- Mardi 5 juillet 2011
- Mercredi 6 juillet 2011
- Réforme portuaire - Examen du rapport d'information
- Couverture numérique du territoire - Examen du rapport d'information
- Situation des éleveurs et secteur de la viande bovine en France - Examen du rapport d'information
- Article 88-4 de la Constitution - Saisine de la commission et nomination d'un rapporteur
- Nomination d'un rapporteur
Mardi 5 juillet 2011
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Mise en oeuvre nationale de la politique de cohésion - Examen du rapport d'information
La commission entend la présentation du rapport d'information de M. Rémy Pointereau, sur la mise en oeuvre nationale de la politique européenne de cohésion.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Ma communication d'aujourd'hui est complémentaire de la résolution sur l'avenir de la politique européenne de cohésion après 2013 que notre commission a adoptée le 25 mai dernier, puisqu'elle concerne la mise en oeuvre par la France de cette politique, à travers les fonds structurels européens.
Pour commencer, je vais d'abord vous rappeler la manière dont est organisé le dispositif national de gestion des fonds structurels, qui est assez complexe.
Le cadre général est fixé par les règles communautaires. Pour la période 2007-2013, toutes les régions européennes sont éligibles à la politique de cohésion, mais avec une intensité variable en fonction de leur niveau de développement. Les conditions d'éligibilité sont fixées en fonction de trois grands objectifs :
- l'objectif 1 « convergence », qui concerne les régions européennes dont le PIB par habitant est inférieur à 75 % de la moyenne du PIB communautaire, ainsi que les États membres dont le revenu national brut par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire. Il concentre 81,5 % des fonds alloués à la politique de cohésion ;
- l'objectif 2 « compétitivité régionale et emploi », qui concerne les régions dont le PIB par habitant est supérieur à 75 % de la moyenne communautaire. Il reçoit 16 % des fonds alloués à la politique de cohésion ;
- l'objectif 3 « coopération territoriale européenne », qui concerne toutes les régions sans distinction de niveau de développement, et qui vise à financer des projets de coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale. Il reçoit 2,5 % des fonds alloués à la politique de cohésion.
Pour contribuer à la réalisation de ces objectifs, la politique de cohésion fait appel à trois fonds :
- le Fonds européen de développement régional (FEDER), qui participe à chacun des trois objectifs ;
- le Fonds social européen (FSE), qui participe aux deux premiers objectifs, avec pour but de faciliter l'adaptation des travailleurs et des entreprises aux mutations économiques et sociales ;
- le Fonds de cohésion, qui se concentre sur les infrastructures de transport et environnementales, sur l'efficacité énergétique et sur les énergies renouvelables. Réservé aux États membres dont le revenu national brut est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire, il ne concerne pas la France.
Au total, 347 milliards d'euros sont affectés à la politique de cohésion sur la période 2007-2013.
Sur cette période, la France bénéficie d'un peu plus de 14 milliards d'euros de crédits issus des fonds structurels européens, soit un taux de retour de 4,13 % sur un total de 347 milliards. Pour cette période de programmation, il n'y a plus de zonage, et ce sont toutes les régions françaises qui sont éligibles aux trois grands objectifs de la politique de cohésion.
La mise en oeuvre nationale des fonds structurels européens recourt à des documents de programmation articulés les uns avec les autres. Tout d'abord, à partir des orientations communautaires, chaque État membre élabore un cadre de référence stratégique national (CRSN), qui fixe les principaux enjeux et axes d'intervention des fonds structurels pour les années à venir. Le CRSN est transmis à la Commission européenne, qui le valide, puis il sert de référence pour la rédaction des programmes opérationnels (PO). En France, 35 programmes opérationnels au total sont mis en oeuvre. Comme le CRSN, les PO sont transmis à la Commission européenne pour examen et validation.
Les règlements communautaires prévoient que la mise en oeuvre de chaque programme opérationnel est pilotée par une autorité de gestion désignée par l'État membre. La France a fait le choix d'une assez large déconcentration. Pour les objectifs 1 et 2, l'autorité de gestion est le Préfet de région, relayé par son Secrétaire général aux affaires régionales (SGAR), qui est lui-même secondé par les différents services instructeurs compétents selon les thématiques. Toutefois, pour le FSE, l'autorité de gestion est centrale : il s'agit du ministère chargé de l'emploi. Par ailleurs, à titre expérimental, la région Alsace est autorité de gestion pour les crédits FEDER de son PO régional.
La chaîne de contrôle de l'utilisation des fonds structurels comporte une autorité de certification. En France, elle est exercée par les directeurs des finances publiques, qui sont garants de l'exactitude et de la conformité des dépenses. Elle comporte également une autorité d'audit, exercée par la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC). La CICC est un organisme central, qui procède de manière aléatoire à des contrôles a posteriori.
Dans le cadre de ma mission d'information, j'ai procédé à un certain nombre d'auditions. J'ai rencontré des représentants de l'Association des régions de France et de la Maison européenne des pouvoirs locaux français, des représentants de la région Alsace, le président de la CICC, un inspecteur général de l'administration auteur d'un rapport sur la gestion des fonds structurels, ainsi que le délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale. Je me suis aussi rendu à Bruxelles, où j'ai rencontré le spécialiste de la politique régionale à notre Représentation permanente, ainsi que le directeur général de la politique régionale à la Commission européenne.
L'enseignement que j'en ai retiré est que l'efficacité de la mise en oeuvre nationale de la politique européenne de cohésion se trouve amoindrie par des difficultés récurrentes. Premièrement, il y a un défaut général de gouvernance. On constate d'abord un manque de coordination entre les différents ministères gestionnaires. En théorie, la DATAR est chargée d'une mission générale de suivi et d'appui, pour faciliter la mise en oeuvre des fonds européens. En pratique, elle se concentre plutôt sur le suivi du FEDER en métropole, la direction générale de l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) ayant la responsabilité du FSE, tandis que le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a la responsabilité des programmes opérationnels dans les départements d'outre-mer.
On constate, également, une expertise insuffisante des services instructeurs dans les régions. Les SGAR et les directeurs régionaux du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP) ne pilotent pas toujours efficacement les services déconcentrés sur lesquels ils s'appuient pour l'animation ou l'instruction des dossiers. Ceux-ci ont aussi subi, ces dernières années, les effets de la révision générale des politiques publiques (RGPP).
Deuxièmement, l'accès aux fonds européens est parfois difficile pour les porteurs de projets. L'information sur l'existence même des fonds, ainsi que sur les procédures à suivre, est trop souvent réservée aux initiés. Quant aux dossiers de demande, ils sont excessivement complexes. Les élus ont du mal à s'y retrouver, et les entreprises plus encore.
Troisièmement, les coûts de gestion des fonds structurels européens apparaissent relativement élevés. Un rapport commun à l'inspection générale des finances, l'inspection générale de l'administration et l'inspection générale des affaires sociales l'évalue en moyenne à 6,4 % des fonds concernés. Ce coût de gestion non négligeable s'explique notamment par un nombre souvent important de cofinanceurs pour un même projet, dont les règles ne sont pas coordonnées.
Quatrièmement, les fonds structurels européens se trouvent exposés au risque de la règle du « dégagement d'office », d'après laquelle les crédits engagés au titre de l'année N qui n'ont pas été consommés à la fin de l'année N+2 sont restitués au budget communautaire. Ce risque est accru en début de période de programmation, quand les projets retenus tardent à se mettre en place.
Vous savez que nous nous trouvons actuellement dans la phase de préparation de la prochaine période de programmation des fonds structurels, pour les années 2014 à 2020. La Commission européenne vient de rendre publiques, le 29 juin dernier, ses propositions chiffrées pour l'ensemble du cadre financier pluriannuel de l'Union européenne. Dans un contexte de hausse globale du budget communautaire de 4 %, le budget de la politique de cohésion passerait de 347 à 376 milliards d'euros. Ce montant inclurait 40 milliards d'euros consacrés à un fonds pour les infrastructures, qui serait géré de manière centralisé, sans l'intervention des régions. Ce fonds spécialisé permettra notamment de financer les opérations programmées par le schéma national des infrastructures de transports (SNIT), qui a été examiné il y a deux semaines par notre commission.
Par ailleurs, la Commission confirme la création d'une nouvelle catégorie de régions intermédiaires dont le PIB sera compris entre 75 % et 90 % de la moyenne communautaire. Dix régions françaises entreraient dans cette nouvelle catégorie. Néanmoins, cette proposition de la Commission doit encore convaincre une majorité des États membres. Certains pays, comme l'Espagne ou l'Allemagne, préféreraient que l'on consacre plutôt les crédits prévus pour les régions intermédiaires à renforcer les mécanismes de transition dont bénéficient leurs régions tout juste sorties de l'objectif « convergence ».
La Commission européenne a proposé de concentrer les fonds structurels sur un nombre plus réduit de thèmes. L'idée est intéressante, mais il faut que chaque région puisse choisir, lors de l'élaboration de son programme opérationnel, les thèmes qui correspondent à sa spécificité. En revanche, je n'approuve pas la proposition de la Commission européenne de conditionner le versement des fonds structurels au respect par chaque État membre de critères de performance macroéconomiques.
Il faut réfléchir, dès à présent, sur les moyens d'améliorer notre dispositif national de mise en oeuvre des fonds structurels européens et je souhaite formuler un certain nombre de recommandations pour la prochaine période de programmation. Tout d'abord, il convient de renforcer le pilotage des fonds structurels. Pour cela, la DATAR doit être confirmée dans son rôle interministériel de stratège et d'expert pour l'ensemble des fonds, ce qui suppose que ses moyens humains soient portés à un niveau suffisant. Afin de soutenir les services instructeurs, une cellule de spécialistes des marchés publics pourrait être mise à la disposition des préfets de régions et des SGAR. En ce qui concerne l'expérience alsacienne, elle semble difficile à généraliser à des régions moins cohérentes et de dimensions plus vastes.
Ensuite, il faut intensifier les efforts de communication afin d'aller à la rencontre des porteurs de projets potentiels, surtout en début de période de programmation. Pour cela, les chambres consulaires pourraient être mobilisées à destination du monde de l'entreprise, et les sous-préfets d'arrondissement devraient être incités à faire remonter les projets vers le niveau régional, dans le cadre d'un « pacte territorial ».
Le nombre des intervenants par projet mérite d'être rationalisé, en fonction du montant concerné. En effet, le mécanisme des financements croisés aboutit à ce que chaque financeur attend l'accord des autres avant d'apporter sa contribution, avec pour effet final d'allonger les délais.
Par ailleurs, pour renforcer la logique partenariale, la composition du comité de suivi du cadre de référence stratégique national devrait être élargie aux associations représentant les collectivités territoriales de niveau infrarégional.
Un deuxième axe d'amélioration est la simplification des règles de gestion. Tout le monde est d'accord sur cet objectif général. Mais il faudra s'assurer que les propositions que la Commission européenne fera à l'automne en la matière correspondent bien à des simplifications effectives.
Une mesure évidente consisterait à instaurer un dossier unique de demande de cofinancement, identique dans toutes les régions et quel que soit le fonds concerné. Des opérations inter-fonds, financées à la fois par du FEDER et par du FSE devraient pouvoir être montées.
Il faut aussi envisager d'alléger les exigences en matière de contrôle. Ainsi, pour les projets d'un montant inférieur à un certain seuil, qui pourrait être d'un million d'euros, les frais généraux pourraient être calculés sur une base forfaitaire et non plus remboursés sur pièces justificatives. Afin que chacun puisse bénéficier de son expertise, la CICC devrait établir chaque année un rapport d'activité anonymisé.
Plusieurs des personnes que j'ai auditionnées m'ont signalée la nécessité de simplifier les règles applicables aux « projets générateurs de recettes », c'est-à-dire aux partenariats public-privé. Actuellement, pour ce type de projets, il est prévu une estimation préalable des recettes attendues, un suivi des montants effectivement générés, puis un reversement final en cas d'éventuel surfinancement. Cette règle entraîne une complexité et une insécurité juridique qui sont dissuasives.
Un troisième axe d'amélioration concerne la maîtrise du risque de dégagement d'office. D'une part, la règle pourrait être assouplie, en allongeant d'une année le délai imposé aux autorités de gestion pour justifier la consommation des fonds qui leur ont été alloués. On passerait alors de N+2 à N+3. Mais uniquement pour les deux premières années de la période de programmation. D'autre part, il conviendrait d'anticiper les travaux d'élaboration du prochain cadre de référence stratégique national et des prochains programmes opérationnels, de manière à ne pas prendre de retard dès la première année de programmation.
En guise de conclusion, je voudrais redire tout l'intérêt que présentent les fonds structurels pour donner une visibilité à l'Europe auprès de nos concitoyens. La politique de cohésion permet à la construction européenne d'avoir un ancrage solide dans nos régions. Mais elle demeure perfectible, et je crois que notre commission devra demeurer attentive aux propositions de réforme qui vont être discutées à Bruxelles dans les mois qui viennent.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Ce qui me paraît déterminant, dans la procédure de mise en oeuvre des fonds structurels, c'est le moment où l'on discute des documents de programmation. Comme dans d'autres domaines, tels celui des zones de revitalisation rurale, il faut impliquer les sous-préfets.
M. Daniel Raoul. - Je constate que nos concitoyens ne peuvent pas toujours apprécier l'importance des fonds européens, car dans la communication publique ils sont souvent qualifiés de participations de l'État. En ce qui concerne la règle du dégagement d'office, j'observe qu'en général, il y a un trop-plein de projets en début de période et que l'on décourage alors les candidats, puis, deux ans après, on sollicite à nouveau en urgence les projets, avant de les filtrer à nouveau sévèrement. Cette politique de va et vient est très déstabilisante. Pour la période de programmation 2014-2020, il faudra lancer les appels à projets dès 2012-2013.
Vous avez évoqué un certain manque d'expertise des services instructeurs. Il existe pourtant des experts, mais pas forcément auprès du secrétaire général aux affaires régionales. Le problème du manque de coordination entre les ministères est réel. Mais il y a aussi un effet RGPP au niveau régional. A ce propos, j'appelle votre attention sur les conditions dans lesquelles s'effectue la réforme des services du ministère de l'économie et des finances : selon l'adage « on est jamais mieux servi que par soi même », c'est la plus coûteuse en termes de gains d'indices. Je trouve choquante cette différence de traitement par rapport aux autres ministères.
Je suis d'accord avec le recentrage du dispositif que vous proposez autour de la DATAR. Il restera à résoudre le problème des cofinancements multiples. Par ailleurs, je regrette la disparition du zonage, qui avait un effet de péréquation plus marqué.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Effectivement, sans zonage, la politique de cohésion ne peut pas avoir la même efficacité pour les parties du territoire en voie de désertification.
M. Yannick Botrel. - Sur la base de mon expérience de mise en oeuvre des fonds structurels en Bretagne, j'ai observé, comme Daniel Raoul, les mouvements erratiques liés au risque du dégagement d'office. La première année de programmation est perdue, puis il y a une accélération, puis une révision à la baisse quand apparaît la surconsommation des crédits. Ce mécanisme est complexifié par la multiplicité des cofinanceurs, qui interviennent avec des taux de participation différents. En fin de processus, si un écart de quelques euros apparaît par rapport à la maquette préalable, il faut reprendre toutes les délibérations. Aucune entreprise ne pourrait gérer son activité de cette manière !
M. Marc Daunis. - Je me demande si nous ne sommes pas nous-mêmes à l'origine de nos propres difficultés. Je suis favorable à la consolidation du rôle de la région comme autorité de gestion, afin de contourner les effets de la RGPP sur les services de l'État et de faciliter l'articulation des fonds structurels avec les contrats de projets État-régions. Une plus grande implication des sous-préfets me semble intéressante, c'est au niveau du département que les arbitrages doivent être rendus. L'arbitrage de l'État au niveau régional est souvent catastrophique.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Avec la réforme des collectivités territoriales, la clarification des compétences a été faite. Il faudra que les régions et les départements trouvent un accord d'ici 2014 pour savoir qui sera chef de file.
M. Benoît Huré. - J'ai l'impression que la rigueur de la France dans l'utilisation des fonds structurels frise l'excès de zèle, par rapport aux autres États membres. Dans la période de montée en puissance des fonds structurels que j'ai connue, la gestion se faisait au niveau départemental. Aujourd'hui, tout a été remonté au niveau régional, et l'on a perdu en réactivité. Les arbitrages au niveau régional ne sont pas bons, car il y a trop de contradictions entre les départements d'une même région.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Daniel Raoul a évoqué la manière dont l'État s'attribue souvent auprès du public la paternité des fonds européens. Mais il est vrai que les fonds structurels sont alimentés par des contributions des États membres. C'est d'ailleurs pourquoi certains de ces derniers s'arrangent fort bien des dégagements d'office, car ceux-ci viennent réduire d'autant le montant de leurs contributions. En ce qui concerne la coordination entre les différents niveaux de collectivité, l'association des régions de France propose un « pacte territorial » qui permettrait de faire un tour d'horizon avec l'ensemble des collectivités concernées avant de mettre en place les programmes opérationnels, et d'établir des priorités pour chacune des régions.
En ce qui concerne la RGPP, je précise que la conditionnalité envisagée par la Commission européenne pourrait porter non seulement sur des critères macroéconomiques, mais aussi sur la mise en oeuvre d'un programme de réformes structurelles par chaque État membre. J'espère toutefois que cette proposition ne sera pas retenue. Quant aux indicateurs d'efficacité des fonds structurels, ils me paraissent très subjectifs. Par exemple, comment évaluer les gains en termes d'emplois directs et indirects ?
La DATAR, par son caractère interministériel, est la structure la mieux à même de coordonner les fonds européens. Mais elle ne peut consacrer aujourd'hui qu'une vingtaine de personnes à cette tâche, et il lui faut des moyens supplémentaires.
Davantage de souplesse devrait être recherchée dans l'intitulé des projets. Par exemple, si une municipalité nouvellement élue décide de modifier l'affectation d'un projet engagé par la municipalité précédente, celui-ci risque de ne plus être éligible aux fonds européens. Des intitulés suffisamment larges peuvent faciliter le redéploiement des fonds vers les projets qui évoluent.
Marc Daunis fait sans doute allusion à l'expérience de l'Alsace, qui est l'autorité de gestion du FEDER pour son programme opérationnel. Mais il s'agit d'une région de taille réduite, et la généralisation de cette expérience à des régions plus vastes, moins homogènes, serait difficile. Il y a des départements pauvres dans des régions riches, et les arbitrages seraient difficiles.
M. Marc Daunis. - Il faut que l'on retrouve une cohérence entre les fonds structurels européens et les contrats de projets État-régions. Je suis pour le « pacte territorial » que vous avez évoqué, qui donne lieu à des arbitrages publics et qui débouche sur un vrai projet. J'y vois un triple avantage, en termes d'harmonisation des rythmes des différentes programmations, en termes de cohérence entre l'État et les collectivités territoriales, et en termes de choix répondant à une logique de projets.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - L'excès de rigueur de la France dans la mise en oeuvre des fonds structurels européens a été confirmé par les personnes que j'ai auditionnées. Mais il faut savoir que la politique de cohésion est critiquée au niveau du Parlement européen en raison d'un taux d'erreur important. Il faudrait parvenir à établir une relation de confiance entre la Commission européenne et l'État français et ses régions.
M. Alain Houpert. - Les aides pour les collectivités et les particuliers forment un véritable maquis. Je souhaite, notamment, que les régions et les départements s'harmonisent pour l'application de la règle de minimis. En Bourgogne, par exemple, les aides de la région peuvent aller jusqu'à 200 000 euros, mais le plafond est inférieur au niveau des départements.
Mme Renée Nicoux. - La concentration thématique, évoquée par le rapporteur, ne devrait pas aboutir à exclure certaines régions qui n'ont pas les mêmes problématiques que les autres.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - Pour les projets de petite dimension, on s'oriente vers une forfaitisation des frais généraux. Par ailleurs, il faudrait mettre en place des règles plus adéquates pour les avances. Actuellement, l'Union européenne verse une avance à l'État, mais celui la reverse en fonction de ses propres contraintes de trésorerie, parfois deux ans après. Ce mode de fonctionnement n'est plus admissible. Il faut que l'avance soit versée au fur et à mesure du déroulement du projet.
En ce qui concerne la concentration thématique, la Commission européenne propose de déterminer une quinzaine de thèmes, parmi lesquels chaque région sera invitée à en choisir trois ou quatre. Cela risque effectivement de poser problème pour certaines régions qui auront une multiplicité de projets dans des domaines différents. De surcroît, la Commission souhaite que les thèmes soient choisis en cohérence avec les priorités de la stratégie « Europe 2020 ». A force de concentrer les thèmes, on risque d'avoir des difficultés à consommer les fonds structurels.
M. Alain Houpert. - Il me paraît important d'ajouter l'assainissement aux thèmes proposés. Alors que la France paie des amendes parce qu'elle n'est pas en règle par rapport aux directives européennes en la matière, il faudrait pouvoir cofinancer par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) les projets auxquels participent les agences de l'eau.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Les départements ont été, par le passé, très généreux en matière d'assainissement. Mais aujourd'hui, plus rien ne se fait. Je suis favorable à une clarification des compétences et à un renforcement des agences de l'eau.
M. Rémy Pointereau, rapporteur. - J'ai abordé le sujet de l'assainissement lors de mon entretien à Bruxelles avec le directeur général de la politique régionale. Il m'a indiqué que l'expérience faite dans les nouveaux États membres a été décevante : alors que les réseaux ont été financés par les fonds européens, trop souvent les raccordements n'ont pas été rendus obligatoires.
M. Gérard César. - J'approuve la suggestion d'Alain Houpert. Si l'Union européenne peut contribuer au financement des services publics d'assainissement non collectif (SPANC), cela déclenchera les participations des départements et des agences de l'eau. L'assainissement est vital pour le développement du tourisme en milieu rural.
M. Benoît Huré. - En ce qui concerne les aspects procéduriers de l'administration française, je peux témoigner qu'ils surprennent nos voisins belges, avec lesquels ma région est liée pour des projets transfrontaliers. La participation des fonds européens au financement de la politique de l'eau et de l'assainissement me paraîtrait, à moi aussi, tout à fait cohérente.
La commission adopte le rapport d'information à l'unanimité.
Bilan du Grenelle de l'environnement - Audition de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement
Puis, la commission entend Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, sur le bilan du Grenelle de l'environnement.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous voici réunis autour de Mme la ministre pour tirer un premier bilan de la loi du 12 juillet 2010 portant Engagement national pour l'environnement dite « Grenelle II » qui touche beaucoup d'activités économiques de notre pays. Ce texte avait été suivi par quatre rapporteurs de notre commission et comptait, au moment de son adoption définitive, 257 articles.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. - Merci d'être venus aussi nombreux pour participer à cette réunion : j'ai coutume de dire que 2011 est l'année de la maturité du Grenelle avec la mise en place de divers outils pour permettre aux Grenelle I et II de fonctionner. Vos collègue députés ont souhaité fêter les quatre ans du Grenelle en faisant un point d'étape.
Tout d'abord, quelques chiffres : selon le Secrétariat général du gouvernement, 199 décrets devaient être publiés, mais six ne sont pas nécessaires car les dispositions votées se suffisent à elles-mêmes, et quatre n'ont pas à être publiés dans l'immédiat : ainsi, nous pouvons attendre deux ans pour publier la réglementation thermique pour 2020, puisque celle pour 2012 n'est pas encore en application. Au 30 juin, sur les 193 décrets attendus, 95 étaient soit publiés, soit au Conseil d'État, soit en cours de signature dans d'autres ministères. Nous sommes donc à mi-chemin : cela nous laisse encore beaucoup de travail mais les choses ont plutôt bien avancé. Ainsi, le 30 avril, seuls 55 décrets avaient été publiés : en deux mois, 40 de plus l'ont été, c'est dire le rythme de travail auquel les services du ministère et notamment le Commissariat général au développement durable ont été soumis.
Parmi les décrets qui ont été pris, il y a ceux relatifs à l'équipement des bâtiments d'installation de recharge pour les véhicules électriques, aux schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie, à l'étiquetage des produits de construction, sur lequel j'ai d'ailleurs reçu beaucoup de courriers de parlementaires eux-mêmes saisis par de nombreux professionnels. Un décret a fixé la composition des conseils économiques, sociaux et environnementaux (CESE), tandis qu'un autre déterminait la règle de représentativité des acteurs environnementaux, et qu'un troisième mettait en place la réforme des études d'impact et des enquêtes publiques. Sur ce dernier point, neuf instances devaient être consultées, sans compter la consultation des cinq collèges prévue dans le Grenelle : il a donc fallu consulter le Conseil national de la montagne, le Conseil national du littoral, l'Autorité de sûreté nucléaire, le Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), le Conseil national de protection de la nature, le Conseil supérieur de l'énergie, l'Assemblée de Corse, le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques et la mission interministérielle de l'eau, sans compter la consultation du public pendant un mois. En dépit des critiques de vos collègues députés, les acteurs du Grenelle que j'ai reçus la semaine dernière en comité de suivi sont satisfaits de la relance du processus de concertation. Certes, la prise de décision est alourdie, mais nous devons respecter l'esprit du Grenelle. Lorsque la loi a été votée, nous avions dit qu'il faudrait 18 mois pour publier l'intégralité des décrets. Nous tiendrons ces délais.
La mise en oeuvre du Grenelle ne se limite pas à la publication de textes règlementaires : les décrets ne représenteraient en effet que 20 % des engagements. Ainsi, l'affichage environnemental est expérimenté depuis le 1er juillet. Dans un an, un débat aura lieu au Parlement et la mesure pourra être généralisée sans passer par la loi. Cet affichage permettra de promouvoir le « fabriqué en France » et de prendre en compte le développement local.
La stratégie nationale de la biodiversité, annoncée le 19 mai, ne nécessite pas non plus de décret d'application. L'idée est d'intégrer à la stratégie gouvernementale les différents secteurs économiques qui ont d'ailleurs bien joué le jeu jusqu'à présent.
Le plan national santé environnement rencontre un très large écho auprès du grand public. Avec le plan sur les résidus de médicaments, nous avons constaté une présence accrue de ceux-ci dans l'eau : un outil de recherche et de suivi est nécessaire pour appréhender leur impact sur l'environnement et la santé. Dans le plan national, on trouve aussi la cohorte Elfe : 20 000 enfants seront suivis de leur conception à leurs 20 ans afin d'examiner les différentes pathologies en lien avec l'environnement. De même, une vaste étude est menée pour étudier la qualité de l'air intérieur dans les établissements qui accueillent des enfants.
Du côté des énergies renouvelables, l'essentiel ne passe pas par des mesures règlementaires. Le 11 juillet, un appel d'offre va être lancé pour trois gigawatts d'éoliennes en mer. Je vais solliciter les préfets pour qu'ils sélectionnent de nouveaux sites pour les trois gigawatts suivants, dont je souhaite lancer l'appel d'offre en mars ou avril 2012 : il y va de 10 000 emplois sur la façade ouest de notre pays.
Un mot sur les transports en commun en site propre : après deux appels à projets, 78 projets ont été retenus dans 54 agglomérations hors Paris. L'État consacrera 1,3 milliard d'euros pour aider les collectivités à développer leurs transports propres.
Un bilan global devrait donc prendre en compte la transformation des mentalités et des pratiques plus que le nombre de décrets parus au journal officiel. D'ailleurs, les comités du Grenelle ont été qualifiés par certains de miracle démocratique ! Cette méthode de travail s'est imposée et elle est enviée par divers secteurs économiques.
La question de la compétitivité n'a pas été traitée de façon suffisamment claire par le Grenelle. Être compétitif, c'est gagner de nouveaux marchés, c'est maîtriser le coût des matières premières, c'est être sobre dans les processus de production. Avec l'éolienne en mer, nous voulons, en partant du marché intérieur, créer une filière qui puisse, avec 6 gigawatts sur 40, devenir leader en Europe.
A côté de l'orientation de la demande, nous voulons adapter l'offre avec des investissements d'avenir dans les énergies renouvelables, dans les véhicules électriques, mais aussi grâce aux prêts verts destinés aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire.
En 2009, l'économie verte est restée une valeur sûre alors que les autres secteurs marquaient le pas. Ainsi, l'excédent commercial de la filière s'est monté à 750 millions et les investissements ont augmenté. La journée de l'emploi vert a eu lieu le 14 juin : nous avons créé de nouveaux diplômes verts et nous avons transformé certains diplômes existants pour les verdir, notamment dans le bâtiment.
M. Bruno Sido. - Sur les 199 décrets prévus, 189 doivent être publiés avant le 31 décembre. Au 1er juin, seuls 38 l'avaient été, soit 20 %, 23 % étaient devant le Conseil d'Etat et 34 % en arbitrage interministériel. Le gouvernement a indiqué que 59 décrets paraîtraient avant le 30 juin, soit 31 % du total. Est-ce le cas ? Avoir publié l'intégralité des décrets avant fin 2011 semble un objectif difficilement tenable. Qu'en pensez-vous, d'autant que certains décrets importants tardent à paraître, comme celui appliquant le régime des installations classées aux éoliennes terrestres ? Certains décrets risquent de remettre en cause l'esprit de la loi, tel celui relatif à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) qui n'est pas encore publié.
M. Louis Nègre m'a demandé de vous poser quelques questions, notamment sur l'article 57 relatif aux transports qui prévoit la mise en place d'installations de recharge pour les véhicules électriques. La publication aura-t-elle lieu en septembre, comme prévu ? L'article 64 instaure une taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis : où en est-on des décrets d'application ? L'article 65 autorise l'expérimentation de péages urbains : le décret tarde.
En ce qui concerne le titre III, dont j'ai été le rapporteur, sur 21 décrets prévus, trois avaient été publiés début juin. L'article 75 prévoit l'élaboration, avant fin 2012, de bilan des émissions de gaz à effet de serre par les entreprises de plus de 500 personnes et par les collectivités locales de plus de 50 000 habitants. Comme le décret n'a pas été publié, les bilans risquent d'être imparfaits et j'espère que vous ne serez pas trop sévère avec les responsables de collectivités.
Plus grave : le classement des éoliennes dans la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Le projet de décret inclurait les zones ultramarines, ce qui est contraire à l'esprit et à la lettre de la loi, comme l'ont souligné les députés.
Quel bilan tirez-vous de la mise en place, sur une base volontaire, de Certiphyto ? Quel est l'état de la coopération des services du ministère de l'écologie avec ceux du ministère de l'agriculture sur la mise en place du plan Ecophyto 2018 ?
Le décret et l'arrêté sur les algues vertes prévus à l'article 108 suscitent une levée de boucliers des associations de défense de l'environnement qui estiment que les zones d'épandage ont augmenté de 20 à 25 %.
Le décret sur la certification haute valeur environnementale (HVE) a été publié le 21 juin. Pour les agriculteurs, la complexité du mécanisme découragera bon nombre d'entre eux. Comment indemnisera-t-on les agriculteurs qui exploitent des zones soumises à restriction d'usage d'engrais dans les périmètres de captage des eaux ?
J'ai quelques questions à vous poser sur les chapitres II et VI du titre IV : pouvez-vous exposer le contenu du décret relatif à la composition et au fonctionnement du comité national de la trame verte et bleue ? Quel est l'état d'avancement des orientations nationales pour la préservation et la remise en état des continuités écologiques ? Où en est le décret prévu à l'article 125 et quand prendra-t-on le décret sur la réforme du contrôle de l'assainissement non collectif prévu par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 ? Concernant enfin, la mer, le décret prévu à l'article 166 sur la stratégie nationale pour la mer n'est pas publié. Pourquoi ?
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Je répondrai par écrit à certaines de vos questions. En ce qui concerne le nombre de décrets à venir, je crois avoir répondu de façon exhaustive à votre question dans mes propos liminaires : sur les 95 décrets, 42 ont été publiés, 24 sont à la signature d'un autre ministre et 29 sont au Conseil d'État.
J'espère pouvoir publier le décret relatif à la responsabilité sociale des entreprises (RSE) avant le 12 juillet, car ce sera l'anniversaire de la promulgation du Grenelle II. Le Conseil d'État a fait quelques remarques sur ce décret, mais on arrive en fin de procédure. Un organisme tiers indépendant vérifiera bien le rapport RSE de l'entreprise. Après des échanges assez vifs avec les représentants des entreprises, le dispositif est maintenu.
Le décret sur les véhicules électriques est un des 24 à la signature : il sortira très vite. Le décret sur les ICPE relatif aux éoliennes à terre est au Conseil d'État et j'espère pouvoir le publier le 13 juillet. Celui sur l'éolien outre-mer devrait sortir avant la fin juillet. Une dérogation pour l'éolien en outre-mer n'est juridiquement pas possible.
L'article 65 prévoit l'expérimentation de péages urbains. Le Secrétariat général du gouvernement se penche sur les aspects juridiques de cette mesure, afin d'éviter que des mesures réglementaires empiètent sur le domaine législatif et de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales.
J'en viens à Certiphyto : 130 000 agriculteurs sont déjà formés et 40 % déclarent avoir modifié leurs pratiques. Nous avançons aussi sur Ecophyto : le pilotage revient au ministère de l'agriculture et l'horizon est fixé à 2018. Ces mesures sont néanmoins difficiles à mettre en oeuvre.
Le public va être consulté sur le décret relatif aux algues vertes, et le Conseil d'État l'examinera durant l'automne. Il faudrait être radical pour en finir avec les algues vertes en Bretagne. Compte tenu de la situation actuelle, nous ne pouvons pas faire de miracles.
Un décret vient de mettre en place le Conseil national de la mer et des littoraux. La stratégie mer ne pourra donc être définie qu'ultérieurement. Même remarque sur d'autres mesures de second rang, ainsi celles pour la biodiversité qui ne pourront être prises qu'après la publication du décret relatif au comité national trame verte et bleue qui vient d'intervenir.
Le Grenelle souhaite amener 50 % des agriculteurs à la haute valeur environnementale en 2012. Nous prévoyons trois niveaux différents pour la HVE. Dans le cadre de la réforme de la PAC, un soutien particulier devrait être apporté aux agriculteurs qui s'engageront dans cette voie.
Enfin, la circulaire sur la création des grands sites prévue par l'article 150 est en cours de rédaction.
M. Michel Teston. - Mon intervention portera sur le volet transports et infrastructures du Grenelle : nous avons déjà débattu ici même du schéma national d'infrastructures de transport (SNIT). Ce schéma est présenté comme un document stratégique de planification, ce qu'il n'est pas tout à fait. Il traite de certains projets, mais en oublie d'autres. Il suscite surtout des inquiétudes quant au financement des opérations et aux nécessaires concertations avant sa mise au point définitive. Il est urgent de dégager une vision à long terme. Le projet qui sera débattu au Parlement à l'automne répondra-t-il aux questions que je viens d'évoquer ?
J'en viens au fret ferroviaire : dans le Grenelle I, la part modale du non routier et non aérien pour le transport de marchandises devait passer de 14 % à 25 % en 2022. Le gouvernement et Réseau ferré de France (RFF) ont présenté un engagement national en faveur du fret ferroviaire qui prévoit diverses réalisations, comme le contournement de l'agglomération lyonnaise ou l'aménagement de lignes existantes, comme celle de Perpignan-Bettembourg. Si le fret reprend et s'intensifie sur des lignes classiques, les riverains risquent de subir de graves nuisances, notamment sur les lignes classiques comme en vallée du Rhône. L'État, RFF et l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) devront s'engager tant sur la sécurité que sur l'isolation phonique des maisons. Ces aménagements sont une condition sine qua non de l'acceptation sociale de l'intensification.
M. Michel Bécot. - Les fédérations de pêche et de protection du milieu aquatique s'inquiètent du démantèlement annoncé des barrages sur les rivières. Elles estiment que la situation de chaque barrage doit être examinée : on ne saurait prendre une décision globale. L'assèchement des rives ne permettrait plus à la végétation de survivre, la vie aquatique en tête de rivière serait menacée, la qualité de l'eau serait affectée. En outre, les barrages permettent d'éviter les inondations en hiver. Enfin, le manque d'eau douce dans les estuaires ne permettrait plus la reproduction des moules et des huitres. Il faut que la gestion de l'eau soit assurée au niveau local : il est en effet toujours possible d'ouvrir un barrage pour laisser passer l'eau et les poissons. Les fédérations de pêche ont raison d'être inquiètes face à la trame verte et bleue. Soyons pragmatiques !
M. Rémy Pointereau. - Je souhaite vous interroger sur le photovoltaïque dont vous n'avez pas l'entière responsabilité. Les prix de rachat ont été fixés à 62, à 58 puis à 42 centimes : 42 centimes, c'était un prix d'équilibre. Le moratoire décidé en décembre 2010 a eu un impact négatif sur la filière photovoltaïque. Ainsi, de nombreux projets ont dû être abandonnés : à Sancoins, nous avions une filière élevage avec 14 000 mètres carrés de toitures qui auraient pu accueillir des panneaux solaires. Le projet a été abandonné. Aucun investisseur ne voudra se lancer avec un prix de rachat de 28 centimes pour 100 kilowattheures.
Mme Renée Nicoux. - Les Français ont pris conscience qu'il fallait économiser l'énergie et privilégier les énergies vertes. Des territoires étaient précurseurs en la matière, dont la commune dont je suis maire : il y a longtemps qu'elle a installé une unité de cogénération à partir de la biomasse. Or, aujourd'hui, de grands projets se mettent en place et ils bénéficient d'un tarif de rachat d'électricité trois fois supérieur à celui octroyé aux petites unités de cogénération qui se trouvaient au pied des massifs forestiers. De plus, le nouveau gestionnaire, concurrent d'EDF, souhaite arrêter la biomasse pour passer au gaz, ce qui met à mal l'unité de ma commune, mais aussi tous ceux qui se trouvent sur le plateau de Millevaches. Que comptez-vous faire, madame la Ministre ? Allez-vous revenir sur les arrêtés de 2002 ?
M. Roland Courteau. - La publication de nombreux décrets se fait encore attendre et l'esprit du Grenelle risque d'être compromis. La loi impose à chaque région de se doter d'un schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie avant le 13 juillet. Or, le décret a été publié le 16 juin ! La plupart des régions ne pourront donc respecter les dates légales et les disparités risquent d'être importantes d'une région l'autre. Qu'en sera-t-il de la cohérence nationale ?
Pour les éoliennes, les nouveaux schémas régionaux ont pris du retard alors qu'ils devaient prendre en compte les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie. Faute de publication des décrets, des projets sont bloqués et les acteurs de la filière manquent de visibilité. Le classement des éoliennes dans la nomenclature des ICPE, auquel je n'étais d'ailleurs pas favorable, n'a toujours pas été effectué, ce qui brouille l'horizon, gêne considérablement la filière et pénalise les emplois. Je crains que les objectifs que nous nous étions fixés en matière d'éolien terrestre ne soient pas atteints.
En revanche l'éolien en mer, lui, n'est pas bridé. Les industriels seront-ils obligés de remettre les sites en état, donc de constituer des provisions pour démanteler leurs installations ?
La gestion du photovoltaïque a été surprenante. Au départ, les tarifs de rachat ont été trop élevés. Ensuite, la baisse a été trop rapide et le moratoire trop brutal. En raison des incertitudes, l'avenir de la filière est fortement compromis.
Je voudrais exprimer ma satisfaction sur un autre sujet. Lors de l'examen de la loi Grenelle I, j'avais fait adopter un amendement, accepté par le rapporteur Bruno Sido sur la mise en place d'un centre d'alerte aux tsunamis pour la Méditerranée et l'Atlantique nord-est. Cet amendement faisait suite au rapport que j'avais présenté à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST). Ceux qui sourient feraient bien de se souvenir qu'il y a eu au XXe siècle 90 tsunamis en Méditerranée, qu'en 1908, celui de Messine a tué 35 000 personnes et celui d'Antibes en octobre 1979 a causé 11 morts - heureusement que l'on n'était pas en plein été... Je me réjouis donc que votre ministère ait, conjointement avec celui de l'intérieur, apporté son financement pour un centre d'alerte qui serait opérationnel en juillet 2012.
M. François Patriat. - Les régions mettent en place les plans climat-air-énergie. En région Bourgogne, nous y travaillons avec l'objectif de produire 23 % d'énergies renouvelables d'ici 2020 - nous partons de 4 %. La région apporte sa détermination et son argent - 140 des 190 millions votés il y a deux ans pour ce plan. L'État nous demande d'être plus ambitieux encore. Nous voudrions bien, mais c'est difficile. Nous atteindrons ces 23 % en développant différentes sortes d'énergie : 28 % pour le bois, 10 % pour le solaire, 50 % pour l'éolien, le reste provenant de la méthanisation. Pour le solaire, cependant, les agriculteurs se plaignent que, depuis 110 jours EDF ne les a pas payés au motif que l'État n'abonde pas un fonds et ils ne savent pas quand ils seront payés. L'un deux me disait hier qu'on lui devait 18 000 euros ! La plupart des entreprises photovoltaïques ont déposé leur bilan. Chaque jour on nous diminue le champ d'implantation de l'éolien. Il faut attendre huit ans entre le dépôt d'un schéma et le moment où on obtient l'autorisation, et neuf à dix ans pour la méthanisation. Dans ces conditions comment en arriver à ce pourcentage de 23 % avant 10 ans ? Madame la Ministre, usez de votre autorité pour raccourcir ces délais.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Michel Teston, le SNIT n'est pas un plan de programmation, c'est plutôt une description de ce que souhaite l'État pour les deux prochaines décennies. Il est donc normal que le financement ne soit pas plus précis. Il y aura bien sûr des priorités, mais on ne peut les plaquer aujourd'hui sur le SNIT car elles dépendront beaucoup de la mobilisation des collectivités territoriales. Une bonne nouvelle pour le financement : nous avons réussi à débloquer la taxe poids lourds pour 2013 ; elle rapportera 900 millions par an dans un premier temps et il est vraisemblable qu'il faudra l'augmenter.
Sur l'acceptation sociale du fret ferroviaire : bien entendu nous étudions les nuisances, tronçon par tronçon, mais dans la mesure où nous nous sommes engagés à faire passer ce fret de 14 à 25 %, il est évident que davantage de trains rouleront. Je ne peux répondre sur la protection phonique prévue sur le tronçon dont vous parlez, et que je regarderai plus particulièrement. Mon objectif à court terme est d'augmenter la part du ferroviaire en le déployant vers des frets d'avenir : fin des wagons isolés, massification, transport longs et denses.
Monsieur Bécot, il n'y a pas de réponse de principe sur les suppressions de barrage. Nous cherchons au cas par cas le meilleur moyen d'atteindre les objectifs européens. Le plan de restauration de la continuité écologique ne saurait se réduire à un plan d'effacement des boulins. La circulaire ne prône pas une position identique pour tous les ouvrages et, lorsque l'un d'eux a une destination hydroélectrique, on cherche à concilier cette activité avec la restauration de cette continuité. Nous faisons du cas par cas et vous pouvez vous adresser à M. Jérôme Peyrat, ici présent, pour vos problèmes particuliers.
Monsieur Pointereau, pour le photovoltaïque, je travaille sur les appels d'offre. Après le premier cadre photovoltaïque, qui a eu un effet de démarrage, il a fallu recaler un dispositif qui augmentait trop la facture électrique de nos concitoyens, sans pour autant être orienté vers notre industrie nationale et nos emplois. De surcroît, les conditions environnementales du déploiement du photovoltaïques ont été insuffisamment strictes. Rien n'était prévu pour le recyclage des panneaux ou le financement du démantèlement des fermes solaires ; on pouvait donc faire financer par les factures d'électricité de nos concitoyens de telles fermes, éventuellement avec des panneaux chinois, fermes qui donneraient dans vingt ans des friches industrielles polluées. Le recalage n'a pas signé la mort du photovoltaïque. Au premier trimestre 2011, nous avons installé et raccordé 312 mégawatts, soit 25% de plus que le trimestre précédent. Notre nouveau dispositif n'a donc pas tué la filière ; il permet de faire vivre les installateurs dans l'attente des futurs appels d'offre de cet été, appels ciblés sur les hautes technologies du photovoltaïque, ce qui est de nature à bénéficier à l'industrie et l'emploi sur notre territoire. Nous n'accordons pas, comme nous l'aurions voulu, de dérogations à certaines collectivités locales ni à certains projet agricoles parce qu'elles seraient juridiquement attaquables et auraient été immédiatement attaquées par les « gros » du photovoltaïque - parkings et autres supermarchés.
Sur la biomasse : parmi les réponses aux appels d'offre de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), il faut regarder au cas par cas pour voir comment il est juridiquement possible de modifier les termes du projet. Il n'y a pas de fatalité : il faut vérifier si on ne peut pas vous réintégrer dans un autre cadre.
Quant aux schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie, en effet, il n'est pas idéal qu'un projet de cadre sorte en juin, pour un délai limite de réalisation en juillet.
M. Roland Courteau. - C'est sûr !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Aussi bien avons-nous repoussé le délai à fin décembre. Mais les travaux ont débuté malgré tout dans la plupart des régions, sur la base d'instructions données aux directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL).
Le seul problème dont celles-ci font état, c'est la tentation de mélanger les schémas régionaux avec des considérations d'ordre national sur le nucléaire. Cela n'a aucun rapport.
Les énergies nouvelles et la façon de les intégrer dans les schémas nationaux : nous allons publier le texte sur l'application aux éoliennes du régime des ICPE ; il y aura enfin une stabilité juridique à ce sujet. Sur l'éolien terrestre, sans exploser les compteurs, nous avons déjà atteint 6 500 mégawatts et le rythme de redéploiement se fait conformément aux objectifs du Grenelle, à savoir 19 gigawatts. Les schémas régionaux permettent de suivre ce redéploiement. Pour l'éolien en mer, l'obligation de démantèlement est prévue dans le cahier des charges.
M. Roland Courteau. - Très bien !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - J'essaie de ne pas refaire les erreurs commises pour le photovoltaïque. Les entreprises qui s'engagent sont tenues de souscrire à des garanties.
Monsieur Patriat, je ne suis pas au courant de ce que vous m'apprenez au sujet d'EDF et du fonds qui ne serait pas abondé : je ferai vérifier. L'application du régime ICPE permettra de diminuer les délais que vous citez à propos des projets d'éoliennes ; ce régime est plus contraignant, mais les recours sont plus encadrés et l'ICPE donne une visibilité aux porteurs de projets.
Sur la méthanisation, je vous invite à regarder ce qui est nouveau depuis deux mois. Le tarif de rachat de l'électricité est majoré pour les installations agricoles ; de même pour le tarif de rachat du gaz injecté directement dans le réseau. L'investissement en capital est possible via différents fonds, de même qu'un accompagnement en ingénierie par l'ADEME, avec un guichet unique. Le tarif pour un agriculteur est donc maintenant au même niveau qu'en Allemagne, à cette différence que nous ne subventionnons pas les cultures énergétiques. Nous avons 50 méthaniseurs ; ils en ont 5 000 ; nous nous fixons l'objectif d'en avoir 200 de plus par an. Avec ces nouveaux tarifs, le rachat de l'électricité coûte 300 millions par an et entre 200 et 500 pour le biogaz.
M. Gérard Bailly. - Le président de la République a souhaité placer l'agriculture et la sécurité alimentaire au coeur des enjeux de la présidence française du G 20. Au sommet agricole des 22 et 23 juin, un accord important a été signé. En 2050, la planète comptera 9 milliards d'êtres humains. La production agricole devrait augmenter de 70 % pour les nourrir tous, alors qu'elle ne croît que de 1,5 %. Du fait de l'augmentation des produits alimentaires, en 2010, 44 millions de plus d'êtres humains sont passés sous le seuil de pauvreté. Je m'inquiète donc de toutes ces décisions qui tendent à limiter la production. En tant que paysan, cela me fait mal au coeur. Aujourd'hui, de plus en plus de bonnes terres, les meilleures, sont urbanisées. Mais on en confisque encore d'autres au motif de sauver telle ou telle espèce de papillons. Qu'on cesse donc d'imposer partout des restrictions, sous peine de diminuer encore nos productions ! L'agriculture doit produire ! Or le Grenelle ne va pas en ce sens. Par ailleurs, 3 500 moutons, chaque année sont dévorés par les loups. Pourquoi est-il interdit de tuer ces loups qui ont maintenant gagné le Jura, le Doubs, les Vosges et qui s'implantent partout ? La colère grandit chaque jour. Un agneau ne vaut-il pas un loup ?
M. Benoît Huré. - La période transitoire d'application du Grenelle est compliquée. Un peu de cohérence de la part des DREAL ne ferait pas de mal. Il serait bon de ne pas changer d'interprétation des textes à chaque fois qu'on change d'instructeur. Certains appliquent les textes d'une façon draconienne, incompréhensible, qu'il s'agisse de biodiversité, de faune, de flore, de zones humides ou hydromorphes. Nous avons l'impression de ne plus pouvoir engager aucun projet puisque, au cours d'une instruction de plus en plus longue, le changement d'instructeur conduit souvent à des études complémentaires qui remettent tout en cause. Beaucoup d'investisseurs, ayant constaté que la règle du jeu avait changé en cours de route, ont abandonné leur projet. Autrefois, l'administration de l'État était représentée au niveau du département ; aujourd'hui, les DREAL sont plus difficiles à joindre qu'un ministre et toute lisibilité a disparu. Dans mon conseil général, j'ai 3 600 kilomètres de routes départementales à entretenir : les conflits sont permanents entre les défenseurs de la biodiversité qui veulent empêcher de faucher les bas-côtés, et les représentants de la sécurité routière. Vos DREAL devraient être à la disposition des élus et des entreprises.
Mme Évelyne Didier. - Sur les 17 décrets concernant les déchets, seulement 4 sont publiés, deux ans et demi après le vote de la loi. Le dernier sur les DASRI (déchets d'activité de soin à risque infectieux) est sorti le 18 juin, soit après deux ans et demi. De tels délais nous inquiètent pour la mise en place des filières REP (responsabilité élargie du producteur). Où en sommes-nous, notamment pour les produits dangereux et les meubles ? Le rapport sur la TGAP doit être déposé en 2012. Où en est-on ? Pour les PPRI-PPRM, nous avons une référence qui est la crue centennale. Or, on entend maintenant parler de la crue millénale. Pouvez-vous nous en dire plus ?
M. Yannick Botrel. - Les projets de méthanisation n'aboutissent qu'en sept ans. Les porteurs de projets se plaignent aussi de la difficulté à trouver le bon interlocuteur. Si on veut favoriser la méthanisation, encore faudrait-il les aider...
Sur les marées vertes : une réflexion menée par les préfets de département et de région a conclu que 70 % des agriculteurs étaient dans les normes, que 20 % aspiraient à l'être et que 5 % étaient des délinquants chroniques. Pourquoi n'entend-on jamais parler des résultats des contrôles ?
Enfin, sur la loi Littoral, les maires sont dans l'insécurité juridique. On faisait de cette loi une application illogique ; il est question de l'homogénéiser. Où en est-on ?
M. Charles Revet. - Nous avons mené une étude sur les ports, qui nous a permis de constater que nos partenaires européens avaient une façon différente de gérer les dossiers. Autrement dit, nous avons vérifié que le mieux est souvent l'ennemi du bien. L'argument écologique se retourne contre le développement de nos ports lorsque la rédaction des plans de prévention des risques technologiques traîne pendant des années et bloque toute activité pendant cette période, comme cela semble être le cas à Nantes, ou lorsqu'on émet un avis négatif à l'amélioration d'une plateforme intermodale permettant de favoriser le ferroviaire et le fluvial. Où en est-on de l'autorisation de celle du Havre ? Comment pourrait-on simplifier les procédures d'implantation des activités économiques ? Enfin, comment mieux relier nos ports au réseau de transports terrestres ?
M. Martial Bourquin. - J'ai entendu votre plaidoyer pour les énergies renouvelables et les panneaux photovoltaïques recyclables, mais, pour l'instant, leurs fabricants ont subi un net coup d'arrêt. A quand une politique favorable aux nouveaux panneaux de nouvelle génération ? Autre inquiétude : les poissons de la Loue et du Doubs sont décimés par une cyanobactérie. Compte tenu de la gravité de la situation, il faut aider les conseils régional et général, qui sont démunis devant un problème d'une telle gravité. Votre ministère a-t-il prévu des moyens pour y faire face ?
M. Jean Boyer. - Si le réchauffement de la planète est un sujet... brûlant, le photovoltaïque ne l'est pas moins, car le changement des règles du jeu en cours de route a des effets catastrophiques. La question des barrages, elle, est sensible. Le sort du barrage de Poutès sur l'amont de l'Allier fait polémique. Construit en 1924, il alimente en électricité 60 000 habitants et sa destruction coûterait 14 millions. Est-il logique de faire disparaître un barrage alors qu'on prétend encourager les énergies renouvelables ?
M. Dominique Braye. - Le décret relatif à l'affichage publicitaire suscite de vives réactions. Où en est la concertation ? Sur les bâches, le décret ne prévoit pas de norme nationale. Avec la réforme des établissements publics fonciers, les représentants des chambres consulaires et du CESE ne siègeraient plus à leur conseil d'administration. Pourquoi donc ? Et quel bilan énergétique fait-on du DPE ? Est-il fiable ?
M. Gérard César. - Je vous rends hommage, madame la Ministre pour votre lâcher d'alevins dans la Dordogne. Je serais heureux de vous inviter à déguster des esturgeons sur place. Lors de son déplacement en Lot-et-Garonne, le président de la République a parlé de la sécheresse et dit qu'il faudrait réaliser des retenues collinaires. Le ministre de l'agriculture est du même avis mais les associations sont contre... Ces retenues sont pourtant indispensables pour le maïs et, donc, pour le foie gras. Nous voudrions qu'elles soient enfin autorisées.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Je partage le souci de M. Bailly de nourrir le monde, mais l'agriculture serait-elle la seule activité, à ignorer son impact sur l'environnement ? Sur les vues-satellites le Pakistan, par exemple, apparaît tout brillant, tant ses terres sont salées et, donc, stériles pour au moins un millier d'années. De même, la Mitidja, une région auparavant des plus fertiles mais qui a été surexploitée, ne peut plus rien produire, et pour longtemps. Si la dérive actuelle se poursuit en Bretagne, non seulement cette région ne produira pas plus - elle produira même moins -, mais elle pourra dire adieu à ses touristes et, au lieu de crustacés, on mangera des algues. Il faut respecter un équilibre. Mais sur la surconsommation de bonnes terres par l'urbanisme je suis tout à fait d'accord avec vous et nos règles d'urbanisme ne prennent pas assez en compte la qualité des terres.
La différence entre le mouton et le loup, c'est que ce dernier est protégé : il en va de la survie de l'espèce. Maintenant la réglementation des permis de tir permet de mieux réguler la situation.
M. Gérard Bailly. - Pauvre mouton...
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Monsieur Huré, vous appelez mon attention sur les DREAL. Il est vrai que le rôle du policier n'est jamais gratifiant. Mais ce n'est pas leur seule tâche, elles ont aussi une fonction de partenariat et de service aux élus. Après la tempête Xynthia, par exemple, elles les ont aidés dans la réorganisation de leurs projets urbains et force est de reconnaître que ces « ateliers littoraux », avec leurs architectes de renom, ont bien fonctionné. J'incite ces directions à accentuer leur aide aux élus. C'est une administration nouvelle, encore en période de rodage ; un peu de patience est donc nécessaire.
Le Grenelle a fait de la préservation des zones humides une de ses priorités. D'ici 2015, 20 000 hectares seront donc acquis - 6 500 le sont déjà - et, cela, dans le respect des autres usages de ces zones. S'agissant d'une démarche qui se met en place, il est normal qu'on en ait diverses interprétations.
Madame Didier, il est vrai que beaucoup de décrets sur les déchets sont encore attendus. Sur les DASRI, par exemple, une longue concertation était nécessaire, mais le texte est sorti. De même, pour les filières REP, les décrets vont être transmis au Conseil d'État dans les semaines qui viennent, ainsi que ceux sur les déchets médicaux. La totalité sera donc prête à la fin de l'année. Les déchets d'ameublement sont un des sujets sur lesquels on m'écrit le plus. Il y en aura une écocertification d'ici la fin 2011.
La TGAP a été un sujet de conflit. Personnellement je crois à la fiscalité environnementale et notamment à cette taxe générale qui favorise à la fois le recyclage et la prévention, ce qui est doublement vertueux. Elle a produit plus de 100 millions supplémentaires gérés par l'ADEME en 2010, et on en attend 200 millions en 2011 ; ces ressources sont redistribuées aux collectivités selon la qualité de la gestion de leurs déchets. Nous travaillons sur une modification législative introduisant une part incitative dans la taxe ou la redevance d'ordures ménagères. C'est très compliqué, mais j'y suis attachée car dans les communes qui ont adopté cette formule, les résultats sont spectaculaires.
Enfin, madame Didier, sur les crues, je ne peux vous fournir de réponse ici ; je regarderai cela plus précisément.
Mme Évelyne Didier. - Avec la crue centennale, c'est déjà compliqué ; alors, avec la crue millénale...
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Monsieur Botrel, la méthanisation bénéficie maintenant d'un double soutien : au financement et à l'ingénierie. Il faudra en effet publier un bilan du contrôle des marées vertes. Et sur la loi Littoral, nous allons sortir une circulaire répondant à l'objectif que vous désirez.
Monsieur Revet, le problème c'est que les estuaires sont à la fois remarquables par leur attractivité économique et par la richesse de leur biodiversité. Un gros travail a été accompli sur celui du Havre, mais qui n'apparaissait pas dans le dossier déposé à l'origine et c'est tout naturellement que l'autorité environnementale a pointé ces insuffisances. J'ai donc demandé au directeur du port et aux DREAL de reprendre ce dossier afin de le débloquer dans les semaines qui viennent.
Monsieur Bourquin depuis ces derniers mois le photovoltaïque bénéficie de deux nouveaux dispositifs de soutien : à la fois l'appel d'offre, avec 4 lots, sur les hautes technologies, et l'appel à manifestation d'intérêt du grand emprunt. En revanche, je ne puis vous répondre sur les bactéries qui déciment les poissons des rivières de votre région ; je demanderai qu'on étudie cela plus précisément.
Monsieur Braye, sur le décret sur la publicité, nous avons besoin d'une phase de consultation supplémentaire car le sujet est extrêmement conflictuel, entre les entreprises qui se plaignent qu'on les assassine, et les associations qui envahissent le ministère parce qu'on massacre le paysage. Il y a l'existant et les bâches, mais nous entendons tout regrouper dans un même texte pour qu'on sache, enfin, ce qui est légal et ce qui ne l'est pas. Ce regroupement augmente la lisibilité de la réglementation mais alourdit la période de concertation car on ne peut rien finaliser avant de s'être mis d'accord avec toutes les parties prenantes. En attendant, j'invite tous les élus qui en ont assez de voir leurs entrées de ville défigurées à faire pression sur les parlementaires pour accélérer les choses, sinon, votre victoire deviendra une défaite en rase campagne. On n'a pas à soutenir l'économie à coups de 4 mètres sur 3. Et si les maires n'agissent pas, personne ne le fera à leur place, les seules lettres reçues par les parlementaires émanent de chefs d'entreprise qui déclarent craindre des pertes d'emplois.
Les représentants des chambres consulaires ont en effet été exclus des établissements publics fonciers car la gouvernance de ces derniers était disparate et on a voulu la rendre plus homogène. Le nouveau texte permet cependant au représentant d'une organisation professionnelle d'y participer à titre de personnalité qualifiée et rien n'interdit à ces établissements de poursuivre leur partenariat avec les organismes consulaires.
Un plan de fiabilisation du DPE a été annoncé en 2010. La difficulté vient de ce que ce diagnostic, sans être juridiquement opposable, donne droit à certaines prestations d'État, comme le PTZ. Nous ne voulons pas le rendre opposable, pour ne pas alourdir le dispositif, mais nous déployons un plan de fiabilisation - base de données à partir de l'ADEME, amélioration des compétences du métier de diagnostiqueur avec formation et labellisation obligatoires, amélioration du contrôle et du suivi des réclamations. Lorsque tout sera labellisé et que le logiciel sera au point, toute donnée entrée faussement dans la base sera repérée et que le diagnostiqueur pourra être sanctionné. On atteindra le résultat sans les problèmes juridiques de l'opposabilité.
A l'Assemblée nationale, on me parle tous les jours du barrage de Poutès. Deux catégories d'impératifs majeurs s'opposent : la qualité écologique des eaux de l'Allier d'une part, la production de 0,6 % de l'énergie renouvelable d'autre part. J'ai demandé qu'on ménage les deux objectifs. Si c'était impossible, on détruirait ce barrage. La décision n'est pas prise, et j'ai bon espoir.
Sur la sècheresse, le plan annoncé par le Président de la République, comporte deux piliers : les retenues collinaires et la fin de l'irrigation de 14 000 hectares plantés en maïs. Je ne suis pas opposée à ces retenues, à condition qu'il s'agisse d'eau d'hiver.
Sinon, vous prélevez une eau douce indispensable, ce qui suscite la protestation des mareyeurs. Lorsque des territoires sont irrigués alors qu'ils ne sont pas faits pour cela, il faut les faire basculer de la culture du maïs vers celle, par exemple, du sorgho, beaucoup plus résistant à la sécheresse.
M. Dominique Braye. - Très bien !
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre. - Mon cabinet est à votre disposition pour répondre aux questions auxquelles je n'aurais pas répondu.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je vous remercie, madame la Ministre, de vous être ainsi prêtée à ces nombreuses questions.
Mercredi 6 juillet 2011
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Réforme portuaire - Examen du rapport d'information
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission entend la présentation du rapport d'information de M. Charles Revet, sur la réforme portuaire.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Avant que M. Revet nous présente son rapport, je veux rappeler combien notre commission se soucie du développement de nos ports maritimes : ce sujet est très important, nous avons adopté une loi portant réforme portuaire en juillet 2008, mais nous devons déplorer que, malgré la loi, la situation n'évolue pas comme nous le souhaiterions, en particulier parce que l'État ne sait pas toujours se réformer comme nous le lui demandons.
M. Charles Revet, rapporteur. - Vous parlez d'or, Monsieur le Président, deux exemples pour l'illustrer. Dans la loi sur le Grand Paris, nous avions demandé qu'une étude nous soit rendue, dans un délai d'un an, sur le développement de l'axe Seine ; le délai est passé, j'ai interrogé les services du ministère : on a d'abord éludé, avant de me faire répondre que l'étude allait être... seulement commanditée ! Idem pour le schéma régional de développement de l'aquaculture marine : nous l'avons demandé dans la loi de modernisation agricole et de la pêche, nous l'attendons encore, alors que le délai légal est consommé.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous sommes donc tout à fait dans notre rôle, et nous devons assumer pleinement notre mission de contrôle : car les rapports d'information forcent l'administration à agir quand elle ne le fait pas comme nous le lui demandons dans la loi.
M. Charles Revet, rapporteur. - Je tiens tout d'abord à remercier vivement l'ensemble des membres du groupe de travail, Mme Odette Herviaux, MM. Louis Nègre, René Vestri, Jean-Claude Merceron, Robert Navarro, et Gérard Le Cam, pour leur implication et l'excellent esprit de collaboration qui a conduit nos travaux.
Notre groupe de travail s'était fixé trois objectifs : examiner l'application de la loi de 2008, un texte que je connais bien pour en avoir été le rapporteur ; étudier la situation de certains grands compétiteurs de nos ports, au Nord comme au Sud de l'Europe ; proposer des mesures utiles à la relance de nos ports maritimes, à la lumière des enseignements tirés des ports étrangers.
Pour ce faire, nous avons compulsé les décrets d'application de la loi, et auditionné des représentants du ministère, des armateurs, des manutentionnaires, ainsi que les syndicats. Nous nous sommes déplacés à Marseille, à Sète, au Havre, à Nantes/Saint-Nazaire, à Dunkerque, à Rouen - nous nous sommes également rendus à Hambourg, à Rotterdam, à Tanger et à Algesiras.
Pourquoi parler de déclin des ports français ?
Le port de Marseille, premier port de France, premier port de la Méditerranée, n'occupe plus que le cinquième rang des ports d'Europe pour son trafic global et il ne figure qu'à la 13ème place européenne pour le trafic de conteneurs. Le port du Havre, premier port français pour les conteneurs, n'arrive qu'en 8ème place européenne sur ce segment d'activité, loin derrière les grands ports d'Europe du Nord puisque, par le nombre de conteneurs, il ne fait que le quart d'Anvers ou d'Hambourg, et le cinquième de Rotterdam. En activité totale, le port de Rotterdam, champion européen avec 430 millions de tonnes, fait presque le double de l'ensemble de nos sept grands ports maritimes : c'est dire combien nos ports passent pour secondaires à l'échelle du continent ! Et c'est dans ce contexte que le port d'Anvers serait devenu « le premier port français » pour le nombre de conteneurs à destination de l'Hexagone...
Ce déclin est inacceptable car la France dispose d'atouts remarquables. Elle possède la plus grande zone économique maritime au monde avec les États-Unis, quatre façades maritimes exceptionnelles, le plus long linéaire côtier d'Europe, des accès nautiques aisés, une position géographique et donc stratégique des ports de Marseille et du Havre sans équivalent à l'étranger.
La loi du 4 juillet 2008 avait précisément pour but de relancer les ports à travers deux grands objectifs.
Premier objectif : unifier la chaîne de commandement pour la manutention et mettre fin à la séparation entre la manutention dite verticale, assurée par les portiqueurs et les grutiers pour charger et décharger les navires, et qui étaient des salariés des établissements publics portuaires, et la manutention dite horizontale, assurée par les dockers, qui sont des salariés des entreprises de manutention. Pour unifier la chaîne de commandement, il fallait vendre tous les outillages portuaires aux entreprises de manutention et transférer les quelque 1000 salariés du public vers les entreprises de manutention.
Deuxième objectif : moderniser la gouvernance des ports, en créant notamment un directoire, un conseil de surveillance et un conseil de développement.
La loi de 2008 était ciblée, attendue, moderne et pragmatique. Ciblée, car elle ne visait que les sept ports autonomes, devenus grands ports maritimes, et pas les ports décentralisés, ni les ports fluviaux. Attendue, parce que le secteur n'avait pas connu de réforme depuis 1992 concernant les dockers. Moderne, puisqu'elle unifiait justement la chaine de commandement de la manutention. Et pragmatique, en donnant la priorité à la négociation avec les entreprises pour la vente des outillages et avec les syndicats pour le transfert des personnels.
Quel bilan tirer de l'application de la loi ?
Schématiquement, le Gouvernement a pris rapidement les décrets d'application de la loi, ce qui n'est pas courant ! Il a modifié avec célérité la gouvernance des ports. Il a également organisé avec diligence la vente des outillages, près de 80 grues, portiques et autres machines, mais il a fallu négocier des prix raisonnables avec les entreprises confrontées à une grave crise économique, sans brader les prix, grâce au contrôle d'une commission spéciale.
Les difficultés se sont concentrées sur les négociations relatives au transfert du personnel. Un accord cadre avait été conclu en octobre 2008, et il devait être décliné port par port pour régler les conventions de détachement de chaque salarié. Mais les négociations ont été très tendues, à cause des doutes sur la participation financière de l'État au dispositif et de la réforme des retraites qui s'est déroulée en parallèle. Le syndicat majoritaire, la CGT, a exigé que les négociations soient globales, et qu'elles portent sur la nouvelle convention collective unifiée, sur les accords de pénibilité et sur les accords locaux de détachement. Finalement, tous ces accords et la convention collective ont été signés le même jour, le 15 avril 2011. Les transferts des personnels ont été effectifs au plus tard le 11 juin 2011, conformément au délai fixé par la loi, soit deux ans après la signature du projet stratégique de chaque port.
La loi votée il y a trois ans n'est donc effective que depuis un mois seulement. Il faudra des mois voire des années pour en ressentir tous les bienfaits. Mais doit-on pour autant considérer que cette loi, aussi importante soit-elle, suffira à relancer nos ports ?
Non, car les causes du déclin des ports français que nous avions identifiées en 2008 restent malheureusement d'actualité. L'ensemble des membres du groupe de travail a la conviction qu'il n'existe pas une seule raison au déclin de nos ports, mais au moins quatre.
Première raison : la faiblesse de l'État stratège. Le groupe de travail fait cinq reproches à l'État : il n'a pas mis en oeuvre de politique ambitieuse d'investissements portuaires ; il s'est désengagé des ses obligations financières pour l'entretien des accès maritimes des ports ; il n'a pas allégé sa tutelle depuis 2008 ; il n'a toujours pas défini sa politique de dividendes et surtout, il a failli dans l'organisation des dessertes des ports pour irriguer efficacement leur hinterland.
Deuxième raison : Le manque de fiabilité des ports.
Ce problème est bien connu et ne doit pas être occulté. Mais il faut également le nuancer. Les grèves ont essentiellement concerné les portiqueurs et les grutiers, dont la situation n'avait pas été prise en compte par la réforme de 1992 et qui allaient donc être « transférés » vers le privé, conformément à la loi de 2008, laquelle respectait l'esprit d'une directive européenne. Ensuite, depuis 1994, les dockers du Havre n'ont jamais fait grève pour des revendications locales. A Marseille en revanche, où la réforme de 1992 n'a pas trouvé sa pleine application, la loi de 2008 a été suivie de conflits sociaux importants, avec des grèves à répétition entraînant le blocage du port. Ces conflits ont eu des conséquences économiques graves et ils ont durablement entamé la confiance des armateurs et des investisseurs dans la place de Marseille. De fait, les investisseurs ne s'engagent que s'ils peuvent compter sur le fonctionnement régulier et pérenne du port, les armateurs choisissent leur port d'attache seulement s'ils peuvent compter sur un temps d'escale rapide et sur quatre facteurs qui font la qualité du port : sa régularité, sa fiabilité, son efficacité et sa compétitivité. Ceci étant, je me dois de signaler que les syndicats que nous avons rencontrés paraissent dans un état d'esprit ouvert, responsable et constructif, et qu'ils souhaitent vivement être davantage associés à la vie de l'entité portuaire.
Troisième raison : un manque d'ancrage sur les territoires. La nouvelle gouvernance était censée donner plus d'autonomie de décision. Manifestement, il n'en est rien dans la réalité et aucun projet important ne peut être engagé sans l'aval de l'État. Le statut des ports a changé mais leur fonctionnement reste très sensiblement ce qu'il était avant la réforme. Le président du directoire, nommé par décret, dépend directement de l'État. En témoigne la prudence affichée par les projets stratégiques qui ont été adoptés et qui contrastent avec le volontarisme affiché par les responsables des ports étrangers du Nord et du Sud de l'Europe dans leurs investissements programmés ou déjà engagés. Dans les dix prochaines années, Anvers compte passer de 8 à 15 millions d'équivalent vingt-pieds (EVP), l'unité pour les conteneurs, quand Marseille et Le Havre visent chacun l'objectif de 5 millions : à ce rythme, Anvers continuera en 2020 à traiter plus de conteneurs que l'ensemble de nos sept grands ports maritimes !
Quatrième et dernière raison : la concurrence est faussée sur les places portuaires. Cette situation est méconnue, mais l'Autorité de la concurrence a récemment condamné des entreprises de manutention portuaire et des autorités portuaires pour entorse à la libre concurrence. Du reste, la Commission européenne vient d'ouvrir une enquête sur de possibles ententes illicites entre armateurs européens, dans sept pays de l'Union.
Comme vous le voyez, les causes du déclin des ports sont nombreuses. Les forces d'inertie existent à tous les niveaux et il revient au pouvoir politique de prendre les mesures volontaristes pour relancer les ports.
C'est pourquoi le groupe de travail s'est rendu à l'étranger pour prendre le pouls de la compétition internationale. Nous en avons tiré trois grands enseignements.
Premier enseignement : les autorités portuaires ont adopté une gouvernance entrepreneuriale, placée sous le contrôle des pouvoirs locaux plutôt que nationaux, même lorsque, comme en Espagne, l'État est propriétaire des ports. En 2004, la ville de Rotterdam qui gérait le port en régie a créé une société de droit privé à laquelle elle a confié la gestion du port. A Hambourg, l'établissement portuaire est public et il est rattaché à la ville État de Hambourg sans que le Gouvernement fédéral ait son mot à dire.
Deuxième enseignement : l'heure est aux investissements à grande échelle et à l'aménagement du territoire au service d'une économie maritime forte. A Rotterdam les investissements s'élèvent à trois milliards d'euros pour le projet Maasvlakte 2, une extension portuaire de 20 km2 sur la mer, avec des terminaux à conteneurs ultramodernes mais aussi une zone industrielle « propre ». Tanger Med a également mobilisé trois milliards d'euros pour son développement en créant de toutes pièces une plateforme portuaire ouverte en 2007 et qui rivalise déjà en capacité avec Le Havre, notre champion national. Les projets portuaires d'Hambourg s'élèvent à un milliard d'euros d'ici 2016. Les grands ports européens sont en compétition pour devenir les « hubs » des plus grandes compagnies d'armateurs. Et dans cette compétition, les ports concurrents sont aidés par des politiques publiques volontaristes au service d'une économie maritime forte. Les ports concurrents investissent bien au-delà de leur circonscription portuaire, en particulier dans la logistique, et ils peuvent compter sur un aménagement du territoire cohérent avec leur développement. Au Nord comme au Sud, les ports sont considérés comme des pivots du développement économique, pourvoyeurs d'emplois, mais également comme les outils principaux d'un développement économique désormais plus respectueux de l'environnement.
Troisième enseignement : les ports concurrents offrent des services complets et intégrés, du transbordement à la desserte rapide vers l'arrière-pays, avec des équipes commerciales particulièrement importantes. Il existe schématiquement deux modèles en Europe pour la manutention. Soit les ports ont joué la carte de la concurrence pour attirer les grands manutentionnaires mondiaux comme Rotterdam a su le faire avec la société ECT, qui traite aujourd'hui 7 millions de conteneurs par an. Soit les autorités publiques ont créé des sociétés privées à capitaux publics pour assurer la manutention des conteneurs. Ce deuxième choix a été mis en oeuvre par la ville d'Hambourg à travers la société HHLA qui manipule plus des deux tiers des conteneurs dans le port hanséatique. Les ports étrangers ont également automatisé la manutention des conteneurs, développé de puissantes plateformes logistiques et multimodales et ils mènent des stratégies commerciales conquérantes sans commune mesure avec celles mises en oeuvre en France.
J'en viens maintenant aux quinze propositions du groupe de travail, qui s'articulent autour de quatre grands axes.
Le premier axe consiste à élaborer une stratégie nationale pour nos ports, qui donne la priorité aux collectivités territoriales.
Ma première proposition consiste à modifier la gouvernance des ports par une réforme à deux étages, qui donne la priorité aux collectivités territoriales.
Premier étage : le mouvement de décentralisation des ports amorcé par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui ne concernait que les ports d'intérêt national, doit se poursuivre et s'étendre aux grands ports maritimes. La nouvelle autorité portuaire pourrait être un établissement portuaire local ou un syndicat mixte, selon le choix des collectivités territoriales, qui pourrait différer pour chacun des sept ports. Cette autorité serait constituée d'un conseil de surveillance dont les membres représenteraient l'ensemble des collectivités territoriales et les acteurs économiques du bassin pertinent du port : région, département, structures intercommunales et autres collectivités intéressées. Le directeur du port serait nommé par le conseil de surveillance pour réaliser le plan stratégique et serait donc responsable devant lui.
Comme pour les ports d'intérêt national, le transfert des grands ports se ferait dans les conditions suivantes : la compensation financière de l'État serait calculée sur la moyenne des trois dernières années pour le volet fonctionnement, et des dix dernières années pour le volet investissement et elle serait indexée sur la dotation globale de décentralisation ; l'État conserverait la mission de police portuaire (sécurité et sûreté) mais aussi celle de coordination entre les ports ; la nouvelle entité portuaire gestionnaire aurait pleine compétence sur la stratégie de développement, sur la maîtrise d'ouvrage des travaux et sur le financement.
Quant au second étage du changement de gouvernance, il consiste à créer des conseils de coordination portuaire élargis et aux pouvoirs renforcés, qui engloberaient les grands ports maritimes décentralisés, les ports fluviaux pertinents mais aussi les ports secondaires, ce qui est une nouveauté par rapport au droit en vigueur. La mission de ces conseils élargis serait double : fixer les grandes orientations stratégiques portuaires, et coordonner les investissements entre les ports. Pour ce faire, il est nécessaire que la gouvernance de ces conseils soit la plus large possible, en incluant toute les régions et les collectivités concernées.
L'État aurait sa place dans les grands ports décentralisés et dans les conseils de coordination élargis, mais il n'aurait plus la majorité des voix.
Deuxième proposition : il faut encourager les investissements portuaires en créant des sociétés de développement local pour que les collectivités territoriales tirent un avantage financier de leur participation aux projets des ports. Aujourd'hui, ces participations sont pour ainsi dire à fonds perdu à travers les subventions publiques, ce qui ne les incite pas à s'intéresser au développement des ports.
Troisième proposition : il convient d'élaborer une stratégie nationale de coordination portuaire cohérente avec le schéma national des infrastructures de transport (SNIT). L'Allemagne a fixé en 2008 une « feuille de route » et des objectifs clairs à ses ports et nous devons suivre cet exemple pour nos ports.
Le deuxième axe vise à donner à l'État un rôle de coordonnateur et de facilitateur.
Notre quatrième proposition consiste à donner aux ports la maîtrise de leur politique foncière à travers un schéma d'aménagement stratégique. Le développement économique des ports doit avoir la même priorité que la protection de la biodiversité. Or, aujourd'hui le classement Natura 2000 bloque le développement des ports. Au nom de l'environnement, on empêche le développement des ports qui sont pourtant des pièces maîtresses pour le développement durable de notre économie tout entière. Il faut simplifier nos procédures et engager chaque bassin portuaire à élaborer son schéma d'aménagement en classant mieux les zones réservées à l'activité économique, et celles dédiées à la protection de la nature.
Cinquième proposition : le recours aux procédures dérogatoires doit être encouragé pour réaliser les projets des ports, de Réseau Ferré de France (RFF) et Voies navigables de France (VNF). Je pense notamment à la procédure des projets d'intérêt général qui a été retenue dans le cadre de la loi sur le Grand Paris.
Sixième proposition : il faut modifier la réglementation des affaires maritimes pour permettre la desserte de Port 2000 au Havre par des barges fluviales. Nos règles sont trop complexes, plus sévères qu'en Belgique et elles pénalisent notre transport fluvial. Le capitaine d'une même barge doit changer selon qu'elle navigue en zone fluviale ou maritime : c'est une source de retard, de coûts supplémentaires, il faut harmoniser !
Septième proposition : les efforts de modernisation et de communication des services douaniers doivent se poursuivre. D'importants efforts ont été réalisés depuis 2007, notamment en matière de régime de la TVA à l'import. La douane a introduit un nouveau régime, plus avantageux même que celui de nos voisins pour la trésorerie des entreprises, mais il est méconnu des entreprises.
Huitième proposition : le développement des entreprises de manutention et des zones logistiques doit être encouragé, notamment par la création de zones franches douanières. Il n'en existe qu'une à Bordeaux, alors que l'instauration de telles zones est très positive pour l'attractivité de nos ports. Je rappelle que les grands ports maritimes représentent aujourd'hui 225 000 emplois directs, indirects et induits, et que si on réussissait à doubler le nombre de conteneurs traités en France, on créerait environ 30 000 emplois.
Le troisième axe de réflexion du groupe de travail consiste à garantir une desserte de qualité de l'arrière-pays des ports par le fer, le fleuve et la route. C'est un des gros points faibles de nos ports, alors que « la bataille de la mer se joue à terre », selon un adage bien connu.
D'où notre neuvième proposition : les opérateurs de transport ferroviaire, fluvial et routier doivent avoir systématiquement une place dans les conseils de surveillance des ports, afin de favoriser le transport ferroviaire et fluvial et mieux coordonner les investissements. Il faut à tout prix éviter de répéter « l'erreur historique » de Port 2000, qui a été conçu en oubliant que soit traité en parallèle le transport fluvial et ferroviaire. Lorsque la première tranche de Port 2000 a été inaugurée par M. Dominique Perben, aucun train et aucune barge ne pouvait y accéder directement !
M. Gérard César. - Incroyable !
M. Charles Revet, rapporteur. - La dixième proposition concerne le fret ferroviaire, qui a besoin d'une réforme radicale de la gestion des sillons, de la création d'opérateurs ferroviaires de proximité systématique dans chaque port et de la mise en place rapide des corridors de fret imposés par un règlement européen de septembre 2010.
La onzième proposition vise à encourager le transport fluvial, en permettant la navigation en permanence sur le réseau magistral et notamment la Seine, et en imposant un tarif unique pour les manutentionnaires portuaires, quel que soit le mode d'acheminement retenu pour les marchandises. Cette mutualisation des prix est en vigueur dans le nord de l'Europe et rencontre un grand succès.
Douzième proposition : il faut encourager le développement des ports secondaires et des ports fluviaux par une harmonisation fiscale et une réforme de la gouvernance et de la manutention. Ces ports sont indispensables pour relayer le développement des locomotives que sont les grands ports maritimes.
Le quatrième et dernier axe de nos réflexions concerne l'amélioration du fonctionnement des ports.
La treizième proposition consiste à créer dans chaque port une équipe de promotion commerciale axée sur l'international et à mieux anticiper les investissements futurs.
Avant-dernière proposition : il faut garantir une saine et loyale concurrence dans les ports, notamment ultra-marins, en créant notamment un « HHLA à la française », c'est-à-dire une entreprise privée à capitaux publics spécialisée dans la manutention des conteneurs et qui ne soit pas affiliée à un armateur en particulier.
Enfin, dernière proposition : le dialogue social dans le secteur portuaire, tant dans la branche que dans les ports, doit être modernisé. C'est une volonté commune de tous les acteurs portuaires, il faut les entendre !
Notre groupe de travail s'est consacré à la réforme portuaire, mais nous sommes bien conscients que l'activité maritime est plus large, et qu'on ne saurait parler de la mer sans évoquer la pêche. Et la situation nous y inquiète tout autant : la France dispose de la deuxième zone maritime mondiale, mais nous importons 85 % des poissons et crustacés que nous consommons. La mer est un vivier essentiel pour l'alimentation de demain : l'importance de notre zone maritime nous donne une responsabilité éminente pour l'avenir !
M. Jean-Paul Emorine, président. - Merci pour cet excellent rapport, qui démontre combien il reste à faire pour relancer l'activité de nos ports maritimes.
Mme Odette Herviaux. - Je m'associe aux remerciements et aux félicitations : cette mission de contrôle est nécessaire et nous y avons travaillé, beaucoup, dans d'excellentes conditions, grâce à un consensus qui vaut aussi bien pour le diagnostic que sur les principales recommandations.
La réforme de 2008 fait application de normes européennes, elle vise à ce que nos ports s'organisent mieux, pour être plus performants. Ce que nous avons constaté à l'étranger, c'est que les ports concurrents sont très compétitifs et qu'ils se projettent dans l'avenir, avec des objectifs bien plus ambitieux que les nôtres.
Le volet social nous est apparu un peu comme l'arbre qui cache la forêt : les grèves ont certes affaibli nos ports, mais elles sont loin d'être leur seule faiblesse ! Ce qui explique qu'il nous faut maintenant « ramer » deux fois plus, pour reconquérir les marchés perdus, mais aussi rattraper le retard de nos ports vis-à-vis de leurs concurrents.
Nous avons également constaté que la rente pétrolière peut être un facteur, sinon d'immobilisme, du moins de lenteur. Le port de Marseille, par exemple, est rentable, grâce aux hydrocarbures ; mais cette rente n'est pas éternelle et, surtout, elle masque la nécessité d'investir dans le trafic de conteneurs, alors que nous y avons les meilleurs atouts et que ce secteur est devenu le principal levier du développement portuaire.
Je crois, encore, que le renforcement des acteurs locaux dans la gestion portuaire sera une étape essentielle dans le développement portuaire. Depuis le transfert des ports secondaires, je constate, dans ma région, que les ports sont inclus dans une stratégie régionale, qu'ils renforcent leurs complémentarités, ce qui paraissait impossible il y a encore quelques années. Nous l'avons également constaté à Sète.
M. Charles Revet, rapporteur. - Tout à fait !
Mme Odette Herviaux. - Autre point essentiel : les dessertes, le raccordement des ports aux grands réseaux d'infrastructures terrestres. Je vois encore l'ébahissement de notre collègue M. Louis Nègre, lorsque les responsables du port de Hambourg lui ont répondu qu'ils recouraient beaucoup au train parce que le ferroviaire était à la fois plus sûr et moins cher que les autres moyens de transports... tout l'inverse de chez nous, notre collègue croyait rêver !
Je pense également que nous devons tenir compte du caractère foncièrement marin de certains ensembles géographiques, de certaines régions, caractère qui se saurait coïncider avec les frontières figées des façades maritimes, surtout quand, pour la Bretagne par exemple, le raisonnement par façades oppose ce qui est uni dans ce que j'appellerai « la maritimité » bretonne. De fait, en raisonnant par façades, par exemple pour la protection du littoral ou la gestion de l'eau, on oppose le Nord de la Bretagne, rattaché au préfet maritime de la Manche, et le Sud de la Bretagne, rattaché au préfet maritime de l'Atlantique : c'est parfaitement arbitraire !
Enfin, je crois salutaire qu'on puisse demain confier nos ports à des responsables formés aux techniques de l'entreprise et du commercial, plutôt qu'à la seule haute administration, aussi compétente soit-elle.
M. Jean-Claude Merceron. - Je remercie également notre rapporteur pour l'excellent climat qui a présidé à nos travaux. Je partage la consternation de voir nos ports relégués au trentième rang mondial, alors que nous sommes géographiquement, dans une position stratégique des plus enviables. La loi de 2008 a dû attendre trois années pour être effective, c'est trop long, mais surtout, elle ne suffira pas à combler l'écart avec les autres grands ports européens.
Au cours des visites que nous avons effectuées, je suis passé du découragement à l'espoir : d'abord impressionné par le retard de nos ports, j'ai été rassuré ensuite de voir que tous nos interlocuteurs portuaires étaient conscients du caractère indispensable de la réforme et d'une évolution forte de la gouvernance portuaire, pour la relance des ports maritimes.
L'administration doit revenir à sa mission première qui est d'accompagner plutôt que de freiner les évolutions de la société. Les ports doivent repenser leur organisation, en particulier pour définir leur stratégie foncière : il est essentiel qu'ils maîtrisent leur foncier, pour développer leur activité. Il faut également moderniser le dialogue social, pour renforcer la confiance entre ceux qui travaillent, qui font la vie du port : les ports doivent mieux communiquer sur leurs objectifs stratégiques, ils doivent travailler avec les entreprises pour renforcer leur compétitivité, leur gouvernance doit être ancrée au territoire, ce qui plaide pour une véritable décentralisation de l'autorité portuaire. Enfin, il est impératif de raccorder les ports aux réseaux ferrés, fluviaux et routiers, il faut améliorer leur desserte : le combat de la mer se gagne effectivement à terre !
J'espère de tout coeur que ce rapport d'information ne sera pas lettre morte : il est urgent qu'il se traduise dans les faits !
M. Gérard Le Cam. - Je remercie à mon tour notre rapporteur, qui a très bien su valoriser notre volonté commune d'enrayer le déclin des ports français. Cependant, le groupe CRC-SPG fera une contribution, pour préciser notre analyse. D'abord sur le fond : le développement de nos ports n'est pas une finalité en soi, mais un outil pour que notre économie globale respecte mieux notre environnement, les transports maritimes et l'intermodalité sont l'exemple même des transports « propres » qu'il faut encourager pour respecter nos objectifs du Grenelle. Nous sommes également favorables à ce que les collectivités locales jouent un rôle plus important, surtout qu'actuellement, elles n'y investissent qu'à fonds perdus puisqu'elles ne touchent aucun dividende. Cependant, ce renforcement des collectivités locales ne va pas sans nous inquiéter, d'abord sur le plan budgétaire. L'État compenserait le transfert, par une dotation calculée sur la moyenne des dix dernières années pour l'investissement : sachant qu'il n'a pas assez investi dans les ports, on peut en déduire que la compensation sera loin de suffire. De même, on apprend que la participation de l'État aux dépenses inscrites au SNIT ne dépasserait pas 30 % : ce n'est pas rassurant pour la desserte des ports, surtout quand on sait que RFF, du fait de son endettement, freine les investissements plutôt qu'il ne les accélère. Nous sommes circonspects également sur le volet administratif : une chose est de critiquer les lourdeurs administratives et d'appeler à une action plus rapide de l'État, une autre est de prévoir les effectifs suffisants pour y parvenir, on le constate par exemple avec la DGCCRF, qui manque de moyens pour effectuer les contrôles qu'on attend d'elle.
Sur le plan social, la situation nous est apparue apaisée, c'est une bonne chose et nous espérons que cela durera et que les salariés seront mieux associés au développement portuaire. Nos ports disposent d'atouts formidables, en particulier l'espace : nous l'avons constaté en particulier à Dunkerque, qui peut se développer rapidement sur des friches disponibles : il faut saisir cette occasion formidable !
Les ports sont des outils uniques pour le développement durable, il faut en tenir compte pour accompagner leur extension, pour leur donner les moyens d'aménager leur foncier. Nous devons simplifier nos procédures d'urbanisme, pour que les ports ne soient pas accablés d'obligations dès qu'ils envisagent un aménagement. Nous pourrions prendre exemple sur nos communes, où nous n'avons pas besoin de modifier le PLU pour chaque opération.
Aussi, sans en partager toutes les recommandations, nous voterons ce rapport, parce que nous en partageons l'optimisme. Cependant, maintenant que nous avons écrit au Père Noël, il va falloir trouver de quoi acheter les cadeaux !
M. Michel Bécot. - Ce rapport est intéressant et important. Nous devons libérer les ports de la tutelle administrative, en y associant les collectivités locales et les chambres consulaires. Faut-il les privatiser ? Je ne le crois pas. Mais nous devons prendre toute la mesure de la situation actuelle. Port 2000 est enfin inauguré, mais sans être raccordé aux infrastructures de transport terrestre. Il n'y a que l'État pour faire une chose aussi extravagante ! Les ports ont besoin de services commerciaux chevronnés : l'État, assurément, ne sait pas faire.
Je suis surpris d'apprendre que les syndicats ne sont pas davantage associés au développement des ports et des entreprises portuaires. Les salariés sont la richesse des entreprises, il n'y a que l'État, une fois encore, pour négliger une telle réalité !
M. Gérard César. - Comme à son habitude et comme, par exemple, pour l'aquaculture, M. Charles Revet nous présente une excellente analyse, pertinente et sans concession. Son travail mérite mieux qu'un rapport d'information, et ne doit pas prendre la poussière, oublié sur une étagère : il faut le traduire dans la loi ! Savons-nous ce qu'en dit le Gouvernement ?
Une remarque sur le territoire pertinent pour le développement portuaire : il faut y associer plusieurs régions, mais également plusieurs chambres consulaires.
Je regrette, enfin, que votre groupe de travail n'ait pas eu le temps de visiter le port de Bordeaux. Vous y auriez apprécié, notamment, notre zone franche, cas unique en France, qui nous donne grande satisfaction en particulier pour l'emploi local. Nous déplorons, cependant, que l'essentiel des exportations de vins de Bordeaux passe par Le Havre plutôt que par le port de Bordeaux : c'est l'effet des entreprises de logistiques et des armateurs, qui ont leur propre politique, qui choisissent les grands ports en délaissant les ports secondaires !
M. Paul Raoult. - L'ancien étudiant en géographie que je suis, se souvient que dans les années 1960 déjà, les ports de Rotterdam et d'Anvers passaient pour des modèles à imiter mais que, déjà, l'action publique faisait tout le contraire ! De même, quand les Pays-Bas modernisaient leurs tramways, nous les supprimions pour laisser plus de place à la voiture, et voilà que nous devons faire le chemin inverse. Je n'oublie pas non plus que Rotterdam est presque intégralement conquis sur la mer : les Hollandais ont su faire bien mieux que nous, avec bien plus de handicaps géographiques. Mais c'est aussi qu'ils ont su faire converger leurs intérêts, fusionner leurs communes quand c'était nécessaire, au bénéfice des ports ! Nous avons fait des progrès, la fusion des chambres consulaires est un pas important, mais nous sommes encore loin de nos concurrents. Et le premier port du grand bassin économique du Nord-Pas-de-Calais, ce n'est pas Boulogne, Calais ou Dunkerque, mais c'est Anvers, en Belgique !
L'intérêt du canal Seine Nord Europe a été bien identifié dès les années 1950, on en parlait déjà à l'étudiant des années 1960. Car nos grands ports maritimes n'ont accès qu'à un hinterland limité, du fait de canaux trop étroits et de liaisons ferroviaires étriquées. Michel Delebarre, le maire de Dunkerque, était d'autant mieux prévenu de ces questions qu'il était sur les mêmes bancs que moi à l'université. Son action pour le port de Dunkerque est exemplaire, mais il n'a guère pu faire mieux que doubler le tonnage de la place portuaire, quand Anvers développait une formidable activité conteneurs. Mais si nous avons manqué le tournant de cette activité, c'est aussi que nous avons mis beaucoup d'argent dans le cap d'Antifer : voilà une opération qui a coûté cher, et qui n'a pas enrichi le territoire comme l'aurait fait le développement de grands ports à conteneurs tels que nous les appelons de nos voeux aujourd'hui.
Enfin, si je partage votre souhait de voir les collectivités locales prendre plus de place dans la gestion des ports, je ne suis pas certain qu'elles en aient les moyens. Attention, l'État doit continuer d'investir, ou nos ports ne rattraperont jamais leur retard ! Ou bien l'alternative, c'est de donner bien plus de pouvoirs aux collectivités locales, de les porter au niveau de responsabilité qu'elles ont en Allemagne ou au Benelux : elles auront alors réellement les moyens d'intervenir !
M. Jean-Paul Emorine, président. - Les partenariats public-privé sont une piste à explorer pour faciliter le financement des investissements portuaires. Je rappelle également qu'une délégation de la commission de l'économie, à laquelle notre collègue Charles Revet avait participé, s'était rendue en 2007 sur le port de Hong-Kong et avait été très impressionnée par l'automatisation des terminaux à conteneurs.
M. Charles Revet, rapporteur. - Notre objectif n'est pas de concurrencer les grands ports asiatiques, mais de gagner en rapidité pour les investissements. Un ancien directeur du port du Havre, qui voyage régulièrement en Chine, m'a fait cette comparaison : pour deux projets portuaires similaires lancés en même temps, le chinois sera déjà inauguré, quand le français sera encore à la phase d'étude ! Quoiqu'il en soit, nous sommes favorables, j'exprime ici un voeu unanime, à aller plus loin qu'un rapport d'information : peut-on envisager le dépôt rapide d'une proposition de loi ?
M. Jean-Paul Emorine, président. - Dans un premier temps, nous pourrions demander l'inscription d'un débat en séance publique, dès octobre. Puis une proposition de loi, qui aurait d'autant plus de poids qu'elle serait signée par l'ensemble des membres du groupe de travail et dont la commission demanderait l'inscription en séance publique.
M. Charles Revet, rapporteur. - Nous nous tenons prêts ! L'unanimité nous donne effectivement plus de poids et je crois que les députés sont dans le même état d'esprit que nous, pour relancer nos ports. Une proposition de loi est préférable à un projet, qui en atténuerait très probablement la portée.
Je me félicite du consensus qui a présidé à l'élaboration de nos propositions. S'agissant des résultats financiers des ports, je rappelle que Marseille enregistre de bonnes performances mais c'est essentiellement grâce à la rente pétrolière. Et avec l'application des directives européennes, les ports sont obligés d'instaurer une séparation comptable entre leurs activités, ce qui empêchera les péréquations entre les secteurs rentables et ceux déficitaires. Sur le fret ferroviaire, il y a beaucoup à faire. Chaque fois que je viens du Havre par le train, je suis stupéfait du nombre de locomotives parfois neuves que je vois stationnées à Sotteville-les-Rouen ou à Vernouillet : elles sont à l'arrêt, plutôt qu'au service de Fret -SNCF ! Ne peut-on pas mieux gérer les sillons en concentrant les trains de fret sur des plages horaires ciblées et en créant des zones d'évitement pour permettre le passage des trains prioritaires ?
Comme le dit Jean-Claude Merceron, notre groupe de travail est passé du découragement à l'espoir en observant ce qui se fait dans les ports étrangers. Mais pour que nos attentes soient entendues, encore faut-il que l'on réforme la gouvernance des ports pour mieux les ancrer dans les territoires.
A l'instar de notre collègue Gérard Le Cam, je constate que le climat social s'est apaisé dans les ports. Les syndicats souhaitent avancer et être mieux associés au développement portuaire. Nos ports ont un fort potentiel de croissance, c'est évident. A Dunkerque, les réserves foncières sont si importantes, que l'activité portuaire pourrait passer rapidement à 200 millions de tonnes, nous a-t-on dit lors de notre visite. Bien évidemment, le groupe CRC-SPG, même s'il vote notre rapport d'information, conserve toute liberté d'y annexer une contribution.
Je suis opposé à la privatisation complète des ports. Regardons ce qui se passe dans le monde : les armateurs, comme les manutentionnaires, sont de plus en plus puissants. Le port de Dunkerque en a fait l'amère expérience, lorsqu'il a cédé un terminal à un opérateur privé, ceci dès 1999 : l'opérateur avait des intérêts à Anvers, et tout s'est passé comme si son objectif à Dunkerque était d'y geler l'activité, pour ne pas faire de concurrence à Anvers ! Heureusement, le port a pu reprendre la main sur ce terminal. Il faut donc être capable de faire contrepoids, si besoin est, en créant des sociétés spécifiques. C'est ce qui se passe par exemple à Hambourg avec HHLA, qui fait jouer la concurrence entre armateurs.
Sur le financement des investissements portuaires, il ne faut pas trop attendre de l'État. Mais cela n'empêche pas d'agir ! Le pont de Normandie a été financé par la chambre de commerce et d'industrie du Havre, sans participation de l'État, mais avec les garanties financières des collectivités territoriales concernées, dont le conseil général de Seine-Maritime que j'avais alors l'honneur de présider. Ceci, sans qu'il en coûte un centime au contribuable local ! Autrement dit, la simple garantie financière des collectivités financières est une voie à approfondir.
Pour finir, je forme le voeu que ce rapport contribue à changer le regard que notre pays porte sur la mer !
Couverture numérique du territoire - Examen du rapport d'information
La commission entend ensuite la présentation du rapport d'information de M. Hervé Maurey sur la couverture numérique du territoire.
M. Hervé Maurey, rapporteur. - Le secteur numérique est en pleine évolution, comme en témoigne la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, dite « loi Pintat » ; l'annonce par le Président de la République en février 2010 d'objectifs ambitieux en termes de très haut débit, soit 70 % de la population métropolitaine raccordable d'ici 2020 et 100 % d'ici 2025 ; la présentation en juin 2010 du plan national très haut débit (PNTHD) ; l'attribution en cours des fréquences pour la 4G, prochaine génération de téléphonie mobile... La déception est pourtant de mise aujourd'hui, la conférence de presse du chef de l'État sur les investissements d'avenir où il n'a, le 27 juin dernier, quasiment pas abordé la question du numérique. Aussi, afin de sensibiliser les pouvoirs publics à la nécessité d'intervenir, j'ai choisi d'intituler ce rapport : Aménagement numérique des territoires : passer des paroles aux actes.
La première partie illustre à quel point les technologies numériques sont un atout indispensable pour l'aménagement du territoire. Économiquement, les territoires ne bénéficiant pas d'une bonne couverture numérique seront soumis à un inexorable déclin ; inversement, ceux qui sont bien desservis attireront l'activité. S'agissant des services publics, les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont, en permettant le développement de l'« e-administration », un moyen de compenser leur moindre présence physique dans les espaces ruraux. Des projets intéressants sont mis en place en matière d'« e-éducation », tels que le plan « écoles numériques rurales ». L'« e-santé » est une réponse à développer face à la réduction de l'offre de soin en milieu rural. Enfin, en matière de qualité de vie, internet offre de nombreux services aux habitants des campagnes tels que la recherche d'emploi ou de biens immobiliers, l'accès à une offre culturelle et de loisirs, le commerce à distance...
Dans un deuxième temps, le rapport souligne que la situation en matière de réseaux numériques est loin d'être satisfaisante.
S'agissant du haut débit, 98,3 % des foyers bénéficient d'un accès par ADSL. Ce chiffre peut paraître satisfaisant mais il masque le fait que 450 000 foyers ne sont pas éligibles et surtout, il concerne les foyers bénéficiant d'une connexion à partir de 512 kb/s. Or, comme l'a rappelé le ministre en charge de l'économie numérique, M. Eric Besson, lors de son audition devant la commission le 21 juin, il faut aujourd'hui un minimum de 2 Mb/s. Si on prend en compte ce seuil, c'est seulement 77 % des foyers qui disposent d'une telle connexion. Quant à l'offre triple play, qui nécessite environ 8 Mb/s, environ la moitié de la population ne peut pas y accéder dans de bonnes conditions. Le satellite permet de porter à 100 % l'offre « haut débit » sur tout le territoire, mais les services offerts et le prix sont moins avantageux que ceux du réseau cuivre. Il doit donc demeurer une technologie d'appoint.
Pour ce qui est de la téléphonie mobile, le rapport récent de notre collègue Bruno Sido sur le sujet faisait état d'un taux de couverture de 99,82 % de la population par au moins un opérateur en technologie 2G, taux que la 3G égalera fin 2013. Cela signifie en creux que 100 000 personnes, représentant 2,3 % du territoire, demeurent en « zones blanches », 13 départements concentrant 50 % de ces dernières. De plus, le programme d'extension de couverture dans ces zones n'est à ce jour pas achevé, et l'instrument de mesure utilisé insatisfaisant dans la mesure où il considère comme couverte une commune dont seul le centre-bourg est desservi. En outre, il existe un différentiel entre la couverture théorique communiquée par les opérateurs et la couverture réelle relevée par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), du fait de l'insuffisante densité du réseau. Enfin, le critère de mesure utilisé pour réaliser ces mesures est archaïque car il ne prend en compte que les zones habitées, à l'extérieur des bâtiments et en situation fixe.
Pour ce qui est du très haut débit, le déploiement est encore embryonnaire puisque seuls 1 135 000 foyers sont raccordables et 520 000 effectivement abonnés.
Le modèle de déploiement adopté pour le très haut débit suscite en effet des inquiétudes :
- pour le très haut débit mobile. Si l'objectif prioritaire d'aménagement du territoire a été rappelé par le Parlement et par la commission du dividende numérique, il conviendra de demeurer vigilant quant à son respect dans la procédure d'appel d'offre pour les licences 4G et dans le calendrier de déploiement des opérateurs. Le ministre a en effet entretenu le doute en soulignant que les fréquences constituaient le patrimoine immatériel de l'État et ne devraient pas être bradées ;
- pour le très haut débit fixe. Différents autres modèles de déploiement de la fibre optique étaient envisageables, comme le recours à un opérateur mutualisé, à un opérateur unique sur fonds publics comme en Australie, à des partenariats public-privé comme en Finlande ou à des concessions au niveau régional. Ce dernier modèle alternatif, qui est celui des autoroutes, aurait eu l'avantage de confier la charge du déploiement à des sociétés de bâtiments et travaux publics (BTP) habituées à des taux de retour sur investissement faibles sur de longues périodes, là où les opérateurs de télécoms recherchent une rentabilité forte sur un court délai. Le programme choisi par l'État vise à favoriser l'investissement privé et distingue trois zones :
- la zone 1 : zone dense, zone rentable où les investisseurs privés iront sans difficulté (présence de plusieurs opérateurs) ;
- la zone 2 : zone moyennement dense où l'investissement privé est possible sous forme de co-investissement ;
- la zone 3 ; zone non dense où seul un investissement public est possible.
Le PNTHD, dans sa première version, prévoyait d'affecter un milliard d'euros aux opérateurs en zone 2 et 750 millions aux collectivités en zone 3, enveloppe portée par la suite à 900 millions pour ces dernières. En revanche, à la suite des annonces des ministres, le 27 avril 2011, les projets intégrés des collectivités, portant à la fois sur des zones denses et non denses, ne seront aucunement subventionnés, là où ils devaient tout de même l'être sur la partie non dense dans la première version. Ce choix est critiquable dans la mesure où il cantonne de facto l'intervention des collectivités aux seules zones non rentables, interdisant ainsi toute péréquation. Les opérateurs n'iront quant à eux qu'en zone rentable et pourront, en outre, bloquer les projets des collectivités en annonçant des déploiements que rien ne les oblige ensuite à tenir. Des doutes ont ainsi été émis quant à l'engagement de France Telecom de couvrir 60 % des foyers d'ici 2020 pour 2 milliards d'euros : outre que cela représente une faible partie du territoire, divers organismes ont estimé à 7 milliards d'euros le coût d'un tel déploiement. Enfin, les 900 millions d'euros prévus pour les collectivités sont finalement assez limités au regard des besoins, chiffrés globalement à une vingtaine de milliards d'euros.
Dans une troisième et dernière partie, le rapport formule des préconisations.
Les premières sont d'ordre général :
- redonner à l'État un rôle actif dans l'aménagement numérique du territoire. Certes, la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie a reconnu aux collectivités le droit de principe d'établir et d'exploiter sur leur territoire des infrastructures et des réseaux de télécommunications, certes les moyens des pouvoirs publics sont aujourd'hui limités, mais cela ne justifie pas pour autant que l'État abandonne toute gouvernance. A cet égard, on ne peut que regretter la non reconduction dans l'actuel gouvernement du secrétariat d'État à l'économie numérique et d'un ministère exclusivement en charge de l'aménagement du territoire. Il conviendrait par ailleurs que les préfets soient davantage investis sur ces problématiques à l'échelle locale ;
- élargir le champ de compétence des schémas d'aménagement numérique du territoire (SDANT). Il faudrait ainsi les rendre obligatoires, les étendre pour qu'ils concernent tous les aspects de la problématique numérique - très haut débit, mais aussi haut débit et téléphonie mobile -, les rendre opposables aux documents d'urbanisme et en faire la base d'engagements avec les opérateurs ;
- réaffirmer le droit des collectivités territoriales à intervenir sur la totalité de leur territoire ;
- privilégier la mise en place d'obligations imposées aux opérateurs en termes de couverture des territoires plutôt que la création régulière de prélèvements fiscaux supplémentaires (taxe de 0,9 % pour le financement de l'audiovisuel public, imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux...).
La deuxième catégorie de préconisations est constituée de mesures spécifiques.
En matière de téléphonie mobile, il est ainsi proposé de :
- créer un groupe de travail composé de représentants de l'État, des collectivités et des consommateurs pour redéfinir les critères servant à définir les taux de couverture ;
- achever la réalisation du programme de résorption des zones blanches et de rendre celui-ci obligatoire dans les départements où il n'est pas en place ;
- dans le cadre des SDANT, mettre en place une négociation pour améliorer la couverture des territoires ;
- veiller à ce que l'aménagement du territoire demeure l'objectif prioritaire de la 4G dans le cadre de l'attribution des licences et ensuite de son déploiement ;
- favoriser la mutualisation entre opérateurs pour l'achèvement des réseaux existants comme pour la construction du futur réseau 4G.
Pour ce qui est du haut débit, il est suggéré :
- de mettre en place un véritable haut débit pour tous sur la base de 2Mbit/s dès 2012 et de 8Mbit/s en 2015. L'inclusion du haut débit dans le service universel n'est pas pour autant proposée, car le coût en est évalué par l'Arcep à 800 millions d'euros par an, une somme qu'il paraîtrait plus opportun d'utiliser pour le financement du très haut débit ;
- sur la base des SDANT, de négocier avec les opérateurs une amélioration de la couverture en haut débit sur chaque territoire ;
- de rendre la montée en débit éligible au fonds d'aménagement numérique des territoires (FANT) sur des secteurs clairement définis, lorsqu'elle constitue une solution permettant d'offrir du haut débit à des territoires qui ne seront pas, à brève échéance, desservis par le très haut débit ;
- de privilégier la couverture haut débit par l'ADSL et de ne recourir aux autres technologies, notamment satellitaires, qu'à titre palliatif.
S'agissant enfin du très haut débit, les propositions consistent à :
- prendre au plus vite les dispositions règlementaires d'application prévues par la « loi Pintat » ;
- élaborer une nouvelle circulaire interministérielle sur la base de celle du 31 juillet 2009 relative à l'aménagement numérique des territoires intégrant les nouvelles dispositions prévues par la loi précitée ;
- permettre aux collectivités de couvrir la totalité de leur territoire afin de favoriser la péréquation territoriale ;
- ramener, conformément au droit européen, de 5 ans à 3 ans le délai dans lequel les opérateurs doivent commencer leur déploiement et exiger des opérateurs des informations plus précises en termes de budget et de calendrier de déploiement ;
- transformer les déclarations des opérateurs en engagements contractuels sur la base des SDANT ;
- donner à l'ARCEP le pouvoir de prendre des sanctions en cas de non respect de ces engagements ;
- fixer dans les SDANT une date butoir pour le basculement du réseau cuivre vers le réseau fibre ;
- prévoir dans le code des postes et communications électroniques (CPCE) un statut spécifique propre aux réseaux d'initiative publique (RIP) ;
- réactiver le comité national du très haut débit instauré en 2007 après une éventuelle révision de son mandat et de sa composition ;
- abonder dès 2012 le FANT, afin de réduire le montant des versements annuels et d'afficher un signal fort, de préférence par une dotation de l'État ;
- financer les projets des collectivités territoriales par le FANT en fonction de leur coût et des capacités financières de chaque collectivité ;
- revoir les modalités d'utilisation du milliard d'euros du guichet A du Fonds national pour la société numérique (FSN), constitué de prêts aux opérateurs, pour le réorienter en partie vers du coinvestissement ;
- confier à l'Arcep compétence pour réguler la tarification des services très haut débit aux entreprises, ainsi que pour analyser celle de l'accès à la boucle locale cuivre de France Telecom ;
- assurer en priorité le déploiement du très haut débit en zone rurale, où les besoins et l'appétence sont les plus forts, en commençant par les zones d'activité et les services publics ;
- harmoniser les référentiels techniques pour les réseaux très haut débit ;
- favoriser l'ouverture par les opérateurs propriétaires des réseaux aériens à la pose de fibre optique ;
- dresser dès 2013 un premier bilan et envisager si nécessaire la mise en place d'un autre type de déploiement.
M. Pierre Hérisson. - Tout d'abord, au nom de l'ensemble du groupe d'études postes et télécommunications, je tiens à dire que ce rapport est très complet et qu'il propose des pistes de propositions intéressantes. Je voudrais y ajouter quelques remarques.
Premier point : depuis 1996, le Parlement a pris un certain nombre de décisions et a fait des choix. La question de la séparation fonctionnelle de l'opérateur historique a été longuement débattue, sans suite pour l'instant. La question de l'organisation et des limites de la concurrence par rapport au service public a également été discutée.
Surtout, quelles que soient les majorités, le souci principal qui a prévalu a été de faire des promesses pour faire plaisir à tout le monde sans contrarier personne.
Ainsi aujourd'hui, on trouve la meilleure couverture de téléphonie mobile dans les pays où il n'y avait pas de réseau fixe : lorsqu'on n'a pas le choix entre plusieurs options, on ne se pose pas de questions et on agit. En Roumanie par exemple, la téléphonie mobile couvre 100 % du territoire car les réseaux fixes étaient dans un état tel qu'ils ont été supprimés.
Dans mon département, plus de 80 % de la population reçoit la télévision par satellite de façon satisfaisante. S'il avait fallu attendre un débit suffisant par le câble, par exemple, on serait toujours en train d'attendre le basculement à la télévision numérique terrestre (TNT). Le satellite ne peut pas être considéré seulement comme un palliatif.
D'autre part, pendant trente ans, des accords avec France Télécom ont permis d'enterrer l'essentiel des réseaux numériques. Au final, malgré les investissements massifs des collectivités territoriales, les réseaux appartiennent juridiquement à France Télécom.
Dans certains secteurs, on gagnerait sûrement beaucoup de temps à faire de la fibre optique en aérien, comme le fait le Canada par exemple, parce qu'il existe un certain nombre de supports qui le permettent, en particulier la basse ou la moyenne tension.
Enfin, dans les propositions qui sont faites, il est vrai que l'Arcep peut apparaître comme une pâle copie des autorités de régulation des pays anglo-saxons. Il y a déjà eu une tentative d'introduire un commissaire du gouvernement en son sein : à un moment donné, si l'on veut que l'État reprenne la main, il est nécessaire qu'il soit représenté au sein d'une instance comme celle-ci.
Les collectivités territoriales peuvent en réalité aujourd'hui faire ce qu'elles veulent sur le territoire, comme par exemple déployer la fibre optique. Le problème, c'est de ne pas oublier la concurrence avec les opérateurs de télécommunications privés, comme le rappelle l'Autorité de la concurrence de façon très sérieuse. Si l'on veut reprendre la main, ce sera donc par voie législative.
M. Michel Teston. - Je voudrais tout d'abord féliciter notre collègue Hervé Maurey pour la qualité de son rapport. Je souhaiterais également rappeler que depuis la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, il n'y a de service universel que pour la téléphonie fixe. En France, les gouvernements successifs n'ont pas accepté qu'on puisse reconnaître le service universel pour la téléphonie mobile puis pour le haut et le très haut débit. Les derniers gouvernements se sont retranchés derrière la position de l'Union européenne, qui ne voulait pas jusqu'à présent reconnaître l'intérêt du service universel, mais aussi derrière les inquiétudes des opérateurs.
Aujourd'hui, à ma connaissance, l'Union européenne s'interroge pour la première fois sur l'intérêt du service universel : il est important je crois que l'Union européenne oriente ses réflexions dans ce sens et il convient également de donner aux opérateurs le temps de s'adapter. Il faut prendre en compte cette donnée pour l'avenir, quel que soit le sort qui sera réservé à cette réflexion en cours.
Sur la 4G, la procédure d'attribution des licences est, me semble t-il, engagée avec un objectif de 90 % de couverture de la population de chaque département. Par ailleurs, il paraîtrait que ce déploiement pourrait brouiller la réception TNT de 20 % des foyers. Si tel était le cas - je ne l'ai pas vérifié - quelles solutions faudrait-il mettre en oeuvre ? Est-ce que les aides prévues en matière de déploiement de la TNT resteraient valables ?
Sur le haut et le très haut débit, le Gouvernement avait promis qu'en 2025, la totalité de la population serait desservie. En réalité, Orange ne s'engage pour 2020 qu'à un taux de couverture de 60 % et avec une estimation financière qui semble par ailleurs très insuffisante par rapport au coût réel de la couverture, comme l'a indiqué le rapporteur dans son introduction. Cela pose la question du financement des autres territoires : je doute en particulier que les 900 millions d'euros par an prévus pour la zone 3 permettent d'arriver à un taux de couverture de 100 % de la population. Là encore, les collectivités territoriales seront contraintes de financer et malgré les subventions qui sont annoncées, le compte n'y sera pas.
Je voudrais rappeler qu'au-delà des affirmations du Gouvernement, le risque de fracture numérique est évident si on ne se donne pas les moyens de couvrir le territoire. Il faut une vision globale de son aménagement. L'État ne s'en occupe plus car il n'en a plus les moyens et ce n'est pas aux collectivités territoriales de le faire à sa place. Mais l'État pourrait au moins définir une vision globale en la matière. Je demande donc à ce que l'on puisse réfléchir tous ensemble à un véritable plan de couverture du territoire en haut et très haut débit, comme d'ailleurs en téléphonie mobile, dans le cadre de l'évolution prévisible vers un service universel dans l'ensemble des domaines de l'aménagement du territoire.
M. Bruno Retailleau. - Je remercie notre collègue pour ce rapport très riche.
Je voudrais tout d'abord rappeler que le très haut débit en France, c'est deux infrastructures : la mobilité et la 4G d'une part, et la fibre pour l'accès filaire d'autre part. L'explosion des trafics sur le mobile est énorme : le facteur de multiplication est de trente à quarante dans les quatre prochaines années. Le mobile et le fixe sont pour ainsi dire deux jumeaux dans la mesure où, d'une part, on a besoin de mobilité et où, d'autre part, la quatrième génération pourra permettre des accès autour de 20 Mb/s en débit moyen là où la fibre n'ira pas.
Sur la 4G, il y a effectivement un risque de brouillage, mais qui ne concerne pas 20 % de la population. Pour la première fois, on a réussi, avec le soutien du Conseil d'État, à imposer des modalités de couverture avec une zone prioritaire. Il faut le souligner.
Sur le très haut débit, je conteste pour ma part la formule du « mur d'investissement » car quand on compare ce que l'État a fait pour le cuivre avec ce qu'il reste à faire pour la fibre, on a grosso modo le même montant de dépenses : la France est-elle capable de fournir aujourd'hui les mêmes efforts qu'il y a trente ans ? Le vrai problème désormais, c'est l'absence de stratégie. Or, ce qu'on attend, en-dehors des subventions, c'est un État qui pilote, un État stratège. On voit bien qu'entre les jeux habiles des opérateurs et le foisonnement d'initiatives pas toujours opportunes des collectivités, aucune vision stratégique ne se dégage. Je crois qu'il faudrait, sinon un secrétariat d'État, au moins une mission qui regrouperait une vingtaine de collaborateurs de haut niveau. En effet, aujourd'hui, en termes de ressources humaines, tous les collaborateurs compétents sont chez les opérateurs ou à l'Arcep. L'État ne peut, de son côté, compter que sur environ cinq personnes réellement compétentes sur ces questions.
Enfin, j'ajouterai que lorsqu'on regarde la montée en débit dans le cadre des investissements d'avenir, on s'aperçoit aujourd'hui qu'elle va être tuée dans l'oeuf.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous avons visité Astrium, filiale d'EADS qui fabrique des satellites : ils sont aujourd'hui à 30 ou 40 Mb/s et projettent environ 100 Mb/s dans un délai de dix ans.
M. Gérard Bailly. - Dans nos assemblées et sur les territoires, on entend beaucoup d'interrogations sur ce sujet. Le très haut débit et les différents objectifs affichés sont souvent mal compris.
Mon département a investi à hauteur de 40 millions d'euros pour déployer la fibre, mais on entend aujourd'hui des critiques qui dénoncent du gaspillage d'argent public dans la mesure où France Télécom dispose également de la fibre.
Aujourd'hui, c'est difficile sur le terrain à cause de la crainte de dépenser dans ce secteur. Je crois qu'il faudra absolument trouver des financements pérennes.
Je voudrais également insister sur la fibre optique sur support aérien. Si l'on veut parvenir à répondre aux besoins dans le temps, est-ce qu'il sera possible de recourir à ce type de support ?
M. Alain Fouché. - Ce rapport est excellent. Des clarifications sont en effet nécessaires aujourd'hui dans ce domaine : il n'y a pas de lignes directrices, ce qui explique certains cafouillages et certains gaspillages. Deux questions à l'attention du rapporteur :
- d'aucuns affirment que, dans certains secteurs géographiques, la couverture en très haut débit est impossible. Est-ce vrai ?
- en matière de téléphonie mobile, l'État a-t-il pris des dispositions afin de contraindre les opérateurs installés à accepter les autres opérateurs sur leurs réseaux ?
Mme Évelyne Didier. - Je partage les propos des précédents intervenants. Il y a un vrai problème de stratégie et de pilotage. Il y a également une question de moyens : le gaspillage est une réalité. J'ai par ailleurs le sentiment qu'il règne une grande confusion dans ce domaine. Enfin, sur le plan technique, il convient d'expertiser sérieusement l'option du satellite : la couverture en fibre optique a en effet un coût important.
M. Jean-François Mayet. - J'adhère totalement au rapport de notre collègue Hervé Maurey. Deux remarques :
- selon certaines prévisions, 20 % des emplois seront convertis en télétravail dans dix ans. Le très haut débit est donc vital pour les zones rurales. Selon moi, le découplage entre zones denses et zones rurales est une grave erreur : il met à mal les stratégies adoptées sur certains territoires - comme dans mon département de l'Indre - qui ont souhaité rester « groupés » afin de mettre en concurrence les opérateurs sur l'ensemble de leur territoire ;
- je ne partage pas les propos du rapporteur sur le satellite. Ce dernier ne restera pas une solution palliative : les évolutions technologiques permettront d'en faire un outil compétitif.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je pense qu'il sera utile que notre commission entende sur ce sujet les responsables d'Astrium.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Je salue à mon tour l'excellent rapport de notre collègue Hervé Maurey, qui viendra nourrir la réflexion du groupe d'études sur les médias et les nouvelles technologies, que j'ai l'honneur de présider.
Les nouveaux usages de l'internet sont de plus en plus nombreux : on n'est plus sur internet mais dans internet. On a donc absolument besoin de résoudre la question de la fracture numérique.
Je rejoins la préconisation du rapporteur sur « l'État stratège ». Je pense également que si un ministère dédié serait utile, il devrait s'occuper également des contenus. A quoi bon lutter pour équiper les zones rurales de tableaux numériques si on ne se préoccupe pas de l'acheminement des contenus ? Je partage également ses propos sur la fiscalité dispersée : il faut effectuer une véritable réflexion transversale sur cette question.
L'enjeu de ce secteur est essentiel. Comme l'indique un rapport de McKinsey, les PME équipées voient leur taux de croissance considérablement augmenter, de même que le nombre d'emplois. Un potentiel de développement important existe.
M. Yannick Botrel. - J'ai pris grand plaisir à entendre les propos du rapporteur, dont j'ai retenu une formule : il a évoqué le déclin inexorable des territoires mal desservis. La situation relève aujourd'hui de l'urgence, surtout quand certains de nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi les services diffèrent en milieu rural à quelques dizaines de mètres de distance.
L'accès à l'ADSL reste difficile. On nous propose certaines solutions de substitution, comme le hertzien dans ma région, qui reste difficile à mettre en oeuvre du fait du relief ou de l'opposition des riverains à l'implantation de pylônes. Le satellite propose quant à lui une offre moins complète et plus coûteuse pour les usagers. Le multiplexage pose également problème : je regrette que France Telecom refuse de procéder aux investissements nécessaires.
M. Hervé Maurey, rapporteur. - En réponse à ces interventions, je souhaite tout d'abord revenir sur la question du satellite. Les experts considèrent qu'aujourd'hui, il n'apporte pas le même service que la fibre. Les nouvelles générations permettront peut être un meilleur service, mais la réactivité ne sera jamais aussi importante qu'avec la fibre, qui reste la technologie la plus performante. De plus, le satellite aura toujours un temps de latence et restera soumis aux aléas météorologiques. Je vous rappelle également que le haut débit par satellite qui existe aujourd'hui n'apporte pas une solution satisfaisante, car il a été conçu pour la télévision. Ceux qui ont une solution satellitaire pour le haut débit se plaignent notamment du fait que l'échange de données est limité en volume.
En réponse à Pierre Hérisson, je souhaite souligner qu'il n'y a pas de contradiction entre la volonté d'avoir un État actif en tant que coordinateur et stratège et le rôle de l'Arcep en tant que régulateur. Il faut incontestablement que l'État soit aujourd'hui plus actif, même avec moins de moyens financiers. Mais comme l'a souligné Bruno Retailleau, il n'existe plus beaucoup de compétences de haut niveau en son sein.
Je partage les propos de Michel Teston sur le risque d'une vraie fracture numérique dans notre pays.
Je partage également l'avis de Bruno Retailleau sur la nécessité de relativiser la notion de « mur d'investissement ». Comme le souligne le président de l'Arcep récemment, les collectivités territoriales dépensent chaque année quatre milliards d'euros pour les routes : on pourrait réaffecter une partie de cette somme au bénéfice de la couverture numérique du territoire.
Je comprends tout à fait Gérard Bailly : il est en effet complexe d'évoquer le passage au très haut débit quant tous les secteurs ne sont pas encore couverts en haut débit, d'où ma proposition du haut débit pour tous. S'agissant des propos entendus dans son département sur le gaspillage de fonds publics, je regrette de devoir dire que l'opérateur historique est à l'origine de ce type de discours : ce sont des procédés inadmissibles. Je suis enfin tout à fait d'accord sur l'intérêt d'utiliser les poteaux existants pour mettre en place la fibre optique.
En réponse à Alain Fouché, s'il sera sûrement impossible de desservir certaines régions en fibre optique, il est en revanche envisageable d'assurer une couverture plus complète en très haut débit mobile.
Je souhaite nuancer les propos d'Evelyne Didier : le coût de la couverture numérique est certes important, mais pas si colossal : 700 à 800 millions d'euros par an pour la fibre, dont une partie peut être financée par des crédits européens. Par ailleurs, il ne faut pas considérer cela comme une dépense, mais bien comme un investissement.
Je partage les propos de Jean-François Mayet sur le télétravail et sur le fait que le découplage de la France en zones ne permet pas la péréquation, ainsi que ceux de Catherine Morin-Desailly : pour bénéficier des différents usages de l'internet qui existent, il convient en effet de disposer de débits élevés.
Enfin, nos compatriotes ont en effet du mal, Yannick Botrel, à comprendre pourquoi certains services sont disponibles en un point du territoire et indisponibles en un lieu situé à proximité. C'est un problème technologique ; il ne faut pas pour autant s'arrêter à ce constat. C'est pourquoi j'estime qu'il faut faire en sorte que, à brève échéance, le haut débit soit accessible pour tous.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je propose que nous débattions en séance sur la base de ce rapport à l'automne prochain et que nos collègues Hervé Maurey et Philippe Leroy déposent une proposition de loi sur ce sujet. Par ailleurs, si des critiques à l'égard de l'opérateur historique s'imposent, il faut les formuler.
M. Michel Teston. - Le groupe socialiste partage les orientations de ce rapport : il est intéressant, fait le point sur la situation et formule des pistes pour améliorer la couverture numérique du territoire. Une seule petite réserve de notre part sur le service universel, au moment où l'Europe s'interroge sur cette question.
M. Hervé Maurey, rapporteur. - J'évoque bien ce thème dans le rapport. Comme je l'ai déjà dit, je n'ai sur ce sujet qu'une inquiétude : le coût serait de 800 millions d'euros par an. Je pense que cette somme pourrait être plus opportunément utilisée pour déployer la fibre. Sur la finalité, je ne suis cependant pas très éloigné du service universel quand je propose un véritable haut débit pour tous.
La commission adopte à l'unanimité le rapport d'information.
Situation des éleveurs et secteur de la viande bovine en France - Examen du rapport d'information
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission entend la présentation du rapport d'information de M. Gérard Bailly, sur la situation des éleveurs et le secteur de la viande bovine en France.
M. Jean-Paul Emorine, président. - M. Bailly va nous présenter son rapport d'information sur la situation des éleveurs et le secteur de la viande bovine en France. En 2002, il nous avait déjà présenté un rapport intitulé L'avenir de l'élevage, enjeu économique, enjeu territorial et je l'avais accompagné en tant que président.
Je souhaite la bienvenue aux membres du groupe d'études sur l'élevage qui sont venus nous rejoindre.
M. Gérard Bailly, rapporteur. - L'importance de l'élevage en France a toujours justifié l'attention particulière qu'y apporte par notre commission. Comme M. le président Emorine vient de le dire, je vous avais présenté en 2002, avec lui, un rapport intitulé : « L'avenir de l'élevage, enjeu économique, enjeu territorial ». Début 2008, nous nous sommes penchés spécifiquement sur la filière ovine en déclin et plus récemment, fin 2009, nous avons analysé les difficultés des producteurs de lait.
Lorsque nous avons commencé à travailler, fin 2010, sur la situation de la filière viande bovine, il s'agissait - et il s'agit encore - de répondre à une situation particulièrement grave. Les éleveurs sont en grande détresse du fait de la baisse spectaculaire de leurs revenus depuis 2007. La crise est d'autant plus traumatisante qu'elle a touché les exploitations les plus performantes, celles qui avaient investi, qui s'étaient modernisées. Elle s'est manifestée par le blocage des abattoirs de la société Bigard, en novembre 2010. L'accord trouvé entre producteurs et industriels avait alors permis de mettre fin au conflit dont toutes les parties voulaient sortir, avec une revalorisation des prix de 5 centimes par kilo, ce qui est peu, et la situation des éleveurs reste très précaire.
Depuis trois années, le revenu moyen s'établit à 12 000 euros par an, soit près de la moitié du revenu moyen agricole. Il est légèrement remonté à 14 000 euros en 2010 d'après les comptes nationaux de l'agriculture publiés fin juin, ce qui n'a rien de mirobolant.
Dans ces conditions, comment investir, comment imaginer installer des jeunes et maintenir durablement l'élevage dans nos campagnes ?
Je vais d'abord dresser un tableau de la situation de la filière et de ses difficultés et je vous indiquerai ensuite les pistes qui peuvent être envisagées, en m'appuyant sur les atouts de la France.
Ce travail a été mené dans des délais assez ramassés, car les premières auditions ont eu lieu en avril. J'ai procédé à 21 auditions, ce qui a permis aux acteurs de la filière de s'exprimer. Ces auditions étaient ouvertes aux membres du groupe d'études de l'élevage et je remercie ceux de mes collègues qui ont participé à ces réunions. Je remercie tout particulièrement ma collègue Bernadette Bourzai, qui a participé à la quasi-totalité des auditions, et qui a organisé une rencontre avec les professionnels de son département, en Corrèze, le 7 juin. Nous avons pu visiter une exploitation agricole, découvrir le fonctionnement du marché au cadran d'Ussel et échanger avec les chercheurs du Centre INRA de Theix, près de Clermont-Ferrand.
Tout d'abord, quelques chiffres : la filière bovine est très importante pour l'économie agricole et pour nos territoires. Les éleveurs spécialisés en viande bovine sont environ 75 000 en France, naisseurs et engraisseurs confondus. On peut ajouter 25 000 éleveurs de vaches laitières qui ont également une activité annexe d'engraisseurs.
Le cheptel bovin allaitant, destiné de manière spécifique à la production de viande, s'est développé en trente ans de manière inverse aux effectifs de vaches laitières. Avec la mise en place des quotas laitiers, en 1984, la hausse de la productivité des vaches laitières a conduit à la diminution de leur nombre, d'environ 7 millions au milieu des années 1980 à 3,67 millions aujourd'hui, pour une production de lait inchangée. A l'inverse, le cheptel de vaches allaitantes est passé de moins de 3 millions de têtes, à plus de 4 millions aujourd'hui.
Je souhaite insister sur trois particularités de la filière: la dépendance du marché par rapport au prix du lait, la grande diversité de l'élevage dans nos territoires et, enfin, l'importance de l'exportation.
La vache laitière de réforme représente près de la moitié de la production de viande bovine. La crise du lait a eu un impact non négligeable sur les cours de la viande: en accélérant la mise en réforme des vaches les moins productives, elle a pesé négativement sur le marché de la viande bovine. La fin des quotas laitiers en 2015 aura-t-elle des répercussions sur la filière ? Pour l'heure, nous ne pouvons qu'en rester aux supputations.
L'élevage bovin destiné à la viande est très divers. Une partie des producteurs s'est spécialisée dans l'activité de naisseur, leur objectif étant de produire des bovins maigres de 8 à 12 mois. L'essentiel de cette production est vendue sur les marchés extérieurs, principalement en Italie, où ils sont ensuite engraissés et abattus. Une autre partie des producteurs engraisse les bovins jusqu'à leur abattage. A cette diversité des modèles économiques se superpose la diversité des modes d'élevage : l'élevage à l'herbe, parfois sur de grandes surfaces, coexiste avec l'élevage sans pâturages, à la ferme, à base principalement de maïs ensilé.
La France ne s'est globalement pas dirigée vers un élevage bovin en batterie, contrairement à l'Italie. Mais l'alimentation du bétail dépend des disponibilités fourragères.
Les zones de production de viande bovine sont les zones dites intermédiaires, plus particulièrement : le grand Ouest avec la Basse-Normandie, la Bretagne et les Pays de Loire, le Massif central avec l'Auvergne et le Limousin, et, enfin, Monsieur le président, la Bourgogne. L'élevage reste significatif en Lorraine et dans le Sud-Ouest, avec des effectifs moins importants.
Dans toutes ces régions, l'élevage contribue à l'occupation de l'espace agricole. Le relief, l'altitude ou la faible qualité des terres font des actuelles zones d'élevage des zones où la production céréalière paraît difficile, voire impossible. Le maintien de l'élevage est donc indispensable à l'aménagement des territoires ruraux intermédiaires.
La troisième particularité de la filière bovine tient au poids du commerce extérieur. A l'inverse de la production ovine ou du poisson, la France couvre à peu près ses besoins en viande bovine, mais nous assistons à une dégradation continue de la balance extérieure : de 113 % de taux d'auto-approvisionnement en 2003, nous sommes passés à 103,8 % en 2009.
Les trois quarts des viandes consommées en France sont produites sur le territoire national, et le quart restant provient d'autres États membres de l'Union européenne comme l'Allemagne ou l'Irlande.
Les exportations s'effectuent pour 55% sous forme de viande congelée et pour 45% sous forme de bovins vifs maigres ou, plus marginalement, sous forme de bovins vifs engraissés, prêts à être abattus.
L'import-export de viande bovine n'est pas massif, mais les exportations contribuent à l'équilibre de la filière et constituent une variable majeure d'ajustement en cas de déséquilibres sur le marché intérieur.
La concurrence internationale est de plus en plus rude, avec les pays d'Amérique du Sud, principalement le Brésil. Cependant, depuis une année, les coûts de production en Amérique du Sud se sont élevés de manière spectaculaire, faisant baisser la pression sur les marchés mondiaux de la viande, ce qui est une bonne chose pour nous.
La production de viande dépend d'une industrie de l'abattage qui s'est concentrée. Avec la reprise de SOCOPA par le groupe Bigard en 2009, l'abattage est désormais majoritairement dans les mains d'un seul opérateur. Il n'en reste pas moins que ce maillon est fragile. Le rapport du délégué interministériel aux industries agroalimentaires, M. Philippe Rouault, qui a été auditionné par le groupe d'études sur l'économie agricole et alimentaire le 15 juin dernier, a montré la dégradation de la rentabilité de l'industrie de la viande en France entre 1996 et 2007 et souligné l'émergence d'une concurrence internationale avec de très grands groupes comme le brésilien JBS ou l'américain Tyson.
Enfin, la consommation évolue tant en qualité qu'en quantité. Tout d'abord, le réseau des boucheries traditionnelles, s'il existe encore, a été très largement remplacé par les grandes et moyennes surfaces (GMS), qui assurent près des trois quarts de la distribution. De plus, la consommation de viande bovine est en décrue de 2% depuis 2003, au profit des viandes blanches, moins onéreuses.
En outre, le consommateur s'oriente vers le steak haché, qui représente la moitié des ventes de viande, et vers les plats préparés. Or le minerai extrait pour produire le steak haché est produit à partir des morceaux les moins nobles des carcasses. Cette évolution pèse sur les prix.
L'ensemble des acteurs de la filière est regroupé dans une interprofession dite longue, Interbev, qui rassemble les producteurs, les abatteurs, mais aussi les intermédiaires intervenant au stade de la commercialisation et les distributeurs tels que la grande distribution et les bouchers détaillants. Cette interprofession parvient à conclure des accords techniques, par exemple pour pénaliser l'apport de bêtes sales dans les abattoirs, mais elle a du mal à faire de la régulation économique : le climat tendu depuis un an entre industrie et éleveurs témoigne d'un long conflit et de visions divergentes de l'avenir de la filière.
Quels sont les défis de cette filière pour les années à venir ? La crise actuelle n'est pas conjoncturelle : il ne suffit pas faire le dos rond et de se contenter de quelques aides de trésorerie. Le mal est plus profond et la sécheresse que nous connaissons révèle la fragilité du secteur, bien plus qu'elle ne la provoque.
Après avoir survécu à deux crises majeures en douze ans, celle de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) en 1999 et en 2000, qui a ébranlé la confiance du consommateur, et la crise de la fièvre catarrhale ovine (FCO), qui a pesé sur les exportations de broutards vers l'Espagne et l'Italie, la filière va-t-elle subir le coup de grâce ?
Nous avons identifié six défis auxquels est confrontée la filière. Premier d'entre eux : les coûts de production sont difficiles à maîtriser. Certes, les coûts alimentaires représentent une part moins importante pour les bovins que pour les élevages de porcs et de volailles, mais elle reste déterminante. L'indice des prix d'achat des moyens de production agricole (IPAMPA) est en forte augmentation depuis une année, après une première hausse importante en 2007-2009. De plus, la sécheresse a réduit les disponibilités fourragères, obligeant les exploitations à acheter des aliments : or, le prix de la paille et des fourrages est à l'heure actuelle exorbitant. Les engraisseurs peuvent désormais être victimes de la conjoncture. Devant ce phénomène, certains éleveurs ont préféré décapitaliser, pour alléger leur trésorerie.
Le second défi est celui de la compétitivité de l'abattage, maillon essentiel à la performance de la filière, comme à l'équilibre de la filière sur le territoire. On compte 300 établissements qui emploient près de 50 000 personnes.
L'existence de normes de sécurité sanitaires élevées constitue une garantie pour le consommateur mais impose des investissements lourds et des charges de fonctionnement élevées : nous pratiquons toujours ainsi des tests pour détecter l'ESB, ce qui ne se fait plus à l'étranger, et nous continuons d'éliminer, sans pouvoir les valoriser, les matériaux à risques spécifiés (MRS)
Par ailleurs, les coûts de main d'oeuvre pèsent lourd dans les comptes d'exploitation des abattoirs français concurrencés par les abattoirs allemands, auxquels s'applique un système de protection sociale particulier. Ces derniers fonctionnent en effet avec du personnel venant des pays de l'Est, payés à 7 euros de l'heure, charges comprises. Beaucoup de porcs élevés en France sont abattus en Allemagne pour cette raison. Il s'agit là d'une distorsion majeure de concurrence au coeur de l'Union européenne.
En outre, certains établissements sont peu performants. Des restructurations fortes doivent encore intervenir dans les abattoirs de taille intermédiaire, dont les conditions technico-économiques de fonctionnement ne sont pas optimales alors que les abattoirs français sont encore en surcapacité.
Le troisième défi tient à la concurrence des nouveaux acteurs du marché : les viandes d'Amérique du Sud sont produites à des coûts faibles. Certes, les prix à la production ont grimpé, du fait de la concurrence, sur les terres d'élevage extensif du Brésil, des productions végétales destinées aux agro-carburants.
Mais ces viandes pèsent sur le marché européen. Le Brésil et l'Argentine approvisionnent largement l'Europe du Nord. Malgré des conditions sanitaires de production et des contrôles réduits par rapport aux viandes européennes, ces viandes importées bénéficient d'une bonne image de marque. Le projet d'accord entre l'Europe et le Mercosur prévoit l'arrivée sur le marché européen d'un contingent supplémentaire de viande bovine sans droits de douane, ce qui inquiète à juste titre les producteurs européens.
S'il est impossible d'atteindre des coûts de productions similaires à ceux pratiqués en Amérique du Sud, l'Europe ne pourra durablement, ni sur le marché intérieur, ni sur les marchés d'exportation, supporter un écart si important avec ses concurrents.
Quatrième défi auquel est confrontée la filière : l'adaptation de l'offre à la demande. Lors des auditions, les industriels se sont plaints de voir arriver sur le marché des bêtes trop lourdes, dont les morceaux « ne rentrent pas dans la barquette ». L'orientation technico-économique prise par l'élevage français, qui privilégie les bêtes plus lourdes, s'explique par le mode de paiement de la viande au kilo, sans différenciation suivant les carcasses. Les industriels voudraient des carcasses de 330 à 380 kilos alors que les éleveurs leur livrent des carcasses qui vont jusqu'à 480 kilos. On ne peut en blâmer les éleveurs, qui cherchent à maximiser le prix de vente. Il reste que les industriels estiment ne pas disposer d'une offre bien adaptée sur le plan qualitatif ni sur le plan des plannings d'apports, l'industrie souhaitant faire tourner ses abattoirs sur un rythme constant.
Il est paradoxal de constater que les bêtes les plus demandées, qui font aujourd'hui le prix directeur de la viande, sont les vaches laitières de réforme, alors que la France dispose d'un cheptel de races pures à viande spécifique telles que les charolaises, les limousines, les salers ou encore les blondes d'Aquitaine...
Le cinquième défi est celui de la répartition de la valeur ajoutée entre les différents acteurs. Ce n'est pas une caractéristique propre au secteur puisque le problème se pose aussi pour la viande porcine, le lait, ou les fruits et légumes. Le premier rapport de l'Observatoire des prix et des marges, publié en décembre 2010, avait surpris : l'analyse montrait que, si les marges brutes de l'industrie et de la distribution avaient augmenté, ces augmentations correspondaient probablement à des hausses de coûts de production. Le rapport définitif qui vient de nous être fourni infléchit cette analyse : les prix payés aux producteurs n'ont pas bougé depuis des années, ce qui démontre qu'ils ont dû s'adapter et absorber par des gains de productivité la hausse de leurs coûts. En revanche, les prix de vente au détail ont fortement augmenté. La distribution aurait été la principale bénéficiaire de la déformation de la répartition de la valeur ajoutée. Qu'il s'agisse du taux de casse, estimé de 3 à 7 % selon les sources, ou de l'insuffisante professionnalisation des rayons boucheries des grandes surfaces, la grande distribution aurait pu faire davantage de progrès.
La recherche du juste prix a fait l'objet d'un dispositif volontaire de répercussion de la volatilité des prix de matières premières, signé le 3 mai par treize organisations professionnelles, sous l'égide du ministre Bruno Le Maire. Cet accord permet aux producteurs de ne plus être seuls à subir l'impact d'un choc sur leurs coûts de production, mais sa mise en oeuvre doit être évaluée.
Le sixième défi consiste à assurer le renouvellement des générations en élevage, ce qui implique la mobilisation de capitaux importants. Le secteur de l'élevage est l'un de ceux où l'intensité capitalistique est la plus forte. A l'achat des terres et des animaux, s'ajoute l'amortissement des bâtiments, pour lesquels des mises aux normes régulières sont nécessaires. En outre, deux ou trois ans sont requis avant d'enregistrer les premières rentrées d'argent. La recherche de la taille critique est aussi très consommatrice de capitaux. Enfin, si la méthanisation permet de mieux valoriser les effluents d'élevage, elle suppose des investissements considérables. Avec un revenu de 12 à 14 000 euros par an, le capital nécessaire aux investissements ne peut être dégagé sur l'exploitation. Une aide spécifique aux investissements est nécessaire et des solutions nouvelles pour financer ces investissements restent à inventer.
Le septième et dernier défi consiste aussi à répondre aux demandes sociales. La production de viande fait l'objet d'une contestation au nom de la préservation de l'environnement et de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Or l'élevage à l'herbe constitue aussi une réponse au défi environnemental. Le stockage du carbone par l'herbe des prairies a un effet positif d'atténuation sur le changement climatique.
Si les élevages produisent des effluents azotés, leur réutilisation comme fertilisants naturels doit permettre un gain économique mais aussi environnemental, en économisant le recours aux engrais artificiels.
Enfin, l'élevage est essentiel à nos campagnes et le revenu agricole est un déterminant majeur de l'emploi et plus largement de l'économie des territoires ruraux. L'élevage est aussi un atout pour l'entretien des paysages et des zones intermédiaires qui, sans lui, deviendraient probablement des friches. Cet aspect de l'élevage justifie qu'une aide spécifique lui soit apportée, en contrepartie du service rendu à la collectivité. Cette réflexion est consubstantielle à celle sur l'avenir de la PAC. La piste du « verdissement des aides » doit faire l'objet d'une réflexion approfondie et modérée pour être acceptée.
Au terme de nos auditions, nous avons acquis la ferme conviction que l'élevage a encore un avenir en France. Il dispose d'atouts considérables : un savoir-faire sur les races à viande avec une génétique de pointe, un niveau de sécurité sanitaire élevé, propre à rassurer le consommateur, un territoire vaste et adapté à la production de viande, un outil industriel d'abattage performant. La recherche permet également d'adapter notre élevage aux nouveaux enjeux : amélioration des capacités digestives des vaches, amélioration de la tendreté des viandes, recherche d'une meilleure efficacité alimentaire.
Je dégage des auditions et de mon analyse quatorze propositions qui figureront dans le rapport que je vous propose d'adopter.
Tout d'abord, il est indispensable de maintenir l'aide couplée dans la future PAC après 2013 : l'élevage est en effet très dépendant de la prime au maintien du troupeau de vache allaitante (PMTVA), qui s'élève à 200 euros, dont 25 % est payé par l'État. La disparition de cette prime, qui serait intégrée aux droits à paiement unique (DPU), risquerait de conduire les éleveurs à abandonner cette activité trop peu rentable, et à se contenter de toucher les DPU sans autre contrepartie que le respect de la conditionnalité environnementale. Une telle évolution conduirait à une décapitalisation dramatique, avec des pertes d'emplois, et pèserait sur les prix.
En second lieu, il convient de renforcer le plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE). Ce plan, financé sur le budget de la mission « Agriculture », est indispensable à nos exploitations car il accompagne leurs restructurations. Il faut en faire un instrument de compétitivité et pas seulement une aide à la mise aux normes. Quatre objectifs pourraient lui être assignés : l'amélioration de la performance économique des exploitations, l'amélioration des conditions de travail de l'éleveur, le bien-être animal et l'aide à la méthanisation.
En troisième lieu, l'allégement du coût du travail dans les abattoirs est essentiel au maintien de la compétitivité de notre industrie de la viande. Le Gouvernement s'est engagé, devant l'Assemblée nationale, à présenter dans le cadre de la loi de finances pour 2012 un dispositif d'allègement de charges sur le travail permanent, après les allègements de charges sur le travail agricole temporaire ou saisonnier, mis en place dans le budget 2011. La réflexion ne devra pas s'arrêter aux portails des fermes mais s'étendre à l'outil industriel, sans lequel notre élevage connaîtra des difficultés.
Ma quatrième proposition vise à mieux couvrir les risques économiques des éleveurs par quatre moyens : la sécurisation du prix de l'alimentation grâce à la contractualisation, ensuite l'assurance sur les fourrages, qui ne peut être mis en place que s'il existe un système de réassurance publique, puis la couverture du risque sanitaire par des fonds de mutualisation dont la création a été prévue par le bilan de santé de la PAC mais qui ne sont pas encore opérationnels, et enfin la création par les éleveurs de caisses de sécurisation de marges qui permettront de faire face aux hausses des prix des intrants, particulièrement sensibles pour les engraisseurs.
Je propose en cinquième lieu d'encourager l'engraissement sur le territoire national, ce qui implique des moyens importants de trésorerie, mais aussi le développement de la culture de protéagineux destinés à l'alimentation animale. La France est en effet très déficitaire en la matière. L'engraissement permettrait de rapatrier de la valeur ajoutée sur le territoire national mais ne doit pas conduire à renoncer à la production de jeunes bovins destinés à l'exportation en vif. Le marché italien est certes en décrue mais il continue d'absorber entre 700 et 750 000 broutards par an.
En sixième lieu, le développement de nouveaux débouchés à l'exportation est une des pistes avancées par le ministère de l'agriculture et par la fédération nationale bovine. Or, jusqu'à présent, l'export était considéré comme un marché de dégagement. A l'heure où certaines opportunités se présentent, en particulier sur le pourtour méditerranéen, il est temps de mieux structurer la filière. Le débat reste entier sur la meilleure solution à apporter : je privilégie la création rapide d'un GIE export, structure ministérielle de pilotage, afin de laisser toute liberté aux opérateurs économiques. Une chose est certaine : la France n'est pas assez organisée à l'export, ce qui pénalise les éleveurs.
En septième lieu, le développement de circuits courts et de filières de qualité ne sauvera pas par magie la filière, mais pourra contribuer à mieux valoriser la production nationale.
Il convient aussi de mettre à contribution la recherche et la génétique animale pour adapter le cheptel français aux nouveaux défis, ce qui constitue ma huitième proposition.
En neuvième lieu, l'adaptation de l'offre à la demande nécessite de contractualiser les relations entre les éleveurs et leurs clients. Pour autant, cette contractualisation ne doit pas être imposée brutalement. Comme les carreaux de producteurs de fruits et légumes, les marchés au cadran ont leur utilité. Ils donnent des indications de prix. Une partie de la production doit pouvoir être vendue de cette manière, ce qui offre de la souplesse au marché et permet parfois une meilleure valorisation des bêtes. Le ministre de l'agriculture a annoncé qu'un décret sur la contractualisation serait pris d'ici la fin 2011. Nous veillerons à ce qu'il soit suffisamment souple.
En dixième lieu, je propose d'imposer la transparence des prix et des marges, notamment pour la grande distribution. Sans aller jusqu'au double étiquetage des prix, qui me paraît irréalisable pour la viande bovine, il est nécessaire d'imposer plus de transparence aux acteurs de la filière, dans le cadre de l'observatoire des prix et des marges.
Je crois aussi à l'impérieuse nécessité de regrouper les éleveurs pour obtenir de meilleures conditions de vente : pour peser, ils doivent s'organiser. A peine la moitié des ventes sont aujourd'hui effectuées dans le cadre d'organisations de producteurs. Il est impératif que les producteurs se regroupent et que les organisations de producteurs puissent peser sur la grande distribution.
Là aussi, des progrès sont indispensables : il n'est pas prouvé que les prix offerts aux éleveurs regroupés soient aujourd'hui plus élevés que ceux obtenus par le commerce traditionnel. Les commerçants en bestiaux ont un rôle d'allotissement et un savoir-faire à la vente qui fait d'eux des acteurs importants de la filière. A l'instar du secteur ovin, où l'organisation des producteurs a permis de mieux peser sur la commercialisation, le secteur bovin gagnerait à une plus grande discipline collective. L'État pourrait y contribuer en subordonnant une partie de la part nationale de la PMTVA au regroupement des producteurs.
L'organisation commune de marché (OCM) devrait probablement être modifiée, sur le modèle du Paquet Lait de décembre 2010, afin de reconnaître le droit des producteurs à se regrouper sur une base suffisamment large.
Ma douzième proposition vise à concilier normes environnementales et impératif de compétitivité économique. Les producteurs s'étonnent de normes plus sévères en France qu'ailleurs, par exemple sur les seuils d'entrée dans le régime d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Les éleveurs veulent imposer, à juste titre, une étude d'impact socio-économique avant toute nouvelle norme et ils souhaitent une revue générale des normes existantes pour supprimer celles qui n'ont plus d'utilité.
Mon avant-dernière proposition vise à favoriser la transmission des exploitations et permettre un financement de long terme de la filière, avec des prêts de carrière permettant un remboursement anticipé si la situation de l'éleveur le permet. Les durées d'amortissement des emprunts finançant les investissements sont trop courtes. Il serait nécessaire que les banques offrent des financements plus long, afin de soulager les trésoreries des exploitations et de faciliter l'installation de jeunes.
Enfin, je plaide dans mon rapport en faveur d'un rétablissement d'une régulation européenne du marché de la viande bovine. La disparition des dispositifs de stocks d'intervention et la fixation à un niveau plus de deux fois inférieur aux prix du marché des restitutions aux exportations ne permettent plus d'intervenir pour stabiliser les cours. Là encore, l'Europe ne doit pas renoncer à son ambition régulatrice.
Sans doute n'ai-je pas répondu à toutes les attentes, mais ce rapport d'information permet d'ouvrir le débat. Le Sénat pourra ainsi être une force de proposition, afin de conserver toutes nos capacités de production de viande bovine, de rejoindre l'attente des consommateurs et de répondre aux défis environnementaux.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Merci pour cet excellent rapport qui prouve que l'élevage est le dernier rempart avant la friche. J'étais en Lozère lundi dernier et j'ai pu constater que l'élevage était indispensable pour préserver ces espaces naturels.
Votre rapport, dont je partage les conclusions, démontre que nous ne sommes pas dans une crise conjoncturelle, mais structurelle. Il faut que le ministre de l'agriculture en prenne pleinement conscience.
Un mot sur l'incitation à l'engraissement : aujourd'hui, 750 000 broutards partent pour l'Italie. Si l'on veut relancer l'engraissement en France, il faut ne pas pénaliser les éleveurs avec des seuils d'Unité gros bovins (UGB) trop bas. Quand vous faites de l'engraissement, si vous voulez conserver le même taux de chargement à l'hectare, vous devez obligatoirement réduire votre cheptel de souche.
L'objectif d'un sélectionneur n'est pas de produire des carcasses de 350 kilos. En outre, une carcasse est faite pour être découpée. Il faut faire attention à ne pas faire de comparaisons entre les races à viande et les cheptels laitiers dont les carcasses sont effectivement moins lourdes.
Mme Bernadette Bourzai. - Je félicite notre collègue Bailly pour la qualité de son rapport. Durant la phase de préparation du rapport, nous avons beaucoup écouté, rencontré, et nous avons procédé à plusieurs déplacements.
Je voudrais revenir sur quelques points. L'élevage des bovins se situe dans des régions intermédiaires, mais aussi en montagne. Ces deux zones n'ont pas du tout les mêmes potentiels. Dans les régions intermédiaires, il est possible de cultiver des céréales pour nourrir les bovins. En montagne, ce n'est plus possible à partir d'une certaine altitude.
M. Bigard nous a dit que les carcasses ne rentraient pas dans les barquettes...
M. Gérard Bailly, rapporteur. - Les bouchers nous l'ont dit aussi...
Mme Bernadette Bourzai. - La génétique devra sans doute faire des progrès mais prenons garde à ne pas aller vers l'homogénéisation des races comme cela s'est produit dans les pays anglo-saxons. La diversité de nos races est une chance pour la biodiversité. La recherche devrait se préoccuper de l'alimentation animale, car il y a sans doute des protéines qui sont mieux adaptées à certains reliefs.
Deuxième point : Le rapport Chalmin est épais, complexe, mais peu explicite pour la filière viande. Il part du constat que les producteurs n'y arrivent plus, puisque leurs revenus baissent et leurs coûts augmentent, les transformateurs ont pris en charge des coûts liés aux crises sanitaires et les coûts de fabrication ont augmenté, mais il est très silencieux sur les marges des distributeurs. Récemment, la fédération nationale bovine a publié un communiqué assez explicite sur cette question. Le 4 juillet, le journal La Montagne a rappelé l'opacité entretenue par la grande distribution puisqu'aucune donnée n'a été fournie pour la viande bovine. La fédération attend des parlementaires l'ouverture d'un débat pour corriger ces disfonctionnements liés à la situation de monopole d'une poignée de centrales d'achat.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Nous sommes tous d'accord.
Mme Bernadette Bourzai. - On peut donc espérer connaître les véritables marges à l'avenir. La sècheresse actuelle va provoquer beaucoup de fermetures d'exploitations en Corrèze et dans le Limousin. Il faudrait pouvoir attendre 2014 pour que la légitimité des aides agricoles soit reconnue au titre de la rémunération des biens publics. Le commissaire européen a annoncé que la rémunération à ce titre représenterait un tiers du budget de la PAC. C'est loin d'être négligeable.
Je partage vos préoccupations sur les nouveaux défis, et je suggère de regrouper dans le rapport, d'une part, les recommandations qui relèvent du niveau national et, d'autre part, celles qui relèvent du niveau européen.
Mme Jacqueline Panis. - Je m'associe aux propos de ma collègue pour féliciter notre rapporteur.
Deux remarques : vous avez évoqué l'export et notamment le pourtour méditerranéen. Mais des pays africains sont très intéressés par l'élevage français. Il serait sans doute intéressant d'évoquer cette question.
Pourquoi ne pas parler non plus de la formation des apprentis bouchers ? Il nous faut maintenir les boucheries, surtout dans les zones rurales.
M. Alain Fauconnier. - Ce rapport est excellent. Il faudrait distinguer les abattoirs industriels des petites structures. Ces dernières sont confrontées à de grandes difficultés de mise aux normes. Des mesures spécifiques seraient nécessaires pour leur venir en aide.
Dans mon département, nous avons un abattoir industriel à Rodez et deux petites structures : si elles ferment, ce sera une catastrophe pour les éleveurs.
Une remarque sur les exportations : un ami, qui écrit un rapport sur la future intégration européenne de la Turquie, m'a indiqué que ce pays, où les débouchés potentiels étaient énormes, n'importait pas de viande française, officiellement pour des raisons sanitaires. On croit rêver !
En ce qui concerne la recherche en génétique, il faut être bien conscient qu'il s'agit d'enveloppes fermées. Il faudrait que l'État augmente les crédits.
Pour la mise aux normes des bâtiments, les listes d'attente sont interminables. Attention aux conséquences !
M. Louis Pinton. - Ce rapport est d'une grande qualité. Le poids des carcasses a eu, en effet, tendance, ces dernières années, à augmenter. Les charolaises ont ainsi fait des progrès non seulement en volume mais aussi dans leur aptitude au vêlage. La race limousine a également bien évolué, dans son comportement par exemple. Le marché demande des carcasses calibrées entre 350 et 420 kilos. Au-delà, la carcasse pose des problèmes, notamment pour la taille des entrecôtes. De plus, dans les boucheries où l'on débite des grosses carcasses, il est difficile de manipuler les quartiers de viande. D'ailleurs, si les boeufs ont disparu, c'est parce que la qualité de la viande, à gros grain, ne correspondait plus aux goûts des consommateurs, mais aussi parce que les carcasses étaient extrêmement lourdes. La génétique doit donc se pencher sur le volume des carcasses et la qualité de la viande.
Notre rapporteur estime que les vendeurs doivent s'organiser pour peser sur les acheteurs. Mais il nous a dit que ceux qui étaient organisés n'obtenaient pas des prix d'achat supérieurs aux indépendants. Cela ne m'étonne pas car l'organisation administrée coûte cher.
M. Bailly souhaite favoriser l'engraissement. Dans mon département de l'Indre, j'ai accordé des prêts sans intérêt aux éleveurs pour qu'ils engraissent leurs génisses. Le résultat a été mauvais, car les éleveurs restent culturellement des naisseurs et ne veulent pas devenir des engraisseurs. Certains prenaient les prêts sur deux ans et engraissaient des bêtes mais dès que les prêts s'arrêtaient, ils n'engraissaient plus. Je n'ai pas essayé la voie des protéagineux qui est peut-être prometteuse. Et puis, il y a sans doute un problème avec le taux de chargement, car il serait contreproductif que des primes soient supprimées à cause de l'engraissement.
Aujourd'hui, la situation est très tendue : ce week-end, j'ai été aux limites des départements de l'Indre et de la Creuse où un éleveur m'a indiqué qu'il lui fallait dépenser chaque jour 120 euros de paille. Si cela continue, il aura mis la clé sous la porte en septembre.
M. Yannick Botrel. - Ce rapport est très intéressant. La filière bovine en Bretagne est également menacée. Les éleveurs subissent des séquences longues de production : en trois ans, divers évènements sanitaires ou climatiques peuvent se produire. Nous avions évoqué la nécessité de la régulation lors de l'examen de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche. Aujourd'hui, les éleveurs sont confrontés à la concentration des abattoirs et des acheteurs : ils doivent donc trouver les bons moyens pour s'organiser. Un récent rapport à démontré que la grande distribution accumulait les marges. Or, celle-ci s'en défend. Ce qui est certain, c'est que les pouvoirs publics vont devoir faire des propositions concrètes pour éviter l'effondrement de la filière. De plus, la concurrence n'est pas équitable, y compris en Europe. Si les règles ne sont pas identiques entre l'Allemagne et la France, il nous faut réagir auprès des instances européennes.
M. Gérard Bailly, rapporteur. - Merci pour vos compliments et pour vos remarques qui vont me permettre de préciser certains points du rapport. Il faudra sans doute évoquer dans le rapport la question du taux de chargement et des primes, comme l'a dit le président Emorine.
Vous avez beaucoup parlé des carcasses : aujourd'hui les carcasses étant payées au poids, les éleveurs ont tout intérêt à en proposer de lourdes. Si les distributeurs veulent des bêtes plus légères, ils devront ajuster leurs prix en fonction de leurs demandes.
Madame Bourzai, c'est volontairement que nous n'avons pas parlé de la montagne, car il y a d'autres terres où l'on ne peut pratiquer que l'élevage. Peut-être faut-il le dire plus clairement. Vous avez également évoqué les marges des distributeurs : nous tâcherons de rencontrer M. Chalmin cet automne et nous reviendrons sur son rapport. Le législateur devra peut-être imposer des règles de transparence plus strictes à la grande distribution.
Mme Panis a évoqué les exportations : nous allons ajouter la référence à l'Afrique, comme elle nous l'a fait remarquer. Si nous avions un GIE qui parle au nom de toute la filière bovine française, et non pas au nom de telle ou telle race, je suis persuadé que nous exporterions davantage. Nous avons beaucoup évoqué la question des apprentis bouchers. En centres de formation d'apprentis, il y a de nombreux jeunes qui se forment mais qui abandonnent rapidement : c'est dommage car, si le métier n'est pas facile, la grande distribution est à la recherche de nombreux bouchers professionnels, et ces métiers sont bien payés. Nous préciserons cela dans le rapport.
Dans l'une de mes quatorze propositions, j'ai bien fait la différence entre les abattoirs industriels et ceux de taille intermédiaire, monsieur Fauconnier. Nous avons beaucoup de mal à maintenir ces derniers en vie : les services vétérinaires semblent s'acharner sur eux mais on nous dit en même temps qu'il faut privilégier les circuits courts. Comprenne qui pourra. Quand j'avais fait une prospection dans les Alpes-Maritimes pour la filière ovine, j'avais découvert que les éleveurs de moutons devaient parcourir 130 kilomètres pour aller faire abattre leurs bêtes à Sisteron. Comment voulez-vous mettre en place un circuit court dans ces conditions ?
Sur la Turquie, on nous a dit qu'il y avait une forte demande mais que nous n'avions pas d'organisme idoine pour approvisionner ce pays.
M. Alain Fauconnier. - Les Turcs n'importent aucune viande française par représailles et ils invoquent des problèmes sanitaires pour justifier leur refus.
M. Gérard Bailly, rapporteur. - Il faudrait en parler à M. Jacques Blanc qui est le président du groupe d'amitié France-Turquie.
Nous partageons tous le même point de vue sur les bâtiments d'élevage : il s'agit d'investissements très lourds.
Les groupements d'éleveurs actuels ne pèsent pas assez face à la distribution, monsieur Pinton. Il faudrait un groupement de groupements pour pouvoir parler d'égal à égal avec la grande distribution.
L'INRA nous a dit que les chercheurs étaient prêts à répondre à la demande tant en matière de poids optimal des carcasses que de la tendreté de la viande, mais qu'il fallait du temps.
Comme l'a dit M. Pinton, les vêlages se passent mieux, ce qui est heureux, car il y avait beaucoup de pertes il y a encore quelques années, sans compter le coût des césariennes pour les éleveurs.
M. Alain Fauconnier. - En Midi-Pyrénées, le cheptel est important, et 80 % de viande consommée vient des autres régions. Nous avons pensé modifier le cahier des charges des offres publiques afin de privilégier les races à viande locales pour éviter les minerai en vrac.
M. Louis Pinton. - Dans mon département, nous avons une association qui fait du portage de repas à domicile : elle proposait des cuisses de poulet indifférenciées. Nous avons introduit des poulets fermiers locaux, qui nous coûtaient, bien sûr, plus cher, mais les retraités n'en ont pas voulu, car ils n'étaient pas habitués au goût.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Si nous voulons privilégier les circuits courts, il nous faudra d'abord modifier le code des marchés publics. Nous devrons caractériser nos races par rapport à nos régions : pourquoi ne pas parier sur les indications géographiques protégées (IGP) plutôt que sur les AOC, plus compliquées à obtenir ? Nos concitoyens pourraient y être sensibles.
Un mot sur la génétique : aujourd'hui, la génomique permet une approche plus pratique que par le passé.
M. Gérard Bailly, rapporteur. - Le titre de ce rapport serait : Filière viande bovine : agir maintenant pour sauvegarder nos territoires.
Le rapport est adopté à l'unanimité
Article 88-4 de la Constitution - Saisine de la commission et nomination d'un rapporteur
En application de l'article 73 quinquies, alinéa 2, du Règlement, la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire décide de se saisir de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil [COM (2011) 370 final] relative à l'efficacité énergétique et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE (E 6369), soumise au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution, et nomme M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.
Nomination d'un rapporteur
M. Alain HOUPERT est nommé rapporteur sur le projet de loi n° 688 (2010-2011) relatif au plan d'aménagement et de développement durable de Corse.