Mardi 15 novembre 2011
- Présidence de M. Claude Jeannerot, vice-président -Loi de finances pour 2012 - Audition de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé
M. Claude Jeannerot, président. - La présidente Annie David étant retenue par la commission mixte paritaire, en cours, sur le projet de loi « médicaments », je vous propose, Monsieur le ministre, d'examiner d'abord les crédits de la mission « Travail et emploi », avant d'aborder la mission « Santé », dont vous avez également la responsabilité.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. - Le projet de loi de finances pour 2012 est discuté dans un contexte très particulier, marqué par la crise des dettes souveraines, qui intervient à la suite de la grave crise économique que nous avons déjà connue en 2009.
Le budget du travail et de l'emploi contribue à l'effort de réduction des déficits publics. Les crédits avaient fortement augmenté en 2009 et en 2010, sous l'effet du plan de relance, ce qui explique, pour une grande part, la forte baisse constatée en 2012. Les mesures d'économie votées dans la loi de finances pour 2011, notamment celles qui touchent les services à la personne et la restauration, produisent également leurs effets cette année et entraînent une diminution des dépenses de l'ordre de 300 millions d'euros. Enfin, l'extinction de dispositifs de préretraite, la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER) et de l'allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation (Afdef), entraînent mécaniquement une réduction des dépenses de 250 millions.
La baisse des crédits, à hauteur de 1,2 milliard, est donc la conséquence de décisions prises antérieurement. Elle n'empêchera pas le Gouvernement de mettre en oeuvre ses priorités en matière d'emploi et de formation.
Les mesures prises ces derniers mois, à commencer par le relèvement du quota d'apprentis dans les entreprises de plus de 250 salariés, ont permis de faire augmenter le nombre de jeunes formés en alternance de 5,5 % depuis le début de l'année. Le nombre de demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans a diminué de 2 % au cours de l'année écoulée, ce qui n'est pas un résultat spectaculaire mais marque néanmoins une tendance positive.
Les crédits alloués aux missions locales, au fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes et aux écoles de la deuxième chance sont maintenus.
Le nombre de contrats aidés sera stabilisé, étant entendu que le recours à ces contrats ne me pose aucun problème de principe et qu'il faut savoir faire preuve de pragmatisme en ce domaine. Les contrats aidés permettent de remettre le pied à l'étrier à des chômeurs de longue durée. Leurs titulaires doivent bénéficier d'une formation dès le premier jour. Je souhaite également mobiliser les conseils généraux pour favoriser l'embauche en contrats aidés de titulaires du revenu de solidarité active (RSA).
Un effort important sera réalisé, en 2012, en direction des personnes handicapées puisque mille aides au poste supplémentaires vont être financées dans les entreprises adaptées.
Nous avons besoin d'un service public de l'emploi efficace pour assurer la transparence du marché du travail. De nouvelles orientations vont être données à Pôle emploi pour les trois ans à venir, avec l'objectif d'offrir un service personnalisé aux demandeurs d'emploi et de rendre l'institution plus réactive. Deux mille postes vont être redéployés des fonctions support vers l'accompagnement des demandeurs d'emploi.
M. Claude Jeannerot, président, rapporteur pour avis pour la mission « Travail et emploi ». - J'ai quelques questions à vous poser, en ma qualité de rapporteur pour avis, sur les crédits de la mission.
J'aimerais d'abord savoir si, compte tenu du contexte de crise que vous nous avez rappelé, l'objectif de ramener le taux de chômage sous la barre des 9 % d'ici la fin de l'année est toujours d'actualité.
Ensuite, quelles sont les intentions du Gouvernement concernant les maisons de l'emploi, qui voient leur dotation diminuer fortement pour la deuxième année consécutive ?
Quel bilan faites-vous de la mise en oeuvre du contrat d'autonomie, dont le rapport coût-efficacité a été critiqué par nos collègues députés ?
Pourquoi le Gouvernement a-t-il décidé la suppression de l'allocation spéciale du fonds national de l'emploi (ASFNE) ? Les dispositifs de préretraite ne conservent-ils pas une utilité alors que l'âge de départ à la retraite est reporté ?
L'an dernier, le Gouvernement avait justifié le prélèvement de 300 millions sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) en expliquant que la montée en charge du fonds était progressive et qu'il disposait donc de ressources inemployées. Comment justifiez-vous le prélèvement proposé cette année ?
Enfin, alors que le développement de la formation professionnelle est une priorité du Gouvernement, l'Etat ne devrait-il pas apporter un soutien accru à l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Si je connaissais avec certitude le taux de croissance, je pourrais répondre plus précisément à votre première question. Il est certain, en tout cas, que nous ne restons passifs devant la situation de l'emploi. J'ai décidé de mobiliser les préfets de région pour qu'ils agissent au plus près du terrain et j'ai sollicité les conseils généraux pour qu'ils signent plus d'emplois aidés pour les titulaires du RSA. Nous nous battons pour développer les formations en alternance. Je suis également attentif au problème de l'adéquation entre offres et demandes d'emploi : nous savons qu'il existe des secteurs en tension et des offres non pourvues. La progression de 12 %, depuis un an, du nombre d'offres d'emploi pourvues montre néanmoins qu'il est possible d'obtenir des résultats en ce domaine.
Concernant les maisons de l'emploi, je rappelle que l'Assemblée nationale a augmenté les crédits qui leur sont alloués à hauteur de 15 millions d'euros. Nous sommes attentifs à cette demande des parlementaires, même si le gage qui a été retenu pour compenser cette dépense nous pose une difficulté. En tant que maire, je suis attaché aux maisons de l'emploi qui ont été créées pour permettre aux élus d'avoir des informations que Pôle emploi ne leur communiquait pas toujours. Maintenant qu'elles ont été mises en place, il ne paraît pas illégitime de vouloir réduire la voilure. Les crédits sont en effet attribués sur la base d'un nouveau cahier des charges et le rapprochement des maisons de l'emploi avec d'autres structures permet de réaliser des économies. En outre, les investissements qui ont dû être effectués au moment de leur création ne sont plus nécessaires aujourd'hui. Les maisons de l'emploi sont en train de trouver leur rythme de croisière et il n'est pas justifié de parler de désengagement de l'Etat alors que celui-ci apporte encore 70 % de leur financement.
En un an, j'ai fait évoluer la politique de l'emploi, qui était auparavant exclusivement centrée sur Pôle emploi. Pour moi, l'essentiel est de ramener les gens au travail, peu importe que ce soit Pôle emploi, la maison de l'emploi ou une mission locale qui y parvienne. Il faut tenir compte des différences entre les bassins d'emploi et réduire les écarts de dotations entre les maisons de l'emploi, qui pouvaient varier dans un rapport de un à vingt.
Le contrat d'autonomie est souvent décrié en raison de son rapport coût-efficacité, qui serait insuffisant. J'observe cependant que le taux de sortie positive des jeunes passés par ce contrat est de 42 %, ce qui est non négligeable, et que ce taux augmente régulièrement, malgré la crise. Nous avons fait le choix de recentrer le dispositif sur les douze départements qui enregistrent les meilleurs résultats et sur les quartiers où le chômage des jeunes est le plus élevé. Je ne souhaite pas casser la dynamique des missions locales qui mettent en oeuvre le contrat d'autonomie.
Concernant l'ASFNE, je rappelle qu'il s'agit du dernier dispositif de préretraite publique non ciblé encore en vigueur. Sa suppression est cohérente avec la politique menée en faveur de l'emploi des seniors depuis plusieurs années. Elle est justifiée aussi par les difficultés de gestion que pose cette allocation du fait du faible nombre d'entrées dans le dispositif. Son maintien fait naître de faux espoirs chez les salariés et il est difficile de respecter l'égalité de traitement entre les salariés licenciés pour motif économique dans la mesure où le versement de l'allocation est soumis à des considérations d'espèce. J'ajoute que le contrat de sécurisation des parcours professionnels (CSP) apporte une réponse plus globale et adaptée à ces salariés et que les titulaires actuels de l'allocation continueront naturellement à la percevoir.
Au sujet du FPSPP, je dirai simplement qu'il n'est pas utile, dans la situation budgétaire actuelle, de laisser subsister d'importantes trésoreries dormantes. Je salue le sens des responsabilités des partenaires sociaux qui jouent le jeu, alors qu'ils auraient pu claquer la porte pour marquer leur mauvaise humeur. J'ajoute que les partenaires sociaux ont décidé d'appeler un taux de contribution de 10 % en 2012, soit un niveau inférieur au maximum prévu par la loi.
S'agissant de l'Afpa, je rappelle qu'un marché public a été passé avec l'Etat pour la mise en oeuvre de prestations d'accompagnement de publics ciblés (travailleurs handicapés ressortissants d'outre mer, détenus, militaires en reconversion). L'Afpa reste compétente pour l'activité de certification et elle touche, à ce titre, une contribution de 50 millions d'euros versée par le FPSPP. Des baux emphytéotiques vont être signés avec l'Afpa pour l'aider à gérer dans la durée son patrimoine immobilier. Je n'ignore pas les inquiétudes des personnels mais je pense que la situation évolue positivement, étant entendu que ce sont désormais les régions qui financent la plus grande partie des achats de formation.
M. René-Paul Savary. - Je voudrais savoir si le Gouvernement compte remplacer l'AER par un dispositif comparable. A défaut, un certain nombre de titulaires du RSA vont percevoir plus longtemps cette allocation, du fait du report programmé de l'âge de départ en retraite, alors que les conseils généraux, qui en ont la charge, sont déjà confrontés à une situation financière tendue.
Mme Gisèle Printz. - Le ministre a l'air de considérer que tout va bien à Pôle emploi. Mais alors, dans ce cas, comment expliquer le mouvement de grève de lundi ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Tous les agents n'étaient pas en grève, loin de là : seuls 6,5 % d'entre eux ont pris part à ce mouvement social.
Mme Michelle Meunier. - Comment procéderez-vous au redéploiement, que vous avez annoncé, de deux mille agents en équivalent temps plein à Pôle emploi ?
Mme Patricia Schillinger. - Certaines villes ont un taux de chômage des jeunes plus élevé que la moyenne. A Mulhouse, il atteint par exemple 29 %. Que comptez-vous faire pour résoudre ce problème ?
M. Dominique Watrin. - Je regrette que les titulaires du RSA bénéficient d'un suivi insuffisant de la part de Pôle emploi. Un accompagnement personnalisé est indispensable pour les aider à se réinsérer professionnellement. Or vous semblez minimiser les difficultés que rencontre aujourd'hui Pôle emploi et qui l'empêchent d'assumer convenablement ses missions.
M. Michel Vergoz. - Je suis heureux que le ministre porte un jugement positif sur les contrats aidés. Ses déclarations contrastent avec le discours habituel du Gouvernement qui les assimile à de l'assistanat... J'observe cependant que les crédits consacrés aux contrats aidés sont en baisse sensible dans ce projet de budget et que l'on va demander aux départements de prendre en charge une part plus importante du coût des contrats d'accompagnement vers l'emploi (CAE). Quand cesserez-vous d'afficher ainsi vos certitudes, Monsieur le ministre ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Vous me connaissez bien mal pour dire cela.
M. Michel Vergoz. - J'ai appris à vous connaître lors de la grave crise sanitaire causée à la Réunion par le chikungunya, en 2006, et je peux vous dire que j'ai été ébranlé de constater, à l'époque, qu'aucune leçon n'avait été tirée des défaillances de l'institut national de veille sanitaire (InVS) en 2003.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Je suis allé au moins six fois à la Réunion. J'ai mis en place des moyens massifs pour la prévention, qui ont permis d'éviter le retour du chikungunya l'année suivante. Et vous oubliez de rappeler que le virus a muté !
M. Michel Vergoz. - Il y a eu trois cents morts et 300 000 blessés !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Les moyens amenés de métropole ont permis d'éviter l'effondrement du système sanitaire à la Réunion, vous le savez. Et j'ai été un des premiers à mettre en doute les affirmations des scientifiques selon lesquelles la maladie n'était pas mortelle. Je n'accepte pas que vous laissiez entendre que nous n'avons pas tiré toutes les leçons de cette crise.
M. Michel Vergoz. - Vous avez définitivement l'ADN de la certitude, Monsieur le ministre...
M. Yves Daudigny. - Comme vous, je considère que les contrats aidés ont toute leur utilité. Vous avez indiqué qu'il fallait avoir l'obsession de la formation. Mais ne risque-t-on pas d'orienter certains titulaires de contrats aidés vers des formations sans débouchés ? Par ailleurs, comment régler les problèmes de mobilité en milieu rural ? Enfin, Nicolas Sarkozy a indiqué qu'il souhaitait que tous les titulaires du RSA travaillent sept heures par semaine : selon quelles modalités pensez-vous mettre en oeuvre cette mesure ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Concernant l'AER, je rappelle qu'une allocation transitoire de solidarité (ATS), d'un montant identique, a été créée pour prendre en compte la situation particulière des demandeurs d'emploi qui étaient indemnisés par l'assurance chômage à la date du 10 novembre 2010. Si nous ne l'avions pas fait, nous aurions créé une injustice. L'ATS devrait bénéficier à 11 000 personnes et coûter 40 millions d'euros. Elle sera financée par redéploiement de crédits : un certain nombre de bénéficiaires de l'ASS vont désormais percevoir l'ATS, ce qui nous permettra de disposer d'une marge de manoeuvre sur le plan financier.
Mais nous voulons surtout créer les conditions d'un retour au plein emploi. On ne peut pas s'habituer à avoir un taux de chômage à 9 % dans notre pays. Le RSA doit contribuer à traiter le problème du chômage. La campagne présidentielle donnera l'occasion de comparer les propositions des uns et des autres sur ce sujet.
Sur Pôle emploi, j'ai une stratégie d'action par bassin d'emploi. On n'a pas besoin du même accompagnement selon que l'on est un chômeur de longue durée ou un jeune à la recherche de son premier emploi. Les sous-préfets sont chargés d'animer le service public de l'emploi local, au plus près du terrain. Les deux mille postes qui vont être redéployés à Pôle emploi proviendront des fonctions support et du redimensionnement des services aux entreprises. Cela va permettre d'augmenter de 40 % les moyens consacrés à l'accompagnement.
Pôle emploi a réussi à faire face à la montée du chômage et à verser les indemnisations sans retard. Mais le travail des agents manque de souplesse : la durée des entretiens est de trente minutes, or certains demandeurs d'emploi ont besoin d'un rendez-vous plus long. Par ailleurs, les agents assument trop de charges administratives et ont trop d'indicateurs de suivi à renseigner. Après une période de centralisation nécessaire pour réaliser la fusion, il faut également donner plus de pouvoirs aux agences locales, notamment en matière de formation, actuellement gérée par les directions régionales, afin de raccourcir les circuits de décision. En 2011, nous allons ouvrir 145 000 entrées en formation, dont certaines préparent directement à une embauche. Les formations prescrites par Pôle emploi doivent notamment permettre de répondre aux besoins des métiers en tension.
Jamais je n'ai critiqué les contrats aidés et je vous mets au défi de trouver une seule déclaration en ce sens de ma part...
M. Michel Vergoz. - Vous n'êtes pas solidaire de votre Gouvernement dans ce cas ! Je pourrais citer des dizaines de déclarations de vos collègues qui assimilent les contrats aidés à de l'assistanat...Même sur ce sujet, vous polémiquez et affichez vos certitudes !
Mme Colette Giudicelli. - Je suis tentée de répondre à mon collègue que si certains ont l'ADN de la certitude, d'autres ont celui de la mauvaise foi !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Sur le cofinancement des contrats aidés par les conseils généraux, je souligne que la dépense obligatoire à la charge d'un département, au titre du versement du RSA à une personne seule, s'élève à 467 euros par mois, tandis que la dépense est seulement de 411 euros en cas de cofinancement d'un contrat aidé. Dans ces conditions, on ne peut pas parler de désengagement de l'Etat. Quand les conseils généraux cofinancent un contrat aidé, ils viennent en aide à une personne au chômage et réalisent une économie.
En ce qui concerne les sept heures de travail pour les titulaires du RSA, je précise que cette mesure sera d'abord mise en oeuvre dans dix départements volontaires. Elle vise à redonner à ces personnes l'habitude du travail pour qu'elles retrouvent ensuite le chemin de l'insertion professionnelle. De cette manière, nous les aiderons à se resocialiser et à sortir du chômage de longue durée.
M. Claude Jeannerot, président, rapporteur pour avis pour la mission « Travail et emploi ». - Je note avec satisfaction que les orientations retenues pour Pôle emploi rejoignent les préconisations du rapport de la mission d'information sénatoriale sur Pôle emploi que nous avons adopté il y a quelques mois.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Je me souviens que vous m'aviez auditionné à l'époque. J'ai fait de nombreuses réunions de travail sur le terrain qui m'ont aidé à concevoir une « feuille de route » consensuelle pour Pôle emploi.
- Présidence de Mme Annie David, présidente -
M. Xavier Bertrand, ministre. - S'agissant des crédits de la mission « Santé » dans le projet de loi de finances pour 2012, ils s'élèvent à près de 1,4 milliard d'euros contre 1,2 milliard en 2011. Leur progression est conforme à la programmation pluriannuelle votée par le Parlement à laquelle s'ajoute une dotation nouvelle de 150 millions d'euros à l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) à la suite de l'affaire du Mediator. Le budget de l'Afssaps augmente ainsi de 40 millions et bénéficiera de quarante nouveaux postes en 2012 et en 2013. Nous avons fait le choix d'une parfaite étanchéité des ressources de l'agence par rapport à l'industrie pharmaceutique et je pense que c'est une bonne chose. Mais j'appelle les parlementaires à la vigilance. Il ne faut pas que dans les prochaines années, le budget de l'Afssaps devienne une variable d'ajustement du budget. Ce serait plus qu'une erreur, ce serait une faute car il s'agit des crédits de la sécurité sanitaire.
Par ailleurs, l'Afssaps, comme toutes les agences, s'est engagée dans un processus de rationalisation de ses coûts.
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis pour la mission « Santé ». - J'ai plusieurs questions à vous poser.
- Pourquoi l'augmentation des besoins de l'ex-Afssaps a-t-elle été évaluée à 40 millions d'euros ?
- Pourquoi le Gouvernement est-il opposé à la mise en place d'une contribution de l'industrie cosmétique pour la rémunération de la cosmétovigilance assurée par l'ex-Afssaps ?
- Quelles suites le Gouvernement entend-il donner au rapport de la Cour des comptes sur la politique de prévention en matière de santé, remis à la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de l'Assemblée nationale, qui dresse un constat sévère sur le manque de coordination des actions menées ?
- Quel constat le Gouvernement fait-il sur l'évolution des inégalités géographiques et sociales de santé ?
- Quel bilan dressez-vous des restrictions apportées à l'aide médicale d'Etat (AME) dans la loi de finances pour 2011 ?
- Le droit de timbre de 30 euros mis en place à cette occasion a-t-il pour but de restreindre le nombre des titulaires de l'aide ?
- Pouvez-vous nous présenter le mécanisme destiné à couvrir le défaut d'assurance de certains médecins spécialistes tel qu'il figure à l'article 60 du présent projet de loi de finances ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - S'agissant de l'augmentation du budget de l'Afssaps de 40 millions d'euros, ce montant a été élaboré en concertation avec le directeur de l'agence, Dominique Maraninchi. Il couvre plusieurs postes, et tout d'abord le recrutement d'experts indépendants et la possibilité de leur offrir une progression de carrière. C'est plus important que de créer un corps de super-experts comme le recommandait le rapport Even-Debré. Ces fonds permettront également, en matière de pharmacovigilance de matériovigilance et de pharmaco-épidémiologie, de couvrir une augmentation de la masse salariale, les frais d'achat de nouveaux instruments et les frais d'investissements. Tout ceci a fait l'objet d'un calibrage détaillé.
Je pense néanmoins qu'il faudra faire une évaluation complète dans deux ou trois ans car je ne prétends pas avoir la science infuse.
S'agissant de la taxe sur l'industrie cosmétique, je vous rappelle que Nora Berra a donné un avis favorable à l'amendement présenté par Alain Milon sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Vous abordez aussi la question tant débattue de l'AME. Je n'ai pas l'intention d'assister passivement à l'augmentation des dépenses qui lui sont consacrées. Notre but est de mettre en place une bonne gestion de l'aide mais sans réduction de l'accès aux soins.
S'agissant des réformes adoptées l'année dernière par le Parlement, les nouvelles conditions sont entrées en vigueur avec le décret du 17 octobre dernier et il est donc trop tôt pour en tirer un bilan. Je souligne simplement que la procréation médicale assistée et le thermalisme ont été retirés du panier de soins ouvert aux titulaires de l'AME car la réalité est qu'ils y figuraient.
Je souligne également que l'accès à l'AME se fait dans le respect de la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2010 qui a prévu que les contrôles préalables à l'ouverture des droits ne devaient pas se faire dans des délais susceptibles de porter atteinte à la santé des personnes. Les contrôles seront effectués sous quinze jours, à défaut de quoi la décision de la caisse sera réputée favorable.
Pour moi, le droit de timbre ne pose pas de difficulté sur le terrain. Vous imaginez l'emballement médiatique s'il en créait, et les associations avec lesquelles nous travaillons ne nous ont pas alertés sur ce sujet.
S'agissant du nombre de titulaires, on note une quasi-stabilisation au premier semestre 2011 mais il est difficile de dire si cela est lié au droit de timbre qui n'a été mis en place qu'au 1er mars. Nous effectuerons un suivi détaillé pour savoir si des personnes éligibles n'ont pu avoir accès à l'aide en raison du droit de timbre. A ce stade, la stabilisation du nombre de titulaires me paraît une bonne chose.
Concernant l'article 60 du projet de loi de finances pour 2012, il s'agit de la responsabilité civile médicale. La question avait été réglée à l'occasion de la proposition de loi Fourcade mais des parlementaires ont choisi de déférer ce texte devant le Conseil constitutionnel et la disposition a été annulée. Cela a créé une grande inquiétude chez les professionnels, alors que le Conseil s'est alors prononcé sur des raisons de forme, liées au caractère de « cavalier » de cette mesure, et pas de fond.
Concrètement, nous mettons en place un mécanisme de garantie avec un seuil qui passe de 3 à 8 millions d'euros. Je vous signale que le sinistre le plus important prononcé par les juridictions est de 7 millions d'euros et concerne d'ailleurs un généraliste. Je pense que l'article 60 apporte une solution durable aux problèmes que rencontrent les professionnels en matière de responsabilité.
M. Dominique Watrin, rapporteur pour avis pour la mission « Santé ». - Vous n'avez pas abordé le problème des inégalités de santé.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Je vais tout d'abord vous donner les chiffres du conseil national de l'ordre des médecins. Cette année, il y a eu 9 % d'installations de professionnels en zone rurale de plus que de départs. C'est une bonne nouvelle et c'est peut-être pour cela que l'on n'en parle pas. Nous avons par ailleurs deux cent trente maisons de santé pluridisciplinaires qui fonctionnent à travers la France.
Mme Patricia Schillinger. - Il faut cinq ans pour créer ces structures !
M. Xavier Bertrand, ministre. - Pour moi, elles apportent la meilleure réponse. La région de France qui a le moins de médecins est, je le dis sous le contrôle d'Yves Daudigny et de Caroline Cayeux, la Picardie. Pourquoi ? Parce qu'elle est à proximité de très grandes régions. Il faut donc trouver des solutions adaptées aux réalités de terrain. Pour moi, ce sont les incitations, les contrats de service public et les maisons de santé qui fonctionnent, et pas les mesures coercitives. Dans le cadre de la stratégie nationale de santé que nous avons élaborée pour la période 2011-2015, nous continuerons à avoir des résultats.
M. Michel Vergoz et Mme Claire-Lise Campion. - Ce sont les collectivités locales qui financent les maisons de santé.
M. Xavier Bertrand, ministre. - Je n'ai jamais dit que les maisons de santé étaient uniquement financées par l'Etat. Je pense que l'Etat et les collectivités locales ont intérêt à travailler ensemble.
S'agissant du rapport de la Cour des comptes sur la politique de prévention, certes, il y a des problèmes de coordination mais pour moi, la question fondamentale est celle de la volonté politique. Je crois profondément en la politique de santé, et particulièrement en ce qui concerne la prévention. J'ai mis en place deux programmes importants et efficaces : M'T dents et l'ostéodensitométrie. Mais qui peut dire combien ces programmes ont permis d'économiser en matière de soins ? La réalité est que notre système curatif est l'un des meilleurs du monde mais qu'il est insuffisamment préventif.
Il faut parvenir à faire des investissements malgré des budgets restreints, fixer des objectifs atteignables et mobiliser les acteurs. Avec la fixation des objectifs nationaux et le rôle des agences régionales de santé (ARS), je pense que nous y parviendrons. J'ai chargé le directeur national de la santé d'avoir un regard particulier sur cette question. Comme le recommande la Cour des comptes, je suis favorable à ce qu'il devienne également délégué interministériel de la santé.
M. Georges Labazée. - Vous parlez des ARS. Elles pilotent désormais les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (Priac). Des priorités sont fixées mais elles ne sont pas financées. On a donc un décalage entre ce qui a été déterminé comme priorité sur le terrain et le financement.
M. Xavier Bertrand, ministre. - La question des Priac n'est pas de ma compétence mais de celle de Roselyne Bachelot-Narquin. Je livre néanmoins ceci à votre réflexion : qui retarde la mise en oeuvre des Priac ? Les départements et les ARS ont tendance à se renvoyer la balle et c'est pour cela que les projets attendent.
Mme Patricia Schillinger. - Vous avez décidé de mettre en place une quatrième journée de carence pour les indemnités journalières. Or, nous allons rentrer dans une période d'épidémie grippale. Cela ne va-t-il pas pousser les personnes malades à adopter des comportements à risques en reprenant le travail trop tôt au risque de contaminer leurs collègues ?
M. Xavier Bertrand, ministre. - Je ne partage pas du tout votre discours. Les personnes qui sont malades se mettent en arrêt maladie et ne vont pas travailler. Vous semblez suggérer qu'il faudrait qu'elles se mettent en arrêt maladie à titre préventif. Ceci étant, s'agissant du délai de carence, de nombreuses entreprises - je n'ai pas dit toutes les entreprises - le prennent en charge.
Il ne faut pas se voiler la face sur les arrêts de travail abusifs. Selon les médecins-conseil de la sécurité sociale, qui sont d'abord des médecins, cela concerne 10 % à 15 % des arrêts pour longue maladie.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - J'ai eu l'occasion, dans le cadre de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, d'établir un rapport sur le lien entre santé et territoire et j'ai été frappée par l'intérêt de la télémédecine. Par ailleurs, les médecins font des études longues et il nous a paru intéressant qu'on puisse intégrer à leur cursus un an de stage en médecine de ville dans les zones sous-dotées.
M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est effectivement une idée intéressante pour améliorer l'accès aux soins dans les zones sensibles, et pas seulement dans les zones rurales. Un contact précoce avec le terrain est nécessaire pour favoriser l'implantation des médecins dans les zones sous-dotées. Nous sommes en train d'élaborer des maquettes nécessaires avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Sur la télémédecine, il faut qu'il y ait effectivement un médecin de l'autre côté de l'appareil mais, je suis d'accord avec vous, cela offre de vraies perspectives.
Mme Annie David, présidente. - Une délégation de la commission des affaires sociales a eu l'occasion de se rendre l'année dernière en Guyane. Nous avons pu voir comment, dans des zones difficiles d'accès, la télémédecine apporte de véritables progrès.
Mercredi 16 novembre 2011
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Loi de finances pour 2012 - Mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation - Examen du rapport pour avis
La commission procède à l'examen du rapport pour avis de Mme Gisèle Printz, sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation »).
Mme Gisèle Printz, rapporteure pour avis. - L'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est un moment particulier du débat budgétaire. C'est l'occasion de témoigner notre reconnaissance et de confirmer le droit à réparation de ceux qui ont servi la France au combat ou ont été victimes des différents conflits du XXe siècle.
Cette année, il présente aussi l'intérêt de dresser le bilan du quinquennat et de l'action du Gouvernement en faveur des anciens combattants. Je dois vous dire que celui-ci est mitigé.
Venons-en d'abord au budget 2012. La principale avancée est la revalorisation de la retraite du combattant qui sera portée à quarante-huit points au 1er juillet, soit une progression de onze points depuis 2007. Cette mesure de justice était attendue par tous les anciens combattants. Pourtant, par cet artifice de calendrier, ce n'est qu'à partir de 2013 que les anciens combattants en profiteront pleinement : la retraite du combattant est versée semestriellement et à terme échu. Ce n'est donc pas en 2012 qu'elle sera revalorisée en intégralité ; et ce sera au Gouvernement alors en place de pourvoir à son financement... Le ministre s'est opposé à toute modification de date. C'est regrettable.
Plus généralement, le budget s'établit en 2012 à 3,17 milliards d'euros, soit une baisse de 4,34 % par rapport à 2011. Aux 143 millions d'euros manquants s'est ajoutée, à l'Assemblée nationale sur un amendement du Gouvernement, une ponction supplémentaire de 14 millions dans le cadre du dernier plan de rigueur. Hier encore, lors d'une seconde délibération, un nouveau tour de vis a été apporté qui retire 12,6 millions de plus. Dans ce contexte, faut-il se réjouir du maintien des droits acquis et ne rien demander de plus ? Les anciens combattants ont déjà tant donné à la France, n'auraient-ils pas mérité un traitement privilégié ? D'autant que leur déclin démographique est inexorable : le nombre de titulaires de la retraite du combattant va baisser de 4,3 % en 2012 ; celui des bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité, de 5,2 %. Des marges de manoeuvre seraient donc disponibles à leur profit.
Ce budget est aussi celui de la poursuite d'une importante réforme administrative. Et tout d'abord celle de la direction du service national et de la journée défense et citoyenneté, qui se traduit par une diminution de 16 millions d'euros de son budget. Je comprends les difficultés budgétaires auxquelles nous avons à faire face, mais fallait-il vraiment appliquer la RGPP à cette étape importante de l'apprentissage citoyen ? J'espère que la transmission de l'esprit de défense et des valeurs de la République ne s'en trouve pas compromise.
Le second volet de la réforme est celui de l'administration au service des anciens combattants. Les services départementaux de l'Onac sont devenus le guichet unique de traitement des demandes de titres et de prestations ; celles-ci sont ensuite examinées par différents services du ministère. C'est la conséquence de la disparition de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale et des directions interdépartementales des anciens combattants. Autant vous dire tout de suite que la transition n'a pas été un franc succès car la qualité du service rendu aux anciens combattants s'est dégradée. Des problèmes informatiques, liés à une application dénommée Kapta, ont considérablement ralenti la délivrance des cartes et de la retraite du combattant. En 2010, pour 18 000 demandes reçues au titre des Opex, seulement 420 ont été satisfaites. Un important stock s'est accumulé qui, selon le directeur de l'Onac, ne sera pas résorbé avant la mi-2012. Les missions de l'Onac ont été accrues sans que les moyens adéquats ne lui soient accordés, bien au contraire. De nombreux postes ont été supprimés et la formation des personnels à leurs nouvelles tâches doit être améliorée. J'espère que des mesures seront prises afin de pérenniser cet interlocuteur de proximité auquel tous les anciens combattants sont attachés.
Il faut surtout saluer le rôle majeur joué par l'Onac dans le cadre de l'action sociale qu'il mène auprès de ses ressortissants et des conjoints survivants en versant un secours d'urgence ou une aide pour difficultés financières. L'aide différentielle au conjoint survivant, créée en 2007, bénéficie aujourd'hui à 4 300 personnes et compense l'écart entre les ressources de son titulaire et un plafond prédéfini. Celui-ci est aujourd'hui de 834 euros ; il serait porté à 869 euros en 2012, ce qui reste insuffisant quand on sait que le seuil de pauvreté est fixé à 954 euros. Le coût actuel de cette mesure est de 5 millions et son montant mensuel moyen par allocataire s'élève à 104 euros. On pourrait mobiliser les moindres dépenses résultant de la baisse des effectifs des pensionnés pour améliorer le sort de tous les conjoints survivants.
Le problème se pose aussi pour les anciens combattants les plus démunis, pour lesquels aucun dispositif n'existe. L'année dernière, notre commission avait demandé au Gouvernement la remise d'un rapport évaluant l'intérêt de créer une telle aide différentielle en leur faveur. Or, celui-ci ne répond pas à la question posée et renvoie à des analyses complémentaires, comme c'est souvent le cas. Il reconnaît néanmoins l'intérêt qu'aurait une telle aide sociale, dont le coût serait élevé, selon le ministre, et qui poserait aussi des problèmes juridiques, concernant notamment son éventuelle attribution aux anciens combattants d'Afrique du Nord et des anciennes colonies. Laisser, dans cette attente, les cinq mille anciens combattants potentiellement éligibles vivre sous le seuil de pauvreté n'est pas un bel exemple de la reconnaissance de la Nation.
Il faut également mentionner le caractère pour l'instant inopérant du mécanisme d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français : dix-huit mois après le vote de la loi, seulement deux indemnisations ont été accordées, et cent vingt-sept ont été rejetées... Les critères sont manifestement trop stricts, et pourtant 10 millions d'euros sont dédiés à ce dispositif. J'espère que le décret qui doit assouplir les conditions d'indemnisation sera publié dans les plus brefs délais.
J'en viens aux initiatives prises pour promouvoir le souvenir des conflits du XXe siècle et à la satisfaction qu'elles m'inspirent. Des projets de rénovation des hauts lieux de mémoire sont en cours et près de 5 millions d'euros iront à l'entretien et à la rénovation des sépultures de guerre. Les archives militaires des deux conflits mondiaux et des guerres de décolonisation, notamment les registres de ceux tombés pour la France, sont progressivement mises sur internet. De nombreuses initiatives pédagogiques sont menées et des coopérations existent entre la défense et l'éducation nationale, qu'on peut encore amplifier.
L'intérêt nouveau porté au tourisme de mémoire met en lumière les avantages économiques qu'il y a, pour nos collectivités, à valoriser leur patrimoine mémoriel. Il en résulte un chiffre d'affaires annuel de 45 millions et des retombées indirectes, en matière de notoriété internationale par exemple, importantes.
En ce qui concerne le calendrier mémoriel, le Président de la République a annoncé, le 11 novembre dernier, la transformation de cette date en commémoration du premier conflit mondial et de tous les morts pour la France, notamment en Opex. Je suis, sur ce point, opposée à l'idée d'un memorial day à la française qui remplacerait toutes les autres cérémonies commémoratives car celles-ci sont le reflet de la richesse de notre histoire et la marque de notre respect et de la reconnaissance de la Nation pour les sacrifices des différentes générations du feu.
Une modification doit néanmoins être apportée à ce calendrier : c'est celle de l'hommage aux morts de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie. La date retenue, le 5 décembre, n'a aucune signification historique. C'est intolérable pour ceux qui ont vécu ces combats. Seul le 19 mars, date du cessez-le-feu de 1962, a la portée symbolique nécessaire pour incarner le souvenir de ceux qui ne sont pas revenus et les souffrances engendrées par cette guerre. Pour marquer, en 2012, le cinquantième anniversaire de cet événement, il est indispensable que les autorités civiles soient représentées au plus haut niveau et ce de manière officielle lors des différentes manifestations.
J'aimerais, pour finir, revenir sur les questions spécifiques à mon département, la Moselle, et que j'ai exposées au ministre lors de son audition. La situation particulièrement dramatique que l'Alsace-Moselle a vécue durant la Seconde Guerre mondiale, les conséquences terribles de son annexion, sont encore trop méconnues de nos compatriotes. La réparation de ce drame n'est pas complète et il reste largement inconnu des manuels scolaires.
Après des années d'obstination, les RAD-KHD ont fini par recevoir une indemnisation ; ils n'étaient alors plus très nombreux. Doit-on penser que le même attentisme s'applique aux incorporés de force dans l'armée allemande détenus par les soviétiques à l'Ouest de la ligne Curzon ? Les conditions de détention y étaient bien sûr les mêmes que sur le territoire officiel de l'URSS. Ce n'était assurément pas un camp de vacances ! L'étude promise sur le sujet se fait attendre et je remercie Muguette Dini de m'avoir soutenue lors de mon échange sur le sujet avec le ministre. J'espère que, grâce à la ténacité de notre commission, cette injustice sera bientôt réparée.
Vous l'avez constaté, mon regard sur ce budget est plutôt critique : il y a des avancées en trompe l'oeil, certaines politiques ont été menées à bien, mais trop de problèmes ne sont pas encore réglés. C'est pourquoi je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.
Pour finir, trois articles sont rattachés à cette mission.
L'article 49 augmente de quatre points la retraite du combattant au 1er juillet 2012. C'est un progrès indéniable, certes, mais qui ne sera pleinement traduit qu'en 2013. Son coût estimé pour 2012 est de 18,5 millions d'euros, puis de 74 millions en année pleine. Cette revalorisation est attendue depuis trop longtemps par le monde combattant pour qu'on s'y oppose pour des raisons comptables. C'est pourquoi je vous invite à donner un avis favorable à son adoption.
L'article 49 bis résulte d'un amendement gouvernemental à l'Assemblée nationale qui améliore la pension de réversion allouée aux conjoints survivants des grands invalides. Je vous invite à y donner un avis favorable car c'est une expression de la solidarité nationale.
Enfin, l'article 49 ter demande au Gouvernement la remise d'un rapport, avant le 1er juin 2012, sur les conditions d'attribution de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord. Le régime actuel est bien trop restrictif, ne serait-ce que parce qu'il ne porte que sur les pensions liquidées après 1999. J'en veux pour preuve que la campagne double n'a été attribuée qu'à trois personnes sur six cent cinq demandes reçues. Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption de cet article, même si ce rapport ne nous apprendra rien que nous ne sachions déjà.
Le même type de restriction s'applique à l'attribution de la carte du combattant à ceux qui ont servi quatre mois en Algérie à cheval sur la date du 2 juillet 1962. Le ministre Hubert Falco s'y était engagé et on l'attend toujours. Ce ne serait pourtant que justice car de nombreux affrontements ont eu lieu après cette date. Tout cela témoigne du peu de cas que fait le Gouvernement de ces anciens combattants dont la simple demande est la reconnaissance de leurs droits légitimes.
Mme Catherine Génisson. - Je partage tout à fait le point de vue de notre rapporteure. C'est bien un budget irrespectueux des anciens combattants qui nous est proposé. La revalorisation de quatre points de la retraite du combattant est bien sûr appréciable, mais il est inadmissible qu'elle ne prenne vraiment effet qu'au début de l'année 2013. Le Gouvernement s'est fait une habitude de consentir de nouveaux droits mais d'en reporter à plus tard l'application.
Les retards d'attribution de la carte du combattant sont inacceptables. Il faut faire en sorte que les services de l'Onac puissent remplir leur mission. Nous voyons là les effets délétères de la RGPP.
Il faut saluer le point positif que constitue la promotion du souvenir des conflits. Originaire d'un territoire où nous sommes encore confrontés à leurs conséquences, je me réjouis de la signature d'une convention entre l'Etat et la région Nord-Pas-de-Calais pour la valorisation de la nécropole de Notre-Dame-de-Lorette. Je vous rappelle que 40 000 soldats y sont enterrés et que plusieurs centaines de milliers d'entre eux sont morts sur les crêtes de l'Artois.
Le 19 mars doit être une date reconnue à la hauteur de son importance historique. Tous les combats n'ont pas cessé avec la signature des accords d'Evian, néanmoins c'est une date symbolique et légitime alors que le 5 décembre ne représente qu'un trou dans le calendrier du Président de la République de l'époque pour l'inauguration du mémorial de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie.
M. Marc Laménie. - J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le rapport qui vient d'être fait mais je suis en désaccord avec celui-ci sur plusieurs points. Certes, avec un budget de 3,17 milliards d'euros, la mission connait une baisse de 4,3 %. Cela s'explique par l'évolution démographique des anciens combattants : il y en a malheureusement de moins en moins. Or, des progrès sont réalisés par rapport aux années antérieures en faveur des anciens combattants.
Je voudrais souligner que c'est aussi grâce aux bénévoles des associations que l'on fait perdurer le devoir de mémoire. Il n'y a pas que l'Etat qui agit. Des communes et des conseils généraux s'impliquent aussi activement ; leurs moyens ne sont évidemment pas comparables, mais leur action est très importante.
Vous avez parlé de l'entretien et de la restauration des sépultures militaires. Dans ce domaine, il faut bien sûr citer le Souvenir français : ses sections locales et départementales ont un rôle très important en la matière, peut être grâce au soutien de l'Etat mais surtout grâce à celui des collectivités territoriales et au bénévolat. Les collectivités sont également très impliquées dans la préservation des sites de mémoire. C'est un travail collectif, une coopération à tous les niveaux de l'organisation administrative.
Je crois qu'il y a encore beaucoup de travail à faire au niveau de l'éducation nationale pour mieux associer les jeunes au devoir de mémoire. De nombreuses initiatives ont déjà été prises mais elles sont insuffisantes. Cela passe notamment par la formation des professeurs des écoles.
Pour conclure, je tiens à dire que je soutiens le budget tel que présenté par le Gouvernement, je ne suivrai donc pas l'avis de la rapporteure.
M. Jean-Louis Lorrain. - Je tiens à exprimer mon désaccord avec les commentaires de la rapporteure, et même une certaine déception. Je trouve qu'il faut faire attention aux termes utilisés. Associer tourisme et mémoire me semble pour le moins hasardeux. Il ne faut pas appliquer la notion de tourisme, son caractère ludique, à des lieux particuliers, chargés d'histoire, sacralisés. Je trouve cette marchandisation choquante.
Les mots du rapport ne sont pas les bons. Il ne faut pas banaliser la souffrance de ceux qui ont été détenus de part et d'autre de la ligne Curzon. Je suis, comme de nombreux alsaciens et mosellans, le descendant d'un de ces hommes. Mon oncle, détenu sous l'uniforme allemand par les soviétiques, est mort dans un de ces camps. Il faut faire attention au langage pour ne pas blesser des sensibilités encore vives.
Il faut savoir que les départements travaillent avec l'Onac afin de faire en sorte que les anciens combattants qui connaissent des difficultés sociales importantes puissent être pris en charge. L'approche par le seuil de pauvreté ne tient pas compte de ces initiatives. Il existe aussi des sociétés d'entraide, comme celle de la Légion d'honneur, qui mènent des actions de fond pour venir en aide à ces personnes. Il faut tempérer vos propos.
Je remarque avec satisfaction que vous donnez un avis favorable aux articles rattachés. Tout n'est donc peut être pas aussi mauvais que vous semblez le croire. Néanmoins je ne pourrai pas suivre les recommandations de la rapporteure et voter ce rapport.
Mme Gisèle Printz, rapporteure pour avis. - Vous savez très bien que je n'ai pas inventé l'expression de « tourisme du mémoire ». Elle fait partie du langage courant et est reprise par le Gouvernement et le ministère de la défense.
M. Jean-Louis Lorrain. - C'est une réalité économique, j'en conviens, mais derrière tout cela il y a une marchandisation qui me déplait. Il ne faut pas que l'aspect commercial prenne le dessus, comme à Lourdes ou à Paris. Nos lieux de mémoire ne doivent pas devenir des magasins de souvenirs.
Mme Annie David, présidente. - J'ai été moi-même un peu choquée lorsque le ministre, durant son audition par notre commission, a parlé de tourisme de mémoire mais c'est en effet l'expression consacrée.
Mme Gisèle Printz, rapporteure pour avis. - Je n'ai pas voulu modifier les termes qu'il a lui-même employés.
Quant aux associations, il est évident qu'elles sont indispensables à l'entretien de la mémoire mais elles ne dépendent pas du Gouvernement. Elles ont même encore plus de mérite car les subventions qui leur sont accordées sont en baisse et parfois même ne sont pas renouvelées. N'oublions pas de les mettre à l'honneur.
M. Marc Laménie. - Je suis tout à fait d'accord.
Mme Catherine Génisson. - Le terme de tourisme de mémoire est peut être inapproprié mais ce qui importe c'est d'accueillir avec respect et dignité les 600 000 visiteurs qui se rendent chaque année à Notre-Dame-de-Lorette et à Vimy. C'est dans ces conditions que parler de tourisme a du sens. Il faut pouvoir honorer ceux qui sont morts pour la liberté et la paix.
M. Ronan Kerdraon. - Ce budget est l'occasion de faire un bilan du quinquennat qui s'achève en ce qui concerne les anciens combattants. Deux mots le résument bien : amertume et déception.
Les anciens combattants subissent une double peine. Ils sont, en tant que contribuables, soumis aux efforts imposés pour réduire les déficits et lutter contre la crise. Cela vient se cumuler avec les sacrifices qu'ils ont déjà consentis lorsqu'ils ont servi la France. Ce n'est pas acceptable.
Ces cinq dernières années ont été marquées par une absence de lisibilité, à court comme à moyen terme. Il n'y a pas eu de continuité dans l'interlocuteur réservé au monde combattant. Il faut donc se réjouir d'avoir, depuis quelques mois déjà, un secrétariat d'Etat dédié.
Nous sommes tous satisfaits du passage de la retraite du combattant à quarante-huit points. Une revendication emblématique du monde combattant est enfin entendue. Mais pourquoi ces quatre points aujourd'hui et pas une revalorisation plus graduelle ? Les échéances électorales de 2012 n'y sont sans doute pas pour rien. C'est un bénéfice électoral qui est recherché. L'augmentation prenant effet au 1er juillet, c'est donc le successeur du Gouvernement actuel qui devra en assurer le financement, or je rappelle que l'année commence bien le 1er janvier.
La campagne double pour les anciens combattants d'Afrique du Nord a été mise en oeuvre par le décret du 29 juillet 2010 sur injonction du Conseil d'Etat et sous menace d'astreinte. Ce n'est pas glorieux. Ce qui l'est encore moins c'est que le Gouvernement a vidé cette mesure de toute substance. Tous les pensionnés qui ont liquidé leur retraite avant le 19 octobre 1999 en sont exclus. Sur six cent cinq demandes, seules trois ont été jugées éligibles, avez-vous indiqué. On est dans l'effet d'annonce. Je suis d'avis qu'il faut étendre le bénéfice de la campagne double à tous les anciens fonctionnaires engagés en Algérie, au Maroc ou en Tunisie entre le 1er janvier 1952 et le 2 novembre 1962, à condition qu'ils soient titulaires de la carte du combattant. Une proposition de loi déposée récemment à l'Assemblée nationale prévoit cette mesure.
Je partage la volonté de la rapporteure d'augmenter l'aide différentielle. Il faut la porter au niveau du seuil de pauvreté français. Cela ne représente pas un effort financier incommensurable mais c'est surtout une forme de reconnaissance.
Sur le volet civisme et mémoire, je tiens à marquer mon opposition au projet de faire du 11 novembre une journée nationale du souvenir, une sorte de memorial day à la française. Le professeur d'histoire et géographie que j'étais il y a encore quelques mois y est opposé, et le parlementaire que je suis désormais l'est encore plus. On confond les guerres de conscription et les guerres professionnelles : ce n'est pas la même chose. On perd aussi le sens de chacune des dates. Il est impératif que les jeunes générations connaissent l'origine de ces guerres, de leur déroulement et de leurs conséquences. C'est pourquoi je suis très favorable à l'instauration d'une journée de la Résistance. Elle pourrait avoir lieu le 27 mai, date symbolique à laquelle, en 1943, Jean Moulin a réalisé l'unification des mouvements de résistance au sein du Conseil national de la Résistance.
La date du 19 mars s'impose avec la même évidence. La majorité du monde combattant la réclame. Le 5 décembre n'est que le résultat de l'encombrement du calendrier présidentiel et a été officialisé par un cavalier législatif. Ce jour ne correspond à rien.
M. René Teulade. - J'approuve entièrement le rapport qui vient de nous être présenté. Je fais partie de cette espèce en voie de disparition que sont les anciens combattants. J'ai vécu la Résistance dans mon département, avec mes frères. J'étais jeune mais je m'occupais de leur ravitaillement. Comme tant d'autres, j'ai été rappelé en Algérie. Après dix-huit mois de service militaire, j'ai vécu ce drame. Je pense à mes deux camarades qui, avec moi lors d'un certain nombre de combats, y ont laissé la vie.
Le devoir de mémoire passe par les jeunes générations. Il doit leur être présenté sans passion, avec objectivité. J'ai été sollicité pour aller raconter mon expérience à des collégiens. J'ai toujours été frappé par la capacité d'écoute de ces jeunes lorsqu'on parle de cette période qui est absente de leur programme d'histoire.
C'est aussi un problème de solidarité que la rapporteure a parfaitement exposé. Enfin, je vous exhorte à ne pas américaniser les célébrations mémorielles. On ne peut pas comparer nos anciens, tombés en 14-18, avec ceux qui ont laissé leur vie dans d'autres combats. Nous sommes des pacifistes, la guerre ne se justifie pas. Il n'en reste pas moins que la mémoire est indispensable. C'est une question d'éducation. Il faut être fidèle à ceux qui nous ont permis de rester les hommes libres que nous sommes aujourd'hui.
M. Alain Milon. - Je salue le travail de notre rapporteure mais je ne voterai pas son rapport. Je suis néanmoins d'accord avec elle sur deux points. Le premier est celui des retards pris dans la délivrance de la carte du combattant. Il faut le souligner et faire en sorte que la situation soit corrigée rapidement. Le second est celui de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Le dispositif mis en place est de toute évidence inopérant.
Je trouve le reste de son propos partisan. Vous dites que la revalorisation de la retraite du combattant est tardive. Dans ce cas, il fallait le faire à l'époque où les anciens combattants constituaient encore une part importante de la population, c'est-à-dire en 1992 ou encore en 2002. Pourquoi ne pas l'avoir fait lorsque vous étiez au pouvoir ? Ce qu'il faut retenir du budget 2012, c'est que la retraite du combattant est augmentée de quatre points, ce qui n'avait pas été fait auparavant. Il en va de même pour les « malgré-nous ». Leur reconnaissance est peut être tardive, mais au moins elle est réelle. Vous avez eu l'occasion de le faire mais vous ne l'avez pas fait.
Je regrette que vous relanciez la guerre du 19 mars, alors que j'avais le sentiment que les désaccords sur ce point s'étaient apaisés. Comme vous, j'assiste aux assemblées générales de la fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (Fnaca) et de la fédération des combattants d'Algérie, Tunisie, Maroc (CATM) et j'ai pu constater que cette question n'est plus aussi contentieuse qu'elle a pu l'être. Chaque camp admet progressivement à la fois le 19 mars et le 5 décembre. Je dépose des gerbes à ces deux dates et les deux associations sont à chaque fois représentées. Il est donc inutile de ressusciter une controverse.
Enfin, je tiens à marquer mon accord avec le Président de la République. Il faut une date unique, le 11 novembre, pour honorer la mémoire de tous les morts pour la France.
M. René-Paul Savary. - Je suis déçu par le rapport qui vient de nous être présenté. Il faut faire preuve de plus d'humilité et être moins critique quand on traite du sujet des anciens combattants.
Vous passez sous silence un certain nombre d'avancées, notamment l'augmentation du point de pension ; la retraite du combattant a été augmentée ; le plafond de la retraite mutualiste du combattant a été porté à 125 points ; les pensions des anciens combattants étrangers ont été décristallisées ; les conjoints survivants bénéficient désormais d'une allocation différentielle ; il y a plus d'égalité avec l'attribution, depuis 2010, de la carte du combattant aux anciens des Opex ; la situation de la campagne double a évolué, certes de manière insuffisante ; les victimes bénéficient également d'une meilleure reconnaissance, je suis déçu de voir qu'on ne parle pas suffisamment d'elles.
Vous ne parlez pas non plus des associations patriotiques, ni du rôle des collectivités territoriales. Il est capital sur le terrain pour assurer le devoir de mémoire. C'est ce qui devrait nous rassembler, pas nous diviser.
Je viens d'apprendre qu'il y avait des morts professionnels et des morts amateurs. Je pense que cette approche n'est pas la bonne : comment voulez-vous expliquer cette distinction aux militaires ou aux pompiers ? Comment le prendraient-ils ? Ce n'est pas une de leurs préoccupations.
Ce budget pourrait bien sûr être plus ambitieux, mais nous traversons une période difficile. Il contient des avancées significatives qui ne sont pas suffisamment soulignées. Votre démarche politique est illustrée par l'avis favorable que vous donnez à l'adoption des articles. Vous ne voulez pas vous mettre à dos les anciens combattants malgré vos critiques ! Je ne voterai donc pas ce rapport qui présente bien plus de points négatifs que de points positifs.
Mme Claire-Lise Campion. - Je remercie la rapporteure pour son rapport car je partage son diagnostic et les sources d'insatisfaction qu'il souligne. La baisse continue du budget est intolérable, pas seulement celle qui porte sur l'année 2012, comme l'est la ponction de 14 millions d'euros supplémentaires réalisée à l'Assemblée nationale.
René-Paul Savary vient de dire que ce budget aurait pu être plus ambitieux. Il devrait effectivement l'être. Notre rapporteure a eu raison de souligner que ce budget n'est pas acceptable, pas plus d'ailleurs que ne l'était celui de 2011. Il devrait être plus conforme aux attentes légitimes des anciens combattants et symboliser la reconnaissance de notre Nation. Je pense, et c'est là mon avis personnel, que le budget des anciens combattants devrait plutôt être sanctuarisé, année après année.
M. Jean-Noël Cardoux. - Je suis du même avis que les collègues de mon groupe sur les questions budgétaires. Tout budget a des lacunes, mais il faut se contenter des avancées appréciables qu'il propose.
Je voudrais revenir sur la question du jour unique de commémoration pour dire combien j'ai apprécié la proposition du Président de la République. Il ne propose pas un memorial day. Le procès en « américanisation » auquel il est soumis est infondé. Ce sont les médias qui ont détourné ses propos à travers les comparaisons qu'ils ont faites.
Il n'y a pas trente-six catégories de morts pour la France. Ceux qui sont tombés dans un conflit armé, sur le sol de la patrie ou sur un territoire extérieur, doivent être honorés sans différenciation. Nos jeunes générations, dans leur grande majorité, ne savent pas à quoi correspond le 11 novembre. C'est pour eux uniquement un jour férié supplémentaire. Les enseignants, les parents, les municipalités à travers les conseils municipaux d'enfants doivent le leur expliquer. A l'origine, l'objectif de cette commémoration était l'exercice du devoir de mémoire de chacun au monument aux morts. Malheureusement, la multiplication des manifestations patriotiques a eu pour conséquence une baisse de leur fréquentation. Il faut corriger cette situation. Enfin, une telle journée de commémoration sera un élément d'unité de la Nation et de réconciliation, et ce quels que soient les conflits dans lesquels nos compatriotes ont laissé la vie. Le problème épineux du 19 mars et du 5 décembre qui a été évoqué est effectivement en voie de résolution. Malheureusement, les seules personnes encore à même de préparer ces cérémonies sont les anciens combattants de la guerre d'Algérie. Ceux de la Seconde Guerre mondiale sont en voie de disparition. Ce jour unique de commémoration seraient donc de nature à fédérer toutes les mémoires et à agir comme un ciment de l'unité nationale. La date du 11 novembre s'impose d'elle-même : en tant qu'élu local, je peux vous assurer que c'est la manifestation patriotique la plus fréquentée dans l'année.
Mme Annie David, présidente. - Cette année, dans ma commune, j'ai constaté que la commémoration du 11 novembre avait attiré plus de monde que d'habitude. Le devoir de mémoire est peut être mieux intériorisé par nos concitoyens.
M. Dominique Watrin. - Nous abordons aujourd'hui un sujet sensible mais il est important que toutes les opinions puissent s'exprimer. Le terme de tourisme de mémoire n'est pas le plus approprié, celui de valorisation des sites de mémoire le serait déjà plus. Cette expression traduit à la fois la nécessité de l'entretien, de la mise en valeur de ces sites mais aussi de leur promotion éducative.
Je ne suis pas aussi optimise que certains de mes collègues sur les avancées de ce budget. Des marges de manoeuvre existent pour aller plus loin et plus vite sur la retraite du combattant et l'aide différentielle. Il faut tendre vers un budget constant. Les 143 millions d'euros d'économies ne se justifient pas. Même si les gouvernements précédents n'ont pas été exemplaires, on peut craindre que le Gouvernement actuel joue la montre en misant sur l'extinction naturelle des derniers anciens combattants pour ne pas porter les prestations à un niveau acceptable.
Le 19 mars est légitime par rapport à l'histoire, mais qui plus est le flou historique qui a suivi la consécration du 5 décembre a ouvert la porte à des nostalgiques de l'OAS qui cherchent à réécrire l'histoire. Il est nécessaire de réexpliquer l'histoire de la guerre de l'Algérie ; le 19 mars y contribue.
Personne ne remet en cause le fait que toutes les victimes de tous les conflits, quels qu'ils soient, soient dignes de respect et de reconnaissance. Il y a néanmoins une légère distinction à opérer entre les conflits extérieurs à notre territoire et ceux, très meurtriers, qui se sont déroulés sur notre sol. Pour certains conflits, nous n'avons pas le recul historique nécessaire à l'évaluation de la pertinence de certains engagements. Il ne faut pas tout mélanger : l'éducation à l'histoire et à la mémoire de nos jeunes en pâtirait.
Mme Patricia Schillinger. - Elue, comme notre rapporteure, de l'Est de la France, je suis chaque semaine sollicitée par les associations d'anciens combattants. La problématique que nous abordons aujourd'hui est encore bien réelle pour une population nombreuse.
Les revendications sont multiples, et la solution à y apporter souvent complexe. Des efforts devraient donc être entrepris pour assurer un budget constant et ne pas avoir à revenir en arrière sur les droits des anciens combattants.
Je me félicite de l'existence du tourisme de mémoire. Cela permet à tous, jeunes et moins jeunes, de regarder l'histoire de plus près. Comme Jean-Louis Lorrain le sait, nous sommes en Alsace particulièrement bien dotés en la matière. Je ne prendrai comme exemples que le mémorial de Schirmeck, le Struthof ou encore le Hartmannswillerkopf. Ce tourisme doit exister car sans lui, comment préserver cette mémoire ? Je ne le trouve pas choquant.
La mise en place, par le Gouvernement actuel, d'une journée de solidarité a eu des effets pervers. Beaucoup de communes, dont la mienne, ont choisi de la fixer le 11 novembre, et donc la mairie est ouverte. J'habite une région frontalière où beaucoup de monde travaille en Suisse, il est nécessaire de maintenir l'activité ce jour-là. Il nous serait difficile de commémorer tous les morts pour la France ce jour-là. Depuis longtemps déjà, les cérémonies du 11 novembre sont organisées dans ma commune soit le dimanche qui le précède, soit celui qui lui succède. Ce n'est pas possible de le faire en semaine et l'organisation en devient de plus en plus complexe. Traditionnellement, une messe est organisée. Avec le manque de prêtres, nous sommes soumis à la disponibilité limitée de ceux qui sont en exercice. La France est un pays laïc mais tels sont les aléas du droit local dont nous sommes fiers.
M. Gérard Roche. - Je tiens à intervenir sur trois points en particulier. Nouvel élu au Sénat, je suis convaincu que nous sommes tous, dans cette commission, des républicains et des patriotes dans le sens le plus noble du terme. Je suis donc choqué que des suspicions politiciennes soient apparues durant nos débats. Sous-entendre que les propos de notre rapporteure sont critiques à cause des échéances électorales de 2012 ou que la revalorisation de la retraite du combattant intervient maintenant pour la même raison me dérange. En tant qu'homme du centre, je pense qu'il faut plus de dignité sur un tel sujet.
La distinction entre soldats de conscription et soldats professionnels va justement dans le sens d'une journée unique de commémoration. Les faits historiques que nous évoquons sont encore récents, même la Première Guerre mondiale l'est pour quelqu'un comme moi. L'histoire jugera ces événements avec un recul dont nous ne disposons pas. Toutes les guerres ne seront pas mises sur le même pied, mais les victimes n'ont pas choisi leur guerre. Il se peut qu'à l'avenir on distingue des bons et des mauvais anciens combattants. C'est pour cette raison qu'une journée unique se justifie : toutes les victimes ont le droit au même respect. Il ne faut pas que l'histoire les juge différemment selon le conflit auquel elles ont pris part.
Enfin, je trouve que le rapport n'insiste pas suffisamment sur ce que je considère comme un véritable scandale : l'indemnisation des victimes des essais nucléaires. Dans ma carrière de médecin, j'ai assisté à l'amputation de patients atteints de dermatoses, de cancers cutanés qui se sont déclarés plus de vingt ans après l'irradiation. L'imputabilité n'est jamais reconnue et ne pourra jamais l'être. C'est intolérable et le droit à réparation de ces victimes doit être mieux reconnu.
Mme Muguette Dini. - Ce budget, bien que notre rapporteure le critique, présente des avancées significatives. Il est déraisonnable de demander son maintien à un niveau constant alors que le nombre d'anciens combattants diminue inexorablement. Ce n'est pas raisonnable.
Ma génération a connu la guerre d'Algérie et les jeunes hommes qui sont partis y combattre. Le 19 mars a marqué un soulagement intense aussi bien pour les appelés que pour leurs familles. Cette guerre pesait sur notre société, l'entrée dans la vie active des hommes était mise entre parenthèses pour un an au moins, mais souvent pour une durée plus longue. Il est vrai qu'il y a eu de nombreuses victimes après cette date, mais il me semble surtout qu'il y a un manque de respect envers les Harkis qui ont été victimes d'exactions terribles. Il n'est pas correct, envers eux, de choisir cette date pour commémorer le conflit. Je comprends que nos compatriotes originaires d'Algérie qui se sont battus pour la France s'y opposent. Mon avis sur le 19 mars et le 5 décembre est partagé, ce qui ne m'empêche pas de me rendre aux deux manifestations.
J'ai donné mon avis sur la question de la ligne Curzon lors de l'audition du ministre. Cette histoire est ahurissante. Il faut faire très attention lorsqu'on parle des camps.
Enfin, il reste encore un cas qui suscite mon indignation et sur lequel je compte me pencher sérieusement. C'est celui des compagnes rapatriés d'Indochine avec des enfants qui ont reçu le même traitement que celui subi par les Harkis après 1962. Elles vivent encore aujourd'hui dans des conditions qui ne sont pas dignes de la reconnaissance qui leur est due.
Mme Isabelle Pasquet. - Contrairement à Alain Milon, je ne pense pas que sur la question du 19 mars les choses se soient apaisées. J'en veux pour preuve le sort réservé à Frédéric Dutoit, ancien député des Bouches-du-Rhône, assigné en référé pour un discours prononcé en 2007 lors de l'inauguration d'un jardin du 19 mars 1962. Il a été poursuivi en justice après l'avoir mis sur son blog en 2010. Lors du jugement rendu en 2011, le plaignant a bien évidemment été débouté, mais ça démontre que la controverse est loin d'être close. J'étais présente à l'audience et j'ai été choqué par le spectacle auquel j'ai assisté. Des militants de l'UNC nous attendaient et criaient « Algérie française ! ». C'était en janvier 2011, pas dans un passé lointain. Il convient donc d'être vigilant face à leurs attaques : traiter Frédéric Dutoit de révisionniste ou de négationniste n'est pas acceptable. Il faut faire attention aux dérives de ce mouvement.
Mme Gisèle Printz, rapporteure pour avis. - Je remercie mes collègues pour leur soutien. Mon rapport fait le bilan du quinquennat passé, pas des vingt dernières années. De plus, j'avais à me prononcer sur le budget de l'Etat. Le travail des bénévoles, que je salue, n'y est pas lié. Sans le Souvenir français et tant d'autres associations, il est évident que de nombreuses initiatives ne pourraient être menées à bien.
Si le Gouvernement n'avait pas soustrait plus de 25 millions d'euros au budget initial lors des débats à l'Assemblée nationale, de nombreuses avancées en faveur des anciens combattants auraient pu être financées.
Je vous rappelle également que le 25 septembre est la journée nationale d'hommage aux Harkis et autres membres des formations supplétives. C'est l'occasion pour la Nation d'exprimer sa reconnaissance à leur encontre. J'ai conscience du fait que la question du 19 mars est encore brûlante. Il faut être très prudent sur le sujet.
Enfin, Patricia Schillinger a eu raison de parler des problèmes liés à la fixation de la journée de solidarité le 11 novembre. Le fait que les magasins soient ouverts ce jour-là a été mal accepté en Moselle.
Suivant sa rapporteure, la commission donne un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et un avis favorable à l'adoption des articles 49, 49 bis et 49 ter rattachés.
Loi de finances pour 2012 - Mission Travail et emploi - Examen du rapport pour avis
La commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Claude Jeannerot, sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Travail et emploi » et les articles 62 à 63 quater rattachés).
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. - Comme vous le savez, l'examen du projet de loi de finances intervient dans un contexte de crise économique et financière qui a conduit le Gouvernement à ramener sa prévision de croissance pour 2012 de 1,75 % à 1 %.
Ce ralentissement marqué de la croissance aura nécessairement des conséquences négatives sur l'emploi. D'ores et déjà, nous pouvons constater que le chômage est reparti à la hausse depuis le mois d'avril. En 2012, il est vraisemblable que le nombre de demandeurs d'emploi continuera à augmenter, une croissance de seulement 1 % étant insuffisante pour espérer une baisse du chômage.
Une telle dégradation appelle de la part de l'Etat une action volontariste pour limiter l'impact de la crise sur l'emploi et protéger les plus fragiles. Or c'est tout le contraire qui nous est proposé dans ce projet de budget : les crédits de la mission « Travail et emploi » s'inscrivent en baisse de 12 % par rapport à l'an dernier. De surcroît, le Gouvernement a fait adopter à l'Assemblée nationale deux amendements qui ont encore diminué de 85 millions les crédits de la mission, afin que celle-ci contribue à l'effort supplémentaire de réduction des dépenses décidé lorsque la prévision de croissance a été révisée.
Le Gouvernement essaie de minimiser l'ampleur de cette baisse : elle s'expliquerait par l'arrivée à échéance de mesures qui avaient été décidées dans le cadre du Plan de relance, par l'extinction progressive de dispositifs de préretraite et par l'effet de mesures d'économies votées l'an dernier, je pense notamment à la suppression de mesures d'exonérations de cotisations sociales.
La réalité est malheureusement moins rassurante. Ce projet de budget arrive à contretemps : il a été conçu à un moment où le Gouvernement tablait sur une reprise économique et se révèle inadapté à la situation que nous connaissons aujourd'hui.
Le Gouvernement a fait le choix, pour élaborer le projet de budget du travail et de l'emploi, de maintenir inchangées, en euros courants, la plupart des dotations votées en 2010 et en 2011. Ce choix appelle de ma part deux remarques :
- d'abord, il va de soi que la reconduction des crédits en euros courants équivaut à une légère baisse des dotations en euros constants, compte tenu de l'inflation ;
- ensuite, cette décision de maintenir les crédits empêche le Gouvernement d'adapter l'effort de l'Etat à l'évolution des besoins.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple de la dotation de l'Etat à Pôle emploi. Depuis 2009, c'est-à-dire depuis la création de l'opérateur, la dotation de l'Etat a toujours été fixée à 1,36 milliard d'euros et elle resterait à ce niveau en 2012. Elle a donc, en réalité, légèrement baissé en valeur, du fait de la hausse des prix. Surtout, elle n'a pas été réévaluée pour tenir compte de l'augmentation du chômage de 30 % constatée depuis trois ans. Les agents de Pôle emploi doivent donc faire face à une charge de travail qui a considérablement augmenté, sans moyens supplémentaires. Il n'est guère surprenant, dans ces conditions, que les demandeurs d'emploi se plaignent d'un accompagnement insuffisant et que les agents expriment un réel malaise, dont le mouvement social de lundi n'est qu'un symptôme supplémentaire.
Une revalorisation des moyens du service public de l'emploi s'impose à l'évidence. Une telle dépense est, à mes yeux, un investissement, d'une part, parce qu'elle permet de réaliser des économies sur l'indemnisation des demandeurs d'emploi, d'autre part, parce qu'elle contribue à la sauvegarde de notre cohésion sociale et facilite les recrutements des entreprises.
Le Gouvernement négocie actuellement avec l'Unedic et Pôle emploi une nouvelle convention tripartite qui va fixer la « feuille de route » de l'opérateur. Les orientations envisagées rejoignent les préconisations formulées par la mission d'information sénatoriale que j'ai eu l'honneur de présider : plus grande personnalisation du service rendu aux demandeurs d'emploi en renforçant d'abord l'accompagnement de ceux qui en ont le plus besoin, redéploiement de moyens aujourd'hui affectés à des fonctions support, déconcentration de l'établissement pour favoriser son ancrage dans les territoires, définition de nouveaux indicateurs de résultats pour un meilleur pilotage de l'action de Pôle emploi.
Si la plupart des dotations restent inchangées par rapport à l'an dernier, quelques-unes s'inscrivent néanmoins en baisse sensible, à tel point que l'on peut craindre que plusieurs dispositifs se révèlent sérieusement sous-financés l'an prochain. Je prendrai là encore quelques exemples :
- la dotation pour les maisons de l'emploi est réduite de 30 millions d'euros, soit une baisse de 38 % par rapport à 2011 ; un amendement voté à l'Assemblée nationale a certes ramené cette baisse à seulement 15 millions mais la diminution de crédits demeure sensible ;
- la dotation de l'Etat au fonds de solidarité passe de 1,6 milliard à seulement 906 millions d'euros ; je rappelle que ce fonds finance plusieurs allocations versées aux demandeurs d'emploi en fin de droits, notamment l'allocation spécifique de solidarité (ASS) ; cette dotation risque de se révéler rapidement insuffisante, d'autant plus que le fonds devra prendre à sa charge, à partir de l'an prochain, la nouvelle allocation transitoire de solidarité (ATS), créée dans le cadre de la réforme des retraites de 2010 ;
- l'insuffisance des crédits alloués au financement de l'activité partielle, autrefois dénommée « chômage partiel », est également préoccupante : la dotation inscrite dans le projet de loi de finances est ramenée à 30 millions en 2012, après 40 millions l'an dernier ;
- enfin, le nombre d'entrées en contrats aidés devrait diminuer fortement l'an prochain : en 2011, environ 420 000 contrats d'accompagnement vers l'emploi (CAE) devraient être signés dans le secteur non-marchand, ainsi que 60 000 contrats initiative emploi (CIE) dans le secteur marchand ; le projet de budget ne permettrait plus de financer que 340 000 entrées en CAE et 50 000 entrées en CIE en 2012, ce qui ne me paraît pas à la hauteur des besoins.
Je tiens à souligner également la forte baisse des crédits alloués aux mesures d'âge, qui sont maintenant en voie d'extinction. Le dernier dispositif de préretraite publique encore ouvert, l'allocation spéciale du fonds national de l'emploi (ASFNE), a été supprimé par l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement. Les crédits prévus pour financer les préretraites ne seront plus que de 79,5 millions d'euros l'an prochain, alors qu'ils atteignaient encore 122 millions en 2011.
J'ajoute que l'allocation équivalent retraite (AER), qui avait été rétablie à titre provisoire, en 2009 et 2010, pour faire face à la crise, a été supprimée à compter du 1er janvier 2011. Elle n'est que partiellement remplacée par l'ATS puisque cette nouvelle allocation ne peut être versée qu'à des demandeurs d'emploi nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1953 et qui étaient indemnisés par l'assurance chômage à la date du 10 novembre 2010.
Autrement dit, les salariés âgés qui perdent leur emploi et qui ont, nous le savons tous, beaucoup de difficultés à retrouver un poste de travail, n'auront bientôt plus accès à un dispositif de préretraite quel qu'il soit. Ils devront se contenter des minima sociaux, une fois que leurs droits à l'assurance chômage auront été épuisés, en attendant d'atteindre l'âge de la retraite, porté à soixante-deux ans à partir de 2017, et ce même s'ils ont suffisamment cotisé pour avoir droit à une retraite à taux plein. A l'évidence, cette situation n'est pas satisfaisante et devra être revue dans le cadre d'une réforme plus équitable des retraites.
En matière de formation, je ne peux que regretter l'absence de traduction budgétaire des objectifs volontaristes affichés par le Gouvernement. Je rappelle que le Président de la République a souhaité, le 1er mars 2011, que 800 000 jeunes soient formés par la voie de l'alternance en 2015, ce qui suppose d'augmenter le nombre d'alternants d'un tiers en quatre ans.
Pourtant, en 2012, le montant des exonérations de cotisations compensées à la sécurité sociale au titre des contrats d'apprentissage devrait atteindre 1,33 milliard d'euros, soit un montant très voisin de celui prévu en 2011, et 17,4 millions au titre des contrats de professionnalisation, en légère baisse par rapport à l'an dernier.
Par ailleurs, la dotation générale de décentralisation versée par l'Etat aux régions au titre des compétences transférées en matière de formation professionnelle resterait fixée, pour la troisième année consécutive, à 1,7 milliard d'euros.
En outre, des dépenses de formation qui devraient normalement être financées par l'Etat vont être mises à la charge du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP). Le Gouvernement propose en effet de prélever l'an prochain 300 millions d'euros sur les ressources de ce fonds et de les affecter :
- à l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), à hauteur de 75 millions, au titre de sa participation au service public de l'emploi et pour le financement de la mise en oeuvre des titres professionnels délivrés par le ministère de l'emploi ;
- à l'agence de services et de paiement (ASP), à hauteur de 200 millions, pour le financement de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle ;
- à Pôle emploi, à hauteur de 25 millions, pour le financement de l'allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation (Afdef).
Je signale que le projet de loi de finances comporte, pour la première fois, un compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage », qui rassemble 360 millions d'euros de crédits destinés au financement des nouveaux contrats d'objectifs et de moyens passés avec les régions et 15 millions destinés à la mise en oeuvre du dispositif de bonus-malus qui a été créé pour inciter les entreprises à recruter des jeunes en alternance.
En conclusion, vous l'aurez compris, je ne suis pas favorable à ce projet de budget, qui ne me paraît pas à la hauteur des enjeux, et je vous proposerai, en conséquence, d'en rejeter les crédits.
Une autre politique de l'emploi et de la formation, compatible avec la réduction des déficits publics, est possible et nécessaire. Il convient d'abord de remettre en cause certaines niches fiscales et sociales qui ont peu d'effets sur l'emploi. Il faut savoir que le montant des dépenses fiscales liées à la politique de l'emploi atteint 10 milliards d'euros, soit autant que les crédits de la mission, et que les exonérations de cotisations sociales coûtent 30 milliards chaque année.
La suppression de l'exonération sur les heures supplémentaires permettrait, à elle seule, de récupérer 4,5 milliards d'euros de recettes supplémentaires. Cette somme pourrait être affectée, pour partie, à la réduction du déficit de l'Etat et pour partie à la remise à niveau des crédits de la mission. Une telle mesure n'aurait pas d'effet négatif sur l'emploi, bien au contraire : il est contre-productif de subventionner les heures supplémentaires, et donc de décourager les créations d'emploi, alors que tant de nos concitoyens sont au chômage.
Nous devrions également réfléchir à un meilleur ciblage des allègements de cotisations sociales, qui pourraient par exemple être utilisés pour inciter les employeurs à recruter davantage de jeunes et de seniors, deux classes d'âge particulièrement touchées par le chômage. Une telle mesure serait un puissant facteur de cohésion entre les générations, alors que l'on a trop souvent tendance à considérer qu'un senior au travail prive un jeune de son emploi.
Avant de vous laisser la parole, mes chers collègues, je voudrais dire un mot des six articles rattachés aux crédits de la mission :
- l'article 62 vise à pérenniser une mesure, adoptée en 2010, consistant à majorer l'aide versée par l'Etat pour les contrats aidés conclus avec des ateliers et chantiers d'insertion ;
- l'article 62 bis, inséré par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, tend à supprimer l'ASFNE ; je vous proposerai tout à l'heure, pour les raisons que j'ai indiquées, le maintien de cette mesure et donc la suppression de l'article ;
- l'article 63 est relatif au prélèvement de 300 millions d'euros opéré sur le FPSPP ; il ne me paraît pas acceptable que l'Etat se désengage de la politique de formation professionnelle au détriment d'un fonds paritaire, qui a ses propres missions à assumer, et je vous proposerai donc ici aussi la suppression de cet article ;
- l'article 63 bis, adopté par l'Assemblée nationale sur proposition du président Jean-Luc Warsmann, prévoit de prolonger de deux ans les exonérations fiscales et sociales applicables dans les bassins d'emploi à redynamiser ;
- l'article 63 ter, adopté par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, introduit une mesure technique relative au mode de calcul de la taxe d'apprentissage dans les départements alsaciens et en Moselle, qui sont soumis, dans ce domaine, à des règles de droit local ;
- enfin, l'article 63 quater tend à exonérer d'impôts, droits et taxes les transmissions de biens effectuées entre organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) dans le cadre de leurs regroupements ; vous savez que la loi du 24 octobre 2009, relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, oblige les Opca qui n'atteignent pas un certain seuil de collecte à se regrouper à partir du 1er janvier 2012 ; il est d'usage, lorsque la transmission de biens est rendue obligatoire par une réforme législative, de prévoir une telle mesure d'exemption.
M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Je partage entièrement la philosophie de ce rapport et je souhaite simplement insister sur quelques points.
D'abord, il doit être bien clair que nous ne souhaitons pas la suppression des exonérations de cotisations sociales mais un meilleur ciblage de celles-ci pour éviter les effets d'aubaine et accroître leur efficacité en termes de création d'emplois. L'exonération sur les heures supplémentaires est particulièrement absurde sur le plan économique et on peut sans nul doute faire une meilleure utilisation de l'argent public.
Ensuite, je pense qu'il est utile de conserver un dispositif qui permette de prendre en charge des salariés âgés qui perdent leur emploi. L'ATS apporte, de ce point de vue, une réponse beaucoup trop partielle. A défaut, ces salariés risquent de devenir allocataires du RSA et on leur demandera, de surcroît, de travailler sept heures par semaine !
Concernant les contrats aidés, je me souviens que le ministre a déclaré qu'il n'avait pas de tabou en ce domaine et qu'il valait mieux qu'un demandeur d'emploi signe un contrat aidé plutôt que de rester au chômage. Pourtant, nous constatons que le nombre de contrats qui pourront être signés l'an prochain est en baisse. Il sera donc difficile de faire face aux besoins.
Enfin, j'estime que si nous ne menons pas une vraie politique de ré-industrialisation, nous ne gagnerons pas la bataille de l'emploi. Certaines élites ont considéré, un temps, que les activités de production industrielle n'étaient pas « modernes » et qu'il fallait privilégier les services ou la finance. Ce fut une profonde erreur. Les créations d'emploi dans les services à la personne ou le tourisme seront insuffisantes pour résorber le chômage. Je me souviens que l'automobile a longtemps été un secteur excédentaire pour notre balance commerciale, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui en raison de la concurrence des constructeurs allemands pour le haut de gamme et des pays à bas salaires pour les véhicules d'entrée de gamme.
Mme Catherine Génisson. - J'approuve tout à fait les réflexions d'Yves Daudigny sur la ré-industrialisation, qui doit être une de nos priorités politiques, et sur les exonérations de cotisations. Je regrette comme lui l'extinction des mesures d'âge, qui laisse sans solution des chômeurs âgés alors que l'on repousse par ailleurs l'âge de la retraite.
Concernant le projet de budget, je déplore tout particulièrement la diminution de 12 % des crédits du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » et la baisse de 7 % des crédits du programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », alors que tant de salariés souffrent de mauvaises conditions de travail.
Enfin, nous devons avoir une pensée pour les agents de Pôle emploi, qui font un métier difficile sans avoir les moyens d'offrir à tous les demandeurs d'emploi l'accompagnement personnalisé dont ils ont besoin.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - J'ai eu le plaisir de vous accueillir à Arras, monsieur le rapporteur, lorsque vous présidiez la mission commune d'information sénatoriale sur Pôle emploi et vous connaissez mon attachement au service public de l'emploi.
Vous avez posé la question du point d'équilibre à trouver pour ce budget, auquel il manque, à mon avis, 1 milliard d'euros pour faire face à la dégradation de l'emploi. Concernant les heures supplémentaires, je ne suis pas encore convaincu qu'il faille supprimer entièrement l'exonération qui leur est applicable. Il conviendrait d'abord d'évaluer l'impact qu'aurait une telle mesure sur les comptes publics mais aussi sur les salariés. Pour y voir plus clair, je suggère que la commission mette en place un groupe de travail pour approfondir cette question. Je pense par ailleurs que la ré-industrialisation du pays se fera grâce aux petites et moyennes entreprises (PME). Or, ce sont elles qui sont les plus lourdement imposées.
S'agissant des maisons de l'emploi, je soutiendrai un amendement tendant à augmenter leur dotation de 7 millions d'euros. Des efforts de rationalisation ont été menés dans les territoires et il faut accompagner cet effort, mais sans réduire trop brutalement les crédits.
Sur la question des préretraites, je pense qu'il faut d'abord améliorer l'ATS, dans un souci de justice, avant d'envisager d'autres mesures.
Enfin, j'observe que nous avons tous les ans le même débat sur les contrats aidés. On diminue leur nombre dans la loi de finances initiale avant de l'augmenter en cours d'année ! Nous aurons besoin, à l'évidence, de plus de contrats aidés l'an prochain.
M. Jacky Le Menn. - En Europe, la France est le pays qui a la natalité la plus dynamique ce qui signifie que nous aurons, dans les années qui viennent, de plus en plus de jeunes à la recherche d'un emploi. Or, le processus de désindustrialisation s'accélère. Il est donc urgent de définir une politique de ré-industrialisation axée sur les petites moyennes industries (PMI).
Concernant Pôle emploi, je confirme que les agents ne sont pas assez nombreux pour à la fois accompagner convenablement les demandeurs d'emploi et prospecter les entreprises, sans oublier qu'ils sont parfois victimes de l'agressivité du public. Une augmentation des moyens de l'opérateur s'impose afin de favoriser la réinsertion professionnelle des demandeurs d'emploi.
Le Gouvernement propose de faire travailler les titulaires du RSA sept heures par semaine. Ce n'est pourtant pas en les pénalisant que l'on va créer de l'emploi ! Il faut plutôt améliorer la rencontre entre offres et demandes d'emploi. L'action sociale des départements peut contribuer à ramener les personnes éloignées de l'emploi vers le monde du travail. En tout état de cause, il y a des dépenses plus utiles que l'exonération sur les heures supplémentaires...
M. Gilbert Barbier. - J'aimerais interroger le rapporteur sur deux points. Vous proposez de supprimer l'exonération sur les heures supplémentaires, mais ne faudrait-il pas, au contraire, aider plus fortement les petites entreprises en cette période de ralentissement économique ? Combien d'emplois seraient créés si l'on supprimait cette exonération ? Par ailleurs, vous évoquez la ré-industrialisation du pays, mais n'est-ce pas contradictoire avec la décision de fermer des centrales nucléaires ?
Mme Aline Archimbaud. - Je voudrais d'abord insister sur les conditions de travail très dégradées des agents de Pôle emploi, ce qui les empêche d'apporter un suivi personnalisé à chaque demandeur d'emploi. Je pense ensuite que l'amélioration de la qualification à tous les niveaux est indispensable pour faire sortir les salariés de la précarité.
Dans mon département de Seine-Saint-Denis, je constate que beaucoup d'élus se sont battus pour attirer des emplois dans le tertiaire mais ceux-ci ne bénéficient que faiblement aux habitants des quartiers. On a négligé les petites entreprises industrielles et peu anticipé la reconversion des filières et on n'encourage pas suffisamment la recherche-développement. Les patrons de PME-PMI se sentent seuls alors qu'ils peuvent créer de l'emploi durable.
L'arrêt du nucléaire se fera dans la durée et il y a des emplois à créer dans la filière du démantèlement. Il y a aussi des centaines de milliers d'emplois à créer dans les énergies renouvelables ou les économies d'énergie, par exemple pour améliorer l'efficacité énergétique des logements sociaux.
Mme Annie David, présidente. - Je pense que nous débordons un peu le cadre du budget de cette mission, mes chers collègues. La parole est à Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré - Nous sommes là pour poser des questions, or j'observe que nous sommes en train de dépasser le temps imparti. Nous avons déjà au moins vingt minutes de retard sur l'horaire programmé. On ne peut pas travailler correctement dans des conditions pareilles. Je renonce donc à ma question pour ne pas rallonger les débats.
Mme Patricia Schillinger. - Concernant les heures supplémentaires défiscalisées, je voudrais signaler que des accords bilatéraux ont été conclus avec la Suisse pour les travailleurs frontaliers et que cela n'a entraîné aucune création d'emplois. Je pense que nous avons besoin de plus de contrats aidés car la demande qui est adressée aux collectivités territoriales est considérable. Sur la question de l'apprentissage, enfin, j'observe un grand décalage entre les déclarations d'intention du Gouvernement et la réalité sur le terrain.
M. Michel Vergoz. - J'entends souvent dire que les employeurs ne vont pas embaucher si on les prive de leurs exonérations. En tant que chef d'entreprise, je peux vous assurer que je ne me suis jamais demandé, au moment d'embaucher, si j'allais toucher une subvention ! Il faut vraiment venir à Paris pour entendre ça... J'ai vu des salariés expérimentés être licenciés pour être remplacés par un jeune, alors qu'ils sont la mémoire de l'entreprise. Mais c'est le marché, la rencontre de l'offre et la demande, qui crée l'emploi, ne l'oublions pas.
S'agissant des contrats aidés, j'ai eu un vif échange hier avec le ministre Xavier Bertrand. Mais j'ai le sentiment que le discours du Gouvernement est en train de changer sur ce sujet, après tout ce que nous avons entendu sur le thème de l'assistanat. En réalité, l'économie a besoin de s'appuyer sur les deux piliers que sont, d'une part, l'économie marchande, d'autre part, l'économie alternative et solidaire.
Mme Odette Duriez. - Je tiens à m'élever contre le prélèvement de 300 millions d'euros envisagé sur le FPSPP. Une telle mesure empêcherait le fonds d'assumer convenablement ses missions.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. - Je voudrais d'abord répondre aux questions qui ont été posées concernant l'exonération sur les heures supplémentaires. Je conteste effectivement l'efficacité de ce dispositif, qui me paraît particulièrement inadapté dans une période de faible croissance. Je vous invite à consulter le rapport de nos collègues députés Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, qui s'intitule « Evaluer le `travailler plus pour gagner plus' ». Il indique que, en période de récession, le dispositif « pourrait conduire à une réduction plus forte du nombre d'emplois par un recours accru ou maintenu aux heures supplémentaires subventionnées ». Ce rapport cite également une intéressante étude de la Cour des comptes, réalisée dans le cadre du conseil des prélèvements obligatoires. Il y est indiqué que le dispositif présente « une efficacité limitée pour un coût élevé » et que son impact sur la croissance est « inférieur au coût de la mesure ». Ces analyses indépendantes confortent les nôtres.
Concernant les contrats aidés, je pense qu'il n'est pas inutile de consulter les travaux du conseil d'orientation sur l'emploi (COE), organisme pluraliste et indépendant, qui estime que l'on a trop vite réduit la voilure en ce domaine et que les contrats aidés sont utiles en période de ralentissement économique.
Je partage les réflexions relatives à la réindustrialisation : la solution au problème du chômage ne dépend pas seulement du budget du travail et de l'emploi mais aussi du soutien au développement économique et à l'industrie. Les mesures d'accompagnement prévues par le projet de budget ne sont cependant pas à la hauteur. Sur la fermeture des centrales nucléaires, je suis persuadé que le recours à des sources d'énergies alternatives favorisera la création de nouveaux emplois qui compenseront largement les pertes éventuelles.
Je partage enfin les observations de Jean-Marie Vanlerenberghe sur les maisons de l'emploi qui doivent être complémentaires de Pôle emploi et sur la nécessité d'augmenter les crédits de la mission pour faire face à la dégradation de l'emploi.
Suivant l'avis de son rapporteur, la commission donne un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi ».
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. - Cet amendement vise à supprimer l'article et donc à maintenir l'ASFNE. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, je pense qu'un dispositif de préretraite conserve son utilité dans la période actuelle.
La commission adopte l'amendement n° 1.
M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis. - Cet amendement de suppression de l'article vise à éviter que l'Etat ponctionne le FPSPP.
La commission adopte l'amendement n° 2.
Droit au repos dominical - Examen des amendements au texte de la commission
La commission procède à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 794 rectifié (2010-2011) garantissant le droit au repos dominical, dans le texte n° 90 (2011-2012) adopté par la commission le 9 novembre 2011 dont Mme Annie David est la rapporteure.
Mme Annie David, présidente, rapporteure. - Je suis évidemment défavorable à la motion tendant à opposer la question préalable, ainsi qu'à celle demandant le renvoi en commission. Nous avons longuement débattu de ce texte la semaine dernière.
La commission émet un avis défavorable aux motions nos 1 et 2.
Article additionnel avant l'article 1er
Mme Isabelle Debré. - Je précise que le groupe UMP ne prendra pas part au débat ce matin. Nous nous exprimerons cet après-midi dans l'hémicycle.
Mme Annie David, présidente, rapporteure. - Je suis défavorable à l'amendement n° 3, non pas sur le fond mais parce qu'il est un « cavalier législatif ». Je pense, d'ailleurs, qu'il faudrait faire un bilan de l'application du protocole expérimental mis en oeuvre au Sénat depuis 2009 avant d'envisager de légiférer.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
Mme Annie David, présidente, rapporteure. - Les amendements nos 4 à 11 visent tous à supprimer des articles de la proposition de loi. J'émettrai en conséquence, vous le comprendrez aisément, un avis défavorable sur chacun d'entre eux.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Mme Annie David, présidente, rapporteure. - J'émets un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 5. Je suis en revanche favorable à l'amendement n° 12, qui allège la rédaction du texte tout en élargissant un peu son champ d'application.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5 et un avis favorable à l'amendement n° 12.
Mme Annie David, présidente, rapporteure. - J'émets un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 6.
Pour ce qui est de l'amendement n° 13, celui-ci propose de supprimer une phrase qui n'est, à mon avis, pas superflue. Les dérogations au repos dominical applicables dans les commerces de détail alimentaire obéissent à un régime juridique particulier. Si cette phrase était supprimée, tous les commerces de détail alimentaire de plus de 500 m2 devraient fermer le dimanche matin. Or, la commission a souhaité faire une exception pour ceux établis dans les communes et les zones touristiques, afin de tenir compte des besoins de la clientèle touristique.
M. Ronan Kerdraon. - Si un doute subsiste, il convient, par prudence, de ne pas adopter cet amendement.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 6 et 13.
Article 3
Suivant l'avis de sa rapporteure, la commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 7.
Article 4
Suivant l'avis de sa rapporteure, la commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 8.
Article 5
Suivant l'avis de sa rapporteure, la commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 9.
Article 6
Suivant l'avis de sa rapporteure, la commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 10.
Article 7
Suivant l'avis de sa rapporteure, la commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 11.
Mme Isabelle Pasquet. - Je m'étonne que des motions aient été déposées alors que nous examinons une proposition de loi présentée par un groupe politique. Il me semblait qu'il était d'usage de laisser le débat aller à son terme sur ce type de texte.
M. Alain Milon. - Le règlement du Sénat n'interdit pas le dépôt de motions en pareilles circonstances.
Mme Annie David, présidente, rapporteure. - Il ne l'interdit certes pas mais je me souviens que le groupe CRC s'est autrefois fait reprendre parce qu'il avait déposé une motion contre une proposition de loi présentée par un groupe.
EXAMEN DES MOTIONS PRÉALABLES
MOTIONS DE PROCÉDURE |
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Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Groupe UMP |
2 |
Motion tendant à opposer la question préalable |
Défavorable |
Groupe UMP |
1 |
Motion tendant au renvoi en commission |
Défavorable |
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 1er |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Groupe UMP |
4 |
Suppression de l'article |
Défavorable |
Article 3 |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Groupe UMP |
7 |
Suppression de l'article |
Défavorable |
Article 4 |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Groupe UMP |
8 |
Suppression de l'article |
Défavorable |
Article 7 |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Groupe UMP |
11 |
Suppression de l'article |
Défavorable |
Jeudi 17 novembre 2011
- Présidence de Mme Annie David, présidente -Lois de finances pour 2012 - Mission Outre-mer - Examen du rapport pour avis
La commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Michel Vergoz, sur le projet de loi de finances pour 2012 (mission « Outre-mer »).
M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis. - L'examen des crédits pour 2012 de la mission « Outre-mer » porte tout d'abord la marque de la crise économique et des résultats de la gestion des finances publiques depuis 2007, qui ont tous deux conduit le Gouvernement à décider de mesures d'austérité frappant encore plus durement nos départements et collectivités d'outre-mer, en vertu du principe, édicté par la ministre de l'outre-mer, d'une égale contribution de ces derniers à l'effort national.
Le contexte actuel se caractérise aussi par une dégradation de la situation locale, du point de vue économique et social, comme l'illustre Mayotte depuis de trop longues semaines. Plus de deux ans après le vote de la loi pour le développement économique des outre-mer, de la tenue des états généraux et de la réunion du premier - et unique - conseil interministériel de l'outre-mer, la récurrence du thème de la « vie chère » traduit avec acuité l'absence de résultats concrets de la politique menée ces dernières années par le Gouvernement.
Le chômage est reparti à la hausse en 2010 et atteint 24 % en Guadeloupe, 21 % en Martinique et en Guyane, et 29,5 % dans mon département, La Réunion. Le taux de chômage des jeunes et la part des foyers percevant le RSA y culminent respectivement à 55 % et 10 %, alors que ces chiffres sont de 22 % et d'à peine 3 % dans l'hexagone.
Que de chemin à parcourir pour approcher l'équité entre les territoires !
Face à ce sombre tableau, les crédits de la mission « Outre-mer » ne permettent de relever aucun défi et ne montrent aucune ambition.
A la suite d'un amendement de dernière minute présenté par le Gouvernement pour « mettre en oeuvre le plan d'économies supplémentaires annoncé par le Premier ministre le 24 août », ce budget est même sorti encore plus écorné des débats à l'Assemblée nationale.
Si le niveau de 1,98 milliard d'euros de crédits de paiement inscrits pour 2012 paraît stable par rapport à 2011, on enregistre en réalité une baisse du fait de l'inflation.
Les crédits de la mission, qui représentaient 0,58 % du budget de l'Etat en 2006, n'en représentent plus aujourd'hui que 0,5 %. C'est une claire traduction du désengagement de l'Etat.
En outre, dans la continuité des années précédentes et des réformes successives qui les ont déjà sensiblement réduites, les dépenses fiscales diminueront de 11,4 % en 2012, soit 382 millions d'euros qui feront défaut pour le développement de l'outre-mer.
Chacun en est conscient, le sujet est très sensible car, pour des raisons idéologiques, la dépense fiscale a souvent été préférée à la dépense budgétaire au cours des dernières années. A son corps défendant, l'outre-mer est devenu très dépendant de ce type de dépenses qui atteignent presque 3 milliards d'euros en 2012, soit bien davantage que les 2 milliards de crédits de la mission « Outre-mer », dont la moitié est, qui plus est, versée par l'Etat aux organismes de sécurité sociale en compensation des exonérations spécifiques de charges sociales !
Le rapport Guillaume publié cet été chiffrait les dépenses fiscales de la Nation à environ 66 milliards d'euros, à rapporter à un montant total des dépenses de l'Etat de 370 milliards. L'économie proposée pour 2012 ne représente donc qu'une part dérisoire de 0,1 % mais elle a des conséquences désastreuses pour les économies ultramarines.
Je soutiens la lutte contre les niches fiscales et sociales injustes, improductives voire irresponsables, comme celles du « paquet fiscal », mais sous réserve qu'elle soit précédée d'un audit préalable, sérieux, objectif et sans concession. Pour des territoires comme les nôtres, fragilisés économiquement, socialement et humainement, la suppression de ces leviers financiers devrait au moins être compensée par des dotations budgétaires équivalentes.
Rappelons tout de même que la suppression de l'abattement du tiers de l'impôt sur les sociétés (IS), qui vient d'être décidée, coûtera 100 millions d'euros eux TPE et PME ultra-marines, alors que Gilles Carrez estimait à 6 milliards d'euros le manque à gagner fiscal sur cet impôt imputable aux grandes entreprises. En effet Total, Saint-Gobain, Essilor ou Danone ne contribuent pas d'un euro à l'impôt sur les sociétés. Comment se résigner à supporter des injustices aussi flagrantes ?
J'en viens plus précisément aux crédits en rappelant tout d'abord que la compensation que verse l'Etat aux organismes de sécurité sociale pour les exonérations de charges spécifiques à l'outre-mer est régulièrement sous-budgétée ; 2012 ne devrait pas échapper à la règle.
Quant aux crédits consacrés au service militaire adapté, ils progressent dans le cadre de la réforme en cours. Cette dernière prévoit en effet une augmentation importante du nombre de volontaires pris en charge, d'une part, et une réduction de la durée de formation dispensée à une partie d'entre eux, d'autre part. Entre 2010 et 2014, le nombre de jeunes accueillis chaque année devrait ainsi passer de 3 000 à 6 000. J'espère toutefois que le raccourcissement de certaines formations ne viendra pas en réduire la qualité, alors que le rôle joué par le SMA en matière de réinsertion pour des jeunes particulièrement éloignés du marché du travail est unanimement reconnu.
Aussi est-il surprenant que la version de l'amendement gouvernemental adopté en première lecture à l'Assemblée nationale ait prévu un abattement de crédits de 5 millions d'euros. Je prends acte de l'engagement pris par la ministre, lors du débat, de revenir sur cette amputation. Mais il nous faudra rester vigilant, car ce à quoi l'on assiste en ce moment relève souvent de l'improvisation.
S'agissant des crédits alloués à la mobilité des stagiaires en formation professionnelle, on assiste à un véritable effondrement.
Il est en effet prévu de les diminuer de 14,7 % entre 2010 et 2012, alors que le besoin de formation prend une acuité toute particulière pour nos territoires. La proportion des actifs sans diplôme est deux fois supérieure en outre-mer par rapport à l'hexagone, et plus de 50 % de notre jeunesse connaît la précarité.
Dès lors, comment réussir à la former si les crédits ne cessent de régresser ? Nous sommes face à un abandon criant et un choix politique injustifiable.
En matière de logement, je rappellerai que la politique menée dans nos départements et collectivités relève de la compétence du ministère de l'outre-mer et est incluse dans une « ligne budgétaire unique » (LBU) qui a, hélas, été désacralisée au profit à la défiscalisation ces dernières années. Cette LBU reste à un niveau largement insuffisant pour faire face à des besoins qui sont immenses. En outre, une défiscalisation appliquée de façon incontrôlée au logement intermédiaire a entrainé une explosion du coût du foncier qui aboutit aujourd'hui à une grave crise du logement social. En effet, la spéculation foncière a très souvent été la règle. A La Réunion, elle a même pris une forme totalement inédite avec l'arrivée en 2005 sur le second marché boursier de l'hexagone d'une société qui spécule sur la terre réunionnaise !
Selon l'aveu même des services de l'Etat, il faudrait construire deux à trois fois plus de logements chaque année pendant les vingt ans à venir pour tenter d'inverser la tendance. Nous en sommes loin avec de tels budgets.
La commission a récemment travaillé sur la question de l'insalubrité outre-mer, notamment lors de l'examen, au printemps dernier, de la proposition de loi de Serge Letchimy et d'une mission qu'elle a organisée en Martinique et en Guyane. Cette délégation a constaté l'ampleur de la tâche. J'ajouterai que la situation de Mayotte est également très préoccupante à cet égard. On estime à 150 000 les personnes vivant dans des conditions d'insalubrité à La Réunion, en Guyane, Martinique et Guadeloupe, ce qui, rapporté à la population de l'hexagone, correspondrait à quelque six millions de personnes...
Quant à la continuité territoriale, j'estime que ce terme est non seulement inapproprié, mais qu'il subit un véritable détournement de sens.
En effet, alors que la seule région Corse qui compte 300 000 habitants et se situe à 200 kilomètres du continent bénéficiait d'une « dotation de continuité territoriale » de l'Etat de 187 millions en 2010, dédiée uniquement au transport des résidents, l'ensemble de l'outre-mer, qui représente 2,5 millions d'habitants et dont le territoire le plus proche est à environ 7 000 kilomètres de l'hexagone, ne bénéficient que de 45 millions d'euros !
Certes l'effort peut être évalué à 100 millions si l'on prend en compte l'ensemble du budget de l'agence de l'Outre-mer pour la mobilité (Ladom) qui gère les trois dispositifs que sont le passeport mobilité, les aides à la formation professionnelle et l'action au titre de la continuité territoriale stricto sensu. Mais l'iniquité demeure tout à fait criante.
La Cour des comptes a récemment réalisé une enquête sur Ladom. Elle a pu relever que celle-ci disposait d'enveloppes notablement sous-budgétées au titre de l'aide à la continuité territoriale, notamment à La Réunion, en Martinique ou à Mayotte. En effet, au cours des six premiers mois de 2011, 73 % des crédits annuels étaient déjà engagés alors que le dispositif débutait à peine.
Il est à craindre que, en l'absence de réévaluation globale du fonds, ce soient les étudiants et les stagiaires en formation professionnelle qui pâtissent de cette orientation politique, alors même que les départements d'outre-mer sont déjà en proie à des problèmes de sous-qualification de leur main-d'oeuvre.
En tout état de cause, j'estime qu'une continuité territoriale digne de ce nom devrait consister, d'une part, en une garantie pour les citoyens de disposer toute l'année d'un nombre de places qui leur assure la libre circulation entre leur territoire et l'hexagone ; d'autre part, en la garantie d'un prix acceptable du titre de transport toute l'année, alors qu'aujourd'hui les tarifs vont du simple au double selon que l'on est en période verte ou en période rouge ; et enfin, en une maîtrise du coût du fret, de façon à assurer l'égalité économique avec l'hexagone.
Tel est le réel chemin qui reste encore à parcourir si nous voulons défendre l'idée de continuité territoriale.
J'ajoute que les crédits de l'action « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » diminueront de 12 % en 2012, alors même que 71 % des dépenses sont destinées au financement de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna, déjà lourdement déficitaire.
En conclusion, ce projet de loi de finances pour 2012 est totalement décalé et injuste au regard des défis majeurs en l'outre-mer. Les coups de rabots, les décisions improvisées, sans évaluation et sans concertation se succèdent, sans qu'aucune ambition ne se dégage.
En conséquence, je vous propose de donner un avis défavorable à son adoption.
Mme Michelle Meunier. - Après cette présentation à la fois claire et exhaustive, je puis vous indiquer que je suivrai le rapporteur. Je suis notamment préoccupée par la baisse des crédits en matière d'action sociale et culturelle et de jeunesse et je souhaite savoir avec plus de précisions comment cela se traduira. Empêchera-t-elle des projets de se réaliser ou menace-t-elle la poursuite d'actions déjà engagées ?
Mme Annie David, présidente. - Je retiens pour ma part, l'argument du 0 % de taxation à l'impôt sur les sociétés des grands groupes, qui est le résultat de choix fiscaux faits au niveau national.
A l'occasion du déplacement que nous avons effectué en Martinique et en Guyane, nous nous sommes rendus dans un régiment du SMA. J'ai été agréablement surprise de voir la façon dont les militaires prenaient ces jeunes en charge et de constater les résultats obtenus. Ne plus soutenir le SMA serait vraiment dommageable aux jeunes d'outre-mer.
M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis. - Je vous confirme que la diminution des moyens aura des conséquences négatives sur le logement alors que celui-ci connaît déjà une crise grave et qu'il s'agit d'une question de dignité humaine. On construit 2 500 logements par an alors qu'il en faudrait le double. L'extension des dispositifs de défiscalisation au logement intermédiaire a produit une incroyable spéculation foncière qui a rendu les terrains inaccessibles pour y construire du logement social.
Mais je constate que lorsque nous évoquons la défiscalisation avec les élus de l'hexagone, celle-ci n'a pas bonne presse. Nous devons aborder ce dossier de façon globale avec transparence et sens des responsabilités, en étant prêts à mettre fin aux dérives et aux abus là où il y en a eu. Ce débat devra être porté sur la place publique mais il conviendra d'éviter de jeter le bébé avec l'eau du bain afin que les collectivités d'outre-mer ne se retrouvent pas en situation de difficultés budgétaires, à moins que l'Etat ne compense le manque à gagner lié à un éventuel abandon de ces défiscalisations.
La semaine dernière en commission des finances, Jean Arthuis a été critique sur la défiscalisation outre-mer, ce qui confirme cette nécessité d'un débat sans concession. Je pense qu'il n'y a pas de main invisible, mais il y a des lobbies qui ont pris la main sur les politiques. Il y a eu trop d'échecs sans qu'on en tire les leçons utiles.
A propos du SMA, ayant été maire de la commune de Sainte-Rose pendant quinze ans, je peux vous faire part de mon expérience. J'ai trouvé au début de mon mandat une situation financière dégradée et le premier partenariat que j'ai noué a été précisément avec le RSMA, le régiment de service militaire adapté. Nous avons oeuvré ensemble et avons abouti à la magnifique réussite de voir ces jeunes recevoir une formation avec un emploi à la clé. Quel superbe retour sur investissement ! Les élus de tous bords se sont félicités de ces succès.
Mme Michelle Meunier. - Quelle est la durée de ce service ?
M. Michel Vergoz, rapporteur pour avis. - Le parcours de formation peut durer un an ou deux selon le secteur. Chaque année, l'armée offre, en fonction des demandes, des formations dans de nouveaux domaines. Pour ma part, j'ai vu le RSMA prendre en charge, par exemple, le désenclavement de terrains agricoles, grâce à des jeunes en formation pour devenir conducteurs d'engin, maçons, coffreurs... Le SMA répond donc à un réel besoin. En tout cas pour ce qui est de la Réunion, c'est clair.
Suivant l'avis de son rapporteur, la commission donne un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».