COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mardi 17 janvier 2012
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Commission mixte paritaire relative aux recherches impliquant la personne humaine
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine s'est réunie au Sénat le 17 janvier 2012.
La commission procède à la désignation de son bureau qui a été ainsi constitué :
- Mme Annie David, sénatrice, présidente ;
- M. Jean-Pierre Door, député, vice-président ;
- M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;
- M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen du texte.
Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Je me réjouis que cette commission mixte paritaire se réunisse enfin alors qu'elle avait initialement été convoquée le 9 mars 2011. Sénatrice depuis plus de dix ans, je n'ai pas souvenir qu'un autre texte ait accumulé autant de retards avant d'aboutir. Chacune des quatre lectures aura été l'occasion d'interrogations, de réflexions. Durant toute la procédure, nos anciens collègues, Marie-Thérèse Hermange et François Autain, ont travaillé, avec Jean-Pierre Godefroy, notre rapporteur, à construire un dispositif qui recueille l'assentiment unanime du Sénat. Je ne doute pas que ce même esprit de consensus prévaudra aujourd'hui et que nous élaborerons un texte juste, à la hauteur des enjeux.
M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - Je me félicite à mon tour que nous arrivions au terme d'une longue navette parlementaire, entamée à l'Assemblée nationale en janvier 2009, il y a trois ans presque jour pour jour. Les deux rapporteurs se sont étroitement concertés, ce qui laisse présager que nous parviendrons aujourd'hui à un texte commun, nécessaire pour que la recherche avance dans les meilleures conditions.
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je ne crois pas utile de revenir sur la genèse de ce texte. Nous avons trouvé un accord avec M. Jardé : je propose que nous passions tout de suite à la discussion des amendements.
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La loi Huriet, fondatrice en matière de recherche avec risques, date de 1988. Depuis, un véritable millefeuille législatif s'est constitué avec plusieurs directives européennes et plusieurs lois successives, rendant la recherche biomédicale de plus en plus difficile. Or, entretemps, l'observationnel est devenu une véritable recherche, source de réelles avancées, par exemple en pédiatrie. La recherche ayant évolué, la loi devait évoluer. Merci à tous les parlementaires qui y ont contribué.
Aux trois niveaux de recherche - recherches comportant des risques ou des contraintes, recherches à risques minimes ou recherches observationnelles - correspondent trois niveaux de consentement, en fonction du risque. Les comités de protection des personnes (CPP) doivent être saisis ; il faut harmoniser leurs pratiques. Nous avons abouti, je crois, à un texte équilibré, qui rendra possible la recherche médicale française tout en protégeant les patients. Ce sera un grand progrès.
M. Jean-Louis Touraine, député. - En trois ans, cette proposition aura connu bien des péripéties - on a notamment voulu l'intégrer à la loi HPST, puis à la loi bioéthique. Au bout du compte, nous devrions aboutir à un texte précis, enrichi, attendu, qui sera utile. La loi Huriet-Sérusclat était excellente, mais elle avait besoin d'être actualisée et étendue. La rédaction que nous nous proposons de valider a le mérite de concilier la protection des personnes et la nécessité de la recherche et de l'innovation, indispensable au progrès médical. Nous avons trouvé un équilibre entre la recherche tous azimuts et l'interdiction de tout progrès. L'aléa qui demeure est limité et très encadré : on avancera sans prendre de risques.
A l'issue de ce débat, la commission mixte paritaire examine les articles restant en discussion.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Création de
trois catégories de recherches sur
la personne dans un cadre
législatif unique
Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Les deux rapporteurs ont présenté conjointement dix-huit amendements dont une grande partie est de nature rédactionnelle.
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il s'agit notamment de tirer les conséquences de la loi « Médicaments » en adaptant la numérotation dans les articles du texte.
La commission mixte paritaire adopte un amendement de précision rédactionnelle puis quatre amendements de coordination.
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'amendement présenté conjointement avec Jean-Pierre Godefroy et plusieurs membres de notre commission mixte paritaire est relatif au consentement pour les recherches observationnelles. Il vise à harmoniser les dispositions du code de la santé publique relatives à l'accès aux données personnelles.
La commission mixte paritaire adopte cet amendement, puis un amendement de précision rédactionnelle, un amendement de coordination et un amendement rédactionnel.
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'amendement suivant, que j'ai cosigné avec Jean-Pierre Godefroy et plusieurs membres de la commission mixte paritaire, porte sur un point très important : tout projet de recherche doit passer devant un comité de protection des personnes, même s'il ne s'agit que d'un processus observationnel.
Les CPP sont souvent plus ou moins spécialisés, par exemple sur les biomatériaux. Pour s'assurer d'une bonne collaboration avec le comité en charge de l'examen de leur dossier, les chercheurs ont tendance à s'adresser à celui qui est le plus compétent sur le sujet. J'ai toutefois été sensible aux arguments de M. Godefroy, qui redoute que cette pratique favorise les conflits d'intérêts, voire le copinage... En désignant les CPP par tirage au sort, comme le prévoit le Sénat, on résout ce problème.
Afin que les CPP soient tous d'un niveau équivalent, j'ai proposé qu'une commission nationale se charge d'harmoniser leurs pratiques. J'ai donc proposé, en accord avec M. Godefroy, que la mesure prévoyant leur désignation par tirage au sort entre en vigueur à l'échéance d'un délai de deux ans suivant la publication des décrets d'application, et au plus tard au 1er juillet 2014.
L'équipe de recherche pourra refuser le premier CPP tiré au sort, mais devra accepter le second. Si le CPP émet un avis défavorable, elle pourra aller devant la commission nationale pour demander qu'un autre CPP soit saisi, et cela sans que la commission nationale devienne une commission d'appel. En la matière les discussions entre nos deux assemblées, si elles ont pu paraître longues, ont été bénéfiques : ainsi encadré, le système du tirage au sort me paraît satisfaisant et marque un vrai progrès par rapport au texte initial.
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je remercie M. Jardé d'avoir accepté cette avancée, car c'était un point essentiel de désaccord avec le texte voté par le Sénat. Nous avons pris toutes les précautions nécessaires en prévoyant un délai d'un mois pour proposer un autre CPP, ainsi qu'une date butoir d'entrée en vigueur, afin que le travail d'harmonisation et de mise à niveau des CPP puisse débuter dès à présent.
Mme Catherine Deroche, sénateur. - La solution trouvée évite en effet les écueils. Le groupe UMP du Sénat se félicite de cet accord.
Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Ne faudrait-il pas remplacer la formule « cet autre comité » par l'expression « ce second comité », afin qu'il soit bien clair que l'on ne pourra saisir plus de deux CPP successivement ?
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - En effet, il s'agit bien de désigner un « second » comité, pas un « deuxième » !
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - J'y suis également favorable.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement ainsi modifié, puis un amendement de précision et deux amendements rédactionnels.
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La loi Kouchner a réglementé le niveau de consentement en fonction des risques (consentement écrit ou libre et éclairé, information). Cette formulation a été reprise par la convention d'Oviedo, sur laquelle se cale l'amendement que j'ai cosigné avec M. Godefroy, ainsi que plusieurs membres de la commission mixte paritaire.
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - C'était un point de désaccord entre nos deux assemblées. J'approuve cette solution. La convention d'Oviedo nous a bien rendu service.
Mme Annie David, sénatrice, présidente. - La France vient tout juste de la ratifier, en décembre dernier.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement.
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - L'amendement conjoint suivant traite des recherches collectives.
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il adapte en effet les procédures de consentement aux spécificités de certaines recherches épidémiologiques à risques et contraintes minimes, notamment les recherches « en cluster », qui portent parfois sur dix mille ou vingt mille personnes. Il convient d'alléger la procédure, par exemple pour une étude sur la prévention de l'obésité à l'école primaire - problème sociétal aux conséquences médicales et psychologiques importantes.
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Tout à fait d'accord.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement.
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'amendement suivant concerne les recherches dénuées de risques effectuées sur les enfants malades. Le consentement d'un parent seulement sera exigé, dès lors que celui-ci est détenteur de l'autorité parentale.
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - J'ai quelques réserves... En cas de séparation, il arrive que la garde soit accordée à un parent, mais l'autorité parentale reconnue aux deux, d'où un risque de discordance d'opinion ou de conflit entre eux dont l'enfant pourrait pâtir. Que se passe-t-il par ailleurs en cas de garde alternée ? Ne faudrait-il pas exiger le consentement des deux parents comme c'est habituellement le cas dans les textes concernant les mineurs ?
M. Jean-Louis Touraine, député. - Nous nous sommes longuement interrogés afin de respecter la responsabilité de chaque parent. Les prérogatives des deux parents sont maintenues pour toute recherche comportant un acte important, mais il s'agit ici d'examens totalement anodins, sans conséquence. Les enfants malades - seuls concernés dans l'hypothèse ici visée - viennent le plus souvent à l'hôpital accompagnés d'un seul parent, généralement la mère. Il est difficile d'obtenir un accord d'un père que l'on ne voit jamais.
Mme Cécile Dumoulin, députée. - J'avais initialement les mêmes réticences que M. Godefroy. Les explications de M. Touraine m'ont rassurée. Il serait dommage de priver la recherche de renseignements utiles. Peut-on toutefois imaginer que l'autre parent soit tenu informé du processus de recherche, sans pour autant lui demander son consentement ?
M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - Le cas visé par le texte est précisément celui où il est impossible matériellement de l'en informer.
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'amendement ne s'applique effectivement que si l'on n'arrive pas à joindre l'autre parent.
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je me range aux arguments de M. Touraine. Il est vrai qu'il est parfois difficile de joindre certains pères, qui ont oublié qu'ils ont un enfant...
La commission mixte paritaire adopte l'amendement, ainsi que deux amendements de coordination puis l'article 1er ainsi modifié.
Article 2
Définition des recherches
interventionnelles à finalité non commerciale
La commission mixte paritaire adopte quatre amendements de coordination ou de précision rédactionnelle présentés conjointement par les rapporteurs puis l'article 2 ainsi modifié.
Article 3
Simplification et mise en
cohérence du régime d'autorisation et de déclaration des
recherches utilisant des collections d'échantillons biologiques
humains
La commission mixte paritaire adopte quatre amendements rédactionnels présentés conjointement par ses rapporteurs puis l'article 3 ainsi modifié.
Article 4 quater
Régime des
médicaments radiopharmaceutiques
et de certains médicaments
élaborés dans le cadre de la recherche
Mme Annie David, sénatrice, présidente. - L'article 4 quater avait déjà été adopté conforme dans les deux assemblées et n'est donc plus en navette. Toutefois, je dois le rappeler pour coordination : son dispositif ayant été intégré entre-temps dans la loi du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire en matière de santé, de travail et de communications électroniques, il n'a plus lieu d'être ici et doit être supprimé, ainsi que le propose l'amendement conjoint de nos rapporteurs.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement et l'article 4 quater est supprimé.
Article 4 quinquies A
Compétences de
la Haute Autorité de santé en matière de recherche
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Le Sénat avait souhaité assurer l'indépendance de la commission nationale des recherches impliquant la personne humaine en la rattachant à la Haute Autorité de santé (HAS). Or celle-ci n'est guère enthousiaste, d'autant qu'elle n'exerce pas de compétences en la matière... Dès lors que le principe du choix aléatoire du CPP est accepté, je ne vois pas d'objection à un rattachement de la commission nationale au ministère de la santé.
Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Mon groupe s'abstiendra sur cet amendement, même si la HAS n'est sans doute pas la structure adaptée, non plus d'ailleurs que le comité consultatif national d'éthique, qui n'a pas les moyens d'assumer un tel rattachement.
M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - Je respecte votre choix, mais la HAS n'a effectivement aucune compétence dans le domaine de la recherche. Quant au comité consultatif national d'éthique, il n'est pas une agence sanitaire.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement de suppression proposé par ses deux rapporteurs. L'article 4 quinquies A est supprimé.
Article 4 quinquies
Création d'une
commission nationale des recherches impliquant la personne humaine
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - La nouvelle rédaction que M. Jardé et moi-même proposons pour cet article a été élaborée hier après-midi.
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous proposons que la commission nationale des recherches soit composée de vingt et un membres : sept membres issus de la société civile et sept scientifiques issus des CPP, ainsi que sept personnalités qualifiées. C'est parmi ces derniers que sera choisi le président, qui ne doit avoir aucun lien avec les CPP, afin d'avoir envers eux l'autorité nécessaire. Je ne souhaite pas que les personnalités qualifiées soient majoritaires au sein de cette instance.
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Nous sommes d'accord. Parmi les sept personnalités qualifiées figureront le directeur général de la santé et le directeur général de l'offre de soins, qui n'ont pas vocation à présider la commission. Je préfère que chaque collège compte sept membres, plutôt que six, afin d'aboutir à un nombre impair, ce qui évitera d'avoir à donner une voix prépondérante au président.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement puis l'article 4 quinquies ainsi modifié.
Article 4 septies
Interdiction du test de
la dose maximum tolérée pour un médicament sans lien avec
la pathologie de la personne à laquelle il est administré
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Je ne suis pas signataire de l'amendement tendant à supprimer cet article car je soutenais initialement cette initiative résultant d'un amendement du président Nicolas About. Toutefois, après avoir entendu les arguments des uns et des autres, je pense qu'il risque de nuire à la recherche. A titre personnel, je me range à l'avis de M. Jardé.
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Les essais cliniques de phase 1 doivent être très encadrés. Certaines trithérapies ont sauvé beaucoup de vies. Ma belle-mère, qui a eu un carcinome, vit toujours grâce à un essai de phase 1 !
Mme Annie David, sénatrice, présidente. - J'ai évolué sur cette question et suis désormais presque disposée à vous suivre même si la question que soulève cet article me préoccupe. Mais je conviens que cette mesure n'a pas sa place dans un texte sur la recherche : ce type de protocole relève des soins, pas de la recherche.
M. Jacky Le Menn, sénateur. - Il s'agit bien d'un article ajouté au texte initial.
M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - J'ai mené des essais de phase 1 en tant que praticien. Je ne souhaite pas les voir disparaître en France pour qu'ils soient réalisés dans d'autres pays.
M. Jean-Louis Touraine, député. - Nous souhaitons tous éviter les prises de risque inutiles, mais rendre les essais de phase 1 très difficiles, voire impossibles, c'est encourager la délocalisation de la recherche pharmaceutique et biomédicale.
J'ai observé ce phénomène dans le cadre de mon rapport pour l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur l'expérimentation animale : sous la pression des ligues de protection des animaux, la Grande-Bretagne, qui possédait une forte tradition d'innovation pharmaceutique, a vu l'expérimentation animale se délocaliser, notamment vers la Chine, suivie de l'ensemble de l'activité, en amont et en aval. C'est une perte économique, mais aussi une perte pour l'innovation : les nouvelles molécules produites dans ces pays seront disponibles chez nous avec cinq ou six ans de retard !
En tant que médecin, j'ai vu davantage de malades qui voulaient que l'on aille plus loin dans les essais que de patients qui en avaient peur ! La loi est là pour les protéger, parfois contre eux-mêmes : c'est ce que nous faisons en prévoyant cet encadrement.
M. Gérard Bapt, député. - Qu'en est-il de la situation des volontaires sains ?
M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - On ne cherche pas l'efficacité en phase 1, mais la tolérance. Les essais ne se font pas sur volontaires sains.
M. Gérard Bapt, député. - Je retire donc ce que j'ai dit, mais il n'en reste pas moins que les effets secondaires non connus ne sont pas reconnus comme tels par les assurances des laboratoires.
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Il y a un texte sur les volontaires sains. Cependant, il est ici question des traitements qui, ayant une action connue sur une pathologie, peuvent se montrer efficaces sur une autre, comme les antimitotiques dans le traitement du cancer du sein. Les essais n'ont pas lieu, par définition, sur des personnes saines, mais bien sur des malades.
M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - Songeons aussi aux essais menés par les laboratoires P4, comme celui de Lyon : après les essais de phase 1 sur les animaux, il peut y avoir intérêt à poursuivre. Si cela ne se fait pas chez nous, cela se fera ailleurs.
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous avons ici renforcé l'encadrement et sommes allés plus loin que la directive européenne.
Mme Annie David, sénatrice, présidente. - J'avoue que cet amendement comporte des enjeux techniques qui dépassent mes compétences. Je veux bien vous suivre, mais j'ai souvenir que nous avions, en son temps, voté à l'unanimité l'amendement de M. About qui créait cet article.
M. Gérard Bapt, député. - Il faut dire que l'exposé des motifs de cet amendement n'est guère limpide : on y lit que l'article interdirait les tests sur les volontaires sains, alors que vous affirmez ici que ceux-ci ne sont pas concernés...
M. Olivier Jardé, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Effectivement, dans l'explication de cet amendement de suppression, nous ne devrions pas évoquer les volontaires sains. Pour ce qui concerne l'évolution de la réflexion à laquelle a fait référence la présidente Annie David, j'ai moi-même suivi un cheminement analogue : je m'étais prononcé radicalement contre le tirage au sort pour l'affectation des projets aux CPP - j'en avais même fait un cheval de bataille - et je m'y rallie finalement !
M. Jean-Louis Touraine, député. - Pour les essais sur volontaires sains, le protocole retenu - qui consiste à partir de doses infinitésimales que l'on augmente très graduellement pour mesurer la tolérance, sans jamais aller jusqu'à la dose où se serait manifesté quelque effet que ce soit sur l'animal - et la réglementation sont tels que les risques de complication sont minimes. Quant aux essais sur volontaires malades, ils ne concernent que des personnes en phase terminale, dans l'espoir du bénéfice qui peut en être attendu, même si l'on connaît peu, à cette phase, les effets que peut avoir la molécule sur l'homme.
Je comprends que, vu de l'extérieur, la première réaction soit de méfiance. Mais l'innovation ne serait pas possible sans cette phase, qui reste le moyen le moins dangereux d'aborder les effets de la molécule sur l'homme.
Il faut savoir que ces essais sont très encadrés, menés par des services spécialisés, sur autorisation spécifique, si bien que l'on n'a eu à déplorer, depuis bien longtemps, aucun effet important. L'on ne s'aventure pas sans précautions.
M. Gilbert Barbier, sénateur. - L'exposé des motifs n'est en effet pas adapté puisqu'il n'a jamais été question de volontaires sains dans l'article 4 septies adopté par le Sénat, qui ne vise que les états pathologiques : il n'y a pas lieu de les mentionner ici.
Mme Catherine Deroche, sénateur. - Nous sommes dans une phase très encadrée, avec une administration très progressive des doses. Il n'y a pas non plus lieu de parler, comme je l'ai entendu tout à l'heure, de dose létale, qui est tout autre chose que la dose maximale tolérée. Evitons la confusion.
Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Si nous avions voté à l'unanimité cet article, cependant, c'est bien parce que M. About avait indiqué que des cas existaient où le test de la dose maximale administrée à un malade en fin de vie pouvait être létale : tel est le mot qu'il avait employé. Et c'est bien aussi pourquoi cela me perturbait de renoncer à cette interdiction. Tenter un traitement à dose maximale sans rapport avec la pathologie parce qu'il peut offrir une chance de rémission, est-ce bien là une démarche qui entre dans le cadre de la recherche, sauf à accepter qu'elle traite des hommes et des femmes comme de cobayes ?
M. Jean-Pierre Godefroy, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Ce qui avait motivé notre vote, c'est précisément que M. About nous avait dit qu'il arrivait que de tels essais se pratiquent sans prévenir le patient. Les informations que j'ai prises depuis m'ont fait comprendre que la montée en dose est très progressive et que l'on ne les entreprend que s'ils présentent un espoir de prolonger la vie d'un malade en phase terminale. Si tel est le cas, cela ne me heurte pas. Et nous précisons bien qu'il faut recueillir l'avis éclairé du patient s'il est conscient, ou de ses proches s'il ne l'est pas.
M. Jean-Louis Touraine, député. - Il fut un temps où l'on menait des essais sur des sujets en état de mort cérébrale, mais cela a été interdit.
Mme Catherine Lemorton, députée. - Notre débat rejoint celui que nous avons eu sur le médicament, avec l'autorisation temporaire d'utilisation. Et nous avions voté dans ce même sens.
M. Gilbert Barbier, sénateur. - Il s'agit toujours de protocoles de recherche très précis....
M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - ... et très encadrés.
M. Gilbert Barbier, sénateur. - On est dans un processus bien antérieur à l'autorisation de mise sur le marché.
M. Gérard Bapt, député. - On est certes dans un autre cas de figure, mais cela ne règle pas tous les problèmes. Des personnes saines, rémunérées, entrent dans les lots témoins d'expérimentation en phase 1. Je connais deux personnes qui ont dû être admises au service de neurologie de Montpellier parce qu'elles avaient développé une sclérose latérale amyotrophique. Or, le laboratoire refuse d'indemniser au motif que le lien de causalité avec la recherche n'est pas établi. Il faudra bien traiter de l'indemnisation-réparation dans le cadre de tels essais.
M. Gérard Roche, sénateur. - Il me semble, découvrant, comme nouveau sénateur, le dossier, qu'il y a eu malentendu entre les deux assemblées. Le Sénat, en se prononçant pour l'interdiction des tests à dose maximale sur molécule sans lien avec la pathologie du malade, se situait sur le plan de l'éthique. Mais le débat d'aujourd'hui a éclairci les choses et change la perspective.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement. L'article 4 septies est supprimé.
Article 4 octies
Autorisation expresse de
l'agence française de sécurité sanitaire des produits de
santé pour toutes les recherches sur les médicaments
innovants
Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Je vais à nouveau rappeler, pour coordination, cet article voté conforme par nos deux assemblées mais dont les dispositions ont déjà été intégrées au code de la santé publique par la loi du 22 mars 2011 portant adaptation au droit de l'Union européenne.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement conjoint de ses rapporteurs. L'article 4 octies est supprimé.
Mme Annie David, sénatrice, présidente. - Je me réjouis de voir notre travail collectif aboutir à l'adoption d'un texte commun.
M. Jean-Pierre Door, député, vice-président. - Je suis comme vous satisfait de constater qu'il est des sujets qui transcendent les clivages politiques. Puissent-ils être nombreux à l'avenir.
La commission mixte paritaire adopte, telles que rédigées à l'issue de ses travaux, les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative aux recherches impliquant la personne humaine.
Mercredi 18 janvier 2012
- Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, député, président -Commission mixte paritaire relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 18 janvier 2012.
Le bureau a été ainsi constitué : M. Jean-Luc Warsmann, député, président, M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, vice-président, M. Etienne Blanc, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale, M. Jean-Pierre Michel, sénateur, rapporteur pour le Sénat.
M. Jean-Luc Warsmann, député, président. - La commission mixte paritaire se trouve devant une situation évidente d'opposition entre les deux assemblées, le Sénat ayant adopté le 10 janvier 2012 une question préalable rejetant le texte adopté par l'Assemblée nationale sans souhaiter débattre de ses articles. Face à une telle situation, je ne peux que constater l'impossibilité pour la commission mixte paritaire de parvenir à l'élaboration d'un texte commun et, en conséquence, son échec.
La commission constate qu'elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun.
M. Jean-Luc Warsmann, député, président. - Je souhaite ajouter que le débat politique doit se faire, en dépit des désaccords, dans le respect du travail des uns et des autres. Je regrette les propos blessants tenus par certains sénateurs lors des débats sur ce texte. Un sénateur a ainsi affirmé, lors de l'examen de la proposition de loi par la commission des lois du Sénat, que les propositions de loi de simplification du droit ne seraient pas élaborées par leur auteur, propos d'ailleurs approuvés par le président de la commission des lois. Or, la présente proposition de loi a fait l'objet d'un travail préparatoire approfondi. Elle est issue d'un rapport public, que j'ai remis au Président de la République, consacré à la simplification du droit au service de la croissance et de l'emploi, réflexion nourrie par de très nombreuses auditions menées durant six mois. Son examen a été précédé par un avis du Conseil d'État. Des rapporteurs de l'une des commissions saisies pour avis au Sénat ont affirmé que cet avis du Conseil d'État aurait été « camouflé » par le rapporteur de l'Assemblée nationale. Or, l'avis du Conseil d'État sur toutes les dispositions qui n'ont pas été supprimées a été intégralement publié dans le rapport de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, chaque extrait pertinent étant reproduit avant le commentaire de la disposition en cause.
Je souligne que l'Assemblée nationale n'a fait preuve d'aucune discourtoisie à l'égard du Sénat, contrairement à ce qui a pu être affirmé.
M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, vice-président. - Si quelques paroles ont pu, dans le feu du débat, blesser, je le regrette et je présente toutes mes excuses au nom de l'ensemble de mes collègues sénateurs.
M. Jean-Luc Warsmann, député, président. - Je vous en remercie.
M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, vice-président. - J'ajoute que la manière dont il a été rendu compte par certains députés, dans les débats de l'Assemblée nationale, de la dernière commission mixte paritaire n'a pas non plus rendu les sénateurs euphoriques. Dès lors qu'une commission mixte paritaire, composée de manière homothétique à la composition politique de chaque assemblée, a pris une position, celle-ci est parfaitement légitime.
Il existe un débat de fond sur la procédure de simplification du droit, que je ne souhaite pas rouvrir dans le cadre de cette commission mixte paritaire, dont ce n'est pas l'objet. Il n'est pas douteux qu'un travail préparatoire considérable a été effectué. Le débat porte sur la législation à laquelle la méthodologie retenue conduit, avec des textes extrêmement vastes, portant sur un nombre élevé de domaines, examinés de surcroît selon une procédure accélérée qui apparaît contestable en l'espèce.
M. Jean-Luc Warsmann, député, président. - Ce n'est pas en adoptant au Sénat une motion de procédure contre ce texte qu'un débat approfondi est possible.
M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, vice-président. - Je rappelle que le Sénat a examiné avec beaucoup de soin les trois précédentes lois de simplification du droit. En adoptant une question préalable sur ce texte, le Sénat a décidé de mettre un coup d'arrêt à cette procédure proliférante, qui présente l'avantage d'adopter beaucoup de dispositions, mais l'inconvénient de conduire à des textes dont la circonférence est partout et le centre nulle part, avec toutes les conséquences induites. Tous les gouvernements et toutes les majorités ont été confrontés à ce type de texte, mais nous avons atteint là une dimension inacceptable de la procédure.
- Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, député, président -
Commission mixte paritaire relative au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle s'est réunie à l'Assemblée nationale le mercredi 18 janvier 2012.
Le bureau a été ainsi constitué : M. Jean-Luc Warsmann, député, président, M. Jean-Pierre Sueur, sénateur, vice-président, M. Charles de la Verpillière, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale, M. Gaëtan Gorce, sénateur, rapporteur pour le Sénat.
M. Jean-Luc Warsmann, député, président. - L'objet d'une commission mixte paritaire est d'aboutir à un texte commun susceptible d'être adopté par les majorités des deux assemblées parlementaires. Chacune des deux assemblées doit prendre une position claire sur le présent projet de loi organique ; il convient donc d'examiner si l'une d'entre elles peut se rallier aux dispositions du texte telles qu'adoptées par l'autre.
M. Charles de la Verpillière, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je souhaite m'en tenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.
M. Gaëtan Gorce, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Il est dans l'intérêt de la République que l'élection présidentielle qui aura lieu dans les prochaines semaines se déroule conformément aux dispositions adoptées par le Sénat, qui enrichissent considérablement le texte initial. Les modifications auxquelles nous avons procédé constituent une perspective intéressante, à laquelle nous ne pouvons renoncer, afin que ce prochain scrutin ne se déroule pas dans un cadre juridique aussi vague et incertain que celui existant à ce jour.
M. Charles de la Verpillière, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - C'est justement la proximité de la prochaine élection présidentielle qui commande de s'en tenir au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, dont l'objet est beaucoup plus limité que le texte adopté par le Sénat.
M. Jean-Luc Warsmann, député, président. - Je constate que la commission mixte paritaire ne peut parvenir à élaborer un texte commun.
La commission constate qu'elle ne peut parvenir à élaborer un texte commun.