Mardi 25 octobre 2011

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -

Service citoyen pour les mineurs délinquants - Examen des amendements

La commission examine les amendements sur la proposition de loi n° 26 (2011-2012), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous sommes saisis de cinq amendements, déposés par notre collègue Jacques Mézard, tendant à supprimer un à un les articles de la proposition de loi. Je vous rappelle que, lors de notre réunion de la semaine passée, notre commission s'est prononcée en faveur d'une question préalable, sur proposition de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et de notre rapporteur, Mme Virginie Klès. Ces amendements de suppression ne seront donc examinés en séance que dans le cas où la question préalable déposée par notre commission ne serait pas adoptée.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Sur l'amendement n°2 de suppression de l'article 1er de la proposition de loi, je ne puis que donner un avis favorable, puisque cet amendement va dans le sens de la position que j'ai soutenue la semaine dernière en commission.

M. François Pillet. - Je m'interroge sur l'intérêt de ces amendements. Si la question préalable n'est pas votée, la majorité pourra toujours voter contre chaque article !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Vous avez raison, mais M. Mézard, comme tout parlementaire, a le droit de déposer des amendements s'il le souhaite.

La commission donne un avis favorable à l'amendement de suppression n°2.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous rappelle que lorsque nous examinons le texte en commission, nous adoptons ou nous rejetons les amendements, car il nous appartient d'établir le texte qui sera discuté en séance publique. Lors de l'examen des amendements dits « extérieurs », en revanche, nous ne faisons que donner un avis sur les amendements, en nous prononçant sur la proposition de notre rapporteur, afin de faire connaître au Sénat la position de notre commission.

M. Jean-Pierre Michel. - Je suis d'accord avec notre collègue François Pillet : si la question préalable n'était pas adoptée, nous pourrions toujours rejeter un à un les articles de la proposition de loi, sans qu'il soit besoin pour cela d'adopter des amendements de suppression ! Par ailleurs, je m'interroge sur le sens de notre réunion de ce matin : il ne peut y avoir d'amendements, puisqu'en votant la question préalable la semaine dernière nous avons supprimé le texte.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - En décidant de proposer au Sénat de voter une question préalable, la commission n'a pas établi de texte pour cette proposition de loi. Conformément à ce que prévoit l'article 42 de la Constitution, le débat en séance publique portera sur le texte transmis par l'Assemblée nationale.

M. Jean-Jacques Hyest. - Mme Klès a raison !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - J'attire votre attention sur le fait que ces amendements ne seront examinés que dans l'hypothèse où la motion déposée par notre rapporteur au nom de la commission ne serait pas adoptée.

Mme Virginie Klès, rapporteur. - Dans ce cadre, je vous propose de donner un avis favorable à l'ensemble de ces amendements de suppression.

La commission donne un avis favorable aux amendements n°s 3, 4, 5 et 6.

Examen des amendements extérieurs

Article

Objet de l'article

Numéro de l'amendement

Auteur de l'amendement

Avis de la commission

Article premier

Exécution d'un service citoyen dans le cadre d'une composition pénale

2

M. Jacques Mézard

Favorable

Article 2

Exécution d'un service citoyen dans le cadre d'un ajournement de peine

3

M. Jacques Mézard

Favorable

Article 3

Exécution d'un service citoyen dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve

4

M. Jacques Mézard

Favorable

Article 4

Modalités d'exécution du service citoyen lorsqu'il est effectué sur décision judiciaire

5

M. Jacques Mézard

Favorable

Article 6

Organisation de la justice pénale des mineurs

6

M. Jacques Mézard

Favorable

Mercredi 26 octobre 2011

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -

Nominations de rapporteurs

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous aurons à examiner la proposition de loi organique de MM. Badinter et Patriat portant application de l'article 68 de la Constitution, relatif au statut juridictionnel du chef de l'État. Sachant que le président Jean-Jacques Hyest en avait été désigné, es qualités, rapporteur pour le Sénat, mais que, en séance, son renvoi en commission avait été décidé, ce texte nous revient. Jean-Jacques Hyest, à qui j'ai proposé de poursuivre, m'a indiqué qu'un projet de loi gouvernemental sur le même sujet étant susceptible d'être inscrit à l'ordre du jour début 2012, il préférait se démettre. En toute modestie, et par parallélisme des formes, je vous proposerai donc de me désigner rapporteur de ce texte.

M. Jean-Pierre Sueur est nommé rapporteur de la proposition de loi organique n° 69 (2009-2010) portant application de l'article 68 de la Constitution portant application de l'article 68 de la Constitution.

M. Gaëtan Gorce est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 800 (2010-2011) relative à l'abrogation du conseiller territorial relative à l'abrogation du conseiller territorial.

M. Jean-Pierre Michel est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 33 (2011-2012) relative à la simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée.

Droits, protection et information des consommateurs - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis

La commission décide de se saisir pour avis et nomme Mme Nicole Bonnefoy rapporteur pour avis du projet de loi n° 12 (2011-2012), adopté par l'Assemblée nationale, renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs.

Mandats des délégués des établissements publics de coopération intercommunale - Examen du rapport et du texte de la commission

Puis, la commission procède à l'examen du rapport de M. Alain Richard et à l'élaboration du texte qu'elle propose sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur n° 793 (2010-2011), tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l'application du dispositif d'achèvement de la carte de l'intercommunalité.

M. Alain Richard, rapporteur. - Chacun a en mémoire l'objet de départ de cette proposition de loi, dont les membres du groupe socialiste ont depuis jugé judicieux de saisir l'occasion pour répondre à la large demande d'un achèvement de la carte intercommunale mieux concerté, en laissant un temps suffisant à son aboutissement, et pour répondre aux demandes concrètes remontées du terrain avant la mise en place des nouvelles communautés. Ce texte ne constitue nullement une remise en cause globale de la réforme territoriale : il n'aurait pu le faire dans un délai aussi court. La réforme des territoires doit faire l'objet d'États généraux de la décentralisation, qui sont l'un des thèmes mis en avant par Jean-Pierre Bel. En attendant, une autre proposition de loi a été déposée dont l'unique objet est l'abrogation du texte créant le conseiller territorial, ce qui marque la perspective politique.

Le présent texte, objet de nos amendements, se place donc dans la perspective de l'achèvement de la carte intercommunale, auquel nous sommes tous favorables, avant les élections municipales à venir.

La procédure actuelle suscite trois séries de critiques. Elle est dirigée, en premier lieu, par le préfet, sur instructions gouvernementales, les possibilités d'inflexion via les CDCI restant minimes. Elle est en partie factice, puisque les préfets pourront, en vertu du processus prévu pour la création des nouvelles communautés, en 2012, s'écarter des schémas retenus en décembre 2011. Elle est un ferment de désorganisation puisqu'elle entraîne la suppression massive de syndicats spécialisés alors que le débat sur les communautés qui devront reprendre leurs compétences ne sera pas conclu.

Notre proposition donne primauté à la CDCI dans l'adoption du schéma final d'intercommunalités. Elle donne son plein effet à ce schéma, ensuite appliqué par le préfet dans les arrêtés de création ou de modification. Elle permet d'avancer sur la question des syndicats, en prévoyant un premier échange sur les compétences avant une reconfiguration dans le respect du choix des élus.

Quant aux normes de fond, les objectifs du schéma sont modifiés sur deux points. L'exigence de constituer des communautés d'au moins 5 000 habitants est maintenue, mais en transférant à la CDCI les possibilités de dérogation, outre celles reconnues aux zones de montagne, lorsque les particularités géographiques le justifient. L'objectif de supprimer les syndicats est subordonné à l'objectif de reprise de leurs compétences par les communautés.

Pour répondre à une demande convergente des associations d'élus, il est fait exception à l'obligation d'entrer dans un EPCI dans le cas des îles composées d'une seule commune, un tel rattachement pouvant se révéler superficiel. En revanche, les communes relevant d'un département mais enclavées dans un autre pourront être incluses, malgré le principe de continuité territoriale, dans la communauté du département auquel elles appartiennent.

S'agissant de la procédure de décision qui doit conduire à l'achèvement de la carte intercommunale, il est prévu que la CDCI, après rapport d'étape du préfet, adoptera un schéma provisoire pour avis, adressé aux conseils municipaux qui seront appelés à formuler leurs souhaits s'agissant des compétences de la nouvelle communauté. A la suite de cette période transitoire, la CDCI reprendra la main, après le 30 juin 2012, en adoptant la proposition finale, avant le 31 octobre 2012, à la majorité des deux tiers, ceci afin de garantir que le projet ne soit pas partisan. Les conseils municipaux se prononceront, à la majorité classique -deux tiers des communes représentant au moins la moitié de la population totale ou la moitié des communes représentant au moins les deux tiers de la population, seuil que la loi actuelle avait abaissé pour la mise en oeuvre de la carte intercommunale- au cours de l'année 2012. En cas d'accord, le processus s'engagera conformément au schéma.

Un traitement simplifié est prévu pour les cas -moins nombreux que ne le soutient le Gouvernement- où le consensus serait atteint dans les processus actuellement prévus par la loi : il serait de mauvaise politique d'obliger à une nouvelle concertation. Une majorité des trois quarts autorisera à engager la phase de présentation du projet définitif dès mars 2012.

Si la majorité qualifiée requise n'a pas été atteinte sur certains périmètres de la proposition finale, la CDCI fixe, à la majorité des deux tiers, la configuration finale des communautés à créer. Ce n'est que si la CDCI ne dégage pas sa majorité que la main revient au préfet sur les zones en litige. Du schéma ainsi adopté et mis en oeuvre par arrêtés, il ne pourra plus s'écarter, au risque de nuire à la cohérence et à la transparence du système.

Les communautés qui résultent d'une création ont six mois pour s'entendre sur les compétences qu'elles mettent en commun. La mise en conformité des syndicats préexistants voire la création de nouveaux syndicats, dans le cas où, après une fusion, ses missions ne seraient pas reprises par la nouvelle communauté, se fera après la création effective de la nouvelle communauté, selon les procédures de droit commun, qui respectent le libre choix des élus.

J'en viens à la détermination de la composition du conseil communautaire par le biais d'un accord local, lequel ne concerne que les communautés de communes et d'agglomération, les communautés urbaines étant régies par un système de représentation distinct.

Le choix d'une représentation fixée par entente entre les communes doit être valorisé. Je vous proposerai que, si la communauté s'entend sur un tableau distinct de celui que fixe la loi, le nombre global de représentants à répartir puisse être relevé de 25 %. Un amendement dont nous débattrons prévoit même de déplafonner entièrement le nombre de conseillers communautaires en cas d'entente.

Pour répondre aux réclamations nombreuses des petites communes sur la réduction de leur représentation à un seul conseiller, il est proposé de renforcer les droits du suppléant, qui pourra remplacer le titulaire absent sans formalité et recevra les convocations et documents pertinents. Bien que beaucoup se rejoignent sur cette solution, il a également été proposé d'ouvrir aux communes la faculté de relever le barème pour porter à deux sièges la représentation minimale des petites communes mais ceci seulement, eu égard au risque d'alourdissement que cela comporte, si une majorité qualifiée se dégage en faveur de cette option.

Enfin, les titulaires d'un mandat de conseiller communautaire, conformément à ce que prévoyait initialement la proposition de loi, continueront d'exercer leur mandat jusqu'à son terme. Ce surnombre sera résorbé en 2014, à la suite des élections municipales.

Pour répondre au souhait des élus, qui s'étonnent du contraste entre le caractère très ordonné de la procédure et le flou qui entoure leur avenir financier, il est demandé, par un amendement portant article additionnel, que les directions départementales des finances publiques se mettent à leur service pour assurer une fonction de conseil quant aux incidences financières et fiscales d'une réorganisation ou d'une création.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je remercie Alain Richard du travail sérieux et précis qu'il a mené sur une proposition de loi au départ modeste, que j'avais à vrai dire rédigée nuitamment après avoir entendu les doléances d'un certain nombre d'élus de petites communes qui, comptant deux représentants dans leur communauté de communes, étaient fâchés de constater que l'un d'eux perdrait son mandat dans le cas où serait intégrée une nouvelle commune.

M. Richard y adjoint une série de propositions qui présentent l'avantage de résoudre sans attendre les difficultés pratiques que pose un dispositif très technique, sans préjuger du débat que nous rouvrirons, dans un proche avenir, sur la question du conseiller territorial. Je crois qu'une telle démarche peut susciter le consensus.

M. Simon Sutour. - Je remercie à mon tour Alain Richard de la clarté de son rapport et le président Sueur du dépôt de ce texte, dont je rappelle qu'il porte sur un dispositif adopté par notre assemblée, après bien des péripéties, par 167 voix seulement contre 163, alors que la majorité de l'époque comptait environ 190 membres et l'opposition 150. C'est dire que les débats furent mouvementés, et que tous n'étaient pas convaincus, quelle que soit leur appartenance politique, de la pertinence de ce dispositif.

Je suis donc heureux que, par cette proposition de loi, à laquelle s'ajoutera celle qu'a déposée Mme Borvo Cohen-Seat sur le conseiller territorial, nous entreprenions d'améliorer les choses, voire de reprendre le dossier.

Au sein des CDCI, tout ne se passe pas toujours bien. Ce texte viendra donc à l'appui de tous ceux qui se battent pour faire valoir leurs revendications. La possibilité de déroger au seuil de 5000 habitants, qui existe pour les zones de montagne, mais ailleurs sur seule décision du préfet, pourra émaner, ainsi que j'ai cru le comprendre, de l'initiative des élus : c'est une bonne chose. En ce qui concerne les enclaves territoriales, je n'ai pas saisi s'il en était ou non question...

M. Alain Richard, rapporteur. - Les enclaves pourront participer à la communauté de leur département de rattachement.

M. Simon Sutour. - Bien. S'agissant de la majorité des deux tiers des membres, j'observe que certains, au sein des CDCI, votent, comme on dit, avec leurs pieds, en ne participant pas aux réunions, si bien qu'il est parfois fort difficile de l'atteindre : il est proposé de la ramener à la majorité des deux tiers des présents.

M. Alain Richard, rapporteur. - Des suffrages exprimés plutôt ...

M. Simon Sutour. - Novation intéressante.

M. Alain Richard, rapporteur. - Le préfet, enfin, n'interviendrait qu'en cas de désaccord entre les élus, c'est une bonne chose. Et s'il y a accord, il sera contraint d'en tenir compte, alors que le projet du gouvernement...

M. Jean-Jacques Hyest. - Que ne vous en référez-vous plutôt à la loi que nous avons votée ?

M. Simon Sutour. - C'est à quoi je venais. Alors, donc, que le projet initial du gouvernement était de lui laisser toute latitude de décider, sur avis simple de la CDCI, notre commission des lois, sous l'impulsion du président Hyest, avait voté une première avancée, avec la majorité des deux tiers. En voilà, ici, une nouvelle.

Quant aux communes comptant un certain nombre de représentants, il est proposé, ainsi que cela était l'objet initial de cette proposition de loi, de permettre à leurs délégués de terminer leur mandat, ce qui répond au souhait exprimé par les élus locaux.

Je ne sais si ce texte viendra devant l'Assemblée nationale, mais il donnera, en tout état de cause, sur le terrain, des arguments aux élus pour faire valoir leurs droits et assurer le respect du principe de libre administration des communes.

M. Jean-Jacques Hyest. - J'avais reçu avec intérêt la proposition de loi du président Sueur, qui se voulait une réponse, méritant sans doute un certain nombre d'améliorations rédactionnelles, à un problème préoccupant pour beaucoup d'élus locaux. Mais voilà que j'ai l'impression aujourd'hui de me trouver ramené dix-huit mois en arrière, car vous remettez à présent en cause bien des dispositions que nous avions alors votées, dans les termes voulus par le Sénat. La question de l'intercommunalité, notamment, n'était pas parmi les sujets les plus controversés, et avait fait l'objet d'un certain consensus. Si vous avez certes raison de dire qu'il faut laisser le calendrier suivre son cours là où cela marche, je m'interroge, cependant, sur ce qu'il en sera en cas de désaccord. Dans mon département, le schéma intercommunal pose depuis quinze ans problème dans un secteur : je souhaite du courage aux communes pour s'entendre sur une solution...

Plus généralement, je ne puis vous suivre en ceci que vous remettez en cause l'architecture de la loi votée il y a peu, ce qui n'ira pas sans perturber la carte de l'intercommunalité que tout le monde a votée. Je vous suis bien sur certains points, mais pas dans votre démarche, qui revient à réécrire un texte déjà voté. Il est vrai que le changement de la majorité sénatoriale pouvait nous y préparer...

M. Christophe Béchu. - Votre ultime amendement modifie le titre de la proposition de loi : il faudra de fait l'adopter si l'on adopte auparavant ne serait-ce qu'un seul des amendements qui précèdent. Car le véhicule de départ sera alourdi de bien des remorques. Je vois pour ma part dans vos amendements, une grande variété de retouches à la loi, sur certaines desquelles je peux vous rejoindre mais dont je ne mesure pas bien, pour d'autres, l'intérêt. Il y a déjà bien des cas différents dans l'application de la loi. Dans mon département, le schéma a été adopté à l'unanimité par la CDCI, il n'y a donc plus de discussion. Tel n'est cependant pas le cas dans tous les départements, où il faudra compter non seulement sur l'intelligence des préfets, mais aussi sur celle des élus, pour arriver à des compromis plus ou moins aisés...

Cela étant, je ne vois pas dans cette proposition une remise en cause radicale du texte voté, étant bien entendu que la machine de guerre viendra plus tard, avec le texte de Mme Borvo Cohen-Seat.

Mme Jacqueline Gourault. - Je suis ravie de cette proposition de loi, car je comptais beaucoup sur le fameux « projet de loi n° 61 » qui devait fixer le mode électoral pour les municipales et les modalités de désignation des conseillers communautaires par fléchage et abaisser le seuil du scrutin proportionnel à 500 habitants pour les élections municipales. Or, je comptais sur ce véhicule pour retoucher certains points dont la pratique a montré qu'ils méritent adaptation.

Ce texte est donc bienvenu et je rappelle que certains des points ici abordés rejoignent la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par M. Pélissard, président de l'Association des maires de France, dont je suis la vice-présidente : nous avions travaillé en commun avec l'Association des communautés de France pour émettre des propositions qui rejoignent certaines de celles qui nous sont ici soumises. Je considère, en revanche, qu'il serait préférable de ne pas revenir sur un certain nombre de choses.

Vous avez insisté sur la période transitoire : tout cela mérite d'être bien précisé, en particulier pour ce qui deviendra définitif après 2014.

M. Christian Favier. - Sans sous estimer l'importance qu'il y a à préserver le mandat en cours des délégués des EPCI, l'urgence, pour nous, va à mettre en oeuvre les déclarations de M. Bel en abrogeant la réforme territoriale. Car la contestation ne porte pas seulement sur l'engagement à marche forcée de la réforme territoriale par les préfets -qui n'a pas été sans conséquences sur le résultat des élections sénatoriales- mais bel et bien sur le fond d'une réforme profondément recentralisatrice, et qui va par là à l'inverse de ce qu'avaient voulu les lois de décentralisation engagées par la gauche.

Je regrette de voir ainsi découper la contestation en tranches, alors que notre travail méritait de rester global, dans la mesure où tout est lié : la question de l'intercommunalité ne saurait ainsi se traiter indépendamment de celle des compétences exercées par les différents niveaux de collectivités et du traitement réservé à la clause de compétence générale.

Les propositions de M. Richard vont certes dans le bon sens, en ce qu'elles prennent en compte, démocratiquement, la volonté des élus, mais on ne fera pas l'économie d'un débat plus global sur l'ensemble de la réforme.

M. Jacques Mézard. - Chacun se souvient ici des conditions dans lesquelles fut obtenu le vote de la loi du 16 décembre 2010 : au forceps. La situation à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés résulte de la complexité de la méthode retenue, avec quatre véhicules législatifs différents, dont le projet de loi n° 61, resté au garage. Nous avions alors, sur tous les bancs, relevé que c'était mettre la charrue avant les boeufs.

Nous avons désormais l'expérience du fonctionnement des CDCI. J'entends bien que les choses se passent correctement dans certains départements, mais dans beaucoup, elles se passent mal et très mal. Le gouvernement a donc donné instruction aux préfets d'aller vite sur la question des communes isolées mais de mettre le frein sur le reste, pour gagner du temps.

Je fais partie d'une CDCI où siège un député qui fut naguère secrétaire d'État aux collectivités locales. Nous avions donc toutes les raisons d'être bien informés sur la procédure et pourtant, bien des difficultés pratiques se posent. Nous avons besoin de temps, ne serait-ce que parce que le fonctionnement même des CDCI ne va pas sans difficultés : bien des départements n'en ont assimilé ni la mécanique, ni la procédure d'amendement.

En même temps, il serait dommageable de mettre en cause le développement du fait intercommunal alors qu'un consensus existait pour permettre son développement, étant entendu que demeurait la clause de compétence générale pour les communes. Je regrette que nous n'ayons pas été entendus, naguère, notamment sur la question des suppléants, dont traitaient nos amendements. D'où la nécessité d'y revenir aujourd'hui.

Je reste en revanche réservé sur la question du seuil démographique. M. Bernard- Reymond, originaire, comme moi, d'une zone de montagne, avait alors cité l'exemple d'une communauté de communes composée de trois communes et comptant 450 habitants : comment, dans ces conditions, investir en faveur du développement ? (M. Hyest approuve) Restons donc, en cette matière, dans les limites du raisonnable.

Quant au projet de loi n° 61, il n'a pas été discuté, ce qui pose aujourd'hui problème.

M. Yves Détraigne. - Dans son exposé, M. Richard nous a présenté un mécanisme assez largement refondu. Nous serait-il loisible de disposer du texte de son intervention, pour bien garder en tête toutes les étapes ?

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Il sera mis à votre disposition et récapitulé dans le compte rendu.

Mme Catherine Tasca. - Le président Hyest déplorait que l'on revienne si vite sur un texte récemment adopté par le Sénat. Mais je rappelle que cela n'est pas une première : notre assemblée a déjà pris l'initiative de revenir sur des textes adoptés peu auparavant... Cela n'est peut-être pas souhaitable, mais un évènement décisif est intervenu entre temps : le changement de majorité au Sénat. Sans parler du problème de calendrier que pose le texte naguère adopté, ainsi que des raisons invoquées par M. Mézard, qui obligent à revenir sur bien des points.

M. Jean-Jacques Hyest. - Les propositions de M. Richard vont bien au-delà et constituent un bouleversement de la loi.

M. Alain Richard, rapporteur. - Un bouleversement, dites-vous ? La question mérite un débat lucide entre législateurs. Les situations sont très différentes d'un département à l'autre ; nous devons leur trouver des réponses équitables et efficaces. Nous avions d'emblée émis des objections sérieuses sur le processus qu'organise la loi de décembre 2010. Après son vote, nous étions tous, hélas, convaincus qu'au 31 décembre 2011, un schéma final serait adopté dans chaque département qui serait appliqué dans les décisions portant sur les communautés en 2012. Or, le gouvernement a, depuis, changé son fusil d'épaule. Moyennant quoi la majorité d'entre nous pensait que la loi serait modifiée. Eh bien non ! Les échanges que j'ai eus avec le directeur général des collectivités locales m'ont fait comprendre qu'il est seulement envisagé, en cas de difficultés, soit de ne pas poursuivre et de travailler secteur par secteur, par décisions individuelles, en faveur de la création de communautés, soit d'adopter un schéma en expliquant que ce n'est pas celui qui sera appliqué, pour établir ensuite une nouvelle carte intercommunale.

Et c'est dans ce contexte que nos collègues de la majorité gouvernementale nous appellent à la cohérence ? Mais il me semble que ce que nous proposons en apporte davantage, puisque c'est l'ensemble du processus que nous vous proposons de réviser, au sein d'un même cadre chronologique, et sans mettre en cause les consensus auxquels seront parvenus les élus, pour aboutir à une carte intercommunale complète.

Il ne s'agit donc nullement de tout remettre en cause. Il y aura une carte intercommunale résultant, aux termes de mon amendement n° 1, d'une collaboration entre le représentant de l'État et la CDCI. Je crois qu'une majorité large peut se dégager parmi nous pour considérer que la priorité quant à la décision finale doit revenir à la CDCI, et que le préfet ne doit intervenir qu'en cas de défaut de majorité qualifiée, ceci en s'engageant sur un schéma global et définitif plutôt qu'en travaillant sur un puzzle.

Le plancher des 5 000, M. Sutour, reste dans les objectifs du schéma. Il ne sera possible d'y déroger que sur le fondement d'une particularité géographique -ainsi que le prévoit déjà la loi- ou par délibération motivée de la CDCI statuant à la majorité des deux tiers. Entendons-nous bien : ce n'est qu'en d'exceptionnelles circonstances que l'on peut demander à une assemblée délibérante de se prononcer à la majorité qualifiée de ses membres : en l'absence de spécification quant à cette question du quorum, la majorité des deux tiers doit se comprendre comme celle des suffrages exprimés. C'est ce que je vous propose pour tous les votes de la CDCI. Quant à l'intervention du préfet, elle est subsidiaire dans les deux étapes : c'est si et seulement si la CDCI n'est pas parvenue à répondre à sa difficile mission de cohérence qu'il entre en scène. Combien de tels cas de désaccord ? C'est la deuxième question que j'ai posée au directeur général des collectivités territoriales, qui m'a indiqué qu'il l'estimait à moins de dix. Je vous livre telle quelle cette information. Il me semble qu'il y a plusieurs façons de compter, et que toutes n'arrivent pas au même résultat.

Préciser le transitoire et le définitif, Mme Gourault ? Pour la procédure d'approbation du schéma définitif, c'est une nouvelle rédaction de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales que je vous propose, qui vaudra définitivement, à chaque terme de mandat. Pour le processus 2012-2013 en revanche, les dates auxquelles devront être franchies les différentes étapes seront fixées dans les dispositions transitoires. Nous utiliserons, pour le deuxième tour de concertation au sein des CDCI, le délai prévu par la loi, sans décalage de calendrier.

Un calendrier que M. Favier estime, cependant, serré ? Mais il y aura deux phases complètes de concertation avec les collectivités en 2012. Au premier trimestre, la CDCI reçoit les maires et les présidents de communautés qui souhaitent des évolutions. A la fin du trimestre, elle approuvera un projet indicatif, qui restera ouvert aux propositions alternatives des communes. Puis, à la rentrée 2012, le vote aura lieu, à la majorité des deux tiers, ce qui nous mène à une entrée en vigueur au 31 mars 2013, soit après quinze mois de concertation.

Il existe, M. Mézard, des dispositions permanentes quant au mode de fonctionnement des CDCI. Le problème tient pour beaucoup en ceci que les préfets ne sont pas tous saisis selon les mêmes méthodes, constat regrettable à l'heure où l'on rappelle les élus au respect des dispositions réglementaires... Quant à la question du seuil, il semble que la préférence aille, toutes sensibilités confondues, à une norme de 5 000 habitants, qui semble en effet raisonnable.

La navette ? L'Assemblée nationale peut bien, en vertu de la majorité qui la compose, considérer qu'elle n'a pas sujet de se saisir du texte. C'est là sa pleine liberté, mais il faut être bien conscient que la façon dont elle en usera sera observé de près par les élus locaux qui aspirent à se faire entendre.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

Amendement n° 16

M. Alain Richard, rapporteur. - Cet amendement améliore modestement le dispositif de la proposition de loi, en maintenant le mandat des membres des bureaux des EPCI jusqu'au prochain renouvellement des conseils municipaux.

L'amendement n° 16 est adopté et devient l'article 1er.

Articles additionnels

Amendement n° 2

Mme Jacqueline Gourault. - Cet amendement tend à reporter l'application de la limitation du nombre de vice-présidents à quinze, qui, en l'état actuel du texte, s'appliquerait immédiatement en cas de fusion, jusqu'au prochain renouvellement des conseils municipaux, en 2014. Sinon, il faudrait, si l'on voulait créer de nouvelles vice-présidences, demander à certains vice-présidents de démissionner, ce qui n'est jamais facile.

M. Alain Richard, rapporteur. - Nous avons la même réflexion sur le sujet. Le maintien de la composition du bureau des EPCI figure dans l'amendement n° 16 qui vient d'être adopté. Votre amendement est donc satisfait.

L'amendement n° 2 tombe.

Amendement n° 7

M. Jean-Paul Amoudry. - Cet amendement a le même objet que le précédent.

M. Alain Richard , rapporteur. - Il est également satisfait.

L'amendement n° 7 tombe.

Amendement n° 8

M. Jean-Paul Amoudry. - Même chose.

L'amendement n° 8 tombe.

Amendement n° 13

M. Alain Richard, rapporteur. - Cet amendement partage la commission, y compris sa majorité. Nous souhaitons tous donner une prime aux choix effectués par les communes à la majorité qualifiée. En même temps, j'ai beaucoup entendu de préoccupations quant au risque de pléthore...

M. Jean-Jacques Hyest. - Eh oui !

M. Alain Richard , rapporteur. - Nous proposons de relever de 25 % le plafond résultant du barème pour les communes ayant pu conclure un accord, afin de les inciter à y parvenir. Il est des communautés étendues où le nombre de communes se chiffre par dizaines. Aussi une préférence s'est exprimée dans beaucoup d'endroits pour un nombre plus élevé, nos collègues Collombat et Sueur ayant présenté quant à eux, ce qui n'a pas manqué de nous impressionner favorablement, un amendement n° 11 tendant à supprimer le plafond.

M. Jean-Jacques Hyest. - Nous sommes pris entre deux difficultés. Comme l'a indiqué le rapporteur, il convient de faire attention aux assemblées pléthoriques, qui ne décident plus rien et ne sont que des chambres d'enregistrement des décisions des bureaux ! Ce risque incite à limiter le nombre de délégués, à condition que toutes les collectivités soient représentées. Je comprends que l'on propose, comme le fait M. Richard, un assouplissement, pour permettre aux plus petites communes d'être mieux représentées. Cela me paraît préférable à l'absence de plafond. Nous avons connu une telle situation d'inflation avec les membres du gouvernement de la Polynésie française, notre collègue Jean-Pierre Michel s'en souvient...

M. Alain Richard, rapporteur. - Ce sont de vieux souvenirs !

M. Jean-Jacques Hyest. - Entre les deux amendements proposés, je préfère celui du rapporteur.

Amendement n° 11

M. Christophe Béchu. - Le meilleur argument contre les conseillers territoriaux était celui des assemblées pléthoriques. C'est un argument convaincant. Le déplafonnement proposé par cet amendement pose un problème évident : comment gérer une assemblée de 200 personnes ?

Si la liberté de chacun doit déterminer la meilleure gouvernance, pourquoi ne pas déplafonner, par exemple, les conseils municipaux issus de la fusion de communes, où l'on pourrait imaginer que subsiste un certain temps un double conseil. J'avoue que cette liberté est tentante... Mais il faut quand même poser certaines limites. J'entends l'argument selon lequel le tableau part très bas. Il existe des communautés de communes qui fonctionnent bien. Attention à ne pas introduire artificiellement le ver de la division là où il n'existe pas, au mépris de l'intérêt général ! La hausse potentielle du plafond me semble plus raisonnable que le déplafonnement. Je ne pense cependant pas qu'il faille l'appliquer de manière indifférenciée, quelle que soit la taille des EPCI. Dans une communauté de communes de 15 000 habitants, il y aura sans doute moins de postes à responsabilité demain qu'aujourd'hui. Nous serons confrontés à des difficultés ingérables si nous ne modifions pas les règles. Mais pensons aussi aux communautés d'agglomération de plus de 250 000 habitants : le relèvement du plafond risque d'y amener une armée mexicaine de vice-présidences et de délégations, cela pose problème. Il ne faudrait pas demain que la volonté locale de rejoindre telle ou telle intercommunalité soit guidée, non plus par la cohérence des territoires et des bassins de vie, mais par les différences indemnitaires ! Il y a donc une exigence éthique à poser des limites. Le seuil actuel est trop bas. Je suis d'accord avec un relèvement de 25 % pour les communautés de communes. Cela me paraît plus difficile pour les communautés urbaines.

Mme Jacqueline Gourault. - Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat. - Je suis un peu étonné que nos collègues de l'UMP qui se sont satisfaits de la réforme des conseils régionaux induite par la création des conseillers territoriaux -- et où, selon le tableau nouveau, en Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), pas moins de 226 conseillers territoriaux siègeront à Marseille pour gérer la région-- se soucient maintenant de ce qui va se passer dans telle commune ou telle collectivité...

M. Jean-Jacques Hyest. - Ce n'est pas un argument !

M. Pierre-Yves Collombat. - Peut-être, mais cela pose un problème de cohérence ! Quand on invoque des principes, il faut les respecter ! Sur les conseils municipaux, une remarque : les intercommunalités ne sont pas des collectivités territoriales. Ce sont des coopératives de communes, donc des outils à leur service, qui résultent d'un accord entre elles. La logique voudrait que l'on se fonde sur ces accords, sauf si les gens n'arrivent pas à s'entendre et sauf pour les communautés extrêmement intégrées comme les métropoles. Les principes importent. Comment peut-on prétendre être décentralisateur, donc faire confiance aux collectivités et dire : « oui, mais il faut les surveiller  » ? On dit aux collectivités « entendez-vous ! » et rappelez-vous que nous l'avions arraché, en commission...

M. Jean-Jacques Hyest. - Oui !

M. Pierre-Yves Collombat. - ... et sitôt après, on verrouille ! Je sais bien qu'il y a des problèmes pratiques, on ne sait pas très bien quel peut être l'effet de l'existence ou de l'absence de plafond, mais il faut prendre la mesure du problème : pour une communauté de seize communes, comme chez moi, on va ajouter trois communes, mais le nombre de représentants sera réduit d'un tiers, passant de 78 à un nombre compris entre 40 et 50. On pourrait très bien appliquer les accords existants, au lieu de quoi on va « tripatouiller » et modifier ces accords. Je veux bien que les principes entraînent toujours des inconvénients, mais les bricolages ad hoc encore plus.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous soutenons cet amendement car nous sommes pour l'exercice de la démocratie au sein des intercommunalités et le respect du pluralisme. Or nous donnons ici plus de chances au pluralisme d'être respecté que dans le texte initial.

M. René Garrec. - Je suis d'accord avec le rapporteur : il faut se donner de la souplesse. 25 %, c'est un maximum, il faudrait ajouter « en tant que de besoin », pour fixer une limite haute, en conservant de la souplesse de fonctionnement, ce qui était sans doute l'idée de départ de M. Collombat...

M. Pierre-Yves Collombat. - Je propose beaucoup de souplesse !

M. Alain Richard, rapporteur. - Toutes ces observations sont frappées au coin du bon sens. M. Béchu, ce dont nous parlons n'aura pas les effets déstabilisateurs que vous redoutez. Je me suis penché sur la question de la taille du bureau, beaucoup de collègues m'ayant indiqué qu'il serait souhaitable de relever un peu le plafond du nombre de vice-présidents. Après m'être livré à diverses acrobaties, je suis parvenu à la conclusion qu'un amendement serait contraire à l'article 40 de la Constitution... Notre discussion porte donc bien sur les représentants aux organes délibérants et non sur les membres du bureau.

Elle porte aussi sur l'exercice de choix à la majorité qualifiée par les conseils municipaux. Il est naturel que, pour pouvoir recueillir une telle majorité, ceux-ci, de bonne foi, aient tendance à demander une augmentation du nombre de sièges, afin que chacun puisse bénéficier de la représentation qu'il souhaite. Vous savez qu'il y a eu des réactions assez nerveuses à l'idée que le seuil coutumier actuel de deux représentants baisse à un, même pour des communes de 2 000 à 3 000 habitants. Là aussi, j'ai fait beaucoup de gammes et je ne vois qu'une seule façon de contourner le problème, que je ne recommande pas : c'est d'appliquer le barème de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales et de rajouter en fin de parcours un délégué à chaque commune. Dans ce cas, on se retrouve avec des assemblées très nombreuses, puisqu'on ajoute autant de conseillers communautaires que de communes. Pour limiter la tentation humaine, collective, d'empiler le nombre de délégués, la formule des 25 % donne un avantage à ceux qui font l'effort de se mettre d'accord, tout en prévenant le risque d'une assemblée, non pas ingouvernable, mais, selon la formule de M. Hyest, transformée en simple chambre d'enregistrement, puisque tout le travail se fait en amont, au sein du bureau et qu'elle ne se réunit qu'un nombre de fois correspondant au minimum légal annuel. La démocratie n'y trouverait pas son compte.

Ce problème est dû à une petite malfaçon du projet initial : à ma connaissance, c'est la première fois que le nombre de représentants d'un organe de second degré est déterminé uniquement par le nombre d'habitants et non par le double critère du nombre d'habitants et du nombre de communes. Cela risque d'aboutir à des situations étranges, où une communauté de cinq communes et une communauté de cinquante communes auront le même nombre de conseillers.

L'amendement n° 13 est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n° 11 tombe.

Amendement n° 15

M. Alain Richard, rapporteur. - Cet amendement modifie le dispositif sur les suppléants introduit à l'initiative du président Mézard, dispositif qui était assez restrictif, puisque les membres titulaires devaient confier prioritairement une procuration à d'autres membres du conseil communautaire, représentant une autre commune. Nous proposons que le suppléant dispose des mêmes informations que le titulaire, même s'il ne siège pas à chaque fois.

M. Christian Cointat. - Tout à fait favorable à cet amendement. Si l'on veut de la cohérence, il faut que les suppléants soient informés de toutes les séances de travail, ce qui permet de contourner la difficulté exposée par le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest. - Je pensais que nous avions déjà pris cette disposition...

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Peut-être de manière subliminale, mais l'amendement de M. Richard vient de l'inscrire dans le réel !

M. Jean-Jacques Hyest. - ... et que la commune était représentée par un seul délégué, lequel pouvait se faire représenter éventuellement par un suppléant de la commune.

M. Alain Richard, rapporteur. - Ceci est dans la loi. Ce que m'a expliqué le directeur général des collectivités locales, c'est qu'il a été considéré que l'assemblée communautaire avait sa cohérence propre, donc qu'un conseiller communautaire absent devait confier normalement sa procuration à un autre conseiller. Ce n'est que s'il ne l'a pas fait, qu'il pourra être représenté par son suppléant. Ce raisonnement ne m'a pas convaincu, surtout pour les communautés de communes, où les préoccupations communales sont déterminantes et où il n'est pas opérationnel d'imposer à chaque conseiller communautaire de décider s'il donne procuration à son voisin ou à son suppléant.

M. Jean-Jacques Hyest. - On pouvait tout de même, dans le texte actuel, donner procuration ou disposer d'un suppléant...

M. Alain Richard , rapporteur. - Oui.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Vous voilà rassuré !

L'amendement n° 15 est adopté et devient un article additionnel.

Amendement n° 19

M. Alain Richard, rapporteur. - Cet amendement précise les conditions dans lesquelles peut être abaissé le seuil de 5 000 habitants prévu pour la constitution d'EPCI à fiscalité propre. Je le rectifie pour préciser, au 1° du texte proposé par cet amendement pour le paragraphe III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, que ce seuil peut être abaissé «  par la commission départementale de la coopération intercommunale, par une délibération motivée », afin qu'une telle décision ne puisse être prise par inadvertance.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - La rédaction de l'article me paraît ainsi un peu compliquée. En l'occurrence, c'est le sens qui importe, sans doute la rédaction pourra-t-elle être revue d'ici à la séance publique.

M. Pierre-Yves Collombat. - C'est une amélioration du dispositif. Mais comme pour le nombre de délégués, je serais partisan de supprimer le seuil démographique, que la commission avait d'ailleurs déjà supprimé, avant qu'il soit rétabli à l'issue de marchandages...

M. Jean-Jacques Hyest. - On ne marchande pas, on progresse !

M. Pierre-Yves Collombat. - ... dans le cas des EPCI. On ne peut supprimer des syndicats si on ne sait pas par quoi on les remplace...

M. Jean-Jacques Hyest. - C'est vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. - Cela m'apparaît, à l'usage, comme un « bug » majeur du précédent texte.

M. Alain Richard, rapporteur. - C'est un débat politique. On peut arguer que l'intercommunalité résulte entièrement du libre choix des communes et donc rester dans le cadre de la législation antérieure. On peut aussi vouloir donner aux intercommunalités les capacités de monter des projets plus ambitieux, auquel cas le nombre d'habitants est une variable très utile. Le seuil de 5 000 habitants est très bas.

L'amendement n° 19 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

M. Jean-Jacques Hyest. - J'ai voté contre. Je rappelle, s'agissant des suppléants, que la priorité accordée au communautaire par rapport au communal était une demande de votre collègue, toujours membre de la commission des lois, Gérard Collomb...

M. Pierre-Yves Collombat. - Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père...

M. Jean-Jacques Hyest. - L'amendement qui vient d'être adopté transfère toutes les décisions aux commissions départementales de la coopération intercommunale, le préfet n'existe plus !

Amendement n° 17

M. Alain Richard, rapporteur. - Je me suis expliqué sur la procédure d'élaboration du schéma. Nous donnons le dernier mot à la CDCI, en ajoutant deux phases : une nouvelle concertation, pendant un semestre, avec adoption du schéma définitif à la majorité qualifiée, et un arbitrage final de la CDCI en cas de désaccord. Nous ouvrons la possibilité d'écarter la phase de concertation préalable, sur la base d'une majorité renforcée, si la CDCI considère que le consensus est déjà atteint.

Mme Jacqueline Gourault. - Il faudrait rappeler que, selon la loi actuelle, si le schéma n'est pas adopté en décembre de cette année, tout ce qui se fera après sera décidé en dehors de la CDCI...

M. Alain Anziani. - Une demande de précision sur les différentes majorités : il y a la majorité simple pour l'adoption du projet de schéma ; si les trois quarts de la CDCI est d'accord, des propositions du schéma sont considérées comme adoptées définitivement sans procédure de concertation ; s'il réunit la majorité des deux tiers, l'ensemble du schéma est adopté. Pourrions-nous avoir, en annexe à votre rapport, un tableau de l'agenda et des différents votes ?

M. Alain Richard, rapporteur. - Vous devriez l'avoir !

M. Pierre-Yves Collombat. - Le schéma n'est pas l'oeuvre du préfet seulement, il résulte d'une collaboration entre celui-ci et la commission départementale, et ne se limite pas à dresser le périmètre, comme actuellement. Mais quelle catégorie d'EPCI entend-on créer ? Il faut éviter, comme dans mon département, une situation où le préfet dresse un périmètre de 550 000 habitants, où personne ne sait si l'on va mettre une communauté de communes ou une communauté d'agglomération. Il faut aussi poser la question des compétences : définir un périmètre, pour quoi faire ? C'est ce qui produit des problèmes avec les syndicats. L'adoption du schéma est un point important, ce n'est pas seulement un vote de défiance à l'égard du préfet. La précision que vous avez apportée, et qui répond à la question de M. Sutour, sur la majorité des deux tiers...

M. Alain Richard, rapporteur. -...des suffrages exprimés !

M. Pierre-Yves Collombat. - ...ne figure pas dans le texte.

M. Simon Sutour. - Il faut le dire !

M. Alain Richard, rapporteur. - Je le dirai en séance.

M. Pierre-Yves Collombat. - En écho à Mme Gourault, je souhaite évoquer le problème des articles 60 et 61, qui permettent au préfet, jusqu'en juin 2013, de faire ce qu'il veut, que le schéma soit réalisé à temps ou pas. L'amendement n°18 devrait préciser explicitement que ces articles sont abrogés.

M. Christian Cointat. - Comme vous le savez, je fais partie des sénateurs sans territoire, mais je m'intéresse au territoire, peut-être, de ce fait, avec un peu plus de détachement. J'ai été frappé, cet été, de retour dans mon département d'origine, de voir les maires, de droite et de gauche, que j'ai rencontrés à titre amical, inquiets de ce qu'ils ressentaient comme la suppression de leur droit de décider, transféré au préfet. Il est important de bien montrer que c'est aux élus que revient le pouvoir de décider. Je soutiens cet amendement.

M. Simon Sutour. - Je suis d'autant plus sensible à vos propos, que vous évoquez le département du Gard, qui m'est cher ! Il faudrait énoncer clairement la règle des deux tiers, afin de couper court à toutes les interprétations qui pourraient surgir sur le terrain. Si vous avez cent élus, il faut réunir 66 voix, ce qui n'est pas toujours facile. Je souhaiterais, si le rapporteur l'accepte, que la règle de la majorité des suffrages exprimés soit bien précisée dans l'amendement.

M. François Zocchetto. - Cet amendement reporte-t-il l'échéance du 31 décembre 2011 ou maintient-il une procédure différente, selon que le schéma départemental est adopté avant ou après cette date ?

M. Jean-Jacques Hyest. - Cet amendement est bon mais une procédure est engagée. Ici on démarre quelque chose de nouveau. Je n'ai jamais cru qu'une assemblée de 80 personnes puisse faire des propositions. Nous savons comment cela se passe, je préfère que le préfet fasse des propositions. Or on change ici complètement le sens du dispositif. Je ne peux pas voter cet amendement, puisque j'ai voté pour un autre dispositif, je ne souhaite pas me déjuger.

M. Alain Richard, rapporteur. - Mme Gourault a tout à fait raison. Je n'ai pas mentionné que, actuellement, la CDCI était écartée du champ de l'article 60, en l'absence de schéma. Même si elle n'est pas d'accord, le processus continue. Je le mentionnerai dans le rapport. Sur les compétences, ce que vous avez sous les yeux est une coproduction de Pierre-Yves Collombat d'une part et des deux associations d'élus, représentant les maires et les départements, de l'autre. Il faut ouvrir le débat sur les compétences avant la proposition finale, c'est l'objet du « tour de piste » des six premiers mois. Cette question se pose dès aujourd'hui, mais demeurera au cours du prochain mandat municipal. Selon la synthèse que j'ai esquissée, dans la première phase sans engagement, les communes expriment leur préférence. Toutefois le schéma final ne se prononce pas sur les compétences. Dans les dispositions transitoires, elles n'ont à se prononcer que sur les cas de création ex nihilo. Dans tous les autres cas, le droit commun s'applique, notamment en cas de fusion...

Mme Jacqueline Gourault. - Absolument !

M. Alain Richard, rapporteur. - Il ne m'a pas semblé nécessaire de préciser ces cas, laissons le droit commun s'appliquer. Je suis d'accord avec le président Sutour pour exprimer ce qui est déjà dans le texte, mais qui doit être précisé, pour écrire « la majorité des suffrages exprimés ».

Que se passe-t-il après le 31 décembre 2011 ? Tout dépendra de nos collègues de l'Assemblée nationale. Ils sont parfaitement en droit de nous dire : « nous ne souhaitons pas que votre proposition de loi passe, la loi actuelle s'applique ». Chacun en assumera la responsabilité devant les intéressés. Le Premier ministre a donné des assurances au Président du Sénat. Si l'Assemblée nationale fait le choix, sur la suggestion du gouvernement - pas totalement désintéressée - de poursuivre le dialogue et de rendre possible l'adoption de la proposition de loi avant le 31 décembre, le dispositif que nous avons élaboré permettra la soudure : sur la base de l'existant, le préfet rapporte à la CDCI et poursuit le processus, en phase brève s'il y a consensus, plus longue s'il y a débat.

L'amendement n° 17 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Amendement n° 22

M. Alain Richard, rapporteur. - C'est le seul article qui traite des compétences d'un EPCI récemment créé. Nous restons le plus proches possible du droit commun. Le dispositif actuel prévoit que, lorsque les communes ne se sont pas mises d'accord dans les délais fixés, on met le maximum de compétences déléguées. C'est une sanction totalement absurde. Dans les communautés de communes, il y a des compétences obligatoires, comme l'aménagement de l'espace, et nous offrons la faculté de choisir entre six groupes de compétences facultatives.

M. Jean-Jacques Hyest. - C'est une question très difficile. Le développement économique est aussi une compétence obligatoire.

M. Alain Richard , rapporteur. - En effet !

M. Jean-Jacques Hyest. - Le but premier des communautés de communes est l'aménagement de l'espace et le développement économique. En-deçà d'un certain seuil d'habitants, je ne vois pas la pertinence de la communauté de communes en matière de développement économique. Il vaut mieux proposer quelques compétences que la totalité, en effet.

M. Alain Richard, rapporteur. - Il faut bien respecter la loi qui prévoit un bloc de compétences.

L'amendement n° 22 est adopté et devient un article additionnel.

Amendement n° 18

M. Alain Richard, rapporteur. - Cette disposition ne s'applique qu'en 2012. Tout en supprimant les articles 60 et 61 de la loi du 16 décembre 2010, nous arrivons aux mêmes échéances, soit le 31 janvier 2013 pour le recueil de l'accord des communes et le 31 mars pour l'adoption finale par la CDCI et pour les cas de désaccord. Je rectifie l'amendement en ajoutant, au paragraphe III, l'article 37 -fixant le délai du 31 décembre 2011 pour l'adoption du schéma- aux articles abrogés de la loi du 16 décembre 2010 car devenus sans objet.

M. Jean-Jacques Hyest. - Que l'on donne un petit délai supplémentaire, soit, d'ailleurs un amendement de notre collègue Jacqueline Gourault propose un report au 15 mars 2012. Mais si l'on reporte trop, on ne fera rien ! Vous savez que le calendrier a été très disputé entre les députés et les sénateurs. L'amendement Gourault me convient, je ne voterai pas l'amendement du rapporteur.

M. Pierre-Yves Collombat. - Dans cet amendement, le plus important n'est pas le report. Le problème, c'est que schéma ou pas, le préfet a le pouvoir de faire l'intercommunalité qu'il veut, en écartant le schéma ! Dès lors qu'on prend la peine de voter un schéma, la moindre des choses, c'est qu'il s'applique !

L'amendement n° 18 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Amendement n° 20

M. Alain Richard, rapporteur. - Nous reprenons une demande logique de l'association des maires de France, tendant à prendre en compte la situation de certaines îles, composées d'une seule commune.

L'amendement n° 20 est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n° 5 devient sans objet.

Amendement n° 12

M. Alain Richard, rapporteur. - Déposé par Mme Durrieu, cet amendement présente le revers de la même médaille : il s'agit des enclaves unicommunales isolées dans un département voisin. A ma connaissance, il en existe entre les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques, l'enclave de Valréas dans la Drôme étant composée de plusieurs communes. Cette dérogation permet de tenir compte de ces enclaves historiques.

M. Pierre-Yves Collombat. - C'est logique !

L'amendement n° 12 est adopté et devient un article additionnel.

Amendement n° 4

Mme Jacqueline Gourault. - Cet amendement traite de la restitution des compétences aux communes en cas de fusion, situation que l'on rencontre souvent dans les communautés d'agglomération ou dans les communautés de communes rurales, pour certaines compétences à caractère social ou scolaire des communes, ce qui peut avoir des conséquences dommageables. En cas de fusion, il est souvent impossible aux communautés d'agglomération de se mettre d'accord pour récupérer ces compétences. Notre amendement permet au préfet de créer des syndicats pour gérer ces compétences spécifiques. Cela permet aux communautés de communes de remplacer les compétences scolaires par un syndicat intercommunal qui reprend ces compétences.

M. Jean-Jacques Hyest. - Beaucoup de petites intercommunalités sont créées pour gérer des compétences scolaires. Cette question a beaucoup agité les élus. Mais ce n'est pas la communauté, créée pour gérer l'aménagement de l'espace et le développement économique, qui va gérer le scolaire, elle n'en voudra pas et elle aura raison ! Que deviendrait la gestion de proximité ? Une communauté de communes ne doit s'occuper que de ce que les communes ne peuvent mieux faire toutes seules.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je tiens à remercier Mme Gourault de cet amendement. Il répond à une grande inquiétude des élus locaux - nous les avons rencontrés longuement - qui ont reçu des demandes des préfets de supprimer des syndicats scolaires. Cette volonté a été perçue très négativement, en raison du lien historique fondamental entre les communes et les syndicats scolaires, un lien républicain. Les républicains ont installé dans chaque commune une mairie et une école. Lorsque l'on dit aux parents, aux élèves, aux enseignants, qu'avec un tel système, ils devraient gérer les problèmes de fonctionnement d'une école, d'une cantine, du personnel, à 10 ou 20 kilomètres, dans un bureau où un directeur s'occuperait de 40 à 50 classes, on porte atteinte au lien très fort entre les communes et l'école et l'on fait naître la crainte que soit remise en cause l'existence même de la commune. L'amendement de Mme Gourault est donc très positif.

M. Jean-Paul Amoudry. - Les craintes que vous venez d'évoquer n'auraient pas vu le jour si les préfets avaient pris la peine, comme dans mon département, de ne pas toucher aux syndicats scolaires, aux syndicats de transports scolaires et, j'ajoute, aux syndicats d'adduction d'eau, auxquels nos communes de montagne sont viscéralement attachées.

M. Jean-Jacques Hyest. - Ce n'est pas la même chose !

M. Pierre-Yves Collombat. - Cet amendement paraît satisfait par la proposition de ne pas faire disparaître les syndicats dont les compétences ne sont pas reprises par les EPCI...

M. Jean-Pierre Sueur , président. - En l'occurrence, il s'agit de rappeler des principes républicains, quitte à ajouter quelques lignes de plus à la loi ...

M. Pierre-Yves Collombat. - C'est de la propagande !

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Non ! C'est hautement symbolique, c'est l'esprit républicain !

M. Alain Richard, rapporteur. - Je remercie également Mme Gourault, qui apporte une vraie simplification. Son amendement sort les syndicats visés du dispositif du schéma, car ils n'y ont pas leur place. La référence aux syndicats des eaux n'est pas utile, dans la mesure où, comme tous les syndicats liés à un bassin géographique, ils ne doivent pas y être inclus. Pour tous ceux qui s'intéressent à la pérennité de cette proposition de loi, l'adoption de cet amendement peut être un argument pour convaincre le gouvernement et la majorité de l'Assemblée nationale de ne pas la mettre au panier.

J'ajoute, ayant une quarantaine d'années de service de l'Etat, que beaucoup des propositions faites par les préfets aux CDCI s'expliquent à mon sens par une relève de génération du corps préfectoral, la familiarité des préfets, mais aussi des secrétaires généraux, avec le fonctionnement des collectivités territoriales s'étant distendue au fil du temps avec la décentralisation. Nous pourrions suggérer aux gestionnaires du corps préfectoral de s'assurer du maintien de ses capacités à dialoguer effectivement avec le monde des collectivités territoriales, une part des dysfonctionnements que nous observons venant de cette perte de familiarité.

L'amendement n° 4 est adopté à l'unanimité et devient un article additionnel.

M. Alain Richard, rapporteur. - Le paragraphe II ...

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous suggère de poursuivre votre réflexion sur ce point d'ici à la séance publique, en rectifiant l'amendement si nécessaire.

L'amendement n°23 devient sans objet, ainsi que les amendements n° 1 et n° 6.

Amendement n° 3

Mme Jacqueline Gourault. - Le texte actuel comporte une clause de revoyure, fixée en 2018. Cet amendement prend en compte l'objectif de rationalisation de la carte des EPCI à fiscalité propre, en avançant la date de révision du schéma départemental de coopération intercommunale à l'année qui suit les élections municipales. Nous sommes plus concrets, plus rapides et plus pragmatiques. L'on m'a fait remarquer qu'il faudrait rectifier cet amendement, en remplaçant au paragraphe I « Il est révisé » par « Le schéma est révisé » et en supprimant le paragraphe II, qui se réfère à un article déjà supprimé de la loi du 16 décembre 2010.

M. Alain Richard, rapporteur. - Je suis très partagé. Je comprends votre inspiration, mais je ne suis pas sûr que l'outil soit le bon. Il s'agit de refaire le schéma. La deuxième année du mandat municipal est-elle le bon moment ? Si tout se passe à peu près convenablement, les communautés de communes vont être mises en place.

Les communautés se mettent en place au dernier trimestre de 2013. Le temps que s'organisent les nouvelles équipes, il ne leur restera guère de temps pour porter une appréciation sur le fonctionnement des communautés nouvelles.

M. Yves Détraigne. - Je précise que cet amendement reprend une suggestion émise par la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation à la suite de plusieurs missions sur l'intercommunalité.

Mme Jacqueline Gourault. - Je comprends vos objections, elles sont justes, mais comprenez que ma proposition ne se situe pas dans l'optique d'une révision générale. Il s'agit seulement de faciliter les choses pour tout ce qui n'aura pu se faire à temps, sachant que l'horizon 2018 reste lointain.

M. Christian Cointat. - Pourquoi ne pas écrire, dans ce cas, « au cours de la deuxième année qui suit le mandat » ? Ce qui nous ramènerait à 2016.

M. Alain Richard, rapporteur. - Je comprends la préoccupation de Mme Gourault. Son amendement pourrait être adopté, quitte à y revenir au cours d'une prochaine réunion. Il n'est jamais bon au législateur d'adopter une loi en prévoyant d'un même geste qu'elle devra être révisée : c'est s'accuser lui-même.

Les intercommunalités connaissent toujours des conflits, et il n'est, hélas, personne pour jouer le rôle de conciliateur. Une formation spécifique de la CDCI pourrait jouer ce rôle, pour dénouer des situations bloquées par des minorités parfois très agissantes.

M. Yves Détraigne. - Pourquoi ne pas écrire, plutôt que le schéma « est révisé », qu'il « peut être révisé », car il n'a pas lieu de l'être si les choses se passent bien ( M. Alain Richard, rapporteur, approuve)

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vais donc mettre aux voix l'amendement n° 3 ainsi rectifié : au deuxième alinéa du I, les mots « Il est révisé » sont remplacés par les mots « Le schéma peut être révisé » ; le II est supprimé.

L'amendement n° 3 rectifié est adopté.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je précise que cet amendement n° 3 rectifié vient en fait en sous-amendement à l'amendement n° 17 rectifié, précédemment adopté, et sera ainsi intégré.

Amendement n° 10

M. Alain Richard, rapporteur. - L'amendement n° 10 soulève un problème familier : dans certains cas, le seuil démographique de 50 000 habitants empêche la création d'une communauté d'agglomération. Une dérogation existe déjà pour les communautés construites autour du chef lieu de département. M. Teston propose d'en ajouter une autre pour les communautés se construisant autour de la ville la plus peuplée du département. Je n'ai pu en évaluer les conséquences, d'où mes réserves. Si la ville la plus peuplée du département ne compte que 500 habitants de plus que la suivante, ce critère risque de susciter l'incompréhension. M. Teston est prêt, m'a-t-il dit, à reporter ce débat en séance.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - L'amendement nous engage de surcroît dans un ordre de préoccupations assez éloigné du coeur de la proposition de loi.

M. Pierre-Yves Collombat. - Seuls quelques cas sont visés, chacun le sait. Pourquoi interdire à ceux qui veulent plus d'intégration de le faire ? Nous avons bien traité ici du problème des enclaves, pourquoi ne pas faire droit à cette proposition inoffensive ?

L'amendement n° 10 n'est pas adopté.

Amendement n° 9

M. Jean-Paul Amoudry. - Mon amendement n° 9 vise à combler un vide juridique en matière de transfert des pouvoirs de police : la loi prévoit que le président de communauté pourra refuser le transfert des pouvoirs de police dans les six mois suivant son élection. Mais quid des présidents dont le mandat ne sera soumis à renouvellement qu'en 2014 ?

M. Alain Richard, rapporteur. - J'en profite pour rappeler que cette proposition de loi ne pourra être soumise au vote en assemblée plénière que si nous tenons le délai de quatre heures... Prenons-y garde. Nous sommes nombreux à nous accorder sur quelques correctifs nécessaires. Nous pourrions par conséquent parvenir à un accord de bonne foi...

M. Jean-Jacques Hyest. - L'êtes-vous ?

M. Alain Richard, rapporteur. - ... pour parvenir à l'adoption d'un texte d'initiative sénatoriale. Il serait par conséquent malvenu d'engager en séance un processus d'obstruction dont tout groupe pourrait, à l'avenir, s'emparer...

L'amendement n° 9 est adopté.

Amendement n° 14

M. Alain Richard , rapporteur. - Mon amendement n° 14 répond à la demande de nombreux élus. Toute création ou modification substantielle de communauté pose la question financière. Bien des communes s'efforcent donc, en phase exploratoire, de comprendre ce que sera leur avenir financier. Or, cette mission de conseil fait partie des missions de l'administration déconcentrée de l'État. Il est bon de le rappeler.

M. Jean-Jacques Hyest. - Observation justifiée. Les services financiers mais aussi les directions départementales des territoires peuvent apporter leur aide aux communes. Mais il n'aura pas échappé au conseiller d'État que vous êtes que cet amendement n'est pas de nature législative.

M. Alain Richard, rapporteur. - La remarque n'est pas dénuée de fondement, mais je garde présente à l'esprit la judicieuse remarque de feu le grand préfet Delouvrier, qui observait qu'un fonctionnaire ne pense pas de la même façon selon le fauteuil où il est assis. Disons que nous travaillons, l'un comme l'autre, sur une ligne de crête.

M. Jean-Jacques Hyest. - Respectons la hiérarchie des normes.

L'amendement n° 14 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

Amendement n° 21

M. Alain Richard, rapporteur. - Mon amendement n° 21 porte sur l'intitulé de la proposition de loi, qu'il n'est pas mauvais, désormais, de requalifier.

L'amendement n° 21 est adopté.

M. Jean-Jacques Hyest. - Je souhaite réagir aux propos du rapporteur, qui nous invite à voter en quatre heures un texte qui modifie substantiellement le dispositif que nous avons adopté à la suite de 125 heures de débat.

M. Alain Richard, rapporteur. - Que faites-vous de la navette ?

M. Jean-Jacques Hyest. - Il n'est pas convenable de nous mettre de la sorte au pied du mur : nous ne participerons pas au vote sur le texte proposé par la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - La liberté des parlementaires est garantie par le droit d'amendement.

M. Jean-Jacques Hyest. - Dieu sait si vous nous en avez fait bénéficier...

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Nous sommes ici nombreux à considérer que réponse doit être apportée à bien des problèmes concrets -considération mise à part des autres débats que nous pourrons avoir par ailleurs- et nous en avons ici la possibilité. Voilà tout ce que nous voulions rappeler. S'il pouvait y avoir concertation entre les groupes, ce serait une bonne chose. Si la concertation n'est pas possible, nous en prendrons acte.

La proposition de loi ainsi modifiée est adoptée, le groupe UMP s'abstenant.

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. RICHARD, rapporteur

16

Maintien du mandat des délégués communautaires en cas d'extension, de fusion ou de transformation de l'EPCI

Adopté

Mme GOURAULT

2

Maintien en fonctions des membres du bureau en cas d'extension, de fusion ou de transformation de l'EPCI

Tombe

Article(s) additionnel(s) après l'article unique

Mme LÉTARD

7

Soumission de tous les EPCI créés avant
la loi du 16 décembre 2010 aux dispositions
en vigueur avant la promulgation de la même loi en matière de composition des conseils communautaires et des bureaux.

Tombe

Mme LÉTARD

8

Maintien des mandats des délégués communautaires en cas de fusion d'EPCI

Tombe

M. RICHARD, rapporteur

13

Augmentation de 25 % du plafonnement du nombre de délégués communautaires en cas d'accord local

Adopté

M. COLLOMBAT

11

Suppression du plafonnement du nombre
de membres des conseils communautaires
des communautés de communes et d'agglomération en cas d'accord local.

Tombe

M. RICHARD, rapporteur

15

Suppléance des délégués communautaires

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

19

Assouplissement des orientations du SDCI

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

17

Unification du processus d'élaboration et de mise en oeuvre du SDCI et attribution de la compétence à la CDCI

Adopté avec modification

M. RICHARD, rapporteur

22

Disposition transitoire pour la détermination
des compétences d'un EPCI à fiscalité
propre créé par le SDCI

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

18

Calendrier du SDCI

Adopté avec modification

M. RICHARD, rapporteur

20

Exemption des îles mono-communales de l'obligation de couverture intégrale du territoire par des EPCI à fiscalité propre

Adopté

Mme GOURAULT

5

Même objet que le précédent

Tombe

Mme DURRIEU

12

Dérogation au principe de continuité territoriale pour les enclaves

Adopté

Mme GOURAULT

4

Assouplissement des conditions de création de syndicats compétents en matière scolaire et d'action sociale

Adopté

Mme N. GOULET

23

Report de l'adoption du SDCI

Tombe

Mme GOURAULT

1

Report de l'adoption du SDCI

Tombe

Mme LÉTARD

6

Allongement du délai de consultation de la CDCI sur le SDCI

Tombe

Mme GOURAULT

S/Amdt 3

Avancement de la clause de revoyure
pour la révision du SDCI

Adopté avec modification

M. TESTON

10

Modification des critères démographiques de création d'une communauté d'agglomération

Rejeté

Mme LÉTARD

9

Modalités de renonciation, par un président d'EPCI, au transfert des pouvoirs de police détenus par les maires

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

14

Obligation de conseil des administrations déconcentrées en matière financière et fiscale

Adopté

M. RICHARD, rapporteur

21

Modification de l'intitulé de la proposition de loi

Adopté

Loi de finances pour 2012 - Mission Fonction publique - Audition de M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.

M. Jean-Pierre Sueur, président.- Mes chers collègues, nous sommes très heureux d'accueillir M. François Sauvadet, pour la première fois dans cette configuration. Nous inaugurons donc notre cycle d'auditions budgétaires. C'est le début d'un travail important, car nous avons décidé de rédiger vingt et un avis budgétaires au sein de notre commission. S'agissant de la fonction publique, il n'y a pas de changement : Mme Gourault est, était et restera rapporteur pour avis au nom de la commission pour ce thème. Monsieur le ministre, je vous donne la parole.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.- Je voudrais saluer chaque membre, à commencer par le rapporteur, Mme Gourault. Je suis ravi de présenter les crédits de la mission dans un contexte nouveau. À un secrétariat d'État a succédé un ministère de plein exercice, c'est dire l'importance que le Président de la République accorde à la fonction publique, dans un contexte budgétaire dont vous n'ignorez rien. Ce programme est certes limité mais en hausse cette année, puisque nous passons de 220,9 millions d'euros à 230,1 millions, soit 4% en plus, ce qui est assez rare pour être souligné. C'est donc un signal fort donné à la fonction publique.

Notre programme comprend deux actions, l'action sociale interministérielle et le soutien à la formation des personnels de la fonction publique.

S'agissant tout d'abord de la formation, celle-ci se décompose en deux volets : un volet formation initiale - citons par exemple les crédits alloués à l'ENA ou encore les crédits affectés à la formation des cadres intermédiaires dans les instituts régionaux d'administration de Metz, Nantes, Lyon, Lille et Bastia - et un volet formation continue.

La formation, c'est plus de 81,6 millions d'euros proposés dans le projet de loi de finances pour 2012. J'en profite pour souligner mon attachement à quelques structures comme les classes préparatoires intégrées, les « CPI ». Cette année, quinze élèves suivent une formation en CPI ENA et cent vingt-cinq en CPI des IRA. Ce type de structure est important pour permettre la représentativité de la diversité sociale qui caractérise notre pays.

Concernant l'action sociale, deuxième volet de notre programme, celle-ci se décline entre plusieurs actions comme les prestations individuelles, avec l'aide aux familles, je pense par exemple aux crèches ou encore au chèque emploi service. Ces prestations doivent permettre d'assurer l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, par exemple en facilitant la garde des enfants, pour ne pas systématiquement pénaliser le déroulement de carrière des femmes. Nous avons en tout cas encore à progresser.

L'action sociale comprend également un volet de prestations collectives.

Nous sommes donc très attachés à l'action sociale. Nous sommes d'ailleurs en plein dans l'actualité, puisque s'est tenue hier une réunion du comité interministériel de l'action sociale, le CIAS. La preuve de notre engagement, c'est que le budget de l'action sociale a doublé en cinq ans, passant de 68 millions d'euros en 2006 à 138,5 millions d'euros en 2011. C'est donc une politique cohérente de revalorisation du pouvoir d'achat des fonctionnaires. J'ai d'ailleurs annoncé en comité interministériel, je tiens à vous en informer, la revalorisation du CESU.

J'ajoute que notre programme a contribué à la maîtrise des dépenses publiques, grâce notamment à un effort de la DGAFP sur ses propres dépenses de fonctionnement. Les opérateurs comme l'ENA et les IRA ont également contribué à cet effort puisqu'ils rendent pas moins de dix-sept postes sur le triennat.

Je voudrais ensuite souligner que dès mon arrivée au ministère, j'ai fixé les grandes lignes d'action jusqu'à la fin du quinquennat. De nombreux chantiers ont ainsi abouti en matière d'amélioration des conditions d'exercice du dialogue social. En premier lieu, nous avons initié une réforme des moyens financiers, matériels et humains dont l'enjeu est très important. On a travaillé depuis le mois de juillet dans ce sens. Pour la première fois par exemple, des pages de communication ont été faites. Concernant ensuite les élections professionnelles, je voudrais dire qu'elles ont constitué un rendez-vous majeur de la démocratie sociale. Nous avons besoin d'un syndicalisme représentatif, pour rendre plus efficiente la fonction publique, notamment d'État. Je n'ai pas recherché un accord à tout prix, cela aurait été trop difficile compte tenu de l'éclatement des positions syndicales. Mais je tiens à souligner le grand esprit de responsabilité des syndicats. Tout cela se fait tout en veillant à ce qu'il n'y ait pas de brutalité : il y a donc eu une gestion humaine et en même temps une grande résolution du gouvernement à faire avancer la situation avant les élections, ce qui est courageux.

J'ai souhaité la transparence, il s'agit de moyens publics, c'est donc normal, d'où quatre vingt heures de négociations. D'ailleurs, sur l'ensemble de la fonction publique, 17 000 ETP sont consacrés à la démocratie sociale. Le corollaire de tout cela, c'est la transparence.

Les élections ont constitué un moment unique. Plus de trois millions d'agents, dont deux à La Poste et dans la fonction publique d'État, ont été appelés à voter pour renouveler pas moins de 3800 instances. J'ai effectivement noté un taux de participation qui a baissé dans l'Éducation nationale, puisqu'on est passé de 64 à 38% de participation, mais la participation moyenne globale, hors éducation nationale, s'élève à 73%. Cette participation basse dans l'éducation nationale n'est pas liée à la mise en place du vote électronique puisqu'à la Poste, le taux a été beaucoup plus important. Je rappelle par ailleurs que le vote constitue un acte citoyen, tout ne dépend donc pas du ministère, d'autant que de notre côté nous avons fait un travail très important pour informer les personnels de la tenue de ces élections. Personne ne pouvait l'ignorer. Il faudra que le ministère de l'éducation nationale regarde comment améliorer le taux de participation, mais nous avons fait notre maximum. J'observe d'ailleurs que le taux de participation est très élevé dans les autres ministères, Bercy en est un bon exemple. Dans le prolongement, nous accompagnons la mise en place du nouveau Conseil commun, qui verra le jour au début de l'année prochaine. La publication d'un décret en ce sens est programmée. J'ai souhaité le renforcement des employeurs territoriaux et hospitaliers au sein de ce Conseil. Ainsi, dix sièges, sur les trente existants, seront attribués aux employeurs territoriaux, et cinq sièges aux employeurs hospitaliers. Sur les quatre instances spécialisées, la présidence de la formation spécialisée traitant de l'égalité, de la mobilité et des parcours professionnels sera confiée au président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, M. Philippe Laurent, par ailleurs maire de Sceaux. Les conseils supérieurs auront aussi à se saisir du sujet mais nous aurons ainsi une instance pouvant regarder les éléments transversaux. Bref, l'enrichissement personnel des agents, c'est aussi un enrichissement pour la fonction publique dans son ensemble.

En ce qui concerne l'amélioration des rémunérations, là aussi de nombreuses avancées peuvent être constatées. Nous avons d'abord mis en place l'intéressement collectif. J'y tiens beaucoup. Cela implique des évolutions mais il y a une nécessité de convergence des traitements des différents corps qui ont été regroupés et qui exercent aujourd'hui les mêmes missions.

M. Jean-Pierre Sueur, président.- J'en profite pour dire qu'on ne comprend plus ces sigles des nouvelles directions, par exemple dans les nouvelles organisations territoriales. Avant, on avait, la culture, les sports, la jeunesse, etc. Maintenant on a des sigles abstraits. Il faut pourtant que le peuple puisse comprendre.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.- Il faut effectivement s'approprier ces nouveaux sigles. Cela va dans le sens de la simplification, même si ça bouleverse des habitudes, y compris pour les agents. Pour en revenir à l'intéressement collectif, je veux dire que c'est une idée très moderne. On se fixe des objectifs ensemble et on attribue une même prime à chacun des agents qui permet d'atteindre cet objectif commun. Une prime à la performance, je trouve que c'est une récompense pour ceux qui exercent leur métier dans des conditions un peu plus difficiles que les autres.

Je veux par ailleurs rappeler mon attachement à la réforme du supplément familial de traitement. Ce supplément est aujourd'hui déterminé selon des modalités injustes et obsolètes. Son montant est d'ailleurs peu élevé, il doit être de mémoire de 2,29 euros dès le premier enfant. Il y aura donc davantage de progressivité à l'issue de la réforme. Il faut mettre davantage de justice sociale dans le supplément familial de traitement. Je vous annonce d'ailleurs qu'une enveloppe supplémentaire de 10 millions d'euros sera consacrée à l'accompagnement de la politique d'accueil de l'enfant.

Citons enfin de très nombreuses mesures statutaires qui vont dans le sens de l'amélioration des revenus des fonctionnaires : le nouvel espace statutaire, la création de corps interministériels à gestion ministérielle, le troisième grade à accès fonctionnel permettant d'atteindre le hors échelle A ou le hors échelle D selon les situations, la création de la classe fonctionnelle.

Tous les secteurs bénéficient donc de revalorisations importantes.

Nous avons également bien avancé dans l'amélioration de la gestion des agents publics, et je voudrais en premier lieu revenir sur l'amélioration de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique. Une négociation sera ouverte en ce sens, avec l'objectif de favoriser une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle pour tous. Il y a 60% de femmes dans la fonction publique, ça vaut d'ailleurs pour toutes les fonctions publiques, mais dans les postes les plus élevés, ceux pourvus en Conseil des ministres, on tombe à 10%. La ressource existe pourtant. Une universitaire de Rouen a rejoint mon cabinet pour suivre spécifiquement ce sujet. On a d'ailleurs à cette occasion réfléchi à l'aménagement du temps de travail, car il n'y a pas de fatalité à ce que toutes les réunions se tiennent après 20 heures. Il y a aussi le télétravail qui permet de trouver des solutions, bien entendu en évitant la désocialisation et uniquement sur la base du volontariat. On doit en tout cas être exemplaire à ce sujet. Il y aura chaque année un rapport spécifique à ce sujet, je dis bien chaque année.

Sur le chantier de la gestion des étapes de la vie, c'est-à-dire sur la manière d'aborder la question de l'évolution en fonction de l'âge au travail, là aussi nous devons avancer.

Et puis très rapidement, parce que sinon le temps va finir par nous faire défaut, nous aurons à prendre des mesures quant au traitement des risques psychosociaux et par ailleurs à améliorer la mobilité des agents.

Enfin, vous savez que le gouvernement a déposé au Sénat un projet de loi pour lutter contre la précarité. Il s'agira de renforcer la transformation en CDI des contrats à durée déterminée de tous ceux qui ont plus de six ans d'ancienneté. On n'interdira pas les CDD, ils ont leur utilité, mais il ne faut pas les multiplier pour autant.

M. Jean-Jacques Hyest.- Mais on a déjà voté une loi là-dessus.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.- Il y a besoin d'une évolution de la législation. Tout cela permettra de se projeter dans l'avenir. Il y aura, je vous en informe, un amendement gouvernemental à ce texte pour supprimer le classement de sortie de l'ENA.

M. Jean-Pierre Sueur, président.- C'est un autre sujet. Je pense que peu d'énarques sont concernés par la précarité. Il faut surtout que vous nous disiez vos intentions en matière de fonction publique. Je donne donc la parole à Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis au nom de la commission des lois.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis.- Monsieur le ministre, quelles seront les modalités de la prestation rénovée de l'aide ménagère à domicile prévue pour 2012 ? Quel est l'état de la réflexion du gouvernement sur l'emploi des seniors ? Le troisième sujet est plus vaste : il s'agit du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Comment concilier rigueur budgétaire et maintien du niveau des missions de l'Etat et de l'égalité des citoyens devant le service public ? Quels sont les critères de répartition des suppressions de postes en 2012 ?

Je ne reviens pas sur les aides distribuées au titre de l'action sociale. Cela fonctionne bien.

M. Christophe Béchu.- Est-il envisageable de plafonner le remboursement des frais kilométriques ? S'agissant du supplément familial de traitement, les fonctionnaires le perçoivent en plus des aides versées par la CAF. Peut-on imaginer pour des raisons de justice sociale de le plafonner, voire de ne pas le verser aux détenteurs des plus hauts traitements ?

M. Jean-Yves Leconte.- Je ne sais pas si les personnels détachés au ministère des affaires étrangères relèvent de votre compétence mais je suis inquiet quant à leur traitement, en particulier s'agissant des enseignants. Certains avantages familiaux correspondant à 20 % de leur rémunération leur ont été brutalement supprimés par l'agence pour l'enseignement français à l'étranger. Quel est votre avis sur ce sujet ?

M. René Vandierendonck .- Peut-on connaître le nombre de travailleurs handicapés dans la fonction publique ? S'agissant de l'égalité entre les hommes et les femmes, certains corps sont très féminisés- je pense par exemple à l'École nationale de la magistrature- quelles sont vos réflexions sur ce point ?

M. Jean-Jacques Hyest.- Je suis content de voir exposées toutes ces avancées. Je me réjouis en particulier qu'un sujet comme la précarité fasse l'objet d'un projet de loi.

Il faut rappeler que la suppression de postes de fonctionnaires s'est accompagnée en retour d'une redistribution à ces derniers de la moitié des crédits ainsi économisés. Le contrat a été respecté, mais ça, on ne le dit jamais. La situation s'est améliorée, il y a moins de tensions qu'à certaines époques.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.- Puisque certains font part de leur contentement, moi je ferai part de mon mécontentement. Vous abordez des questions intéressantes comme l'égalité entre les hommes et les femmes. Je milite pour que la fonction publique donne l'exemple dans ce domaine.

Je ne citerai qu'un sujet : la fonction publique hospitalière. Son effectif a été diminué par deux en moins de 10 ans alors que le nombre de malades est constant. À continuer ainsi, on risque de mettre en danger les patients mais également les agents. Leurs conditions de travail sont insupportables.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.- Madame le rapporteur, je vous remercie d'avoir noté les avancées réalisées. C'est la première fois que le comité interministériel d'action sociale vote à l'unanimité.

Nous allons avancer sur la gouvernance. Les dispositifs doivent être connus et utilisés. J'ai demandé à la DGAFP de faire un point trimestriel sur l'utilisation des crédits.

S'agissant de l'aide ménagère à domicile, sa mise en place rénovée devrait intervenir au plus tard le 1er mars 2012. 10 millions d'euros y seront consacrés. Les critères seront calqués sur ceux de la CNAV, l'offre étant centrée sur les plus fragiles économiquement. Ils seront déterminés lors d'une réunion du comité interministériel d'action sociale le 28 octobre prochain. 5 000 personnes devraient en bénéficier dans un premier temps. Cette aide sera gérée par la CNAV. Les organisations syndicales sont très favorables à ce partenariat.

Sur la gestion des âges de la vie, en prévision du passage de 40,5 à 42 ans de l'âge de départ à la retraite, nous travaillons sur l'accompagnement et la gestion des carrières. Les plateformes RH régionales doivent être plus impliquées dans la gestion. De la souplesse dans le management est nécessaire. Il faut être à l'écoute des aspirations des agents quant à leur carrière.

Sur le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, 150 000 postes d'agent ont été supprimés mais dans le même temps on a continué de recruter. Cette règle de non remplacement ne concerne que la fonction publique d'État ; ni la fonction publique hospitalière ni la fonction publique territoriale ne sont concernées.

En Europe, l'Italie a supprimé 300 000 emplois et diminué les traitements de 5 %, l'Angleterre supprime de 300 à 400 000 postes sur trois ans, l'Espagne a diminué les traitements et les pensions. Nous, nous avons mis en place un système gagnant-gagnant.

Cette diminution des effectifs doit être mise en perspective avec la réforme de l'État, la RGPP, la réforme de la carte judiciaire ou encore la réforme police-gendarmerie.

Ce n'est pas la méthode brutale décrite, comme on a pu le dire. Cette réforme a certes pu en troubler certains, notamment en préfecture, - j'ai pu moi-même le constater-, mais le gouvernement a la plus grande considération pour ses agents. Pour 2012, 117 milliards sont consacrés aux dépenses de personnel.

La Cour des comptes a épinglé le gouvernement car les sommes redistribuées aux agents représentent plus de 50 % des sommes économisées par les suppressions de poste.

À titre personnel, je pense que les collectivités territoriales devront elles aussi s'interroger sur leur organisation et réaliser une RGPP à leurs niveaux.

S'agissant de l'éducation nationale, on a pris en considération la situation territoriale. Il y a 16 000 professeurs de plus alors que le nombre d'élèves est en baisse.

Je suis attaché au modèle français de fonction publique ; mais ne pas la réformer, c'est la fragiliser.

Mme Jacqueline Gourault.- Je reviens sur le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.

Moderniser est un devoir et je ne suis pas gênée par l'idée que cela entraînerait des suppressions de postes.

Dans la fonction publique hospitalière, c'est le budget des hôpitaux qui empêche les embauches. Il y a un véritable problème, on manque d'infirmières mais également de médecins.

Il faut mesurer l'attachement des Français à leur école communale, en particulier dans les milieux ruraux. J'ai encore pu le mesurer lors de la campagne des élections sénatoriales. Je rappelle également que c'est la première fois qu'il y a eu une manifestation commune des enseignants du privé et du public.

M François Sauvadet, ministre de la fonction publique.- Je suis d'accord avec vous sur l'essentiel.

S'agissant des fermetures de classes, il n'y a pas eu plus de fermeture que d'ouverture de classes pour l'école primaire.

Pour le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, tous les ministères sont concernés mais certains font un plus grand effort que d'autres. Je pense à Bercy ou à la Défense.

Sur le barème kilométrique, je m'engage à étudier le sujet.

M. Christophe Béchu.- Je vais déposer une proposition de loi.

M François Sauvadet, ministre de la fonction publique et M. Jean-Jacques Hyest.- C'est réglementaire !

M. Jean-Pierre Sueur, président.- Vous pourriez poser une question orale au gouvernement, c'est plus rapide.

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.- Le supplément familial de traitement a été créé en 1917, il faut remettre de la justice sociale dans ce système. Quant à le plafonner, ce ne serait pas rendre service à la politique familiale !

M. Jean-Jacques Hyest.- Les fonctionnaires font-ils plus d'enfants que les autres ?

M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.- Plus on occupe un poste élevé dans la hiérarchie, plus on a d'enfants !

Pour les personnels handicapés, en 2009, ils étaient 2,72 % dans la fonction publique de l'État stricto sensu, 4,83 % dans la fonction publique hospitalière et 4,86 % dans la fonction publique territoriale, soit au total environ 4 %. Je rappelle qu'ils sont 2,8 % dans le privé. Nous allons travailler avec le Fonds pour l'Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP) afin d'améliorer les choses.

Les effectifs de la fonction publique hospitalière ne diminuent pas. Pour 2007, ils atteignaient 1,073 million d'agents, pour 2008, 1,085 million et pour 2009, 1,1 million.

M. Jean-Pierre Sueur, président.- Monsieur le ministre, je vous remercie.

Jeudi 27 octobre 2011

- Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président -

Loi de finances pour 2012 - Mission Outre-mer - Audition de Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

La commission procède à l'audition de Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - L'outre-mer, dans cette commission, est une préoccupation constante. Madame la Ministre, devant votre exposé ou en réponse aux interventions de nos deux rapporteurs pour avis, nous vous demanderons en particulier de faire le point de la situation à Mayotte.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer. - Effectivement, l'outre-mer mérite une attention particulière, d'autant que l'éloignement peut être source d'incompréhension. Pour la troisième année consécutive, je vous présente le budget de la mission « outre-mer » : 2011 a été une année de concrétisation à la fois de la loi pour le développement économique des outre-mer, dite Lodeom, et des décisions du Conseil interministériel de l'outre-mer (Ciom) du 6 novembre 2009. Le Conseil des ministres d'hier matin a consacré une grande partie de ses travaux à l'outre-mer, occasion de rappeler ces avancées.

Tous les pays industrialisés traversent une crise et la France ne fait pas exception. Le gouvernement entend ramener le déficit à 5,7 % de la richesse nationale en 2011, à 4,6 % en 2012 et à 3 % en 2013. Le Premier ministre a annoncé en août un plan de réduction de la dépense fiscale d'un montant de 11 milliards d'euros en 2012 ainsi qu'une diminution supplémentaire d'un milliard sur les dépenses budgétaires prévues pour 2012. Mon ministère prend sa part dans cet effort collectif. Les mesures d'économies préservent néanmoins les priorités en faveur du logement, du développement économique, de l'emploi, de la continuité territoriale, du soutien aux politiques locales d'aménagement du territoire.

Pour l'ensemble de la mission « outre-mer », les économies supplémentaires représentent 48 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 56 millions en crédits de paiement (CP). Le budget de la mission outre-mer pour 2012 s'établit, après contribution à l'effort national, à 2 131 millions en autorisations d'engagement et à 1 979 millions en crédits de paiement. Nous avons la capacité de poursuivre la mise en oeuvre des principaux engagements pris dans la Lodeom et au Ciom de 2009. En 2012, le niveau d'application sera identique à celui de 2011. Cette année, les derniers décrets de la Lodeom sont parus, notamment celui concernant la rénovation hôtelière. L'entrée en vigueur de ces décrets a eu des effets positifs sur les économies ultramarines. Avec la prime « bagasse », c'est plus de 50 millions d'euros qui ont été versés aux planteurs de canne de la Guadeloupe et de la Réunion pour les campagnes 2010 et 2011. Les aides budgétaires à la rénovation hôtelière seront débloquées très prochainement. Les zones franches d'activité ont dès 2010 eu un impact favorable sur des secteurs prioritaires comme l'agro-alimentaire. Les nouveaux dispositifs coûtent 75 millions d'euros et bénéficient à plus de 4 200 entreprises. Le gouvernement maintient, vous le voyez, son effort. La rationalisation de la dépense fiscale qu'ont détaillée Mme Pécresse et M. Baroin ne remet pas en cause ces priorités.

Quant aux décisions du Ciom, 90 % des 137 mesures sont en application. Le budget de l'outre-mer conservera en 2012 ses capacités d'intervention, en particulier sur les deux priorités que sont le logement et l'emploi mais aussi sur la continuité territoriale et le soutien aux collectivités.

L'action pour le logement outre-mer a été réorientée en faveur du logement social : les dotations correspondantes sont en constante augmentation depuis 2007. Malgré la conjoncture budgétaire difficile, les autorisations d'engagement de la ligne budgétaire unique (LBU) restent sanctuarisées à hauteur de 274,5 millions d'euros. La LBU demeure le socle du financement du logement social outre-mer. Pour 2012, le montant des crédits de paiement est en augmentation de 10,3 %, à 215,6 millions d'euros. Nous pourrons donc faire face aux engagements pris. En 2011, 7 500 logements locatifs sociaux auront été ainsi financés, contre 6 200 en 2010 : 3 720 le sont grâce à la défiscalisation, ce qui démontre l'effet de levier qu'elle représente, lorsqu'elle est couplée à la LBU.

L'autre priorité de ce budget concerne l'emploi et la formation. Les enveloppes supplémentaires pour le service militaire adapté (SMA) prennent en compte le doublement du nombre de stagiaires : 4 000 places de stages en 2011, ce sont 1 100 de plus qu'en 2010. Le taux d'insertion, malgré la crise, s'est maintenu à un niveau remarquable, 75 % en 2010 et sans doute 78 % cette année. Nous continuerons en 2012 sur la base d'objectifs aussi élevés.

Le Fonds exceptionnel pour la jeunesse a collecté près de 2,5 millions d'euros au profit de l'outre-mer en 2010. Les projets d'insertion, de lutte contre l'illettrisme, se multiplient. Les contrats aidés font partie intégrante de notre politique de l'emploi outre-mer, même si les financements correspondant ne figurent pas au sein de ma mission. Le nombre de ces contrats a été porté à 52 270 pour 2011, en augmentation de près de 12 %. Ces contrats représentent aussi plus de 9 % du total national.

S'agissant de la continuité territoriale, un premier bilan d'exécution des mesures votées dans la Lodeom montre que cette politique fonctionne bien. Sur les neuf premiers mois de 2011, près de 75 000 unités de voyage « Etat » ont été délivrés, plus de 100 000 sans doute d'ici la fin de l'année. L'enveloppe de 100 millions d'euros sera donc bien consommée et reconduite l'année prochaine. Je proposerai néanmoins dans les prochains mois des corrections, notamment pour le Pacifique, où le reste à payer par billet demeure significatif. De même, pour les étudiants qui passeraient des concours en métropole avant d'y intégrer une grande école, je souhaite que la règle de non cumul soit assouplie.

Les crédits du deuxième programme de la mission, le n° 138, sont consacrés à la compensation des exonérations de charges sociales. Le développement économique et social outre-mer dépend de la politique d'investissement propre à chaque collectivité. En 2011, à mi-parcours des programmations contractuelles, nous procédons à une actualisation, retirant des projets en panne, ajoutant de nouvelles initiatives, le tout à enveloppe constante.

Le volume des crédits prévus pour le financement des contrats de projet et de développement des territoires permettra d'atteindre un taux d'exécution en 2013 comparable à celui des contrats de projet en métropole, mieux que dans le passé en outre-mer.

J'en viens au fonds exceptionnel d'investissement (FEI) créé par la Lodeom. Son volume augmentera en 2012 : 17 millions d'euros d'autorisations d'engagement, 19 millions d'euros en crédits de paiement. En Polynésie française, la réforme de la dotation globale de développement économique (DGDE) a connu sa première année d'application : ce dispositif respecte l'autonomie de la Polynésie. L'accent est mis sur le développement territorial, la transparence et le contrôle des fonds publics.

La transformation de Mayotte en département est devenue effective le 31 mars 2011. Je m'y suis rendue le 14 octobre dernier pour écouter, consulter et faire des propositions de nature à débloquer le conflit en cours. Le processus de départementalisation se poursuit. Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit la mise en place du RSA : 16 millions d'euros en année pleine, au titre de la solidarité nationale. Mais le Gouvernement a aussi engagé une démarche de rattrapage et de développement accéléré. Un fonds de développement économique, social et culturel est doté de 10 millions d'euros par an. Mayotte recevra également la dotation de rattrapage et de premier équipement pour un montant de 8,9 millions d'euros. Le contrat de projet 2008-2013 comprend 23 millions d'euros par an pour le développement durable et la modernisation des entreprises aquacoles, ainsi que 19 millions d'euros pour le logement social. Au total, les crédits pour Mayotte s'élèveront à 92,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 75 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression respectivement de 3,2 % et de 1,5 %. Mayotte n'est pas le « parent pauvre » de la République ! Je précise enfin que le Président de la République a signé la demande de transformation de ce territoire en région ultrapériphérique, ce qui lui permettra de prétendre aux aides européennes. Ce budget permet donc à l'outre-mer de se développer et d'assumer ses responsabilités.

M. Félix Desplan, rapporteur pour avis de la mission outre-mer (DOM). - Nouveau sénateur, je n'ai pas le recul de mon collègue Christian Cointat et je découvre ce budget. J'ai rencontré Mme la Ministre lundi et je lui ai déjà posé diverses questions. En outre, ses services ont répondu à nombre de points abordés dans le questionnaire budgétaire, mais je voudrais revenir sur certains d'entre eux. La loi organique du 27 juillet 2011 a prévu la création d'une collectivité unique en Martinique et en Guyane. Où en est la préparation de la fusion des administrations ? Faisant suite à la concertation avec les DOM sur le SMA, 1 200 jeunes Domiens devraient venir en métropole se former. C'est une bonne chose ; mais il ne faudrait pas oublier qu'ils seront loin de leurs familles et risquent de rencontrer certaines difficultés d'insertion. Ce problème a-t-il été pris en compte ? La continuité territoriale intérieure est applicable en Guyane. Or, la situation est comparable dans les îles du sud de la Guadeloupe. Où en est la réflexion sur le sujet ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer.-- La loi créant la collectivité unique a été adoptée et sera effective en 2014. Le Président de la République a choisi cette date afin que la réforme entre en vigueur concomitamment à celle des collectivités locales de métropole. D'ici là, il faut préparer l'échéance, c'est pourquoi j'ai décidé de créer une commission tripartite composée de douze représentants : quatre pour le département, quatre pour la région et quatre pour l'Etat, qui travaillera sur le transfert des compétences et se prononcera sur la nécessité de nouveaux textes législatifs ou règlementaires. En outre, la nomenclature budgétaire devra être modifiée. En ce qui concerne le SMA, nous encourageons la formation des jeunes Domiens mais nous nous soucions aussi d'une bonne insertion, afin que leur déracinement, car c'en est un, ne leur soit pas préjudiciable.

La continuité territoriale, maintenant : les relations entre l'outre-mer et la métropole sont de la responsabilité de l'Etat. En revanche, la continuité territoriale interne relève des collectivités. La Guyane fait exception dans la mesure où certaines de ses communes de l'intérieur ne sont pas reliées à la côte. La situation est différente en Guadeloupe ou en Polynésie française : des dessertes maritimes sont possibles. Une subvention exceptionnelle pourrait donc être versée à la Guyane pour régler ce problème, mais cette aide n'a pas vocation à être généralisée.

M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la mission budgétaire outre-mer (COM - Nouvelle-Calédonie - TAAF). - Un certain nombre de questions figurant dans le questionnaire budgétaire n'ont pas reçu de réponse satisfaisante. Je remarque que la délégation générale à l'outre-mer n'a pas toujours les moyens suffisants pour tenir toute sa place face aux autres services de l'Etat. Comment faire pour qu'elle soit plus écoutée ?

Les établissements pénitentiaires de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie se caractérisent par une surpopulation carcérale extrême : ainsi, le centre de Faa'a a un taux d'occupation de plus de 250 %, celui de Nouméa, proche des 200 %. Quelles mesures le gouvernement mettra-t-il en oeuvre pour gérer cette situation qui n'est plus supportable ?

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, les réponses au questionnaire budgétaire ont apporté peu d'éléments sur les mesures qui seront prises pour accompagner le projet Koniambo, dans la province Nord. Comment sera gérée l'entrée en service de l'usine, au deuxième semestre 2012 ? Quelles sont les conclusions du comité stratégique industriel ? Quand le schéma stratégique industriel sera-t-il élaboré ?

J'en viens à la Polynésie française : le président Oscar Temaru a annoncé, il y a quelques semaines, que la collectivité ne verserait pas au fonds intercommunal de péréquation (FIP) la quote-part qu'elle lui doit en vertu de la loi organique. Or, une réduction des ressources du FIP porterait gravement atteinte à l'autonomie des communes, qui comptent sur ce fonds pour financer une partie de leurs dépenses de fonctionnement. Que va faire le gouvernement ?

La renégociation des accords de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada constitue un enjeu économique crucial pour Saint-Pierre-et-Miquelon, dont l'économie reste profondément dépendante du secteur halieutique. Nous craignons que cet accord ne fasse l'impasse sur ce petit bout de France. Les intérêts de la collectivité sont-ils pris en considération dans la renégociation ? Comment l'État aidera-t-il Saint-Pierre-et-Miquelon à faire face à la fermeture de Seafoods ? Le gouvernement entend-il assurer la diversification de l'économie de l'archipel, conformément à ce que prévoit le cadre contractuel 2007-2013 ? En outre, le statut de Saint-Pierre-et-Miquelon apparaît aujourd'hui inadapté aux enjeux. Le gouvernement envisage-t-il de lancer une réflexion sur les questions institutionnelles et statutaires ?

Enfin, dans les DOM et les COM, le coût de la vie est insupportablement élevé et cela ne s'explique ni par l'insularité, ni par l'éloignement, ni par l'étroitesse des marchés. Au Vanuatu, voisin de la Nouvelle-Calédonie, les mêmes produits importés sont vendus près de deux fois moins cher ! Cela risque de provoquer des explosions sociales. Comment le gouvernement entend-il moraliser le niveau des prix outre-mer ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer.-- La situation des établissements pénitentiaires est un vrai problème. Outre-mer comme en métropole, nous sommes confrontés à la surpopulation carcérale. Il a été décidé de construire 410 places supplémentaires en Polynésie française et leur livraison devrait intervenir en 2016. En outre, une étude est en cours pour réhabiliter le centre de Faa'a-Nuutania et le transformer en maison d'arrêt ; les conclusions devraient en être connues à la fin de l'année.

Pour la Nouvelle-Calédonie, le Garde des sceaux a validé la construction d'un nouveau centre pénitentiaire. Des offres foncières ont été faites et la décision devrait intervenir fin 2011. J'ai parlé de toutes ces questions avec M. Mercier lors du dernier conseil des ministres consacré à l'outre-mer.

Le projet Koniambo avance, grâce notamment à la défiscalisation, qui a permis de construire l'usine. Mais il faut aussi veiller à assurer des retombées locales. M. Fillon a annoncé que l'enveloppe qui y est consacrée serait maintenue au même niveau, et non touchée par l'effort fiscal général : 16 millions d'euros serviront à financer les équipements dont les habitants ont besoin.

En Polynésie française, j'ai pris acte de la décision du président Temaru. Nous avons sollicité pour ce territoire un prêt de l'Agence française de développement (AFD) et un premier décaissement est intervenu en juin. Le deuxième est prévu bientôt, mais nous attendons le bilan des mesures de redressement financier de la Polynésie. Le versement de cette deuxième part est d'ailleurs conditionné, entre autres, à l'abondement du FIP par le Pays ...

Le gouvernement a saisi la Commission européenne pour appeler son attention sur les négociations en cours avec le Canada et sur la situation de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le commissaire en charge du développement m'a dit avoir proposé un report du libre-échange, de trois à sept ans selon les produits, afin de permettre à Saint-Pierre-et-Miquelon de se préparer à cette mutation.

Le dépôt de bilan de Seafoods est un sujet d'inquiétude. Je me suis rendue à Saint-Pierre-et-Miquelon, après avoir demandé un état des lieux. Durant des années, on a agi pour la pêche au coup par coup, sans vision globale. Aujourd'hui, la catastrophe est là. L'Etat entend lier son soutien à une restructuration de la filière, qui signifie la création d'un pôle unique, même s'il existe deux sites, l'un à Saint-Pierre, l'autre à Miquelon. Dans l'attente de cette restructuration, financée par les investisseurs locaux, l'Etat est disposé à accorder une aide immédiate.

Vous connaissez la position du gouvernement sur la question institutionnelle : à chaque territoire de déterminer les relations qu'il souhaite instaurer avec la métropole. En fonction des propositions qui nous sont faites, nous apportons des réponses. Si Saint-Pierre-et-Miquelon demande une évolution comme celle intervenue en Martinique et en Guyane, pourquoi pas. Mais ce n'est pas au gouvernement d'en prendre l'initiative.

Venons-en au coût de la vie outre-mer. Les territoires sont éloignés de la métropole et des centres d'approvisionnement. L'insularité ne favorise pas la concurrence, qui fait baisser les prix. Pourtant, l'Etat a agi : il a tiré les enseignements de la crise de février 2009 et joué un rôle de régulateur. Mais ne laissons pas penser que c'est lui qui fixe les prix. En revanche, il peut renforcer la transparence dans la fixation des prix. Selon le statut des territoires, la position de l'Etat est différente. Les COM instaurent souvent des taxes qui pèsent sur le panier de la ménagère. De nouvelles ressources doivent donc être trouvées pour éviter d'alourdir le coût des produits de première nécessité. Nous accompagnerons tous les territoires pour qu'ils mènent à bien cette réflexion. Ainsi, en Nouvelle-Calédonie, un Observatoire des prix a été créé et nous apportons notre aide pour réorienter la fiscalité. Des amendes sont prononcées en cas d'abus de position dominante, elles serviront d'exemple. A Mayotte, il fallait avant tout rétablir le dialogue. C'est pourquoi j'ai demandé au préfet de Mayotte d'engager une concertation et l'accord conclu a permis la baisse du prix de huit produits sur les dix qui faisaient l'objet des revendications. Nous n'avons pas pu aller plus loin car les distributeurs estimaient qu'on atteignait le niveau de la vente à perte. Nous avons donc choisi d'aider les familles. La collectivité, qui a un déficit de plus de 70 millions d'euros, consacre 7 millions d'euros à l'action sociale, sur un budget total de 330 millions d'euros. J'ai estimé que nous n'avions pas à nous substituer à la collectivité, mais la caisse d'allocations familiales distribuera des bons d'achat pour les produits de première nécessité. J'ai nommé un médiateur, M. Stanislas Martin, pour surveiller la formation des prix sur place et déterminer si nous avons encore des marges de manoeuvre.

Aujourd'hui, le mouvement de protestation a changé de nature : on n'a plus affaire à 5 000 manifestants dans la rue, mais des affrontements ont lieu avec des jeunes, sur des barricades. La négociation ne peut tout régler concernant la vie chère, mais les syndicats ont pris conscience des efforts du gouvernement et beaucoup ont signé le protocole d'accord. J'espère que la sérénité reviendra, afin que nous poursuivions la départementalisation. Quatre ordonnances sont en cours de rédaction et seront très prochainement soumises au conseil des ministres, sur le RSA, sur la création d'une caisse de retraite pour les travailleurs indépendants ou sur les droits des organisations syndicales. Et le préfet, sur place, est chargé de rechercher les solutions pour mettre un terme à la violence.

La délégation générale à l'outre-mer, qui a été mise en place dans le cadre de la RGPP, compte 170 agents, surtout de catégorie A, et ses missions sont essentiellement tournées vers la prospective et l'évaluation. L'équipe est désormais au complet et je souhaite que son intervention devienne plus prospective. Mais dans cette actualité législative riche, je considère que mon administration a su faire face.

Mme Catherine Tasca. - Vous avez dit les limites de l'action gouvernementale face à la grande distribution. En fait, l'un des éléments structurels de la vie chère outre-mer, c'est que ces territoires dépendent exclusivement des importations. Ne pourrait-on encourager les productions, les filières locales ? Les prix baisseraient et le bilan carbone en serait amélioré.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer.-- Pendant de nombreuses années, nous n'avons pas porté attention aux productions locales. De par leur histoire, ces régions étaient consacrées à la monoculture de la banane ou de la canne. Il convient effectivement d'encourager les filières locales pour que ces territoires soient moins tributaires des importations, mais aussi pour réduire le taux de chômage, insupportable. En plus du programme européen d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), le gouvernement a obtenu de Bruxelles qu'il puisse verser 40 millions d'euros supplémentaires pour développer certaines filières agricoles locales. Ainsi une filière viande a-t-elle été développée à La Réunion et les négociations avec la distribution lui ont ouvert les rayons des grandes surfaces. La viande qui y est vendue est de 5 à 20 % moins chère et de bonne qualité. Nous voulons faire de même pour les fruits et légumes. Alors les territoires seront moins dépendants des importations et les prix baisseront grâce à la concurrence. Il s'agit aussi d'éviter toute rupture d'approvisionnement. Mais l'Etat ne peut pas tout faire seul : les collectivités doivent également prendre leurs responsabilités et faire leurs choix de développement. Nous les accompagnerons, dans des relations fondées sur la confiance, le respect, le partenariat.

M. Félix Desplan, rapporteur pour avis. - En Guyane, on pourrait exploiter l'or industriellement ; et des gisements de pétrole ont été découverts. Mais quelles retombées économiques aurait pour le territoire un tel développement ? C'est cela qui importe.

Les DOM ont des difficultés budgétaires. Ils ont déjà des taux d'imposition très élevés, mais ils ne peuvent toujours pas s'appuyer sur un cadastre, qui manque, par exemple, en Guyane. Or, il faut que l'assiette des impôts soit suffisamment large. Comment améliorer les choses ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer.-- En Guyane, nous soutenons l'essor de la filière énergétique et vous connaissez le rôle des commissaires au développement endogène. Cinq projets industriels touchant la biomasse sont en cours. L'Etat a toujours été favorable à une activité aurifère industrielle. Le grand projet sur la montagne de Kaw n'a pas abouti faute d'entente entre les acteurs locaux. Mais je soutiens toujours l'idée d'une restructuration de la filière et je crois tout à fait possible de préserver la richesse et la diversité guyanaise tout en renforçant le développement économique. Cela s'est fait en Nouvelle-Calédonie avec le nickel, alors que son lagon est classé au patrimoine mondial par l'Unesco. Et si l'on n'organise pas l'activité, celle-ci est exercée en sous-main, dans des conditions discutables. En Guyane, le schéma minier est en cours d'élaboration, il vise à déterminer les lieux où une exploitation industrielle est autorisée et ceux où la biodiversité doit être protégée.

De nombreux indices suggèrent la présence de gisements de pétrole au large de la Guyane : la réaction immédiate du gouvernement a été de lier une future exploitation aux retombées pour le territoire. Et je mène un travail avec Mme Kosciusko-Morizet pour que les éventuels projets soient respectueux de l'environnement. Il faudra aussi, bien sûr, revoir la fiscalité. Avançons dans la transparence, ces évolutions sont une chance pour la Guyane et nous espérons qu'elles se traduiront par un développement équilibré.

Nous voulons aider les collectivités à connaître mieux leurs bases fiscales afin de dégager de meilleures ressources. Il est bien sûr préférable de les aider à trouver des recettes que de leur verser des subventions ! En Guyane, nous avons nommé un géomètre supplémentaire pour avancer dans ce travail : les collectivités y ont déjà gagné de nouvelles recettes.

Mme Éliane Assassi. - Vos réponses ne me conviennent pas tout à fait. Ce n'est pas l'Etat qui fixe les prix, dites-vous. Mais l'Etat peut faire pression, en particulier pour une augmentation des salaires ! Les Mahorais ne demandent pas la charité, ils ne mendient pas des bons de réduction, ils attendent des conditions de vie décentes. Ils se sont très majoritairement prononcés pour la départementalisation, il ne faut pas qu'ils soient à présent déçus. Et ils ont le droit de revendiquer une vie plus digne et plus juste. Que l'Etat donne aux collectivités les moyens d'assurer leurs missions ! Je crains cependant que nous soyons assis sur une poudrière, à Mayotte et ailleurs...

Vous savez que je m'intéresse à la question de l'immigration. J'ai visité le centre de rétention de Mayotte il y a trois ans : les conditions de vie y étaient terribles. Dans quel état est-il maintenant ? Des promesses avaient été faites : où en est-on ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'Intérieur, de l'Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l'Immigration, chargée de l'Outre-Mer.-- Je n'oublie pas que j'ai connu la départementalisation, qui nous a apporté beaucoup. J'ai donc soutenu cette évolution institutionnelle. D'autant que des engagements avaient été pris depuis longtemps à l'égard des Mahorais : il était nécessaire de régulariser la situation et d'honorer, enfin, les promesses...

J'aimerais augmenter les salaires, porter les minima sociaux au niveau métropolitain ; je ne me satisfais pas de voir comment vivent les gens dans certains quartiers d'habitat dégradé. Mais le principe de réalité est incontournable. Améliorer le pouvoir d'achat exige d'agir sur les prix ou les salaires. Or, nous avons déjà réévalué le smic, désormais à 85 % du niveau de métropole. Un RSA élevé, certes : encore faut-il développer le tissu économique, aujourd'hui très fragile. Pour augmenter le revenu de solidarité active, il faudrait augmenter les cotisations des entreprises : pourraient-elles le supporter ? Si une hausse brutale déstabilisait les entreprises et provoquait la disparition ou le départ d'un certain nombre d'entre elles, comment pourrions-nous accompagner le développement ? Ayons le souci des équilibres.

La collectivité doit exercer toutes ses compétences départementales : compétence scolaire, entretien des routes, etc. Mais le transfert interviendra progressivement, dans l'intérêt de tous. Le pacte pour la départementalisation, qui accompagnait le projet de loi, le prévoyait ainsi. Ni les compétences, ni l'ensemble des taxes, ne peuvent être transférées tout de suite. La départementalisation a sans doute suscité beaucoup d'espoirs. Mais de nombreux dossiers auraient pu être traités dans le cadre juridique de l'article 74 de la Constitution, autrement dit sous l'ancien statut de Mayotte ; ils ne l'ont pas été et ils resurgissent maintenant...

La collectivité est fortement déficitaire, mais l'Etat n'entend pas verser d'importantes dotations, parce que les dépenses de fonctionnement ne sont pas toutes rationnelles.

Enfin, le centre de rétention administrative de Mayotte a fait l'objet de travaux d'aménagement et la situation est désormais plus acceptable. Mais l'objectif de reconstruire ce centre n'a pas disparu. On passerait alors de 60 à 136 places en 2014.

M. Jean-Pierre Sueur, président. - Je vous remercie de ces réponses très complètes.