- Mardi 10 juillet 2012
- Mercredi 11 juillet 2012
- Audition de Mme Anne Burstin, candidate au poste de directrice générale de l'institut national du cancer (INCa)
- Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) - Bilan des travaux du premier semestre 2012
- Enquête de la Cour des comptes relative aux dépenses de l'assurance maladie hors prise en charge des soins - Présentation du rapport d'information
- Financement de la branche accidents du travail - maladies professionnelles - Présentation du rapport d'information établi au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss)
- Situation des finances sociales - Présentation du rapport d'information
- Loi de finances rectificative pour 2012 - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis
Mardi 10 juillet 2012
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Certification des comptes 2011 de la sécurité sociale - Audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
Mme Annie David, présidente. - J'ai le plaisir d'accueillir le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, qui va nous présenter le rapport de certification des comptes sociaux pour 2011, rendu public fin juin. Il est accompagné de MM. Antoine Durrleman, président de la 6e chambre, Jean-Pierre Viola, rapporteur général, Mme Karine Turpin, rapporteur adjointe et de M. Christian Charpy, conseiller maître à la Cour et contre-rapporteur du rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale pour l'exercice 2011.
Ce rendez-vous est très important pour nous, membres de la commission des affaires sociales du Sénat. Ce rapport est, cette année, particulièrement sévère, notamment pour ce qui est de la branche famille. C'est pourquoi nous auditionnerons, le 18 juillet prochain le président Jean-Louis Deroussen pour connaître les réactions de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) à cette annonce de la Cour.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. - Le 26 juin dernier, la Cour des comptes a adopté son rapport sur la certification des comptes 2011 du régime général de la sécurité sociale. Comme le prévoit la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, ce rapport vous a été remis avant la fin du mois de juin.
Avant de vous présenter les positions de la Cour, vous me permettrez quelques remarques sur le sens de cet exercice de certification. La certification est une opinion écrite et motivée, que formule par expression de son jugement professionnel, un organisme indépendant sur les comptes d'une entité. L'expression de cette opinion est l'aboutissement d'une démarche d'audit visant à obtenir une assurance raisonnable - par nature, cette assurance ne peut avoir un caractère absolu - que les comptes sont réguliers et sincères et qu'ils donnent une image fidèle du résultat, du patrimoine et de la situation financière.
Par ses travaux de certification, la Cour atteste ainsi de la fiabilité, de la sincérité et de la conformité aux règles et principes comptables des états financiers et par là-même notamment de l'exactitude du déficit du régime général et de chacune des branches qui le composent. Cet exercice constitue un levier majeur pour sensibiliser les branches du régime général et leurs autorités de tutelle à la nécessité d'améliorer la fiabilité des comptes, en les amenant à renforcer la maîtrise des risques de portée financière qui affectent les opérations comptabilisées et à appliquer exactement les principes et les règles comptables.
Une maîtrise accrue des risques de portée financière est nécessaire afin de sécuriser les recettes et les dépenses du principal régime de sécurité sociale, en contribuant ainsi à l'effort de redressement des finances sociales engagé par les pouvoirs publics et d'améliorer le service rendu aux assurés sociaux.
Les comptes des autres régimes de sécurité sociale sont quant à eux audités par des commissaires aux comptes. Dans l'élaboration de ses positions, la Cour prend en compte les opinions des commissaires aux comptes des régimes qui gèrent des opérations pour le compte du régime général. Parallèlement, les commissaires aux comptes sont naturellement attentifs pour l'expression de leur propre opinion aux travaux de la Cour.
A cet égard, les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, complétées par un décret et un arrêté du 21 juin 2011, ont permis de fixer le cadre général des communications d'éléments d'information et d'analyse entre la Cour et les commissaires aux comptes de régimes de sécurité sociale et, aussi, d'organismes tiers. Ces dispositions ont d'ores et déjà joué lors de cette campagne de certification vis-à-vis des commissaires aux comptes de l'Unedic et de l'association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS). En effet, dans le cadre du transfert aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf), au 1er janvier 2011, du recouvrement des contributions d'assurance chômage et des cotisations d'assurance des créances des salariés, des éléments d'appréciation nécessaires à l'exercice de leur mission de certification leur ont été transmis par la Cour.
Le régime général de sécurité sociale réalise chaque année des centaines de millions d'opérations, pour environ 343 milliards d'euros de produits et 360 milliards d'euros de charges. Compte tenu du recouvrement par les Urssaf de cotisations et de contributions sociales pour le compte de tiers au régime général et d'opérations retracées uniquement au bilan des organismes du régime général, le périmètre d'audit de la Cour est encore plus large : il recouvre 460 milliards d'euros de produits et 390 milliards d'euros de charges, soit respectivement 23 % et 19,6 % de la richesse nationale.
Avec de tels volumes, la certification n'est pas seulement une affaire de vérification de la justification de postes comptables par l'existence de pièces. La certification consiste aussi à apprécier si les systèmes d'information et les dispositifs de contrôle interne, de par leur conception et leur mise en oeuvre, permettent ou non de maîtriser les risques d'anomalies ayant une incidence sur les comptes.
Les procédures et instruments du contrôle interne des caisses de sécurité sociale sont donc systématiquement analysés et évalués à l'aune de leur capacité à couvrir les zones de risques identifiées par la Cour. Progressivement, en raison des travaux d'audit qu'elle a conduits depuis désormais six ans, les organismes de sécurité sociale ont pris conscience de la nécessité de mieux maîtriser les risques financiers liés à leur activité et d'améliorer la qualité de leurs comptes. La Cour, qui mesure la lourdeur des chantiers engagés, souvent liés à la refonte des systèmes d'information, accompagne ces efforts en suivant, chaque année, les résultats des actions entreprises en vue de sécuriser les processus de gestion et les comptes des institutions chargées de collecter les ressources, de verser les prestations et de gérer les intérêts financiers de la sécurité sociale.
Ce faisant, les constats de la Cour apportent une contribution déterminante à la maîtrise des finances sociales et à la qualité de service rendu aux assurés et aux cotisants : payer à bon escient les prestations sociales, mettre en recouvrement les cotisations et contributions sociales auprès de leurs redevables et en répartir correctement les produits et encaissements entre leurs attributaires. Dans son office de certificateur, la Cour se situe ainsi dans une démarche d'accompagnement des 341 organismes du régime général et de leurs têtes de réseau.
Elle a constaté des progrès souvent notables dans plusieurs domaines. Pour prendre un exemple concret, c'est en raison des constats de la Cour dans le cadre de sa mission de certification que la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) a renforcé ses contrôles sur les opérations gérées par les mutuelles pour le compte du régime général. Autre exemple marquant, la Cnamts, la Cnaf et la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnavts) ont mis en place des dispositifs de suivi de la fréquence et de l'incidence financière des erreurs relatives à l'attribution et au calcul des prestations. En effet, maîtriser le risque d'erreurs dans les comptes, n'est pas uniquement, voire principalement, l'affaire des agents comptables mais aussi celle des directeurs d'organismes de sécurité sociale et des services qui liquident les prestations.
Cependant, tout en prenant acte de l'importance des réorganisations en cours au sein des différents réseaux - à titre d'exemple, les caisses d'allocations familiales ont été regroupées en 2011 et sont passées de 123 à 102 - ce qui a concentré très fortement les efforts des équipes de direction, la Cour a observé en 2011 un ralentissement de la démarche continue et progressive d'amélioration de la qualité des comptes du régime général. L'évolution de certaines de ses positions reflète ce constat.
J'en viens maintenant en effet aux neuf opinions de la Cour, relatives aux comptes des cinq branches - maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, famille, retraite, recouvrement - et des quatre caisses nationales auditées - Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), Cnaf, Cnamts et Cnavts.
L'exercice 2011 constituait le dernier exercice du second cycle triennal de certification 2009-2011. A ce titre, la Cour a couvert plus en profondeur un périmètre lui-même plus étendu de points d'audit intéressant le contrôle interne et les comptes. L'intensification des travaux de la Cour, conjuguée au ralentissement de la démarche d'amélioration de certains organismes, a entraîné une augmentation du nombre de réserves ou d'éléments motivant un refus de certification en 2011 - 42 contre 39 en 2010.
De fait, la Cour a fait évoluer sa position sur l'un des ensembles d'états financiers qu'elle audite. En effet, elle a refusé de certifier les états financiers de la branche famille et de la Cnaf, qui avaient fait l'objet d'une certification avec réserves sur l'exercice 2010. Par ailleurs, comme en 2010, la Cour a refusé de certifier les comptes de la branche des accidents du travail - maladies professionnelles. Elle certifie avec réserves les états financiers de l'activité de recouvrement et de l'Acoss, ceux de la branche maladie et de la Cnamts et ceux de la branche vieillesse et de la Cnavts.
J'évoquerai d'abord les deux branches dont les comptes ont fait l'objet d'un refus de certification : la branche famille et la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
La Cour avait certifié avec des réserves les comptes de la branche famille pour l'exercice 2010. L'augmentation du montant des erreurs de portée financière qui affectent les prestations versées et comptabilisées par la branche a conduit la Cour à estimer ne pas être en mesure de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf pour l'exercice 2011.
En effet, selon les mesures disponibles établies par la Cnaf à partir de contrôles portant sur des échantillons de prestations, le montant agrégé des erreurs de portée financière est estimé à 1,6 milliard d'euros en 2011, contre 1,2 milliard d'euros en 2010. Les erreurs recouvrent principalement des trop-perçus par les allocataires et concernent notamment le revenu de solidarité active (RSA) et les aides au logement.
L'augmentation du montant des erreurs de portée financière souligne l'inadaptation du dispositif de contrôle interne de la branche, caractérisé notamment par des insuffisances de conception et des faiblesses du pilotage par la Cnaf. En particulier, la Cnaf ne fixe pas aux organismes de son réseau des objectifs de montants d'erreurs à ne pas dépasser, mais des objectifs de nombre de contrôles à réaliser. En outre, les Caf bénéficient d'une autonomie excessive dans la réalisation effective des contrôles prescrits par la Cnaf. La Cour a également relevé des faiblesses dans le domaine des systèmes d'information : incomplétude des tests en environnement de production préalablement au déploiement de nouvelles versions applicatives et insuffisances du dispositif de suivi des incidents informatiques.
Au titre des autres constats de la Cour sur cette branche, je soulignerai l'imputation directe aux capitaux propres de provisions pour risques et charges relatives aux subventions d'investissement en action sociale, alors qu'en application des règles comptables en vigueur, les charges relatives à ces provisions - 540 millions d'euros au total - auraient dû être comptabilisées dans le résultat de l'exercice - arrêté à - 2,6 milliards d'euros pour 2011. Par ailleurs, les estimations comptables relatives aux provisions pour dépréciation de créances et aux charges à payer de prestations manquent de fiabilité. Enfin, les annexes aux comptes combinés de la branche famille et aux comptes annuels de la Cnaf comportent des erreurs, des omissions et des imprécisions.
J'en viens maintenant aux comptes combinés de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP). En 2010, la Cour avait refusé de certifier les comptes de la branche en raison principalement des insuffisances cumulatives du contrôle interne relatif aux cotisations dans la branche AT-MP et dans l'activité de recouvrement. Au titre de 2011, la Cour dispose donc toujours d'une assurance insuffisante sur l'exhaustivité et l'exactitude des cotisations sociales, autrement dit de la quasi-totalité des produits de la branche, dans la mesure où les effets des plans d'action engagés par la Cnamts et par l'Acoss en 2011 sont attendus en 2012.
En outre, et c'est d'ailleurs un motif de refus de certification encore plus important, la Cour a relevé un défaut de provisionnement des conséquences financières très lourdes sur les produits de cotisations des contestations engagées par les employeurs de salariés qui sont pendants à la clôture de l'exercice.
Ces contentieux portent sur l'origine professionnelle de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle ou le taux de l'incapacité permanente. Ils visent des motifs de fond ou de procédure. En cas de succès pour le requérant, les taux de cotisation sont diminués de manière rétroactive. Il s'ensuit des remboursements de cotisations auparavant réglées par les employeurs. En application des principes comptables généraux, ces remboursements, qui portent sur plusieurs centaines de millions d'euros, auraient dû être provisionnés.
La Cour a par ailleurs relevé des faiblesses du contrôle interne en matière d'indemnités journalières et de prestations en nature et un manque de fiabilité des provisions pour dépréciation de créances sur les recours contre tiers et les prestations.
J'évoquerai maintenant les branches et caisses nationales dont les états financiers avaient été certifiés, avec des réserves, l'an dernier et pour lesquelles la Cour a reconduit une opinion de certification avec réserves.
Cette branche a connu en 2011 un fait marquant d'envergure : la généralisation du transfert du recouvrement des contributions d'assurance chômage et des cotisations d'assurance des créances des salariés en application de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi. Les Urssaf ont ainsi mis en recouvrement 26,1 milliards d'euros de contributions d'assurance chômage et 1,3 milliard d'euros de cotisations d'assurance des créances des salariés. Au terme des diligences qu'elle a effectuées, la Cour estime disposer d'une assurance raisonnable sur la maîtrise de cette opération de transfert et l'exactitude des produits et des encaissements attribués à l'Unedic et à l'AGS au regard des opérations traitées par les Urssaf.
L'audit des comptes 2011 a fait apparaître certains progrès, notamment le déploiement d'une cartographie des risques dans les organismes les plus importants du réseau et des consignes données aux Urssaf sur le paramétrage de contrôles automatisés.
En outre, des composantes de réserves exprimées sur les comptes 2010 ont pu être levées.
Des difficultés importantes subsistent toutefois :
- des faiblesses du contrôle interne relatif à plusieurs processus de gestion des cotisations et contributions sociales auto-liquidées par les employeurs de salariés ou par d'autres cotisants - cas de la contribution sociale généralisée (CSG) précomptée sur les revenus de remplacement ;
- des insuffisances toujours marquées de la maîtrise des risques ayant une incidence sur les comptes pour deux catégories de flux minoritaires dans l'ensemble des états financiers de l'activité de recouvrement : les cotisations d'accidents du travail - maladies professionnelles - AT-MP - et les cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, tout particulièrement ceux relevant du dispositif de l'interlocuteur social unique (Isu) partagé avec le régime social des indépendants (RSI) ;
- des problèmes comptables : une méthodologie inadaptée d'évaluation des provisions pour dépréciation de créances sur les cotisants ; un traitement comptable des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants et des impôts et taxes recouvrés par l'Etat qui continue à relever d'une logique de caisse et n'est donc pas conforme au principe législatif de la tenue des comptes des organismes de sécurité sociale en droits constatés.
La Cour a pu lever sa réserve relative à la conformité des règlements aux établissements hospitaliers aux activités de soins déclarées par ces derniers.
En revanche, la Cour a relevé la présence d'erreurs ayant une portée financière significative dans les charges de prestations en nature - exécutées en ville et en établissement - et d'indemnités journalières. En raison d'un encadrement insuffisant des contrôles sur des échantillons de prestations qui servent à les déterminer, les mesures de l'incidence financière des erreurs qu'établit la Cnamts manquent de fiabilité et les montants d'erreurs de liquidation qu'elles permettent d'évaluer - 300 millions d'euros pour les prestations en nature et 80 millions d'euros pour les indemnités journalières - sont sous-évalués.
S'agissant des prestations en nature, le rapprochement globalement limité des paiements avec les pièces justificatives - feuilles de soins, ordonnances et accords préalables - prive une part importante des enregistrements comptables d'une justification appropriée. En outre, les caisses d'assurance maladie ne disposent d'aucun outil permettant de prévenir le remboursement de dépenses de santé pour lesquelles l'accord préalable a été refusé ou a été soumis à certaines conditions.
Par ailleurs, les dispositifs de contrôle interne d'une partie des mutuelles gérant des prestations maladie relevant de la couverture de base, par délégation du régime général, demeurent perfectibles.
Enfin, la Cour a constaté un manque de fiabilité des provisions pour dépréciation de créances sur les recours contre tiers, les prestations et les participations et franchises restant à la charge des assurés sociaux.
Comme pour l'exercice 2010, la Cour certifie avec réserves les comptes de la branche vieillesse.
Dans le cadre de ses travaux, la Cour a cependant constaté que la Cnavts évoluait trop lentement au regard de constats qu'elle a, pour la plupart d'entre eux, établis de longue date. Ainsi, les données de carrière prises en compte dans le calcul des pensions, notamment celles adressées par des organismes sociaux - périodes assimilées à des périodes d'assurance vieillesse et assurance vieillesse des parents au foyer - comportent toujours des erreurs et des incertitudes. Une partie des pensions de retraite attribuées ne font pas l'objet d'une révision, généralement au détriment des assurés, alors qu'elles le devraient.
La Cour a par ailleurs constaté que des erreurs, en faveur ou en défaveur des assurés, continuaient à affecter, dans une mesure significative, les pensions de retraite liquidées, mises en paiement et comptabilisées.
La France est l'un des rares Etats de la zone euro qui se soit engagé depuis 2006 dans une démarche de certification des comptes de ses administrations publiques. Cette démarche inclut les comptes des administrations de sécurité sociale, lesquels sont établis selon des principes voisins, voire souvent identiques, à ceux applicables aux entreprises. Le fait que la Cour, auditeur externe indépendant, puisse s'assurer de la régularité, de la sincérité et de l'image fidèle donnée par les comptes du principal régime de sécurité sociale constitue un atout pour les finances publiques de la France, tout particulièrement dans la situation économique et financière actuelle.
En auditant, au fil des ans, les comptes du régime général de sécurité sociale, la Cour a conscience, à une époque où la confiance de nos concitoyens et des acteurs financiers est plus que jamais essentielle, de sa responsabilité de certificateur.
Dans le cadre de la campagne de certification des comptes de l'exercice 2012, la Cour portera ainsi un regard attentif à la concrétisation des engagements pris par les organismes nationaux du régime général et leurs autorités de tutelle, afin de renforcer la maîtrise des risques financiers qui affectent les opérations comptabilisées et d'assurer la transparence des comptes par une application conforme des normes comptables.
Compte tenu de la nature des constats, il est manifeste en effet qu'elle ne pourra certifier sans réserve à une échéance raisonnable les comptes des branches du régime général que si les dirigeants des organismes nationaux et leurs autorités de tutelle mettent en place ou accélèrent les plans d'action nécessaires à la réalisation de cet objectif partagé.
Mme Annie David, présidente. - Merci de ces informations.
J'excuse notre rapporteur général, Yves Daudigny, retenu dans son département. Je vous poserai en son nom une question concernant le recouvrement.
Vous avez mentionné des progrès relatifs au contrôle interne et évoqué le déploiement d'une cartographie des risques dans les plus importants organismes du réseau ainsi qu'un début d'harmonisation de certains contrôles automatisés. Quels sont les principaux risques concernés et en quoi consistent exactement ces dispositifs ?
Je donne à présent la parole au rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la branche famille, Mme Isabelle Pasquet, puis à M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la branche AT-MP.
Mme Isabelle Pasquet, rapporteure de la branche famille. - Vous portez une appréciation assez sévère sur la gestion des comptes et de la Cnaf. Déjà, l'année précédente, la certification s'était faite avec des réserves. Ce que vous décrivez aujourd'hui laisse interrogatif pour l'avenir.
Pour quelle raison le taux d'erreurs à incidence financière recouvre-il de fortes disparités selon les prestations versées - RSA, allocations logement, allocations familiales ?
Pour quelles raisons le dispositif de contrôle interne de la branche ne permet-il pas de maîtriser les risques d'erreurs de portée financière affectant les prestations légales ? La Cnaf a-t-elle pris des engagements de nature à résoudre les difficultés rencontrées ? La Cour fait-elle habituellement des préconisations concernant le dispositif de contrôle ?
Troisièmement, comment la Cour juge-t-elle la réforme de la structure du réseau des Caf menée au cours de l'année 2011, ayant consisté en la fusion de la quasi-totalité des caisses infradépartementales ? Cette opération répond-elle à la nécessité de renforcer la capacité de pilotage de la Cnaf ?
Cette question me paraît importante : étant donné toutes les remarques que vous faites concernant la branche famille, on peut se poser la question de savoir s'il était judicieux de regrouper les Caf. Il s'agit certes d'une mise en commun d'un certain nombre de moyens mais ceux-ci peuvent également faire défaut, au détriment d'un meilleur contrôle interne.
Enfin, concernant l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), vous évoquez un manque de certitudes quant à la réalité, l'exhaustivité et l'exactitude des cotisations. Comment peut-on prendre cette affirmation ? La branche vieillesse ne donne-t-elle pas suffisamment d'informations à la Cnaf ? La Cnaf ne contrôle-elle pas ces informations ? Je suis assez surprise de l'affectation des provisions et du fait qu'il n'y ait pas eu de préconisations précises, comme cela peut se faire pour d'autres caisses.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la branche AT-MP. - Estimez-vous que la réforme engagée au sein de la branche AT-MP concernant les cotisations, dont l'échéance est prévue en 2014, sera de nature à répondre aux préoccupations de la Cour afin que les cotisations soient bien les cotisations dues et correspondent à l'importance des entreprises et des personnels concernés ?
En second lieu, la Cour dispose-t-elle d'éléments sur l'impact financier des défauts de contrôle interne concernant les prestations servies par la branche ?
S'agissant de l'endettement de la branche AT-MP, l'Acoss cite des montants très sensiblement supérieurs à ceux que l'on peut déduire des soldes comptables établis par la commission des comptes de la sécurité sociale. L'Acoss donne un chiffre de l'ordre de 2,2 milliards d'euros ; or, le chiffre qui nous est annoncé est de 1,7 milliard d'euros. Avez-vous des informations plus précises sur l'endettement de la branche AT-MP° ? Comment expliquez ce décalage ? Enfin, s'il fallait apurer la dette de la branche, quel serait selon vous le montant à retenir ? Je ne poserai pas la question de savoir par quels moyens - je pense que le débat viendra en son temps.
M. Didier Migaud. - Concernant tout d'abord l'activité de recouvrement, la cartographie des risques et les contrôles automatisés, il est vrai que, depuis 2010, l'Acoss est engagée dans un processus de refonte du dispositif de contrôle interne des activités des Urssaf.
L'Acoss a commencé à déployer une cartographie des risques dans les principaux organismes de son réseau ; celle-ci consiste en une identification et une cotation des risques inhérents aux activités des Urssaf. Cette cotation est fonction des risques en question. Les Urssaf sont appelées à définir et à mettre en oeuvre des moyens de maîtrise des risques destinés à en réduire le niveau. Une partie de ces moyens ont une origine nationale. Il s'agit par exemple de la mise en oeuvre d'un contrôle prescrit par l'agent comptable de l'Acoss ou d'un traitement informatique permettant de détecter des anomalies de manière supplétive locale. D'autres moyens peuvent avoir une source locale, comme des mesures d'organisation par exemple.
Le déploiement de cette cartographie des risques nous apparaît positif et de nature à renforcer le degré de maîtrise des risques des activités des Urssaf. On constate toutefois deux limites : à ce stade, les Urssaf demeurent en phase d'appropriation de ce nouveau dispositif, qui n'est pas encore complètement opérationnel et renseignent la cartographie des risques de manière hétérogène ; les rubriques de la cartographie des risques sont calquées sur celles du référentiel des fonctions et processus définis en 1998, qui est imparfaitement adapté aux prélèvements sociaux qui ne constituent pas le coeur de métier des Urssaf.
Dans le cadre de l'audit des comptes 2012 de l'activité de recouvrement, la Cour appréciera la contribution de la cartographie des risques à la maîtrise des risques liés aux activités de recouvrement.
S'agissant ensuite des questions relatives à la branche famille, pourquoi le taux d'erreurs à incidences financières recouvre-t-il de fortes disparités selon les prestations versées ? On constate que l'incidence financière moyenne des erreurs qui affectent les prestations servies en faveur ou au détriment des assurés sociaux atteint 2,4 % des montants de prestations.
Ce taux recouvre de grandes disparités selon les prestations concernées. Les allocations familiales sont les moins affectées par les erreurs. Le taux d'incidence financière des erreurs est de 0,36 %. Le RSA activité est en revanche le plus touché. Le taux d'incidence financière des erreurs est de 18,14 %. Les allocations logement demeurent une source importante d'erreurs, avec un impact financier compris entre 12 et 16 % selon les prestations. Les autres prestations dont l'attribution est soumise à conditions de ressources connaissent généralement des fréquences élevées d'erreurs.
La qualité de la première attribution et du service des prestations est tributaire du degré de complexité des informations transmises par les allocataires mais aussi de la fréquence et de la qualité de cette exploitation par les Caf. Ainsi, pour les allocations familiales, l'assuré doit transmettre l'acte naissance de l'enfant. S'agissant du RSA activité, l'assuré doit communiquer tous les trois mois l'ensemble des éléments qui entrent dans ses revenus mensuels - salaires, indemnités chômage et pensions alimentaires.
La Cour, s'agissant de la fréquence et de la qualité d'exploitation des informations fournies par les Caf, a constaté que ces dernières n'exploitaient pas systématiquement celles transmises par la direction générale des finances publiques (DGFiP) sur les revenus déclarés par les assurés. Ainsi, quatre-vingt-sept Caf n'ont pas correctement couvert les cibles permettant le contrôle de l'activité et les ressources de l'année 2010 qui intervenaient dans la détermination des prestations servies en 2011. D'autres contrôles avaient été engagés mais non achevés, parfois depuis plusieurs exercices.
M. Antoine Durrleman, président de la 6e chambre. - Les difficultés du contrôle interne du réseau de la Cnaf et des Caf tiennent à quatre faits. En premier lieu, la Cnaf ne fixe pas aux organismes de son réseau des objectifs portant sur des fréquences et des plafonds d'erreurs de portée financière à ne pas dépasser, mais uniquement des objectifs en termes de nombres de contrôles à réaliser. Elle a, de ce point de vue, une pratique différente de la Cnamts et de la Cnavts qui fixent des objectifs beaucoup plus stricts.
Deuxième difficulté : ces objectifs quantitatifs de contrôle à réaliser portent uniquement sur certains éléments constitutifs d'une prestation, comme la justification de l'identité du bénéficiaire, et non sur la totalité d'entre eux.
La troisième difficulté vient de l'absence de pilotage. Les Caf bénéficient d'une très grande autonomie dans le choix des actions de contrôle à effectuer. Elles ont ainsi la possibilité d'opter pour des actions de contrôle plus faciles à réaliser que d'autres et à faible rendement financier plutôt que des actions plus complexes sur des prestations elles-mêmes plus complexes qui permettraient de prévenir des volumes plus importants d'erreurs.
Enfin, la quatrième difficulté vient du fait que, d'une manière générale, les ressources administratives en personnel que la Cnaf et les caisses de son réseau consacrent à ces actions de contrôle internes sont inégales et globalement plutôt insuffisantes.
Ces constats sont récurrents. La Cour les a déjà formulés depuis l'origine de ses campagnes de certification. La Cnaf a réagi mais relativement lentement. Elle a développé des processus de contrôle ciblés qui sont fondés sur une analyse de risques que présentent les dossiers des assurés. A ce titre, elle a prévu de déployer quatorze processus. Nous constatons que ces processus peinent à être mis en place dans les calendriers indiqués.
Au cours de l'année 2011, quatre processus devaient être déployés ; seulement d'eux d'entre eux l'ont été, notamment concernant les aides au logement. Ce processus n'a été déployé qu'à la fin de l'exercice et n'a donc pas eu d'effets sur 2011. En 2012, d'autres processus doivent être déployés, notamment un processus portant sur le RSA. Cela étant, un seul processus aurait un caractère obligatoire pour les Caf d'ici fin 2012 : il s'agit des aides au logement.
M. Didier Migaud. - L'examen approfondi du pilotage de la fusion des Caf et de sa mise en oeuvre auquel s'est livrée la Cour n'a pas fait apparaître d'anomalies de nature à avoir une incidence sur notre position quant aux comptes 2011 de la branche famille.
Dans le cadre de l'audit des comptes 2012, nous allons vérifier que la Cnaf s'est assurée de l'harmonisation des procédures et des actions de contrôle interne entre les Caf fusionnées. Nous pensons que le pilotage de son réseau par la Cnaf, y compris le domaine des risques de portée financière, pourrait être facilité par la réduction du nombre d'organismes de base, qui passent de 123 à 102.
M. Jean-Pierre Viola, conseiller maître. - Le contrôle interne de l'AVPF comporte trois faiblesses. La première tient au fait que les droits à l'AVPF sont eux-mêmes fonction de droits à certaines prestations familiales. Autrement dit, les erreurs qui affectent l'attribution ou le service de ces prestations ont mécaniquement une incidence sur les droits à l'AVPF et ceux dont peuvent notamment disposer les femmes du point de vue de la législation sur l'assurance vieillesse.
Le second point concerne les insuffisances spécifiques du contrôle interne des droits à l'AVPF. Celui-ci nous renvoie à ce que vient d'évoquer le président de la 6e chambre à propos du dispositif en vigueur au sein de la branche famille.
Le troisième aspect dont nous nous sommes fait écho dans le rapport de certification des comptes porte sur l'existence de risques de double envoi et donc de double acquisition de données de carrière par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), suite à un envoi automatisé effectué de manière centralisée par la Cnaf, compte tenu du caractère insuffisant des contrôles de cohérence effectués par la Cnavts sur les données qu'elle reçoit d'autres organismes sociaux.
C'est là un élément constitutif d'une réserve sur les comptes combinés de la branche vieillesse. Les droits à pension sont fonction de salaires mais aussi de données notifiées par les organismes sociaux, en particulier les périodes assimilées ou les équivalents salaires au titre de l'AVPF. On constate que les dispositifs de contrôle mis en oeuvre par la Cnavts, notamment en matière de corroboration des données transmises par les organismes émetteurs, sont insuffisants. Il s'agit là d'une observation forte de la Cour qui a, elle aussi, un caractère récurrent.
S'agissant des prévisions relatives aux subventions d'investissement en action sociale, la part des subventions restant à verser à la clôture de l'exercice était, avant 2011, uniquement mentionnée dans l'annexe aux comptes des engagements hors bilan. En 2011, la Cnaf a modifié ce traitement comptable. A juste titre sur le plan des principes, elle a comptabilisé des provisions pour risques et charges. Cependant, elle ne les a pas imputées, comme elle aurait dû le faire, au compte de résultat. Elle les a directement affectées aux capitaux propres, en contradiction avec les normes comptables applicables. Comme M. le Premier président l'a évoqué, l'enjeu financier relatif à ces provisions portait sur 540 millions d'euros. Le résultat de la Cnaf et de la branche famille aurait donc été dégradé de 540 millions d'euros supplémentaires si les normes comptables avaient été respectées.
M. Antoine Durrleman. - S'agissant de la branche AT-MP et des questions de M. Godefroy, la réforme des cotisations nous paraît a priori aller dans le bon sens. Elle correspond à des observations que la Cour a déjà faites dans le passé à propos de la faible incitation en faveur de la prévention dans ce domaine. Elle a également pour objectif de permettre un meilleur équilibre d'une branche qui, par principe, doit être équilibrée par les cotisations des entreprises, sans apport de ressources extérieures. Dans un cadre extérieur à la certification des comptes, nous n'avons pas procédé à l'évaluation complète de cette réforme de la tarification dès lors qu'elle n'est pas encore complètement déployée. Nous ambitionnons de l'évaluer une fois que ce sera le cas.
M. Didier Migaud. - Concernant l'indicateur de fiabilité des prestations, sa mise en oeuvre est récente. Il nous apparaît que la Cnamts et les organismes de son réseau pourraient consacrer plus d'efforts aux contrôles sur échantillons des dossiers afin de mieux détecter les erreurs financières. Nous avons réalisé des tests sur échantillons sur lesquels aucune erreur n'avait été détectée et nous avons constaté que certains dossiers en comportaient ; dès lors, la situation affectant les prestations en nature et les indemnités journalières est plus dégradée que celle reflétée par les indicateurs de fiabilité établis par la Cnamts. Nous lui avons fortement recommandé de mener des efforts supplémentaires en matière de détection de ces erreurs financières, indépendamment des indicateurs qui ont pu être mis en place.
M. Jean-Pierre Viola. - S'agissant des différences dont il est fait état entre les informations communiquées par l'Acoss et les comptes de la branche AT-MP, il convient de distinguer d'une part les capitaux propres, dont le montant est négatif à hauteur de - 1,6 milliard d'euros au 31 décembre 2011 et, d'autre part, le compte courant à l'ACOSS, lui aussi négatif, autrement dit l'endettement de la branche, qui s'élève à 2,2 milliards d'euros.
Cette différence de chiffres n'a pas de caractère anormal. Elle traduit simplement le fait que, d'un point de vue économique, les activités de la branche AT-MP sont génératrices d'un besoin en fonds de roulement. Cela tient notamment au calendrier de versement des subventions de la branche AT-MP au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) géré financièrement pas la Caisse des dépôts et consignations.
M. Gilbert Barbier. - La cartographie des manquements des divers organismes des différentes branches est-elle parlante ou ceux-ci sont-ils disséminés sur l'ensemble du territoire français ? Arrive-t-on à cerner des zones qui, en fonction des différentes branches, sont plus à même d'attirer vos reproches ?
En second lieu, vous indiquez que les arrêtés des agences régionales de santé ont permis de fiabiliser le règlement des établissements hospitaliers, les provisions s'étant régularisées alors que beaucoup d'établissements se plaignaient de retards, notamment par rapport aux versements résultant de la tarification à l'activité (T2A). Avez-vous des informations plus précises sur ce point ?
Enfin, quelles raisons, selon vous, empêchent d'avoir un compte précis des cotisations des praticiens et des auxiliaires médicaux ?
M. Guy Fischer. - La Cour des comptes rappelle dans son rapport que l'Acoss peut et doit encore progresser en matière de contrôle interne et d'audit pour ce qui est des prélèvements sociaux auto-liquidés et des cotisations relevant du régime des indépendants. J'aimerais que vous précisiez votre point de vue car je vous ai trouvé évasif, monsieur le Premier président. Les restrictions de personnels n'ont-elles pas de conséquences sur les Urssaf et sur la Caf ?
Je voudrais revenir d'autre part sur la branche maladie. Vous avez émis cinq réserves dont l'une concerne les défauts de justification d'une partie des prises en charge par celle-ci des cotisations sociales des praticiens et auxiliaires médicaux. Quelle est la nature de ces cotisations ? S'agit-il exclusivement des cotisations des professionnels de santé prises en charge en échange de leur conventionnement ? Si tel est le cas - et d'une manière générale - ne pensez-vous pas qu'il faille rompre avec ce mécanisme et le remplacer ? Je vois M. Barbier manifester son désaccord mais je souhaite vous poser cette question en toute franchise !
M. Jean-Noël Cardoux. - Je souhaiterais aborder une question générale qui pourra paraître naïve, ingénue ou - pire - perverse !
Vous avez dit que l'audit et la certification des comptes de la sécurité sociale constituaient pour vous un exercice nouveau et que nous étions un des rares pays d'Europe à avoir mis en oeuvre une telle procédure. J'ai retrouvé dans les termes que vous avez employés beaucoup de ceux que j'employais moi-même lorsque j'étais commissaire aux comptes.
Vous avez émis trois certifications avec réserves et refusé deux certifications. Refuser de certifier les comptes d'une société peut avoir des conséquences pénales et, bien souvent, des conséquences sur la pérennité des mandats des dirigeants sociaux. Dans le cas présent, peut-on imaginer que cela constitue un aiguillon pour l'année prochaine ? Ne pourrait-on aller plus loin et trouver un mécanisme permettant de tirer les conséquences du refus d'une haute juridiction comme la vôtre de certifier des comptes ?
Mme Catherine Deroche. - S'agissant de la branche AT-MP, vous avez indiqué que la réforme des cotisations en cours serait évaluée lorsqu'elle serait effective et avez insisté sur l'incitation à la prévention.
Lors des auditions que nous avons menées avec Jean-Pierre Godefroy, on nous a dit que la réforme devait à terme limiter le contentieux sur la forme. Néanmoins, une grande partie du contentieux porte sur le fond - contestations de l'origine professionnelle du sinistre ou du taux d'incapacité permanente - d'où l'intérêt de provisionner, ce qui va rendre la branche plus difficile encore à équilibrer. Etant donné la dette actuelle auprès de l'Acoss, il va falloir se pencher sur sa reprise, comme l'a dit Jean-Pierre Godefroy.
Par ailleurs, le montant du transfert à la branche maladie des AT-MP sous-déclarés est évalué tous les trois ans. Ce délai mérite-t-il, selon vous, d'être raccourci ? Dans la mesure où la fourchette d'évaluation est assez large, le montant retenu par la loi de financement de la sécurité sociale est souvent un chiffre moyen.
M. René-Paul Savary. - Vous avez signalé l'absence de contrôle pertinent concernant le RSA activité. Vous êtes-vous penchés sur le RSA socle ? Y a-t-il davantage de contrôles ? Pensez-vous que ceci est dû à l'instruction trimestrielle des dossiers, les revenus des cas difficiles étant très évolutifs ? Une instruction mensuelle amènerait-elle moins d'indus ?
M. Didier Migaud. - La cartographie des manquements nous apparaît disséminée sur l'ensemble du territoire avec, il est vrai, des difficultés plus marquées dans le Sud-Est, en Languedoc-Roussillon et dans les Dom.
M. Jean-Pierre Viola. - Pour ce qui est des praticiens et des auxiliaires médicaux, la déclaration préremplie a marqué un progrès en 2011. Les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) détiennent les informations permettant de calculer les prises en charge de cotisations. Jusqu'en 2011, il revenait aux praticiens et aux auxiliaires médicaux de remplir une déclaration spécifique. Désormais, l'information est communiquée directement par les CPAM aux Urssaf, ce qui sécurise le procédé.
En revanche, il n'existe pas encore de solution complète à propos de questions très étroitement comptables, notamment celles relatives à l'indépendance des exercices, pour lesquelles il existe des difficultés de réconciliation des opérations réciproques entre les prises en charge de cotisations par les CPAM et les produits que comptabilisent les Urssaf - sans parler du fait que les prises en charge de cotisations des praticiens et des auxiliaires médicaux sont pour partie imputées au RSI et à la mutualité sociale agricole (MSA). Il existe donc là, d'un point de vue comptable, des relations triangulaires ou quadrangulaires qui ne génèrent pas de flux financiers mais qui font apparaître certaines anomalies. C'est pourquoi la Cour a été amenée à reconduire ses observations dans le cadre du rapport de certification des comptes 2011.
M. Didier Migaud. - S'agissant de l'Acoss, l'objectif est en règle générale de faire en sorte que davantage d'effectifs soient affectés au contrôle. Nous recommandons d'aller en ce sens. Plus le contrôle interne est large, moins il existe d'erreurs - ce qu'on ne peut que saluer !
M. Jean-Pierre Viola. - Le défaut en matière de prise en charge des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux concerne les cotisations maladie et famille. Les causes du problème sont encore une fois de nature comptable et tiennent à des écarts dans les soldes respectivement comptabilisés par ceux qui supportent ces dépenses - en l'espèce la Cnamts, le RSI et la MSA - et par les Urssaf qui les inscrivent en produits. Toutefois, le contrôle interne s'est amélioré en 2011 grâce à la communication pas les CPAM aux Urssaf des informations qu'elles détiennent sur l'activité des praticiens et des auxiliaires médicaux. A ce titre, la Cour a pu lever une partie de réserve sur les comptes combinés de l'activité de recouvrement.
M. Didier Migaud. - C'est un enjeu important qui représente 2,2 milliards d'euros. Nous y reviendrons en septembre, afin d'essayer de vous éclairer plus complètement sur ce sujet.
M. Gilbert Barbier. - Si j'ai bien compris, ce n'est pas une question de fraude ou de fausse déclaration mais uniquement un problème de comptabilité. Il faut être clair !
M. Guy Fischer. - Je n'ai pas dit cela !
M. Didier Migaud. - En effet.
M. Jean-Noël Cardoux a posé une question d'ordre général. Nous ne certifions les comptes du régime général que depuis six ans. Cela reste récent. Nous avons souhaité adopter une démarche d'accompagnement vis-à-vis des structures des institutions dont nous sommes appelés à certifier les comptes.
Nous avons d'ailleurs adopté la même démarche pour l'Etat. Cela étant, il est vrai que lorsque nous refusons de certifier des comptes, c'est que nous estimons que les efforts ont été insuffisants. Nous avons voulu marquer le trait cette année. L'an passé, nous avions certifié les comptes avec réserve mais, compte tenu d'une augmentation très sensible des erreurs, nous avons cette fois considéré qu'il n'était pas possible de le faire.
Nous souhaitons que cela serve d'aiguillon et que cette branche prenne les dispositions nécessaires pour surmonter les difficultés auxquelles elle peut être confrontée et répondre ainsi aux observations que nous avons exprimées.
M. Antoine Durrleman. - Dans le passé, la Cour a déjà refusé à plusieurs reprises de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf en raison d'un certain nombre de difficultés. A la suite de ce refus, des progrès très sensibles avaient été enregistrés, en particulier en matière d'identification des bénéficiaires ou de sécurisation des échanges avec les services fiscaux. On a constaté une sorte d'affaissement dans la poursuite de cet effort. Ceci est assez particulier à la branche famille ; d'autres réseaux, malgré les difficultés importantes qu'ils rencontrent, sont au contraire dans une démarche d'effort continu.
On a beaucoup parlé de l'activité de recouvrement de l'Acoss. Certes, il reste des difficultés que nous avons pointées, mais ce réseau a compris la nécessité de la certification. Il existe parfois des lenteurs, mais aucun retour en arrière.
Pour la branche famille, on constate au contraire un retour en arrière. C'est pourquoi un refus de certification est éminemment pédagogique. Cela signifie que l'ensemble du réseau doit se ressaisir.
M. Didier Migaud. - Nous le souhaitons en tout cas !
M. Antoine Durrleman. - C'est bien ainsi que l'administration de tutelle le voit !
Mme Isabelle Pasquet, rapporteure de la branche famille. - Je partage l'avis de M. Cardoux sur la gravité de la situation. J'ai travaillé dans un service de comptabilité d'une caisse d'assurances sociales : j'imagine donc bien ce qui peut se passer.
Je suis surprise que vous ne preniez pas en compte les grandes réformes subies par les Caf depuis 2009 - RGPP, regroupements, charges supplémentaires dues à l'examen des dossiers du RSA activité et du RSA socle sans effectifs supplémentaires suffisants.
La Cnaf a récemment produit une étude selon laquelle près de la moitié des bénéficiaires potentiels du RSA ne le touchent pas. On est donc loin de ce que l'on pourrait verser !
A cela s'ajoute la complexification des dossiers. En tant que parlementaires, nous légiférons sans toujours mesurer les conséquences sur le travail quotidien des agents. Il faut être conscient de ce que pourrait entraîner un contrôle mensuel des revenus des bénéficiaires du RSA en termes de moyens. Aujourd'hui, les moyens ne sont pas au niveau des besoins des populations, ni des agents des Caf. Certaines sont au bord de l'implosion, comme la Caf de la Martinique ou celle du Nord ! Je ferai la même remarque au président de la Cnaf : nous sommes dans une situation critique.
M. Didier Migaud. - La Cour le reconnaît totalement. Je vous invite à relire le bas de la page 8 de notre rapport : « Elle a pris la pleine mesure de l'importance des réorganisations majeures en cours au sein des différents réseaux, qui se traduisent par une réduction sensible du nombre d'organismes de base et la lourdeur des réformes qu'ont eues parallèlement à mettre en oeuvre les différentes branches et l'activité de recouvrement, qui ont très fortement concentré les efforts des équipes de direction et souvent contribué à une dégradation des conditions générales de fonctionnement des organismes, au détriment sans doute des travaux visant à fiabiliser davantage leurs comptes ».
Un certain nombre de faits peuvent expliquer cette situation mais nous ne pouvons certifier les comptes lorsque nous constatons une augmentation de 30 % de l'incidence financière des erreurs affectant les prestations servies par la branche. Nous souhaitons bien évidemment que la trajectoire que nous avions pu saluer puisse être reprise. Nous essayons d'être justes dans notre appréciation mais nous sommes obligés, pour arrêter notre opinion, de tenir compte de la réalité des choses et non obligatoirement du contexte.
Mme Annie David, présidente. - Cela pourra peut-être permettre - et Mme la rapporteure le proposera - d'arrêter les restructurations et d'obtenir des moyens supplémentaires pour les Caf.
M. Didier Migaud. - Mme Deroche a souhaité savoir si le délai de réévaluation des transferts à la branche maladie pour sous-déclaration des AT-MP est pertinent ou non.
M. Antoine Durrleman. - La commission qui en a la charge fonctionne bien. Par définition, elle ne peut proposer que des évaluations mais elle le fait sur la base d'une véritable vérification des dépenses de la branche maladie qui devraient ressortir de la branche AT-MP. Rapprocher le délai entre les évaluations ne serait pas nécessairement plus productif en termes de clarification des relations entre les deux branches. C'est un délai raisonnable.
On peut espérer que la réforme de la tarification permettra moins de contentieux, un certain nombre de bases ayant été actualisées. Cela étant, il ne faut pas s'y tromper : ce qui dynamise le contentieux relatif à la tarification de la branche AT-MP, c'est le fait qu'un certain nombre de cabinets proposent aux entreprises d'auditer la tarification qui leur est appliquée et de contester les modalités de cette tarification. Ce ne sont pas les entreprises qui entrent dans l'analyse de la tarification mais des cabinets prestataires de services qui leur proposent de « faire des économies ».
M. Didier Migaud. - M. René-Paul Savary a souhaité savoir s'il existait des différences entre le RSA activité et le RSA socle. A priori, non...
M. Jean-Pierre Viola. - La problématique de contrôle interne et de maîtrise insuffisante des risques d'erreur est la même pour le RSA socle et le RSA activité, les contrôles effectués par les Caf étant insuffisants. S'agissant de la fréquence des contrôles des revenus des bénéficiaires, aujourd'hui trimestrielle, j'aurais tendance - même si c'est extérieur au champ de la certification des comptes - à aller dans le sens de Mme la sénatrice : ce serait une charge de travail supplémentaire importante pour les Caf. De manière générale, plus les prestations sont complexes, plus les risques d'erreurs de portée financière sont élevés.
M. Didier Migaud. - Il y en a peu sur les allocations familiales.
M. Michel Vergoz. - L'an passé, la Cour a certifié les comptes de la branche famille avec des réserves. Cette année, la Cour a refusé de certifier les comptes de ce secteur, qui pèse 84 milliards d'euros ! Par ailleurs, tout comme en 2011, la Cour refuse cette année encore de certifier les comptes de la branche AT-MP ! Comment ceux qui nous observent peuvent-ils réagir ? J'ai l'impression de collaborer à une sorte d'hypocrisie nationale, au moment où les Français s'interrogent sur les milliards dont parlent les médias. Cela doit s'arrêter !
Ma question est celle d'un profane : y aura-t-il un troisième refus de certification ? Existe-t-il des mesures coercitives pour faire avancer ce dossier ? Cette affaire est malsaine : il y aurait des sachants et des « gueux » contre lesquels on aurait lancé une vindicte populaire ! C'est injuste !
Mme Annie David, présidente. - Cela dépasse peut-être les analyses de la Cour. Si des mesures existent, ce n'est pas la Cour qui pourra nous les indiquer. La Cour est là pour certifier les comptes ; ses membres peuvent avoir un avis mais les mesures incombent au Gouvernement et aux responsables politiques. On demande à la Cour d'être neutre politiquement : on ne peut lui demander d'aller au-delà !
Mme Colette Giudicelli. - Je comprends la réaction de notre collègue Vergoz. Le rôle de la Cour est de constater, mais a-t-elle la possibilité de saisir la justice ? Le RSA représente 150 millions d'euros pour le conseil général des Alpes Maritimes ! Or, les Caf du département ferment un jour ou deux par semaine pour pouvoir traiter tous les dossiers - et chacun l'accepte ! La Cour est-elle condamnée à constater les choses ou peut-elle nous aider à les faire avancer ?
M. Didier Migaud. - Lorsque la sincérité et la fiabilité des comptes apparaissent insuffisantes, nous faisons notre travail et n'acceptons pas de les certifier.
Il n'appartient pas à la Cour d'en tirer les conséquences. Ce sont les conseils d'administration qui sont concernés au premier chef, tout comme le législateur. Nous avons mis en lumière la complexité du système des prestations voté par le législateur, qui peut également expliquer les erreurs qui ont été commises. Plus le système est complexe, plus le risque d'erreurs est grand. Le législateur « a fait fort » pour un certain nombre de prestations et l'on peut comprendre qu'il puisse exister quelques erreurs dans l'attribution des allocations logement.
Une des sources importantes d'économies peut passer par une correcte liquidation des prestations. Ce n'est pas la première fois que nous faisons ce constat. Nous souhaitons, à travers les constats que nous établissons, que les conseils d'administration, le Gouvernement et le législateur, en tirent toutes les conséquences !
La somme de 1,6 milliard d'euros à laquelle nous chiffrons les erreurs constitue un chiffre suffisamment important pour qu'on le relève et qu'on demande que ces erreurs soient réduites au maximum.
C'est tout l'intérêt de l'exercice de certification, qui peut conduire les dispositifs de contrôle interne à progresser vers la correcte liquidation des prestations, même si l'une des causes reste la plus ou moins grande simplicité des dispositifs de prestations.
Mme Annie David, présidente. - Une réflexion plus large sur la complexité des règles relatives à ces prestations sera sûrement nécessaire dans les mois à venir. Les simplifier pourrait contribuer à résoudre les erreurs que vous pointez.
Mercredi 11 juillet 2012
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Audition de Mme Anne Burstin, candidate au poste de directrice générale de l'institut national du cancer (INCa)
Mme Annie David, présidente. - Nous entendons, ce matin, Anne Burstin dont la nomination à la direction générale de l'INCa, l'institut national du cancer, est envisagée par le Gouvernement. Cette audition résulte d'une obligation légale, découlant d'une disposition que nous avons adoptée dans la loi « Médicaments ». Elle ne nécessite donc pas de vote, contrairement aux désignations relevant de l'article 13 de la Constitution. Je vous précise, par ailleurs, que Mme Burstin a été auditionnée dans les mêmes conditions par nos collègues députés la semaine dernière.
Mme Anne Burstin, candidate à la direction générale de l'INCa. - J'ai en effet été auditionnée par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale le 4 juillet dernier et je vous remercie de me recevoir aujourd'hui. Je commencerai par vous présenter mon parcours. Je suis inspectrice générale des affaires sociales, actuellement en poste à l'inspection.
Ma carrière a largement été structurée par mon intérêt marqué pour les politiques de santé, ce qui m'a d'ailleurs conduite à choisir l'inspection générale des affaires sociales, il y a plus de dix-sept ans, à ma sortie de l'Ena. Tant à l'inspection des affaires sociales (Igas) que dans les postes opérationnels que j'ai occupés en alternance avec des périodes à l'inspection, la santé a en effet été la dominante de mon parcours.
A l'Igas, cette dominante s'est exprimée au travers de missions diverses d'évaluation des politiques de santé : les greffes voici quelques années, le don d'ovocytes plus récemment, les politiques de santé-environnement conduites par les agences régionales de santé (ARS) l'an dernier et aujourd'hui, les politiques hospitalières puisque je coordonne le rapport annuel de l'Igas sur l'hôpital qui paraîtra à l'automne. Cela a aussi pris la forme de contrôles (établissements de soins, organismes de sécurité sociale). Je suis par ailleurs membre de la structure collégiale de l'Igas dédiée à la santé, ce qui offre un point d'observation très intéressant sur toutes ces thématiques santé.
Mon premier poste opérationnel m'a conduite, de 2000 à fin 2003, sur le terrain, en Aquitaine où j'étais directrice adjointe de la Drass en charge du pôle santé ; une expérience fondatrice pour moi, tant en termes de connaissances des politiques de santé qu'en termes de management.
En tant que responsable du pôle santé, j'ai eu à traiter de l'organisation de l'offre de soins et des relations avec les établissements de santé, en lien avec les ARH de l'époque, ainsi que des questions de sécurité sanitaire et d'inspection, de l'animation des politiques de santé, et en particulier du pilotage de la mise en oeuvre du premier plan cancer dont j'avais pris la responsabilité en 2003. Ce poste a aussi été l'occasion de ma première prise de contact avec le domaine tout à fait passionnant de la santé-environnement sur lequel je suis revenue récemment à l'Igas.
Après une courte période à l'inspection, je suis repartie sur un nouveau poste opérationnel, en agence sanitaire cette fois, en tant qu'adjointe du directeur général de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Afssaps), et ce jusqu'en juin 2008. Cette expérience m'a permis un approfondissement des enjeux de sécurité sanitaire et une meilleure connaissance du monde complexe des produits de santé. Cela a aussi été l'occasion de me familiariser avec la gestion de l'urgence. L'agence m'a également ouvert de nouveaux champs de connaissance, tout particulièrement le monde de la recherche clinique et de l'innovation. J'ai d'ailleurs piloté le programme d'accompagnement de l'innovation à l'agence et cette connaissance des acteurs et des problématiques serait, je crois, un atout pour moi à l'INCa, compte tenu de la prégnance, dans le monde de la cancérologie, de l'accès aux innovations diagnostiques ou thérapeutiques.
Au terme de ce parcours, il me semble avoir acquis une bonne connaissance des politiques de santé et du réseau d'acteurs nationaux et régionaux qui les conduisent, des relations avec les professionnels de santé mais aussi avec les associations de patients.
Pourquoi ma candidature au poste de directrice générale de l'INCa ?
Pour quelqu'un passionné, comme je le suis, des politiques de santé, participer à la lutte contre ce qui demeure le principal fléau sanitaire français, avec plus de 150 000 décès par an, est évidemment un défi enthousiasmant. Il s'agit d'une politique majeure avec des marges de progrès encore significatives.
Mais ce qui est aussi particulièrement attractif est la spécificité de l'INCa, seule agence dédiée à une pathologie et englobant, par conséquent, toutes les facettes de la lutte contre le cancer : la recherche tout d'abord, l'information des patients et des professionnels de santé, la prévention, l'organisation des soins et les prises en charge après traitement. Les enjeux de réinsertion sociale et professionnelle méritent toute notre attention.
D'autant plus apte à surmonter les cloisonnements qu'il est constitué sous la forme d'un groupement d'intérêt public (Gip) associant tous les acteurs de la lutte contre le cancer, l'INCa doit les fédérer pour créer de la transversalité entre eux et stimuler les projets conjoints de soins et de recherche. Cette dimension de partenariat avec les organismes de recherche, avec les fédérations d'établissements de soins et les professionnels de santé, avec les associations de patients (ligue contre le cancer, Arc) est un autre aspect extrêmement riche.
Enfin, l'INCa est une structure de taille moyenne, qui correspond à mon envie de management et me permettra de mettre à profit mes expériences antérieures.
Quels enjeux, quels projets pour l'INCa ?
Avant d'expliciter les enjeux et les projets de ce poste, permettez-moi d'attirer votre attention sur une particularité de la gouvernance de l'INCa, qui associe à sa tête un président exécutif, professeur de médecine, et un directeur général de formation plus administrative. La présidente actuelle, Agnès Buzyn, hématologue, dirige l'institut depuis l'été 2011 et a déjà dessiné des priorités stratégiques notamment en matière de recherche. Le directeur général est naturellement en charge de la gestion de l'institut et, à cet égard, je devrai tout particulièrement veiller à poursuivre la consolidation du fonctionnement institutionnel, administratif et financier de l'institut et la maîtrise des risques, tant comptables et financiers qu'opérationnels. Dans le prolongement de la loi du 29 décembre 2011, je devrai être attentive à la qualité et à l'indépendance des processus d'expertise ou d'appels à projets.
Mais le directeur général de l'INCa est aussi responsable du suivi de la mise en oeuvre du plan cancer, et je serai par conséquent mobilisée sur les principaux chantiers du plan.
Les enjeux de l'INCa s'inscrivent en effet fortement dans les orientations du plan cancer I dont l'INCa est l'un des principaux protagonistes : cet institut a été créé pour pérenniser une politique nationale coordonnée de lutte contre le cancer, et pilote de fait plus de 50 % des actions du plan 2009-2013.
Le premier enjeu de l'institut et de son directeur général est donc de continuer à porter la mise en oeuvre d'un plan cancer dont j'espère la continuation, parce qu'il offre une feuille de route ambitieuse et structurée à la lutte contre le cancer et à l'institut.
L'objectif ultime du plan cancer est de diminuer l'incidence des cancers et de réduire leurs conséquences en termes de mortalité, mais aussi d'améliorer la qualité de vie des personnes atteintes. Il faut savoir que si l'incidence des cancers continue d'augmenter, la mortalité diminue et de plus en plus de patients en sont aujourd'hui guéris.
Pour cela, le plan cancer dessine des priorités stratégiques : favoriser le transfert rapide des découvertes scientifiques au bénéfice des patients (essais, structures intégrées de recherche) ; garantir l'égalité d'accès à des actions de santé de qualité et à l'innovation, aspect auquel la présidente et moi-même portons une attention marquée ; amplifier la personnalisation des parcours de prise en charge, notamment grâce à des tests génétiques, et de réelles marges de progrès existent en ce domaine ; optimiser l'articulation entre la ville et l'hôpital dans les prises en charge, et notamment s'appuyer plus fortement sur le médecin traitant en amont et en aval de l'hospitalisation ; conforter le rôle fondamental du dépistage.
Au-delà de ces aspects d'organisation des prises en charge, je suis personnellement très sensible aux droits du patient et à la démocratie sanitaire, pour lesquels la politique de lutte contre le cancer a souvent été pionnière et a posé des jalons importants, par exemple au moment de la formalisation de la consultation d'annonce ou par la création du comité des patients et de leurs proches auprès de l'INCa, associé aux comités d'évaluation des projets de recherche, mais aussi grâce à la plateforme d'informations très complètes Cancer info. Mais ces efforts doivent être poursuivis, comme le souligne le collectif des associations de patients, et je serai tout à fait attentive à cet aspect des choses.
Les enjeux opérationnels pour l'INCa sont de continuer à susciter des actions innovantes, expérimentales et à en faire bénéficier les patients le plus largement et le plus en amont possible en confortant toujours le partenariat avec les acteurs du secteur (recherche, santé publique, droits des patients...), je pense notamment à la poursuite des projets conjoints de recherche, comme Aviesan, ou à l'animation des cancéropôles et des réseaux régionaux de cancérologie.
Il faut aussi agir en lien plus étroit avec le niveau régional et les ARS, agences régionales de santé, créées après le second plan cancer. En ce domaine, je pense pouvoir apporter ma connaissance du niveau régional au renforcement des relations avec elles.
Ce sont de magnifiques chantiers auxquels je serai réellement fière de pouvoir prendre part si j'ai la chance d'être nommée à la direction générale de l'institut.
Mme Annie David, présidente. - Je vous remercie pour cette présentation très complète. J'ai bien noté votre intérêt pour la direction d'une structure de taille moyenne, donc à taille humaine j'imagine, mais qui, avez-vous dit, pilote 50 % des mesures du plan cancer. Comment pensez-vous pouvoir assumer une telle charge ? Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer de quelle manière vous envisagez de développer les liens avec le médecin traitant ? Enfin, je serai très attentive à vos actions futures en faveur des droits des patients et de la démocratie sanitaire.
M. Jacky Le Menn. - J'ai noté votre bonne connaissance des acteurs de santé, et notamment des institutions européennes. Pouvez-vous développer ce point, en particulier sur le volet des produits de santé et des médicaments, qui sont particulièrement importants dans le cadre de l'INCa et de la recherche publique ?
Mme Catherine Procaccia. - Vous avez évoqué votre objectif d'un accès plus rapide des patients aux soins. Je le partage d'autant plus que j'ai constaté que tel n'était pas toujours le cas. Quels sont les moyens dont dispose l'INCa pour éviter que les malades attendent plusieurs mois, après l'annonce de la pathologie, pour accéder aux traitements ?
Par ailleurs, le Val-de-Marne, dont je suis l'élue, avait été, en son temps mais sans succès, candidat pour accueillir l'INCa, compte tenu de la présence sur son territoire de nombreux pôles cancer. L'implantation actuelle de l'institut est-elle ou non définitive ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - La presse s'est fait l'écho récemment du prix très élevé de médicaments contre le cancer. Avez-vous un éclairage sur ce point ?
Mme Aline Archimbaud. - Quelles actions, hormis le dépistage, envisagez-vous en matière de prévention ? Vous avez évoqué la question de la santé environnementale mais, de façon plus large et en fonction des connaissances actuelles, comment peut-on mobiliser sur ce sujet ?
M. Ronan Kerdraon. - J'ai été très sensible au caractère dynamique et particulièrement pédagogique de votre présentation. Vous avez évoqué les ARS : comment vous situez-vous dans ce cadre ? Par ailleurs, quelle est votre vision de la lutte contre les inégalités d'accès aux soins ?
Mme Catherine Génisson. - Pourriez-vous expliciter davantage le sujet de la démocratie sanitaire ? On sait que dans ces pathologies particulièrement lourdes, les malades ont besoin d'un accompagnement spécifique. Par ailleurs, pensez-vous que les droits sociaux des patients doivent être une préoccupation de l'INCa ?
M. Guy Fischer. - Aujourd'hui, 1,2 million de Français sont touchés par le cancer ou l'ont été. C'est donc un problème majeur présent dans toutes les familles. Elu d'une ville très populaire, j'ai remarqué que les populations les plus déshéritées sont confrontées à des difficultés d'accès aux soins. Or, on sait que la réussite des traitements dépend largement de leur rapidité de mise en oeuvre. Les hôpitaux de proximité ne sont pas toujours spécialisés. Celui qui est bien renseigné et connaît les réseaux de soins a donc davantage de chances d'être bien soigné. Comment peut-on améliorer la coordination entre le public et le privé ?
M. Jean-Noël Cardoux. - Je reviens sur les ARS. Comment envisagez-vous la collaboration entre l'INCa et ces agences, dont la création est postérieure. S'agira-t-il d'une délégation déconcentrée de l'INCa auprès des régions, ce qui me paraîtrait une bonne chose ? Et n'y a-t-il pas un risque de superposition des rôles et des actions du fait de l'empilement des structures, difficulté que nous connaissons bien dans notre pays ? Ce serait dommage au moment où l'on s'attache à dégager des économies.
Mme Gisèle Printz. - Très concrètement, quand peut-on dire que l'on est véritablement guéri du cancer dès lors qu'il arrive fréquemment des rechutes après l'annonce des rémissions ? Dit-on toujours la vérité aux malades ?
Mme Catherine Deroche. - Lors de l'examen du budget de la santé pour 2012, des critiques ont été émises sur la multiplication des plans et la perte de lisibilité qui en résulte. Le plan cancer échappe-t-il à cette critique ? Les crédits alloués à ce plan ont été maintenus, mais non augmentés en dépit de l'ampleur des besoins, et il est vraisemblable que la situation n'évoluera pas dans le sens de la hausse. Pensez-vous pouvoir faire mieux avec des moyens contraints ?
Mme Annie David, présidente. - Quelle est votre conception du rôle de l'INCa en matière de sécurité des soins ? Je pense aussi aux soins de suite et à la reconstruction post-cancer du sein pour laquelle il semble qu'il n'y ait pas de chirurgien exerçant en secteur 1, ce qui ne permet pas à toutes les femmes d'avoir accès à cette opération.
Mme Anne Burstin. - Je vais essayer de répondre de mon mieux à toutes vos questions, en rappelant que je ne suis pas médecin et que certaines d'entre elles dépassent mes compétences.
L'INCa est, en effet, une structure moyenne de cent soixante-dix salariés environ et vous me demandiez, madame la présidente, s'il était en capacité de porter une grande partie du plan cancer. Il faut savoir qu'un bon nombre des mesures engagées s'effectuent en partenariat, dans lesquelles l'institut a un rôle d'impulsion et de mobilisation des acteurs autour d'un projet, en lien avec les structures de recherche ou de soins. Au sein de l'INCa, une équipe est dédiée au suivi du plan cancer pour couvrir le panorama de sa réalisation et l'ensemble de nos équipes travaillent soit sur l'information, soit sur les appels à projets de recherche, soit sur les référentiels d'autorisation... Cependant, pour maintenir ce cap, il ne faudrait pas que nos effectifs diminuent trop brutalement.
Pour ce qui concerne le soutien aux médecins traitants, l'INCa intervient de plusieurs manières. Un portail informatique diffuse les informations et les données les plus à jour sur son site internet en matière de pathologies et de modalités de prise en charge. L'INCa travaille également sur des protocoles de dépistage et de prise en charge pour les affections de longue durée, donc du cancer, en lien avec la Haute Autorité de santé (HAS) : l'institut a d'ailleurs veillé à ce que ces protocoles soient mis à disposition du médecin traitant avec les logiciels informatiques de prescription. Plus les médecins traitants seront informés, et notamment sur les cancers les plus rares, plus l'accès aux soins sera facilité.
Sur la question de la démocratie sanitaire, pour ces pathologies très lourdes, je suis très attachée à la place qui doit être réservée au patient à l'hôpital. Dans le cadre du rapport sur l'hôpital auquel je collabore actuellement pour l'Igas, c'est un aspect qui nous tient à coeur afin qu'il connaisse les modalités de sa prise en charge et qu'il puisse choisir sa structure de soins.
Il est exact qu'actuellement, les établissements de santé rendent insuffisamment compte de la qualité de leurs prestations et il nous semble que ceci est un sujet sur lequel il faut mettre l'accent. Le rapport de l'Igas insistera sur la nécessité d'un pilotage de la qualité tout autant que de la performance et sur la diffusion d'indicateurs de qualité auprès des usagers. Chaque hôpital doit rendre compte de ses performances en matière de prise en charge, de respect des droits et de l'intimité des patients, de délais... Sur le réseau d'acteurs dans lequel s'inscrit l'INCa, outre la pluralité d'intervenants nationaux - ministères de la santé et de la recherche, agences sanitaires avec lesquelles l'INCa a des conventions cadre de coopération pour éviter la superposition d'actions -, il est en contact avec plusieurs structures européennes. J'attire votre attention sur le fait que le comité scientifique de l'INCa est international et comprend des personnalités européennes mais aussi américaines. Par ailleurs, l'INCa est associé à un certain nombre de projets européens ou américains de recherche, notamment sur les processus d'accès à la recherche précoce. Evidemment, l'agence européenne du médicament est très présente sur les thérapeutiques innovantes contre le cancer en lien avec l'agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) avec laquelle l'INCa travaille.
En ce qui concerne les délais d'accès aux soins, c'est un enjeu majeur de préoccupations. Il faut veiller à avoir un bon maillage territorial de structures de qualité : cela a été l'objet de la démarche d'autorisation des structures, pour qu'elles soient labellisées en fonction des critères de qualité rigoureux. Des financements - 30 millions d'euros - ont été alloués aux établissements plus en difficulté sur le plan de la qualité. L'INCa s'est beaucoup investi sur les plateformes de tests de génétique moléculaire. Les thérapeutiques du cancer sont de plus en plus ciblées en fonction de l'analyse génétique faite sur la tumeur elle-même. Cela suppose que les tests diagnostic soient accessibles à tout le monde. L'INCa a mis en place un réseau de vingt-huit plateformes qu'il finance pour que tous les patients y aient accès. Ce dispositif novateur et original est envié par d'autres pays.
Sur l'implantation de l'INCa, je crains, madame Procaccia, qu'il ne soit pas prévu de changement : l'institut est resté dans les mêmes locaux mais en resserrant ses surfaces pour réduire ses dépenses de fonctionnement.
Sur les coûts élevés des traitements du cancer, il est exact que ces médicaments sont onéreux et figurent en général sur la liste en sus des hôpitaux. Un des objectifs, pour la maîtrise des coûts, est de veiller à actualiser le plus rapidement possible cette liste en sus pour que les traitements n'y restent pas trop longtemps lorsque ce n'est plus légitime. Des négociations doivent aussi être menées avec le comité économique des produits de santé (Ceps) sur le prix initial des médicaments. Un rapport récent de l'Igas appelle à la vigilance sur ce point.
Sur les actions de prévention, c'est effectivement le point de départ car nous savons que beaucoup de déterminants du cancer sont liés aux comportements et à l'environnement : le tabac est la première cause de pathologie cancéreuse, l'alcool aussi, et il est important de mener des campagnes d'information sur les risques. En outre, les connaissances doivent progresser pour ce qui concerne les enjeux environnementaux, naturels ou professionnels, et c'est l'un des aspects sur lesquels l'INCa est engagé, notamment en matière de vérification des produits chimiques et des mesures de précaution à prendre à leur contact dans le cadre du système européen Reach.
Le plan national santé-environnement a également attiré l'attention sur les anciens sites industriels souterrains à recenser, pour éviter que des écoles ou des hôpitaux soient construits sur ces lieux, et à dépolluer.
Les ARS ont mis en place des schémas régionaux de prévention. L'objectif pour l'INCa est de leur donner l'état de la connaissance pour que les agences puissent en tirer des actions concrètes sur le terrain.
Pour ce qui est, à nouveau, de l'accès aux soins, s'il n'est pas possible d'avoir toujours une offre de pointe de proximité, l'important est de disposer d'un réseau, d'une structure pyramidale où le patient est pris en charge à un premier niveau, par des professionnels qui s'appuient sur les niveaux les plus techniques, puis de pouvoir suivre un parcours où l'on accède à des soins plus pointus si nécessaire.
Sur la démocratie sanitaire, il existe plusieurs manières de mettre le patient en situation d'être un des acteurs de sa prise en charge et d'être protégé. J'évoquais tout à l'heure la consultation d'annonce : on lui a donné un cadre pour qu'elle ne soit plus jamais effectuée dans un couloir, à la va-vite. L'évaluation de ce cadre est en cours avec la Ligue contre le cancer qui, comme l'Arc, est membre du conseil d'administration de l'INCa. Leurs préoccupations sont aussi celles de l'institut.
Par ailleurs, le patient doit pouvoir s'informer sur des sites de référence sérieux et fiables. La démarche de l'INCa, grâce à la plateforme Cancer info et à son portail sur les données du cancer, est de donner aux professionnels de santé comme aux malades l'ensemble de l'information à jour.
Dans le cadre des droits du malade, nous sommes également très attachés à l'accès à l'assurance et au crédit. Des conventions existent mais elles ne sont pas forcément bien respectées et mises en oeuvre. Là encore, un processus d'évaluation est en cours.
Pour les droits sociaux, l'INCa est aussi attentif, en liaison avec la Ligue et l'Arc, aux difficultés du retour au travail, du retour au domicile avec les aides nécessaires à la vie courante. Nous considérons clairement que ces questions relèvent de l'institut.
Vous l'avez rappelé, le cancer est un fléau qui touche toutes les familles. L'obsession de l'INCa et de sa présidente, qui est une chercheuse, c'est que les thérapies innovantes soient disponibles dans les meilleurs délais, et notamment via les essais cliniques précoces. Une démarche très volontariste, de mise en place de centres de recherches précoces, est conduite pour faciliter cet accès, en incluant le plus grand nombre possible de patients dans les essais cliniques. Depuis 2008, ce nombre a plus que doublé, c'est un vrai progrès.
Il est exact que les populations les plus démunies ont moins accès que les autres aux soins. Des études ont montré que les populations rurales, les populations des quartiers rencontrent plus de difficultés, ne serait-ce que pour le dépistage. Pour le cancer du sein, par exemple, le dépistage plafonne à 53 % et l'on n'arrive pas encore à améliorer ce taux. Des opérations sont pourtant conduites en milieu rural, avec la MSA, ou à destination des populations étrangères, pour améliorer cette situation. Nous cherchons à mieux cibler les populations les plus à l'écart des opérations du dépistage pour pouvoir améliorer l'efficacité de notre action.
Je reviens sur la nécessité de définir des indicateurs de qualité pour les établissements de soins, sur les processus comme sur les résultats, en taux de mortalité éventuellement. Ils existent en Angleterre ou en Allemagne ; la France est restée plus hésitante, peut-être par crainte de brusquer les professionnels de santé ou d'avoir des indicateurs insuffisamment robustes. Le rapport que prépare l'Igas insistera sur ce point.
Sur notre travail avec les ARS, les points de connexion sont très nombreux : sur le dépistage, d'abord, puisque ce sont les agences qui pilotent les campagnes ; ce sont elles qui délivrent les autorisations pour lesquelles nous leur avons donné des référentiels ; ce sont elles qui conduisent les politiques de prévention. Le secrétariat général du ministère et la direction générale de la santé coordonnent l'articulation entre le niveau national et les ARS. En lien avec ce comité de pilotage des ARS, l'INCa souhaite définir un certain nombre de points de rencontre et d'échanges avec les agences, afin de leur communiquer des données régionalisées, des référentiels de prise en charge, des référentiels d'autorisation et d'avoir des correspondants cancer dans les ARS. Il n'y a pas de risque de doublon ou de superposition des rôles : l'INCa est une structure nationale de références sanitaires et scientifiques mais ce sont les ARS qui veillent à leur application.
La guérison d'un cancer est en général annoncée à l'issue d'un délai de cinq ans. Elle est très variable selon les cancers : on guérit souvent d'un cancer du sein désormais ; le cancer du poumon ou du foie reste très meurtrier.
En ce qui concerne le nombre de plans, la question est délicate car, sans trop les multiplier, il faut aussi identifier des actions vigoureuses. Il me semble que s'agissant de la première pathologie mortelle en France, l'existence d'un plan se justifie pleinement. Le plan cancer a été très ambitieux, très structurant : il a apporté 1,9 milliard de financement, mis en oeuvre à hauteur de la moitié environ puisqu'on est à mi-parcours de son déroulement.
Enfin, sur le rôle de l'INCa dans la sécurité des soins, j'évoquerai les accidents de radiothérapie déplorés à Epinal ou à Toulouse pour illustrer le fait que les équipements ou les prises en charge ne sont pas toujours aussi à la pointe que nécessaire. La sécurité passe par les référentiels de qualité qui fondent les autorisations, mais aussi par un certain nombre d'opérations de contrôle menées par les ARS et par des exigences en matière de radiothérapie : on a constaté en France un manque de radiophysiciens pour paramétrer les équipements. Un effort a été engagé pour augmenter les effectifs mais se pose, ici aussi, la question de la démographie médicale, pour les radiothérapeutes comme pour les oncologues.
Sur la chirurgie reconstructive, je ne connais pas la réponse côté INCa ; côté Igas, nous insistons sur la question des dépassements d'honoraires et je crois que le Gouvernement souhaite maîtriser ces pratiques.
M. Michel Vergoz. - L'efficacité passe par les moyens financiers. Quel regard portez-vous sur les interventions financières que l'Etat accorde à la lutte contre le cancer et sur celles issues de la générosité privée. Sont-elles à la hauteur des besoins ? Se coordonnent-elles entre elles ?
Mme Anne Burstin. - En 2011, le budget de l'INCa était d'environ 105 millions d'euros, dont 53 millions de subventions du ministère de la santé et une quarantaine de millions pour la recherche. Y participent également les membres du Gip, dont l'assurance maladie et diverses associations, et 2 millions d'euros proviennent d'industriels, notamment pour financer les plateformes d'accès aux tests génétiques. Les financements publics sont pour l'heure satisfaisants mais il ne faudrait pas qu'ils décroissent de façon importante. Nous serons très vigilants pour l'avenir : y aura-t-il un plan cancer III, qui apporte une part significative des financements de l'INCa ? Sur ce point, je ne suis pas en mesure de vous éclairer. Si nous devons rechercher des financements complémentaires privés, nous devrons surtout veiller à bien choisir les sujets sur lesquels nous les mobiliserons, pour ne pas avoir des problèmes d'indépendance ou de liens critiquables.
Mme Annie David, présidente. - En vous remerciant, je vous souhaite bonne chance pour la suite de votre carrière.
Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) - Bilan des travaux du premier semestre 2012
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Avant de procéder ce matin à la présentation de deux rapports de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), je voudrais vous indiquer que celle-ci a travaillé sur un rythme régulier tout au long de la suspension des travaux parlementaires. Depuis le début de l'année, la Mecss a procédé à vingt-cinq auditions en réunion plénière. Les rapporteurs ont par ailleurs tenu des réunions de travail ou réalisé des déplacements, notamment dans les établissements hospitaliers.
Aujourd'hui, j'effectuerai quelques observations sur l'enquête de la Cour des comptes relatives aux dépenses d'assurance maladie autres que des soins. Catherine Deroche et Jean-Pierre Godefroy livreront leurs conclusions sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Le mercredi 25 juillet, après une ultime réunion de la Mecss prévue la semaine prochaine, Jacky Le Menn et Alain Milon présenteront à la commission leur rapport sur le financement des établissements de santé, à l'issue d'un semestre d'auditions et de déplacements sur le terrain.
Je voudrais aussi vous informer que pour assurer une meilleure représentation des groupes politiques et en accord avec eux, nous avons décidé de porter les effectifs de la Mecss de onze à seize membres et d'élargir la composition de son bureau. Les modifications nécessaires doivent être apportées, avec l'accord de la commission, au règlement intérieur.
Acte est donné de la modification du règlement intérieur de la Mecss.
Enquête de la Cour des comptes relative aux dépenses de l'assurance maladie hors prise en charge des soins - Présentation du rapport d'information
La commission examine le rapport d'information effectué dans le cadre de la Mecss par M. Yves Daudigny, rapporteur général, sur l'enquête de la Cour des comptes relative aux dépenses de l'assurance maladie hors prise en charge des soins.
A la demande de notre ancienne présidente Muguette Dini, la Cour des comptes a réalisé une enquête sur les dépenses de la branche maladie du régime général autres que les remboursements de soins.
Cette enquête a été présentée devant la Mecss par le président de la 6ème chambre, M. Durrleman, avant la suspension des travaux parlementaires. Il s'agit aujourd'hui d'en permettre la diffusion publique, en y adjoignant nos propres observations.
Le champ du travail effectué par la Cour des comptes est assez restreint. Il représente entre 6 et 7 milliards d'euros par an, moins de 5 % des charges d'assurance maladie.
Il couvre des dépenses très diverses : prise en charge de cotisations sociales des praticiens conventionnés, action sanitaire et sociale des caisses primaires, actions de prévention, subventions à des organismes extérieurs.
Son premier mérite est d'apporter un éclairage précis sur ces dépenses qui sont noyées dans les comptes de l'assurance maladie.
En dix ans, elles ont augmenté de 22 %, deux fois moins vite que les prestations. Ces charges ne constituent donc pas un facteur déterminant de la progression des dépenses d'assurance maladie.
Pour autant, dans le contexte financier actuel, elles méritent une évaluation et un contrôle attentifs.
De cette enquête, je retiendrai quelques enseignements principaux.
Premièrement, la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) finance pour un montant d'environ 1 milliard d'euros plus d'une vingtaine de fonds ou organismes extérieurs qui ont parfois un lien ténu avec les objectifs et missions de l'assurance maladie.
Je pense au centre de gestion statutaire des praticiens et directeurs des hôpitaux publics (CNG) ou au comité de gestion des oeuvres sociales de ces mêmes établissements.
On peut également se demander s'il est normal que la Cnam soit le principal financeur de certains instruments de la politique de santé de l'Etat comme l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam), l'établissement de préparation et de réponse aux urgences (Eprus) ou l'Agence de biomédecine.
Le partage de financement entre Etat et assurance maladie ne repose pas sur des règles suffisamment claires et cohérentes. L'Etat a quelque peu cédé à la tentation du désengagement sur la sécurité sociale, même si les montants en cause ne sont pas considérables.
Par ailleurs, la Cnam finance intégralement des fonds intéressant plus directement ses missions, comme le fonds pour la modernisation des établissements de santé (Fmespp). Mais elle ne pèse pratiquement pas dans la gouvernance de ce fonds, d'ailleurs sévèrement critiquée par la Cour des comptes en raison de l'absence de bilan détaillé et de financement d'opérations étrangères à l'objet du fonds.
Les choses pourraient changer avec la mise en place, en 2012, au niveau de chaque agence régionale de santé, d'un fonds d'intervention régional (Fir). Il regroupera une bonne part du Fmespp et du fonds pour la qualité des soins, le Fonds d'intervention pour la qualité et pour la coordination des soins (Ficqs), certains crédits hospitaliers liés aux missions d'intérêt général (Migac) et des crédits de prévention. L'assurance maladie sera plus étroitement impliquée dans sa gestion. Il faudra cependant à mon sens garantir un suivi très précis des dépenses du Fir, faute de quoi nous verrons apparaître une nouvelle source d'opacité.
Enfin, l'enquête montre aussi que les contributions versées sont parfois très supérieures aux stricts besoins des organismes concernés, leur procurant une trésorerie aussi avantageuse qu'injustifiée.
J'appuierai donc pleinement les recommandations de la Cour des comptes visant à clarifier et rationaliser les principes régissant ces contributions de l'assurance maladie. Celles-ci devraient systématiquement faire l'objet d'une programmation pluriannuelle et la Cnam devrait être mieux associée au pilotage des actions des organismes qu'elle finance.
Je serai plus rapide sur une deuxième série de dépenses.
Le fonds de prévention de la Cnam tout d'abord. Il finance des actions de nature très diverses, dont à peine 40 % constituent des actions propres de l'assurance maladie. La Cour des comptes se montre assez critique sur les centres d'examens de santé, au nombre d'une centaine, mais il semble que la Cnam ait en partie pris en compte ces remarques en ciblant davantage leurs actions.
L'enquête aborde également l'action sanitaire et sociale des caisses locales. Celle-ci peut financer toutes sortes d'aides individuelles, selon des critères complexes et peu transparents. Il faut à l'évidence clarifier et simplifier les conditions d'attribution de ces aides très mal connues des assurés.
Je terminerai par la prise en charge des cotisations sociales des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés du secteur 1.
Elle représente pour la Cnam une dépense proche de 2 milliards d'euros par an et elle progresse à un rythme soutenu.
La Cour des comptes a analysé cette dépense sous l'angle du rapport coût/bénéfice pour l'assurance maladie.
D'un côté, ces prises en charge contribuent au revenu des praticiens. Contrairement à une majoration du tarif de la consultation, elles n'ont pas l'inconvénient d'alourdir le ticket modérateur à la charge de l'assuré.
De l'autre, la Cour des comptes constate que ce dispositif paraît avoir joué un rôle limité dans la promotion du secteur 1 et qu'il n'a guère freiné le développement du secteur 2 où s'accentuent les dépassements d'honoraires. Elle regrette que cette contribution ne soit pas davantage utilisée comme levier au bénéfice de l'assurance maladie et des patients.
La Cour reprend une proposition déjà formulée en 2011 : reconsidérer la prise en charge des cotisations sociales de l'ensemble des médecins, généralistes comme spécialistes, installés ou sortant de formation, en la modulant selon leur implantation géographique.
Cette proposition a le mérite de poser la question essentielle de l'inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire. Elle n'y apporte cependant à mes yeux qu'une réponse partielle, qui pourrait même se révéler contreproductive en termes d'accès aux soins si elle conduisait à rendre le secteur 1 moins attractif dans des zones où il est déjà sous-représenté.
En effet, une telle mesure prise isolément n'aurait d'effet que sur les médecins de secteur 1, sans affecter ceux qui ne pratiquent pas les tarifs opposables puisqu'ils ne bénéficient aujourd'hui d'aucune prise en charge de cotisations.
A enveloppe constante, une modulation impliquerait de diminuer la prise en charge pour les praticiens de secteur 1 en zone dense ou sur dense, là où apparaît justement un déficit de praticiens pratiquant les tarifs opposables.
L'inégale répartition des médecins sur le territoire appelle à mon sens une politique plus globale.
Le nombre de médecins n'a jamais été aussi élevé. Les zones aujourd'hui déficitaires pourraient susciter un regain d'intérêt de leur part à condition de leur proposer un cadre d'exercice cohérent. Il faut pour cela une politique plus volontariste de soutien aux formes d'exercice en groupe, d'ailleurs en accord avec les aspirations des nouvelles générations de médecins.
Cette orientation pourrait éventuellement se doubler d'un conventionnement sélectif, c'est-à-dire le non-conventionnement d'un praticien souhaitant s'installer dans les zones les plus denses.
Une meilleure répartition des compétences entre professionnels de santé, avec un rôle accru pour les infirmières et les autres auxiliaires médicaux, permettrait également de mieux répondre aux besoins de santé insatisfaits sur certains territoires.
Enfin, il faut remédier à cet enchaînement pervers voulant que plus la densité médicale est importante, plus la probabilité de s'installer en secteur 2 est forte et plus les médecins pratiquent des dépassements élevés. C'est l'enjeu de la nécessaire limitation des dépassements d'honoraires sur laquelle le gouvernement veut engager rapidement la discussion avec les syndicats médicaux.
Telles sont, mes chers collègues mes principales observations à l'occasion de cette enquête très utile de la Cour des comptes qui sera publiée, si vous en êtes d'accord, sous le timbre de la Mecss.
Mme Catherine Procaccia. - Le rapport s'interroge sur le financement par la Cnam d'organismes extérieurs à l'assurance maladie. Cela ne me semble pas anormal s'agissant d'établissements comme le centre de gestion statutaire des praticiens hospitaliers, l'Oniam ou l'Eprus, au vu de leur lien direct avec les dépenses d'assurance maladie.
Sur l'instauration du fonds d'intervention régional (Fir), s'agira-t-il d'une juxtaposition de fonds régionaux ou d'un fonds national avec des enveloppes régionales ? Le rapporteur souhaite un suivi attentif des dépenses du Fir. Entend-il proposer des amendements ou des mesures allant en ce sens ?
S'agissant de la prise en charge des cotisations des médecins, j'apprécie que le rapport soit plus nuancé que celui de la Cour des comptes, qui propose de revenir sur les accords ayant incité les médecins à s'installer en secteur 1, sous des prétextes de meilleure répartition. Par ailleurs, les remarques sur les secteurs 1 et 2 ne s'appliquent-elles qu'aux libéraux ? Les médecins hospitaliers sont-ils également concernés ?
Mme Catherine Deroche. - Concernant les centres d'examen de santé, sur quoi portent précisément les critiques de la Cour des comptes ?
Je voudrais également souligner que les médecins n'ont pas fait le choix de s'installer en secteur 1 pour l'avantage conféré par la prise en charge de leurs cotisations.
M. Louis Pinton. - La politique incitative des formes d'exercice en groupe a montré ses limites. Tout a été essayé : les maisons médicales, la télémédecine, les bourses pour les étudiants, dont ils font d'ailleurs peu de cas, des subventions des départements pour les inciter à y effectuer leur stage. Faudra-t-il aller jusqu'à leur proposer le service du petit-déjeuner ? On ne pourra pas écarter des dispositifs contraignants et un encadrement de la liberté d'installation si l'on veut véritablement remédier à l'inégale répartition des médecins sur le territoire.
Quant à l'idée d'une meilleure organisation des compétences entre professionnels de santé elle reste à mon sens théorique. Une infirmière, un pharmacien ou un vétérinaire ne pourra effectuer le travail d'un médecin. En revanche, il est vrai que les auxiliaires médicaux jouent un rôle essentiel pour le maintien à domicile.
M. Ronan Kerdraon. - Le rapport démontre la nécessité, concernant ces dépenses d'assurance maladie autres que les soins, de simplifier, de rationnaliser, de clarifier les choses et de les rendre plus cohérentes. Il faut éviter le saupoudrage.
Il faut le reconnaître, nous avons assisté à un désengagement de l'Etat, le rapport le montre clairement, et c'est regrettable.
L'inégale répartition des médecins sur le territoire appelle par ailleurs une politique plus incitative et plus globale que la solution proposée par la Cour des comptes.
Mme Aline Archimbaud. - Les critiques émises par la Cour des comptes sur la politique de prévention ne doivent pas aboutir à diminuer les crédits qui lui sont alloués, même si un travail de clarification reste nécessaire.
Concernant les inégalités territoriales pour l'accès aux soins, la politique de soutien aux formes d'exercice en groupe reste insuffisante : d'autres mesures, quelles soient contraignantes ou incitatives, devront être envisagées.
Mme Claire-Lise Campion. - Il est difficile d'inciter les médecins à s'installer dans certaines zones, comme le révèle l'échec des mesures prises jusqu'à présent. Une analyse globale du problème est nécessaire et elle doit inclure la meilleure répartition des compétences entre professionnels de santé. Par exemple, dans le domaine de la protection maternelle et infantile, certaines collectivités territoriales ont résolu les difficultés de recrutement de médecins en organisant des transferts de tâches entre professionnels. Les pistes trouvées en la matière pourraient être mises en oeuvre de façon plus générale.
Il faut également s'attaquer à la question des dépassements d'honoraires du secteur 2.
M. Guy Fischer. - L'utilité des centres d'examen de santé, qui s'adressent aux populations en difficulté, n'est plus à démontrer. Il faut les conforter.
Au-delà de la prise en charge de leurs cotisations sociales, c'est la globalité des revenus du corps médical qui mérite examen et qui est aujourd'hui difficile à cerner.
Par ailleurs, le problème du recrutement de médecins étrangers pour remédier aux déserts médicaux n'a pas été évoqué.
Il faut résolument travailler en réseau pour améliorer l'accès aux soins, de plus en plus difficile, notamment dans les grands quartiers populaires.
Mme Samia Ghali. - Il serait nécessaire d'accentuer la politique de prévention dès l'enfance, en insistant sur le rôle des médecins scolaires notamment en matière dentaire ou ophtalmologique. C'est peut-être un investissement au départ mais elle génère à terme des économies.
Par ailleurs, les professionnels sont, comme les habitants, confrontés à l'insécurité. Je regrette enfin qu'on ne parle pas de santé dans le cadre de la politique de rénovation urbaine.
M. René-Paul Savary. - Je voudrais rappeler que les cotisations sociales des médecins représentent une charge lourde, notamment en matière de retraite. La contribution de l'assurance maladie n'est que la contrepartie de la faible revalorisation de la consultation sur une longue période.
La prévention est coûteuse et inefficace si elle n'est pas ciblée sur des publics particuliers.
En ce qui concerne la délégation de tâches, j'attire votre attention sur les problèmes graves que cela peut poser en termes de responsabilité. Il y a malheureusement eu un incident dramatique cette nuit même dans mon département pour illustrer ce risque.
Par ailleurs, je rejoins la proposition du rapporteur général visant à ne plus conventionner de médecins dans les zones saturées, comme cela se fait déjà pour les pharmaciens et, bientôt, pour les infirmières. Une récente étude de l'observatoire national de l'action sociale décentralisée (Odas) montre que l'on peut estimer le nombre de médecins nécessaires sur un territoire donné, en fonction de sa population. Le conventionnement devrait être réservé aux zones dans lesquelles des installations supplémentaires sont justifiées.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Concernant la démographie médicale, il est difficile d'imposer des contraintes aux médecins, en particulier aux femmes médecins qui cherchent à concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Des incitations sont cependant possibles, telles que l'aide à l'installation pour les jeunes médecins, notamment pour les frais d'assurance, ou l'obligation d'effectuer une année de stage auprès d'un médecin libéral, afin de se familiariser avec ce type d'exercice.
M. Jacky Le Menn. - Il est nécessaire de rationnaliser les subventions versées par l'assurance maladie, qui peuvent parfois être très supérieures aux besoins des organismes bénéficiaires. Il serait anachronique que des établissements disposent de fonds en excès quand les hôpitaux, par exemple, subissent les contrecoups de la crise bancaire en termes de trésorerie. Il faut également associer la Cnam de manière plus forte au pilotage des actions mises en oeuvre.
Comme l'indique le rapporteur, la transparence doit être renforcée sur l'action sanitaire et sociale des caisses primaires. Enfin, les observations de la Cour des comptes ne doivent pas remettre en cause l'existence des centres d'examen de santé dont l'utilité pour l'accès aux soins est incontestable.
Sur les cotisations sociales des praticiens, le temps est venu de remettre à plat, de manière équitable et sans passion, la question des rémunérations. Les intéressés doivent être pleinement associés à ce travail. Est-il normal qu'une consultation de généraliste rapporte moins que les prestations de certains autres métiers aussi estimables soient-ils ?
Mme Catherine Génisson. - J'estime moi aussi qu'il faut rester vigilant sur le maintien des centres d'examen de santé.
Le problème de la démographie médicale sera en partie résolu lorsque l'on donnera enfin toutes ses lettres de noblesse à la spécialité de médecine générale, ce qui implique une remise en question de la part de certains professeurs d'université. La reconnaissance des charges pour l'accueil d'un étudiant en cabinet de ville doit également être suffisante. Il faut aussi distinguer lieu d'installation et lieu de vie, qui ne coïncident pas nécessairement.
Par ailleurs, il faudrait à mon sens aller jusqu'à interdire toute installation dans les zones les plus denses en médecins. C'est une responsabilité du Conseil de l'ordre.
M. Michel Vergoz. - Beaucoup de nos concitoyens ignorent sans doute que les médecins du secteur 1 sont déchargés de leurs cotisations sociales. Cet avantage peut justifier, selon moi, un effort de rééquilibrage de leur répartition territoriale. Par ailleurs, les problèmes de continuité des soins ne concernent pas que les déserts médicaux. Dans de nombreux territoires, on constate l'absence de tout médecin de garde le week-end.
Ce rapport, comme celui de la Cour des comptes ayant conduit à ne pas certifier les comptes des branches AT-MP et famille, démontre la nécessité d'une plus grande transparence et d'une plus grande cohérence dans les finances sociales. Des centaines de millions d'euros sont en jeu. Les questions ne doivent pas être abordées de manière cloisonnée. Une politique globale de santé nécessite une véritable remise à plat et une approche transversale.
Mme Isabelle Pasquet. - La question essentielle est de savoir quelle offre de soins l'on souhaite sur le territoire. La réponse doit-elle être uniquement déterminée par le corps médical ? Il n'est question que « d'incitation » pour pallier l'inégale répartition territoriale, alors que dans de nombreuses autres professions, on ne laisse pas le choix aux intéressés. La prise en compte des préoccupations du corps médical ne doit pas s'effectuer au détriment de la population.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Le foisonnement des questions démontre, s'il en était besoin, l'intérêt de la demande que Mme Dini avait présentée à la Cour des comptes.
En ce qui concerne le bien-fondé du financement de certaines dépenses par l'assurance maladie, je suis en désaccord avec Catherine Procaccia. A la question de savoir si l'accroissement des subventions mises à la charge de l'assurance maladie au cours des dix dernières années s'était inscrit dans une logique de débudgétisation et de désengagement de l'Etat, la Cour répond clairement par l'affirmative dans deux cas précis que j'ai cités dans mon intervention : le centre national de gestion (CNG) et le comité des oeuvres sociales des établissements hospitaliers. Je dois ajouter que la gestion de la fonction publique hospitalière entre complètement dans les compétences de l'Etat. La création du CNG, en tant qu'établissement public, s'apparente à une forme de démembrement et a permis un financement externe complémentaire. Qui plus est, la Cour constate que, dans la plupart des cas, l'assurance maladie n'est là que comme financeur et ne participe pratiquement pas au pilotage des actions menées.
Le fonds d'intervention régional a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et il est à peine entré en fonctionnement ; il regroupe des crédits d'origine diverse (Etat et assurance maladie), qui sont gérés, de manière fongible, par chaque ARS. Lors de l'examen du PLFSS, nous avions le souci de conserver la capacité de suivre les crédits et de disposer de données pour évaluer correctement leur utilisation. Nous devrons être attentifs à cette question ; le FIR est un progrès car il tend à limiter l'éparpillement et à donner des marges de manoeuvres aux ARS pour mener des politiques locales, mais la transparence doit également être au rendez-vous.
Ce nouveau fonds aura notamment une mission importante en termes de prévention, politique qui doit absolument trouver de l'efficacité et éviter le saupoudrage. Plus largement, la prévention doit être au coeur, en effet, du système de santé et cela commence notamment par une médecine scolaire renforcée, l'éducation étant bien sûr à la base de la prévention.
J'ai présenté, dans mon rapport, un jugement plus nuancé que celui de la Cour sur les centres d'examen de santé de l'assurance maladie. En 2009, elle avait demandé leur reconversion en centres de santé, la fermeture de certains d'entre eux et un pilotage direct de la Cnam. Elle regrette ici que ses recommandations n'aient pas été suivies d'effet et que la Cnam n'ait pas cherché à réduire le coût induit par ces centres. Elle signale néanmoins que la caisse a entrepris de recentrer le dispositif sur les publics précaires qui, d'après les informations que j'ai pu recueillir depuis la présentation de son rapport par la Cour, représentent désormais 50 % des consultations des centres. Comme nombre d'entre vous, je crois que ces centres jouent un rôle important et qu'il ne faut pas les fragiliser.
En ce qui concerne la partie du rapport de la Cour sur la prise en charge des cotisations sociales des praticiens, je rappelle que la plupart des médecins n'ont pas le choix de leur secteur de conventionnement car la convention fixe des critères d'éligibilité à l'inscription en secteur 2. Aujourd'hui, presqu'aucun généraliste ne s'installe en secteur 2 contre 60 % des spécialistes. On voit bien le problème ! Or, le médecin généraliste doit être au coeur de notre système de santé réorganisé autour de la notion de « parcours de santé », plus que de soins d'ailleurs. Avec un parcours coordonné du début à la fin, de la ville à l'hôpital puis en soins de suite le cas échéant, le patient subira le moins de ruptures et de contraintes, sa qualité de prise en charge en sera améliorée ; qui plus est, les coûts seront réduits pour la collectivité.
Au sujet de l'installation sur le territoire, n'avons-nous qu'un choix entre le fouet et le service du café le matin au petit-déjeuner ? La question est plus complexe et nécessite une réponse globale. Il y a clairement la nécessité d'offrir la possibilité d'une pratique plus collective. La féminisation des professions aboutit également à certaines évolutions.
Mme Catherine Procaccia. - Faudra-t-il mettre des quotas pour les hommes ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Peut-être... Plus sérieusement, il est important de prévoir des périodes longues de stage durant les études dans les cabinets de ville, notamment en zone rurale.
Il n'est pas question de confier des tâches médicales à des professionnels non formés pour cela mais, à l'inverse, il est assurément possible de décharger les médecins de tâches qui ne le sont pas... Et qui prennent aujourd'hui beaucoup de temps. Je pense également aux sages-femmes qui pourraient aisément se voir confier plus de compétences sans nuire à la qualité de la prise en charge des femmes. Cette réflexion pourrait aussi aboutir à la création de nouveaux métiers, il faut y réfléchir.
Enfin, je rappelle qu'un peu plus de huit cents médecins seulement sont aujourd'hui non conventionnés en France, ce qui montre l'immense intérêt pour le processus de conventionnement, qui solvabilise les patients. Dans ces conditions, l'interdiction complète de l'installation sur certains territoires me semble, à ce stade, inutile.
Mme Annie David, présidente. - La question des déserts médicaux nécessite en effet une réflexion globale que nous ne manquerons pas d'avoir dans les prochains projets ou propositions de loi, notamment dans le prochain PLFSS.
La commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.
Financement de la branche accidents du travail - maladies professionnelles - Présentation du rapport d'information établi au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss)
La commission examine le rapport d'information établi, au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), par M. Jean Pierre Godefroy et Mme Catherine Deroche sur le financement de la branche AT MP.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Catherine Deroche et moi-même avons, à la demande de la Mecss, examiné la question du financement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles. L'intérêt d'un rapport sur ce sujet nous est apparu évident lors de la discussion du dernier PLFSS. En effet, c'est au cours des débats avec la ministre du budget de l'époque, que sont apparus deux éléments saillants. D'une part, le manque de connaissance sur la situation financière réelle de la branche y compris, cela a été confirmé lors de nos auditions, pour les partenaires sociaux représentés au sein de son conseil d'administration. D'autre part, l'existence d'un besoin de financement cumulé important, représentant près de 15 % du budget de la branche, non pris en charge et dormant dans les comptes de l'Acoss. Nous y reviendrons.
C'est la première fois que le Sénat aborde, en dehors du vote du PLFSS, les enjeux de financement de la branche AT-MP. Cela s'explique aisément ; les montants sont considérablement moins importants que ceux des autres branches de la sécurité sociale (12 milliards d'euros de dépenses en 2012 pour la branche AT-MP contre 162 milliards pour la branche maladie, 111 milliards pour la branche vieillesse, 57 milliards pour la branche famille). Les modalités de ce financement sont doublement spécifiques. Tout d'abord elles n'impliquent ni cotisation salariale ni affectation d'une part de la contribution sociale généralisée (CSG). L'indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles repose donc intégralement sur les entreprises. Ensuite, le niveau des cotisations suit des principes assurantiels et s'ajuste aux dépenses de la branche. Celle-ci doit donc être toujours à l'équilibre, sauf période d'ajustement liée à une brusque augmentation des dépenses ou à la non-perception de certaines recettes.
Il ne devrait donc pas y avoir de problème de financement de la branche. Malgré cela les déficits des années 2009, 2010 et 2011 ont abouti à la constitution d'un déficit cumulé de 1,7 milliard d'euros.
Après vous avoir présenté les caractéristiques du financement de la branche, nous envisagerons donc les scenarios possibles pour la résorption du déficit.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. - La loi du 9 avril 1898 relative à la réparation des accidents du travail constitue la première des grandes lois fondatrices de l'Etat providence. Elle a introduit dans notre droit la notion de risque social et elle fonde la présomption d'imputabilité des accidents à l'entreprise.
Ce n'est pourtant qu'en 1945, avec l'intégration de la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles à la sécurité sociale, qu'un financement de type assurantiel a été mis en place. Les employeurs, qui étaient libres ou non de s'assurer dans le régime de 1898, doivent acquitter une cotisation qui varie selon le risque qu'ils font peser sur les salariés.
Le mode de calcul des cotisations tient compte de la taille de l'entreprise, de son secteur d'activité et de la sinistralité passée, soit le nombre d'accidents de travail et de maladies professionnelles survenus au cours de l'année précédente.
Devenu de plus en plus complexe avec le temps, le mode de calcul des cotisations a fait l'objet, à partir de 2002, de critiques de plus en plus sévères de la part de la Cour des comptes et des rapports publics commandés sur le sujet. En 2007, le rapport du groupe présidé par Pierre-Louis Bras, inspecteur général des affaires sociales, dressait le constat d'une tarification peu vigoureuse, peu individualisée, peu réactive et peu lisible et condamnait « un système incohérent ».
L'analyse économique du système de cotisation fait ressortir la forte mutualisation du risque entre entreprises. Celle-ci s'effectue au travers de la répartition des coûts globaux de la branche entre les entreprises. En effet, les entreprises qui ont la plus forte sinistralité supportent une part inférieure des dépenses non imputables. Celles ci sont donc à titre principal supportées par les entreprises dont la sinistralité est faible. Ainsi, seule une minorité d'entreprises supporte un coût de cotisation élevé, conformément à la logique assurantielle du régime ; les entreprises concernées par les forts taux de cotisation évoluent fortement d'une année sur l'autre car les accidents se reproduisent heureusement peu au sein des mêmes établissements.
Cette mutualisation est conduite au détriment de l'aspect incitatif de la modulation des cotisations. Le sous-titre d'une étude publiée par la Drees est d'ailleurs significatif : « un dispositif qui était en 2009 plus redistributif qu'incitatif ».
Complexe et faiblement incitatif, le mode de tarification a finalement été réformé en 2009. La réforme a été adoptée à l'unanimité par la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles. Elle a fait l'objet en 2010 d'un décret d'application fixant les règles de tarification des risques d'accidents du travail et de maladies professionnelles :
- de nouveaux seuils d'effectifs, qui permettent d'impliquer davantage d'entreprises dans la tarification individuelle et donc dans la prévention des risques, sans faire supporter aux plus petites entreprises une charge insupportable ;
- un nouveau mode d'imputation au coût moyen, qui permet de réduire les délais entre le sinistre et sa prise en compte dans le calcul du taux de cotisation. Ainsi, la nouvelle tarification tient plus rapidement compte des efforts de prévention fournis par les employeurs et les effets d'un sinistre sur les cotisations s'éteindront au bout de trois ans, ce qui facilitera la transmission des entreprises ;
- enfin, le choix du taux unique pour les entreprises en multi-établissements, qui leur permet d'opter, si elles le souhaitent, pour un calcul du taux de cotisation à partir de la sinistralité de tous leurs établissements ayant la même activité. Les efforts de prévention de l'entreprise sont ainsi appelés à se généraliser dans l'ensemble de ses établissements.
La réforme s'appliquera progressivement à compter des taux notifiés en 2012 et sera pleinement effective en 2014.
La CAT-MP est étroitement associée à la mise en oeuvre de la réforme et se réunit sous forme de comités de suivi. Lors de sa réunion du 31 mai 2012, un premier bilan des effets de la réforme sur le montant des cotisations a pu être dressé. Il apparaît que, toutes entreprises confondues, la variation entre les taux notifiés en 2012 et les taux qui auraient été établis hors réforme est de l'ordre de - 0,01 %. Cette variation est très faible et elle s'effectue plutôt au bénéfice des entreprises dans leur ensemble. De plus, seuls 5 % des entreprises connaîtront une variation de leur taux de cotisation de plus ou moins 0,5 point. La réforme peut donc être considérée comme globalement neutre financièrement, ce qui est une condition de son succès.
En dehors du mode de calcul des cotisations, le mode de recouvrement a également été critiqué par la Cour des comptes qui l'a retenu comme motif du refus de certification des comptes de 2010 et, à nouveau, de 2011. En effet, dans son rapport de juin 2011 sur la certification des comptes 2010, la Cour a souligné que les bases dont dispose la caisse pour établir les cotisations qui lui sont dues montrent de nombreux écarts avec celles de l'Urssaf. Tant l'existence des entreprises dans la base que leurs effectifs réels peuvent donc paraître incertains. Cette incertitude est accrue par le fait que les organismes chargés du recouvrement des cotisations ne signalent pas les erreurs constatées dans la base AT-MP, qui ne peuvent alors être corrigées immédiatement.
Dans son rapport de juin 2012 sur la certification des comptes de l'exercice 2011, la Cour des comptes note une « atténuation des constats relatifs au manque d'interaction des processus respectifs de la branche AT-MP et de l'activité de recouvrement », mais elle constate que les divergences entre les bases ont encore un effet sur les cotisations sociales afférentes à l'exercice de 2011.
L'approfondissement des travaux de la Cour en 2011 a également conduit à une remise en cause sévère du contrôle interne exercé par la branche qui fonde trois des cinq motifs de non-certification. Des défaillances sont constatées sur le contrôle exercé sur la détermination des risques et sur les erreurs concernant les prestations tant en espèces qu'en nature.
Les réformes engagées par la branche doivent donc se poursuivre afin d'assurer la pleine efficacité du système de tarification et de recouvrement.
Parallèlement, les principes posés en 1898 pour l'indemnisation et en 1945 pour le financement paraissent remis en cause par l'augmentation des dépenses non directement imputables à des accidents du travail ou des maladies professionnelles ainsi que par le développement d'une pratique systématique du contentieux en matière de cotisation.
Plus du tiers des charges de la branche AT-MP est constitué de dépenses de transfert vers d'autres régimes de sécurité sociale, vers la branche maladie du régime général ou vers différents fonds, notamment ceux dédiés aux victimes de l'amiante. L'ampleur de ces charges - 2,5 milliards d'euros en 2011 - et leur justification ont suscité des critiques, car elles sont perçues comme remettant en cause l'équilibre de la branche.
En dehors de transferts dits de « solidarité » tendant à compenser le déséquilibre démographique de certains régimes de base (celui des Mines et celui de la Mutualité sociale agricole), la branche effectue trois reversements budgétairement conséquents : vers l'assurance maladie, vers les fonds amiante et vers la branche retraites.
Le transfert le plus contesté est le reversement à la branche maladie du régime général pour compenser la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des AT-MP. Le montant de ce reversement n'a cessé de croître depuis sa création en 1997, et s'élève à 790 millions en 2012. Il est déterminé par la LFSS à partir des évaluations fournies par une commission, présidée actuellement par Noël Diricq, conseiller maître à la Cour des comptes. Celle-ci se réunit tous les trois ans et a remis son dernier rapport en juin 2011. La scientificité de la méthode d'évaluation de la sous-déclaration est contestée par le patronat. La possibilité d'évaluer l'imputabilité au travail de pathologies comme les troubles psychosociaux fait également débat.
La branche AT-MP du régime général est également le principal financeur des fonds destinés aux victimes de l'amiante. En 2012, le montant versé aux deux fonds est de 1,2 milliard d'euros, 890 millions pour le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata), et 315 millions pour le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). Deux points font ici débat. Le premier concerne la mutualisation qui fait peser sur l'ensemble des entreprises et non sur les seules ayant utilisé de l'amiante la charge de la réparation. Le second est celui du désengagement de l'Etat qui n'abonde plus les fonds, contrairement aux engagements pris lors de leur création. Il me semble important de rappeler à ce propos la préconisation n° 11 du rapport de la mission d'information sur l'amiante que présidait Jean-Marie Vanlerenberghe et dont Gérard Dériot et Jean-Pierre Godefroy étaient rapporteurs : « déterminer les parts respectives de l'Etat et de la sécurité sociale au financement des fonds par l'application d'une clé de répartition stable dans le temps ; la contribution de l'Etat pourrait être fixée à 30 % ».
Enfin, en application de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, le départ anticipé à la retraite pour pénibilité n'est pas financé par la branche vieillesse mais par la branche AT-MP.
Par ailleurs, le coût des procédures contentieuses pour la branche a explosé au cours des dernières années. Il était estimé à 200 millions d'euros par an en moyenne jusqu'en 2006, mais il s'élevait à 325 millions d'euros en 2007, à 451 millions en 2010 et a atteint 520 millions en 2011. Ainsi que l'indique la Cour des comptes « Les dénouements défavorables de contentieux se sont traduits par une réduction de 360 millions d'euros des produits de cotisations sociales au titre de l'exercice 2011 (après 315 millions au titre de l'exercice 2010 et 298 millions au titre de l'exercice 2009) » pesant sur les recettes et empêchant le retour à l'équilibre prévu par la loi de finances. 30 % à 50 % de ces sommes sont constitués par la rémunération des conseils des entreprises requérantes. Le nombre de ces entreprises est pour sa part resté relativement stable, passant de quatre mille en 2008 à cinq mille en 2011. De plus, la majeure partie du contentieux se concentre sur un petit nombre d'entreprises : une centaine d'entre elles représentait 50 % des sommes en cause en 2008 et 60 % à 70 % en 2011.
Face à l'ampleur des sommes liées au contentieux, l'absence de provisionnement adéquat dans les comptes de la branche est le premier motif et l'une des raisons essentielles du refus de certification des comptes de 2011.
L'analyse conduite par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (Cnitaat) fait ressortir le caractère systématique et organisé de la majorité du contentieux, qui s'inscrit dans une démarche de réduction du coût des cotisations sociales pour les entreprises concernées. Ceci explique le caractère essentiellement procédural des recours engagés souligné par la Cour des comptes. Les sommes récupérées par la voie contentieuse sont réparties entre l'entreprise, ses avocats et les cabinets de conseil spécialisés.
La montée en charge du contentieux est sans doute liée à l'anticipation par les entreprises et leurs conseils des effets de la réforme de tarification qui devraient faire disparaitre une part importante des causes de recours. Il serait cependant illusoire de penser que ceux-ci disparaîtront. En effet, la masse des contentieux de procédure pourrait se reporter sur la contestation des seuils mis en place par les nouveaux barèmes de tarification et vers la contestation du taux d'incapacité fixé pour la victime.
Ainsi que l'ont souligné à vos rapporteurs les magistrats de la Cnitaat, les normes seront toujours en retard sur le contentieux. Il importe donc qu'elles puissent être les plus simples possibles afin de limiter les difficultés d'interprétation et de garantir la sécurité juridique nécessaire tant aux victimes qu'aux entreprises.
Voici donc les problèmes structurels que connaît le financement de la branche.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Parallèlement à ces difficultés liées aux cotisations et aux transferts, la branche a, contrairement à sa vocation assurantielle, accumulé depuis 2009 un niveau de dette sans précédent.
La dégradation subite de la conjoncture économique en 2009 et 2010 a exacerbé une tendance lourde d'accumulation des déficits de la branche sur les dix dernières années. En 2009, pour la première fois depuis 1945, la masse salariale s'est contractée de 1,2 %, amenant un effondrement des cotisations. En 2010, malgré une augmentation de la masse salariale de 1,9 %, les effets combinés de l'augmentation des dépenses de la branche et du solde de l'année précédente ont conduit à un déficit encore supérieur. Cette situation est conforme à celle des autres branches dont les ressources sont assises sur la masse salariale. Cependant, contrairement aux autres risques couverts par la sécurité sociale, aucune décision n'a à ce jour été prise afin de résorber la dette cumulée, dont l'évaluation même reste, à notre surprise, quelque peu difficile.
La logique assurantielle de la branche AT-MP suppose que les cotisations des entreprises soient ajustées à ses dépenses. Ce mécanisme a bien joué sur les quarante dernières années, puisque la baisse du nombre d'accidents du travail a permis la constitution d'excédents et la réduction du taux de cotisation de près de deux points entre 1970 et 2005.
Cependant, ainsi que l'indique le rapport de gestion de la branche, la succession des déficits depuis 2002 (à l'exception de 2008) a conduit à une érosion continue des fonds propres. Depuis 2007, la branche connaît un besoin de financement qui n'a cessé de croître.
Face à cette situation, le montant des cotisations AT-MP a augmenté de 0,1 point en 2011 pour s'établir en moyenne à 2,385 % de la masse salariale. Cette augmentation était jugée nécessaire pour permettre à la branche de faire face à son niveau de dépenses annuel, dans une perspective de retour à l'équilibre qui s'est avérée trop optimiste. Elle a été justifiée notamment par le transfert nouveau imposé à la branche en faveur de la Cnav au titre des départs anticipés à la retraite liés à la pénibilité. Ainsi, le taux de cotisation actuel est à peine suffisant pour faire face aux dépenses courantes de la branche et ne peut permettre de réduire le déficit cumulé depuis 2007.
On ne peut que regretter que la question de la dette de la branche ait été occultée par les modalités du vote de son budget dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Le solde cumulé de la branche apparaît dans les documents transmis au Parlement par la commission des comptes de la sécurité sociale, par la branche, ainsi que dans l'annexe 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il ne fait cependant l'objet d'aucun débat, ni d'aucun vote au cours de l'examen par le Parlement.
Le choix d'un vote sur le seul solde budgétaire de l'année à venir peut donc être source d'un décalage entre la situation telle qu'elle est perçue par la représentation nationale et la situation réelle de la branche. Le vote du budget de la sécurité sociale apparaît sur ce point moins transparent que celui des budgets des collectivités locales. Nous souhaitons donc qu'un débat sur la dette et son financement soit organisé chaque année.
Le montant cumulé des déficits de la branche s'élève au 31 décembre 2011 à 1,7 milliard d'euros dans les comptes tels que présentés par la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS). Lors de son audition par vos rapporteurs, l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) a pour sa part indiqué que le besoin de financement de la branche à la même date est de 2,2 milliards.
La différence de 500 millions d'euros entre les deux sources est due, d'après les informations dont disposent vos rapporteurs, aux provisions et produits comptabilisés d'avance, qui sont imputés sur le compte de la branche à l'Acoss. L'écart entre le solde constaté par la commission des comptes de la sécurité sociale depuis 2002 et le solde comptable de l'Acoss a connu des variations importantes allant jusqu'à plus d'1 milliard d'euros en 2008. Il tend depuis cette date à se réduire, mais l'importance des sommes en cause a conduit vos rapporteurs à demander à l'Acoss une analyse détaillée des différences entre le solde tel qu'il résulte des votes annuels du Parlement et le besoin de financement constaté par l'Agence.
Une fois établi le besoin de financement réel de la branche, la question demeure posée des moyens de la résorber, l'Acoss n'ayant pas vocation à assumer durablement cette charge. Les taux d'intérêt particulièrement bas dont elle bénéficie se traduisent néanmoins par des coûts financiers annuels de l'ordre de 19 millions d'euros pour couvrir les besoins de la branche. En toute logique, ceux-ci devraient d'ailleurs être imputés à la branche elle-même.
Sans vouloir trancher à ce stade une question qui relève de la négociation entre partenaires sociaux et des choix du Gouvernement, vos rapporteurs souhaitent présenter les scénarios possibles pour la prise en charge rapide de la dette et rappeler que la solution retenue ne doit pas conduire à une dénaturation de la branche.
Trois modalités de prise en charge de la dette de la branche sont envisageables. Chacune présente des avantages et des inconvénients. Nous avons délibérément écarté une quatrième solution qui serait le maintien du statu quo. La charge du financement de la dette de la branche par l'Acoss est d'environ 19 millions d'euros par an. Cette somme vient alourdir le déficit et il paraît impossible de le laisser s'aggraver indéfiniment.
La première possibilité est celle envisagée par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le transfert de la dette à la Cades.
Ceci aboutirait à socialiser la dette de la branche puisque la Cades devrait financer la dette par une recette nouvelle. Ainsi, ce serait l'ensemble de la population qui serait appelé à supporter les coûts incombant aux entreprises. Cette situation ne serait pas conforme aux principes fondateurs de la branche et le Sénat s'y est opposé avec succès en 2011.
L'opportunité d'un nouveau transfert de dette à la Cades pour la seule branche AT-MP serait par ailleurs discutable en elle même.
La solution la plus conforme à la logique assurantielle de la branche est l'augmentation des cotisations payées par les entreprises. Une augmentation moyenne de 0,4 point permettrait de résorber en une année la dette cumulée. Ceci suppose que l'activité des entreprises ne connaisse pas de déformation importante et que le poids financier du contentieux s'allège.
Ceci constituerait un choc financier important pour les entreprises, même à supposer que les cotisations AT-MP soient baissées de 0,4 point l'année suivante. Les effets réels d'une augmentation soudaine et limitée dans le temps des cotisations sur les acteurs ne peuvent être pleinement anticipés et il est à craindre que certains ne cherchent à profiter d'éventuels effets d'aubaine.
Une augmentation progressive du montant des cotisations suivie de leur baisse une fois la dette apurée pourrait paraître plus envisageable.
Une solution médiane entre financement par les entreprises et socialisation pourrait également être imaginée. Lors de son audition par vos rapporteurs, l'Acoss a indiqué qu'il est possible de distinguer dans les déficits de 2009 et 2010, qui constituent l'essentiel du montant de la dette, une part conjoncturelle et une part structurelle.
La part structurelle est celle liée aux dépenses de la branche et il est logique qu'elle soit financée selon les règles établies en 1945.
La part conjoncturelle résulte de la brusque dégradation de la conjoncture économique dont les entreprises ne sont pas responsables. Un financement par d'autres prélèvements sociaux pourrait donc être envisagé. Il s'agirait donc d'un transfert partiel de la dette de la branche à la Cades.
Les entreprises devraient donc faire face à une augmentation de leurs cotisations mais celle-ci serait plus modérée. Les Français dans leur ensemble supporteraient pour leur part les conséquences de l'effondrement de la masse salariale en 2009.
Cette solution a le mérite de prendre en compte les réalités économiques passées et la situation actuelle des entreprises qui font face à des charges financières importantes. Elle pose néanmoins un problème de principe identique à celui du transfert total de la dette à la Cades. Il s'agit en effet d'une rupture avec la logique assurantielle. Les améliorations de la conjoncture économique ne sont pas plus imputables aux entreprises que les crises et elles ne donnent pas lieu à une contribution de la branche à la Cades. Par ailleurs faire appel à une part de socialisation de la dette pourrait être s'engager dans un système complexe et durable car il aurait vocation à durer tant que durera la crise économique.
Quelle que soit la solution retenue pour financer la dette, il importe que deux principes soient respectés sous peine de dénaturer la branche et de mettre en cause sa pérennité.
Lors de nos auditions, nous avons pu constater que la volonté de mettre en place des mesures de prévention efficaces et une indemnisation juste des victimes anime tous les membres de la CAT-MP. Elle est de ce fait l'un des lieux privilégiés du dialogue social dans notre pays. Toucher à l'équilibre du système mis en place en 1898 et en 1945, c'est risquer de remettre en cause ce dialogue social, ce qui se ferait nécessairement au détriment des entreprises et des salariés.
L'idée ancienne mais périodiquement renouvelée de remplacer le financement de la branche par les entreprises par un financement reposant en partie sur la solidarité nationale afin de garantir aux victimes une indemnisation intégrale de leurs préjudices doit donc être considérée avec prudence.
Les conclusions de la commission présidée par Rolande Ruellan sur l'indemnisation des victimes auront donc une importance particulière pour l'avenir de la branche.
En dehors de la période actuelle d'accumulation de dette, le système de financement de la branche AT-MP apparaît comme relativement dynamique. Nous estimons largement infondées les critiques adressées au principe des transferts actuellement à la charge de la branche, mais nous partageons néanmoins l'inquiétude exprimée par plusieurs partenaires sociaux. En effet, les besoins de financement de l'assurance maladie et de la branche vieillesse ne doivent pas devenir en eux-mêmes des causes de transfert de charges vers la branche AT-MP. Celle-ci a vocation à rester responsable des seuls dommages subis par les victimes du travail relevant du régime général de sécurité sociale.
J'ajoute que le choix fait il y a deux ans de cesser d'imputer aux entreprises ayant exposé leurs salariés à l'amiante un part supérieure de participation aux fonds est particulièrement regrettable. Des considérations économiques ont primé sur les exigences de justice en la matière.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. - C'est dans le cadre du futur PLFSS que sera réglée la question du besoin de financement de la branche. Nous devrons également veiller à ce que les propositions du Gouvernement tiennent compte de la nature de la branche pour qu'elle assume, au travers de ses modalités spécifiques de financement, les charges qui lui incombent, mais uniquement celles-ci. D'autres questions, au premier rang desquelles figure l'uniformisation du traitement des demandes d'indemnisation sur l'ensemble du territoire et la prise en compte adéquate de toutes les pathologies liées au travail, figurent au coeur des préoccupations des partenaires sociaux. Elles devront également être abordées ultérieurement.
Mme Annie David, présidente. - J'aurai quelques questions à poser mais je donne d'abord la parole à mes collègues.
M. Georges Labazée. -Pouvez-vous me préciser ce qu'il y a derrière les notions de « prestations tant en espèces qu'en nature » ?
M. Guy Fischer. - Je serais tenté de qualifier ce rapport de véritable chef d'oeuvre ! Nous n'avions encore jamais disposé d'une étude approfondie sur le financement de la branche AT-MP, sujet pourtant très sensible. Le rapport effectue une synthèse de la réalité et pose en même temps des problèmes d'actualité. Deux choses m'interpellent. En premier lieu, la volonté des entreprises de se soustraire à leur devoir de solidarité nationale demeure réelle. Malgré les progrès réalisés concernant les maladies professionnelles, des problèmes persistent. Je pense en particulier aux victimes de l'amiante. Dans mon département, les verriers de Givors suivent avec attention ces questions. En second lieu, on observe une volonté de fiscaliser de plus en plus le financement de la protection sociale. A ce titre, nous aurons certainement un débat sur l'augmentation de la CSG qui semble envisagée par le Gouvernement. Au final, j'estime que si nous voulons être crédibles aujourd'hui, que les plus humbles ne se sentent pas floués, il faut suivre les préconisations esquissées par le rapport.
Mme Catherine Procaccia. - Ce rapport montre une fois de plus à quel point il est utile de faire travailler ensemble sur un même sujet des sénateurs membres de deux groupes différents. Personne ne détient la vérité à lui seul et pouvoir dialoguer est toujours enrichissant.
J'aurai deux questions. Quelle part représentent les accidents de trajet, en nombre et en coût, dans le total des accidents du travail ? L'entreprise dans laquelle j'ai travaillé était essentiellement confrontée à des accidents de trajet sans qu'il soit toujours possible de vérifier quand ils avaient réellement eu lieu. Je découvre avec stupeur la façon dont est organisé le contentieux des cotisations de la branche AT-MP. Vous estimez que les règles doivent être les plus simples possibles. Envisagez-vous de déposer une proposition de loi à ce sujet ?
Mme Catherine Génisson. - Il est en effet appréciable d'avoir des rapporteurs qui soient à l'image de notre assemblée. Comme vous le soulignez, une partie du déficit de la branche AT-MP est liée au fait que c'est elle et non la branche vieillesse qui assure le financement des départs anticipés à la retraite pour pénibilité. Au moment de la réforme des retraites, nous avons longuement débattu sur le sujet de la pénibilité. Il en ressort que droite et gauche n'ont pas la même conception de cette notion. Pour nous, la pénibilité ne renvoie pas à un devoir de réparation face à une invalidité mais concerne la prise en compte de l'ensemble du parcours professionnel au regard des conditions de travail. Il me semble que nous subissons aujourd'hui les conséquences de nos divergences de conception au moment du débat sur les retraites, sujet sur lequel nous devrons revenir.
Mme Annie David, présidente. - Vous avez expliqué que le système est devenu totalement incohérent au fil des années. Comment cette question pourrait-elle être abordée avec les partenaires sociaux ?
La réforme du mode de tarification, en particulier la mise en place du taux unique, a-t-elle permis une diminution des accidents du travail et maladies professionnelles ? Vous nous expliquez qu'elle a été neutre d'un point de vue financier. Mais quel a été son impact qualitatif ?
Pensez-vous qu'il soit possible de prendre en compte les risques psychosociaux dans les tableaux de maladies professionnelles et qu'une négociation sur ce point serait envisageable avec les partenaires sociaux ? Aujourd'hui, les tableaux de maladies professionnelles ne correspondent plus réellement aux maladies actuelles ni à l'évolution des conditions de travail.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. - Les prestations en espèces recouvrent les indemnités journalières et les rentes tandis que les prestations en nature correspondent au remboursement des dépenses de soins.
Selon le rapport de gestion de l'assurance maladie sur les risques professionnels, 85 442 accidents de trajet ont eu lieu en 2007, 100 018 en 2011.
Concernant la pénibilité, la définition retenue étant stricte, les sommes reversées à la branche vieillesse sont faibles. Les choses pourraient évoluer si des critères plus souples étaient retenus. Je me pose à ce sujet une question de fond : est-ce à la branche AT-MP de financer la pénibilité ou cela ne relève-t-il pas de la solidarité nationale dans son ensemble ?
La question se pose également de la fiscalisation du financement de la protection sociale. Je reste à titre personnel favorable au maintien d'une séparation avec le financement du budget de l'Etat.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Le sujet de la pénibilité nous replonge en effet dans les débats que nous avons connus au moment de la réforme des retraites. Lorsqu'on parle de taux d'incapacité, on peut estimer qu'il y a derrière une faute des entreprises et que nous sommes dans la logique de la branche AT-MP. En revanche, on ne peut imputer aux entreprises le fait que certains métiers indispensables soient plus pénibles que d'autres ; cela relève alors de la solidarité nationale par le biais de la branche vieillesse. On ne peut aller contre le fait que certains métiers sont pénibles et nécessitent par conséquent un traitement particulier au moment de la retraite.
Concernant l'impact du taux unique, la réponse n'est pas évidente car la réforme a été mise en place en 2012 et doit s'achever en 2014.
Pour ce qui est des risques psychosociaux, le débat est fort entre représentants syndicaux. Il serait souhaitable d'intégrer au moins le stress post-traumatique dans le tableau des maladies professionnelles.
A titre personnel, je pense que la branche AT-MP doit conserver son mode de fonctionnement actuel, assurantiel et paritaire, dans lequel les entreprises assurent l'équilibre de la branche.
Des cabinets de conseil se sont aujourd'hui spécialisés dans le contentieux et proposent leurs services aux entreprises pour leur permettre d'optimiser leur gestion et de payer le moins de cotisations possibles. Ces organismes ont d'autant plus intérêt à inciter les entreprises à aller au contentieux que les sommes récupérées sont ensuite réparties entre l'entreprise, ses avocats et eux-mêmes. Il faudrait davantage encadrer les conditions du contentieux, qui portent le plus souvent sur des questions de forme, c'est-à-dire sur la justification de la cotisation. La réforme adoptée par les partenaires sociaux permet de limiter à trois années la prise en compte des accidents du travail et des maladies professionnelles sur le montant de la cotisation. En pratique, les entreprises n'auront plus à subir les conséquences d'accidents s'étant déroulés dix, quinze ou vingt ans auparavant. Cela devrait faciliter les transmissions d'entreprises et donner plus de visibilité sur les entreprises qui doivent être pénalisées dans leurs cotisations.
J'insiste également sur notre demande d'un débat annuel sur la dette de la branche dans le cadre du PLFSS. Certes, son montant de l'ordre de 2 milliards d'euros peut sembler limité. Mais il constitue une part non négligeable des 12 milliards d'euros que représente la branche dans son ensemble. Il faut trouver une solution pour apurer la dette et mettre en place ensuite un fonctionnement plus vertueux.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. - L'un des objectifs de la réforme du contentieux est de limiter ceux qui portent sur la forme et donc sur les taux de cotisation. En revanche, demeurent des contentieux de fond liés à l'indemnisation des victimes ou au calcul du taux d'incapacité. Sur ces sujets, il existera toujours des cabinets de conseil pour encourager le contentieux et la course entre les normes et le contentieux demeurera. Le contentieux représente une charge importante pour la branche dont on voit mal, à terme, comment elle pourrait diminuer de façon suffisante pour contribuer à la résorption du déficit.
M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - En 2012, le contentieux a représenté 520 millions d'euros, c'est-à-dire un dixième de point de cotisations. Cela signifie que l'augmentation du point de cotisation effectuée pour équilibrer la branche a été entièrement absorbée par le financement des contentieux.
Mme Annie David, présidente. - Un quart du déficit de la branche, c'est en effet beaucoup. La mise en place du taux unique permettra peut-être de limiter le contentieux.
Mme Catherine Deroche, rapporteur. - Une autre piste de diminution du déficit porte sur les transferts vers les autres branches, notamment le transfert « Diricq ». Peut-on jouer sur les reversements pour éponger la dette ? Ou demander à l'Etat d'abonder les fonds amiante, ce qu'il a arrêté de faire compte tenu de l'absence de besoin de financement ? Des pistes existent. Il faut laisser les partenaires sociaux au sein de la branche faire des propositions. Pour les parlementaires, l'essentiel est d'avoir une vision claire et transparente du financement de la branche et de l'évolution de la dette au moment de l'adoption du PLFSS.
Mme Annie David, présidente. - Le reversement effectué à partir des estimations de la commission Diricq étant déterminé par la LFSS, le Gouvernement pourrait avoir une marge de manoeuvre.
La commission adopte le rapport d'information établi, au nom de la Mecss, par M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Catherine Deroche et en autorise la publication.
Situation des finances sociales - Présentation du rapport d'information
La commission examine le rapport d'information de M. Yves Daudigny, rapporteur général, sur la situation des finances sociales, en vue de la tenue du débat d'orientation sur les finances publiques.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Comme chaque année, la commission publiera un rapport d'information en vue du débat d'orientation des finances publiques et je voudrais aujourd'hui vous en présenter les principaux éléments.
Ce débat prévu le mardi 17 juillet est destiné à préparer les deux grands textes financiers de l'automne, le PLFSS et le projet de loi de finances. Ils s'articuleront cette année avec un projet de loi de programmation des finances publiques couvrant, pour l'Etat et pour la sécurité sociale, les cinq années de la législature.
Ce débat s'inscrit dans le contexte que vous connaissez tous, d'une croissance pratiquement nulle (+ 0,3 % en 2012) et d'une grande incertitude autour du financement des dettes souveraines, avec tous les risques qu'elle comporte pour la zone euro et pour notre pays. Il s'inscrit aussi dans une perspective que vient de réaffirmer très fermement le Gouvernement, à savoir l'engagement de retour à l'équilibre des comptes publics d'ici cinq ans.
Pourquoi un tel engagement alors que la résorption des déficits n'a jamais constitué un défi aussi difficile à relever ?
Le Premier ministre l'a clairement expliqué. Le niveau désormais atteint par la dette publique pèse excessivement sur nos budgets et nous prive de marges de manoeuvre. Il nous met à la merci de nos créanciers et nous expose à des risques financiers majeurs en cas d'emballement des taux d'intérêts.
J'ajouterai une seconde raison, plus spécifique aux comptes de la sécurité sociale. Financer les prestations sociales d'aujourd'hui par des déficits et de la dette, c'est reporter des charges sur les générations à venir tout en hypothéquant le niveau de leur protection sociale. S'il est une « règle d'or » à faire respecter en priorité, c'est bien le principe, déjà inscrit dans le code de la sécurité sociale, d'équilibre des différentes branches qui la composent.
Quelle est en ce début d'été 2012, la situation des comptes sociaux ?
Le déficit 2011 du régime général et du fonds de solidarité vieillesse s'est élevé à 20,8 milliards d'euros en 2011, soit 1 milliard de moins que la prévision inscrite dans la loi de financement pour 2012.
L'Ondam a été inférieur de 500 millions au montant voté, essentiellement du fait d'annulations de dotations hospitalières. La branche maladie et le FSV ont enregistré des recettes plus élevées que prévues, à la différence de la branche AT-MP qui finit 2011 en déficit.
L'année 2012, à l'inverse, est plutôt celle des mauvaises surprises. Certes, aucun gros risque de dérapage des dépenses de sécurité sociale n'a été identifié. L'Ondam pourrait être strictement respecté en 2012, toujours grâce aux dotations hospitalières mises en réserve et susceptibles d'être annulées. En revanche, avec une croissance à l'arrêt, les recettes fléchissent. Entre le vote de la loi de financement et le mois d'avril, on est passé d'une prévision de croissance pour 2012 de 1 % à 0,7 %, soit 1 milliard de recettes en moins. Avec une prévision désormais ramenée à 0,3 %, c'est à nouveau 1 milliard de moins.
Finalement, sans mesure correctrice, le déficit s'alourdirait de 2 milliards par rapport au montant de la loi de financement et serait peu ou prou identique à celui de 2011, soit 20 milliards d'euros.
La crise a fait exploser le déficit du régime général. Depuis 2009, il dépasse chaque année, FSV inclus, plus de 20 milliards, avec un record absolu de 28 milliards en 2010.
Mais la crise n'explique pas tout. Elle a aggravé un déficit structurel persistant des comptes sociaux, de l'ordre de 10 milliards par an, qui n'a pas été véritablement traité au moment où le contexte économique était bien plus favorable qu'aujourd'hui. Comme nous l'a dit la semaine dernière le Premier président de la Cour des comptes, la France est entrée dans la crise avec une dette trop élevée et des déficits structurels qui n'avaient pas été corrigés.
Hormis quelques ajustements ponctuels, aucune ressource supplémentaire n'a véritablement été mise en place face à ce déficit, notamment pour financer la dette sociale. A l'inverse, les allègements de cotisations sur les heures supplémentaires ont créé une nouvelle niche sociale à la justification très controversée.
La dette sociale a gonflé. 65 milliards correspondant aux déficits des trois années 2009 à 2011 ont été transférés à la Cades l'an dernier. 62 milliards supplémentaires sont prévus de 2012 à 2018, au titre des déficits vieillesse. Et une partie des déficits restera à financer, comme ceux des branches maladie et famille de 2012 ou celui du régime de retraite des exploitants agricoles.
Quelles seraient, sans mesures correctrices, les évolutions prévisibles en 2013 et au-delà ?
Lors du vote de la dernière loi de financement, nous avions souligné que des déficits très élevés persisteraient sur la période 2013 2015. Et cela malgré les mesures additionnelles prises à l'automne, tant en recettes qu'en dépenses, avec notamment une progression de l'Ondam réduite à 2,5 % par an.
La Cour des comptes a effectué une actualisation de ces prévisions qui s'avère malheureusement plus défavorable encore.
La branche vieillesse ne parviendrait pas à résorber ses déficits qui resteraient supérieurs à 10 milliards par an, Cnav et FSV confondus. Nous sommes loin du retour à l'équilibre à l'horizon 2018 annoncé lors de la réforme des retraites de 2010. Nous connaissions la fragilité de ce scénario fondé sur une hypothèse de retour progressif au plein emploi et de transfert de cotisations de l'Unedic vers l'assurance vieillesse. Le Conseil d'orientation des retraites doit réévaluer dans les prochains mois les projections à long terme. On peut s'attendre à ce que ses conclusions aillent dans le même sens.
Selon la Cour des comptes, la branche famille resterait également en situation de déficit prolongé, de l'ordre de 2 milliards par an, du fait notamment du moindre rendement des recettes qui lui ont été affectées en substitution d'une part de CSG transférée à la Cades. Là aussi, nous avions alerté sur les risques de déséquilibrage de la branche qui sont désormais avérés.
Enfin, la Cour des comptes estime qu'il faudrait entre six et douze ans, selon le niveau de l'Ondam, pour arriver à équilibrer les comptes de l'assurance maladie.
Au total, sans mesures correctrices, les déficits cumulés du régime général depuis 2012 pourraient atteindre 155 milliards en 2020, soit environ 100 milliards de plus que le montant des transferts des déficits vieillesse à la Cades déjà programmés jusqu'en 2018.
Face à cette situation, et sans attendre le prochain PLFSS, le Gouvernement a déjà pris ou annoncé plusieurs décisions qui concilient deux objectifs : préserver notre niveau de protection sociale, avec une priorité pour nos concitoyens les moins favorisés ; amorcer résolument la réduction du déficit.
Pour l'essentiel, ces mesures figurent dans le projet de loi de finances rectificative que nous examinerons au Sénat à partir du 24 juillet.
L'abrogation de la TVA sociale écartera la ponction programmée sur le pouvoir d'achat des ménages. Les cotisations d'allocations familiales étant maintenues à leur niveau actuel, la hausse de deux points du prélèvement social sur les revenus du capital, entrée en application ce mois de juillet, constituera une ressource nette pour la sécurité sociale de 2,6 milliards par an. Pour partie, elle permettra de financer la majoration de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire. Le restant sera affecté à la branche vieillesse pour un montant de 2,2 milliards par an à compter de 2013.
Plusieurs niches sociales seront réduites, avec notamment le passage de 8 % à 20 % du forfait social,
Enfin, le décret du 2 juillet sur l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse procède à un relèvement de 0,2 point des cotisations à compter du 1er novembre, porté progressivement à 0,5 point d'ici 2016 et réparti pour moitié entre part patronale et part salariale. Cette recette nouvelle garantit le financement du retour à la retraite à soixante ans en faveur des salariés ayant commencé à travailler à dix-huit ans ou dix-neuf ans, tout en procurant un surplus de ressources à la Cnav.
Au total, ces premières mesures représentent déjà un gain net de ressources pour la sécurité sociale de près de 1,5 milliard en 2012 ce qui permettra de revenir à un niveau de déficit proche de celui voté en loi de financement - puis de 5 milliards par an à compter de 2013.
Cet effort sera équitablement réparti. Il vise en priorité des revenus jusqu'ici peu ou pas sollicités pour le financement de notre protection sociale.
Il n'est pas exclusif de mesures de justice - je pense aux salariés ayant suffisamment cotisé pour bénéficier du taux plein, à qui deux années de travail supplémentaires avaient été imposées - ni de mesures de soutien du pouvoir d'achat des familles modestes, avec la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.
Ce premier pas devra être prolongé.
Nous nous trouvons aujourd'hui face à une situation extrêmement dégradée des comptes sociaux, sans équivalent dans le passé, avec 90 milliards de déficits cumulés pour le régime général et le FSV sur les seules années 2007 à 2011, et 20 autres milliards à venir en 2012.
La difficulté est majeure, mais le redressement des comptes sociaux est prioritaire, pour les raisons que j'évoquais au début de mon propos : nous ne pouvons nous décharger d'une partie de nos dépenses sociales courantes sur les générations à venir.
Je crois que les orientations prises depuis quelques semaines montrent la bonne direction et témoignent d'une volonté très claire ne pas laisser la situation se détériorer davantage. Une action résolue est amorcée tout en veillant à préserver la situation de nos concitoyens les moins favorisés.
Avec les recettes nouvelles qui vont être mises en place, un pas important sera fait sur la voie de la réduction du déficit. Ces mesures s'attaquent à un certain nombre de niches sociales. Elles portent sur des sources de revenus jusqu'alors trop peu mises à contribution. Elles vont ainsi, me semble-t-il, dans le sens d'une réforme plus structurelle du financement de la protection sociale, dont nous savons tous qu'elle sera nécessaire et qui figurait d'ailleurs à l'ordre du jour de la conférence sociale de ce début de semaine.
Autre enjeu majeur de la concertation engagée avec les partenaires sociaux : l'avenir du système de retraite. La branche vieillesse sera la principale bénéficiaire des recettes nouvelles, mais celles-ci ne suffiront pas à résorber le déficit. Il faut donc travailler à la définition de paramètres justes et équitables tout en permettant à notre système de retraite d'atteindre l'équilibre financier.
Enfin, il faudra agir en profondeur sur les ressorts de la dépense d'assurance maladie. De toutes les réflexions conduites ces derniers mois, un très large consensus émerge désormais. Il existe de grandes marges de progression dans l'efficience de notre système de santé et dans la coordination des différents intervenants au service du patient. L'organisation d'un véritable parcours de santé constituera l'axe central des efforts à mener. Il doit être possible d'éliminer de nombreuses sources de surcoût tout en rendant l'accès aux soins plus rapide et en améliorant la qualité de prise en charge. Cela implique, de la part de tous les acteurs, une forte mobilisation qu'il faut désormais concrétiser.
Voici, madame la Présidente, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais vous donner en préalable au débat d'orientation de la semaine prochaine, en rappelant que les finances sociales forment la première composante des finances publiques, devant celles de l'Etat et des collectivités locales.
Je termine en attirant votre attention sur la double perspective ouverte à l'issue de la conférence sociale des 9 et 10 juillet derniers. D'une part, le Premier ministre a annoncé une réforme du financement de la protection sociale en 2013. Il n'a pas évoqué l'hypothèse d'une hausse de la CSG, qui apparaît toutefois comme une piste de réflexion au sein de l'exécutif. Il est prévu que le Gouvernement engage une concertation avec les partenaires sociaux et que le Haut Conseil du financement de la protection sociale soit saisi dès le mois de septembre 2012. Au-delà du diagnostic, l'objectif consiste à dessiner les évolutions possibles du système actuel, notamment en termes de diversification des sources de financement du système de protection sociale. D'autre part, sur le fondement du nouvel état des lieux financier qu'aura établi le Cor à la fin de l'année 2012, une commission ad hoc sera chargée de formuler différentes pistes de réformes au printemps 2013 et une concertation sera engagée sur les évolutions du système de retraite.
Mme Annie David, présidente. - Nous entendrons la semaine prochaine le ministre du travail pour faire le point sur la conférence sociale en ce qui concerne les sujets abordés au cours de la table ronde relative au développement de l'emploi.
M. Guy Fischer. - Votre rapport permet de rendre compte d'une manière tout à fait objective de la gravité de la situation dans un contexte économique et social difficile si l'on en juge d'après la faible croissance et l'envolée du chômage. Ces difficultés seront sans doute prises à bras le corps dès l'année 2013 au cours de laquelle interviendront d'importantes réformes, notamment dans le domaine de l'assurance vieillesse. Compte tenu de la situation, le rendez-vous sur les retraites de 2013 revêt une importance toute particulière. Cependant, la hausse envisagée de la CSG n'apparaît pas comme la solution adéquate. La création d'une taxation sur les revenus financiers permettrait peut-être, au-delà de ce qui existe déjà, de résoudre une partie du problème. Nous sommes en effet en désaccord avec la fiscalisation de la protection sociale.
M. René-Paul Savary. - Nous sommes d'accord sur le constat et sa gravité. Cependant, vos propositions sont contradictoires avec votre état des lieux puisque vous proposez d'augmenter certaines dépenses. Songeons à la hausse de l'ordre de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire ou aux nouvelles dépenses dans le domaine des retraites. Je suis convaincu que nous n'échapperons pas à la nécessité de baisser les dépenses.
Face aux déficits des comptes sociaux et médico-sociaux, il faudrait peut-être réserver la piste de la CSG aux activités de financement des activités d'insertion et de prise en charge de la dépendance.
En tout état de cause, je tiens à rappeler qu'une hausse des prélèvements pénaliserait la croissance et le pouvoir d'achat, notamment en l'absence d'une baisse significative des dépenses.
Mme Christiane Demontès. - La situation très dégradée qui vient de nous être présentée était prévisible. En ce qui concerne la branche vieillesse, dès le débat sur la réforme des retraites en 2010, nous avions de forts doutes sur l'atteinte de l'objectif de retour à l'équilibre en 2018. Or, voici que nos craintes trouvent confirmation. Je n'en retire aucune satisfaction car la situation est suffisamment grave.
Je me réjouis du rendez-vous pris en 2013, en particulier parce qu'il aura lieu après les travaux du Cor.
Pour répondre à M. René-Paul Savary, je souhaiterais rappeler que le décret du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse, qui introduit une hausse des cotisations salariales et patronales, n'a pas suscité de problème majeur. En outre, d'après les prévisions, le montant des recettes induites par cette réforme sera supérieur à celui des dépenses.
Mme Catherine Procaccia. - Je ne voterai pas ce rapport car il ne me paraît pas cohérent. Les premières mesures prises ne vont pas dans le bon sens. Je ne suis pas opposée au principe d'une hausse du montant de l'allocation de rentrée scolaire. Mais je doute fortement qu'elle profite toujours aux enfants scolarisés car il s'agit bien souvent d'un chèque en blanc permettant aux familles de financer d'autres types de dépenses.
De même, vous avez remis en cause le forfait social, ce qui ne me paraît pas non plus être de nature à réduire les déficits.
S'agissant du décret du 2 juillet dernier, nous aurions pu attendre les observations du Cor avant qu'il ne soit édicté.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Il est positif que nous soyons amenés à faire le constat de désaccords. C'est le principe même de la démocratie.
Je note que le constat est entièrement partagé. Le point qui m'inquiète le plus est la situation de la branche vieillesse. A cet égard, les observations de la Cour des comptes sur la situation du régime des retraites sont sans concession. Il faudra reprendre le débat dans le cadre de la concertation.
Nous pensons fondamental que les exigences de retour à l'équilibre s'accompagnent de mesures de justice. C'est sur ce point que nous sommes en désaccord.
En ce qui concerne l'allocation de rentrée scolaire, il s'agit d'améliorer le pouvoir d'achat des familles. Rappelons que la consommation des ménages constitue aujourd'hui le moteur principal de la croissance. Le coût de la mesure, de l'ordre de 372 millions d'euros, est entièrement financé.
De même, s'agissant des retraites, l'exigence de retour à l'équilibre ne saurait entrer en contradiction avec l'exigence de justice, en particulier pour les personnes qui ont commencé à travailler très tôt. Le coût de la mesure introduite par le décret du 2 juillet dernier sera de 448 millions d'euros en 2013, de 1,067 milliard d'euros en 2015 et de 1,889 milliard d'euros en 2020. Les recettes seront de 885 millions d'euros en 2013, de 1,849 milliard d'euros en 2015 et de 2,590 milliard d'euros en 2020. Au total, la mesure génère un excédent qui améliorera la situation de la Cnav.
Enfin, rappelons que les cotisations assises sur le travail constituent la source principale des recettes de la protection sociale. La CSG elle-même repose très majoritairement sur le travail. La piste de la TVA a été écartée. Les taxes sur les tabacs et les alcools ne suffiraient pas, à elles seules, à rétablir l'équilibre financier. D'autres pistes pourraient être mises à l'étude, comme par exemple l'apport des taxes carbone.
Nous sommes tous attachés au financement de la réforme du financement de la protection sociale mais les voies que nous privilégions sont différentes.
La commission adopte le rapport et autorise sa publication.
Loi de finances rectificative pour 2012 - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis
La commission décide de se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2012 dont la commission des finances est saisie au fond.
Elle a nommé M. Yves Daudigny rapporteur pour avis de ce projet de loi.