Mardi 23 octobre 2012
- Présidence de Mme Jacqueline Gourault, présidente -Échange de vues, après la tenue des états généraux de la démocratie territoriale, avec M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Nous avons souhaité vous rencontrer pour un échange de vues sur les sujets de l'heure dans nos champs de compétences partagés. Lors des états généraux de la décentralisation à la Sorbonne, le Président de la République a énoncé quatre principes : la confiance, la clarté, la cohérence et la démocratie. Sur ce dernier point, qui n'est pas le moindre du point de vue des principes, le président a insisté sur le taux d'abstention lors des élections locales, la multiplication des scrutins, le besoin de clarification, notamment en ce qui concerne le mode de désignation des élus dans les intercommunalités. Nous aimerions discuter avec vous sur ces sujets. La décentralisation c'est aussi les compétences, les moyens, tout ce qui s'ensuit. Sur ces sujets, nous avons déjà rencontré Mme Marylise Lebranchu et Mme Anne-Marie Escoffier, qui sont plus particulièrement en charge d'un certain nombre de ces sujets. Certains, néanmoins, dépendent directement de votre ministère ; je citerai, mes collègues complèteront : la présence de la police sur le territoire, les polices municipales, la recentralisation de la sécurité civile - évoquée à plusieurs reprises lors des états généraux - la présence de l'Etat dans les territoires, à travers la question des préfectures et des sous-préfectures.
M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur. - Vous m'avez invité aujourd'hui pour échanger sur les thématiques dont le Ministère de l'Intérieur a la charge et qui intéressent les collectivités territoriales. Trois semaines après le succès des Etats généraux de la démocratie territoriale, et alors que le nouvel acte de la décentralisation se précise, un tel échange est, je crois, essentiel.
Bien sûr, ce projet sera largement porté par la ministre de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, Marylise Lebranchu, selon les grandes priorités esquissées par le Président de la République lors de son allocution aux états généraux. Mais le ministère de l'Intérieur, ministère de l'Etat dans tous les territoires et ministère des élections, reste un partenaire naturel et privilégié des collectivités et de leurs élus. À ce titre, il prendra toute sa part dans la réforme qui s'annonce.
Je pense d'abord au travail quotidien de mes services aux côtés des collectivités, qu'il s'agisse de l'administration préfectorale comme de l'administration centrale. Je tiens à cet égard à saluer la présence à mes côtés de Serge Morvan, le directeur général des collectivités locales.
Je pense aussi aux éléments de la réforme qui seront de la compétence directe et exclusive du ministère de l'Intérieur.
Il s'agit bien évidemment tout d'abord des questions d'ordre électoral. Les engagements pris pendant la campagne présidentielle ont été rappelés par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale ; le Président de la République les a précisés lors des états généraux.
Ces engagements seront concrétisés dans un projet de loi qui sera prochainement déposé devant le Sénat.
Je dois ici vous donner des précisions sur le calendrier retenu. Le 15 novembre prochain, le gouvernement a choisi d'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi sénatoriale abrogeant le conseiller territorial. Je crois que nous en sommes tous conscients ici : faute de clarté, faute de vision politique précise, cette formule doit rester lettre morte. La création d'un élu bicéphale, à la fois conseiller général et régional, risquait d'affaiblir à terme les deux institutions.
Votre assemblée a déjà pris l'initiative de supprimer le conseiller territorial. C'est donc le texte issu du Sénat qu'examineront prochainement les députés.
Cette suppression pose naturellement la question du calendrier retenu pour l'organisation des différentes élections locales. En l'état actuel des textes, quatre scrutins auraient dû intervenir en 2014 : les élections municipales et territoriales en mars, les élections européennes en juin et les élections sénatoriales en septembre. La restauration du double scrutin régional et départemental ajouterait une cinquième élection. Jamais, en France, trois scrutins n'ont été organisés le même jour ; on ne le peut pas.
Cinq élections, soit neuf tours de scrutin, en l'espace de 6 mois... ce calendrier électoral engorgé est intenable et, à coup sûr, il conduirait à une faible participation des électeurs. Dès lors, le gouvernement proposera l'organisation des élections départementales et régionales en 2015.
Ces deux scrutins auront lieu le même jour. Comme l'expérience l'a montré, en 1992 par exemple, la concomitance des élections régionales et cantonales a des effets bénéfiques sur la participation électorale. Lors de son abandon en 1994, l'abstention était remontée de dix points.
Autre nouveauté : les conseils généraux seront renouvelés en 2015 dans leur totalité. Rien ne justifiait le renouvellement par moitié. Au contraire, il faut rendre ce scrutin plus lisible pour les citoyens et donner à l'institution départementale une majorité claire pour le temps d'un mandat.
Abroger le conseiller territorial ne signifie pas qu'il faille retourne au statu quo ante. La question du mode de scrutin des élus départementaux sera donc posée. Là aussi, le Président de la République a déjà exprimé ses préférences. Lors des états généraux, il a évoqué un mode de scrutin qui respecterait, je cite, « le besoin d'un ancrage territorial en même temps que l'exigence de parité ».
Je crois que ces deux principes, en effet, doivent nous guider pour choisir un nouveau mode de scrutin susceptible d'affirmer et de renforcer la légitimité de nos élus départementaux.
Le département doit rester un échelon de proximité, profondément ancré dans nos territoires, notamment dans les territoires ruraux. Dans le même temps, nous ne pouvons pas nous satisfaire d'assemblées départementales où seulement 13% des élus sont des femmes.
Cette exigence d'une démocratie proche et lisible, nous la ferons également vivre dans le bloc communal.
Le fait intercommunal est devenu concret pour les Français. Ils savent désormais que telle voie est rénovée par leur communauté de commune, ou qu'ils doivent leur tramway à la communauté urbaine... Cette réalité des politiques publiques doit devenir une réalité démocratique.
Je proposerai que, pour la première fois, les délégués communautaires soient élus au suffrage universel, dans le même temps et par le même vote que les conseillers municipaux. Concrètement, un système de fléchage inspiré de ce qui se pratique déjà avec succès à Paris, Lyon et Marseille permettra d'accroître la légitimité démocratique de l'intercommunalité.
Nous avons fait le choix de ce mode de scrutin pour sa lisibilité : un vote unique permet de préserver la légitimité communale tout en dotant les EPCI d'élus clairement identifiés.
Je le sais, certains, notamment dans les grandes zones urbaines, souhaitent aller au-delà. Je veux les rassurer : le fléchage est une étape de démocratisation, il n'obère pas l'avenir. La commune reste l'échelon territorial le mieux connu des Français ; ils y sont attachés comme ils le sont à la figure du maire. Je crois que nous aurions déséquilibré la démocratie locale en allant trop vite.
Cette élection par fléchage des délégués communautaires doit être étendue au plus grand nombre de communes. Je vous proposerai donc d'abaisser de 3 500 à 1 000 habitants le seuil de population au-delà duquel les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste. Le gouvernement précédent avait opté pour 500, l'AMF a proposé un seuil à 1 500. Je crois que le seuil de 1 000 habitants est un bon compromis.
Cet abaissement du seuil répond également à ma volonté de rendre le scrutin municipal plus paritaire. Aujourd'hui, l'objectif de parité est quasiment atteint dans les communes de plus de 3 500 habitants, quand les communes plus petites ne comptent que 32% de conseillères municipales.
J'en ai terminé avec les questions électorales que je souhaitais aborder devant vous aujourd'hui.
J'imagine que certains d'entre vous m'interrogeront sur le cumul des mandats ou sur les évolutions du statut de l'élu. Le Président de la République s'est clairement exprimé sur ces sujets. Là encore, les priorités qu'il a esquissées sont les miennes. Mais je ne souhaite pas anticiper sur les conclusions de la commission Jospin, qui seront rendues en début de mois, ni sur les travaux que vous êtes en train de mener à l'initiative de Jean-Pierre Bel.
A présent, je voudrais évoquer les liens forts et étroits que je souhaite que mon administration entretienne avec les collectivités et plus largement avec les territoires.
C'est bien sûr le cas pour l'administration territoriale. Je souhaite restaurer un dialogue de confiance entre les préfectures et les élus. Je sais que, ces dernières années, certaines réformes décidées par l'Etat ont été mal comprises par les élus. Certaines n'ont pas été suffisamment expliquées ; d'autres ont été appliquées avec brutalité.
Je pense notamment à l'achèvement de la carte intercommunale. Je vous l'ai dit, je suis convaincu de la pertinence du fait intercommunal.
Lors de ma première réunion avec les préfets, le 5 juillet dernier, j'ai rappelé que la couverture de tout notre territoire par des intercommunalités était l'une de mes priorités. Mon objectif est très simple : je souhaite qu'aucune commune isolée ne subsiste sur notre territoire.
Je sais que cette actualité préoccupe beaucoup les élus que vous êtes, je le comprends. J'ai conscience, également, des tensions qui ont pu naître dans certains territoires.
Mais je le redis ici : la rationalisation des périmètres intercommunaux est un gage de davantage de cohérence et d'efficacité des politiques publiques ; de solidarité entre les territoires.
C'est pourquoi j'ai invité les préfets à faire aboutir, avant la fin de l'année 2012, les projets réunissant les conditions d'acceptabilité requises, en prenant dès que possible les arrêtés de périmètre correspondants. Je souhaite qu'ils y parviennent.
Pour moi, faire aboutir une réforme n'est pas l'imposer. Au contraire, cette réforme ne pourra réussir que par le rassemblement et la concertation. J'ai donc demandé aux préfets de faire preuve de souplesse et de prendre en compte les réalités du terrain. Avec mon cabinet, je suis à votre disposition et à celle des préfets pour examiner tous les cas qui présentent une sensibilité particulière au regard du contexte local.
Le dialogue entre l'Etat et les territoires réside aussi, naturellement, dans le dialogue qu'entretiennent les collectivités avec l'administration territoriale. Je sais qu'en la matière vos attentes sont fortes, je connais aussi vos inquiétudes.
Je vous l'ai dit, le ministère de l'Intérieur est le ministère de l'Etat, un Etat dont les préfectures et le corps préfectoral constituent la colonne vertébrale en assurant sa présence et sa continuité sur l'ensemble du territoire.
Cette administration territoriale doit être reconnue, efficace et équilibrée. Alors que nous connaissons une contrainte budgétaire sans précédent, il est temps de clarifier les missions de l'Etat dans les territoires. J'ai annoncé dès juillet que je souhaitais lancer une réflexion ambitieuse sur les missions dévolues aux sous-préfectures. Je le répète : je suis profondément attaché au réseau des sous-préfectures. Elles constituent un élément primordial de la cohésion sociale et territoriale. Mais, parce que j'y suis attaché, je souhaite que ce réseau soit adapté aux nouvelles réalités locales dans ses missions et dans son organisation.
Les missions d'abord. Elles ne peuvent pas être les mêmes en fonction des territoires : urbains, périurbains, ruraux, frontaliers, montagnards... . Il faut donc élaborer par catégorie de sous-préfecture une typologie des arrondissements et des missions assurées, autour d'un socle d'attributions communes.
L'étape suivante sera de donner à chaque sous-préfecture sa place dans cette typologie afin de déterminer ce que doivent être désormais ses missions. C'est en fonction de ces éléments que nous poserons la question de la carte des sous-préfectures.
Ce travail est ambitieux. Il ne pourra aboutir sans une concertation large. C'est pourquoi j'ai confié une mission à trois personnalités qualifiées : le chef de l'Inspection générale de l'administration, le président du Conseil supérieur de l'administration territoriale de l'Etat (CSATE) et la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR). Je leur ai demandé de conduire cette concertation. Ils rencontreront naturellement les élus et leurs associations, mais aussi les organisations socioprofessionnelles et les usagers. Cette mission me fera part, au printemps 2013, de ses propositions sur l'évolution du réseau des sous-préfectures. Nous serons alors dans une nouvelle étape de la décentralisation.
Je terminerai ici ce propos liminaire. J'imagine que nous aurons l'occasion d'approfondir ces sujets, d'en aborder d'autres. Ceux, notamment, liés à la sécurité. Là aussi, nous devons avoir, ensemble, un dialogue étroit et constructif. Les élus, et particulièrement les maires, ont tout leur rôle à jouer dans la politique de sécurité, que j'ai déjà eu l'occasion de présenter, comme je le ferai à nouveau lors de la discussion budgétaire. Je veux insister sur les créations de postes de policiers et de gendarmes. Plus de 10 000 postes ont été supprimés ces cinq dernières années, 2 700 devaient l'être en 2013. Nous avons arrêté cette hémorragie : nous remplacerons tous les départs à la retraite dans la police comme dans la gendarmerie, et nous créerons 500 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes à partir de 2013. Cela représente, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, 6 000 policiers et gendarmes professionnels recrutés dès 2013. Par ailleurs, les élus seront bien sûr associés à la préparation comme au pilotage des zones de sécurité prioritaires. Je vais annoncer en novembre une cinquantaine de zones supplémentaires. Je considère qu'une centaine de territoires peuvent répondre aux conditions de création des ZSP. Celles-ci sont pilotées par le préfet et le procureur de la République en lien très étroit avec les maires et les élus, en vue de missions très précises de lutte contre les violences, les trafics de drogues et d'armes, les cambriolages.
Les polices municipales jouent déjà un rôle essentiel dans ce domaine au côté de la police nationale et de la gendarmerie. L'articulation entre ces forces mérite d'être améliorée ; nous lancerons cette réflexion. J'en profite pour saluer le rapport remarquable remis il y a quelques semaines par vos collègues René Vandierendonck et François Pillet sur les polices municipales. Nous disposons là d'un socle à partir duquel nous pourrions, me semble-t-il, construire un accord sur le rôle de cette troisième force de sécurité intérieure.
Je terminerai par cette conviction : notre pays a besoin d'un Etat fort, incarné, présent sur l'ensemble du territoire, alors même que nous traversons une crise majeure des finances publiques. Celle-ci peut d'ailleurs encourager des demandes de recentralisation. Certains demandent par exemple une étatisation des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Tout cela confirme qu'il y a des attentes à l'égard de l'Etat. Cette force et cette présence ne seront possibles que si celui-ci maintient un lien étroit avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Merci pour cette présentation Monsieur le ministre. Avant de passer la parole à mes collègues, je voudrais vous poser deux questions.
La première a été soulevée lors des états généraux de la démocratie territoriale au Sénat et concerne les petites communes où le nombre minimum de conseillers municipaux est de neuf. L'idée de diminuer ce nombre à sept a été avancée, qu'en pensez-vous ?
La deuxième concerne l'élection des conseillers généraux, dont il m'a été indiqué qu'ils prendraient le nom de conseillers départementaux. Est-ce exact ? Par ailleurs est-il prévu des redécoupages dans les circonscriptions cantonales, le Conseil d'État ayant exigé moins de différences entre les cantons ? Cela avait d'ailleurs été un des arguments utilisés pour créer les conseillers territoriaux et je crois savoir que ce découpage doit respecter les circonscriptions législatives. Enfin, dans le contexte de pleine refonte de l'intercommunalité, il a été évoqué, et je sais que cela n'est pas facile, que le découpage des cantons ne soit pas complètement déconnecté du découpage des intercommunalités, qu'en pensez-vous ?
M. Rémy Pointereau. - Merci, Monsieur le ministre pour ces éclairages et ces précisions. Je voudrais de mon coté évoquer deux sujets.
Sur l'intercommunalité, au regard de tout ce qui a été dit dans différentes enceintes et notamment lors des états généraux, il semble effectivement qu'il y ait une volonté des élus de faire une pause dans le regroupement des intercommunalités, dynamique qui créée de plus en plus de malaise. S'agissant du seuil applicable en matière de scrutin communal, vous avez évoqué son abaissement de 3 500 à 1 000 habitants, pour des raisons de parité. L'Association des maires de France (AMF) propose un seuil à 1 500 habitants, la plupart de nos élus dans les départements souhaitent un seuil autour de 2 000 habitants. On parle beaucoup de démocratie territoriale, or il faudrait sans doute, en la matière, respecter la volonté des élus sur le terrain. En ce qui concerne le fléchage, s'agissant des listes qui ne seront pas désignées à la proportionnelle et pour lesquelles il y a une possibilité de panachage ce sera difficile. Je souhaite donc, comme un certain nombre d'élus, que l'on puisse élire les délégués communautaires au sein des conseils municipaux, comme on le faisait auparavant, d'autant que nombre de délégués des communautés de communes souhaitent un prolongement de l'amendement Pélissard, qui permet de se mettre d'accord au sein des conseils communautaires, au-delà de 2014.
En ce qui concerne le scrutin départemental, puisque c'est ainsi, semble-t-il, que l'on devra l'appeler désormais, j'ai bien compris que le conseiller territorial allait être supprimé en poursuivant le processus initié par la nouvelle majorité du Sénat. J'ai également compris que nous aurons bientôt un nouveau scrutin qualifié de binominal à deux tours avec un homme et une femme sur deux cantons. J'aimerais savoir comment cela va fonctionner sur le terrain ; autrement dit, aura-t-on un élu affecté à un canton en particulier ou les deux seront-ils affectés à l'ensemble de la circonscription ? Si l'on qualifiait le conseiller territorial d'élu hybride ou bicéphale, ma crainte c'est que l'on ait désormais un couple infernal... Je souhaiterais donc avoir votre position sur ce point.
Enfin, sur le découpage, j'aimerais savoir comment vous aller procéder en fonction des territoires des communautés de communes. L'opposition sera-t-elle consultée pour mettre en place ce nouveau découpage, sachant que si dans le cadre de la réforme du conseiller territorial on s'acheminait vers des circonscriptions d'environ 12 000 habitants en moyenne, avec votre réforme nous nous orientons plutôt vers des circonscriptions de 20 000 habitants.
M. Yves Krattinger. - J'ai pour ma part plusieurs questions à l'attention du ministre. Je souhaiterais d'abord connaitre le calendrier du projet de loi sur les modes de scrutin, notamment s'agissant de son dépôt en première lecture.
Ensuite, vous avez évoqué, Monsieur le ministre, le renouvellement en totalité des conseils généraux. Sur ce point, l'Assemblée des départements de France (ADF) a pris une position assez consensuelle en faveur d'une identification entre la dénomination des élus et le territoire à l'échelle duquel ils exercent leur mandat : la coexistence des conseillers régionaux et des conseillers généraux pose un problème de lisibilité. Ces derniers doivent devenir des conseillers départementaux n'ayant pas une vocation « générale » mais bien départementale, au sein de conseils départementaux et à coté des conseils régionaux. S'agissant du mode de scrutin, il faut faire attention me semble-t-il. Les sénateurs sont élus, pour ceux d'entre eux qui sont élus au scrutin uninominal, sur des territoires départementaux dans lesquels ils croisent d'autres sénateurs élus au sein de la même circonscription, parfois de bord politique différent, et les choses se passent bien. Dès lors, la coexistence de deux élus de sensibilité politique différente dans un même territoire ne me parait pas poser de problème.
Sur le bloc communal, je relaie le point de vue des communautés de communes qui estiment que le nombre de délégués est un sujet qui les regarde. Au moment où on leur parle de liberté locale, il n'est pas logique de vouloir déterminer de façon uniforme pour tous les territoires un nombre de délégués communautaires. Je comprends que l'on puisse vouloir limiter le volume des dépenses liées à l'indemnisation des fonctions, mais le nombre de délégués doit demeurer une question d'organisation interne.
Sur les seuils, je voudrais, là encore, rappeler la position de la l'association des maires ruraux de France (AMRF), qui souhaite un scrutin de liste dès le premier habitant. Dans ces territoires souvent confrontés à des départs, il arrive que les élus se retrouvent à quelques uns pour délibérer. L'avantage du scrutin de liste est de permettre de combler les éventuels départs d'élus en puisant dans la liste. Cet argument est solide car, effectivement, en milieu rural, le risque de politisation est moindre et tous ceux qui, comme moi, ont été maire de commune de moins de 200 habitants le reconnaissent.
A l'égard des élus il y a un problème de pédagogie, comme le montrent les réponses au questionnaire des états généraux. Tous n'ont pas compris le système du fléchage, aussi faudrait-il sans doute faire des simulations de scrutin de liste avec fléchage pour que le système soit bien appréhendé.
S'agissant du dialogue et des relations de confiance entre l'État et les collectivités territoriales, que vous avez largement abordé Monsieur le ministre, il s'agit effectivement de la bonne méthode, notamment pour l'achèvement de l'intercommunalité. Et sur ce point il n'y a pas que la carte qui pose des problèmes, car lorsque le préfet prend ses arrêtés de fusion, par exemple, on constate chez les élus, qui souhaitent mesurer les impacts concrets, un énorme besoin d'expertise juridique, fiscale et financière. Il en est de même avec les dissolutions de syndicats de coopération intercommunale, que les préfets conduisent sans expertise.
En ce qui concerne les sous-préfectures, 30% des élus qui ont répondu au questionnaire dans le cadre des états généraux, envisagent effectivement des suppressions.
Sur le statut des élus, je voudrais souligner ce qui ressort, là encore, des questionnaires, à savoir la demande d'une reconnaissance de l'engagement citoyen des élus locaux, mais également les préoccupations relatives à la retraite, à la couverture sociale et au retour à l'emploi pour tous ceux qui travaillent dans le secteur privé.
M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur. - Sur la diminution possible du nombre de conseillers municipaux, l'exemple évoqué étant le passage de neuf à sept, nous pouvons envisager cette demande en lien avec l'abaissement du seuil démographique pour le scrutin de liste. L'AMF y est d'ailleurs favorable et il n'y a pas de raison pour que nous ne traitions pas cette revendication.
Sur le mode de scrutin pour le conseiller départemental - si l'on conserve effectivement cette dénomination - l'arbitrage politique n'a pas encore été acté. Les hypothèses sont les suivantes. La première est celle d'un scrutin départemental de liste, comme celui que nous connaissons pour les régionales. Mais, dans ce cas, les deux collectivités auraient le même mode de scrutin, ce qui prêterait à confusion, particulièrement si le scrutin a lieu le même jour. Si certains y voient un avantage, il n'en demeure pas moins qu'il y aurait là un problème de lisibilité et un défaut d'ancrage territorial. La seconde hypothèse serait le maintien du mode de scrutin actuel, même avec des modifications visant au redécoupage. Dans ce cas, l'objectif de parité ne pourrait être atteint. Dès lors, la voie qui consisterait à rechercher un ancrage territorial et le respect de la parité conduirait au scrutin binominal. Si cette solution est retenue, elle imposera, pour tenir compte des préconisations du Conseil d'État, un remodelage de la carte cantonale, car le canton est devenu inadapté face aux évolutions démographiques. En effet, les écarts de population constatés vont de 1 à 47. Dans l'hypothèse où le scrutin binominal serait acté et proposé, il faudra effectivement demander un avis au Conseil d'État pour préciser en amont le cadre juridique du redécoupage. Je rappelle qu'un avis sera demandé aux conseils départementaux et que le ministère de l'Intérieur, qui aura en charge ce redécoupage, devra évidemment respecter les équilibres démographiques et les logiques territoriales. Pour être complet, et je m'avance sur un terrain qui n'est pas le mien à ce stade, il est évident que l'introduction d'une dose de proportionnelle - la commission Jospin fera des propositions en la matière - conduirait également à un redécoupage législatif d'une ampleur plus ou moins importante selon les choix qui seront effectués.
Je ne fixerais pas, a priori, les limites cantonales en fonction de la carte des territoires intercommunaux, qui restent des territoires de projets dans lesquels les considérations politiques ne l'emportent pas. Il me paraît donc difficile de calquer un redécoupage cantonal sur la carte intercommunale. Il est vrai, aussi, que les logiques des territoires font parfois que cela s'y prête.
S'agissant d'une pause dans l'achèvement de l'intercommunalité, je vous rappelle que le plus important pour moi est qu'il n'y ait plus de communes isolées. Concernant le rythme des regroupements, il faut effectivement faire preuve de sagesse et je partage ce que viens de dire le sénateur Krattinger sur l'attention à porter aux questions d'expertise et aux problématiques posées par l'intercommunalité, y compris d'un point de vue financier. En matière de scrutin je reste ouvert sur la fixation du seuil, même si j'ai le sentiment que 1 000 habitants est un bon seuil. J'ajoute que le fait d'étendre la parité à ce niveau là me parait une bonne chose. Sur la date du projet de loi, ce sera plutôt janvier 2013. S'agissant du nombre de délégués, je note que la proposition de loi du sénateur Alain Richard propose de déplafonner le nombre de délégués, mais je crois qu'il faut faire attention car la hausse pourrait être de 13 000 délégués communautaires et 4 000 vice-présidents. Même si l'on conserve une enveloppe indemnitaire inchangée, les questions de gouvernance restent une réalité. Au fur et à mesure que les regroupements ont pris de l'importance et que l'on a élargi les territoires, les conseils communautaires, les exécutifs communautaires, le nombre de vice-présidences, le nombre de conseillers communautaires délégués ont eu tendance à croître. En termes de gouvernance, et au vu des compétences des agglomérations ou des communautés de communes, des problèmes peuvent donc se poser. L'idée que la loi encadre et que la liberté demeure quand il y a unanimité me paraissait intéressante.
Sur la problématique des relations entre les préfets et les élus, notamment les questions de l'achèvement de l'intercommunalité, de l'expertise, de la dissolution de syndicats, je souhaite qu'il y ait un dialogue fructueux et que rien ne soit imposé. Il faut évidemment que l'intérêt général s'exprime et que l'État assume ses responsabilités, mais qu'on puisse également avancer avec le souci de l'expertise, de l'analyse financière, technique, fiscale. D'ailleurs, s'agissant des simulations, beaucoup sont effectuées par les directions départementales des finances publiques (DDFIP), même si elles ne peuvent pas toujours s'exécuter dans les délais demandés par les élus, ainsi que par la direction générale des collectivités locales (DGCL).
Concernant les sous-préfectures, je partage votre remarque mais, en la matière, j'attendrai la fin de la mission.
Enfin, sur le statut de l'élu, je vous propose d'avancer ensemble sur un sujet qui n'est pas facile dans le contexte actuel.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Merci Monsieur le ministre.
M. Raymond Couderc. - J'ai une question relative au calendrier. A quel moment comptez-vous nous présenter le texte sur le cumul des mandats ? Deuxièmement, je souhaiterais savoir quels moyens vous envisagez pour l'immobilier affecté à la police car, malheureusement, les locaux sont souvent peu appropriés. Enfin, quels critères objectifs avez-vous définis pour cerner les zones de sécurité prioritaire ?
M. Christian Favier. - Je souhaite tout d'abord saluer la sagesse du gouvernement sur le calendrier ; c'est assurément une excellente chose que d'éviter la tenue de cinq élections la même année. S'agissant du mode de scrutin pour les élections départementales, vous avez évoqué l'ancrage territorial et la parité. Ce sont deux principes auxquels nous sommes tous très attachés mais il manque, à mon sens, la reconnaissance du pluralisme, évoquée à travers la possible mise en place d'une dose de proportionnelle. Or, si la proportionnelle semble envisageable pour les élections législatives, pourquoi n'en serait-il pas de même pour les élections départementales ? J'en viens à l'intercommunalité, notamment l'Île-de-France et la particularité de sa petite couronne, où l'obligation d'achever la carte de l'intercommunalité dans le calendrier national fixé ne s'applique pas. Néanmoins, comment prévoit-on d'avancer pour être tout de même en harmonie ? Enfin, quid du recours au référendum local pour trancher d'éventuels désaccords sur les propositions qui seraient formulées par les préfets en matière de regroupement intercommunal ?
M. François Grosdidier. - L'idée du conseiller territorial a été abandonnée, nous respectons le fait majoritaire... En ce qui concerne le conseiller général, qui sera rebaptisé conseiller départemental, même si la dénomination change, ce dernier continuera à intervenir dans tous les domaines. En effet, il bénéficiera toujours de la clause générale de compétence. Les élus des différents niveaux de collectivités territoriales continueront à agir dans tous les domaines. En revanche, le conseiller territorial aurait pu apporter plus de cohérence, à l'image de ce qui se passe dans le bloc communal : on a un même élu pour la commune et l'intercommunalité, les compétences sont réparties entre l'une et l'autre. Ainsi, lorsqu'une commune a transféré une compétence à son EPCI, elle ne peut plus l'exercer. Ce système permet de la cohérence.
En ce qui concerne le découpage des circonscriptions cantonales, allez-vous privilégier la représentation des territoires ou celle de la seule population ? Je m'explique : allez-vous utiliser au maximum la fourchette validée par le Conseil constitutionnel qui permet un écart de plus ou moins 20% par rapport à la population moyenne par circonscription, ou le découpage se fera-t-il en fonction d'une fourchette plus réduite pour que la population soit représentée de manière égale sur l'ensemble du territoire ? On peut difficilement envisager d'avoir une fourchette plus grande sans risquer la censure du Conseil d'Etat. Je souhaite souligner que le précédent Président de la République n'a pas lancé le redécoupage des circonscriptions alors qu'il aurait pu le faire. En effet, un redécoupage est nécessaire indépendamment de la question du mode de scrutin. Ce soin a été laissé à la nouvelle majorité. J'espère, Monsieur le ministre, que vous y serez sensible et ferez preuve d'ouverture d'esprit...
Autre point : l'achèvement de la carte de l'intercommunalité a été le volet de la réforme des collectivités territoriales de 2010 le plus contesté par les élus communaux : ceux qui ont fait une campagne sénatoriale l'ont bien senti. Cette contestation a été bien plus forte que l'opposition à la mise en place du conseiller territorial. Parmi les dispositions les plus critiquées de l'achèvement de la carte de l'intercommunalité, on peut citer les pouvoirs conférés au préfet dans l'opération : ils sont plus importants que ceux de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI). Notamment, le préfet n'est pas obligé de tenir compte d'un avis pris à la majorité simple par la CDCI. Pour qu'un avis de celle-ci s'impose au préfet, il doit être adopté à la majorité des deux-tiers des inscrits, ce qui signifie une quasi-unanimité des votants, surtout dans les très grands départements. Cette disposition va-t-elle être changée - je sais que la majorité sénatoriale s'y était engagée - ou bien conservez-vous le cadre législatif existant ?
Je change de sujet pour en venir au fonds interministériel de la prévention de la délinquance (FIPD). Ce fonds a permis un développement très important de la vidéoprotection, à la satisfaction des élus locaux et des forces nationales de sécurité. En effet, il permet un cofinancement de l'Etat allant jusqu'à 50%, ouvert aux communes, tant urbaines que rurales. Or, on nous annonce aujourd'hui la fin du financement de la vidéoprotection par le FIPD. Ma ville est aux deux tiers classée en zone urbaine sensible (ZUS) ; je pourrai donc toujours bénéficier de crédits pour des actions de prévention de la délinquance. Mais qu'en est-il pour le reste du département ? Qu'en est-il de la pérennité de ces financements ?
Autre question très empoisonnante pour beaucoup de départements : le problème des aires de grand passage. La loi fixe la réglementation applicable pour les aires de stationnement, notamment pour les villes de plus de 5 000 habitants. Cependant, elle est peu précise pour les aires de grand passage. Ces dernières sont gérées au niveau de l'arrondissement. Or l'arrondissement ne dispose pas de la personnalité juridique. Dès lors, personne n'est responsable de la mise en place de ces aires. Par conséquent, alors même que certaines villes respectent les prescriptions du schéma départemental et ont construit des aires communales de stationnement des gens du voyage, elles se voient retirer le bénéfice des dispositions permettant d'évacuer un campement sauvage, au motif que l'aire de grand passage prévue n'existe pas. La solution ne serait-elle pas de désigner par la loi un responsable pour les aires de grand passage, que ce soit l'Etat ou le département ? Ne pensez-vous pas qu'une étude sur ce sujet soit souhaitable ?
Je souhaiterais terminer avec la question des sous-préfectures car je veux exprimer ma grande inquiétude. Le président de l'ARF a récemment qualifié le réseau des sous-préfectures d'obsolescence napoléonienne. J'insiste au contraire sur la nécessité de le maintenir. Les élus locaux y sont attachés pour au moins deux raisons. D'une part, du fait de la neutralité des fonctionnaires de l'Etat par rapport aux personnels des départements et régions qui remplissent également une mission de conseil pour les communes. D'autre part, parce que les membres du corps préfectoral disposent d'une autorité sur les services de l'Etat, lesquels sont souvent bloquants. On a parfois affaire à des fonctionnaires qui aident à trouver des solutions ; ce sont généralement des fonctionnaires généralistes. Mais nous devons aussi faire face à des fonctionnaires, généralement techniciens, qui bloquent les dossiers. Les sous-préfets peuvent intervenir dans ces cas pour résoudre les problèmes.
M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur. - Sur le sujet du cumul des mandats, le calendrier n'est pas encore fixé. J'attends les conclusions de la commission dite Jospin, qui fera un certain nombre de propositions. J'imagine qu'il faudra traduire ces préconisations en texte de loi, avec une concertation et une consultation préalables. Je pourrai ensuite vous donner un calendrier plus précis. Je ne peux vous en dire plus à ce stade.
Vous avez abordé le sujet de l'immobilier à disposition des forces de l'ordre, qu'il s'agisse des commissariats de police ou des brigades de gendarmerie. Je l'ai dit, mon ministère est préservé en matière d'effectifs. Nous essayons également de donner en priorité des moyens de fonctionnement aux policiers et aux gendarmes. Je pense aux véhicules, au carburant, etc. Nous sommes bien sûr très attentifs aussi aux conditions de protection des personnels. Mais, pour 2013, les crédits ne permettront de faire qu'un certain nombre d'opérations : la police judiciaire de Paris aux Batignolles et quelques urgences, comme le commissariat du XIIIe arrondissement qui a brûlé, ainsi que quelques autres dossiers que j'exposerai lors de la présentation du budget. Ces dossiers font souvent l'objet d'un cofinancement avec les collectivités territoriales. C'est le cas en Île-de-France et dans d'autres régions. Un tiers des commissariats et des brigades de gendarmerie ne sont pas en bon état. C'est un vrai sujet de préoccupation, lorsque je les visite et que je constate leur mauvais état. Quelques dossiers peuvent avancer, tel que celui du commissariat de La Rochelle, mais j'ai sur ma table beaucoup d'autres projets.
Vous m'avez également interrogé sur les critères de création des zones de sécurité prioritaires. Dans la liste que j'ai publiée en juillet dernier, il n'y avait pas beaucoup de surprises pour ce qui concerne les zones urbaines, notamment en termes de niveau de délinquance : violences aux personnes, cambriolages, atteintes aux biens, etc. C'est sur ces bases que nous travaillons. Nous avons évidemment retenu les zones de sécurité prioritaires identifiées dans les zones gendarmerie, qui peuvent obéir à d'autres critères que ceux que je viens d'évoquer, notamment eu égard à l'accroissement d'un certain nombre de phénomènes de délinquance dans les zones périurbaines ou rurales. Dans la liste que nous préparons dans le cadre interministériel, nous essayons d'être vraiment au plus proche de ce qu'est la réalité de la délinquance, et personne ne sera oublié. Nous avons des zones de sécurité prioritaires avec des objectifs précis, mais le reste du territoire évidemment est tout aussi important pour nous.
En ce qui concerne le cas de l'Île-de-France, Marylise Lebranchu s'est exprimée ou s'exprimera, en lien avec Cécile Duflot, sur l'avenir de ce que l'on appelle le Grand Paris. Il faudra avancer sur l'intercommunalité dans la petite couronne, mais ce sera au cours de l`année 2014. Le référendum local existe, il est loisible aux collectivités territoriales d'avancer dans ce domaine.
Sur le FIPD, j'ai pu lire ici ou là des déclarations hasardeuses. Je veux répondre à toutes les attentes et à toutes les demandes des collectivités concernant la mise en place de la vidéo protection. Un amendement voté hier à l'Assemblée nationale abonde de 10 millions d'euros le FIPD vidéo, pour le faire monter à près de 20 millions d'euros. Ce montant sera soumis à votre assemblée. Vous pouvez encore l'augmenter : cela permettra de répondre à beaucoup de demandes des collectivités territoriales. Je prends deux exemples au hasard : à Marseille nous devons faire un effort très important de mise en place de vidéo protection sur l'ensemble des quartiers Nord. De même, le maire de Bordeaux a évoqué sa volonté de poursuivre et terminer son plan de vidéo-protection. Quoi qu'il en soit, nous serons au rendez-vous dans ce domaine, car je sais que s'ils sont bien réalisés, de manière très professionnelle, en lien avec les élus et en associant les citoyens, ces dispositifs sont tout à fait efficaces.
Sur le découpage, nous partirons d'un écart démographique très important, de 1 à 47. Même si, évidemment, l'aspect démographique est essentiel, je suis bien conscient qu'il faudra aussi tenir compte, et ce sera tout l'objet du travail à mener, de ce que sont les territoires.
En ce qui concerne les aires de grand passage - dont l'implantation ne dépend pas de la taille des communes contrairement à ce qui est le cas pour les aires d'accueil - il faut appliquer les deux lois Besson. On en est loin ; il y a là aussi un problème de chef de file et de responsabilité de l'Etat face à ces problématiques, notamment au moment de grandes fêtes religieuses. On constate une vraie insatisfaction en ce qui concerne le taux de réalisation des aires de grand passage. L'intercommunalité est une bonne échelle. Là aussi, il faut terminer les schémas départementaux ou intercommunaux concernant les gens du voyage.
M. Yannick Botrel. - Je voudrais revenir sur l'élection future des conseillers généraux. On a bien compris que la parité va s'exercer et que nous aurons deux élus sur un même territoire. Est-il posé comme principe que le nombre de conseillers généraux ne devra pas augmenter ? Devra-t-il rester ce qu'il est aujourd'hui par département ? Mathématiquement, cela signifie que des cantons seront regroupés par deux, et cela pourrait interférer avec le découpage dont il était question il y a un instant. Deuxième point : vous avez confirmé que l'intercommunalité serait généralisée à toutes les communes. Dans la loi en vigueur, un cas particulier a été retenu et l'élu breton que je suis y a été sensible : celui des îles constituant une seule commune. Elles avaient été exclues de la généralisation de l'intercommunalité. Ceci est un cas tout à fait particulier, mais qui se pose. Ensuite, sur la représentation des conseillers communautaires dans le cadre futur, on a bien compris que certaines communes craignaient de voir le nombre de leurs représentants diminuer. Pour autant, il faudrait qu'une équité existe en termes de représentation de la population. Si certaines communes ont un nombre déterminé de représentants, elles peuvent de facto être surreprésentées par rapport à la population globale.
Sur le statut de l'élu, un certain nombre d'élus sont conduits à interrompre leur carrière professionnelle pour exercer des mandats d'élus. Ils cotisent au titre de leur retraite à l'IRCANTEC, voire à un organisme de retraite complémentaire volontaire. Mais la vraie question est la validation de leurs trimestres de retraite au régime général. Il serait intéressant qu'une réflexion ait lieu sur ce sujet : comment les élus peuvent-ils continuer à valider des trimestres retraite au titre du régime général, en cotisant bien entendu. Dernière chose : il a été fait allusion à la nécessité de maintenir un certain nombre de conseillers municipaux par commune, et sur le principe j'y suis favorable. Le minimum est de neuf. Comme on peut supposer qu'une élection municipale est nécessairement pluraliste, on peut imaginer deux listes : 9 + 9 = 18. On peut supposer aussi que toute la population ne sera pas candidate à l'élection. Vos services pourront peut-être me dire, Monsieur le ministre, combien de communes n'ont pas 50 habitants en France.
M. Jacques Mézard. - Si j'ai bien compris, Monsieur le ministre, il n'y a pas de remise en cause prévue du scrutin régional, ce que je déplore. Vous parlez d'ancrage territorial, mais nous avons quand même dans nos départements un certain nombre d'élus « hors sol », des zombies de la politique que personne ne connaît et qui n'ont strictement aucun ancrage territorial. C'est une constatation, une réalité de terrain que nous connaissons parfaitement les uns et les autres. Dans nos départements, les élus régionaux ne sont pas reconnus. Ils ne correspondent pas à ce que l'on attend d'élus au suffrage universel. Je constate que ce problème n'est pas à l'ordre du jour, pour des raisons que je pense comprendre.
Y aura-t-il une remise en cause ou une modification du scrutin sénatorial ? C'est aussi une question qui peut intéresser un certain nombre de mes collègues, d'autant qu'avant ce scrutin sénatorial nous allons renvoyer à la maison un peu plus de mille conseillers généraux, qui n'en seront manifestement pas toujours contents, si le scrutin binominal est la solution retenue.
Cela me conduit à la question du seuil pour les élections communales : s'il était réduit à zéro, cela renverrait à la maison plusieurs dizaines de milliers d'hommes élus locaux. Mon discours n'est pas dirigé contre la parité, mais c'est une réalité. Ce sont des personnes qui souvent, dans les petites communes notamment, ont beaucoup apporté et apportent beaucoup à la gestion communale. On parle beaucoup de la reconnaissance des citoyens engagés. La reconnaissance que nous allons leur manifester, c'est d'en envoyer un certain nombre de milliers à la retraite plus vite qu'ils ne le prévoyaient. Il s'agit d'une constatation.
Sur l'intercommunalité et le fléchage, la vraie difficulté est l'équilibre entre la ville-centre, le bourg-centre, et les communes qui l'entourent. Je comprends la nécessité de ne pas avoir de formation pléthorique. Je préside une communauté d'agglomération, dans mon conseil communautaire il y a 79 élus. C'est beaucoup. Quand il y a 25 communes, il est difficile que chaque commune n'ait pas un élu. Mais il faut penser au maire, au représentant de la commune, qui est tout seul et doit être partout, dans les commissions, dans son conseil municipal et dans l'intercommunalité. Il a au moins besoin d'un second, sous une forme ou sous une autre. Nous avions déposé un amendement sur les suppléants et je suis heureux qu'il ait pu être adopté. Quelle est votre position sur ce problème des petites communes dans les intercommunalités ?
Une dernière question, sans sous-entendu : je ne vais pas aborder le problème du cumul des mandats du point de vue du mandat parlementaire, vous savez ce que j'en pense et que nous irons jusqu'au bout de nos convictions, que je vous ai déjà exposées. Par contre, envisagez-vous de vous attaquer au cumul des mandats locaux ? Je prendrai l'exemple de Lille, mais il y en aurait d'autres : il est difficile de mener à la fois la mairie de Lille et la communauté urbaine de Lille. Ce cumul peut être parfois plus lourd que celui d'un mandat parlementaire avec celui de maire d'une commune de mille habitants.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je voudrais souligner qu'un point a recueilli l'unanimité à l'occasion des états généraux de la démocratie territoriale. Pour les élections municipales, tout le monde a demandé à ce qu'il y ait une obligation de dépôt des candidatures. Il faut élire des gens qui sont candidats.
M. Georges Labazée. - J'ai présenté devant la délégation, il y a quinze jours, un rapport sur les relations partenariales entre l'Etat et les collectivités territoriales au travers de l'analyse des contrats de projets Etat-régions. Nous y avons analysé plusieurs territoires : l'Alsace, où le processus de réunion de la région et des départements est en cours, la Corse, qui a statué sur son organisation institutionnelle au cours d'un référendum en 2003, et le Pays basque. Le conseil des élus et le conseil de développement de ce dernier préconisent depuis hier soir la création d'un département basque. Y êtes-vous favorable ?
M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur. - Je pense qu'il faudra partir de la réalité départementale pour fixer le nombre d'élus : l'application d'un schéma national poserait trop de problèmes. Mais, encore une fois, des consultations seront nécessaires.
S'agissant de l'intercommunalité, on ne touchera évidemment pas au cas particulier des îles, qui a été pris en compte par la loi du 29 février 2012. Sur la représentation des conseillers communautaires, il faut effectivement avoir en tête l'équité, et cela rejoint le problème de la représentation des petites communes. Il faut essayer de trouver de la souplesse dans ce domaine, comme je l'indiquais tout à l'heure, même s'il existe déjà une possibilité de participation aux commissions de conseillers municipaux qui ne sont pas élus communautaires.
S'agissant du statut de l'élu, un travail doit être fait. J'entends bien tout ce qui est dit, et à juste titre. Il faut désormais essayer d'avancer. Le Président de la République l'a également évoqué.
Dans notre République, il y a différents échelons et différents modes de scrutin. Selon les collectivités, nous avons des modes de scrutin divers : scrutin majoritaire, proportionnel. Ces modes de scrutin permettent l'ancrage territorial ou la parité - de plus en plus et il faut la développer - et, en même temps, ils offrent de la diversité sur le plan politique. Je n'ai pas de projet concernant le scrutin régional.
S'agissant du scrutin sénatorial, j'attends aussi les propositions de la commission Jospin. Je ne doute pas que le Sénat ait aussi des propositions à faire.
Sur le seuil applicable aux élections municipales, je l'ai évoqué tout à l'heure en parlant de mille habitants. Je sais aussi que l'association des élus ruraux propose un seuil de zéro. Le Gouvernement avancera sur l'idée de mille.
La Corse a déjà un statut, faut-il aller plus loin ? Je pense qu'elle a d'autres défis aujourd'hui. L'Alsace, dans le cadre de la loi, expérimente un processus qui va sans doute aller jusqu'au bout. Il doit se traduire par un référendum assez rapidement. Les choses avancent, très librement et en lien avec les ministères concernés.
Concernant le Pays basque, vous m'avez posé une question, je n'ai pas de position officielle sur ce sujet. Mais peut-être souhaitiez-vous recueillir mon sentiment personnel, si le ministre peut en avoir un. Un département basque ? Je m'y oppose, très clairement. Je crois que ce serait aujourd'hui une faute, mais je vous donne mon sentiment.
Nous devons prendre en compte ce qu'est l'identité basque, la langue, la culture ; c'est une réalité que personne ne peut gommer. Des choses peuvent être faites dans le cadre du pays. Mais, pour ce qui est des frontières départementales, des évolutions statutaires, j'attire l'attention sur le fait que nous prendrions des risques, au vu de ce qui se passe du côté espagnol. Je ne le souhaite pas. Prenons garde de ne pas favoriser une revendication qui mettrait à mal l'unité de la République.
M. Georges Labazée. - Je vous remercie de votre déclaration, qui me convient.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Beaucoup de questions ont déjà été évoquées. Sur le statut de l'élu, je rappelle que notre délégation a adopté à l'unanimité un rapport que j'ai présenté il y a quelques mois avec notre collègue Philippe Dallier. Sans résoudre toutes les questions, il les évoque au moins, et notamment celles qui ont été abordées ce soir.
Sur le mode de scrutin, celui qui va être retenu va l'être par défaut, puisque personne ne veut de la proportionnelle et qu'il faut la parité. Mais je trouve le système binominal complètement baroque. Il avait été proposé il y a deux ou trois ans au groupe socialiste du Sénat, nous l'avions rejeté. On comprend les arguments : il faut de la parité et on ne veut pas de la proportionnelle. Tout le monde va donc s'y rallier. Attention tout de même à l'absence de représentation des territoires. Je sais bien qu'il s'agit de représenter des hommes et non des territoires, mais il y a des risques qu'il y ait des territoires non représentés. Il faudra faire attention à cela.
Sur la représentation territoriale de l'Etat, à titre personnel, la disparition des sous-préfectures ne me gêne absolument pas, dans certains cas. Il est en effet des territoires où leur présence a du mal à être justifiée. En revanche, il ne faut pas supprimer les hauts fonctionnaires qui peuvent aider le préfet. Si les sous-préfets ont une mission transversale, l'emploi, le tourisme par exemple, je pense qu'ils sont utiles.
Quand au préfet, c'est quand même par un abus de langage assez fort que l'on dit qu'il est le représentant de l'Etat dans le département. Il ne représente ni la magistrature - je ne le demande pas d'ailleurs -, ni l'éducation nationale, ni la santé : c'est-à-dire que trois grands domaines régaliens lui échappent. A cet égard, j'aimerais avoir votre sentiment sur la pérennisation des Agences régionales de santé (ARS). Les faire passer sous la tutelle du préfet de région ne permettrait-il pas une économie de moyens avec une efficacité préservée ? Pour l'instant, je ne vois pas ce qu'elles apportent de plus. Elles échappent au préfet. On ne sait plus qui fait quoi.
Je salue les créations de poste au sein de la gendarmerie. J'appelle votre attention sur le fait qu'on ne voit plus les gendarmes en milieu rural. Ils étaient la police de proximité, ils sont aujourd'hui pris par les tâches administratives et le système de regroupement fait qu'ils tiennent des permanences à parfois 40 km de leur lieu de résidence, comme c'est le cas dans mon département. Ils ne connaissent plus la population, et c'est grave en particulier dans les zones périurbaines, parce que qu'y vit une population fragile. Je crois qu'il faut absolument renforcer les effectifs dans ces zones, encore qu'il ne soit pas sûr qu'il ne s'agisse que d'une question d'effectifs.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Tout d'abord, lors des états généraux, au-delà du statut de l'élu, la question de la formation des maires et notamment des nouveaux maires a fait l'objet d'une très forte demande. Deuxièmement, le débat actuel sur les cumuls des mandats se focalise sur les parlementaires. Mais il y a également le cumul des mandats locaux. Je ne sais pas si votre projet de loi évoquera cette question. Aujourd'hui, on peut être maire d'une commune de 20 000 habitants, président de la communauté d'agglomération, conseiller général et président d'un syndicat départemental d'énergie. Là aussi il y a un cumul des mandats et l'on voit difficilement comment cette personne peut être partout à la fois. En revanche, il me parait tout à fait concevable de cumuler un mandat de maire d'une petite commune avec celui de sénateur. Je constate la stigmatisation dont sont victimes les parlementaires. Enfin, je souhaite revenir sur la présence de la gendarmerie sur le territoire et attirer votre attention sur un cas particulier. Ma commune a été déclarée zone de sécurité prioritaire. Cela s'explique principalement par le fait qu'elle a été rattachée à une zone de gendarmerie dans laquelle se trouve Lunel, où il y a de la délinquance et même du grand banditisme. Dès lors, dans ma commune, qui ne connaît pas de problèmes particuliers de délinquance, on assiste depuis la mise en place de la ZPS à une déferlante de policiers excessivement zélés. Chacun se demande ce qui se passe et ce qui justifie un tel déploiement.
M. Michel Delebarre. - Je ne reviendrai pas sur le cumul des mandats. Je souhaite évoquer deux préoccupations. Tout d'abord, concernant l'intercommunalité, l'effort entrepris récemment a eu un effet concret en mettant fin aux communes totalement isolées situées entre deux intercommunalités. C'est une bonne mesure. Toutefois, elle n'a pas mis un terme aux intercommunalités d'opportunité ou défensives. Au contraire, ces dernières ont souvent été consacrées par les schémas des préfets. Il y aurait pu avoir un travail sur des intercommunalités de projets associant des destins urbains et ruraux. Le gouvernement précédent aurait pu donner des instructions pour l'élaboration des schémas intercommunaux dans cette direction. Je signale que les schémas de cohérence territoriale (SCOT) sont fondés sur des périmètres de projet. Ces derniers auraient pu servir de périmètre de structuration pour les intercommunalités. Maintenant il est trop tard. En ce qui concerne le recrutement de la police, les personnes qui s'engagent dans ma région sont automatiquement envoyées en région parisienne. Ils reviennent dans un état dégradé. Peut-être y a-t-il matière à réflexion dans ce domaine ? Cela pourrait éviter des dérapages ultérieurs. Quant aux sous-préfets, à Dunkerque où il y a 400 000 habitants, il est utile car il fait le travail de l'Etat.
M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur. - Comme je l'ai indiqué, le choix du mode de scrutin n'est pas encore décidé. Toutefois, le Président de la République a donné le cadre dans lequel il doit s'inscrire.
Je suis également attentif à la capacité des sous-préfets à faire vivre l'Etat et l'échelon interministériel.
Autre sujet évoqué, les ARS : cette question relève de la compétence de Marisol Touraine.
En milieu périurbain, la politique du chiffre et la diminution des effectifs a conduit à une distanciation entre la gendarmerie et la population. Je travaille pour que la gendarmerie retrouve sa mission de proximité. Par ailleurs, elle doit également prendre en compte l'évolution de la délinquance, avec des phénomènes sur certains territoires de violence et de réseaux que l'on ne connaissait pas auparavant.
En ce qui concerne les zones de sécurité prioritaire rassemblant des communes difficiles et des communes plus calmes, il faut évidemment que la présence policière soit adaptée.
Il y a aujourd'hui beaucoup d'intercommunalités défensives, mais il faut laisser le temps au temps. La loi créant les intercommunalité est récente, elle n'existe que depuis une quinzaine d'années. Je considère qu'il y a eu beaucoup de progrès. La période qui va s'ouvrir avec les élections municipales va être l'occasion d'approfondir sur le terrain la question de l'intercommunalité de projet, en raison des nombreuses compétences dont elles disposent. Je pense que nous devons aller vers ce type d'intercommunalité et qu'il revient à l'Etat d'indiquer quels sont les grands objectifs.
Enfin, concernant les jeunes recrues de la police, le renouvellement des assistants temporaires de police municipale (ATPM) fait qu'il y a une forte aspiration des jeunes policiers vers la région parisienne. Ils sont confrontés à des crises qui les forment mais qui peuvent aussi créer des problèmes. Nous sommes très attentifs à ce sujet.