- Mercredi 15 février 2012
- Responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs - Désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire
- Audition de MM. Bernard Menasseyre et Christian Phéline, président et rapporteur général de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition
- Responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs - Examen du rapport et du texte de la commission
Mercredi 15 février 2012
- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -Responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs - Désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire
La commission désigne sept candidats titulaires et sept candidats suppléants pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à modifier le régime de responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs sur les lieux réservés à la pratique sportive et à mieux encadrer la vente des titres d'accès aux manifestations sportives, commerciales et culturelles et aux spectacles vivants.
Ont été désignés comme candidats titulaires : Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Jacques Lozach, Dominique Bailly, Mme Danielle Michel, MM. Jean-Pierre Leleux, Jean-François Humbert et Jean Boyer et comme candidats suppléants : Mme Maryvonne Blondin, MM. Pierre Bordier, Ambroise Dupont, Mme Françoise Laborde, MM. Michel Le Scouarnec, Pierre Martin et Maurice Vincent.
Audition de MM. Bernard Menasseyre et Christian Phéline, président et rapporteur général de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition
La commission auditionne MM. Bernard Menasseyre et Christian Phéline, président et rapporteur général de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - J'ai souhaité vous entendre aujourd'hui - et c'est une première, je crois - car vos travaux font part de suggestions, critiques et bémols qui me semblent particulièrement utiles pour les parlementaires chargés de légiférer sur la question du droit d'auteur. Nous vous proposons aujourd'hui d'officialiser en quelque sorte les conclusions de vos rapports devant notre commission.
M. Bernard Menasseyre, président de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition. - Les sociétés chargées de la répartition collective sont sous le contrôle de la Commission permanente depuis une loi d'août 2000. J'évoquerai quatre points : qu'est-ce que la Commission de contrôle ? Quelle est sa raison d'être et l'objet de son contrôle ? Quels sont les contenus des différents contrôles effectués ? Enfin, quelles sont nos principales réflexions ?
La création de la Commission de contrôle par la loi du 1er août 2000 l'a chargée de deux lourds handicaps :
- sa dénomination, longue et dont l'acronyme est imprononçable ;
- l'obligation faite à la Cour des comptes de nous héberger et de nous donner des moyens de fonctionnement administratifs, qui introduit une confusion dans les esprits, certains assimilant notre commission à la Cour des comptes. Or notre commission est indépendante.
Elle a pour objet de contrôler la gestion et les comptes des sociétés chargées de la gestion collective des droits d'auteur, ceux des artistes-interprètes et des producteurs, ainsi que ceux des organismes où elles ont un pouvoir prépondérant. Ces droits sont soit exclusifs, soit proviennent de licences légales (telles que la rémunération pour copie privée). Par ailleurs, il incombe au ministère de la culture et de la communication de suivre ce secteur (contrôler le statut des sociétés, saisir le tribunal de grande instance de Paris en cas de litige, informer sur les comptes, etc.).
Le contrôle que nous exerçons relève d'une forme d'exception, qui existe aussi dans certains autres pays, puisqu'il s'agit d'un contrôle public sur des sociétés civiles régies par le droit privé. Ceci s'explique à la fois par l'enjeu culturel et par les critiques qui avaient été émises à l'encontre de certaines sociétés, en particulier la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), justifiant ainsi la loi de 2000.
La mission de la Commission permanente est de donner une information au Parlement, au Gouvernement et aux associés des sociétés concernées, par le biais de la publication d'un rapport annuel. En avril 2012, le neuvième rapport de la commission sera accessible sur les sites de la Cour des comptes, du ministère de la culture, et des sociétés. Le rapport doit être présenté à l'assemblée générale de chaque société.
La présentation des règles comptables des sociétés est hétérogène selon que l'ayant droit est considéré comme donnant mandat à la société de gérer ses affaires ou comme cédant son droit. Cette difficulté a fait l'objet de notre premier rapport et il a fallu dix ans pour parvenir à un alignement comptable permettant des comparaisons, le règlement ayant été homologué par le ministère de la culture le 1er janvier 2009.
Voici les traits caractéristiques de la Commission permanente :
- la collégialité, avec une polyvalence assurée par la présence de membres des différents grands corps de l'État et environ dix rapporteurs ;
- une procédure contradictoire ;
- l'indépendance, qui s'exprime aussi par le choix des sujets.
En 2010, nous avons contrôlé 27 sociétés représentant 1,4 milliard d'euros, dont 314 millions de charges de gestion et 2 150 emplois à temps plein.
Ce champ recouvre à la fois des sociétés d'auteurs percevant et répartissant des droits, des sociétés de producteurs seulement chargées de la répartition des droits, des sociétés intermédiaires percevant mais ne répartissant pas de droits... Il existe des situations plus claires à l'étranger !
Je suis frappé par l'augmentation du nombre des sociétés et leur hétérogénéité :
- en 1850, une seule société : la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques) ;
- de 1850 à 1935 : création de la SACEM et d'une filiale ;
- de 1935 à 1984 : création de neuf nouvelles sociétés ;
- de 1985 à 2005 : seize nouvelles sociétés et une vingt-huitième société est en cours de création.
Ceci s'est accompagné d'une forte croissance du nombre d'associés : environ 300 000. La taille des sociétés est très variable : de 137 000 associés pour la SACEM (91 500 en 2000) à 220 pour la SCELF (Société civile des éditeurs en langue française).
Pourquoi en est-il ainsi ? Quand des droits nouveaux apparaissent, les titulaires des droits ou les titulaires de licences veulent créer des sociétés spécifiques. Celles-ci sont cependant souvent dépourvues de moyens techniques et humains, surtout pour la perception des droits, d'où la mutualisation de moyens et la création de sociétés intermédiaires dotées de mandats. Notre Commission permanente a mis ceci en avant dans son rapport de mai 2011. Ainsi, la SACEM percevait, en 2009, 410 millions d'euros pour le compte d'autres sociétés, avec un système de répartition en cascade. Ceci représente environ le tiers de l'ensemble des perceptions de la sphère de gestion collective.
Quels ont été nos travaux depuis l'origine, soit depuis 10 ans ?
S'agissant de l'examen des comptes, la commission décrit leurs éléments caractéristiques, des suites continues permettant une lecture sûre. Nous examinons à la fois la perception des droits, leur affectation, les montants disponibles, l'évaluation des charges de gestion, celle des actions culturelles et artistiques ainsi que de la trésorerie.
La commission, d'une part, expose la situation de chaque société tous les deux ans et, d'autre part, élabore une synthèse permettant de faire ressortir l'évolution de l'ensemble.
Quels enseignements peut-on en retirer ?
Il y a eu un retournement, avec une croissance des perceptions totales, mais les sociétés considèrent cette évolution comme étant liée à des événements exceptionnels (résolution de litiges, notamment).
Les sociétés utilisent insuffisamment leurs réserves. Si pour celles qui gèrent les droits des artistes-interprètes, la difficulté de repérer les ayants droit peut expliquer un retard dans la répartition des droits, cette situation résulte d'un choix délibéré pour ce qui concerne les sociétés d'auteurs.
Les charges de gestion sont élevées et en hausse : 314 millions d'euros en 2010, dont 174 millions pour les dépenses de personnel. Elles sont utiles mais représentent un poids réduisant ce qui revient aux ayants droit. Elles proviennent de prélèvements à la fois au stade de la répartition des droits et sur les produits financiers (pour environ 50 millions). Dans ce second cas, il existe un risque très grand d'opacité, qui rend les explications nécessaires.
Les sociétés financent des actions artistiques et culturelles ou sociales, à partir d'une partie de la redevance pour copie privée et des « irrépartissables » (sommes pour lesquelles les ayants droit n'ont pas été trouvés). En 2010, ceci représentait 144 millions d'euros de ressources et 114 millions de dépenses. Les disponibilités augmentent : elles sont passées de 31 % en 2008 à 45 % en 2010. La Commission permanente a pourtant toujours souhaité que l'utilisation de ces fonds soit effectuée dans un délai raisonnable, mais quand la redevance pour copie privée s'est trouvée menacée, les sociétés ont conservé une partie des sommes, de crainte que la source ne se tarisse, d'où le décalage entre la perception et l'utilisation des sommes en 2010.
Nos thèmes annuels de contrôle ont porté notamment sur la répartition des droits, leur perception, les relations des sociétés françaises avec leurs homologues étrangères, les actions artistiques et culturelles, la trésorerie des sociétés, leur politique salariale et les rémunérations, les flux financiers et les prestations entre sociétés, et en 2012, sera étudiée la participation des associés.
A partir de 2008, nous avons décidé d'examiner systématiquement la façon dont les sociétés tiennent ou non compte de nos recommandations.
Je souhaite attirer votre attention sur un décalage existant entre les parties législatives et réglementaires du code de la propriété intellectuelle, s'agissant de son article L. 321-5. Ceci n'est pas neutre car le législateur souhaitait que les limites au droit d'information des associés, notamment s'agissant des rémunérations, soient levées. Nous avons signalé cette anomalie au ministère de la culture et de la communication, sans que celui-ci ait répondu.
Autre distorsion à souligner : il faut faire en sorte que les pratiques des sociétés en matière d'actions artistiques et culturelles soient harmonisées. Ainsi, par exemple, certaines sociétés imputent les frais de gestion afférents directement sur ces actions, tandis que d'autres les font porter sur les frais de fonctionnement généraux. En outre, les dépenses éligibles à ce titre font l'objet d'une délimitation incertaine. Il est également étrange, par exemple, que la SACD perçoive des droits sur des oeuvres tombées dans le domaine public même si elle consacre ces sommes à des actions sociales. L'analyse juridique ne tient pas. En réponse, le ministère a indiqué qu'il revenait au juge de trancher lorsqu'un litige serait porté à sa connaissance.
Nous avons formulé des recommandations aux sociétés. Nous avons noté l'existence à côté de la SACEM d'une société qui a un rôle obscur, la société pour l'administration du droit de reproduction mécanique (SDRM). Créée en 1935 pour percevoir et répartir les droits de reproduction mécanique, elle est dépourvue de tous moyens depuis plus de trente ans, a désormais pour seul actionnaire la SACEM et sert uniquement d'intermédiaire entre plusieurs sociétés. Une formule plus simple que cette société écran pourrait être trouvée.
La commission se félicite que les deux sociétés chargées de la perception de la redevance pour copie privée aient décidé de se fondre en une seule entité.
La dernière recommandation concerne la mise en place par les sociétés d'une comptabilité analytique d'exploitation pour facturer aux justes coûts le service de mutualisation qu'elles rendent. Des progrès ont été constatés, mais il en reste à accomplir.
Des points stratégiques caractérisent la gestion collective aujourd'hui. S'agissant de la place du numérique, à l'évidence, il n'y a pas encore de modèle économique stabilisé qui accompagnerait le développement très rapide de la diffusion par la voie du numérique. Des propositions ont été faites dans le rapport de M. Zelnik puis par la mission confiée à M. Hoog. Pour l'instant, aucune orientation ne semble se dégager vraiment entre les tenants des sites marchands et les partisans de la licence générale. En France, la diminution des droits en provenance de l'industrie musicale ne compense pas encore l'augmentation des perceptions résultant de l'offre légale. Cette incertitude qui s'accompagne d'une opposition entre producteurs et artistes-interprètes pèse sur le secteur.
Une autre actualité est la légitimité des moyens contraignants contre le téléchargement illégal, avec le renvoi récent devant les tribunaux par l'HADOPI de 170 internautes ayant eu une attitude contraire aux textes. On peut s'interroger sur les effets des mesures prises pour développer l'offre légale, à l'exemple de la carte musique jeunes ou de la prochaine création du Centre national de la musique. Quelques exemples semblent dessiner une voie, comme les accords entre la SACEM et de jeunes artistes pour leur permettre, sous licence libre de droits, de diffuser leur répertoire afin de se faire connaître. Il n'existe aucune certitude en la matière. Les internautes trouvent toujours des moyens en dehors des circuits connus pour prendre de la musique, considérant que c'est un bien commun.
Un point important est le rôle de l'Union européenne. La commission a contrôlé les relations des sociétés françaises avec leurs homologues étrangers. Elle a pu prendre conscience de la dimension internationale et européenne des activités de ces sociétés. La plupart des sociétés bénéficient d'un monopole de fait. Or l'Union européenne lutte contre les monopoles, en s'exprimant sur les statuts des sociétés et le rôle dans l'utilisation des répertoires de musique.
Je prendrai l'exemple de la redevance pour copie privée, qui représente en 2010 189 millions d'euros dont 47 financent l'action artistique, pour illustrer l'emprise de l'Europe. La jurisprudence de la Cour de justice européenne en 2010 a exclu de la redevance pour copie privée des supports acquis à usage professionnel ou dont la source est illicite. Suite à l'arrêt du Conseil d'État en 2011, le législateur a été obligé de voter rapidement une loi de régularisation destinée à permettre la poursuite de la perception de la redevance pour copie privée et le remboursement du trop perçu. La Cour de justice devra trancher en 2012 un autre litige, puisque des sociétés de perception et de répartition européennes contestent qu'un quart de la redevance pour copie privée sert à financer l'action artistique et culturelle.
Une réflexion est à engager sur la gestion collective à la française et sa complexité croissante. Je vous rappelle le rôle central de la SACEM qui perçoit le tiers des droits d'un exercice et qui emploie 1 500 agents qu'elle met à la disposition d'un grand nombre de sociétés, en particulier la SPRÉ (Société pour la perception de la rémunération équitable).
Le maintien de la mutualisation impose la clarté. Notre dernier rapport conclut sur la nécessité pour les sociétés de formaliser par des règles juridiques leurs relations, de rendre les rémunérations versées pour services rendus vérifiables par une justification économique et financière, tout en gardant à l'esprit que les sommes sont prises sur celles devant revenir aux ayants droit. Nous rappellerons dans notre prochain rapport l'importance d'expliciter, pour les ayants droit, le cumul des frais de gestion, qui amputent parfois de 40 % le montant des droits sans explication suffisante. Notre prochain rapport abordera aussi la question des moyens de contrôle dont disposent les ayants droit à l'égard de leurs sociétés.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je regrette que le calendrier ne nous ait pas permis de vous auditionner avant notre séance publique de contrôle de l'application des lois. Nous ne nous étions pas livrés à l'exercice du décret contradictoire par rapport au vote du législateur.
M. Bernard Menasseyre, président et rapporteur général de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition. - Nous avons formulé ce commentaire à propos des rémunérations. Nous avons appelé l'attention du ministère sur ce point, en espérant une réponse. Il y a eu manifestement une volonté de limiter les pouvoirs que le Parlement avait édictés.
M. Jacques Legendre. - Vous nous avez indiqué la composition et les modalités de nomination de votre commission. Quels sont les moyens dont vous disposez ? Sont-ils suffisants ?
Vous avez parlé de charges de gestion élevées et en hausse. Quelles précisions supplémentaires pouvez-vous nous apporter ? Vous avez parlé d'opacité. Quels sont les éléments à nous communiquer ? Vous avez mentionné 27 sociétés suivies et une vingt-huitième à l'horizon. Quelle est-elle ?
Je n'ai pas compris vos remarques sur les difficultés de l'HADOPI. Vos propos m'ont un peu étonné. Nous sommes tous sensibilisés au rôle de l'Union européenne.
Nous avons tous le désir que les ayants droit aient un service de qualité et soient le moins ponctionnés. Ceci relève-t-il de l'État ou appartient-il aux ayants droit de s'en préoccuper ?
M. André Gattolin. - C'est édifiant. Vous maniez l'euphémisme pour décrire les situations de manière modérée. On peut se poser des questions à l'égard des sociétés de perception et de répartition des droits qui sont juridiquement des sociétés privées en situation de monopole et qui ne sont pratiquement pas encadrées.
Quel est le droit de contrôle des associés et des auteurs ? Non, ils n'ont pas le choix ! On retrouve les mêmes personnes dans plusieurs bureaux de différentes sociétés de perception. Ceci explique les frais de gestion élevés. Le législateur a choisi de favoriser les droits d'auteur, de légiférer sur la copie privée, qui reste très largement aux mains de sociétés privées en situation monopolistique. C'est une ressource de l'État qu'on subtilise au profit de sociétés dont on peut se demander si elles sont là pour défendre les auteurs compte tenu des sommes qui disparaissent. Vous avez également soulevé la question des 25 % en faveur de l'action culturelle et artistique et de leur conformité au droit européen. Il n'existe pas d'encadrement juridique des actions parrainées. Les zones obscures sont importantes. Le législateur est en droit de se poser la question de l'organisation globale de ce système qui ne va pas dans le sens de l'intérêt général mais qui en privatise une partie.
Mme Maryvonne Blondin. - Quels sont vos pouvoirs lorsque vous constatez ces abus ? Avez-vous une réelle capacité de contrainte et d'injonction auprès de ces sociétés qui ont l'air de « naviguer en eau trouble » ?
M. Jean-Pierre Leleux. - Si la loi de 2000 a créé cette commission de contrôle, c'est certes qu'elle avait constaté quelques opacités. Nous n'avons pas trop à nous mêler de ces questions. Les administrateurs de ces sociétés sont les intéressés eux-mêmes. Leur priorité est de contrôler eux-mêmes la gestion de leur organisme. Sur tous les sujets évoqués - opacité, retard de reversement des droits, frais généraux - c'est aux ayants droit de défendre leurs droits. Il ne faut pas aller trop loin au risque d'étatiser le contrôle du droit d'auteur.
M. Bernard Menasseyre, président et rapporteur général de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition. - Je voudrais insister sur le rôle de l'information. Il faut donner à ceux qui agissent dans le domaine du droit d'auteur la possibilité de connaître ce qui se fait. Nous n'avons pas de pouvoir contraignant. La Cour des comptes rend publiques ses observations les plus significatives, c'est l'enjeu essentiel de ses travaux. On a estimé en 2000 que cette information était insuffisante dans le domaine des sociétés de répartition des droits et qu'il fallait la développer. A partir de la création de la commission, le ministère a considéré que cela n'était plus de son domaine. Il n'y a eu aucun contrôle de l'inspection générale de l'administration des affaires culturelles.
Par exemple, nous avions constaté qu'une société s'était constituée mais qu'elle ne rendait aucun compte. Il relève du ministre de la culture de l'envoyer devant le tribunal de grande instance de manière à ce qu'elle soit dissoute pour manquement grave. Cela a été difficile. Au bout de trois ans, nous sommes parvenus à ce qu'une action soit engagée à l'encontre d'une société dont la police ne retrouvait même pas la trace.
Ce qui frappe, c'est le nombre croissant des associés, alors que leur participation à l'assemblée générale et à la vie de la société se trouve relativement limitée.
Les membres de la commission sont nommés par décret du Premier ministre, pris sur avis du ministre de la culture, après proposition de noms par les chefs de corps. Ils sont nommés pour cinq ans renouvelables. La plupart des rapporteurs - à temps partiel - sont issus de la Cour des comptes. Suite à une question écrite d'un parlementaire, le coût de fonctionnement de la commission, hors mise à disposition d'une secrétaire à temps partiel et d'un local, est évalué à moins de 30 000 euros par an. Nous devons combiner les travaux de la Cour avec ceux de la commission.
Le rapport annuel doit paraître avant la tenue des assemblées générales afin qu'il soit mis à la disposition des associés. Nous avons observé cette année la manière dont il était présenté aux associés, certaines sociétés faisant beaucoup pour ne pas trop l'évoquer.
M. Christian Phéline, rapporteur général de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition. - En publiant le montant des charges de gestion, il s'agit d'amener chacun à réfléchir aux efforts de productivité possibles et réels. Derrière ces charges dont on peut souhaiter plus de transparence à travers une garantie des procédures de facturation s'appuyant sur une comptabilité analytique, il existe un réseau territorial tout à fait nécessaire. Ces structures connaissent un effort de rationalisation mené à un rythme raisonnable. Il est ainsi souhaitable que les efforts d'informatisation engagés par la SACEM soient répercutés progressivement à ses sociétés partenaires et aux ayants droit.
Nous concevons notre rôle comme n'étant pas une mise sous tutelle des sociétés privées mais accompagnant leurs efforts par un accès à l'information la plus complète des associés eux-mêmes. Notre souhaitons que les associés trouvent la force de s'en saisir et qu'on ne multiplie pas les obstacles dans la voie de leur information. Ainsi, le sujet choisi cette année est celui des règles et de la pratique de l'association des associés à la vie de leur société.
M. Bernard Menasseyre, président et rapporteur général de la Commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition. - Il existe plusieurs modes de financement des frais de gestion, d'une part, les prélèvements statutaires dont le montant peut toujours être contesté, d'autre part, les gains en provenance de la trésorerie. Ces prélèvements le sont sur des sommes devant revenir aux ayants droit. Nous avons régulièrement mis en garde contre ce mode de financement qui peut tendre vers l'opacité. En effet, certaines sociétés ne rendent pas compte de ce type de ressources.
L'HADOPI ne relève pas de notre domaine de compétence. Nous considérons simplement l'effet de la lutte contre le téléchargement illégal sur la perception des droits.
Nous examinons les moyens dont disposent les sociétés pour percevoir et répartir en termes humains et informatiques. Se pose le problème de la productivité, en particulier de la SACEM, qui est celle dont on peut espérer avoir le plus de rendement. Il y a de nets progrès en la matière. Il reste à rendre compte. A qui vont les gains de productivité ? Restent-ils à la seule SACEM ou sont-ils diffusés au sein du réseau mutualisé ?
De là provient notre interrogation sur la consanguinité des sociétés. Nous avons constaté que des membres de société, en raison de leur multiplicité de mandats, pouvaient être dans une situation de conflit d'intérêts. Ce point important justifie que l'on puisse exiger des sociétés qu'elles formalisent juridiquement et justifient économiquement les sommes qu'elles répercutent.
Quant à la vingt-huitième société, c`est encore Extramédia, qui réunit la Procirep qui agit dans le domaine du câble et la SACD. Notre recommandation est qu'on ne crée pas de société sans avoir envisagé les moyens qui lui permettent de vivre.
La compétence de la commission porte sur l'analyse des comptes.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - La commission de la culture vous remercie de ces éclairages. Les parlementaires sont dans leur rôle de contrôle de l'action publique. Certes, il existe une autonomie de gestion de ces sociétés sous le contrôle des ayants droit, mais en même temps la loi leur a confié l'agrément via le ministère et surtout une mission.
Responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs - Examen du rapport et du texte de la commission
La commission examine le rapport de M. Jean-Jacques Lozach, et élabore le texte de la commission sur la proposition de loi n° 333 (2011-2012), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à modifier le régime de responsabilité civile du fait des choses des pratiquants sportifs sur les lieux réservés à la pratique sportive et à mieux encadrer la vente des titres d'accès aux manifestations sportives, commerciales et culturelles et aux spectacles vivants.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - La présente proposition de loi va conduire la commission à aborder des questions quasiment philosophiques sur l'engagement des responsabilités de chacun pour des dommages liés à l'exercice d'une activité en commun, sur le risque acceptable lorsque l'on participe à une manifestation sportive et sur la place que doivent avoir les assurances dans le monde du sport, voire dans la vie de tous les jours. Peut-on indemniser tous les risques ? Qui doit le faire ? Telles sont les questions que nous sommes amenés à nous poser.
Si ces enjeux sont d'importance, ne nous y trompons pas, la disposition qui nous est proposée aujourd'hui par l'Assemblée nationale n'est pas un bouleversement copernicien. Il s'agit d'un ajustement, destiné à alléger le poids financier qui menace certaines fédérations sportives ou organisateurs d'événements depuis un revirement jurisprudentiel de novembre 2010. Il faut être modeste, le dispositif sur lequel je vous apporterai des éclairages dans quelques instants règle un problème spécifique, et je vous proposerai plutôt d'y adhérer, mais ne met pas un point final au débat, sur lequel nous reviendrons assurément dans les prochaines années.
Si cette proposition de loi n'est pas une réponse définitive à la question de la prise en charge des risques dans le sport, elle est en revanche un support utile afin de régler quelques problématiques ponctuelles, mais urgentes, en cette fin de législature.
En outre, un enjeu important a été identifié à l'Assemblée nationale, celui de la revente illicite de billets pour les manifestations culturelles.
La loi relative à l'éthique du sport et aux droits des sportifs a créé, à l'initiative de notre commission, un délit pénal de revente de billets pour des manifestations sportives afin d'éviter à la fois les risques liés aux mouvements de supporters mal placés dans les stades du fait de l'achat illicite de billets et celui de la spéculation sur l'accès aux stades, avec l'intervention d'intermédiaires qui achètent et revendent des places au détriment des spectateurs et des organisateurs.
L'Assemblée nationale a repris la disposition quasiment dans les mêmes termes en l'étendant aux billets pour les manifestations culturelles et commerciales, estimant que des agissements similaires étaient constatés au détriment de l'accès de tous à la culture. Elle a ainsi supprimé la disposition introduite dans le code du sport, afin de proposer un dispositif global dans le code pénal applicable à tous les types de manifestations.
L'article 2, qui fait l'objet de cette disposition, pourrait certainement être encore amélioré. On pourrait débattre à l'infini des mots et terminologies utilisés. Je crois cependant que cette question mérite d'être définitivement tranchée. La revente habituelle de billets a une visée forcément spéculative et nuit grandement à l'image du sport et de la culture. Cette nouvelle infraction pénale est claire et aura, à n'en point, douter son utilité. Je vous propose d'adopter l'article conforme. Je vous proposerai seulement de simplifier l'intitulé de la proposition de loi tout en conservant l'idée qu'elle concerne également les manifestations culturelles.
L'un des autres enjeux qui mérite, à mon sens, que l'on légifère est celui du dopage. Il n'est bien évidemment pas question d'insérer dans ce texte des dispositions qui modifieraient trop profondément le visage de la lutte antidopage. On ne peut, à mon avis, qu'apporter de légères retouches à notre architecture juridique. Certains petits aménagements sont cependant importants, et notamment celui qui concerne le passeport biologique. Le code mondial antidopage permet aujourd'hui aux laboratoires accrédités d'établir à des fins d'antidopage le profil des paramètres urinaires ou sanguins des sportifs. Concrètement, il s'agit de détecter la prise de produits dopants grâce au caractère anormal de l'évolution des paramètres suivis. Le dopage est ainsi démontré non par la détection d'un dépassement de limites standard applicables à tous les athlètes, mais par la détection d'un dépassement des limites individuelles de chacun.
L'Union cycliste internationale (UCI) a déjà sanctionné des sportifs sur cette base. Des pays comme l'Allemagne et la Suisse l'utilisent aussi, le Tribunal arbitral du sport (TAS) a validé également cette méthode. Il s'agit d'une des pistes les plus intéressantes pour améliorer l'efficacité de la lutte antidopage et je crois que la France devrait s'y engager. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement visant à autoriser l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) à effectuer des prélèvements en vue d'établir le passeport biologique des sportifs de haut niveau, des sportifs espoirs et des sportifs professionnels.
Cela permettra, dans un premier temps, de réaliser les contrôles de manière mieux ciblée.
Revenons maintenant sur l'article 1er, qui mérite une attention particulière du fait de sa technicité et sur lequel devrait avoir lieu le principal des débats, notamment du fait des amendements de notre collègue Ambroise Dupont.
Quelle était la situation en matière de responsabilité civile dans le domaine sportif il y a un peu plus d'un an ?
Notons immédiatement que l'on ne parle dans cette proposition de loi que de l'article 1384 du code civil relatif à la responsabilité du fait des choses : il s'agit donc des accidents de voiture dans la pratique du sport automobile, mais aussi d'un dommage lié à une arme en escrime, voire à un ballon dans un sport collectif. En revanche, on ne parlera pas des accidents liés à un contact physique direct entre sportifs, lesquels ne sont pas concernés par la proposition de loi.
Le droit était relativement clair : s'il arrivait un accident du fait d'une chose à un pratiquant sportif, deux situations étaient distinguées.
Première situation : on était seulement à l'entraînement et le sportif n'avait donc pas accepté de risque particulier. Le sportif devait être indemnisé du dommage subi. La faute n'avait pas besoin d'être prouvée, la responsabilité de celui qui est gardien de la chose était « de plein droit » dit-on en droit civil, ou « sans faute » dirait-on en droit public. Celui ayant subi le dommage se retournait donc vers le gardien de la chose pour obtenir réparation des dommages subis, qu'ils soient matériels ou corporels. Le plus souvent, cette personne était assurée via l'existence d'une licence fédérale qui prenait en charge l'indemnisation. Toutefois, la personne n'était pas forcément détentrice d'une licence, ce qui pouvait rendre la mise en cause du gardien de la chose injuste et l'indemnisation difficile.
Deuxième situation : on était en compétition, et le sportif avait donc accepté un risque lié à la pratique de son activité sportive. La responsabilité de plein droit du fait des choses n'était pas acceptée par le juge et aucune indemnisation n'était prévue en cas de dommage.
Cette situation était très compréhensible du point de vue théorique : il peut paraître étrange qu'un sportif, qui n'a commis aucune faute, doive indemniser un dommage provoqué par une chose dont il a la garde alors qu'il ne doit pas, en revanche, indemniser un dommage qu'il a provoqué directement.
Du point de vue de l'indemnisation des victimes, les choses étaient différentes : en effet, l'indemnisation des dommages corporels va dans le sens de l'Histoire et il semble compliqué de ne pas indemniser une personne devenue paralysée en lui disant qu'elle a accepté ce risque.
Certes, c'est la solution qui est maintenue dans le cas des activités qui ne mettent en jeu aucun objet, ou bien sûr lorsqu'une personne se blesse elle-même dans le cadre d'une activité sportive. Mais le juge a profité de l'existence d'une responsabilité de plein droit du fait des choses prévue à l'article 1384 du code civil pour trouver une base à l'indemnisation de la victime.
La Cour de cassation a donc opéré un revirement dans le but de répondre à une demande sociale d'indemnisation des dommages corporels. On peut le comprendre.
Toutefois, animée par un souci légitime d'assurer une indemnisation des victimes, la décision de la Cour a aussi des conséquences pernicieuses :
- les dommages matériels devront également être indemnisés, ce qui n'était clairement pas l'objectif recherché ;
- les risques de fraude sont fortement augmentés. Je vous rappelle que les fédérations sportives sont soumises à l'obligation de garantir la responsabilité civile de leurs pratiquants. Ainsi, pour obtenir sans frais des réparations matérielles, il serait très facile pour un sportif de s'arranger avec un autre sportif déclarant être à l'origine du dommage pour déclencher l'indemnisation par l'assurance de la fédération ;
- les fédérations de sports mécaniques et de nautisme, dans un premier temps, sont et seront confrontées à un risque d'inassurabilité parce qu'elles ont l'obligation légale d'assurer la responsabilité civile de leurs pratiquants ;
- enfin, plus profondément, nous assistons là à un risque de judiciarisation croissant des rapports entre les pratiquants d'une activité sportive, au détriment de ses valeurs profondes. L'objet du sport est, en effet, de participer à une activité de manière conviviale et solidaire et non pas de se quereller juridiquement autour de dommages occasionnés par sa pratique.
Que propose le présent article 1er ?
Tout simplement de définir un nouvel équilibre permettant de maintenir des garanties pour les victimes tout en évitant une explosion des primes d'assurance des fédérations, grâce à l'exclusion de l'indemnisation des dommages matériels.
L'atteinte aux personnes serait donc indemnisée mais la voiture abîmée pendant une course automobile ou les lunettes cassées pendant un match de football ne seraient pas indemnisées par l'auteur du dommage.
Les pratiquants exonérés de responsabilité seront ceux qui font du sport sur un terrain dédié, l'idée étant que la victime présente sur un terrain de jeu a accepté les risques matériels liés à l'exercice de son activité.
J'estime que cet équilibre est satisfaisant et vous proposerai d'adopter cet article sous réserve de l'adoption de l'un des amendements de M. Dupont qui apporte une précision utile.
Cet article, comme je pense l'avoir montré, ne règle cependant pas tous les problèmes liés à l'application de la responsabilité civile de droit commun en matière sportive, loin s'en faut. Le Gouvernement a déclaré à l'Assemblée nationale qu'il réfléchirait à la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour les dommages corporels. Je vous proposerai d'adopter un amendement portant article additionnel imposant au Gouvernement de mener une réflexion globale sur ce sujet et d'y associer le mouvement sportif.
Sous réserve de l'adoption des amendements que j'ai évoqués, je vous proposerai en conclusion de voter la présente proposition de loi.
M. Ambroise Dupont. - La proposition de loi a pour objet de revenir aux principes applicables en matière de responsabilité civile dans le domaine du sport avant l'arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2010, sauf en ce qui concerne les dommages corporels. J'y suis favorable mais je pense qu'il pourrait être utile de revenir à l'inspiration de cette jurisprudence qui distinguait les sportifs réguliers participant à des compétitions, à même d'accepter les risques et tous les autres, pratiquant de manière plus sporadique, et auxquels doit s'appliquer le droit commun.
Mme Maryvonne Blondin. - Quelles pourraient être les conséquences de cette jurisprudence sur le Tour de France ou l'organisation de courses automobiles ?
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Il existe un souhait général de revenir à la situation antérieure à celle de 2010, tout en favorisant bien évidemment l'indemnisation des préjudices corporels.
Le cyclisme pourrait bien être concerné. Des manifestations automobiles comme le Rallye de France, en Alsace, ou l'Enduro du Touquet sont en première ligne. La question de leur capacité à s'assurer se pose.
M. Jacques-Bernard Magner. - On peut se demander quelle est l'urgence à légiférer aussi tardivement et de manière aussi précipitée. De nombreuses propositions de loi d'opportunité ont été déposées. En voici une commandée par les sports mécaniques. Nous pouvons l'adopter, mais la méthode n'est pas bonne.
Mme Bariza Khiari. - Je souhaiterais savoir si cette proposition de loi pourrait avoir des conséquences sur les collectivités territoriales, voire, éventuellement, sur la mise en cause directe de certains élus.
M. Michel Le Scouarnec. - Je vous fais part de la position du groupe CRC. Nous sommes opposés à l'article 1er. Par contre, nous sommes favorables à l'élargissement de la revente illicite des billets pour les manifestations culturelles proposé à l'article 2 et aux propositions du rapporteur en matière de dopage.
M. Jean-Pierre Leleux. - Je suis très favorable à l'extension de la disposition relative à la revente illicite de billets aux manifestations culturelles, dont je vous rappelle qu'elle avait fait l'objet d'une proposition de loi que j'avais déposée avec plusieurs collègues de notre commission appartenant à tous les groupes politiques.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Je vous rejoins dans votre analyse du caractère précipité de la présente proposition de loi. A tel point que le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale n'a pu organiser aucune audition ! Le Sénat a eu un peu plus de chance à cet égard. J'indique à notre collègue Bariza Khiari que les collectivités territoriales pourront être concernées dès lors qu'elles sont organisatrices d'événements sportifs.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je vous rappelle qu'il vous reste la possibilité de déposer des amendements extérieurs auprès du service de la séance jusqu'au lundi 20 février, 16 heures. Ils seront examinés lors de notre réunion de commission du mardi 21 à 14 heures, une demi-heure avant l'entrée en séance publique prévue à 14 heures 30. Six amendements ont été déposés devant la commission, trois à l'initiative de M. Ambroise Dupont et trois par notre rapporteur.
M. Ambroise Dupont. - L'amendement 1er consiste à apporter une précision à l'article 1er en ajoutant le mot « licenciés » après le mot « pratiquants ».
Pendant longtemps, le juge a fait un sort particulier aux sportifs en matière de responsabilité civile délictuelle, considérant que les pratiquants ont connaissance des dangers normaux et prévisibles qu'ils encourent et, de ce fait, les assument. Ce raisonnement juridique était connu sous le nom de « théorie de l'acceptation des risques ».
Il en résultait que les pratiquants sportifs engagés dans une compétition et victimes d'un dommage causé par une chose placée sous la garde d'autres concurrents ne pouvaient invoquer le droit commun de la responsabilité du fait des choses, posé au premier alinéa de l'article 1384 du code civil pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices. Ils devaient au contraire prouver la faute de l'auteur du dommage. Le 4 novembre 2010, la Cour de cassation a mis fin à cet état des choses en excluant l'application du principe de la théorie de l'acceptation des risques dès lors qu'une chose, placée sous la garde du sportif, a été l'instrument du dommage.
Pour le dommage directement causé par le pratiquant le principe de la responsabilité pour faute (et de la théorie de l'acceptation des risques) demeure.
Les incidences de cette jurisprudence pour les organisateurs et les fédérations de sports faisant intervenir des objets, qu'il s'agisse de véhicules, d'animaux ou d'instruments divers sont importantes (responsabilité sans faute du gardien de la chose à l'origine du dommage et augmentation des primes d'assurances pour les organisateurs d'événements sportifs).
La proposition de loi vise à remédier à la déstabilisation du cadre de la responsabilité civile pour les activités physiques et sportives provoquée par le revirement jurisprudentiel de la Cour de cassation. Formellement, elle introduit un nouvel article L. 321-3-1 dans le code du sport, afin de revenir à une règle de droit, proche de celle antérieure à la jurisprudence du 4 novembre 2010, qui permettra explicitement d'exclure du champ du régime de la responsabilité civile sans faute les dommages matériels causés à d'autres pratiquants par une chose dont les pratiquants ont la garde, à l'occasion de l'exercice d'une pratique sportive sur un lieu dévolu à celle-ci.
Sa rédaction, trop générale, doit cependant être clarifiée car, en l'état, elle aboutirait à priver les pratiquants occasionnels d'activités sportives de la réparation de leurs dommages matériels.
C'est la raison pour laquelle il est souhaitable d'ajouter après le terme « pratiquant », trop vaste car il permet d'appliquer l'exclusion aux enfants et aux adultes s'adonnant à un loisir sportif de façon occasionnelle - ce qui n'est pas le voeu du législateur - le mot « licencié ».
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - La proposition de loi vise à protéger les sportifs d'une mise en cause de leur responsabilité sans faute lors de la survenance d'un dommage matériel.
Il pourrait paraître étonnant que le dispositif ne concerne que les licenciés, qui disposent, eux, d'une assurance responsabilité civile attachée à la licence et pas les simples pratiquants, qui ne sont pas forcément assurés pour ce type de risques et qui seraient donc susceptibles de devoir indemniser personnellement des dommages matériels qu'ils ont causés, mais sans commettre aucune faute.
La proposition de loi cantonne l'exonération de responsabilité au terrain de jeu et je crois que cela permet de rester dans l'épure de la théorie de l'acceptation des risques : en l'absence d'assurance spécifique, vous n'êtes pas indemnisés du matériel endommagé si vous êtes sur un terrain du sport, car vous en avez accepté les risques inhérents.
Je suis défavorable à cet amendement.
M. Ambroise Dupont. - Vous allez allonger la liste des gens qui ne sont pas couverts !
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Je reste préoccupé par l'essentiel.
Mme Françoise Laborde. - A ce stade, compte tenu des faibles délais impartis, et au nom du groupe RDSE, nous nous abstenons sur les amendements, de même que sur l'ensemble de cette proposition de loi.
L'amendement n° 1 n'est pas adopté.
M. Ambroise Dupont. - Dans l'amendement n° 2, je propose de permettre d'exclure du champ du régime de la responsabilité civile sans faute les dommages matériels causés par une chose dont les pratiquants ont la garde, à l'encontre d'autres pratiquants, pour ne pas priver les victimes directes de dommages corporels comme les victimes par ricochet de ces dommages (en cas de décès de la victime directe ou lorsque le préjudice subi par la victime est tel qu'il rejaillit sur les membres de sa famille) de leur droit à réparation dès lors que la chose dont le pratiquant a la garde en est la cause.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Je suis favorable à cet amendement qui apporte une clarification utile à la proposition de loi et devrait permettre une meilleure protection des victimes.
M. Ambroise Dupont. - Je vous présente maintenant l'amendement n° 3. La proposition de loi ne doit pas permettre d'exclure du champ du régime de la responsabilité civile sans faute les dommages matériels causés lors de pratiques sportives non encadrées et occasionnelles pour lesquels les pratiquants occasionnels (et notamment les enfants) ne sont jamais assurés pour leurs biens matériels.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement qui tend à définir un autre équilibre que celui défini par la proposition de loi. Il vise à prévoir que l'exonération de responsabilité ne devrait pas être applicable sur les terrains de sport mais lorsqu'on se trouve en compétition ou en entraînement encadré de préparation à la compétition.
J'ai tendance à penser que le critère géographique sera celui qui sera le plus simple à utiliser par le juge, la définition prétorienne d'un entraînement encadré de préparation à la compétition me semblant un peu aléatoire.
L'amendement n° 3 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté ainsi amendé.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Je vous propose d'insérer un article additionnel après l'article 1er. La pratique sportive présente des risques à plusieurs titres : on peut se causer des dommages à soi-même, causer des dommages à un partenaire de jeu, ou encore subir des dommages en raison d'une action du partenaire de jeu. Ces différents risques ne sont pas assurés de la même manière :
- le premier risque ne l'est pas réellement, ou alors par le biais des assurances « individuelle-accident » qui ne sont pas forcément liées à la pratique sportive ;
- le deuxième risque est assuré par l'assurance de responsabilité civile liée à la détention d'une licence, mais ne fait pas du tout l'objet du même régime juridique selon que les dommages causés le sont par une chose gardée par le sportif ou par le sportif lui-même ;
- enfin, le troisième risque peut être assuré soit par la mise en cause de la responsabilité d'un partenaire de jeu, plus ou moins facile à déclencher selon qu'une chose est en jeu ou non, soit par une assurance « individuelle-accident ».
La présente proposition de loi ne traite que de l'un des aspects du deuxième risque évoqué. Il paraît pourtant nécessaire, au vu des risques liés à la pratique sportive, d'engager une réflexion plus large, associant le mouvement sportif, relatif aux enjeux et perspectives d'évolution du régime de responsabilité en matière sportive. Tel est l'objet du présent amendement.
M. Jacques Legendre. - Je suis d'accord avec l'idée d'un rapport, mais la date prévue me paraît très proche et je pense qu'il serait plus sage de la repousser de six mois.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Je suis d'accord et je vous propose de prévoir la remise de ce rapport au 1er juillet 2013.
L'amendement n° 4 est adopté ainsi sous-amendé.
L'article 2 est adopté sans modification.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Il s'agit d'insérer un article additionnel dans le code du sport, visant à permettre la mise en place du passeport biologique en France, afin d'engager à moyen terme d'éventuelles sanctions sur la base de l'évolution des paramètres personnels du sportif.
Les renseignements pertinents sur le profil peuvent servir à orienter les contrôles ciblés afin de renforcer les chances de l'AFLD de faire des contrôles positifs.
Ils pourraient aussi servir, à terme, à mettre directement en oeuvre une procédure disciplinaire contre le sportif mais l'insertion d'un tel dispositif pourrait se heurter à l'application de l'article 40 de la Constitution.
Ce système est aujourd'hui déjà mis en place par l'Union cycliste internationale qui a prononcé des sanctions sur cette base. De nombreuses fédérations internationales sont intéressées par ce dispositif. D'autres pays européens se sont engagés dans cette voie. Il semble très utile que les sportifs participant aux compétitions pour lesquelles l'AFLD est compétente puissent aujourd'hui être contrôlés de cette manière.
Ce dispositif ne concernerait en tout état de cause que les sportifs de haut niveau, les sportifs espoirs et les professionnels.
M. Alain Dufaut. - Cela n'entre plus dans le cadre de la responsabilité civile. Je suis partisan du passeport biologique, c'est une arme efficace contre le dopage. L'objectif est de le généraliser le plus vite possible au niveau international.
Mme Dominique Gillot. - Si on a les moyens de contrôler les paramètres de santé des sportifs, on ne doit pas passer à côté. C'est un sujet de préservation de la santé, voire de la vie de nos sportifs.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Il faut faire preuve d'exemplarité dans ce domaine. Il s'agit effectivement d'une demande réitérée de l'Agence de lutte contre le dopage.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Mon dernier amendement vise à simplifier l'intitulé de la proposition de loi dont l'objet est à la fois d'assouplir les obligations des organisateurs de manifestations sportives et culturelles, et de renforcer leurs droits afin de faciliter le bon déroulement de ces manifestations.
L'amendement n° 6 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.