Mardi 26 juin 2012
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -Harcèlement sexuel - Audition de Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice, et de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes
La commission procède à l'audition, commune avec la commission des affaires sociales et la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, de Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice, et de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, sur le projet de loi et les propositions de loi sénatoriales relatifs au harcèlement sexuel.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et moi-même vous souhaitons, Mesdames les ministres, la bienvenue à l'occasion de cette rencontre quasi-historique puisque M. le Premier ministre a accepté de faire exception à la règle qu'il avait imposée de ne pas procéder à l'audition de ministres avant sa déclaration de politique générale. Cette exception est compréhensible car le texte relatif au harcèlement sexuel présente un caractère d'urgence.
Je salue par ailleurs la présence parmi nous de Guy Fischer.
Nous allons beaucoup travailler ensemble, Madame la Garde des Sceaux, sur divers sujets comme les réformes pénales ou le dossier pénitentiaire. Je suis sûr que cette coopération se fera en bonne intelligence.
Durant la campagne électorale, M. le président de la République s'était engagé à créer un ministère des droits des femmes et vous êtes, Madame Vallaud-Belkacem, la vivante illustration de cette promesse. Nous travaillerons certainement ensemble à de nombreuses occasions, à commencer par ce texte.
Dès que la décision du Conseil constitutionnel invalidant le texte sur le harcèlement sexuel a été connue, la commission des affaires sociales, la délégation aux droits des femmes et la commission des lois ont créé un groupe de travail qui s'est réuni durant trois semaines et a procédé à une cinquantaine d'auditions. Sept propositions de loi ont été déposées à cette occasion. Ce travail a été très précieux et nous a permis d'examiner avec suffisamment de recul le projet de loi déposé par le Gouvernement. Nous devrons examiner ces textes rapidement car les victimes de harcèlement sexuel ont vu les procédures dans lesquelles elles étaient engagées annulées du fait de la décision du Conseil constitutionnel. Nous devons donc faire en sorte que le vide juridique actuel soit le plus court possible. C'est pourquoi nous avons demandé au Gouvernement - ce que nous ne faisons d'ordinaire jamais - d'engager la procédure accélérée sur son projet de loi afin de parvenir à l'adoption d'un texte définitif d'ici la fin juillet.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Comme M. Sueur, je serai très attentive au texte que nous allons examiner, notamment à tout ce qui concerne le code du travail, même si ce volet n'a pas été censuré par le Conseil constitutionnel : les salariés ne doivent pas être victimes de harcèlement sexuel.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente et rapporteure de la délégation aux droits des femmes. - Je suis heureuse de participer à cette audition qui porte sur un sujet sur lequel le groupe de travail a beaucoup travaillé. Le 21 juin, notre délégation a adopté à l'unanimité le rapport que je lui ai exposé et mes seize recommandations, que je présenterai demain à la commission des lois. Toutes ces recommandations ne sont pas de nature juridique car la réponse pénale ne saurait suffire : contre le harcèlement sexuel, il faudra aussi une politique de prévention et d'accompagnement.
Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice. - Merci pour vos souhaits de bienvenue qui prennent une résonance toute particulière compte tenu du texte que nous examinons.
Quelques mots, tout d'abord, sur la genèse de ce projet de loi. Compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel, nous avons voulu, comme vous, travailler rapidement et nous nous sommes entourés de divers avis, dont celui du Conseil d'Etat. Il faut en effet que le vide juridique créé par l'abrogation de l'article 222-33 du code pénal soit le plus court possible. Les victimes doivent bénéficier d'une vraie protection ; or elles n'ont pour l'instant plus d'autre recours que la voie civile. Il faut aussi que la définition de l'infraction soit assez solide juridiquement pour être conforme au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines. Grâce à vos travaux, nous avons mené une réflexion approfondie sur ce sujet afin de bien définir le périmètre de la nouvelle infraction. Nous sommes en effet face à une thématique à la fois juridique - d'où le recours à des termes qui figurent déjà dans le code pénal - et sociétale, puisque les situations sont extrêmement diverses.
Nous avons lu attentivement vos travaux. Grâce à la cinquantaine d'auditions auxquelles vous avez procédé, vous avez dressé un état des lieux quasi exhaustif. Sur cette base, nous avons dégagé des lignes consensuelles. C'est d'abord de s'inspirer des directives communautaires, même si celles-ci n'imposent pas de sanctions pénales. C'est ensuite d'élargir le champ de l'infraction, qui n'est plus liée à l'obtention de « faveurs » sexuelles, qui est par ailleurs une notion connotée de façon à la fois désuète et trop positive pour ce dont il s'agit. Il s'agissait aussi de retenir l'acte unique et donc d'en donner une définition rigoureuse. Enfin, nous avons prévu l'introduction de circonstances aggravantes.
Nous avons harmonisé le code du travail avec les modifications apportées à la définition du harcèlement sexuel. En revanche, le projet de loi ne fait plus référence au statut des fonctionnaires. Le Conseil d'État avait jugé qu'une consultation formelle des organisations représentatives n'était pas obligatoire ; nous n'avons pas pu la mener, même si Mme Lebranchu, ministre de la réforme de l'Etat et de la fonction publique, a effectué une consultation informelle. Par prudence, nous avons donc ôté du projet de loi les dispositions relatives aux fonctionnaires - qui seront sans doute réintroduites en cours d'examen par le Parlement.
Pour couvrir toutes les situations concrètes, nous avons travaillé avec les associations et avec les syndicats. En examinant les chiffres, nous nous sommes en effet rendu compte de l'immense différence qu'il y avait entre la réalité du harcèlement sexuel et le nombre de jugements : avant 2005, une quarantaine de plaintes par an aboutissaient à un jugement. Même si ce nombre a doublé par la suite, il reste incommensurablement plus faible que celui des faits.
Nous avons été sensibles à la remarque de Mme Klès qui a dit, au cours d'une des réunions du groupe de travail, que le harcèlement sexuel est souvent constitué de petits faits qui deviennent insupportables à force d'être répétés. Elle a parlé du « supplice de la goutte d'eau », qui porte atteinte à la dignité humaine et crée un environnement nocif. La caractérisation est difficile, c'est pourquoi le souci de sécurité juridique nous a conduits à reprendre autant que possible des termes qui figurent dans le code pénal. Quel délai pour établir la répétition ? La jurisprudence montre qu'un laps de temps important n'est pas nécessaire. Nous avons finalement conservé le terme « environnement » qui figure dans la directive car ce mot permet de viser à la fois des conditions de vie et de travail de la victime. Le fait unique a, lui aussi, été retenu ; lors des débats préalables à l'adoption du nouveau code pénal, en 1992, M. Michel Sapin, alors ministre délégué à la justice, avait considéré que les faits isolés d'une certaine gravité devraient entrer dans le champ de l'infraction. Pour le caractériser, nous avons retenu deux critères : le comportement de l'auteur et le but, réel ou apparent, d'obtenir une relation sexuelle. Il s'agit le plus souvent de chantage sexuel lors des entretiens d'embauche ou à l'occasion de la signature d'un bail.
Des circonstances aggravantes seront retenues en cas d'abus de pouvoir, de faits commis en réunion ou d'agissements à l'encontre de mineurs de moins de 15 ans ou de personnes particulièrement vulnérables.
Les harcèlements sexuels de premier, deuxième et troisième niveaux seront respectivement punis de un, deux ou trois ans d'emprisonnement et de 15 000, 30 000 ou 45 000 euros d'amende.
Nous avons également voulu sanctionner les discriminations subies par les victimes ou par les personnes solidaires des victimes, afin notamment de protéger dans le code du travail les éventuels témoins.
Nous avons entendu vos observations, celles de M. Godefroy sur la question du but poursuivi par l'auteur, celles qui portaient sur les victimes harcelées en raison de leur identité ou de leur orientation sexuelle. Nous partageons votre souci de produire une bonne loi. Des marges de progression demeurent. Nous accompagnerons ce texte d'une circulaire de politique pénale que j'enrichirai au fur et à mesure du travail parlementaire.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes. - Je suis heureuse de pouvoir parler de ce texte qui verra sans doute le jour avant la fin de l'été, je l'espère. Comme pour l'ensemble des violences faites aux femmes, il n'y a pas beaucoup d'études qui portent sur le harcèlement sexuel. Selon l'enquête menée en 1999 par la direction générale emploi de la Commission européenne, 40% des femmes en Europe disent avoir subi des avances sexuelles non désirées, un contact physique ou une autre forme de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail. Au regard de ce chiffre, que dire des 1 000 procédures par an pour harcèlement sexuel, dont 50% sont classées sans suite au motif que l'infraction n'est pas constituée ? Enfin, la plupart des peines d'emprisonnement prononcées sont assorties du sursis et le montant des amendes est en moyenne de 1 000 euros. Il nous faut donc mieux connaître le phénomène pour mieux le sanctionner.
Depuis le 4 mai dernier, la situation juridique est insupportable pour de nombreuses victimes qui se voient privées de la possibilité d'agir, même si la Chancellerie a incité les parquets à requalifier les faits. C'est pourquoi vous vous êtes mobilisés en déposant sept propositions de loi et en constituant un groupe de travail, ce qui a beaucoup aidé le Gouvernement. Il fallait en effet agir très vite pour éviter que l'impunité ne perdure trop longtemps. Le délai d'instruction pour les infractions de harcèlement sexuel est en moyenne de 27 mois, si bien que le vide juridique actuel produira ses effets pendant encore longtemps. La décision du Conseil constitutionnel nous incite à sécuriser le plus possible la nouvelle infraction pour éviter qu'une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité ait le même effet dévastateur. C'est pour cette raison que le Gouvernement a souhaité déposer un projet de loi afin de bénéficier de l'expertise du Conseil d'Etat. Enfin, nous vous remercions d'accepter la procédure accélérée.
Nous avons également entretenu un dialogue constant avec les associations. Il a fallu lever un certain nombre d'ambiguïtés et nous sommes conscients qu'il faudra faire oeuvre de pédagogie à l'égard des parquets. M. Sapin, ministre du travail, et moi-même avons informé les partenaires sociaux de la teneur de ce texte que j'ai présenté la semaine dernière au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle.
Les sept propositions de loi sénatoriales nous ont aidés à approfondir notre réflexion dans divers domaines, comme la répétition, les éléments matériels, les circonstances aggravantes, la rétroactivité de la loi ou encore l'échelle des peines.
Tout d'abord, nous avons privilégié une approche globale en incluant la définition du harcèlement sexuel dans le champ du code pénal et du code du travail ; l'harmonisation des dispositions du statut général des fonctionnaires reviendra, j'en suis sûr, au cours du débat parlementaire. Ensuite, nous avons élargi la définition du harcèlement sexuel en nous inspirant des directives communautaires. Les peines ont été ajustées et les circonstances aggravantes ont été strictement définies.
Avec ce projet de loi, les victimes seront mieux protégées. Aucune situation ne sera en dehors du droit, notamment avec l'abandon de la notion de « faveurs sexuelles ». Des faits qui n'étaient pas réprimés sous l'empire de l'ancienne loi pourront désormais l'être, puisque seront pris en compte des faits qui « pourrissent » la vie quotidienne des femmes, pour reprendre le mot de Mme Tasca. Nous abordons aussi le sujet du chantage sexuel, c'est-à-dire le cas unique qui implique des avances et une discrimination.
La définition plus précise du délit de harcèlement sexuel devrait faciliter l'instruction des plaintes. Les termes qui ont été choisis seront bien compris des magistrats et ils seront explicités par la circulaire qui sera adressée aux parquets. Sont prévues des circonstances aggravantes dans une logique respectueuse de l'échelle des peines. Certaines associations - pas toutes - estiment que les peines sont trop légères mais la révision globale de l'échelle des peines ne pouvait être abordée à l'occasion de ce texte.
Le projet de loi prévoit aussi les cas de discriminations dont peuvent faire l'objet des victimes ou des témoins à la suite de harcèlement sexuel. Une disposition du code du travail punira ce type de comportements.
Au-delà de la répression, la prévention est indispensable : la conférence sociale des 9 et 10 juillet organisée par le Gouvernement avec les partenaires sociaux comportera un atelier sur l'égalité professionnelle et l'amélioration de la qualité de vie au travail, que je présiderai. La question de la prévention du harcèlement sexuel y sera bien sûr abordée. Les partenaires sociaux ont d'ailleurs signé un accord sur ce thème en mars 2010. Mme Lebranchu présidera un atelier relatif à la fonction publique et elle abordera cette question avec les organisations syndicales des fonctionnaires.
Ce texte s'accompagnera d'une campagne de sensibilisation sur les violences au travail : les victimes ne doivent plus hésiter à saisir les tribunaux. Les comportements sexistes doivent disparaître.
M. Alain Anziani, rapporteur de la commission des lois. - Je vous remercie pour la qualité de l'étude d'impact et aussi pour votre méthode : nous avons pu travailler ensemble et vous avez reçu et écouté les associations de victimes. Ce texte, que nous allons amender, fait globalement consensus : l'article premier élargit le champ de l'infraction, ce qui est une excellente chose. L'article 2 rétablit le délit de discrimination qui avait mystérieusement disparu de nos codes. Il y a une grande cohérence entre votre projet de loi et les sept propositions de loi sénatoriales, qui tient sans doute à l'inspiration du droit communautaire, sorte de fil rouge permettant d'élaborer un texte beaucoup plus complet. Je proposerai demain en commission des lois de ne plus établir de hiérarchie entre la souffrance causée par un fait unique et celle causée par des faits répétés. La même peine devra s'appliquer aux deux cas.
J'aimerais à présent vous poser quelques questions.
Que s'est-il passé, Madame la Garde des Sceaux, après la décision du 4 mai du Conseil constitutionnel ? Votre prédécesseur avait donné des instructions aux parquets par une dépêche datée du 10 mai. Les juridictions en ont-elles tenu compte ? Avez-vous dressé un bilan ? Par ailleurs, comment envisagez-vous la question de la preuve, difficulté majeure dans les affaires de harcèlement sexuel ? Peut-être faudrait-il une autre culture judiciaire. Enfin, les victimes ne peuvent, pour l'instant, poursuivre leurs agresseurs pénalement ; elles conservent en revanche le droit de les poursuivre au civil. Avez-vous des chiffres sur les procédures en réparation engagées devant les juridictions civiles pour ce motif ?
Avant qu'il y ait une procédure, il faut une plainte. Or, elle est souvent difficile à déposer. Comment pourrait-on faire, Madame la ministre des droits des femmes, pour favoriser les dépôts de plainte ? Combien y a-t-il de signalements par les inspecteurs du travail ou tout autre agent public agissant sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale ? Enfin, quelles sont les actions que le Gouvernement entend prendre pour sensibiliser le public au harcèlement sexuel et, plus généralement, aux violences sexuelles ?
Mme Christiane Demontès, rapporteure de la commission des affaires sociales. - Merci pour votre présence, Mesdames les ministres. Le Sénat a bien travaillé et j'espère que nous adopterons une très bonne loi.
En ce qui concerne les circonstances aggravantes, vous avez évoqué la question des mineurs de moins de quinze ans. Mais les stagiaires ayant plus de quinze ans peuvent subir des harcèlements. Comment faire pour que ces faits qui concernent des personnes fragiles puissent entrer dans le champ des circonstances aggravantes ? Certaines victimes ont beaucoup de mal à réagir du fait d'une vulnérabilité sociale ou économique particulière. Est-il possible de prendre en compte leur situation dans ce texte ? Comment donner les moyens aux délégués du personnel de faire remonter les cas de harcèlement sexuel et d'aider les victimes à dénoncer ces agissements ? Comment les médecins du travail et, plus généralement, les services de santé, peuvent-ils accompagner les victimes ?
Nous avons reçu un médecin-psychiatre qui vient d'ouvrir dans un grand hôpital parisien un numéro vert et une permanence d'écoute des victimes. Pourrait-on imaginer que les agences régionales de santé fassent de même dans les régions ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente et rapporteure de la délégation aux droits des femmes. - Mme la ministre des droits des femmes a rappelé que nous disposions de trop peu d'enquêtes sur ces sujets. L'enquête nationale de 2000 sur les violences faites aux femmes avait montré que ces violences sont plus répandues et plus graves qu'on ne le pensait. Ne faudrait-il pas effectuer une nouvelle étude pour actualiser nos connaissances en la matière et consacrer un volet au harcèlement sexuel ? Pourquoi ne pas créer un observatoire national des violences envers les femmes, qui réaliserait des études pour définir et évaluer les politiques publiques et qui serait le correspondant d'observatoires locaux qui, comme celui de Seine-Saint-Denis, font sur le terrain un travail remarquable ?
Au cours des auditions réalisées par le groupe de travail, il nous a été indiqué que le délit de harcèlement sexuel servait à déqualifier des atteintes sexuelles relevant d'incriminations plus graves. Ainsi, des magistrats nous ont dit que l'abrogation du délit de harcèlement sexuel leur avait fait prendre conscience qu'étaient parfois poursuivis sous ce chef des actes relevant plutôt de l'agression sexuelle. Cette prise de conscience est salutaire mais insuffisante. Aussi notre délégation demande-t-elle que le nouveau délit ne soit plus utilisé pour sanctionner des agissements relevant d'incriminations pénales plus lourdes.
Compte-tenu de la non-rétroactivité de la loi pénale, comment venir en aide aux victimes qui se trouvent aujourd'hui, compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel, en situation de déni de justice ?
Le Conseil de l'Europe a adopté en mai 2011 une convention sur la prévention de la lutte contre les violences faites aux femmes, dont l'article 40 traite du harcèlement sexuel. La France s'honorerait à être parmi les premiers États à la ratifier.
Enfin, peut-on étendre au harcèlement sexuel les dispositions concernant les conjoints violents ?
Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice. - Le 10 mai, la Chancellerie a adressé aux parquets une dépêche les invitant à requalifier les plaintes pour harcèlement sexuel en violences volontaires, harcèlement moral ou tentative d'agression sexuelle. Un premier bilan montre que, dans bien des cas, l'extinction de l'action publique a été prononcée. La cour d'appel de Nîmes est par exemple saisie de douze procédures, quatre relaxes et huit condamnations : faute de texte, ces jugements devraient tomber. Le 7 juin, j'ai demandé aux parquets de dresser, au plus tard le 30 juin, un bilan des décisions prises sur le fondement de la dépêche du 10 mai. Ce vide juridique est frustrant. Si les faits sont requalifiés, nous n'aurons qu'à nous en réjouir mais, pour l'instant, nous constatons davantage de décisions prononçant l'extinction de l'action publique.
La question de la preuve est délicate car souvent le harcèlement a lieu à huis-clos. Pour faciliter la constitution de la preuve, nous avons étendu la définition de l'infraction afin que, même sans témoin direct, le ministère public puisse établir un faisceau d'indices. La victime n'est pas seule face à l'établissement de la preuve !
En ce qui concerne les procédures civiles, notamment celle devant les prud'hommes, la plus utilisée, le dispositif informatique actuel ne permet pas d'identifier le harcèlement sexuel. C'est un fait que je constate ; je vais faire en sorte que l'outil statistique de la Chancellerie soit amélioré.
Il revient aux politiques publiques de faciliter le dépôt de plainte. Des instructions seront données aux maisons d'accès au droit pour améliorer l'accueil des victimes.
Sur les circonstances aggravantes, nous avons retenu la minorité de 15 ans dans un esprit de parallélisme des formes, puisque c'est l'âge de la majorité sexuelle, avant lequel on considère qu'il ne peut y avoir de consentement valable. Les cas que vous évoquiez, ce sont des stagiaires de 16 à 18 ans, à propos desquels on peut retenir la circonstance aggravante d'abus d'autorité.
Nous avons attentivement examiné vos suggestions sur la vulnérabilité économique et sociale, mais nous nous sommes heurtés à la difficulté de définir un curseur. Quels éléments objectifs retenir ? Entre deux personnes, l'une peut être plus fragile avec un revenu plus élevé.
Le numéro vert ouvert par un médecin ? Il faut le saluer. De fait, un tel travail peut aussi être effectué par les collectivités locales. Mais l'action publique doit avoir une tout autre ampleur.
L'agression sexuelle est punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement, plus en cas de circonstances aggravantes. Dans la circulaire de politique pénale, je veillerai à alerter les parquets sur la nécessité d'une bonne qualification : qu'un viol ou une agression sexuelle ne soit pas qualifié en harcèlement par exemple.
La non-rétroactivité est ici très douloureuse mais on ne peut la contourner que si la nouvelle loi est plus clémente que la précédente, ce qui n'est pas le cas ici puisque nous créons une nouvelle infraction. C'est bien sûr difficile à entendre pour les victimes.
Concernant la convention du Conseil européen, le précédent Gouvernement français avait émis des réserves ; nous allons les étudier et nous veillerons à être parmi les premiers à la ratifier.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes. - Il est vrai qu'il y a un important travail à faire pour aider les victimes à porter plainte. Chaque changement de législation sur le harcèlement sexuel a modifié le nombre de plaintes. Dans le cas présent, avec l'exposition médiatique dont bénéficie le sujet, et la nouvelle législation, les victimes vont se trouver incitées à agir. J'entends également mobiliser le réseau associatif en ce sens. D'ores et déjà, 114 réseaux départementaux spécialisés dans les droits des femmes et des familles contribuent à cette information. En 2010, ils ont accueilli 500.000 personnes et traité 900.000 demandes d'information. Une campagne de sensibilisation et d'information sera organisée cet automne, en accompagnement de la nouvelle loi.
Les signalements sont rares, tant au titre de l'article 40 du code de procédure pénale qu'au titre de l'inspection du travail. Tout au plus recevons-nous 300 à 400 courriers d'observations par an. J'entends mobiliser davantage les inspecteurs du travail sur le sujet.
Comment sensibiliser le public et notamment les jeunes ? C'est toujours la question des stéréotypes sexuels. J'ai demandé à l'IGAS d'étudier comment lutter contre ces stéréotypes dans les lieux d'accueil de la petite enfance, car ce sont les plus jeunes qu'il convient d'éduquer.
La vulnérabilité économique relève d'une interprétation subjective et le risque de divergence d'un tribunal à l'autre est grand.
La question du rôle des représentants du personnel et de la médecine du travail sera au coeur de notre conférence sur la qualité de vie au travail. Je vous renvoie à l'accord interprofessionnel sur la violence au travail conclu en mars 2010.
L'idée d'une cellule d'écoute aux victimes est bonne mais n'oubliez pas le 3919, où de vrais professionnels assurent une écoute de qualité. On peut évidemment s'inspirer des bonnes pratiques qui peuvent exister ici ou là.
La seule enquête dont nous disposions sur les violences faites aux femmes date de 2000. Elle a constitué un pas important, et permis de lever un tabou. Mais elle demande à être réactualisée. L'INED propose un nouveau protocole d'enquête avec un volet sur le harcèlement sexuel. Je reviendrai vers vous quand j'aurai plus d'éléments.
A titre personnel, je suis très favorable à la création d'un Observatoire national sur les violences faites aux femmes, qui aura une double mission d'observation et de conseil. Dans quel texte figurera-t-il, il est encore tôt pour le dire, mais le débat sur le harcèlement sexuel peut être l'occasion d'en évoquer le principe.
Mme Éliane Assassi. - Vous avez retenu la distinction proposée par le groupe de travail du Sénat entre l'acte unique et les agissements répétés. Cependant, pour l'acte unique, vous proposez une énumération qui risque d'exclure certaines situations. Comment englober tous les cas de figure ?
Le harcèlement sexuel n'a pas toujours pour but d'obtenir une relation sexuelle. Pourquoi ne pas retenir le même élément moral dans les deux cas : porter atteinte à la dignité de la personne et créer un environnement hostile ou défavorable ? Pourquoi les peines sont-elles différentes selon qu'il s'agit d'un acte unique ou d'actes répétés ?
En ce qui concerne les circonstances aggravantes, pour les mineurs, on ne pourra invoquer l'abus d'autorité que si c'est l'employeur qui harcèle. Il faut enfin faire en sorte que la vulnérabilité économique puisse être prise en compte au titre des circonstances aggravantes.
M. François Zocchetto. - Je m'interroge sur le fait que nous discutions d'un projet de loi, alors que le Sénat s'est illustré par son important travail et le dépôt de sept propositions de loi. L'argument de la garde des Sceaux selon lequel le projet de loi bénéficie de l'expertise du Conseil d'État n'est pas viable, car cet avis peut aussi être rendu sur une proposition de loi. Quelles garanties avons-nous contre une question prioritaire de constitutionnalité ? En dépit de la qualité du texte proposé, nous naviguons à vue !
Je suis choqué par le fossé considérable qui existe entre le dispositif pénal et l'impunité dont bénéficie l'espace médiatique. Sous prétexte de liberté artistique et d'expression, à travers les images qui défilent sur nos écrans, c'est une autre forme de harcèlement sexuel qui a libre cours, dirigé non contre une personne, mais contre toutes les femmes.
Mme Esther Benbassa. - Je souhaite que les associations impliquées dans la lutte contre le harcèlement sexuel puissent agir en justice au même titre que celles qui luttent contre les violences sexuelles. Ne serait-il pas opportun de parler de harcèlement sexuel à visée discriminatoire et d'en faire une circonstance aggravante ? Il faudrait prendre en compte à ce titre l'orientation sexuelle. Je souhaite aussi que soit introduite la situation économique des victimes dans la définition de la vulnérabilité, même s'il faut pour cela modifier le code pénal. Il faut aussi prendre en compte le cas des fonctionnaires.
Mme Chantal Jouanno. - Comme M. Zocchetto, je m'interroge sur la méthode. Les sénateurs ont réalisé un travail constructif, auditionné une cinquantaine de personnes, élaboré une réflexion consensuelle. Il était possible de partir de là plutôt que de passer par la voie du projet de loi.
Le groupe de travail du Sénat a retenu la notion d'acte unique. Ce qui pose problème aux victimes, c'est l'élément intentionnel, difficile à prouver. Pourquoi ne pas s'en tenir aux pressions graves ou à l'environnement dégradant ?
Le problème de la représentation collective des femmes est sous-estimé parce que peu étudié, tout comme celui de la représentation des femmes dans les médias ou celui des rapports non consentis entre adolescents. J'avais constaté l'absence d'études en France sur ce sujet lors de mon étude sur l'hypersexualisation des petites filles.
Je me pose également la question de savoir si la vulnérabilité prend en compte l'identité sexuelle ; je pense aux transsexuels qui nous ont bien expliqué leurs difficultés sociales.
La rétroactivité est évidemment impossible mais sait-on si des victimes se sont endettées pour engager des procédures qui n'aboutiront pas ?
Enfin, il me semble que la référence à la majorité sexuelle n'est pas pertinente dans ce texte, qui tend à déconnecter la question du harcèlement de celle des rapports sexuels effectifs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les dispositions actuelles du code pénal, qui énumèrent les cas de vulnérabilité, sont en effet restrictives. Des situations économiques et sociales font de certaines femmes, seules avec enfants par exemple, des proies faciles... En ce qui concerne la minorité, il faut en effet différencier le harcèlement sexuel des relations sexuelles. La minorité de 15 ans concerne les relations sexuelles ; mais le harcèlement de tout mineur doit être considéré comme une circonstance aggravante.
Pour la première fois de son histoire, le Conseil constitutionnel s'arroge le droit de se substituer au législateur en abrogeant lui-même la loi. Sur la garde à vue, où il avait conseillé de modifier la loi, il n'avait pas été aussi loin. Cette situation pose la question de la légitimité d'un organe peu démocratique, dont il est urgent de réformer le mode de nomination et les pouvoirs.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Nous aurons l'occasion d'en débattre !
Mme Catherine Tasca. - Je considère que le projet de loi ne minore pas le travail accompli au Sénat. Tout le monde sait d'où est venue l'initiative, et le projet de loi comporte un avantage, celui d'être inscrit en premier par le nouveau Gouvernement dans sa première session parlementaire extraordinaire. En outre, l'ensemble des membres du Gouvernement seront engagés par les dispositions qui figureront dans la loi.
Ma question se situe en amont du harcèlement sexuel puisqu'elle concerne le déficit dans la prévention de toutes les violences que l'on observe dans notre société. La question n'est pas abordée à l'école. Entre les stéréotypes sexistes et le silence sur la violence, je souhaite que s'engage un dialogue entre la garde des Sceaux et le ministère de l'Education nationale, dans le but de sensibiliser la population à ces questions, et ce dès le plus jeune âge.
Mme Michelle Meunier. - L'éducation, évidemment. Le monde du travail, certainement, mais aussi le monde sportif, culturel, associatif... sans oublier la recherche d'un logement, qui fournit le cadre idéal aux faits de « chantage sexuel ».
Mme Laurence Cohen. - Je partage totalement l'analyse de Mme Borvo Cohen-Seat sur le Conseil constitutionnel. Nous assistons à une première : de son fait, des femmes se trouvent sans recours, pas même celui de la requalification des faits. Nos magistrats doivent faire preuve de plus d'imagination, il faut continuer à réfléchir.
Sur la vulnérabilité, on peut amoindrir la subjectivité en parlant de vulnérabilité sociale, ce qui engloberait la vulnérabilité économique sans se limiter à une évaluation du revenu. L'énumération peut être complétée avec les conditions de travail et la charge de travail, par exemple.
Enfin, je me réjouis de votre souhait de créer un observatoire national des violences faites aux femmes. L'initiative doit venir du Gouvernement car, en la matière, l'initiative des parlementaires est limitée par l'article 40 de la Constitution.
M. Jean-Pierre Godefroy. - Ne serait-il pas utile que les associations ou les syndicats puissent se substituer aux victimes pour agir en justice ?
Il serait dommage que la fonction publique soit exclue du texte. Il existe des cas douloureux dans le domaine de l'enseignement, dans celui des sports...
Je suis favorable à une obligation de signalement imposée à l'ensemble des intervenants de la médecine du travail, pas seulement aux médecins.
Il faut aussi s'interroger sur le but du harcèlement sexuel. On peut viser la déstabilisation d'une personne dans le but de la contraindre à démissionner et ainsi d'éviter une procédure de licenciement. Le texte couvre-t-il ce genre de situations ?
Mme Muguette Dini. - En octobre 2011, j'avais rédigé une proposition de loi tendant à porter le délai de prescription des agressions sexuelles à 10 ans. Cela n'a pas été possible mais pourrait-on envisager de faire démarrer la prescription à partir du moment où la victime n'est plus en contact avec l'agresseur ou le harceleur ?
Mme Virginie Klès. - Je considère que le Gouvernement a pris en compte le travail réalisé au Sénat : le seul souci qui doit nous animer concerne non la procédure mais la qualité d'un texte très attendu par une majorité de femmes et aussi par des hommes.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Donner de nouvelles missions aux inspections du travail ? Elles sont déjà surchargées. Quels moyens leur accordera-t-on, en termes d'effectifs et de formation ? L'important est que l'on parle des droits des salariés, notion dont je regrette qu'elle n'apparaisse pas dans ce texte.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Je me félicite de la synthèse réalisée entre les propositions de loi et le projet de loi. L'une des difficultés était de distinguer le harcèlement répétitif de l'acte unique. Un acte unique peut être plus grave qu'un acte répété, et vice-versa. C'est seulement de la gravité relative que l'échelle des peines doit tenir compte.
J'ai cru comprendre que le projet de loi serait présenté au Sénat lors de la séance publique du 11 juillet. Quand sera-t-il examiné à l'Assemblée nationale ?
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes. - Sous réserve de ce que décidera la conférence des présidents et la commission des lois, le Gouvernement pourrait proposer que le texte soit examiné à l'Assemblée nationale en séance publique le 24 juillet.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Une éventuelle commission mixte paritaire pourrait donc avoir lieu au plus tôt le 25 ou le 26 juillet. Nous serons vigilants sur les dates.
Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice. - Nous aurions aimé aller plus vite mais le calendrier parlementaire va être chargé ! Notre respect pour le travail du Sénat se manifeste dans la rédaction que nous avons retenue et dans le fait que votre Assemblée est saisie la première.
Une énumération risque toujours d'être incomplète ? C'est pourquoi celle-ci mentionne « tous autres cas ». Mais n'oublions pas que c'est l'imprécision de la loi qui a justifié la décision du Conseil constitutionnel. Il faut toutefois tenir compte de l'imagination des pervers, qui auront toujours une longueur d'avance sur la loi.
Si nous retenons l'acte unique, nous devons caractériser la gravité. Au juge d'apprécier, mais la loi doit l'armer.
En ce qui concerne l'échelle des peines, nous aurons certainement des débats intéressants. Il est vrai que le code pénal sanctionne davantage certaines atteintes aux biens que certaines atteintes aux personnes ; c'est révélateur d'un état de la société et de ses valeurs.
Quelle garantie avons-nous contre une question prioritaire de constitutionnalité ? Je crains que nous n'entrions dans une phase « industrielle » : pendant un temps, nous en aurons sans doute un grand nombre. Le fait d'avoir soumis le texte au Conseil d'Etat constitue tout de même une garantie. Il serait extravagant que le Conseil constitutionnel sanctionne un texte auquel le Conseil d'Etat aurait donné son aval.
Quant à l'impunité dont bénéficient certaines émissions, c'est un sujet complexe...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - On entend à la télévision ou à la radio des propos d'une violence extrême !
Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice. - Plus que de harcèlement sexuel, il s'agit là de la responsabilité du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Cela relève de la déontologie, du cahier des charges.
Les associations dont l'objet social comporte les questions relatives au harcèlement et aux agressions sexuelles peuvent déjà se porter partie civile. Les syndicats le peuvent aussi s'ils sont en mesure de faire apparaître un lien direct ou indirect lié à l'intérêt collectif, ce qui, il est vrai, n'est pas toujours évident pour le harcèlement sexuel.
Nous n'avons pas retenu la discrimination sur l'orientation sexuelle, mais des amendements pourront être déposés.
Le droit essaie de couvrir les réalités sociales et humaines mais il n'y parvient pas toujours. Il serait difficile d'apprécier la situation de vulnérabilité sociale des victimes.
Mme Chantal Jouanno. - Le harcèlement sexuel est par nature un acte à connotation sexuelle, mais c'est l'intention de l'auteur d'obtenir une relation sexuelle qui pose problème aux victimes car elles parviennent difficilement à en apporter la preuve.
Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice. - C'est pour cela que nous avons retenu les termes de « but réel ou apparent ».
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Ce sujet nous a beaucoup préoccupés. Les avocats et beaucoup de magistrats nous ont dit que les personnes mises en cause soutiennent qu'elles n'avaient pas l'intention d'obtenir un acte sexuel. À partir du moment où l'on fait référence à des actes, propos ou comportements à connotation sexuelle, on évite les problèmes liés à l'intention qu'il est très difficile de prouver.
Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la justice. - Je vous rappelle que demeurent « l'atteinte à la dignité » et « l'environnement » hostile. La recherche de relations sexuelles n'est pas nécessaire pour caractériser le « premier niveau » du harcèlement sexuel prévu par l'article premier du projet de loi.
La question de l'identité sexuelle n'apparaît pas dans le texte mais elle pourra être évoquée au cours des débats.
Le délai moyen d'instruction étant de 27 mois, les victimes ont dépensé beaucoup d'argent en attendant un jugement et la décision du Conseil constitutionnel a éteint l'action publique. Par exemple, une affaire est tombée le 9 juin et la victime avait déjà dépensé 13 000 euros en frais de procédure. Reste l'action civile qui permet d'espérer des dommages et intérêts, mais qui n'est pas satisfaisante car la volonté de voir la culpabilité de l'auteur reconnue n'est pas satisfaite. Nous n'y pouvons rien, c'est un effet inéluctable de la décision du Conseil constitutionnel.
M. Godefroy m'a posé une question sur la fonction publique. Le Conseil d'Etat a considéré que la consultation formelle des organisations syndicales n'était pas obligatoire. Par précaution, le Gouvernement a toutefois préféré ne pas introduire cette disposition sans consultation formelle, mais le débat parlementaire pourra y remédier !
Plutôt qu'allonger le délai de prescription des violences sexuelles, le Gouvernement veut faire en sorte que la victime de harcèlement puisse saisir la justice le plus rapidement possible.
La circulaire de politique pénale sera très précise et j'envisage déjà des séminaires pour former et informer les parquets. De façon plus générale, les campagnes de sensibilisation et d'information du public sont très importantes, car ces faits sont encore trop souvent banalisés.
En droit, le Conseil constitutionnel n'a pas outrepassé ses missions, mais d'habitude il interpelle le législateur et lui donne un délai pour modifier la loi. Tel ne fut pas le cas cette fois ci.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Il l'avait fait pour la réforme de la garde à vue.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes. - La définition du harcèlement sexuel à l'article premier mérite-t-elle d'être enrichie ? Je ne suis pas opposée à ce que le débat parlementaire le fasse.
Il est normal que les mêmes éléments n'aient pas été retenus pour caractériser le harcèlement répétitif et l'acte unique - c'est-à-dire le chantage sexuel. Puisque ce dernier est assimilé à du harcèlement sexuel, je ne suis pas défavorable à ce que ces deux faits soient passibles des mêmes peines, même si tel n'est pas le cas dans le projet de loi.
M. Alain Anziani, rapporteur de la commission des lois. - Je déposerai un amendement en ce sens.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes. - La vulnérabilité sociale ou économique pourra toujours être appréciée par le juge au regard des ordres, des menaces, des pressions graves subies par la victime. Il en sera de même pour l'abus d'autorité. La circulaire d'application fera référence à ces cas de vulnérabilité. Mais il me parait préférable que les circonstances aggravantes restent, dans ce texte, des données objectives et non subjectives.
Même si un projet de loi a été déposé, vous pourrez examiner en commission les sept propositions de loi.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Nous comptons bien le faire !
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes. - Elles auront toute leur place dans le travail législatif. On ne peut pas non plus reprocher au Gouvernement son volontarisme en la matière.
M. Zocchetto a évoqué l'impunité de l'espace médiatique : le CSA peut être saisi de ces questions par les parlementaires. Il existe en outre une commission sur l'image des femmes dans les médias, dont je compte bien relancer les travaux.
Selon l'article 1154-2 du code du travail, les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent intervenir en justice sur diverses actions, dont le harcèlement sexuel.
Je suis favorable à l'ajout de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre dans ce texte. J'étudie attentivement votre rapport sur l'hypersexualisation, Madame Jouanno.
J'invite Mme Borvo Cohen-Seat à prendre connaissance de la lettre ouverte que Mme Yvette Roudy a adressée au Conseil constitutionnel, qu'elle a intitulée « Faut-il abroger le Conseil constitutionnel ? ». Elle estime que celui-ci n'est pas conforme à la Constitution car non paritaire. Les diverses institutions de la République devraient sans doute être plus paritaires, même tous les problèmes n'en seraient pas pour autant réglés.
Madame Tasca a évoqué la prévention des violences à l'école : ce sujet est d'une triste actualité. Le Gouvernement a décidé de recruter 500 assistants de prévention et de sécurité. Une rencontre est prévue avec M. Peillon en juillet pour répondre à ces préoccupations, d'autant que violences et violences sexuelles sont souvent liées.
Je ne suis pas sûre que ce texte soit un bon vecteur pour envisager la création d'un observatoire des violences envers les femmes mais je me félicite que le sujet soit abordé.
Je verrai avec les partenaires sociaux comment la médecine du travail peut mieux prévenir le harcèlement sexuel. L'inspection du travail était déjà chargée du harcèlement sexuel, Madame David ; il ne s'agit donc pas d'une mission supplémentaire.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. - Au nom de mes deux collègues présidentes et de nous tous, je remercie les deux ministres d'avoir répondu précisément à toutes nos questions.
Mercredi 27 juin 2012
- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -Majoration des droits à construire - Echange de vues et nomination d'un rapporteur pour avis
La commission décide de se saisir pour avis de la proposition de loi n° 595 (2011-2012) présentée par M. Thierry Repentin et les membres du groupe socialiste et apparentés, visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire dont la commission de l'économie est saisie au fond et a nommé M. René Vandierendonck rapporteur pour avis.
Nomination d'un rapporteur
La commission désigne M. Jean-Yves Leconte rapporteur sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la création du système « EURODAC » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) (établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale présentée dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride) et pour les demandes de comparaison avec les données d'EURODAC présentées par les services répressifs des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n° 1077/2011 portant création d'une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice (Refonte) (texte E 7388 soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution) dont la commission a décidé, par courrier en date du 25 juin de son président, de se saisir en application de l'alinéa 2 de l'article 73 quinquies du règlement du Sénat.
M. Simon Sutour. - Je vous remercie monsieur le président, de m'avoir interrogé sur cette saisine car la commission des affaires européennes aurait pu être à l'initiative d'une proposition de résolution sur ce texte. Le travail en commun est une bonne chose.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous aurons encore beaucoup à travailler de concert sur des textes qui posent problème, notamment sur la question de Schengen...
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Mme Corinne Bouchoux m'a fait part de son intention de quitter notre commission, pour laisser la place à un juriste membre du groupe écologiste. Nous sommes tous, en vertu de la Constitution, des juristes !
M. Jean-Jacques Hyest. - Des légistes...
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous avions chargé Mme Bouchoux avec M. Reichardt, d'une mission sur les soirées étudiantes. Serez-vous en mesure de présenter votre rapport avant son départ ?
M. André Reichardt. - Mme Bouchoux, qui m'en a parlé, avait même pensé rendre le rapport aujourd'hui. Cela aurait été prématuré : nous avons encore programmé trois auditions, dont les dates n'ont pas encore été fixées. Il serait souhaitable que la commission missionne Mme Bouchoux, le temps de terminer le rapport, car elle a suivi le dossier depuis le début.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous propose d'accepter une dérogation aux usages : que Mme Bouchoux poursuive son travail avec M. Reichardt même si elle cesse d'être des nôtres et que vous présentiez votre rapport devant la commission le moment venu.
M. Patrice Gélard. - Depuis que Mme Escoffier a quitté le Sénat pour le gouvernement, je suis seul à la commission de codification. Il faut songer à la remplacer.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il faut pour cela que nous soyons saisis par le président de la commission de codification, M. Labetoulle via le secrétariat général du gouvernement. Je note que M. Richard a fait connaître son intérêt pour ce poste.
Harcèlement sexuel - Examen du rapport et du texte de la commission
Puis la commission procède à l'examen du rapport et du texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 592 (2011-2012) relatif au harcèlement sexuel (procédure accélérée engagée) ainsi que sur les propositions de loi n° 536 (2011-2012) de M. Philippe Kaltenbach tendant à qualifier le délit de harcèlement, n° 539 (2011-2012) de M. Roland Courteau relative à la définition du délit de harcèlement sexuel, n° 540 (2011-2012) de M. Alain Anziani relative au délit de harcèlement sexuel, n° 556 (2011-2012) de Mme Muguette Dini et plusieurs de ses collègues relative à la définition du harcèlement sexuel, n° 558 (2011-2012) de Mme Brigitte Gonthier-Maurin et plusieurs de ses collègues tendant à qualifier le délit de harcèlement sexuel, n° 565 (2011-2012) de Mme Chantal Jouanno et plusieurs de ses collègues relative au délit de harcèlement sexuel et n° 579 (2011-2012) de Mme Esther Benbassa et plusieurs de ses collègues relative à la définition et à la répression du harcèlement sexuel.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous examinons le rapport de M. Anziani et le texte de la commission sur le projet de loi relatif au harcèlement sexuel ainsi que sur les sept propositions de loi déposées au Sénat. Pour le bon déroulement du débat, les amendements portent sur le texte du projet de loi. Nous entendrons tout d'abord Mme Brigitte Gonthier-Maurin, venue nous présenter les recommandations de la délégation aux droits des femmes.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente et rapporteure de la délégation aux droits des femmes. - Je vous remercie de m'accueillir pour vous présenter, en qualité de présidente et de rapporteure, les recommandations formulées par la délégation en réponse à votre saisine du 13 juin dernier, et adoptées à l'unanimité le 21 juin. Je salue Mme Demontès, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, vice-présidente de la délégation, qui a participé activement à nos travaux. Nos recommandations s'inscrivent dans le prolongement des auditions et des échanges de vues menés par le groupe de travail du Sénat. Certaines, notamment sur la future définition du délit de harcèlement sexuel, s'inspirent de solutions qu'il avait dégagées.
La délégation a toutefois considéré que, même si une meilleure définition légale du délit de harcèlement sexuel permettait de renforcer la réponse pénale, la lutte contre le harcèlement sexuel ne pouvait se limiter à son volet répressif. Nous avons donc aussi formulé une douzaine de recommandations en faveur d'une politique d'information et de prévention.
L'impact du harcèlement sexuel sur la victime a longtemps été sous-estimé, le phénomène étant peu étudié et sous-évalué. L'enquête nationale sur les violences faites aux femmes, qui date de 2000, quelques enquêtes ponctuelles comme celle menée en Seine-Saint-Denis en 2007 montrent pourtant que les violences sexuelles dans le monde du travail sont plus courantes qu'on ne l'imagine.
Les deux premières recommandations de la délégation sont donc de réaliser une nouvelle enquête sur les violences faites aux femmes en France et de créer un Observatoire national des violences envers les femmes ayant pour mission de réaliser des études, de constituer une plateforme de collaboration entre les différents acteurs et d'être le correspondant naturel des observatoires locaux.
Les comportements de harcèlement sexuel ne donnent lieu qu'à environ mille procédures nouvelles et à 70 à 80 condamnations pénales par an. En outre, le délit de harcèlement sexuel a tendance, en pratique, à permettre de « déqualifier » des atteintes sexuelles qui devraient relever d'autres incriminations plus graves ; d'où la troisième recommandation, veiller à ce que le nouveau délit de harcèlement sexuel ne soit plus utilisé pour sanctionner des agissements qui relèvent d'autres incriminations pénales plus graves, sous prétexte que l'on est dans un cadre professionnel.
Nous prônons une politique plus systématique de dépistage, de prévention, de protection des victimes. La délégation recommande que les professionnels de santé, et notamment les médecins du travail, soient formés à détecter les situations de harcèlement sexuel et à accompagner les victimes ; que les organisations syndicales et les délégués du personnel s'impliquent davantage ; que soit ouverte aux associations de défense des droits des femmes la possibilité d'ester en justice aux côtés des victimes et avec leur consentement dans les contentieux civils, sachant que les syndicats ne souhaitent pas conserver le « monopole » dont ils disposent actuellement en la matière ; que l'État et les collectivités territoriales soient responsables pour les faits de harcèlement sexuel commis dans leurs administrations ; corollaire de cette responsabilité, il faut former les personnels d'encadrement des trois fonctions publiques à détecter les situations de harcèlement sexuel et à y répondre.
Deux recommandations concernent l'enseignement supérieur, en réponse aux préoccupations du Collectif de lutte antisexiste contre le harcèlement sexuel, qui a attiré notre attention sur la faiblesse des recours à la disposition des étudiant(e)s et doctorant(e)s qui, étant considéré(e)s comme des « usagers du service public », ne bénéficient pas de la protection statutaire assurée aux agents publics. Il serait souhaitable que la future enquête sur les violences faites aux femmes comporte un volet sur les atteintes sexuelles dans l'enseignement supérieur. La délégation préconise en outre une réforme de la saisine et de la composition des sections disciplinaires des établissements d'enseignement supérieur et souhaite que, pour des faits d'une gravité manifeste, les sanctions puissent être assorties d'une interdiction d'enseigner.
Les ministères de tutelle doivent sensibiliser à la problématique du harcèlement sexuel dans le monde associatif, notamment dans le monde sportif.
Sur le plan législatif, la délégation apporte un soutien à un certain nombre de solutions rédactionnelles dégagées par le groupe de travail, aux réflexions duquel nous avons activement participé: une définition du délit de harcèlement sexuel faisant référence aux actes répétés, mais aussi aux situations où un seul acte grave, assimilable à une forme de « chantage sexuel », suffit à le constituer ; la délégation propose que ce second volet retienne comme éléments constitutifs les « menaces, intimidations, contraintes ». L'atteinte à la dignité doit constituer l'élément intentionnel principal du harcèlement sexuel, au côté de la recherche d'une relation sexuelle, qu'il faut conserver, car ce type de chantage reste une composante réelle et particulièrement odieuse du harcèlement sexuel.
La délégation recommande de retenir comme circonstances aggravantes l'abus d'autorité, la minorité de la victime ou son état de vulnérabilité physique, psychique, sociale ou économique, et le fait que des agissements soient commis à plusieurs personnes. Il faudra enfin harmoniser les définitions figurant dans les différents codes et textes de référence, sans oublier la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
Je vous remercie de l'attention que vous porterez à ces recommandations.
Les travaux du groupe de travail se sont déroulés dans un excellent climat, je m'en félicite. Il fallait se mobiliser rapidement pour que soit mis un terme à une situation qui est un véritable déni de justice pour bien des femmes. Je souhaite que nos travaux aboutissent rapidement à une définition du délit de harcèlement sexuel plus protectrice pour les victimes et plus claire pour les tribunaux.
M. Jean-Jacques Hyest. - On sait qu'il y a eu des dérives dans le monde sportif. L'entraîneur exerce une telle autorité sur les jeunes athlètes, c'est un monde si fermé, qu'on ne peut rester trop elliptique et s'en tenir à une simple information de la part du ministère... Nul doute que Mme Jouanno, ancienne ministre chargée des sports, reviendra sur ce point.
M. Hugues Portelli. - J'approuve totalement votre recommandation sur la protection des étudiants et des doctorants. En tant qu'universitaire, j'ai vu des professeurs ou des maîtres de conférences frappés d'une interdiction d'enseigner du fait de leur comportement répréhensible, mais qui restaient en poste, car saisir le conseil de discipline « ne se faisait pas ». Résultat, ils étaient payés à ne rien faire... La simple interdiction d'enseigner est ambiguë. J'ajoute que parmi les victimes de harcèlement sexuel, il y a des étudiantes, mais aussi des étudiants.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure de la délégation. - Ces préoccupations ont été les nôtres au sein de la délégation et du groupe de travail. Mme Jouanno a attiré notre attention sur le problème du harcèlement sexuel dans le sport. La question de la minorité a également fait débat. Dans l'enseignement professionnel, un stagiaire peut être victime de harcèlement sexuel...
Mme Éliane Assassi. - Merci pour cet exposé. Je souscris totalement aux recommandations de la délégation, à commencer par la création d'un Observatoire national des violences faites aux femmes. La Seine-Saint-Denis est dotée d'un tel organisme, qui a une réelle expertise de terrain, et la lutte contre les violences faites aux femmes a fait d'immenses progrès. Mmes Taubira et Vallaud-Belkacem ont souligné hier l'importance de créer un Observatoire national. J'espère que leur parole sera rapidement suivie d'effet, et de moyens.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure de la délégation. - C'est une question importante. Je me félicite que Mmes les ministres aient annoncé une mise en place rapide de cet observatoire, qui, outre la réalisation d'analyses et d'études, encouragera la synergie entre les interlocuteurs au plan local, régional et national, promouvra la formation et visera spécifiquement le harcèlement sexuel, trop souvent ignoré car ravalé au rang de banalité.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Merci de cet apport très important à nos travaux.
M. Alain Anziani, rapporteur de la commission des lois. - Comme rapporteur de votre commission sur le harcèlement sexuel, j'ai pris en compte l'ensemble des travaux, nombreux et variés, du Sénat : recommandations de la délégation aux droits des femmes, conclusions du groupe de travail, propositions de loi et mes propres auditions.
Le harcèlement sexuel est un drame mal apprécié. A l'évidence de nombreux cas échappent aux tribunaux alors que la souffrance des victimes demeure méconnue. Le professeur Peretti, de l'hôpital Saint-Antoine, nous a dit le désarroi durable des victimes, leur vie déstructurée, parfois la perte de leur emploi, voire les gestes contre elles-mêmes...
Face à ce fait de société, la réponse du droit n'est pas satisfaisante, ni sur le plan quantitatif, avec, chaque année, 70 à 85 condamnations souvent symboliques, ni sur le plan qualitatif. Le flou du texte a abouti à de grands écarts entre les décisions rendues par les différentes juridictions. La décision du Conseil constitutionnel du 4 mai dernier était inévitable. D'ailleurs, il convient de noter que le Conseil Constitutionnel a été saisi par les deux parties. Pour des motifs différents, le harceleur présumé, comme les associations de victimes, critiquaient un texte qui d'un côté ne respectait pas le principe de légalité des délits et des peines, consacré par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'autre ne permettait pas à de nombreuses procédures d'aboutir du fait d'une preuve difficile à établir. Constitutionnellement, nous avons l'obligation de rendre la loi claire et lisible, a fortiori en matière pénale.
La décision du Conseil constitutionnel étant d'application immédiate, les poursuites engagées sont toutes tombées. Il faut donc refonder une incrimination, avec la double préoccupation de respecter d'une part les principes qui fondent le droit pénal et la cohérence d'ensemble de ce dernier, et d'autre part de couvrir la grande variété des formes de harcèlement sexuel.
Pour y parvenir, nous disposons de sept propositions de loi, des travaux du groupe de travail, des recommandations de la délégation des droits des femmes, du projet de loi, des auditions de votre rapporteur. Cette masse d'information rassemblée en quelques semaines témoignent de la grande réactivité du Sénat sur ce sujet.
Je vous propose d'examiner chacun des éléments qui font l'objet de débats.
Tout d'abord, qu'est-ce que le harcèlement sexuel ? Avant 1992, le délit n'existait pas. La loi du 22 juillet 1992 le définit comme « le fait de harceler autrui en usant d'ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle, par une personne abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ». Pour faciliter les poursuites, la loi du 17 juin 1998 y a ajouté, alternativement, les « pressions graves ». Enfin, la loi du 17 janvier 2002, toujours avec le même objectif de protection des victimes, est allée plus loin encore en définissant le harcèlement sexuel par « le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle ». Une telle tautologie est contraire à l'esprit du droit.
Parallèlement, trois directives européennes ont amorcé une nouvelle définition, autour de la notion d'atteinte à la dignité de la personne d'une part et de la création d'un « environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » d'autre part. Cette définition a été retranscrite dans le droit français par la loi du 27 mai 2008, sans être assortie de sanctions pénales ni même être codifiée. Cinq des sept propositions de loi sénatoriales reprennent ces notions communautaires, comme le fait également le projet de loi. Ayant noté que le groupe de travail s'était interrogé sur la notion d'environnement et ses difficultés d'interprétation par un juge, le président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation a estimé que les juridictions s'y adapteraient sans difficulté. Le rapport propose donc de reprendre largement la définition communautaire et donc ces deux notions d'atteinte à la dignité et de création d'un environnement intimidant, hostile ou offensant.
Il propose toutefois quelques modifications au projet de loi.
Quels sont les actes qui portent atteinte à la dignité ? Le groupe de travail a proposé les « propos, comportements ou tous autres actes à connotation sexuelle ». Je vous propose de les retenir.
Certains amendements proposeront sans doute de revenir à la notion d'actes « non désirés », qui figure dans le droit communautaire en considérant que celle ci faciliterait la preuve et donc en redoutant que le terme « imposer » ouvre un débat sur l'attitude de la victime qui, au fond, devrait rapporter la preuve qu'elle a refusé le fait de harcèlement. Je fais observer que ce terme d'« imposés » est employé dans la définition de l'agression sexuelle ou de l'exhibition sexuelle dans le code pénal sans qu'elle ait entraîné pour les victimes une difficulté supplémentaire de preuve. Par souci de cohérence, il paraît difficile de modifier cette rédaction.
Autre modification. Le texte du gouvernement évoque des faits créant un environnement intimidant « pour » la personne à laquelle sont imposés ces agissements ; c'est un élément de subjectivité, et je préfère l'expression « à son égard », dépourvue d'ambiguïté.
Une fois cette définition arrêtée, se pose la question de l'acte unique, du chantage sexuel. Elle est aussi vieille que le délit lui-même. Les débats parlementaires de 1992 montrent que le législateur, comme le ministre de l'époque, Michel Sapin, considérait que le harcèlement sexuel pouvait évidemment être constitué par un acte unique déstructurant pour la victime. Evidemment, l'objection sémantique nous précise que le harcèlement suppose la répétition. Je crois que le gouvernement a trouvé une formule permettant d'élargir le champ de l'infraction au chantage sexuel sans mettre à mal la sémantique en proposant que dans ce dernier cas, le fait est « assimilé » à un harcèlement sexuel. Le rapport retient cette définition, tout en simplifiant l'écriture du II pour supprimer « le fait mentionné au I », source d'ambigüité puisqu'il pouvait laisser supposer que pour que le harcèlement par acte unique soit constitué, les conditions du harcèlement par répétition devaient être déjà satisfaites. Désormais, nous aurons bien deux faits distincts, punissables séparément.
Faut-il maintenir dans la définition de l'acte unique le fait de chercher à obtenir une relation de nature sexuelle ? Cela me semble indispensable pour que les choses soient écrites clairement : si le I se rapproche du harcèlement moral à connotation sexuelle, le II traite bien du chantage à la relation sexuelle.
Un débat s'est également engagé sur la formulation « dans le but réel ou apparent d'obtenir une relation de nature sexuelle ». Cette rédaction me paraît souhaitable. Elle évitera des discussions devant un prévenu qui niera avoir eu pour but une relation sexuelle. Il suffira qu'un faisceau d'indices, apprécié par le juge, établisse qu'il ne pouvait ignorer que son comportement ne pouvait qu'être perçu comme recherchant un tel but.
La définition ainsi posée, quelle peine devons nous prévoir ?
Le texte abrogé prévoyait une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Le projet de loi distingue entre le harcèlement constitué de faits répétés, puni de ces peines, et le fait unique, puni de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Je vous propose de ne pas hiérarchiser entre la souffrance provoquée par un fait répété et la souffrance générée par un chantage sexuel. Selon les associations de victimes, la répétition aboutit à un « supplice de la goutte d'eau ». Il n'y pas de raison qu'elle soit moins sévèrement punie. Je vous propose donc la même peine.
Quel sera alors le quantum de cette peine commune ? L'exhibition sexuelle est punie d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende et les agressions sexuelles, de cinq ans d'emprisonnement au moins. Je vous propose de retenir pour le harcèlement sexuel deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende En précisant que cette solution ne met pas fin à un débat beaucoup plus général sur l'échelle des peines qui permet aujourd'hui de punir plus sévèrement une atteinte à la personne qu'une atteinte aux biens.
Le projet de loi prévoit quatre circonstances aggravantes : l'abus d'autorité, la minorité de quinze ans, la vulnérabilité due à l'âge, à la maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse et enfin la pluralité d'auteurs.
Faut-il se référer à cet âge de quinze ans, âge de la majorité sexuelle dans le code pénal, ou bien viser la minorité en souhaitant protéger davantage les apprentis par exemple ? Dans ce dernier cas, le prévenu s'exposera à la circonstance aggravante de l'abus d'autorité. Il me semble préférable de conserver une cohérence avec les autres textes punissant les circonstances aggravantes en matière d'infraction sexuelle et donc de conserver la minorité de 15 ans
La commission des affaires sociales propose d'inscrire la vulnérabilité économique et sociale de la victime parmi les circonstances aggravantes. Je comprends tout à fait les motivations de la commission et ce fait manifeste qu'une personne en difficulté financière est plus exposée qu'une personne économiquement indépendante. Mais cette notion de vulnérabilité économique, socialement évidente, reste juridiquement imprécise. Considère-t-on le niveau de revenu, le montant des dépenses, l'endettement d'une personne aisée, les ressources du conjoint ou de proches... Nous avons, le Conseil Constitutionnel, vient de nous le rappeler l'obligation d'élaborer des lois claires et précises. Je vous propose de reprendre le débat lors de l'examen des amendements.
Enfin, une question s'est posée : le harcèlement sexuel motivé par l'orientation sexuelle est-il une circonstance aggravante ? Nous avons tous été marqués par l'audition des représentants du mouvement « trans » qui nous ont fait découvrir une souffrance largement méconnue. Il faut certainement rappeler que les personnes homosexuelles ou transsexuelles sont aussi victimes de harcèlement sexuel. Il ne convient pas pour autant, me semble-t-il, retenir une circonstance aggravante.
Il convient de rappeler que concernant le délit de base comme concernant les circonstances aggravantes, il appartiendra au juge de moduler la peine en tenant compte des circonstances de l'espèce.
Je serai plus bref sur les autres articles.
L'article 2 vise les discriminations, conséquences du harcèlement sexuel : la victime est non seulement harcelée, mais, conséquence de son refus de céder, elle se voit privée de son travail. De tels faits de discrimination étaient punis par le code du travail jusqu'en 2007, date à laquelle la référence à des sanctions pénales a disparu lors de la recodification. Le projet de loi rétablit heureusement ces sanctions et les prévoit également dans le code pénal. Ces dispositions protègeront la victime mais aussi un tiers qui aurait par exemple été licencié pour avoir témoigné contre son employeur...
Je propose d'introduire un article 3 bis qui reprend la définition du harcèlement sexuel dans le statut de la fonction publique, sans faire référence au code pénal, pour préserver l'autonomie du droit disciplinaire et la liberté d'appréciation du juge administratif, ce qui évidemment ne s'opposera pas à la condamnation pénale du fonctionnaire coupable de harcèlement.
Enfin, un de mes amendements étend explicitement le champ d'application de la loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis et Futuna, qui sont soumis en matière pénale au principe de spécialité législative.
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - Ce projet de loi, examiné pour avis par la commission des affaires sociales ce matin, vise à combler dans les meilleurs délais le vide juridique qui laisse sans protection les victimes de harcèlement sexuel, parmi lesquelles figure une très grande majorité de femmes. Pendant une vingtaine d'années le harcèlement sexuel a été réprimé par l'article 222-33 du code pénal qui incriminait le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle. Mais, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a déclaré le 4 mai 2012 que cet article définissait l'infraction en des termes trop flous. Cette décision ayant entrainé l'abrogation du texte, les victimes ne peuvent plus porter plainte sur ce fondement et les procédures judiciaires en cours ont été interrompues, sauf si le tribunal est parvenu à requalifier les faits, par exemple en agression sexuelle, ce qui n'est pas toujours possible.
Il nous appartient donc de rétablir au plus vite ce délit de harcèlement sexuel en retenant une définition conforme à toutes les exigences constitutionnelles.
Le texte adopté en conseil des ministres le 13 juin sera examiné selon la procédure accélérée pendant la session extraordinaire avec pour objectif une adoption définitive au cours de celle-ci.
Pour sa part, la commission des affaires sociales a considéré que ce projet de loi constituait une bonne base de travail, mais qu'il était perfectible. Nous avons, dans un premier temps, envisagé de définir comme circonstance aggravante le harcèlement de tout mineur, et non seulement celui d'un mineur de 15 ans de façon à prendre en compte le cas des jeunes apprentis ou stagiaires présents dans les entreprises qui ont généralement entre 15 et 18 ans. Nous avons toutefois renoncé à aller dans ce sens, afin de veiller à la cohérence du code pénal qui réprime plus sévèrement les actes d'agressions sexuelles ou de viols commis sur des mineurs de 15 ans. Le débat sur ce sujet se poursuivra sans doute en séance.
Notre réflexion a aussi porté sur l'accompagnement des victimes. Nous nous sommes interrogés sur la nécessité de généraliser sur le territoire national, en lien avec les agences régionales de santé (ARS), des structures de suivi psychologique comparables à celle qui vient d'être créée à l'hôpital Saint-Antoine.
La création d'un observatoire national des violences faites aux femmes a aussi été évoquée.
Enfin, au titre des circonstances aggravantes, nous nous sommes demandé si l'orientation sexuelle et l'identité sexuelle des victimes devaient être prises en compte. Comme votre rapporteur, je ne sais pas en quoi cela rendrait le harcèlement plus grave. En tout cas, le débat qui a eu lieu hier après-midi débouchera peut-être sur des amendements.
Avant de vous présenter, tout à l'heure, nos amendements, je souhaitais enfin insister sur la nécessité urgente de combler le vide juridique créé par la décision du Conseil constitutionnel, alors que l'on estime que plusieurs dizaines de victimes sont actuellement dans l'impossibilité de saisir la justice et que la loi pénale plus sévère que nous allons voter ne saurait avoir d'effet rétroactif.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Ouvrons maintenant le débat général.
M. Jean-Jacques Hyest. - La décision est intervenue le 4 mai, ça tombait mal : il a fallu attendre jusqu'à hier pour que l'Assemblée nationale puisse recommencer à travailler, d'où d'ailleurs le travail du Sénat, les propositions de loi et le groupe de travail qui a défini un certain nombre d'orientations dont le projet de loi tient compte.
J'ai été frappé par le fait que beaucoup des directives communautaires ne concernent pas vraiment le harcèlement mais les discriminations. Il faut donc être prudent et ne pas caler dessus le droit pénal.
Pour avoir participé à la réforme du code pénal en 1992, je rappellerai que l'on s'était demandé où inscrire le harcèlement sexuel, et que le parti avait été pris de le faire non dans le cadre des discriminations mais dans celui des atteintes aux personnes. Puis l'histoire a fait que pour mieux faire, on n'a fait plus rien du tout, ce qui me conduit à estimer, comme le rapporteur, que la décision du Conseil constitutionnel était inévitable. Maintenant, il faut aller vite et aucun membre du Parlement ne souhaite que cette situation perdure. Ce serait inimaginable de ne pas trouver de consensus. Il faut rechercher un accord avec l'Assemblée nationale pour qu'il n'y ait pas de CMP ou de deuxième lecture...
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Beaucoup de députés viennent tout juste d'être élus...
M. Jean-Jacques Hyest. - Sur le fond, j'ai tout de suite réagi au fait que la rédaction du projet de loi était absolument désastreuse, la définition proposée étant par exemple très différente de celle du harcèlement moral. J'aurais déposé un amendement si le rapporteur ne l'avait pas fait. De plus, je ne comprenais pas pourquoi mettre une hiérarchie entre le I et le II. Pourquoi faire une distinction entre un acte unique et des actes répétés ? Des actes répétés peuvent, dans certains cas, être plus dommageables qu'un acte unique. C'est au juge qu'il revient d'apprécier la gravité des faits.
Je me suis aussi demandé s'il ne fallait pas créer un nouveau délit pour viser explicitement les faits de chantage sexuel. Après tout, le chantage, c'est clair ! Néanmoins, la formule de l'assimilation retenue par le projet de loi est assez habile.
Nous aurons peut-être quelques discussions sur la reprise de la notion d'environnement mais, indépendamment de ces quelques observations préliminaires, j'approuve totalement les amendements de notre rapporteur Alain Anziani.
M. François Zocchetto. - Les questions prioritaires de constitutionnalité issues de la révision constitutionnelle constituent peut-être la réforme principale du dernier quinquennat. Il appartient au législateur d'en tirer toutes les conséquences. Dès lors qu'il y a des domaines, en particulier en matière pénale, dans lesquels l'absence de loi crée des préjudices irréversibles, il nous faut rester en veille juridique afin de réagir au plus vite à une possible annulation.
Le Sénat ayant ici fait preuve d'une très grande réactivité et produit un travail très important, j'ai du mal à accepter que nous soyons saisis, non d'une proposition de loi sénatoriale, mais d'un projet de loi. Il s'agit du premier texte que nous discutons avec le nouveau gouvernement et je regrette que, dans ce cas particulier, la majorité actuelle n'ait pas proposé un texte, par nature consensuel, qui aurait montré que le Parlement, le Sénat en particulier, est capable de mener le débat législatif. La situation n'est pas normale : on a un peu trop l'impression que le gouvernement a pris les travaux du Sénat pour écrire son texte, alors qu'il nous incombe de faire la loi. Il y avait là une opportunité évidente.
Sur le fond du texte, les rapporteurs ont su créer un consensus ; je suis en particulier favorable à ce qu'il n'y ait pas de distinction entre le I et le II de l'article premier.
M. François Pillet. - Quand un travail est bon, il faut le saluer ; l'excellente synthèse de notre collègue Alain Anziani reprend l'ensemble des problématiques méritant d'être retenues. J'exprime un accord global sous réserve peut-être de quelques discussions ponctuelles.
Tout d'abord, alors que la transposition de la directive aurait été un mauvais choix juridique, la manière dont le rapporteur a en quelque sorte objectivé les éléments matériels du délit me parait constituer juridiquement du très bon travail. De même, le remplacement des mots « selon elle » par « à son égard » renforce la portée et l'efficacité du texte en évitant que le ressenti de la victime soit un élément matériel : ce serait, sinon, fragiliser le texte.
Prévoir une seule rédaction pour les multiples hypothèses évoquées notamment par les associations ou les différentes personnes entendues étant impossible, la solution de l'assimilation retenue pour « raccrocher » au harcèlement les faits uniques de chantage sexuel constitue là encore un excellent travail compréhensible par tous les citoyens. Alors qu'il aurait été aberrant d'indiquer que le harcèlement n'était pas répétitif, la formule que vous proposez évite cet écueil. Ce travail est de nature à susciter le consensus.
M. Philippe Bas - Je regrette à mon tour que le texte qui nous est soumis soit d'origine gouvernementale, alors même que le Parlement a été à l'origine de toutes les avancées dans ce domaine. Le travail du Sénat, qui en est une nouvelle illustration, se trouve, sinon sur le fond, du moins sur la forme, occulté par cette initiative gouvernementale.
L'avis du conseil d'Etat ne nous met pas à l'abri de difficultés juridiques, car la définition du harcèlement conserve une dimension subjective importante. En effet, tel acte sera intimidant, humiliant ou offensant pour une personne et non pour une autre. Toutefois la combinaison de multiples critères approche au plus près la perfection.
Je me félicite aussi qu'un amendement vienne combler le vide juridique créé dans la fonction publique. Pourquoi, par ailleurs, ne pas réfléchir spécifiquement au cas des professeurs et de leurs élèves ?
Je souhaite enfin que la portée symbolique de notre unanimité renforce la pédagogie en matière de respect de l'autre.
Mme Catherine Tasca. - Le travail du rapporteur marque une avancée décisive. Le projet de loi n'occulte nullement ce qui a été accompli au Sénat avant même que le gouvernement soit en état d'agir. Ce dernier aura certainement l'occasion de le dire, il a tiré bénéfice de notre initiative.
Dans la mesure où la solution retenue est d'assimiler les situations différentes que constituent les actes uniques et les actes répétés, je me risque à demander s'il ne serait pas opportun de traduire cela dans le titre même, en mentionnant le chantage et le harcèlement sexuels.
M. Jean-Jacques Hyest. - Le chantage existe.
Mme Catherine Tasca. - Je parle de chantage sexuel.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Ce serait rigoureux par rapport à l'objet du texte et pourrait peut-être donner lieu à un amendement extérieur de votre part.
Mme Jacqueline Gourault. - J'ai été convaincue par la présentation du rapporteur sauf sur un point : la mention au II de l'article 1er d'un but « réel ou apparent » dont je me demande si elle n'affaiblit pas le texte.
M. Hugues Portelli. - L'article 4 traite d'un code du travail applicable à Mayotte. S'agit-il d'un code spécifique ou du code du travail général ?
M. Alain Anziani, rapporteur. - Il s'agit d'un code spécifique.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - A titre personnel, je voterai bien sûr le texte et tous les amendements proposés. Ayant participé à toutes les réunions du groupe de travail -méthode que l'on aimerait renouveler sur d'autres sujets- je comprends les rédactions retenues.
Je m'interroge toutefois sur deux termes. Celui de connotation, d'abord, qui, dans notre langue, s'oppose à la dénotation, qui désigne précisément les choses, la connotation désignant quant à elle le halo qui entoure la dénotation. Notre texte n'est compréhensible que si l'on considère que l'une intègre l'autre.
Ensuite, je n'étais pas emballé par le terme « environnement », pourtant justifié par la directive et un certain nombre de textes. Il est bénéfique d'énoncer les termes précis d'actes, de comportements et de propos, parce que, même si les hautes autorités de la Cour de cassation n'y voient pas de difficulté, il peut y avoir un flou autour de la création d'un environnement.
Même si le choix des bons termes en ce domaine n'est pas aisé, plus la loi est précise, mieux elle définit les chefs d'incrimination et mieux c'est.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Puisque François Zocchetto a débuté son propos par la révision constitutionnelle, je rappellerai que c'est désormais le texte de la commission qui vient en discussion : nous avons dépassé la concurrence entre projet et propositions de loi.
Je partage ce qu'a dit M. Pillet. J'indique à M. Bas qu'il y a plusieurs amendements incluant les fonctionnaires, celui du groupe CRC, mais aussi celui de Mme Demontès et l'un des miens. Le cas du professeur et de l'élève rentrera de toute façon dans le cadre de l'abus d'autorité.
M. Patrice Gélard. - Evidemment !
M. Alain Anziani, rapporteur. - Merci à Mme Tasca pour son observation tout à fait pertinente sur le titre du texte.
Si l'on ne prend en compte que le but réel, Madame Gourault, le harceleur dira évidemment qu'il n'avait pas l'intention d'obtenir une relation sexuelle. En revanche, le but apparent peut être prouvé par des témoignages : cela facilite l'administration de la preuve.
Quant au terme de connotation, il figure déjà dans la jurisprudence sur le harcèlement. Il suffit d'ouvrir le code.
L'environnement fait l'objet d'un grand débat, mais il figure dans trois directives communautaires comme dans cinq des sept propositions de loi ainsi que dans la loi du 27 mai 2008 sur les discriminations. En outre j'ai eu l'assurance qu'il n'effraierait pas les juridictions. Qu'est-ce que l'environnement ?
M. Patrice Gélard. - C'est une mauvaise traduction de l'anglais.
Mme Esther Benbassa. - Oui, cela vient de l'expression « work environment ».
M. Alain Anziani, rapporteur. - Ce n'est pas parce que c'est une mauvaise traduction de l'anglais que cela ne peut pas avoir du sens pour nos juridictions.
M. Patrice Gélard. - Il faut retrouver quelque chose qui se rapproche du texte anglais initial.
Mme Esther Benbassa. - Le mot qui convient est celui de situation.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Attention, en changeant de terme, à ne pas créer d'effets pervers.
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. - M. Portelli, le texte que vous évoquiez est déjà transcrit dans notre code du travail, mais non dans celui qui s'applique à Mayotte. Voilà pourquoi nous devons y procéder dans le seul code de travail de Mayotte.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° COM-1 remplace les termes « gestes, propos ou tous autres actes à connotation sexuelle » par ceux de « propos, comportements ou tous autres actes à connotation sexuelle » retenus par le groupe de travail : il substitue « à son égard » à « pour elle » et il modifie la rédaction de l'article de façon à définir l'infraction avant d'indiquer la peine.
M. Alain Richard. - J'attire l'attention sur le choix des termes. Les directives sont le résultat d'une négociation entre 27 délégations nationales enrichie par les interventions créatives du parlement européen. Dans la vraie vie, la négociation se déroule en anglais. Comme cela aboutit fatalement à multiplier les périphrases, lorsque l'on veut ensuite faire une loi en bon français, le texte doit être plus clair et résumé. Pour cela, il faut se rappeler les conditions du compromis. A défaut, quand on n'a pu retrouver un fonctionnaire qui y ait assisté, on se contente de recopier la directive car on ne sait plus ce qu'elle voulait dire. Lorsque l'on sait à peu près ce qu'il en est, c'est un devoir de réécrire le texte. A ce titre, le terme de situation est préférable à celui d'environnement.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Pour ma part, je demande un temps de réflexion.
M. Patrice Gélard. - Très bien !
M. Christian Cointat. - Aucun des deux termes proposés n'étant réellement juridique, environnement me semble plus riche dans la mesure où il exprime à la fois une situation et un climat.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vais mettre aux voix l'amendement dans sa rédaction actuelle, sachant que nous nous réunirons probablement le 11 juillet au matin sur les amendements extérieurs.
L'amendement n° COM-1 est adopté.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° COM-2 simplifie le texte du II. Le déconnecter du I renforce son intelligibilité.
M. Alain Richard. - A chaque fois qu'on insère des qualitatifs alternatifs, il faut bien se poser la question de leur utilité. On obtiendrait le même résultat en écrivant « dans le but » -sans dire « réel ou apparent »- et le juge ne s'interrogerait pas sur le sens du mot « apparent ».
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je ne suis pas certaine que cela améliorerait la rédaction, car des actes graves peuvent être commis sans avoir nécessairement pour but réel d'obtenir une relation sexuelle.
Mme Catherine Troendle. - Je me félicite qu'on comble un vide juridique. J'espère que la main ainsi tendue encouragera des victimes à sortir du silence. Précisément, comment apporter la preuve d'un acte unique si l'on n'a pas de témoin ? Je ne vois pas la plus-value de cette rédaction.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Au cours de nos auditions, nombre d'avocats et magistrats ont mis en avant l'extrême difficulté de prouver le but ou l'intention. S'il est très compliqué de parvenir à une rédaction satisfaisante, je me félicite que notre rapporteur n'ait pas fait intervenir l'intention ou le but dès le premier alinéa de l'article.
M. Christian Cointat. - Tout en comprenant les arguments juridiques de M. Richard, il me semble important de conserver le terme « apparent » pour tous les cas où l'auteur prétendrait qu'il ne s'agissait que d'une plaisanterie dépourvue de toute intention sexuelle.
M. Jean-Jacques Hyest. - Comme il peut y avoir un doute sur la répétition, mieux vaut préciser. Quant au chantage, il implique une atteinte aux biens. Il ne devrait pas figurer dans le titre.
M. André Reichardt. - Nous sommes en droit pénal et l'on incriminerait une apparence au lieu de laisser au juge le soin de déterminer si les faits sont constitués ? Cela me choque profondément.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il faut faire attention : on ne sanctionne pas l'apparence, mais des actes. Or, il est très fréquent que la personne mise en cause pour un acte unique prétende ne pas avoir agi dans le but d'obtenir une relation sexuelle. Je conçois que vous trouviez que cela est exagéré, mais la victime peut-elle apporter la preuve de l'intention ? Je tiens donc beaucoup à la notion d'apparence.
M. Jean-Jacques Hyest. - Il y a d'abord des gestes, des propos ou des actes, l'intention d'obtenir des relations sexuelles vient en second.
M. Alain Richard. - Ce débat nous renvoie à la nature du droit pénal. La déclaration des droits de l'homme de 1789 impose au législateur de définir les délits de façon aussi objective que possible. Que vous écriviez « réel ou apparent » ou non, il reviendra au juge d'acquérir la conviction, si possible établie, qu'il y avait un but sexuel. Votre rédaction se borne à commenter le travail du juge. Les périphrases, dont le code pénal est plein, et par lesquelles le législateur marque sa bonne volonté, ne servent strictement à rien et peuvent créer une ambiguïté en amenant, au moins au début, le juge à s'interroger sur leur sens.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Le II, qui définit le chantage sexuel, comporte deux parties, la première définissant avec précision l'élément matériel, la seconde énonçant l'élément intentionnel. Je comprends bien l'argument strictement juridique sur l'adjectif « apparent », mais toutes les affaires n'arrivant pas à la Cour de cassation, il me semble plus prudent de conserver la formulation retenue par le projet de loi, faute de quoi il y a un risque que certains juges ne retiennent que les cas où l'intention est réelle et prouvée. L'expression retenue invitera les juges du fond à se prononcer au vu d'un faisceau d'indices.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Comme pour l'amendement précédent, je vous soumets la proposition du rapporteur en l'état.
L'amendement n° COM-2 est adopté.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° COM-3 unifie les peines : deux ans de prison et 30 000 euros d'amende pour le harcèlement sexuel, qu'il s'agisse de celui défini au I ou au II. Il les porte à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende en cas de circonstance aggravante.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Cet amendement constitue sans doute notre apport le plus important au texte du gouvernement, ce dernier ayant distingué les peines selon qu'il s'agissait d'actes uniques ou répétés, à tort me semble-t-il, puisque cela ne préjuge pas de la gravité des faits commis.
L'amendement n° COM-3 est adopté.
Mme Éliane Assassi. - Notre amendement n° COM-11 étend la circonstance aggravante aux mineurs de 15 à 18 ans. En effet l'argument de l'abus d'autorité invoqué hier par Mme Taubira ne répond pas à la situation de harcèlement sexuel d'un stagiaire sur un autre stagiaire mineur.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Dans l'ensemble du code pénal, la limite de 15 ans correspond à la majorité sexuelle. Doit-on modifier cette partie du code pénal sans revoir partout la limite d'âge ? Bien que l'abus d'autorité ne couvre pas le cas que vous évoquez, je préfère en rester à la rédaction actuelle.
M. Christian Cointat. - Tout en comprenant bien le sens de cet amendement, je ne crois pas possible de modifier la structure du code pénal au gré de ce texte sans tout remettre à plat.
L'amendement n° COM-11 n'est pas adopté.
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis.- Avec l'amendement n° COM-15, la situation économique et sociale de la victime entrerait dans les cas de vulnérabilité. Pensez à la femme seule avec des enfants rencontrant des difficultés pour se loger, et pour laquelle l'agent immobilier conditionne l'accès à un logement au fait d'avoir des relations sexuelles avec lui.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Voilà un beau débat que nous pourrons avoir en séance. A l'heure actuelle, les circonstances aggravantes retiennent, comme critères de vulnérabilité, l'âge, la maladie, l'infirmité, la déficience physique ou psychique ou l'état de grossesse, c'est-à-dire des situations objectives. Vous y introduiriez un élément de subjectivité, puisque tel juge estimera que la vulnérabilité économique et sociale résulte du surendettement, alors que tel autre prendra en compte le salaire. Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest. - L'abus de faiblesse doit être défini de façon objective, mais il ne s'agit là que de la circonstance aggravante. Tous les délits étant désormais punis de deux ans d'emprisonnement, le juge modulera la peine en fonction de la gravité des faits, appréciée notamment au regard de la situation de la victime.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Notre amendement n° COM-12, qui vient ensuite, a le même objet. Si l'on peut débattre de l'objectivité des autres cas de vulnérabilité retenus par le texte, la vulnérabilité économique et sociale est une cause assez fréquente de harcèlement.
M. André Reichardt. - Comme Jean-Jacques Hyest, je rappelle qu'il s'agit tout de même d'une circonstance aggravante, punie d'une peine d'emprisonnement de trois ans. Même si la précarité économique et sociale mérite attention, justifie-t-elle ce niveau de peine alors que le rapporteur a déjà aggravé la sanction initiale ?
M. Alain Richard. - Je ne partage pas ces dernières objections. C'est une chose de savoir si nous avons bien placé le curseur pour les infractions de base, c'en est une autre de définir les facteurs aggravants. Et il y bien équivalence entre l'abus de faiblesse liée à la vulnérabilité psychologique ou mentale et l'abus de faiblesse liée à une situation de dépendance car, en équité, l'abus doit être considéré comme aggravé dans les deux cas.
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis. - La vulnérabilité due à l'âge n'est pas un critère complètement objectif : certains sont vulnérables à 45 ans, d'autres ne le sont pas à 75. L'objectif est que le juge se pose la question, ce qui n'est pas toujours le cas aujourd'hui. La commission des affaires sociales a décidé de présenter cet amendement en séance si la commission des lois ne le retenait pas.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Je préfère que le débat soit ouvert en séance publique. La notion de vulnérabilité économique est-elle claire et précise, comme doit l'être la loi ? On peut percevoir des revenus confortables, mais être très endetté : où placer le curseur ? S'agissant de la vulnérabilité due à l'âge, il ne fait aucun doute que l'on parle des personnes d'un âge avancé...
M. Christian Cointat. - Et les jeunes ?
M. Alain Anziani, rapporteur. - Tous les autres critères sont objectifs. À introduire un élément d'incertitude dans le texte, on encourt la censure du Conseil constitutionnel... Nous pourrons interroger le gouvernement.
M. Jean-Pierre Sueur, président. - Le rapporteur demande donc le retrait de l'amendement.
M. Jean-Jacques Hyest. - La circonstance aggravante tirée de la vulnérabilité de la victime figure dans d'autres parties du code. La notion de vulnérabilité économique et sociale pourrait donc être appliquée à d'autres délits. N'allons pas créer des notions différentes selon les délits ! Il faut être prudent.
M. Alain Richard. - Dans ce cas précis, cette notion a du sens.
M. Jean-Jacques Hyest. - Elle peut en avoir autant pour d'autres délits !
Les amendements n°s COM-15 et COM-12 ne sont pas adoptés.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° COM-4 est rédactionnel : accepte-t-on de subir ?
L'amendement n°COM-4 est adopté.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° COM-6 corrige un oubli de coordination.
L'amendement n° COM-6 est adopté.
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis. - Par coordination, l'amendement n° COM-16 introduit dans le code de la santé publique le nouveau motif de discrimination créé par l'article 2 du projet de loi.
M. Alain Anziani, rapporteur. - C'est un amendement bienvenu.
M. Christian Cointat. - Je voterai cet amendement, bien qu'il soit superfétatoire : le refus de soins est déjà sanctionné par la loi.
L'amendement n°COM-16 est adopté.
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis. - L'amendement n° COM-17 précise que le délégué du personnel peut saisir immédiatement l'employeur lorsqu'il constate une atteinte aux droits des salariés ou à leur santé causée par des faits de harcèlement sexuel ou moral.
M. Alain Richard. - Le délégué du personnel n'est pas un auxiliaire de justice ! Quel besoin d'un texte législatif pour dire cela ?
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis. - Cette disposition existe déjà dans le code du travail pour les discriminations.
L'amendement n° COM-17 est adopté.
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis. - L'amendement n°COM-18 vise, quant à lui, à préciser les services de santé au travail peuvent donner des conseils en matière de prévention du harcèlement.
L'amendement n° COM-18 est adopté.
Article additionnel après l'article 3
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° COM-7 met le statut de la fonction publique en cohérence avec la nouvelle définition du harcèlement sexuel, sans faire référence au code pénal.
Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis. - Notre amendement n° COM-19 est identique.
Les amendements identiques n°s COM-7 et COM-19 sont adoptés et deviennent article additionnel après l'article 3.
Article 4
L'amendement de coordination n° COM-20 est adopté.
Article additionnel après l'article 4
Mme Éliane Assassi - Afin de protéger les fonctionnaires, l'amendement n° COM-13 adapte la loi du 13 juillet 1983 à la nouvelle définition du harcèlement sexuel. Il crée également une obligation de prévention des agissements de harcèlement sexuel reposant sur l'autorité hiérarchique.
M. Alain Anziani, rapporteur. - Il est satisfait par les amendements n°s COM-7 et COM-19 qui viennent d'être adoptés.
L'amendement n°COM-13 est considéré comme satisfait.
M. Alain Anziani, rapporteur. - La législation pénale ne s'applique pas de plein droit à Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie : une mention expresse est nécessaire.
M. Christian Cointat. - Contrairement aux autres collectivités d'outre mer.
M. Alain Anziani, rapporteur. - D'où l'amendement n°COM-5.
L'amendement n°COM-5 est adopté.
Articles additionnels après l'article 5
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° COM-8 de M. Kaltenbach demande que le nombre de plaintes pour harcèlement sexuel figure dans le bilan social des entreprises. Sur la forme, nous sommes là dans le domaine réglementaire. Sur le fond, la mesure prête à discussion...
L'amendement n° COM-8 n'est pas adopté.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n°COM-10 est satisfait.
L'amendement n° COM-10 est considéré comme satisfait.
M. Alain Anziani, rapporteur. - L'amendement n° COM-9 propose que la victime de harcèlement sexuel puisse demander indemnisation de son préjudice auprès de la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi). Les différentes infractions susceptibles de relever de la compétence de la Civi sont définies par une liste précise, ou dépendent du degré d'incapacité qu'elles ont entraîné... Pourquoi les victimes de harcèlement sexuel plutôt que d'autres ? Il faut veiller à la cohérence.
Avis défavorable.
L'amendement n° COM-9 n'est pas adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission
M. Jean-Pierre Sueur, président. - C'est l'unanimité. Nous sommes tous d'accord, je le crois, pour émettre le voeu que ce texte soit voté avant la fin juillet, afin de mettre fin à un vide juridique fort préjudiciable aux victimes.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :