigueur budgétaire, j'insiste sur ces derniers mots.
J'ai bien noté pour ma part le maintien des moyens affectés aux opérateurs Ubifrance, AFII et Atout France qui sont essentiels. Aussi, pour ne pas faire durer le suspens, je ne vous proposerai pas d'adopter ce budget. Mais je ne vous proposerai pas non plus de le rejeter car, au final, celui-ci se borne à affecter les moyens nécessaires à l'action de notre administration et des opérateurs de l'Etat. Pour ma part, je m'abstiendrai donc.
La recherche de compétitivité de nos entreprises, de performance à l'export et d'emplois nouveaux ne relève pas de cette mission et il faut aller chercher ailleurs des relais de croissance. Je parlerai brièvement de deux défis à relever pour notre balance commerciale.
Tout d'abord, la promotion de la destination « France » à l'international est un sujet sur lequel j'ai travaillé l'an dernier. Nous avons un potentiel exceptionnel à développer et un opérateur, Atout-France, qui a besoin d'un financement pour assurer le développement de l'image de la France à l'étranger. L'année dernière le Sénat avait adopté un amendement de notre collègue Gérard Collomb qui opérait un relèvement du plafond de la taxe de séjour justifié par le fait que le nouveau classement hôtelier comporte les nouvelles catégories 5 étoiles et palace. Avec mes collègues Jean Besson et Michel Bécot nous avions, par un sous-amendement, créé une part additionnelle destinée à financer la promotion de notre marque « Rendez-vous en France » qui a besoin d'être développée à l'international. L'Assemblée nationale avait supprimé l'ensemble de ce dispositif qui, à mon sens, doit être présenté à nouveau au vote du Sénat.
Ensuite, comme vous le savez, j'ai présenté la semaine dernière une communication d'étape concernant le dispositif d'appui aux exportations et formulé des propositions pour la mise en place d'une stratégie commune et cohérente de tous les acteurs à l'étranger. Je fais le même constat que vous, « la maison brûle » et nous avons des réserves de croissance très importantes, notamment dans le domaine agro-alimentaire, que nous devons pleinement exploiter. Il faut apporter à nos entreprises, soit au travers des filières, soit au travers des régions, toute l'information et tout le soutien nécessaire.
Je travaille sur ces sujets avec Christian Bourquin, ainsi qu'avec les rapporteurs spéciaux de la mission « Agriculture », Yannick Botrel et Joël Bourdin, en vue de la présentation d'un rapport commun au début de l'année prochaine.
Au bénéfice de ces observations, je m'abstiendrai donc sur le vote des crédits de la mission « Economie ». En revanche, s'agissant du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes financiers », comme mon collègue, je propose à la commission d'en adopter les crédits.
M. Philippe Marini, président. - Sur la question du FISAC, qui nous préoccupe tous, je vous informe que j'ai reçu les deux contrôleurs d'Etat qui sont chargés d'une mission d'inspection et ils m'ont appris qu'il n'existait pas de consolidation de l'utilisation des fonds par catégorie d'opération. Il serait bien que nous ayons un tel bilan car cela nous apporterait des enseignements sur les critères d'attribution des aides à retenir. Ensuite, ils m'ont confirmé l'existence d'une « bosse » d'engagement d'environ 80 millions d'euros, ce chiffre n'étant qu'un ordre de grandeur. Ce sujet est d'autant plus complexe que tous ces engagements ne sont pas nécessairement juridiques. Certains relèvent d'engagements moraux qui n'ont pas recueilli la signature du ministre mais qui, malgré tout, demeurent dans la file d'attente. Il faut clarifier les conditions d'intervention du FISAC et on ne peut que souscrire à votre appel à une réforme urgente.
Dans un autre domaine, je relève que la réduction des crédits relatifs aux politiques industrielles sont toujours aussi peu justifiées et décrites dans les documents budgétaires. Il conviendrait d'obtenir des précisions complémentaires sur les dispositifs impactés.
Enfin, j'ai bien noté vos propositions concernant la taxe de séjour, mais j'ai une inquiétude sur le fait que l'instauration d'une part additionnelle en faveur de la promotion de la France soit un étage supplémentaire ou une ponction sur les maigres ressources actuelles des communes.
M. François Patriat. - Je remercie nos rapporteurs d'avoir fait des propositions et d'avoir rappelé que des économies sont faites par le Gouvernement. Il y a 10 milliards d'économie sur les dépenses dans le budget 2013 que nous assumons totalement.
Vous avez cité les deux sujets essentiels que sont la création de la banque publique d'investissement et le FISAC. Dans les deux cas, nous avons à traiter de dispositifs qui doivent s'intégrer dans l'acte trois de la décentralisation. Je prendrai également mes responsabilités, en tant que président de région, lorsque nous aurons à voter le projet de loi qui nous sera soumis.
Sur le FISAC, je rappelle qu'il s'agit d'abord d'un problème de financement. La proposition de notre collègue Christian Bourquin est intéressante et je suis favorable à la décentralisation du fonctionnement de ce fonds mais en ayant conscience qu'il faudrait l'alimenter substantiellement pour qu'il redevienne, conformément à sa vocation première, l'outil de développement du commerce local.
M. Joël Bourdin. - Pour ma part, je me réjouis que les crédits alloués à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) soient confortés car la régulation du marché, la protection et la sécurité des consommateurs sont des priorités.
M. Jean-Paul Emorine. - Je regrette beaucoup la diminution des crédits du FISAC. C'est un constat de carence du dispositif qui n'est pas satisfaisant même si je note que les propositions des présidents de régions peuvent être de nature à en réformer le fonctionnement.
Enfin, j'estime que la banque publique d'investissement n'est qu'un assemblage de moyens existants et qu'elle ne devra pas servir, pour des motifs politiques, à financer les « canards boiteux » ainsi que l'a formulé son nouveau président.
Mme Marie-France Beaufils. - Sur le FISAC, il faut signaler le bilan d'une gestion passée qui est un échec. Ce fonds devait être financé par la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) afin que la grande distribution soit mise à contribution pour rééquilibrer le commerce de proximité. Or, cela n'a pas été le cas. Maintenant la TASCOM revient aux collectivités locales et, par nature, la dotation budgétaire diminue année après année alors qu'il y a de vrais besoins dans les territoires. Aussi, j'ai bien entendu la proposition de réformer le FISAC mais avant de transférer aux régions la pénurie, il faut redonner du sens à ce dispositif.
Enfin, je voudrais que le montant de la dotation de l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) soit précisé car jusqu'à présent celle-ci n'était pas clairement identifiée au sein des crédits alloués au FISAC.
M. Philippe Marini, président. - La TASCOM est affectée aux collectivités sans qu'il y ait de ventilation en faveur de tel ou tel dispositif.
M. Richard Yung. - Parmi nos trois opérateurs représentant la France à l'étranger, je remarque que l'action de promotion faite par Atout France en direction des publics étrangers est trop discrète. Par ailleurs, si nous restons un grand pays d'investissements internationaux on voit mal l'effet des actions de l'AFII et la corrélation entre ses activités et les résultats en termes d'investissement et d'emploi.
Enfin, l'opération de dévolution des activités commerciales d'accompagnement des entreprises à Ubifrance est terminée. Maintenant, il faut mettre l'accent sur des actions d'accompagnement durable de nos entreprises car chacun sait qu'on ne s'installe pas sur un nouveau marché par une présence ponctuelle dans des salons internationaux, mais en établissant des plans d'export sur une durée minimale de deux à trois ans.
M. Dominique de Legge. - J'ai remarqué un déséquilibre dans l'effort d'économie entre la forte baisse des dépenses d'investissement et la stabilité des autres postes de dépenses.
M. André Ferrand, rapporteur spécial. - Concernant la taxe de séjour, je rappelle que sa perception résulte de la liberté de vote des communes. Ma proposition est de conforter leurs recettes en augmentant le plafond de la taxe et prévoir une fraction additionnelle qui n'amputerait pas la part qui leur revient de droit. S'agissant d'Atout France, je veux saluer l'excellent travail que cet opérateur accomplit. Mais si la France est la première destination touristique, elle n'est qu'au troisième rang des recettes mondiales derrière les Etats-Unis et l'Espagne. C'est pourquoi notre promotion à l'international doit être renforcée et donc bénéficier d'un financement innovant. Il faudrait d'ailleurs que tous nos opérateurs à l'étranger travaillent ensemble. A Düsseldorf, j'ai observé que l'AFII occupait les mêmes locaux qu'Ubifrance ; même si les équipes sont différentes, au moins les frais fixes sont partagés et une meilleure communication est instaurée.
Mais au final, le vrai problème de l'attractivité de la France, j'ai le regret de le constater à l'étranger, est que notre système fiscal n'inspire par confiance aux investisseurs étrangers.
M. Philippe Marini, président. - Avec une politique fiscale plus attrayante, je serais tenté de dire que notre pays serait naturellement plus attractif sans avoir à financer de multiples opérateurs !
M. Aymeri de Montesquiou. - Les chiffres de l'AFFI ne donnent pas forcément une vision exacte de la réalité des investissements. Il faudrait par exemple ventiler les investissements entre ce qui relève des achats immobiliers et ce qui va réellement vers les investissements en entreprises.
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. - Je constate que nous sommes tous conscients de la nécessité de réformer le FISAC. Les grands dossiers de décentralisation économique devront aborder cette question. Si nous étions capables de définir des orientations générales au niveau national et, pour les régions, de décliner des priorités locales, nous serions certainement davantage en mesure d'attribuer plus finement et efficacement ces aides. Ainsi, en répartissant la dotation actuelle du FISAC entre chaque collectivité cela aboutirait à un montant approximatif d'un million d'euros par région. Or, pour ce qui concerne le Languedoc-Rousillon, cela me permettrait de définir des axes prioritaires en faveur, par exemple, de l'extrême ruralité. Comme tout président de région, je suis prêt à assumer un tel choix alors qu'au niveau national, on pilote à l'aveugle. Enfin, le problème actuel est que nous héritons d'un socle de promesses morales qui, comme nous le savons tous, ont eu tendance à augmenter à chaque période pré-électorale. Je dis cela sans aucun esprit polémique.
En ce qui concerne la BPI, je voudrais dire à Jean-Paul Emorine que la gestion de proximité a démontré une plus grande efficience dans la sélection des projets. Ce n'est pas sur l'activité locale des grandes banques privées qu'il y a eu des dérives, mais sur les marchés internationaux. Cette approche régionale vaut également dans l'appui à l'export des entreprises et des filières, même si le chef de file à l'étranger doit clairement demeurer l'Etat.
A la question de Dominique de Legge, je pense pouvoir répondre qu'il y a bien une réduction du plafond d'emplois de la mission, mais que celle-ci ne se traduit pas automatiquement dans une réduction des dépenses de personnels du fait de l'évolution naturelle des salaires corrélée à l'ancienneté et à la technicité.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Economie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Programmation et gouvernance des finances publiques - Examen du rapport et du texte de la commission
Enfin, la commission procède à l'examen du rapport de M. François Marc, rapporteur, et à l'élaboration du texte proposé pour le projet de loi organique n° 43 (2012-2013) relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
M. François Marc, rapporteur. - Ce projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques constituera la troisième loi organique relative aux finances publiques, après les lois organiques relatives aux lois de finances (LOLF), du 1er août 2001, et aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) du 2 août 2005. Son champ concernera cette fois les finances publiques prises dans leur ensemble, et non le cadre financier annuel d'une seule catégorie d'administrations publiques.
Elle répond à l'exigence juridique de transposer l'article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) tout en anticipant les futurs règlements communautaires. Les règles budgétaires sont en évolution permanente depuis deux ans : réforme du pacte de stabilité, adoption du TSCG, discussion des deux règlements qui constituent le two-pack. Le TSCG comprend 16 articles, dont 6 consacrés au pacte budgétaire ; seul l'article 3, qui contient la règle de solde, doit être transposé en droit interne.
Selon celle-ci, les États se fixent un objectif de solde de moyen terme (OMT) qui ne peut être supérieur à 0,5 point de PIB. Il est exprimé en termes de déficit structurel et non de déficit effectif, contrairement à la règle des 3 % du pacte de stabilité. Pour l'atteindre, les États définissent une trajectoire de solde structurel. En cas de dérapage, un mécanisme de correction automatique est prévu, qui doit être, selon le traité, à la fois automatique et respectueux des prérogatives des parlements nationaux, ce qui est une gageure. Le respect des règles est confié à des institutions indépendantes. Dans le projet de loi de programmation pour les années 2012 à 2017, la France retient comme OMT l'équilibre structurel, qu'il est prévu d'atteindre en 2016.
Les interprétations juridiques du TSCG sont très différentes de l'interprétation originelle. La Commission européenne comme le Conseil constitutionnel ont considéré que les dispositions n'ont pas besoin d'être juridiquement contraignantes, rejoignant l'analyse développée par Nicole Bricq dès février 2012.
Le projet de loi organique se limite à poser le principe des différents volets de la règle (OMT, mécanisme de correction) et renvoie aux lois de programmation des finances publiques (LPFP) la définition du contenu. Si celles-ci ne sont pas juridiquement contraignantes, elles peuvent cependant être considérées comme permanentes, étant encadrées au niveau organique et devant, en pratique, être votées tous les deux ans pour actualiser et prolonger le budget triennal de l'Etat.
Nous devons aussi penser aux implications des règlements européens en cours de discussion. L'institution indépendante mentionnée dans le TSCG pour vérifier le respect des règles budgétaires rejoint le conseil budgétaire prévu par le two-pack. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) sera notre conseil budgétaire.
Selon le two-pack, les prévisions économiques doivent être « réalisées » ou « avalisées » par un conseil budgétaire indépendant. C'est le sens de la procédure d'avis du Haut Conseil. Le texte du règlement, tel que proposé par le Parlement européen, mentionne des prévisions non seulement indépendantes, mais aussi « crédibles ». Cette précision est utile : on a vu, au Royaume-Uni par exemple, que des prévisions indépendantes n'étaient pas toujours crédibles. Des amendements seront proposés en ce sens.
Ce texte répond également à une exigence économique : se doter d'une règle crédible pour éviter une augmentation des taux d'intérêt. L'objectif de la politique de réduction du déficit est l'allègement du poids de la dette publique, dont le niveau est proche de 90 % du PIB, afin de le rendre soutenable. A cet égard, on peut imaginer plusieurs scénarios pour la France, tout en restant dans le cadre du TSCG : si elle utilise, dans une démarche vertueuse, toutes les marges de manoeuvres offertes par le traité (déficit de 0,5 point de PIB tant que la dette est supérieure à 60 points de PIB, puis 1 % après), la dette se stabilisera dans quelques décennies autour de 30 points de PIB. Si elle utilise non seulement les marges offertes par le traité, mais aussi les possibilités de dérapage de 0,5 point de PIB « tolérées », la dette se stabilisera dans quelques décennies autour de 45 points de PIB. Tel est le sentier dans lequel peut s'inscrire notre trajectoire financière.
La France n'a pas un bon palmarès en matière de respect de ses programmations et certains doutent de sa conversion à la discipline budgétaire. Ce passif justifie l'adoption de nouvelles règles afin de consolider notre crédibilité budgétaire et rester durablement dans un équilibre vertueux.
M. Francis Delattre. - Nous sommes de vrais acrobates !
M. François Marc, rapporteur. - Le projet de loi s'inscrit dans la continuité des deux premières lois de programmation, dont il élève au rang organique les principes et les adapte en vue de la transposition du TSCG et du two-pack.
L'article 1er établit le principe que les lois de programmation fixent l'objectif de moyen terme et la trajectoire de solde structurel. Les informations nécessaires pour les apprécier figureront soit dans la LPFP elle-même, soit dans le rapport annexé. Sur ce dernier point, le dispositif proposé ne change rien à la pratique actuelle.
Le texte comporte une nouveauté en termes de contenu et donc de procédure d'examen de la loi de finances. Alors que, depuis 1959, les lois de finances sont découpées en deux parties, désormais, avant la première partie, il faudra se prononcer sur un article liminaire qui portera sur l'ensemble des administrations publiques et présentera l'exécution de l'année n-1, la prévision d'exécution de l'année n et la prévision pour l'année n+1. Il s'agit d'assurer une cohérence entre les dispositions des lois de finances et le cadre plus global des programmations dans lesquelles elles s'inscrivent : les écarts éventuels apparaîtront de manière explicite. Cet article figurera seulement dans la loi de finances, car, comme l'a indiqué le ministre lors de son audition, elle est le dernier texte adopté, ce qui permet de prendre en compte les modifications apportées lors de la discussion au Parlement à la fois au projet de loi de finances mais aussi au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
J'en viens à la grande innovation, le Haut Conseil des finances publiques, qui constituera le conseil budgétaire indépendant prévu par le droit européen. Il comprendra onze membres. L'équilibre atteint à l'Assemblée nationale est intéressant : les membres de la Cour des comptes ne sont plus majoritaires, mais le président reste, de droit, le Premier président de la Cour des comptes ; les membres désignés par le Parlement proviendront à parité de la majorité et de l'opposition, ce qui réduit les risques de complaisance vis-à-vis du Gouvernement ; les membres seront nommés en raison de leurs compétences dans le domaine des « prévisions macroéconomiques » et des « finances publiques » ; enfin la participation ès qualité du directeur général de l'Insee crédibilisera les travaux.
Le HCFP n'a pas vocation à être une assemblée de sages chargée de formuler des recommandations mais sera un organisme technique chargé de donner des avis sur des données économiques, voire économétriques. La loi organique qualifie le Haut Conseil des finances publiques d'organisme indépendant, sans préciser s'il s'agit d'une catégorie juridique bien identifiée ou de l'affirmation d'un principe. Comme pour les autorités indépendantes, ses membres ne pourront pas recevoir d'instruction ou en solliciter dans l'exercice de leur mandat. Leur statut prévoit l'impossibilité d'exercer des fonctions électives, l'obligation de remplir une déclaration d'intérêts, l'absence de rémunération. Les moyens du Haut Conseil ne sont pas précisés ; sans doute en sera-t-il doté puisqu'il pourra faire appel à des organismes extérieurs. Nous avons relevé une anomalie : ses modalités de fonctionnement sont renvoyées à un décret, ce qui parait incompatible avec son indépendance.
Selon les articles 9 à 13, le premier rôle du Haut Conseil sera de donner des avis sur les différents textes financiers. Mais le gouvernement ne sera pas obligé de les suivre. Ils porteront sur les prévisions macroéconomiques, sur la cohérence entre la programmation proposée et les engagements européens de la France, dans le cas des projets de loi de programmation des finances publiques, et sur la cohérence entre les dispositions proposées et les dispositions des lois de programmation des finances publiques, dans le cas des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale. Toutefois, l'avis n'est pas obligatoire s'agissant des projets de lois de finances rectificatives et de lois de financement rectificatives. Enfin, s'il n'y a pas d'exigence d'avis conforme, on ne peut exclure qu'il soit négatif ou réservé.
Le deuxième rôle du Haut Conseil est de vérifier le respect de la trajectoire de solde structurel permettant de parvenir à l'objectif de moyen terme : chaque printemps, le Haut Conseil constatera les écarts entre la prévision et l'exécution de l'année précédente. Le Parlement disposera de son avis lors de l'examen du projet de loi de règlement.
Cette mission du Haut Conseil est importante car elle peut avoir des conséquences pratiques : s'il constate un « écart important », de plus de 0,5 point de PIB, le gouvernement devra obligatoirement prendre des mesures correctrices - d'où le nom de « mécanisme de correction automatique » -, sans avoir, néanmoins, à corriger immédiatement l'intégralité de l'écart constaté. Il faudra simplement qu'il « tienne compte » de cet écart. Si l'on combine les dispositions de la loi organique et celles du projet de LPFP que nous examinerons la semaine prochaine, nous constatons qu'il sera possible de s'écarter pendant trois ans de la trajectoire.
Comment le respect de la règle créée sera-t-il assuré ? Comment l'atteinte de l'objectif sera-t-elle mesurée ? Il n'existe pas de consensus sur le niveau du PIB potentiel, et donc sur le calcul du solde structurel. Or les enjeux politiques sont forts car le non-respect de l'objectif de solde structurel a des conséquences juridiques : déclenchement du mécanisme de correction automatique dans le cadre national, sanctions dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité. La notion de solde structurel devient dès lors aussi importante politiquement qu'elle est imprécise techniquement.
M. Philippe Marini, président. - La politique va reprendre ses droits !
M. François Marc, rapporteur. - Il est donc nécessaire que les modalités de calcul du solde structurel soient définies, de manière réaliste et consensuelle, dans la loi de programmation des finances publiques et que, par la suite, l'ensemble des acteurs s'y réfère, afin d'éviter deux écueils : d'une part, le risque que le mécanisme de correction automatique soit déclenché inutilement ; d'autre part le risque qu'en dépit d'une loi de programmation, votée par le Parlement et scrupuleusement mise en oeuvre, l'objectif de solde structurel ne soit pas atteint, en raison d'une modification de l'estimation du PIB potentiel. Si les méthodologies utilisées sont harmonisées et les hypothèses consensuelles, le débat politique pourra en revanche porter sur le montant des mesures à prendre, la pertinence des mesures choisies et la vérification de la capacité d'un Gouvernement à tenir ses engagements.
Il est un cas dans lequel il peut paraître acceptable, voire souhaitable, de s'écarter de la trajectoire de solde structurel : celui de circonstances exceptionnelles, correspondant à une situation économique très dégradée. Le droit européen les définit de manière très vague, laissant une large place à l'interprétation. Dans le cadre d'une trajectoire de solde structurel, le dérapage en cas de circonstances exceptionnelles n'est pas de même nature que dans le cas d'une trajectoire de solde effectif. En situation de récession, le solde effectif dérape naturellement en raison des moindres recettes liées à la croissance et du jeu des stabilisateurs automatiques. En revanche le dérapage, dans le cas d'une trajectoire de solde structurel, est dû (si l'on excepte les fluctuations spontanées de l'élasticité des recettes au PIB) à des décisions de dépenser plus ou de réduire les prélèvements obligatoires. Dans ces conditions, il est étonnant que le dispositif proposé ne prévoie pas que l'adoption de ces mesures soit subordonnée à la constatation que les circonstances exceptionnelles sont bien réunies. Mes amendements apporteront des précisions.
J'en termine par les modifications apportées par l'Assemblée nationale.
Les droits du Parlement ont été renforcés : audition des membres du Haut Conseil avant leur nomination, audition à tout moment du Président du Haut Conseil par les commissions parlementaires, précision du délai de transmission de l'avis du Haut Conseil sur le programme de stabilité. Le nombre de membres a été accru, le régime des incompatibilités modifié. La possibilité d'organiser des débats sur les procédures budgétaires européennes impliquant des échanges de documents a été confirmée. La loi de règlement a été revalorisée : l'avis du Haut Conseil sur l'exécution de l'année précédente sera rendu avant le dépôt du projet de loi de règlement ; elle inclura un chiffrage du coût des niches fiscales. Enfin le rapport économique, social et financier annexé à la loi de finances a été fusionné avec le rapport sur les prélèvements obligatoires.
M. Philippe Marini, président. - Merci pour cette présentation d'une grande clarté. Le document qui la fonde accompagnera avec succès, j'en suis sûr, toutes les présentations qui seront faites sur cette loi, et restera une référence en matière de science politique et de finances publiques. Je ne crois pas avoir vu une approche aussi claire, méthodique et conceptuelle sur le sujet. La manière dont vous avez analysé ce texte nous permettra d'avancer davantage que ne le permettait le texte initial du Gouvernement. Les apports de l'Assemblée nationale avaient, eux, plutôt une valeur symbolique, voire humoristique : faire siéger un membre du conseil économique, social et environnemental (CESE) au Haut Conseil des finances publiques a l'avantage d'ouvrir la composition de l'institution, mais le CESE reste quand même le champ clos de nos « corporatismes »... J'exagère volontairement pour vous provoquer.
M. Vincent Delahaye. - La loi organique est un passage obligé dès lors que le TSCG a été adopté. J'étais favorable au TSCG, je reste favorable au principe d'une loi organique. Le point important concerne le solde structurel : comme par hasard, dans la présentation du Gouvernement, le déficit conjoncturel augmente chaque année : 0,4 % en 2011, 0,8 % en 2012, et 1,2 % en 2013. Certes, il devrait diminuer dans le futur : c'est toujours dans le futur que ça diminue. Comparer les réalisations et les prévisions fait toujours apparaître des décalages flagrants.
M. Philippe Marini, président. - Ca va quand même mieux ! Et ça ira mieux dans l'avenir. Soyons optimistes.
M. Vincent Delahaye. - Oui, c'est toujours ce que l'on se dit entre nous. Mais en 2011, 2012 et 2013, le déficit conjoncturel s'accroît et le déficit structurel se réduit. Je suis favorable à ce que les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat puissent donner leur avis chaque année sur la définition du solde structurel et, du coup, du solde conjoncturel. Nous pourrions émettre un vote formel, comme nous le faisons pour le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. On peut craindre en effet que le Gouvernement soit tenté, certaines années, d'être moins sérieux... Je souhaite donc un amendement sur ce point.
Je suis favorable à l'existence d'un Haut Conseil, même si ses avis ne sont pas contraignants. En revanche, je m'oppose à l'Assemblée nationale qui veut ajouter à ses membres le directeur général de l'Insee et un membre nommé par le président du CESE. On n'a pas besoin d'un Haut Conseil pléthorique. Huit membres, cela semble suffisant.
M. Philippe Marini, président. - La composition initiale était de neuf membres. Les amendements de l'Assemblée nationale ont porté ce chiffre à onze. Mieux vaut un nombre impair.
M. Jean Arthuis. - Je m'associe aux compliments qui ont été adressés au rapporteur général pour la clarté de sa présentation. La notion de solde structurel me pose un vrai problème. Nous avions soulevé les mêmes interrogations au cours des travaux menés par la commission Camdessus. C'est un héritage que nous devons à la République fédérale d'Allemagne. C'est peut-être une soupape, une sécurité, une souplesse. L'opposition estimera toujours que le déficit structurel est plus important que ne l'affirme le gouvernement. D'ailleurs, le gouvernement précédent estimait le déficit structurel 2011 à 3,7 % du PIB, tandis que le gouvernement actuel l'établit à 4,8 % du PIB. Il serait intéressant de demander aux différents organismes qui ont contribué au chiffrage du solde structurel de nous donner les paramètres qu'ils ont pris en compte pour clarifier la différence entre le solde conjoncturel et le solde structurel.
Sur la composition du Haut Conseil, je suis surpris de l'importance que l'on donne à la Cour des comptes. Sa mission est d'attester a posteriori que les comptes sont sincères et bien tenus. Or, le Haut Conseil aura à s'exprimer sur les prévisions macroéconomiques et la crédibilité des hypothèses de croissance, et ceux qui sont chargés de l'historique ne sont pas forcément les meilleurs spécialistes de la prévision. Le poids relatif de la Cour des comptes est excessif. En outre, ne pas rémunérer les membres du Haut Conseil n'est en rien un gage d'indépendance : ils resteront dépendants de ceux qui les rémunèrent ! Enfin, quel temps consacreront-ils à la mission de haut conseiller ?
Le critère de 60 % de dette publique va exercer une forte pression sur le gouvernement. Or, nous n'avons pas réglé la question de l'endettement hors bilan. Cette notion prend de l'importance dans le privé, mais aussi dans la présentation des comptes publics. En 2005, à l'occasion de la première réforme de la loi organique relative aux lois de finances, nous avions essayé d'apporter une réponse à cette question sous l'angle des autorisations de programme pour les opérations de partenariats public-privé (PPP). Certaines opérations de bail emphytéotique administratif (BEA) ou de PPP sont des financements innovants qui, moyennant le paiement de loyers pendant cinquante ans, dissimulent la dette sous l'investissement initial et le paiement de loyers pendant cinquante ans. La réponse apportée en 2005 n'est pas satisfaisante : je prendrai l'initiative d'un amendement pour tenter de régler cette question.
M. Charles Guené. - Je m'associe aux compliments sur la qualité de la présentation du rapporteur général, ainsi qu'aux remarques qui ont été faites : d'abord sur les limites du dispositif tant que les notions de solde structurel et de dérapage légitime ne sont pas précisées. Ensuite, sur la non-rémunération des personnes désignées : ce n'est pas un gage d'indépendance, ni d'efficacité.
Enfin, le Haut Conseil se prononcera-t-il sur l'endettement des collectivités locales ?
M. Éric Bocquet. - Monsieur le président, vous aviez raison sur deux points : il est important que nous ayons un échange sur ce texte, qui est structurant pour les années qui viennent. Et puis ce texte est d'une très grande clarté sur la mise en oeuvre des dispositions du TSCG, sur lequel vous connaissez notre avis. Il s'agit là bel et bien de la règle d'or qui avait été initiée à la fin du quinquennat précédent.
Il est très ennuyeux qu'on ne dispose pas de définition stable, fixe, générale, incontestable du solde structurel, alors que tout dépend de cette notion. Comment raisonner sur une notion qui n'est pas calée définitivement ?
Les prérogatives des parlements nationaux sont réputées respectées. C'est une bonne chose, mais pas ce qu'on avait entendu dans le débat initial : le texte accuse une perte évidente de souveraineté budgétaire. On parle de renforcement du rôle du Parlement : quelles avancées y a-t-il eu ?
J'entends enfin parler d'interprétation souple mais aussi de règles « contraignantes et permanentes ». Ce n'est pas ce que nous avions entendu pendant le débat sur le TSCG. Qu'en est-il exactement ?
Je vais persifler sur la composition du Haut Conseil. Sa neutralité et son indépendance ne dépendent pas de la présence en son sein de représentants de la majorité et de l'opposition, mais de ceux qui ont soutenu le texte européen et de ceux qui s'y sont opposés !
Le Haut Conseil va donner des avis, soit. Mais s'ils diffèrent de ceux du Gouvernement, comment les choses seront-elles tranchées ? Je croyais qu'on avait mis en place un gendarme pour contrôler l'engagement pris par les Etats de respecter la règle d'or. Va-t-il faire du préventif, tel un radar pédagogique, ou des sanctions effectives - même si on les appelle mesures de correction - seront-elles prises ?
M. Richard Yung. - Nous reviendrons sur la notion de déficit structurel au cours des débats. Il faut d'abord que la méthodologie soit commune à tous les pays, pour favoriser les comparaisons et faciliter l'action de la Commission. En outre, quelle définition donne-t-on de l'inflation ? C'est un critère important dans la définition de la croissance potentielle.
Sur les circonstances exceptionnelles, les Allemands ont une approche pragmatique : c'est la commission des finances du Bundestag qui qualifie une telle situation. Nous pourrions suivre cette voie, surtout si l'on souhaite revaloriser le rôle du Parlement.
Je partage le constat du rôle trop prépondérant de la Cour des comptes dans la composition du Haut Conseil. Le travail de ses magistrats est de juger les comptes a posteriori. Ils n'ont pas de vocation particulière à faire de la prévision et de la macro-économie. Vous avez eu des paroles dures sur le CESE...
M. Philippe Marini, président. - Effectivement, pardonnez-moi.
M. Richard Yung. - Je vois mal le Sénat supprimer cette contribution de l'Assemblée nationale, nous serions mal compris de l'opinion. L'autre ajout, c'est le directeur général de l'Insee. Nous pourrions avoir un débat sur le fait qu'un haut fonctionnaire chargé des prévisions économiques se retrouve en position d'opposition avec son gouvernement. Que se passerait-il si celui-là dit à celui-ci que ses prévisions ne valent rien ? Est-il relevé de ses fonctions au prochain conseil des ministres ? Que se passera-t-il dans le mouvement naturel des hauts fonctionnaires quand le directeur général de l'Insee changera ?
Je conteste l'idée que les deux membres du Haut Conseil désignés par les présidents des commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale servent à donner deux postes à l'opposition. C'est l'argument de M. Bocquet, vu sous un autre angle. Ce n'est pas le rôle du Haut Conseil d'être composé selon des critères politiques : on attend de lui une capacité d'analyse économique et d'analyse des soldes. Je proposerai un amendement là-dessus. Notez que le règlement du Sénat n'impose pas que le président de la commission des finances soit membre de l'opposition !
M. Philippe Marini, président. - Nous reviendrons sur tout cela lors de l'examen du texte article par article. Je vous signale que le ministre Jérôme Cahuzac est arrivé. Il viendra s'asseoir parmi nous pour l'examen des amendements, selon la règle appliquée depuis la révision constitutionnelle de 2008.
M. Jean-Pierre Caffet. - Je partage les interrogations de beaucoup de mes collègues. On aura un juge de paix, ce Haut Conseil, qui rendra des avis, parmi lesquels le plus important sera le respect par le Gouvernement de la trajectoire des finances publiques, grâce à l'outil du déficit structurel. On ne sait pas comment celui-ci est calculé car il existe des méthodologies différentes. Pour le construire, il faut connaître le PIB potentiel, dont les estimations peuvent varier grandement : la Commission estime la croissance potentielle de la France pour la période 2010-2016 à 1 %, lorsque d'autres organismes l'estiment à 1,5 %. Le solde conjoncturel, ce n'est que la différence du solde constaté et du solde structurel ; le déficit conjoncturel, on ne le constate qu'après. Ce qui est normal, puisque le cycle économique n'est connu qu'alors. Mais il reste un vrai problème d'application de la loi. On peut imaginer que l'avis du Haut Conseil soit contesté. Richard Yung a raison, il faut une méthodologie commune entre les différents pays qui ont ratifié le traité, car l'inverse impliquerait une rupture de l'égalité des Etats.
M. Philippe Marini, président. - L'harmonisation européenne sera nécessairement au coeur de cette méthodologie : on ne va pas définir notre propre solde structurel dans notre coin. Toute cette procédure n'a de sens que si elle sert la pérennité et la crédibilité de la zone euro.
M. Jean Arthuis. - Le Haut Conseil lui-même devrait être européen !
M. Philippe Marini, président. - Il faut avancer pas à pas, sinon on recule beaucoup plus...
M. Edmond Hervé. - Ce projet est un très bon projet, mais nous devons faire attention à préserver des droits du Parlement. D'abord, si les questions de définition sont légitimes, gardons-nous de concevoir des définitions excessivement précises : elles nous emprisonneraient. Ensuite, veillons à limiter la prééminence des comptables sur les économistes et des économistes sur les politiques. Enfin, réfléchissons sur les moyens d'investigation du Parlement, car il y a, d'une manière générale, un déséquilibre entre la technostructure et le pouvoir politique.
M. Jean Germain. - S'il y a beaucoup de différences sur les appréciations politiques que l'on a du déficit structurel, il y en a moins qu'on ne le dit sur les définitions économiques. On définit d'abord un taux de croissance potentielle, puis un PIB potentiel. Ensuite, on examine l'écart entre le PIB réel et le PIB potentiel. Puis on corrige le déficit effectif en fonction du déficit conjoncturel provenant de cet écart. La présentation du rapporteur général à ce propos était claire. Il faudra certes simplifier la méthodologie. Mais ce n'est pas un corset supplémentaire, c'est une facilité. Ce qui serait terrible, ce serait de s'intéresser seulement aux déficits effectifs : les Etats seraient amenés à prendre des mesures terrifiantes.
M. Jean Arthuis. - Dans le PIB potentiel, on pourrait considérer qu'il n'y a plus de chômeurs, que tout le monde travaille, donc qu'il n'y a plus de problème budgétaire.
M. Jean Germain. - C'est la différence entre les économistes qui font de la prévision et les astrologues.
M. Philippe Marini, président. - Ce n'est pas possible dans l'Union européenne !
M. Jean Germain. - Je ne suis pas totalement d'accord. Ne nous étonnons pas qu'on nous refuse la présence d'hommes et de femmes politiques dans les organismes indépendants. Nous, nous ne sommes pas obligés de faire de l'astrologie. Peut-être faut-il en profiter pour augmenter les droits du Parlement, notamment de la commission des finances. Comment se mettre d'accord sur ce qui est constaté ? François Marc l'a dit sur la loi de règlement, mais il faut aller plus loin.
S'agissant de la composition du Haut Conseil, je ne suis pas d'accord avec l'idée que quelqu'un de non rémunéré serait indépendant : on est toujours payé par d'autres ! Les conseillers de la Cour des comptes sont payés, me semble-t-il. Sinon, on est dans le système américain où il faut être milliardaire pour faire de la politique. Ceux qui ne sont pas rémunérés essaient toujours de se faire rémunérer ailleurs ! Cela ne vaut pas pour le cas présent bien sûr.
M. Philippe Marini, président. - Souvenons-nous du député Baudin.
M. Jean Germain. - Il doit y avoir à la fois des gens qui constatent, et des gens qui doivent faire de la prévision économique. Et la prévision économique, ce n'est pas le rôle de la Cour des comptes. Equilibrer tout cela sera extrêmement difficile. Mais le Haut Conseil ne doit pas que faire des comptes, il doit anticiper l'avenir au moyen de gens compétents qui peuvent être aussi des élus, car il n'y a pas que des élus incompétents.
M. Philippe Marini, président. - Il faut l'espérer !
M. Jean Germain. - Je me dissocie de mon collègue Yung sur les nominations exercées par les présidents des commissions des finances. On a progressé dans les droits du Parlement et de l'opposition en laissant le poste de président de la commission des finances à l'opposition. Revenir en arrière m'apparaîtrait négatif.
M. Philippe Marini, président. - L'Assemblée nationale, et c'est judicieux, a ajouté que les personnalités proposées à la désignation devraient être auditionnées publiquement par les commissions des finances, ce qui permettra d'objectiver davantage les choix.
M. Francis Delattre. - Nous voyons se constituer une véritable usine à gaz.
M. Philippe Marini, président. - Elle s'appelle l'Union européenne, cher collègue...
M. Francis Delattre. - Non, l'Union européenne ne dit pas cela. Nous sommes dans une usine à gaz parce que le Conseil constitutionnel n'a pas pris toutes ses responsabilités, pour les raisons qu'on connaît. Dire que le mécanisme n'est pas contraignant mais permanent oblige à faire des acrobaties. Pourquoi le projet de loi organique fixe-t-il des règles et renvoie leur contenu à des lois de programmation ? C'est un mystère. A moins que ces lois de programmation aient valeur de lois organiques. Si c'est cela, je ne suis qu'en partie rassuré. Car les lois de programmation, on sait comment ça marche : voyez les lois de programmation militaire. Ce n'est pas sérieux !
Le Parlement devrait pouvoir se doter d'outils, pas forcément permanents, qui nous soient propres : contracter avec un institut de prévision sérieux, avoir nos propres analyses. Je suis d'accord avec Jean Germain : la certification des comptes, ce n'est pas la prévision. On doit pouvoir mettre dans le Haut Conseil des gens qui ont des compétences macroéconomiques sérieuses.
Pourquoi ne pas s'inspirer de certains organismes, comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), que je connais bien ? Le Conseil d'Etat et la Cour de cassation y désignent leurs représentants par une élection interne. Cela permet l'indépendance. Si c'est uniquement le premier président de la Cour des comptes qui les désigne, même si les commissions valident ces désignations après coup, ce n'est pas une façon démocratique de savoir qui représente les grands corps.
M. Philippe Marini, président. - Je ne sais pas si c'est démocratique ou aristocratique, mais c'est collégial.
M. Francis Delattre. - Cela atténue l'aristocratie, justement.
M. Philippe Marini, président. - L'aristocratie est souvent collégiale.
M. Francis Delattre. - Ma seule question concerne donc les lois de programmation : pourquoi la loi organique renvoie-t-elle son contenu aux lois de programmation et pas aux lois de finances ? Si les lois de programmation ont valeur organique, c'est une révolution.
M. Philippe Marini, président. - Les désignations internes à la Cour des comptes, c'est un vrai sujet.
M. Francis Delattre. - Les lois de programmation aussi, c'est un vrai sujet !
M. Jean-Paul Emorine. - J'ai bien saisi qu'il était indispensable d'avoir ce Haut Conseil. Les quatre magistrats de la Cour des comptes ne me posent pas de problème.
Vous avez prononcé un bel oxymore : un « dérapage légitime ». En principe, quand vous dérapez, ce n'est pas légitime.
En outre, vous évoquez « une constatation a posteriori par le Haut Conseil », mais le Haut Conseil doit être très réactif. Les circonstances exceptionnelles, ce peut être aussi une grave récession économique. Je souhaite que le Haut Conseil puisse être saisi très rapidement.
M. Yann Gaillard. - Plus j'écoute, moins je suis convaincu. Nous sommes en présence d'une institution dont on ne sait pas si elle est juridique ou économique. Je ne sens pas trop cette affaire...
M. Philippe Marini, président. - C'est l'ambiguïté de l'Europe dans laquelle nous sommes.
M. François Marc, rapporteur. - Je salue le ministre qui nous rejoint à l'instant. Je crois que les interventions et questions de nos collègues illustrent la teneur interrogative de mon exposé introductif. J'ai en effet tenu à indiquer l'esprit de cette loi, son contenu, et les questionnements qui restent en suspens.
Monsieur Delahaye, en période de crise il est normal que le solde conjoncturel se dégrade. Nos amendements ont pour objet de faire en sorte que les hypothèses sur lesquelles sera fondée la trajectoire du solde structurel résultent de débats approfondis entre le Parlement et le Gouvernement, ainsi qu'entre le Gouvernement et Haut Conseil. Je rappelle que les commissions pourront auditionner le président du Haut Conseil à tout moment.
M. Arthuis a évoqué les problèmes méthodologiques. La loi de programmation précisera toutes les clés de passage entre solde effectif et solde budgétaire, entre comptabilité budgétaire et comptabilité nationale. Il trouve que la Cour des comptes occupe une place trop importante dans le Haut Conseil, mais je rappelle qu'elle n'a plus de majorité au sein de cet organisme. S'agissant du hors-bilan, la Cour des comptes remettra à la commission un rapport sur le sujet en mars en application de l'article 58-2° de la LOLF, à la demande de Jean-Claude Frécon.
La notion de solde structurel, monsieur Guené, a des limites juridiques, mais elle est pertinente économiquement. Les difficultés juridiques doivent-elles faire obstacle à une politique économique plus pertinente ? Concernant votre remarque sur les collectivités territoriales, le Haut Conseil ne pourra pas parler des équilibres entre administrations publiques. Il n'y a pas de possibilité d'émettre des appréciations sur les collectivités locales. Nous examinerons un amendement visant à interdire au Haut Conseil d'intervenir en dehors des cas prévus par la loi organique.
Monsieur Bocquet, nos amendements auront pour vocation de caler la définition du solde structurel retenue pour mettre en oeuvre et contrôler le respect de la trajectoire. La règle est contraignante en ce qu'elle oblige ceux qui ne la respectent pas à se justifier. Elle est permanente car ses modalités d'application sont prévues par la loi. Mais le Parlement est libre de définir comme il le souhaite le mécanisme de correction automatique. Le risque est l'attaque d'un autre Etat devant la Cour de justice de l'Union européenne. Les avis du Haut Conseil sont transmis au Parlement qui les utilise pour apprécier les projets du Gouvernement. Le constat d'un écart à la trajectoire par le Haut Conseil entraîne de fait le déclenchement du mécanisme de correction automatique.
Comme le souhaite M. Yung, un amendement donnera un rôle au Parlement dans le déclenchement des circonstances exceptionnelles : on ne se contentera plus de constater a posteriori. Quant à la direction générale de l'Insee, elle est fonctionnellement indépendante. Si ce n'était pas le cas, Eurostat critiquerait la France ! Même si le directeur de l'Insee est un fonctionnaire, l'organisme est aujourd'hui considéré comme suffisamment indépendant à l'échelle européenne. Enfin, il me semble qu'il est bon que les membres du Haut Conseil soient désignés par des personnalités d'origines politiques diverses : c'est un élément d'affichage susceptible de constituer une garantie auprès de nos concitoyens, d'autant que les candidats seront auditionnés par les commissions avant leur désignation.
Selon M. Caffet, le Haut Conseil devra fonder son avis sur le respect de la trajectoire, mais il devra utiliser la méthodologie de la loi de programmation pour permettre une homogénéité de l'appréciation portée. S'il procède ainsi, il n'est pas de cacophonie à craindre dans l'expression du Haut Conseil. S'il ne procédait pas ainsi, la programmation et le jugement de l'action du gouvernement seraient rendus impossibles.
M. Hervé a attiré notre attention sur les droits du Parlement. Nous avons proposé qu'il puisse acter les circonstances exceptionnelles, et fixer les principes qui doivent guider le Haut Conseil. C'est ce que nous souhaitons voir inscrit dans le texte grâce à nos amendements.
M. Germain approuve les orientations préconisées par le rapporteur général ; je le remercie de son soutien. Le solde structurel n'est pas calculé au doigt mouillé : l'estimation en est faite sur la base de travaux économétriques sérieux. Si l'on peut dégager un consensus, les choses seront fiables. Le rapport reproduit les grands principes de la méthodologie d'estimation du solde structurel. Je vous incite à vous y reporter.
M. Delattre a évoqué le contenu obligatoire des lois de programmation : on ne peut faire autrement, sinon on aurait dans la loi organique des règles qui iraient au-delà des règles de procédure, ce qui empêcherait les majorités successives de mettre en oeuvre comme elles le souhaitent les principes chiffrés contenus dans le traité. Chaque gouvernement pourra adopter une ligne de conduite spécifique et différente.
M. Francis Delattre. - Si c'est obligatoire, je ne vois pas pourquoi !
M. François Marc, rapporteur. - Le traité laisse des possibilités d'adapter sa propre ligne de conduite dans le cadre des règles générales qu'il définit.
Les lois de programmation des finances publiques ont été inventées et inscrites dans la Constitution en 2008, à l'initiative de M. Sarkozy...
M. Philippe Marini, président. - C'était une excellente initiative !
M. François Marc, rapporteur. - ...et vous aurez certainement le plus grand respect pour la philosophie qui a présidé à leur création.
M. Francis Delattre. - J'ai ma propre philosophie.
M. Philippe Marini, président. - Mais vous les avez votées !
M. Francis Delattre. - Non, justement.
M. François Marc, rapporteur. - J'indique enfin à M. Emorine qu'un de mes amendements traite des circonstances exceptionnelles.
EXAMEN DES ARTICLES
Les articles 1er, 2, 3 et 4 sont adoptés sans modification.
M. François Marc, rapporteur. - Le PIB potentiel constitue l'élément central de la mise en oeuvre de la trajectoire du solde structurel. Selon le niveau de PIB potentiel retenu, les efforts nécessaires pour respecter la trajectoire seront plus ou moins importants, d'où la nécessité de déterminer le PIB potentiel de la façon la moins contestable possible. Dans l'amendement n°1 nous proposons d'aller au-delà de l'Assemblée nationale en prévoyant que le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques comprenne non seulement les hypothèses de croissance de PIB potentiel, mais plus généralement les hypothèses de PIB potentiel, ce qui comprend en particulier son niveau. En outre, le rapport devrait présenter et justifier les différences éventuelles qui pourraient être relevées par rapport aux estimations de la Commission européenne. Nous pensions nous fonder sur les évaluations de la Commission, censées devenir une référence homogène et unique au sein de l'Europe, mais l'absence de dispositif fiable à ce jour rend cette perspective impossible.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du Budget. - L'avis du Gouvernement est favorable. Le rapporteur a raison de souligner le caractère central des hypothèses de croissance potentielle. Le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques comprend déjà cette information. Je ne vois aucun inconvénient à ce que les choses soient précisées dans la loi.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les articles 5 bis, 6, 6 bis, 7 et 7 bis sont adoptés sans modification.
M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 10 de notre collègue Gaëtan Gorce propose que le premier président de la Cour des comptes puisse désigner au Haut Conseil non seulement des magistrats en activité, mais aussi des retraités, pour élargir le vivier. Il propose d'exclure en revanche que les membres du Haut Conseil puissent venir de la formation interchambre chargée du rapport sur les perspectives des finances publiques.
Sur le premier point, on n'imagine pas que la Cour des comptes ne dispose pas de suffisamment de compétences parmi ses membres encore en activité... Sur le second point, notre collègue souligne un vrai problème de conflit d'intérêts qui pourrait porter préjudice à la Cour comme au Haut Conseil. A l'inverse, ne peut-on imaginer que les magistrats désignés quittent la formation interchambre à leur nomination au Haut Conseil ? Le premier président, qui présidera les deux institutions, en sera le meilleur juge. Tous les membres devront par ailleurs remplir une déclaration d'intérêts. Toutes ces garanties nous conduisent à être prudents sinon défavorables. Mais l'avis du Gouvernement sera utile, au moins sur le second point.
M. Philippe Marini, président. - L'amendement de M. Gorce a le mérite de faire ressortir une certaine asymétrie : compte tenu des ajouts de l'Assemblée nationale, les personnalités pressenties par les présidents des assemblées parlementaires et des commissions des finances devront participer à une audition publique. Les magistrats désignés par la Cour ne seront pas astreints à la même procédure.
M. Gorce souligne aussi qu'il y a peut-être des risques de conflit d'intérêts dans les différentes attributions de la Cour des comptes. Il faut trouver une solution aussi consensuelle que possible.
M. Jérôme Cahuzac. - L'amendement de M. Gorce me paraît contradictoire terme à terme : étendre le vivier aux magistrats retraités est peut-être une bonne chose s'il s'agit d'étendre le registre des compétences au sein desquelles le premier président désignerait ceux qui siégeront au Haut Conseil. La seconde partie me paraît peu cohérente puisqu'il s'agit de restreindre ce vivier. A choisir, je préférerais le premier mouvement. Quant à l'asymétrie que vous semblez regretter, je suis sensible à cet argument : l'audition des magistrats améliorerait la transparence.
M. Philippe Marini, président. - Si l'on procédait ainsi, il nous resterait à décider du mode d'organisation de ces auditions. Les auditions individuelles, très révélatrices, sont très différentes des auditions de groupe, où chacun peut se cacher derrière son voisin. Peut être faudra-t-il nous laisser une marge de manoeuvre. Cela concernerait quatre personnes, plus deux par assemblée, soit six auditions. Pourquoi pas ?
Monsieur le ministre, votre avis est donc défavorable ?
M. Jérôme Cahuzac. - Oui. Quant aux auditions, les commissions sont maîtresses de leur organisation en la matière. Il me semble que des auditions individuelles seraient nettement préférables, sauf à estimer que les magistrats auraient un point de vue collectif à exprimer, ce qui n'est pas dans l'esprit du Haut Conseil. Je jugerais très intéressantes des auditions individuelles dans chacune des deux assemblées.
M. Philippe Marini, président. - Le rapporteur général va réfléchir à la possibilité de présenter un amendement en ce sens.
M. François Marc, rapporteur. - Il serait prématuré de donner un avis favorable sur cet amendement aujourd'hui. Nous allons réfléchir d'ici la semaine prochaine pour améliorer les choses.
M. Francis Delattre. - S'il y a des auditions, parfait. Mais pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas choisi, comme c'est parfois le cas, un système d'appel à candidatures à l'intérieur de l'institution, puis une élection ou une décision par consensus. Un tel système existe à la CNIL, où j'ai été rapporteur. Je suis favorable aux auditions, mais je ne vois pas pourquoi le premier président désignerait les membres du Haut Conseil. Nous avons intérêt à avoir des magistrats motivés par la tâche !
M. Philippe Marini, président. - C'est vrai que la question de la collégialité peut se poser au sein de la Cour. Il me semble difficile d'aller plus loin dans le débat ce matin. Il doit y avoir aussi quelques arrière-pensées politiques : chacun sait que selon la respiration politique de notre pays, les membres des grands corps de la sensibilité du gouvernement exercent des responsabilités exécutives ou de cabinet, jusqu'à leur retour, quand l'alternance a fonctionné. Ce sont des données sociologiques assez difficiles à mesurer.
L'amendement n° 10 n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté sans modification.
Article additionnel après l'article 8
M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 3 est important car il fait suite à de nombreuses observations émises ce matin. Il s'agit de préciser les principes généraux qui doivent guider le Haut Conseil lorsqu'il rendra ses avis en tout indépendance : tant sur les prévisions de croissance - il lui est suggéré de tenir compte des prévisions d'organismes qu'il aurait lui-même désignés à l'avance - que sur les hypothèses de PIB potentiel. Il faut encourager la convergence des méthodes pour que l'application de la règle ne conduise pas à des discussions méthodologiques sans fin au détriment des considérations de fond. Le débat sur la croissance potentielle entre le Parlement et le gouvernement et entre le gouvernement et le Haut Conseil doit avoir lieu au moment de la loi de programmation des finances publiques, de manière à faire reposer la trajectoire sur une hypothèse réaliste. Il est ensuite souhaitable, pour la lisibilité du débat public et la bonne application de la règle, que tout le monde se réfère au consensus trouvé dans la loi de programmation. Il est proposé que si le Haut Conseil estimait, dans l'un de ses avis, devoir se référer à d'autres hypothèses que celles convenues, il soit tenu de publier sa méthodologie alternative et d'en expliquer les fondements.
M. Philippe Marini, président. - Votre approche est une approche de transparence : le Haut Conseil doit rendre publique la méthodologie sur laquelle il se fonde en cas d'écart avec ce qui figure dans la loi de programmation. C'est un réel progrès par rapport au texte initial du Gouvernement. Sur la question de la liste des organismes de prévision, votre suggestion est utile. En réalité, vous nous proposez d'adopter le modèle allemand, qui fait référence explicitement à une liste d'organismes, toujours les mêmes, référencés, et dont on fait la moyenne des estimations. J'ignore s'il y a en Allemagne une décision qui fonde cette pratique, ou s'il s'agit d'une coutume traduite dans les documents du ministère fédéral des finances.
M. Jérôme Cahuzac. - Je ne sais pour l'instant pas grand-chose sur ce qui se passe en Allemagne... Sur l'amendement lui-même, je comprends le souci de transparence qui vise à limiter d'éventuelles critiques de la part de ceux qui contesteraient les avis donnés par le Haut Conseil, qui pourraient exciper d'une forme d'opacité pour appuyer leurs critiques ; de même, ceux qui conforteraient ses avis pourraient donner le sentiment de le faire avec des a priori dès lors que la méthode retenue ne serait pas connue. Au fond, l'institution sera libre de tout, en tout et à l'égard de tout le monde. Néanmoins, en mettant ses avis dans le débat public, le Haut Conseil se trouve obligé d'argumenter. Je ne suis pas insensible à cette volonté.
Je comprends la recherche d'éléments rassurants. Il n'est pas indispensable d'avoir des compétences exceptionnelles en économie pour faire une moyenne. Ce qui me gêne, c'est que c'est peut-être un peu réducteur : on risquerait de présenter le Haut Conseil comme un aréopage de personnalités éminentes se contentant d'une opération arithmétique du niveau de l'école primaire.
M. Philippe Marini, président. - On pourrait penser aussi qu'on leur donne un vrai pouvoir économique : être référencé par le Haut Conseil peut fonder la crédibilité d'une institution de prévision macroéconomique.
M. Jérôme Cahuzac. - Et son chiffre d'affaires...
M. Philippe Marini, président. - Je comprends que le Gouvernement est favorable au premier alinéa et défavorable sur le second.
M. Jean-Pierre Caffet. - Le second alinéa ne me pose aucun problème. En revanche, je ne comprends pas le premier. Le Haut Conseil va être amené à donner des avis. Le principal sera celui jugeant du respect par le Gouvernement de sa trajectoire des finances publiques, laquelle dépend fondamentalement de l'hypothèse retenue de PIB potentiel. Or, le premier alinéa sous-entend que le Haut Conseil pourra avoir une hypothèse de PIB potentiel fondamentalement différente de celle du gouvernement. Le Haut Conseil jugerait le gouvernement avec des règles du jeu complètement différentes. Comment cela peut-il fonctionner ?
Soit les hypothèses du Haut Conseil sont identiques à celles du gouvernement, auquel cas il est fondé à indiquer un dérapage éventuel du budget. Soit elles sont différentes, auquel cas il ne peut juger. Cette rédaction ouvre la porte à des interprétations différentes du respect de la trajectoire par le gouvernement. Est-il nécessaire de l'écrire voire d'inciter le Haut Conseil à utiliser ses propres hypothèses ?
M. Jean-Paul Emorine. - Ce n'est pas parce que le Haut Conseil s'appuiera sur des prévisions moyennes qu'il ne tiendra pas compte des hypothèses basses ou hautes. Il devra en tout cas justifier sa position. La publication de la liste des organismes est source de transparence pour les élus et les concitoyens.
M. Francis Delattre. - Devons-nous intégrer dans une loi organique ces dispositions ? Elles relèvent davantage des textes d'application. En Allemagne, deux indices sont utilisés principalement : celui des syndicats et celui du patronat.
M. Philippe Marini, président. - En Allemagne, le gouvernement s'appuie sur les prévisions économiques d'un panel d'instituts dont la composition ne change pas. Certains sont proches des syndicats, d'autres du patronat.
M. Richard Yung. - Le panel comprend aussi les instituts de prévision économiques Berger et IFO, distincts des syndicats et du patronat.
Le texte de l'amendement est « tient compte des prévisions moyennes » d'un ensemble d'organismes et non « prépare une moyenne des prévisions ». Le Haut Conseil pourra examiner chaque prévision.
De même la formulation « tient compte » donne au Haut Conseil une possibilité, et ne créé pas une obligation, de suivre ces prévisions.
M. Jérôme Cahuzac. - L'argumentation de M. Caffet est intéressante. Le traité prévoit soit une externalisation de la prévision économique, soit la formulation d'un avis par un conseil indépendant. Ce dernier choix est compatible avec un souci de transparence, non pour que le Haut Conseil entre en concurrence avec le gouvernement sur sa méthodologie, ce qui serait préjudiciable, mais pour qu'il puisse justifier ses avis. Peut-être faut-il modifier la rédaction afin que les craintes de M. Caffet ne se révèlent pas fondées ?
M. François Marc, rapporteur. - Nous nous sommes inspirés du modèle allemand, et non anglais où un organisme, dit indépendant, présente des chiffrages parfois très éloignés de la réalité. Il est possible de retirer l'adjectif « moyennes ».
Cet amendement a pour but de fixer des règles connues à l'avance, et utilisées par tous ceux appelées à émettre un avis, en particulier le Haut Conseil.
M. Jean-Pierre Caffet. - Cela ouvre bien la voie à des méthodologies différentes.
M. Philippe Marini, président. - Cette possibilité appartient au Haut Conseil du fait de son indépendance. Mais il devra dans ce cas publier sa méthodologie.
M. François Marc, rapporteur. - L'amendement encadre une faculté qui existe déjà dans le texte actuel.
M. Jérôme Cahuzac. - Je partage l'avis de M. Caffet. Soit cette possibilité existe déjà, auquel cas la précision est inutile, soit elle n'existe pas, et il est inutile de la créer car elle risque de poser des problèmes de concurrence de méthode. J'ajoute que le Conseil constitutionnel publie des considérants et que son indépendance n'est pas remise en cause.
Sagesse, mais le souci de transparence ne doit pas devenir source de conflit ou de polémique.
M. François Marc, rapporteur. - Je maintiens l'amendement en supprimant le mot « moyenne » au second alinéa et je vais réfléchir à une nouvelle rédaction.
L'amendement n° 3 ainsi rectifié est adopté.
L'article additionnel est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission et devient article 8 bis.
M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 5 précise que le Gouvernement, en vue de l'examen d'un projet de loi de programmation, saisit le Haut Conseil des finances publiques non seulement des hypothèses macroéconomiques mais aussi de l'estimation du PIB potentiel. Il est indispensable de préciser que le Haut Conseil doit nécessairement exprimer un avis sur ce paramètre, afin que l'hypothèse sur laquelle reposera la programmation puisse constituer une référence.
M. Jérôme Cahuzac. - Avis favorable.
L'amendement n° 5 est adopté.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les articles 10, 11, 12 et 13 sont adoptés sans modification.
Article additionnel après l'article 13
M. François Marc, rapporteur. - Le droit budgétaire européen prévoit la transmission d'un nombre croissant de documents aux autorités communautaires. Le two-pack, en cours d'examen, prévoit des « plans budgétaires nationaux » et des « plans budgétaires à moyen terme ». Le TSCG y ajoute des « programmes de partenariat budgétaire et économique », dont le contenu demeure à préciser.
L'amendement n° 2 prévoit, par coordination, que le HCFP est saisi de ces projets de documents et que, s'il le souhaite, il peut rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques qui leur sont associées. L'avis est facultatif.
M. Jérôme Cahuzac. - Sagesse. Je comprends votre souci de précision, mais il n'est pas indispensable.
L'amendement n° 2 est adopté.
L'article additionnel est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission et devient article 13 bis.
L'article 14 est adopté sans modification.
M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 4 précise que le président du Haut Conseil des finances publiques est entendu à tout moment à la demande des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Jérôme Cahuzac. - Avis favorable.
M. Philippe Marini, président. - L'amendement renforce les pouvoirs du parlement.
L'amendement n° 4 est adopté.
L'article 14 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 6 supprime l'anomalie selon laquelle « les modalités de fonctionnement du Haut Conseil des finances publiques sont précisées par décret en Conseil d'État ». En effet, un tel décret serait incompatible avec l'indépendance du HCFP. Cet amendement détermine les principales modalités de ses délibérations. Afin que les avis du HCFP soient les plus légitimes possible, cet amendement précise notamment que ses membres sont tenus au secret sur ses délibérations et qu'il ne peut publier d'opinion dissidente. Enfin, il prévoit que le HCFP ne peut délibérer ni publier d'avis dans d'autres cas ou sur d'autres sujets que ceux prévus par le présent projet de loi organique.
M. Philippe Marini, président. - L'indépendance, toute l'indépendance, rien que l'indépendance ! Le Haut Conseil est un corps collégial qui s'exprime comme un tout, sans publier d'opinions dissidentes.
M. François Marc, rapporteur. - A la différence de certains comités de politique monétaire par exemple.
M. Jérôme Cahuzac. - Cette solidarité me paraît une très bonne chose. L'Assemblée nationale ayant augmenté le nombre des membres du Haut Conseil, peut-être pourrions-nous prévoir d'augmenter le quorum de cinq à sept membres, en précisant que deux au moins des membres désignés par les présidents des assemblées ou des commissions doivent être présents.
M. Philippe Marini, président. - Cinq membres plus le président, c'est pourtant la majorité absolue.
M. Jérôme Cahuzac. - Il faut un quorum allant au-delà de la majorité simple. Je souhaite sept membres, dont deux désignés par les assemblées, plus le président.
M. Philippe Marini, président. - Effectivement, si tous les membres désignés par les assemblées sont absents, cela pourrait porter préjudice à la crédibilité du Haut Conseil.
M. François Marc, rapporteur. - Je propose la rédaction suivante : « Le Haut Conseil des finances publiques se réunit sur convocation de son président. Il délibère valablement s'il réunit, outre son président, sept de ses membres, dont deux ont été désignés dans les conditions prévues aux 2° et 3° de l'article 8 ».
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. - D'accord.
L'amendement n° 6 ainsi rectifié est adopté.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 9 rectifié bis précise la clause de circonstances exceptionnelles. Lorsque l'économie traverse des circonstances exceptionnelles, il est justifié économiquement de s'écarter de la trajectoire budgétaire. Or, abstraction faite des fluctuations de l'élasticité des recettes au PIB, tout écart par rapport une trajectoire structurelle résulte de décisions politiques. Cet amendement les formalise : la situation de circonstances exceptionnelles serait constatée soit parce que le Gouvernement aurait saisi pour avis le Haut Conseil des finances publiques, soit parce que la Commission européenne ou le Conseil auraient jugé que ces circonstances sont réunies. Le Parlement devrait également adopter une disposition en ce sens dans l'article liminaire de la loi de finances.
En Allemagne les circonstances exceptionnelles ne peuvent être invoquées que si la majorité absolue des membres du Bundestag vote en ce sens.
M. Jérôme Cahuzac. - Avis favorable.
M. Jean-Paul Emorine. - Qu'entendez-vous lorsque vous écrivez que le Haut Conseil répond « sans délai » ?
M. François Marc, rapporteur. -Avec une rapidité exemplaire.
M. Jean-Paul Emorine. - Mais cette expression admet plusieurs sens. Ne faudrait-il pas préciser le temps de réponse du Haut Conseil ?
M. Philippe Marini, président. - Cette expression existe-t-elle dans d'autres textes juridiques ? Pris au sens littéral, « sans délai » est un non-sens.
M. François Marc, rapporteur. - Nous examinerons avec diligence s'il convient d'améliorer la rédaction.
L'amendement n° 9 rectifié bis est adopté.
L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 7 prévoit qu'une éventuelle non adoption de l'article liminaire d'une loi de finances - instauré par l'article 6 du présent projet de loi organique - n'empêcherait pas de poursuivre la discussion du texte. L'article liminaire porte sur l'ensemble des administrations publiques. Il est sans portée juridique. Il symbolise la cohérence entre la programmation et sa déclinaison dans les lois de finances. Il n'y a pas lieu de prévoir une procédure analogue à celle selon laquelle la seconde partie d'un projet de loi de finances ne peut être mise en discussion avant l'adoption de la première.
M. Philippe Marini, président. - D'un point de vue politique, au regard de notre crédibilité sur la scène européenne, est-il possible d'envisager de voter la loi de finances en ayant rejeté cet article?
M. Jérôme Cahuzac. - Avis favorable. Mais je comprends les interrogations.
M. Philippe Marini. - Cet article n'est que la réaffirmation de la trajectoire budgétaire. Comment voter la loi de finances en le rejetant ?
M. Dominique de Legge. - Comment un article de loi peut-il être dépourvu de portée juridique ? Il s'agirait alors d'un préambule.
M. Philippe Marini, président. - Nous sommes dans le droit mou, mais celui-ci finit par devenir contraignant... N'est-ce pas le propre de la construction européenne ?
M. François Marc, rapporteur. - Nous voulons seulement apporter de la souplesse. Il peut être fait usage de la réserve lors de l'examen de l'article liminaire pour tenir compte du décalage des calendriers entre le PLF et le PLFSS.
M. Jérôme Cahuzac. - Le PLF étant voté en dernier, il est normal de lui réserver certains éléments. D'un point de vue logique on peut voter contre l'article liminaire, sans remettre en cause le PLF, si l'on considère que d'autres éléments extérieurs, comme la politique familiale par exemple, font peser un risque sur la trajectoire budgétaire. Mais c'est compliqué...
M. Philippe Marini, président. - Compliqué, c'est le moins... et vu de l'extérieur, cela n'inspire pas la confiance !
M. Dominique de Legge. - Cet amendement affaiblit davantage le dispositif qu'il ne le renforce. Préciser que la discussion peut continuer si l'article liminaire n'est pas voté, c'est reconnaître qu'il n'a aucune importance !
M. François Marc, rapporteur. - Il s'agit uniquement de préciser qu'il n'est pas indispensable de le voter en premier. Une loi de finances sans cet article encourrait la censure du Conseil constitutionnel, car il constitue un élément obligatoire du PLF selon les dispositions mêmes de la loi organique. Cet amendement ne modifie pas le droit proposé, mais supprime une ambiguïté.
M. Philippe Marini, président. - La discussion de l'article liminaire pourrait ainsi être reportée après l'examen des deux parties du PLF, sans que l'on puisse adopter un texte qui ne soit pas cohérent avec lui ?
M. François Marc, rapporteur. - Tout à fait. La souplesse permet de tenir compte de la différence des calendriers d'examen dans les deux assemblées.
M. Philippe Marini, président. - Cet amendement apporte donc simplement une souplesse de procédure.
M. Jean-Pierre Caffet. - L'adoption de l'article d'équilibre dépend des conditions économiques qui ne sont connues qu'en fin d'année. Il n'en reste pas moins que l'article liminaire peut être rejeté.
M. Philippe Marini, président. - Le rejet de l'article liminaire signifierait la négation du programme de stabilité ; cela me semblerait, quel que soit le gouvernement et la majorité, assez lourd de conséquence.
M. Jean-Paul Emorine. - L'article liminaire, comme son nom l'indique, doit être discuté au début du projet de loi ; normalement, il y a une majorité pour le soutenir. S'il n'est pas voté, cela pose un problème général. Dire qu'il est reporté à la fin de la discussion, c'est un non-sens.
M. Philippe Marini, président. - Il ne serait plus vraiment liminaire... Il figurerait au début dans la loi promulguée, mais après avoir été voté à la fin. Ce serait paradoxal.
M. François Marc, rapporteur. - Ou alors on change le calendrier du PLFSS...
M. Philippe Marini, président. - Tout vient de la dichotomie entre PLF et PLFSS, qui est source de difficultés considérables. Un jour, il faudra enfin avoir le courage de réformer, et rassembler dans une même loi financière au moins les parties recettes - les dépenses n'étant pas de même nature. Mais ni les uns ni les autres n'ont été en mesure de le faire jusqu'à présent. La position du rapporteur général est de soumettre cet amendement, avec la possibilité de rechercher la rédaction la plus précise possible, pour qu'on puisse quand même comprendre nos débats en les lisant. Le Gouvernement y était favorable. Je vous propose, à titre conservatoire, de l'adopter, mais avec le souci de chercher une rédaction plus compréhensible.
L'amendement n° 7 est adopté.
L'article 17 A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François Marc, rapporteur. - L'amendement n° 8 est un amendement de précision.
M. Jérôme Cahuzac. - Favorable.
M. Charles Guené. - J'en reviens à l'interrogation que j'avais formulée tout à l'heure à l'attention du rapporteur général. Le fait que l'Assemblée nationale déclare dans cet article que le rapport présentera les recettes, les soldes et l'endettement des collectivités locales n'implique-t-il pas que le Haut Conseil pourra leur adresser des injonctions ?
M. Philippe Marini, président. - Ce rapport ne sera pas un rapport du Haut Conseil, mais du Gouvernement. Par ailleurs, il sera purement informatif. Il ne s'y attache aucune conséquence juridique. C'est votre opinion, monsieur le ministre ?
M. Philippe Marini, président. - Il est toujours possible de présenter les chiffres consolidés des collectivités locales, mais cela n'a aucune réalité juridique puisqu'elles sont autonomes.
M. Jean-Paul Emorine. - Et la règle d'or leur est imposée !
M. Philippe Marini, président. - Effectivement, la règle d'or la plus stricte y est appliquée grâce aux maigres dotations que l'Etat veut bien nous accorder.
L'amendement n° 8 est adopté.
L'article 17 B est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 17 C est adopté sans modification ainsi que l'article 17.
L'ensemble du projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.