- Mardi 21 juin 2011
- Mercredi 22 juin 2011
- Programme national de réforme pour 2011 et programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 - Examen du rapport et du texte de la commission
- Loi de finances rectificative pour 2011 - Suite de l'examen des amendements
- Loi de finances rectificative pour 2011 - Désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire
- Débat d'orientation des finances publiques - Audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
- Jeudi 23 juin 2011
Mardi 21 juin 2011
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Loi de finances rectificative pour 2011 - Examen des amendements
La commission procède à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 612 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011.
M. Jean Arthuis, président. - Le rapporteur général avait demandé la réserve sur certains articles et il a également quelques rectifications à nous soumettre.
Examen des amendements de la commission
La commission procède tout d'abord à la rectification de l'un de ses amendements et adopte quatre nouveaux amendements proposés par le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il importe de commencer cette séance par un débat d'ensemble sur la question des modalités de compensation d'une éventuelle suppression de la taxe sur les résidences en France des non-résidents. En tranchant dès maintenant les questions de principe, nous faciliterons l'examen des articles. Le projet de loi tel qu'il nous a été transmis crée en effet une taxe sur les résidences en France des non-résidents. Le rendement prévisionnel a été évalué à 175 millions d'euros à partir de 2012. Conserver la taxe telle qu'inscrite dans le texte n'est pas réaliste. Le Gouvernement a fait marche arrière. Et nos collègues représentant les Français de l'étranger ne savent pas comment expliquer cette mesure à nos compatriotes expatriés. Mieux vaut donc entériner sa suppression. Quelle compensation budgétaire retenir ? L'amendement n°105 à l'article 17, présenté par M. Ferrand sur une idée gouvernementale, révèle une belle imagination fiscale. Cette mesure de taxation des plus-values sur les cessions de terrains à bâtir rapporterait, selon les services du Gouvernement, 370 millions d'euros. Je vous proposerai plutôt, à l'article 3, de modifier les curseurs de mesures existantes qui portent sur le patrimoine : atténuation du lissage sur la reprise de donation, légère augmentation du taux du droit de partage. Le lissage a été introduit à l'Assemblée nationale, qui a modifié le dispositif du Gouvernement. Nous conservons son inspiration mais nous nous tenons à mi-chemin entre le texte initial et celui des députés. La différence est de 100 millions d'euros.
Mme Nicole Bricq. - Dans quel sens ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La mesure de lissage coûterait 100 millions d'euros de moins si l'on retenait notre rédaction. L'augmentation du taux du droit de partage de 2,2 % à 2,5 % rapporterait 76 millions d'euros.
Quant à la taxation des plus-values immobilières, elle nécessite un examen au calme et non à la va-vite. Nous ne disposons d'aucun élément d'évaluation, d'aucune précision sur l'impact en ville et en campagne ; rien non plus sur une éventuelle prise en compte de la durée de détention, rien sur les propriétaires concernés, personnes physiques ou morales, etc. La mesure ne saurait être examinée isolément, dans une loi de finances rectificative qui n'est pas faite pour cela. Le chantier de « l'urbanisme de projet » s'est achevé par un séminaire de clôture le 27 mai. Le champ de la réforme comprend le contentieux de l'urbanisme, les procédures d'élaboration et de révision des documents d'urbanisme, l'enquête publique... N'abordons pas l'une des mesures du volet fiscal séparément, ayons le souci de la cohérence !
En outre et surtout, une telle mesure exige une concertation préalable avec les communes et les intercommunalités, qui sont en charge de l'urbanisme. Ce sont elles qui décident du classement en zone à bâtir ou inconstructible et la mesure proposée les soumettrait à de fortes pressions de la part des propriétaires de terrains. Le ministère du logement souhaitait inclure cette taxe dans la loi de finances pour 2012, mais elle mérite d'être affinée juridiquement. Impossible de l'appliquer comme il est proposé à partir du 1er janvier 2012 ! Monsieur Ferrand, n'allons pas, pour supprimer une mesure vexatoire à l'encontre des Français établis hors de France, ouvrir la boîte de Pandore !
M. Jean Arthuis, président. - Mais l'intention de M. Ferrand était-elle de réformer la taxation des plus-values immobilières ou de supprimer une mesure qui frappe les non-résidents ?
M. André Ferrand. - C'est une vraie question ! Je souhaite l'abandon d'une mesure qui est injuste et vexatoire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mieux vaut sans doute, alors, en rester à un amendement de suppression de la mesure et suivre la commission qui a des propositions pour trouver des ressources compensatoires.
M. André Ferrand. - Cependant, mon amendement a le mérite de régler deux problèmes.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'un des deux concerne la fiscalité des plus-values immobilières, qui relève du droit de l'urbanisme et des taxes d'urbanisme. Et la commission rejettera une disposition envisagée comme une pure mesure de rendement et dont les conséquences n'ont pas été suffisamment étudiées.
M. Jean Arthuis, président. - Le rapporteur général vous propose un autre gage.
M. André Ferrand. - Je ne suis pas un spécialiste de l'immobilier mais il me semble que mon amendement fait sens, car il est susceptible de relancer l'activité dans le bâtiment.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement de suppression n° 27 sera adopté : dés lors, l'amendement n° 205 tombera. Il n'est pas de bonne méthode, pour résoudre un problème, d'en créer un ailleurs, plus vaste. Le produit de la taxe irait-il en totalité à l'Etat, ou en partie aux collectivités ? Votre version, celle de l'Etat, de la direction de la législation fiscale, n'en dit rien. Je répète qu'en matière d'urbanisme, on négocie d'abord avec les communes et leurs groupements.
M. André Ferrand. - Comment l'Assemblée nationale recevra-t-elle votre proposition ? Il faut retenir la mesure qui a le plus de chance de lui convenir.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est l'objet de la CMP que de nous mettre d'accord et d'ajuster le texte. Vous ne simplifiez pas la tâche en ajoutant un sujet...
Mme Nicole Bricq. - Quel est l'équilibre financier de la taxation des résidences des non-résidents et de vos propositions ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - En réalité on ne dispose d'aucune évaluation sur la taxation des plus-values et nous entrons dans un gros sujet par un petit bout. C'est la bouteille à l'encre... On nous donne un chiffre de 370 millions d'euros, dont 245 au titre de l'impôt sur le revenu et le reste en cotisations sociales, mais je n'ai rien pu vérifier. Le débat a déjà eu lieu avec les conseillers du ministre, j'ai refusé l'amendement pour les raisons que j'ai dites.
M. Jean Arthuis, président. - Il faut hiérarchiser vos préoccupations, Monsieur Ferrand. La principale est-elle la réforme de la fiscalité de l'urbanisme ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La commission est favorable à votre amendement de suppression.
M. Jean Arthuis, président. - Et le rapporteur général a présenté une solution alternative.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Quelle est la plus grande vertu : mettre en construction des terrains pour développer l'activité dans le bâtiment ou les geler pour être conforme au Grenelle II ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela se discute. Mais certainement pas sur un coin de table.
M. Jean-Pierre Fourcade. - J'avais proposé une taxation des terrains dans le projet de loi relatif au Grand Paris et elle a été écartée. Puis voici qu'elle revient, ce qui m'amuse beaucoup - mais le peu d'imagination de Bercy a tout de même de quoi nous désoler. Le ministère du logement envisage une grande réforme de l'urbanisme, nous aurons à ce sujet une discussion de fond, pour l'heure contentons-nous de supprimer la taxation qui pèserait sur les Français de l'étranger. Le Grenelle II, soit dit en passant, comportait un mécanisme de taxation des plus-values.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La machine administrative devient folle.
M. Aymeri de Montesquiou. - Ce n'est pas nouveau.
M. Jean Arthuis, président. - Il faudra lever le soupçon qui nous associe parfois à ce déchaînement, tant nos attitudes peuvent être contradictoires...
M. André Ferrand. - Les signataires se rangeront à l'avis de la commission, car l'objectif est atteint et ils en sont heureux.
Article additionnel après l'article 7 ter
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Venons-en à l'amendement n° 19 rectifié qui tend à insérer un article additionnel après l'article 7 ter. Il s'agit d'une rectification technique après la réforme de la taxe professionnelle. Le Gouvernement semble d'accord pour corriger un effet secondaire apparu sur les syndicats de communes à contributions fiscalisées. Il faut tenir compte des règles de liaison des taux, plus exactement en écarter l'application en l'espèce ; et rendre dégressif le prélèvement sur recettes de l'Etat au titre des contributions fiscalisées. Le dispositif s'appliquerait de 2012 à 2015, c'est la condition pour que le Gouvernement donne son accord. Nous pourrons y revenir ultérieurement. Cette mesure autorise un dégrèvement total, pour 2010 et 2011, en faveur du redevable de la CFE qui aura subi des ressauts d'imposition anormaux du fait de la mise en oeuvre des contributions fiscalisées dans les syndicats de communes.
L'amendement n° 19 rectifié est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 1 porte sur le gage que nous proposons à M. Ferrand. Je l'ai présenté.
M. François Marc. - Petite cuisine...
L'amendement n° 1 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'article 6, qui traite des trusts, est complexe. Il soumet à l'impôt la détention de biens logés dans des trusts et dont les bénéficiaires sont des personnes physiques, agissant dans le cadre d'une gestion de patrimoine privé. Il ne serait pas normal en revanche que l'imposition frappe les trusts caritatifs - une exclusion existe du reste pour les droits de mutation à titre gratuit.
Nous ne voudrions pas que des trusts gérant des oeuvres d'intérêt général et qui placent leur argent sur toutes les catégories d'actifs, dans le monde entier, s'écartent des titres français.
M. Jean Arthuis, président. - Les fonds de pension sont-ils concernés ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Non, mon amendement n° 2 porte uniquement sur les fonds caritatifs, la question des fonds de pension ayant été traitée par la rédaction originelle de l'article 6.
M. Roland du Luart. - Quelle est la portée d'une telle mesure ? Je pensais que la forme du trust était rarement utilisée en France. Mais peut-être est-ce un « amendement Bardot » déguisé ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il s'agit des trusts étrangers qui placent leurs avoirs sur tous les marchés. L'article 6 prévoit un prélèvement de 0,5 % sur les biens ou droits français logés dans ces trusts.
M. Roland du Luart. - S'il s'agit de placements faits de l'étranger, sera-t-il facile pour le fisc d'obtenir le paiement ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'article instaure un outil puissant de contrôle fiscal mais il vise large et je ne suis pas certain que la mesure soit applicable en totalité...
M. Jean Arthuis, président. - Ce qui traduit la difficulté du Gouvernement à boucler l'équation.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le chiffre de 30 millions d'euros a été avancé, mais il est en fait impossible d'évaluer la mesure.
L'amendement n° 2 est adopté.
Article additionnel après l'article 7 ter
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous en arrivons à l'amendement n° 3. Où l'on retrouve le CNC... Nous précisons l'assiette de la taxe sur les distributeurs de services télévisés : les abonnements de télévision mais aussi les abonnements à des services de communication en lignes ou de téléphonie, dès lors que la souscription à ces services est nécessaire pour recevoir des services de télévision. Et ce, afin de prévenir toute optimisation fiscale.
L'amendement révise et allège le barème de la part distributeurs, afin d'atténuer la progression du rendement de la taxe et de modérer les ressources et les dépenses du CNC. Nous avons déjà obtenu en loi de finances initiale le reversement au budget général de 20 millions d'euros par le Centre national de la cinématographie.
L'amendement supprime les cotisations professionnelles sur les entreprises de l'industrie cinématographique, là encore pour atténuer la progression des ressources du CNC, dont la trésorerie est sans rapport avec sa capacité de dépense dans le champ de ses compétences. Le but est aussi l'équité, la simplicité, l'efficacité. L'extension des compétences du CNC à l'audiovisuel, la vidéo et au multimédia ne justifie plus un prélèvement sur la seule industrie cinématographique, au moment où les entreprises de cette filière doivent financer la transition numérique.
Nous prévoyons aussi, de 2011 à 2014, un versement au budget général de 10 % des ressources affectées au CNC, car leur forte progression s'est déjà traduite par la constitution d'une trésorerie abondante. Il n'est pas absurde que l'opérateur contribue à la résorption du déficit, sur la durée de la loi de programmation des finances publiques.
L'amendement que je propose est proche d'un autre, présenté puis retiré par le Gouvernement à l'Assemblée nationale, les députés n'ayant pas eu le temps de l'examiner au fond. Le CNC disposait au 1er janvier 2010 d'une trésorerie de 412 millions d'euros, qui a atteint 612 millions fin décembre. Le CNC a beau expliquer qu'il veut provisionner toutes ses activités à venir, qu'il a besoin d'un fonds de roulement important, sa solvabilité n'est pas en péril ! Il disposait de 271 jours de trésorerie fin mars, il peut faire un effort en faveur du redressement des finances publiques ! Nous atténuons seulement la progression de ses ressources et modifions la répartition de celles-ci.
M. Jean Arthuis, président. - Les services en ligne proposés à partir du Luxembourg - vente en ligne, ventes aux enchères - sont-ils couverts ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les abonnés sont en France. Et les distributeurs paient une taxe sur les services de télévision souscrits par ces abonnés. Mais je ne mettrais pas ma main au feu que les redevables ne découvriront aucune possibilité de montage optimisant.
M. Jean Arthuis, président. - Le dispositif est en outre d'une complexité vertigineuse.
M. Aymeri de Montesquiou. - Cauchemardesque.
M. Jean Arthuis, président. - Etonnante.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je serai curieux d'entendre le Gouvernement sur le sujet, puisque c'est lui qui a proposé la première rédaction : nous verrons s'il est constant.
M. Jean Arthuis, président. - Il ne l'a pas encore démontré.
L'amendement n° 3 est adopté ainsi que l'amendement rédactionnel n° 4 à l'article 17 bis.
M. Jean Arthuis, président. - Nous en venons aux amendements extérieurs.
Examen des amendements extérieurs
La commission commence ensuite l'examen des amendements extérieurs et adopte les avis suivants :
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 201 de M. Détraigne tendant à favoriser les souscriptions au capital des entreprises solidaires du secteur immobilier est contraire à la position de la commission ; j'en demanderai donc le retrait car il relève du problème des niches fiscales.
M. Philippe Adnot. - Non ! C'est un problème de réglementation communautaire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela revient au même : il s'agit de drainer des capitaux avec un régime fiscal plus favorable.
M. Philippe Adnot. - On ne peut pas affirmer à tout bout de champ qu'il faut renforcer les fonds propres des PME et limiter à 2,5 millions d'euros le plafond d'investissement dans les petites entreprises. C'est grave ! D'autant que l'amendement ne modifie rien concernant la niche.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il est contraire au droit communautaire et à notre politique en matière de dépense fiscale.
M. Philippe Adnot. - La dépense fiscale peut être utilisée diversement, en faveur des oeuvres d'art, en faveur des entreprises, etc. Je préfère qu'elle soit utilisée pour soutenir les entreprises.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il s'agit surtout d'un régime d'imputation sur l'ISF. Or l'impôt sur la fortune a déjà été diminué de moitié. On ne peut tout de même pas, en plus, continuer à creuser des niches fiscales...
M. Philippe Adnot. - Rien à voir ! C'est un ciblage sur les PME, non un changement de volume ni de règles touchant les niches.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il n'est pas prouvé que la limitation à 2,5 millions d'euros empêche de drainer les capitaux nécessaires aux PME ; et ainsi nous respectons les règles communautaires. Une position de principe a été prise par la commission, ne revenons pas dessus.
M. Jean Arthuis, président. - J'ai reçu une lettre qui provient d'un département où le conseil général ne finançant plus les travaux dans les Ehpad, il serait utile à ces établissements de pouvoir drainer les investissements des personnes physiques... Si ce n'est pas une niche, cela y ressemble furieusement.
M. Philippe Adnot. - Je parlais du plafond.
M. Jean Arthuis, président. - L'amendement n'est pas dans le ton de ceux que vous défendez habituellement, Monsieur Adnot.
La commission décide de demander le retrait de l'amendement n° 201.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - En ce qui concerne les amendements n°s 37 et 221 rectifié qui ambitionnent d'améliorer le financement en fonds propres des PME des filières agricoles, pêche et aquacoles, je ne crois pas possible de suivre M. Revet : aujourd'hui on nous demande de soutenir le financement des bateaux de pêche, demain ce sera une autre filière. Je rappelle en outre que nous nous battons pour réduire la place des holdings !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Je suis une élue du bassin d'Arcachon et je puis vous dire que les petites entreprises aquacoles et de pêche doivent moderniser leur outil : or un bateau coûte plus cher qu'un bâtiment industriel, au moins 1,5 million d'euros, un montant très lourd pour des structures artisanales pas plus grandes que des TPE. La proposition de notre collègue ne me semble donc pas absurde.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je le comprends. Mais la mesure originelle, en 2007, n'avait pas vocation à susciter des produits financiers vendus aux guichets des établissements bancaires ! Nous avons aussi, dans un débat auquel M. Adnot a participé, fixé une clause pour limiter le recours aux holdings. Quel que soit l'intérêt que nous portons à la pêche dans telle ou telle de ses composantes, par exemple la pêche à la langouste au large du Cap Corse, nous ne pouvons aller plus loin.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 37, ainsi qu'à l'amendement n° 221 rectifié.
M. Roland du Luart. - Si je souscris sans réserve à la modification de l'assiette de l'ISF, j'observe cependant qu'elle a pour effet collatéral de tarir une source de financement des fondations de recherche, comme l'Institut Curie et la Fondation Pasteur, puisqu'en exonérant les patrimoines compris entre 800 000 et 1,3 million d'euros, elle les exclut du même coup du bénéfice de la déduction fiscale. Les oeuvres d'intérêt général sont également concernées, comme la fondation des orphelins d'Auteuil, dont deux maisons sur trois ne pourront plus, à ce compte, fonctionner. D'où mon amendement n° 42 rectifié ter identique à l'amendement n° 204 rectifié de M. Darniche.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avant 2007, cette déduction n'existait pas, et les organismes en question parvenaient pourtant à se financer. A pousser votre raisonnement, il faudrait, en cas de suppression de l'ISF, créer une nouvelle niche pour préserver ces financements privilégiés. Même si votre combat est respectable, une telle initiative sera coûteuse pour les finances publiques : la commission des finances ne peut vous suivre.
M. Roland du Luart. - Les besoins de ces fondations sont énormes.
M. Jean Arthuis, président. - A pousser votre raisonnement, il faudrait augmenter l'ISF pour mieux répondre à ces besoins... Et à l'inverse, ainsi que l'a fait observer le rapporteur général, qu'auriez-vous été amené à demander si nous avions supprimé l'ISF ?
M. Roland du Luart. - Personnellement, je ne l'aurais jamais créé.
M. Jean Arthuis, président. - Alors, il faut préparer ces organismes à la désintoxication. Votre amendement leur redonne goût au poison.
La commission décide de demander le retrait de l'amendement n° 42 rectifié ter, ainsi que de l'amendement n° 204 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 161 de MM. Cornu et Dominati, relatif à l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), va très loin dans la confusion des genres. Alors que l'EIRL constitue, en somme, une entité accueillant un segment de patrimoine, il lui permet de s'assujettir au régime de l'impôt sur les sociétés en l'assimilant à une société dans sa forme la plus simple, soit l'EURL. A titre personnel, je n'y suis pas favorable : c'est entretenir les artisans et les près petites entreprises dans l'illusion que leur patrimoine affecté serait l'équivalent d'un exercice social. Je sais bien que c'est là une illusion que les gouvernements successifs se plaisent à entretenir...
M. Jean Arthuis, président. - A des fins de communication...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je ne voterai pas l'amendement et vous propose de demander, au nom de la commission, l'avis du Gouvernement.
La commission décide de demander l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 161.
Articles additionnels après l'article
7
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 32 vise à exonérer de TICGN et de TICC l'ensemble des installations de cogénération. Malgré son coût de 8 à 10 millions, j'ai la faiblesse d'y être favorable, comme le sera, je pense, le Gouvernement.
M. Jean Arthuis, président. - La somme n'est pas anodine. Pourquoi cet avis favorable ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce dispositif met fin à une distorsion de concurrence qui pourrait être portée devant les instances européennes. M. Bouvard avait déposé un amendement identique devant l'Assemblée nationale, qu'il n'a pu soutenir, alors même que le Gouvernement envisageait de lui donner un avis favorable.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Il faut réduire l'émission de gaz à effets de serre.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 32 et défavorable à l'amendement n° 113.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 191 vise à supprimer la provision pour reconstitution de gisements d'hydrocarbures, mais la loi de finances pour 2011 a déjà interdit tout passage de provisions à compter de l'exercice clos au 31 décembre 2010, le dispositif est donc en extinction. Adopter cet amendement, très punitif, pénaliserait les sociétés menant des activités d'exploration en France, qui sont plutôt des entreprises moyennes que des grands groupes.
Mme Nicole Bricq. - Il ne s'agit nullement d'être punitif, mais de tirer les conséquences du compromis auquel était parvenue la CMP sur le projet de loi de finances : l'effet de la niche est supprimé à compter de fin 2010, mais l'article de référence qui l'a créée demeure : évitons de voir revenir par la fenêtre ce que l'on a chassé par la porte. Cette niche a coûté 11 millions en 2009 ; par les temps qui courent, ce n'est pas négligeable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pacta sunt servanda : tenons-nous en à la lettre de l'accord auquel était parvenue la CMP.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 191.
Articles additionnels après l'article 7 ter
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 29 rectifié sur le régime fiscal des biocarburants est très complexe... Ceux des sénateurs de la Seine-Maritime, qui en sont les signataires reviennent sur ce dont ils avaient réussi, l'an passé, à convaincre la commission des finances. Ils arguent aujourd'hui que le dispositif est mal interprété par les douanes, ce qui pourrait causer préjudice à un projet porteur d'emploi, ajoutant que nous donnons ainsi un mauvais signal aux importateurs d'éthanol, d'où un conflit avec la filière des oléagineux. Je vous propose de nous en remettre à l'avis du Gouvernement, en lui demandant d'être cohérent. Gardons-nous de prendre une position de nature à compromettre les objectifs politiques qui ont été définis en matière de biocarburants.
La commission décide de demander l'avis du Gouvernement sur l'amendement 29 rectifié.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 36 rectifié ter opère un prélèvement sur le Fonds national des solidarités actives au profit des contrats aidés dans l'Éducation nationale, de même que le n° 220 rectifié au profit de la construction d'aires d'accueil pour les gens du voyage. Il est vrai que le Fonds a accumulé, en 2010, une trésorerie si substantielle qu'il est prévu de revoir sa dotation à la baisse jusqu'en 2012. Si nous prélevons 50 ou 100 millions à d'autres fins, la dotation de l'Etat ne pourra être réduite. Je préfèrerais voir retirer ces amendements.
Mme Fabienne Keller. - Le Fonds Hirsch, destiné au financement du RSA-activité, a été largement sous-utilisé. Cette année déjà, l'État a revu sa dotation pour compenser un excédent de 300 à 400 millions. Ces crédits étaient faits pour épauler les plus fragiles vers le retour à l'emploi : nous ne pouvons que regretter leur sous-consommation, et c'est pourquoi nous proposons d'opérer un prélèvement poursuivant le même objectif, puisqu'il servira à préserver les contrats aidés que sont les emplois de vie scolaire dans les établissements.
J'entends bien le raisonnement de fourmi du rapporteur général, qui veut conserver du grain pour les années à venir, mais songeons que ces contrats aidés permettent d'accompagner les établissements dans leurs projets. Dans le Bas-Rhin, on va passer de 200 à 40 postes. Et comme d'habitude, le ministère du Travail et celui de l'Éducation nationale se renvoient la balle. Reste qu'il est clair que les restrictions pèsent de plus en plus sur l'Éducation nationale.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Je soutiens Mme Keller. Cela finit par coûter très cher de ne pas reconduire ces contrats. Je voterai son amendement.
M. Jean Arthuis, président. - Je vais mettre l'amendement aux voix.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 36 rectifié ter.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est la Bérézina !
M. Jean Arthuis, président. - Quel est l'avis du rapporteur général sur le n° 220 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Défavorable !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 220 rectifié.
Mercredi 22 juin 2011
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Programme national de réforme pour 2011 et programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 - Examen du rapport et du texte de la commission
Au cours d'une première séance, la commission procède tout d'abord à l'examen, en application de l'article 73 quinquies, alinéa 2, du Règlement, du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur, sur la proposition de résolution européenne n° 615 (2010-2011), présentée par M. Philippe Marini, au nom de la commission des finances, sur la recommandation de recommandation du Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2011 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité actualisé de la France pour la période 2011-2014 (E 6315).
M. Philippe Marini, rapporteur. - Le groupe socialiste a déposé trois amendements. L'amendement n° 1 propose de modifier l'alinéa 11, afin de supprimer la référence à la TVA sociale, ce qui n'est pas acceptable. L'amendement n° 2 souligne la nécessité de réduire les dépenses fiscales. Je ne peux qu'y être favorable, sous réserve d'une rectification rédactionnelle. Je demande le retrait de l'amendement n° 3, qui concerne la politique économique, et relève donc de la compétence de la commission de l'économie.
M. Jean Arthuis, président. - L'avis serait donc défavorable sur l'amendement n° 1, favorable sur l'amendement n° 2, sous réserve de rectification ; et consisterait en une demande de retrait dans le cas de l'amendement n° 3.
Mme Nicole Bricq. - Je maintiens l'amendement n° 1. J'accepte de rectifier l'amendement n° 2. Je maintiens l'amendement n° 3, le programme de stabilité devant être compatible avec la stratégie « UE 2020 ». J'accepte toutefois de le rectifier, pour remplacer la référence à la « relance de la croissance » par une référence au « soutien de la croissance ».
M. Philippe Marini, rapporteur. - Nous pourrions en ce cas adopter l'amendement n° 3, sous réserve d'une rectification rédactionnelle supplémentaire, consistant à supprimer la précision selon laquelle ces politiques de soutien de la croissance doivent être « à la même échelle » que les politiques d'ajustement. Cette disposition manque en effet de clarté.
Mme Nicole Bricq. - J'accepte cette rectification.
M. Philippe Marini, rapporteur. - Il conviendrait, par coordination avec l'amendement n° 2, d'adopter un amendement n° 4, supprimant la fin de l'alinéa 11, relative aux allégements de prélèvements obligatoire.
L'amendement n° 1 est rejeté.
L'amendement n° 4 est adopté.
L'amendement n° 2 rectifié est adopté.
L'amendement n° 3 rectifié est adopté.
M. Jean Arthuis, président. - La commission adopte-t-elle la proposition de résolution européenne ainsi modifiée ?
Mme Nicole Bricq. - Le groupe socialiste s'abstient.
La proposition de résolution européenne est alors adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Loi de finances rectificative pour 2011 - Suite de l'examen des amendements
Puis, la commission poursuit l'examen des amendements sur le projet de loi n° 612 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011.
Examen des amendements de la commission
La commission adopte tout d'abord quatre nouveaux amendements proposés par le rapporteur général et procède à la rectification de l'un de ses amendements.
La commission adopte l'amendement n° 1 portant article additionnel après l'article 7 tendant à préciser les modalités de versement des contributions des réceptionnaires d'hydrocarbures des Etats parties aux Fonds internationaux d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL), ainsi que les procédures de sanction en cas de manquement à cette obligation.
A l'article 10 (état B - mission « Culture »), la commission adopte ensuite l'amendement n° 2 tendant à réduire de 100 000 euros les moyens consacrés aux fonctions support du ministère de la culture.
Puis, la commission adopte l'amendement n° 3 portant article additionnel après l'article 15 tendant à ce que seul le pourcentage des droits de vote des associés dans un pacte « Dutreil » soit pris en compte pour le respect de la condition du contrôle de la société.
Enfin, à l'article 18 relatif à l'imposition des plus-values latentes lors du transfert par les contribuables de leur domicile fiscal hors de France (« exit tax »), la commission adopte l'amendement n° 4 rédactionnel et décide de rectifier son amendement n° 16, afin de soumettre à l'« exit tax » les héritiers domiciliés hors de France dans les cas de fraude.
Examen des amendements du Gouvernement
La commission procède à l'examen de quatre amendements du Gouvernement.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 229 à l'article 8 et décide de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 228 au même article.
Elle émet un avis favorable à l'amendement n° 230 à l'article 9, sous réserve d'un sous-amendement de précision rédactionnelle tendant à substituer le terme de « Fonds européen de stabilité financière » à l'anglicisme « Facilité ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 227 du Gouvernement tend à modifier les conditions dans lesquelles sera géré le produit de la contribution pour l'aide juridictionnelle. Le Gouvernement voudrait le faire gérer par le Conseil national des barreaux (CNB). La Commission des lois a indiqué son hostilité à cette solution. Le CNB est une instance de représentation et n'a pas d'attribution de gestion de fonds au nom de la profession d'avocats. Il existe un autre organisme, l'union nationale des caisses d'avocats (UNCA), qui fédère les caisses de règlement pécuniaires des avocats (CARPA). La commission des lois souhaite éviter le démantèlement des CARPA. Je propose de ne pas nous engager dans ce débat.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Pour ma part, j'approuve l'amendement déposé par le Gouvernement. En effet, le CNB est un établissement d'utilité publique chargé par la loi de représenter la profession d'avocat auprès des pouvoirs publics. L'UNCA est au contraire un organisme technique. Sa mission n'est pas politique. L'idée d'en faire un organisme de contrôle des CARPA me paraît franchement contraire à ses statuts, qui lui interdisent toute mission pouvant porter atteinte à l'indépendance de celles-ci. Je soutiendrai donc l'amendement du Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous nous en tiendrons donc à un avis de sagesse.
La commission décide de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 227.
Examen des amendements extérieurs
La commission poursuit l'examen des autres amendements et adopte les avis suivants :
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 35, présenté individuellement par Jean Arthuis, propose de diminuer de 1 % à 0,9 % le plafond de la cotisation des collectivités territoriales au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) pour les années 2012 et 2013, afin de tenir compte des observations de la Cour des comptes. J'émets un avis tout à fait favorable, car là où il y a des excédents, il faut les prendre !
M. Edmond Hervé. - Tout comme vous, j'ai lu ce rapport, qui a fait l'objet de réponses argumentées, et je trouve que cette proposition est conforme à la logique de la commission des finances. Cependant, à titre personnel, je ne peux accepter cette mesure pour les raisons suivantes. Premièrement, la fonction publique territoriale est la fonction publique qui mobilise, comparativement aux autres, le moins de crédits de formation. Deuxièmement, je ne pense pas que dans la conjoncture actuelle, il faille ajouter à la crispation territoriale. Il y a aujourd'hui un télescopage dangereux entre la révision générale des politiques publiques, la carte de l'intercommunalité et le redécoupage de la carte cantonale. Enfin, je trouve qu'il y a comme un manque d'élégance dans cette proposition, qui intervient au moment du changement de présidence du CNFPT. Ce n'est pas très juste et ne relève pas d'une conception à laquelle je suis attaché.
M. Jean Arthuis, président. - Mon cher collègue, l'inspiration de cet amendement est le rapport de la Cour des Comptes, qui constate que le CNFPT a accumulé des réserves équivalentes à une année de cotisations, et qui s'engage ainsi dans un vaste programme immobilier, pour des investissements de l'ordre 200 millions d'euros. Les cotisations des collectivités locales au CNFPT ne représentent pas l'effort total des collectivités en faveur de la formation. En effet, bien souvent, ces dernières paient directement à des formateurs des frais de formation professionnelle. Le CNFPT a un mode de fonctionnement qui traduit un certain confort, qu'il convient d'interpeller. Certes, il y a une nouvelle présidence. Cet amendement est une manière de mettre la pression. La sphère des collectivités territoriales n'échappera pas à la nécessité d'une révision générale des dépenses publiques. Je ne vise personne, mais je ne porte pas une appréciation positive sur la gestion de la présidence sortante.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'ai siégé autrefois au CNFPT. Il m'est apparu alors que cet outil était très rigide, totalement cogéré avec les syndicats. Il ne s'est sans doute jamais remis en cause dans ses méthodes d'action. Il me semble donc que cela ne peut pas lui faire de mal qu'on lui prenne de l'argent s'il en a un peu trop ! Cela va dans le sens de l'intérêt budgétaire des petites communes qui cotisent.
M. Jean Arthuis, président. - L'audition publique de la Cour des comptes sur le CNFPT a révélé des lacunes de gestion et des détournements de fonds publics. Il faut donc marquer le coup.
Mme Nicole Bricq. - J'ai assisté à cette audition. Le président Deluga vous a répondu point par point sur ce qu'il a proposé, et qui a été accepté par le conseil d'administration, pour retrouver des finances plus saines.
M. Philippe Dallier. - Cet amendement ne videra pas les caisses du CNFPT. Pour ma part, je suis très favorable à ce que l'on marque le coup. Il est bien de constater les dérives, mais s'il n'y a jamais de conséquences derrière, cela n'incite pas les organismes concernés à améliorer leur gestion.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Je comprends le principe de la réduction proposée par Jean Arthuis. Cependant, j'ai noté qu'elle reviendrait à priver le CNFPT de 32 millions d'euros par an, ce qui n'est pas négligeable. En tant qu'élue locale, j'ai souvent recours aux services du CNFPT pour des formations très intéressantes, et pratiquement toutes gratuites. Il faut donc veiller à ce que cet amendement n'ait pas pour conséquence de réduire l'offre de formation proposée aux collectivités.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 35.
Loi de finances rectificative pour 2011 - Désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire
Enfin, MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Charles Guené, André Ferrand, François Marc, Mme Nicole Bricq et M. Thierry Foucaud sont désignés comme candidats titulaires, et Mme Marie-Hélène des Esgaulx, MM. Jean-Pierre Fourcade, Roland du Luart, Philippe Adnot, Marc Massion, Michel Sergent et François Fortassin sont désignés comme candidats suppléants pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi n° 612 (2010-2011) de finances rectificative pour 2011.
- Présidence de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales -
Débat d'orientation des finances publiques - Audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes
Au cours d'une seconde séance, la commission procède, conjointement avec la commission des affaires sociales, à l'audition de M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, préalable au débat d'orientation des finances publiques.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. - Nous accueillons, conjointement avec la commission des finances, Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, afin qu'il nous présente, dans la perspective du prochain débat d'orientation des finances publiques, le rapport de la Cour sur la situation des finances publiques.
Cette audition intervient quelques jours seulement après l'examen par le Sénat du projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques, qui se donne notamment pour objectif d'améliorer la programmation des finances publiques.
Je crois savoir que les constats opérés par la Cour sur l'évolution des déficits, qu'il s'agisse de ceux de l'Etat ou de ceux de la sécurité sociale, demeurent inquiétants et que les perspectives en matière de dette publique et de dette sociale ne sont guère encourageantes.
Les éclairages que nous apportera aujourd'hui le Premier président nous seront donc particulièrement utiles, non seulement pour notre débat du 7 juillet prochain, mais également pour préparer l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. -Nous avons souhaité vous présenter, cette année, un véritable audit. Le rapport de 2011 sur la situation et les perspectives des finances publiques est ainsi encore plus complet et approfondi cette année. Il évalue les risques qui pèsent sur leur évolution à court, moyen et long terme. Il examine enfin la problématique de leur nécessaire redressement.
L'an dernier, j'avais insisté devant vous sur la sérieuse dégradation de la situation des finances publiques en 2009 et sur l'urgence à prendre des mesures fortes et immédiates de redressement, sauf à hypothéquer notre indépendance et notre souveraineté.
L'année 2010 et le début de 2011 ont apporté des éléments positifs. La Cour des comptes a, je pense, apporté sa contribution à cette prise de conscience. Ainsi le déficit a commencé à diminuer en 2010 et le redressement des finances publiques a été entamé. Des réformes, comme celle des retraites, ont été entreprises et les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2011 ont commencé à s'attaquer aux niches, fiscales et sociales. La loi de programmation des finances publiques et le programme de stabilité, envoyé par le Gouvernement à Bruxelles en avril, fixent des objectifs plus ambitieux de réduction du déficit.
Malgré ces avancées, la situation n'en reste pas moins sérieuse. Les déficits restent beaucoup trop élevés pour prévenir l'emballement de la dette publique, et souffrent de la comparaison avec ceux de bien d'autres pays européens. Notre ratio de la dette par rapport au Pib s'approche de la zone dangereuse. C'est l'indépendance de notre politique économique, mais aussi de bien d'autres décisions, notamment en matière sociale, qui est en jeu. Les efforts nécessaires vont au-delà des mesures qui ont déjà été prises. L'essentiel du chemin reste donc à faire.
Le déficit structurel est de l'ordre de cinq points de Pib. Pour qu'il disparaisse, il faudrait économiser ou, sinon, prélever en plus sur nos concitoyens et nos entreprises, environ 100 milliards d'euros.
L'effort de redressement prévu par la loi de programmation et le programme de stabilité est presque de même ampleur, mais les mesures nécessaires pour le réaliser sont peu explicitées. La crédibilité de la France, qui est fondamentale en ce domaine, impose qu'elles le soient très vite.
Arrêtons-nous tout d'abord un moment sur 2010 et 2011. Le déficit public a légèrement baissé en 2010, mais il reste trop élevé et il est très largement structurel. En 2009, le déficit public avait atteint le niveau de 7,5 % du Pib, sans précédent en temps de paix. Il a diminué en 2010 de seulement 0,4 point.
La crise a bien sûr creusé les déficits dans tous les pays, mais leur moyenne, hors France, a été en 2010 de 5,8 % du Pib dans la zone euro et de 6,3 % dans l'Union européenne. En Allemagne, il a été de 3,3 % du Pib, soit moins de la moitié du nôtre. Avec un déficit de 7,1 %, la situation de la France restait en 2010 plus dégradée que la situation moyenne de ses partenaires.
Pourquoi la réduction du déficit a-t-elle été si limitée ? La diminution du coût des mesures de relance a eu un effet positif mécanique de 0,7 point de Pib sur le déficit. En sens inverse, cependant, les nouvelles mesures de baisse d'impôts ont aggravé le déficit de 0,4 point de Pib. Les dépenses fiscales ont à nouveau augmenté, légèrement, mais la mesure la plus importante a été le remplacement de la taxe professionnelle par de nouveaux impôts d'un rendement plus faible. Comme je l'ai souligné en présentant, devant la commission des finances, le rapport sur les résultats et la gestion budgétaire de l'Etat pour 2010, le 25 mai dernier, les déficiences des systèmes d'information de l'Etat permettent difficilement de mesurer le coût de cette réforme. La Cour l'a néanmoins estimé à 7,9 milliards d'euros en 2010 pour l'ensemble des administrations publiques.
Au total, en comptant tous les facteurs, on n'aboutit qu'à une diminution du déficit de 0,4 point de Pib seulement en 2010.
Le déficit structurel a, lui, encore légèrement augmenté en 2010 pour s'élever à environ 5 % du Pib. Ce niveau est supérieur d'environ un point à celui de la zone euro, hors France, et de trois points à celui de l'Allemagne.
Le calcul du solde structurel repose sur des hypothèses inévitablement fragiles, notamment le taux de la croissance potentielle de l'économie. Il est aussi possible de s'interroger sur la nature, structurelle ou temporaire, d'une partie du coût de la réforme de la taxe professionnelle ou de la baisse de l'investissement local en 2010.
Cependant, en tout état de cause, les éléments conjoncturels, la crise et le plan de relance, expliquent au plus 38 % du déficit de 2010.
Un meilleur critère pour apprécier les « fondamentaux » de l'équation des finances publiques est l'effort structurel qui mesure, lui, la contribution aux variations du déficit structurel de deux facteurs sur lesquels un gouvernement a le plus de prise : les mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires, d'un côté ; la maîtrise des dépenses publiques, de l'autre.
La croissance en volume des dépenses publiques, hors impact de la crise (indemnisation du chômage) et des mesures prises pour y faire face (plan de relance) n'a été que de 0,6 % et a donc très sensiblement décéléré par rapport à sa tendance des dix années précédentes (2,4 %).
Ce ralentissement a tenu pour les deux tiers à la baisse des dépenses des collectivités territoriales, notamment à la chute de leurs investissements. Les dépenses des administrations sociales ont aussi, globalement, décéléré en 2010.
L'effet de ce ralentissement de la croissance des dépenses a toutefois été quasiment annulé par celui des baisses d'impôts et, au total, l'effort structurel a été quasiment nul en 2010.
Si l'on approfondit l'analyse de 2010, il apparaît que le déficit s'est concentré sur l'Etat et les régimes sociaux, alors que celui des administrations publiques locales a diminué.
Nous avons cherché cette année, c'est une nouveauté, à décomposer le déficit structurel par catégories d'administrations publiques. Ce travail montre que le déficit structurel total est strictement égal à celui de l'Etat et des organismes divers d'administration centrale. Les administrations locales ont un léger excédent structurel. Le régime général connaît, lui, un déficit structurel égal à 0,7 point de Pib, situation préoccupante et même injustifiable puisqu'il s'agit de financer des prestations courantes.
En ce qui concerne l'Etat, le rapport approfondit l'analyse des charges d'intérêt en formulant à ce sujet deux remarques. Tout d'abord, ces charges ont été inférieures à la prévision, ce qui a permis de rembourser certaines dettes de l'Etat, ce qui est bienvenu, mais aussi d'abonder les crédits d'autres missions et de financer le dépassement des crédits de rémunération. En second lieu, malgré la baisse des taux, les charges d'intérêts ont été supérieures de 7,7 % à celles de 2009 ; il faut y voir la conséquence mécanique de l'alourdissement de la dette.
Nous avons aussi établi un bilan des mesures budgétaires et fiscales du plan de relance. Leur coût a nettement diminué en 2010, notamment sa composante fiscale, et elles ne devraient plus rien coûter en 2011. Cependant, sur l'ensemble des deux années 2009 et 2010, ce coût (42 milliards d'euros) aura été supérieur d'environ 20 % à l'estimation initiale.
Le besoin de financement de l'ensemble des administrations sociales, c'est-à-dire de la sécurité sociale, mais aussi de l'Unedic, des régimes complémentaires et du fonds de solidarité vieillesse (FSV), s'est aggravé en 2010 de 7,8 milliards d'euros. Dans cet ensemble, le déficit global des régimes de base et du FSV a atteint 30 milliards d'euros, bien que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) ait été respecté et que les prestations sociales aient ralenti, en partie du fait de leur indexation retardée sur l'inflation, qui avait été quasi nulle en 2009. Le déficit de l'assurance chômage s'est aussi aggravé pour atteindre 2,9 milliards d'euros.
Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, leurs dépenses totales ont diminué de 0,5 % en valeur et de 2 % en volume, alors que leur croissance en volume avait été de 3,6 % par an sur les années 1999 à 2009, hors impact des transferts de compétences.
Cette forte inflexion traduit celle de leurs dépenses de fonctionnement (de 3,9 % en 2009 à 2,2 % en 2010), notamment celle des dépenses de personnel, mais elle résulte surtout d'une chute de 8,3 % de leurs investissements. Le besoin de financement des collectivités territoriales a en conséquence diminué de 4,5 milliards d'euros en 2010 pour se rapprocher de l'équilibre.
Enfin, notre audit a été étendu, cette année, hors du champ des administrations publiques, aux entreprises publiques du secteur marchand. Leur situation financière s'est sensiblement dégradée de 2007 à 2010. Si leurs fonds propres semblent suffisants au regard de leur endettement financier (124 milliards d'euros en 2010) pour limiter les risques de recapitalisation, l'Etat ne peut guère escompter de dividendes plus élevés.
Venons-en maintenant aux perspectives pour 2011. Le déficit public devrait nettement diminuer, grâce en partie à la disparition des dernières mesures de relance, mais il restera très élevé, notamment dans sa composante structurelle.
Les recettes publiques seront sans doute conformes aux prévisions initiales du Gouvernement, voire supérieures. La conjoncture a en effet été jusqu'ici plus favorable que prévu. En revanche, la réalisation des objectifs de croissance des dépenses, si elle n'est pas impossible, n'est pas acquise.
L'Etat a engagé de nouvelles dépenses depuis la loi de finances initiale et les crédits de certaines missions budgétaires sont insuffisants. Des ajustements sont donc nécessaires et devront être inscrits en loi de finances rectificative.
Les dépenses d'assurance maladie ayant été inférieures à l'objectif de 2010, et partant donc d'un niveau plus faible, elles devront pouvoir respecter l'objectif de 2011 plus facilement. La réforme des retraites produit ses premiers effets. La meilleure tenue de la masse salariale et, surtout, des apports substantiels de recettes nouvelles devraient permettre d'enregistrer un début de réduction des déficits sociaux en 2011.
Les prévisions relatives aux comptes des administrations publiques locales sont très fragiles, notamment du fait de la volatilité des droits de mutation et des incertitudes sur l'évolution des investissements locaux. Il est néanmoins vraisemblable que, en dépit de la situation difficile de certains départements, le résultat d'ensemble des administrations locales ne devrait pas être préoccupant au regard du déficit public total.
Sous réserve d'une stricte maîtrise des dépenses, le déficit global des administrations publiques peut donc être ramené à 5,7 % du Pib en 2011, comme prévu par le Gouvernement. Ce faisant, il resterait tout de même très supérieur à la moyenne des autres pays de la zone euro (3,9 %) et à celui de l'Allemagne (2 %).
En outre, le déficit structurel serait encore de 3,9 % du Pib selon la Commission européenne, soit plus que dans les autres pays de la zone euro (2,8 %) et bien plus qu'en Allemagne (1,4 %).
Enfin, l'effort structurel de réduction du déficit serait, au regard de l'estimation faite par la Cour de la croissance potentielle, de seulement 0,6 point de Pib, alors que un point de Pib serait nécessaire.
Dans ces conditions, l'objectif devrait être, à notre sens, non de se satisfaire de 5,7 % du Pib en 2011, mais de ramener le déficit au-dessous de ce chiffre, si la conjoncture le permet. Nous le soulignons d'autant plus que les incertitudes et les risques de la période à venir doivent inciter notre pays à aller plus vite.
Si nous examinons les perspectives à moyen terme à présent, il apparaît que le programme de stabilité repose sur un cumul d'hypothèses favorables dont les modalités ne sont pas explicitées.
La Cour retient l'hypothèse d'une croissance potentielle de 1,6 % par an sur les années 2012-2014. Cette estimation est évidemment un ordre de grandeur et elle est supérieure à celle des organisations internationales. Or le programme de stabilité adressé à Bruxelles repose sur un cumul d'hypothèses favorables.
Selon ce plan, la croissance atteindrait 2,25 % en 2012 et 2,5 % en 2013 et 2014. Si une croissance plus forte que son potentiel est envisageable dans une phase ascendante du cycle économique, cette prévision semble néanmoins relativement optimiste.
En outre, le programme de stabilité retient une élasticité des prélèvements obligatoires au Pib significativement supérieure à 1 en 2012 et 2013. Là encore, ce résultat n'est pas impossible, mais ce n'est pas l'hypothèse la plus prudente. Une élasticité unitaire conduirait à un déficit public de 3,5 % du Pib en 2013, et non de 3 %.
Le programme de stabilité prévoit enfin des mesures nouvelles de hausse des prélèvements à hauteur de 3 milliards d'euros chacune des années 2012 à 2014. Cependant, les mesures permettant d'atteindre ce montant en 2013 et 2014 ne sont pas précisées.
Du côté des dépenses, il prévoit une croissance moyenne annuelle de 0,6 % en volume, c'est-à-dire en euros constants ou hors inflation, sur les années 2012 à 2014. Leur croissance spontanée, c'est-à-dire sans nouvelles économies, est difficile à apprécier, mais leur tendance sur les années 2000 à 2010 était de 2,3 % en volume par an. Cela illustre l'importance de l'inflexion nécessaire. Les mesures déjà annoncées et pour lesquelles des économies sont à peu près identifiables, comme la réforme des retraites ou la révision générale des politiques publiques, n'assureront pas, à elles seules, cette inflexion.
La stabilité de l'investissement public, en pourcentage du Pib, qui est inscrite dans le programme de stabilité est, en particulier, incompatible avec les investissements d'avenir et le Grenelle de l'environnement, ou alors il faudrait une nouvelle et forte baisse de l'investissement local, ce qui n'est vraisemblablement pas souhaitable. Les engagements de l'agence française de financement des infrastructures de transport représentaient déjà, à eux seuls, quelque 24 milliards d'euros à fin 2010.
Après cette analyse des déficits annuels, venons-en aux déficits accumulés, c'est-à-dire à la dette publique. Le message de la Cour est sans ambigüité : pour éviter tout emballement, il faut freiner le plus vite et le plus fortement possible sa progression.
En 2010, la dette publique a continué à croître pour frôler les 1 600 milliards d'euros en fin d'année (soit 82,3 % du Pib). La charge d'intérêt a dépassé les 50 milliards d'euros, soit autant que les crédits cumulés des missions « Défense » et « Travail et emploi ».
La dette publique des autres pays de la zone euro a certes plus augmenté que celle de la France en 2010, malgré des déficits plus faibles. En effet, en France, l'Etat a freiné sa progression par des mesures de trésorerie, alors que, dans d'autres pays, il a emprunté des montants très élevés pour soutenir des banques (13,4 points de Pib en Allemagne fin 2010 contre 0,1 point en France). Cette situation reflète la bonne résistance des banques française à la crise mais ne doit pas créer d'illusion sur la situation réelle de nos finances publiques.
Comme son déficit restera nettement plus élevé en 2011, la dette de la France pourrait dépasser celle de l'Allemagne de plus de deux points de Pib fin 2011, selon la Commission européenne, puis continuer d'augmenter rapidement.
L'évolution de la dette dépend surtout du déficit primaire, c'est-à-dire hors charges d'intérêts. Si le déficit primaire structurel restait à son niveau de 2010, la dette publique atteindrait 90 % du Pib dès 2012, puis 100 % en 2016 et 110 % en 2020.
Toujours en 2020, dans ce « scénario de l'inacceptable », la charge d'intérêts représenterait 4 % du Pib et presque 10 % des prélèvements obligatoires, soit plus que les crédits des missions « enseignement scolaire » et « recherche et enseignement supérieur » réunies.
J'insiste en disant qu'il ne s'agit pas là de prévisions mais de projections de ce que peut nous réserver l'avenir si aucune mesure de redressement n'était prise par rapport à la situation actuelle. Cet exercice vise seulement à mettre en évidence le risque que représenterait l'inaction et plus encore celui qui s'attacherait à des mesures nouvelles de baisse des impôts ou d'augmentation des dépenses.
La dette sociale résulte de l'accumulation de déficits courants qui constituent en eux-mêmes, la Cour le répète volontairement, une anomalie et une injustice. Elle a poursuivi sa progression en 2010 pour atteindre 176 milliards d'euros en fin d'année, dont la moitié environ était portée par la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 a prévu des transferts à la Cades des déficits du régime général et du FSV jusqu'à fin 2018, dans la limite de 130 milliards d'euros au total.
Or, avec une croissance de la masse salariale de 3,5 % par an, égale à la moyenne des douze dernières années, et une croissance de l'Ondam de 2,8 % par an, la Cour a calculé que le déficit de la branche maladie serait encore de 5 milliards d'euros en 2020 et son déficit cumulé depuis 2012 atteindrait alors 60 milliards d'euros.
De plus, l'équilibre des régimes de retraite à l'horizon de 2020 n'est pas assuré, du fait notamment de la fragilité du scénario économique qui sous-tend les projections et du caractère incertain de l'hypothèse d'un transfert de cotisations d'assurance chômage vers des cotisations d'assurance retraite. Le cumul des risques pesant sur leurs comptes pourrait conduire à un déficit annuel de 12 milliards d'euros en 2020.
A défaut de mesures de redressement et dans un scénario économique prudent, les risques pesant sur les branches maladie, retraite et famille pourraient au total nécessiter, à l'horizon de 2020, un nouveau transfert de 100 à 120 milliards d'euros à la Cades en sus des 130 milliards d'euros déjà prévus. Ce serait incompatible avec le terme actuel - 2025 - fixé pour le remboursement de ses dettes. Une partie de ce transfert devrait d'ailleurs être effectuée dès 2013.
Une fois de plus, il ne s'agit pas d'une prévision, mais de la mesure d'un risque qui appelle à l'évidence des mesures correctrices.
A plus long terme, les perspectives démographiques de la France sont plus favorables que celles des pays voisins, notamment l'Allemagne. C'est un point positif, mais il faut aussi savoir que son déficit structurel est plus éloigné que dans les autres pays européens de celui qui permettrait de stabiliser la dette en pourcentage du Pib.
La soutenabilité à long terme des finances publiques françaises est beaucoup plus affectée par le déficit structurel actuel que par les conséquences futures du vieillissement de la population. C'est dire que, sans réduction rapide du déficit, la dette peut s'emballer.
Or, le risque d'emballement de la dette publique reste une menace majeure.
C'est vrai qu'il faut sûrement faire preuve de beaucoup de prudence lorsque l'on évoque la notion de seuils en la matière. Il ne peut cependant être raisonnablement exclu que, au-delà d'un certain niveau, estimé par certaines études à 90 % du Pib, l'endettement puisse déclencher des réflexes de précaution défavorables à la croissance chez les ménages et entreprises et que, au-delà de 10 % du produit des prélèvements obligatoires, la charge d'intérêt conduise à une dégradation de la notation des emprunts d'Etat, ce qui ne ferait que renforcer la « boule de neige » des intérêts.
Le rapport rappelle à cet égard qu'une hausse d'un point de l'ensemble des taux d'intérêt entraîne, pour l'Etat, une charge budgétaire supplémentaire qui augmente progressivement de 2 milliards d'euros la première année à 6 milliards d'euros la troisième, 9 milliards d'euros la cinquième et 14 milliards d'euros la dixième. Sur les six premières années, cela représenterait un montant cumulé supérieur aux 35 milliards d'euros des investissements d'avenir. Ce rapprochement mérite à notre sens d'être médité.
L'endettement public présente un risque majeur pour la cohésion de la zone euro et la France se doit d'éviter une divergence trop importante entre l'évolution de sa dette et celle de ses partenaires, notamment l'Allemagne.
Certes, comme l'ont montré les exemples de plusieurs pays au cours de ces dernières années, l'Espagne et l'Irlande en particulier, les crises et la dégradation des comptes publics peuvent aussi résulter de déséquilibres macroéconomiques. L'audit des finances publiques doit prendre en compte ces risques.
La Cour a donc comparé la situation de la France à celle de la moyenne des autres pays européens, au regard de plusieurs indicateurs macroéconomiques relatifs notamment aux échanges extérieurs, au financement de l'économie, à l'investissement ou aux inégalités sociales. Ils montrent que la dégradation de ses finances publiques constitue, avec ses pertes de compétitivité et l'aggravation du déficit de ses échanges extérieurs, la principale faiblesse relative de la France, et une menace susceptible d'affecter son potentiel de croissance.
Il est donc impératif de prévenir l'emballement de la dette en réduisant rapidement le déficit. La Cour a recommandé, dès l'an dernier, un effort structurel d'un point de Pib par an - soit de l'ordre de 20 milliards d'euros - jusqu'à ce que le déficit structurel soit résorbé. Un tel effort permettrait d'arrêter la croissance de la dette aux alentours de 86 % du Pib puis de la ramener à 72 % en 2020.
Ce scénario de redressement est proche de celui du programme de stabilité. Cependant, l'effort structurel serait un peu plus important (un point de Pib au lieu de 0,8) et devrait être poursuivi un peu plus longtemps (jusqu'à 2015 au lieu de 2014). Les mesures permettant de réaliser l'effort structurel inscrit dans le programme de stabilité doivent surtout être mieux étayées, c'est la condition de la crédibilité de notre pays dans le concert européen et international. C'est une exigence si l'on entend préserver l'indépendance de nos choix économiques et sociaux.
Un effort de redressement des finances publiques de l'ordre de celui qui est aujourd'hui nécessaire appelle, selon nous, des outils et une stratégie.
Les lois de programmation pluriannuelle constituent un outil essentiel. Le bilan de la première loi de programmation, prévu pour chaque année par celle-ci mais que le Gouvernement n'a pas présenté en 2009 et 2010, permet de tirer les enseignements pour améliorer les suivantes.
Dans ses précédents rapports, la Cour avait déjà souligné que les règles édictées n'avaient pas toujours été respectées : la règle de gage des dépenses fiscales, la règle de préservation des recettes fiscales de l'Etat, la norme de croissance « zéro volume » des dépenses budgétaires. L'Ondam, s'il a été respecté en 2010, ne l'avait pas été en 2009.
Dans le rapport que je vous présente aujourd'hui, la Cour note que les dépenses publiques étaient, en 2010, supérieures de 14 milliards d'euros au montant qui aurait résulté d'une croissance conforme à la première loi de programmation.
Le budget triennal de l'Etat est au coeur, bien sûr, de la programmation des finances publiques. En fixant des plafonds par mission budgétaire pour trois ans, il permet de préciser les efforts et de donner de la visibilité aux responsables de programme.
La comparaison des annuités du budget triennal 2009-2011 avec les crédits votés et les dépenses exécutées est rendue très difficile par d'incessants changements de périmètre. Elle montre cependant que les crédits ou les dépenses exécutées ont été supérieures de plus de 5 % au montant prévu dans le budget triennal pour un tiers des missions. Les dépassements sont systématiques pour les missions « Agriculture », « Immigration », « Médias » et « Travail et emploi ».
Des redéploiements de crédits sont naturellement inévitables pour faire face à des événements exceptionnels. Leur fréquence, leur ampleur et leur récurrence, pour certaines missions, constituent cependant le signe d'une budgétisation insuffisamment rigoureuse. Ce premier exercice de budgétisation pluriannuelle était certes un apprentissage. On doit souhaiter que les redéploiements soient plus limités à l'avenir.
La deuxième loi de programmation, pour les années 2011-2014, comporte des novations bienvenues.
Les dispositions d'une loi de programmation peuvent cependant être remises en cause par d'autres lois, comme ce fut le cas en 2009 pour la baisse de la TVA sur la restauration.
Le projet de loi constitutionnelle vise à donner aux lois de programmation une plus grande portée juridique mais, qu'il soit ou non adopté - ça n'est pas le problème de la Cour - les lois de programmation présentent des insuffisances auxquelles il faudrait remédier, nous semble-t-il, pour leur donner plus de sens et de poids.
Ces lois concernent l'ensemble des administrations publiques mais les collectivités territoriales et certains régimes sociaux bénéficient, dans le cadre des lois qui les régissent, d'une autonomie qui peut permettre des décisions contraires aux engagements nationaux. Il conviendrait d'organiser de façon pérenne un processus associant, impliquant l'ensemble des acteurs dans l'élaboration puis le suivi des objectifs contenus dans les lois de programmation et les programmes de stabilité.
Nous suggérons que des dispositions, dans la Constitution ou une loi organique, soient ajoutées pour assurer l'indispensable équilibre des comptes sociaux, au moins en termes structurels.
Les systèmes comptables, les dispositifs de suivi et d'alerte, les rapports d'exécution, les conditions dans lesquelles le Parlement peut débattre des résultats de l'année antérieure pour l'Etat, la sécurité sociale et l'ensemble des administrations publiques, sont autant d'outils de pilotage qui doivent enfin être sensiblement améliorés. La Cour formule à cet égard diverses propositions.
Si la programmation et les règles sont utiles, elles ne suffisent cependant pas.
Le redressement des comptes publics ne peut venir que de réformes ambitieuses et inscrites dans la durée.
L'effort de redressement nécessaire est de l'ordre de 20 milliards d'euros par an pendant plusieurs années. Nous sommes conscients que cet effort est important et que les mesures prises ou à prendre doivent satisfaire un double impératif : la solidarité nationale et la compétitivité des entreprises.
L'équation est complexe, la Cour ne prétend avoir ni la solution ni la légitimité d'en proposer une. En revanche, elle a estimé possible de dégager une problématique permettant d'éclairer les choix qui seront les vôtres et qui devront intervenir. Compte tenu du niveau déjà atteint par les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires en France, la consolidation budgétaire devrait passer pour plus de la moitié par une action sur les dépenses.
Il ne s'agit pas de réduire toutes les dépenses, mais de limiter leur croissance globale. La Cour estime qu'un effort de redressement portant à 60 % sur les dépenses supposerait ainsi que leur croissance annuelle soit ramenée à 0,4 % en volume, soit environ 2 % en valeur. C'est exigeant mais pas impossible et reste dans l'ordre de grandeur de ce qui est concevable sans remettre en cause les politiques et les services publics auxquels nos concitoyens sont attachés.
Un effort important de maîtrise des dépenses de personnel et des autres dépenses de fonctionnement a été engagé avec la révision générale des politiques publiques. La Cour en a toutefois montré les limites. Cet exercice doit être approfondi mais aussi étendu au-delà de l'Etat et de ses opérateurs.
Surtout, l'impact sur les comptes publics de réformes aussi délicates et inscrites dans la durée ne doit plus être annulé par de coûteuses baisses d'impôts : même s'il s'agit de mesure de nature différente, le coût de la baisse de la TVA sur la restauration équivaut budgétairement aux économies permises par le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'Etat pendant huit ans, économie nette d'une rétrocession de la moitié des gains de productivité aux agents.
Les interventions en faveur des entreprises doivent pouvoir être réexaminées, les prestations sociales représentent 45 % des dépenses publiques. La consolidation budgétaire serait difficile sans ralentir leur croissance. Cela apparaît possible, là aussi, sans remettre en cause la solidarité nationale, dès lors que l'on s'efforcerait de mieux cibler sur les personnes qui en ont le plus besoin.
Même dans un domaine comme la politique de l'emploi, des économies sont envisageables en suivant ces principes. Dans le champ de l'assurance maladie, elles sont indispensables car le déficit, une fois de plus, est injustifiable. Le retour à l'équilibre doit en ce domaine être programmé pour 2014 au plus tard.
L'Ondam doit être respecté année après année, ce qui suppose de poursuivre sans relâche l'effort d'optimisation. Mais la maîtrise des dépenses, aussi nécessaire soit-elle, ne suffira pas, selon nous. La question du financement des dépenses de santé, très présente avant la crise mais quelque peu oubliée depuis, devrait être rapidement reposée. Et la réflexion devrait inclure la possibilité d'une hausse de la participation des assurés qui ne remette pas en cause l'accès aux soins des plus démunis.
Le ralentissement de la croissance des dépenses publiques ne suffira cependant pas pour rééquilibrer rapidement les comptes des administrations publiques. Une augmentation des recettes est inévitable, au moins temporairement. Elle doit passer prioritairement, selon nous, par une réduction du coût des dépenses fiscales et niches sociales dont la Cour a déjà montré l'importance.
Certaines niches ont certainement une utilité mais leur prolifération depuis quelques années présente de multiples inconvénients, en termes d'efficacité et d'équité.
Les mesures votées l'automne dernier en réduiront le coût de 10,8 milliards d'euros en 2012. L'effort devrait être deux fois plus important et réparti, pour des montants équivalents, entre les niches fiscales et sociales.
La Cour présente dans ce rapport une liste de mesures pouvant être partiellement ou totalement remises en cause, et dont le coût total s'élève à 27 milliards d'euros. Le Conseil des prélèvements obligatoires a également formulé quelques pistes de réflexion.
Au-delà de l'élargissement de leur assiette, une action sur les prélèvements obligatoires, leur structure, leur répartition nous apparaît nécessaire pour augmenter les recettes publiques, tout en améliorant la compétitivité des entreprises afin de soutenir la croissance potentielle, et en partageant équitablement les efforts. Sur ce point, nous prolongeons simplement ce que nous avions écrit en mars dernier sur la comparaison des prélèvements obligatoires en France et en Allemagne.
Les comparaisons internationales font apparaître des prélèvements fiscaux et sociaux pesant sur le coût du travail déjà élevés en France, au détriment de la compétitivité des entreprises et de l'emploi. Non seulement, il apparaît difficile de les alourdir, mais la question est également posée de certaines taxes payées par les entreprises sur leur masse salariale pour financer des politiques publiques spécifiques et de leur remplacement par des prélèvements sur des assiettes plus larges.
Des marges existent également en matière de fiscalité indirecte et environnementale. Ainsi, le rapport « France -Allemagne » a souligné qu'un alignement du taux réduit de TVA et de son champ d'application sur le régime qui prévaut en Allemagne se traduirait par une recette supplémentaire de 15 milliards d'euros. Ses éventuels effets dégressifs sur la distribution des revenus pourraient être compensés par des aides sociales ciblées sur les ménages aux revenus modestes.
Quant aux recettes tirées de la fiscalité environnementale, elles se trouveraient accrues d'environ 10 milliards d'euros si leur poids était aligné sur ce qu'il est dans le reste de l'Europe.
S'agissant des comptes sociaux, leur nécessaire rééquilibrage doit d'abord se faire en agissant sur les dépenses. Cette action risque toutefois d'être insuffisante, une hausse de la CSG pourrait s'avérer inévitable. Il en va de même pour la CRDS si notre pays continue à accumuler de la dette sociale après 2012.
En conclusion, la France part d'un déficit supérieur à la moyenne européenne et elle a programmé un redressement progressif de ses finances publiques fondé pour l'essentiel sur une modération de la dépense. Les mesures permettant une telle modération restent cependant pour une grande part à préciser.
Le message de la Cour se veut clair : il faut à la fois expliciter, intensifier et poursuivre ces efforts, en ne cédant ni à la tentation du relâchement, ni aux illusions susceptibles d'être entretenues par quelques résultats conjoncturels meilleurs.
Le programme de stabilité prévoit en 2012 une réduction de 1,1 point de Pib du déficit et de un point du déficit structurel. Le débat d'orientation des finances publiques qui va se tenir doit vous permettre d'éclairer le choix des mesures nécessaires qui seront inscrites dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2012 pour atteindre cet objectif.
Il apparaît indispensable d'agir dans le cadre d'une stratégie financière et fiscale de moyen terme globale, équilibrée, continue et cohérente.
Il y va de la croissance à long terme de notre économie. Il y va, plus largement, de la capacité du pays à rester pleinement maître de ses choix économiques et sociaux.
Le défi est réel, beaucoup de chemin reste à faire, mais la Cour a la conviction que ce défi peut être relevé par vous-mêmes. Elle espère que cet audit annuel de nos finances publiques contribuera à une meilleure prise de conscience des enjeux en même temps qu'il fournira des pistes utiles pour l'action.
Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Cette réunion commune illustre la relation de confiance existant entre les rapporteurs généraux de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, ainsi qu'entre les membres des deux commissions. Afin que le Parlement puisse avoir une vision globale de l'état des finances publiques, il conviendra un jour de consolider les budgets de l'Etat et de la sécurité sociale. A cet égard, les efforts de ceux qui tentent d'équilibrer les comptes de la sécurité sociale méritent d'être salués, tout en constatant que cette démarche se fait bien souvent au détriment du budget de l'Etat.
L'exposé du Premier président de la Cour des comptes corrobore les constats de la commission des finances sur l'évolution très préoccupante du déficit et de la dette. Comme le montre l'exemple grec, lorsqu'un Etat est menacé par un défaut de paiement, il risque de ne plus pouvoir emprunter et, dans une telle situation, les instances démocratiques de ce pays ne sont plus en situation de mettre en oeuvre elles-mêmes les réformes nécessaires.
L'augmentation des déficits des administrations publiques au cours des trente dernières années résulte, pour l'essentiel, de l'accroissement des dépenses de prestations sociales. Comment la Cour apprécie-t-elle, dans ces conditions, les ajustements nécessaires pour rétablir l'équilibre des comptes ?
Les lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ont été caractérisées par un excès d'optimisme dans la définition des hypothèses de croissance. Ne conviendrait-il pas, à cet égard, de confier la détermination des hypothèses macroéconomiques à une instance indépendante ? La Commission européenne partage les inquiétudes de la commission des finances relatives à cette insuffisante crédibilité des hypothèses inscrites dans le programme de stabilité des finances publiques.
En matière de fiscalité, il est indispensable d'infléchir la structure des prélèvements obligatoires. Sur ce sujet, la Cour des comptes formule quelques recommandations relativement timides. La Commission européenne est beaucoup plus déterminée, qui suggère de faire basculer les charges pesant aujourd'hui sur le travail vers la consommation ou l'énergie. N'est-il pas temps de procéder à cette réorientation qui pourrait constituer un facteur important de compétitivité ?
Mme Muguette Dini, présidente. - Le budget de l'Etat n'ayant pas encore absorbé celui de la sécurité sociale, le rapporteur général de la commission des affaires sociales et celui de la commission des finances vont intervenir successivement.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. - L'analyse sans concession de la Cour des comptes renvoie les pouvoirs publics à leurs responsabilités. Nous sommes aujourd'hui confrontés à la quadrature du cercle : comment réduire les déficits sans renoncer à soutenir les plus démunis de nos concitoyens ? Comment accroître les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale sans porter atteinte à la compétitivité ? Le constat opéré par la Cour sur la dette sociale est particulièrement inquiétant puisque, quelques mois après un transfert de 130 milliards de dette à la Cades, une nouvelle dette est en cours de reconstitution.
A propos de la réforme des retraites, la Cour note qu'en 2020, les différents régimes pourraient encore connaître un déficit de 12 milliards d'euros. Sur quels éléments aurait-il fallu agir de manière plus déterminée pour éviter une telle perspective ?
Au cours des dernières années, des mesures ont été prises pour contenir les dépenses d'assurance maladie. Depuis deux ans, l'Ondam fixé par le Parlement est respecté mais au prix d'un gel de certaines dotations qui sera difficile à poursuivre pendant une longue période.
Quels que soient les efforts accomplis en matière de dépenses, une augmentation des recettes de la sécurité sociale sera indispensable, au moins temporairement. La Cour est favorable à une réduction des niches sociales et fiscales. Quelles sont, à cet égard, les pistes qu'il conviendrait de privilégier ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. -Derrière l'analyse précise de la Cour sur la situation actuelle se dessine la nécessité d'un rééquilibrage de notre fiscalité et de la définition d'une stratégie des prélèvements obligatoires. Un transfert du financement des régimes de sécurité sociale vers la TVA permettrait de faire l'économie des dépenses budgétaires liées aux allégements de charges sur les bas salaires. Les efforts tendant à réguler la dépense ou à opérer des réductions d'allégement de charges demeureront toujours insuffisants si les pouvoirs publics ne s'attaquent pas aux éléments fondamentaux du système de prélèvements obligatoires.
Quelle appréciation porte la Cour sur le phénomène d'agencisation de l'Etat, c'est-à-dire la multiplication de taxes affectées à certains établissements, qui constituent un encouragement à la dépense publique. A titre d'exemple, le centre national de la cinématographie (CNC), dont le rôle est particulièrement utile, est alimenté par une ressource plus dynamique que les besoins de l'établissement, ce qui conduit à une accumulation de trésorerie contestable en période de déficit massif. La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) se donnait pourtant pour objectif de discipliner les taxes parafiscales et les contributions affectées.
En ce qui concerne la fiscalité indirecte, la Cour, dans un précédent rapport, soulignait que la mesure de réduction du taux de TVA sur la restauration avait vocation à disparaître automatiquement. Elle semble aujourd'hui plus circonspecte. Quelles sont les raisons qui justifient cette prudence ?
La prime pour l'emploi et le revenu de solidarité active (RSA) ont des objectifs très proches et une meilleure articulation de ces dispositifs, voire la suppression de l'un d'entre eux, serait souhaitable. Quelle est la position de la Cour sur ce sujet ?
La Cour semble suggérer la mise en place de règles contraignantes en matière de dépenses locales. Une telle préconisation n'est-elle pas contraire au principe d'autonomie des collectivités territoriales ? Ne convient-il pas plutôt d'agir sur le niveau des dotations et transferts de l'Etat à ces collectivités ?
M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. -La mission de la Cour n'est pas de faire preuve d'optimisme ou de pessimisme mais de porter des appréciations sur la situation des finances publiques à partir de chiffres précis relatifs à l'exécution des lois financières. La question des hypothèses macroéconomiques utilisées pour construire les lois financières est essentielle et la Cour constate que les pouvoirs publics ont retenu un cumul d'hypothèses favorables qui risque de ne pas se réaliser.
La question de l'évolution des prélèvements obligatoires sera déterminante au cours des prochaines années. En France, ces prélèvements pèsent davantage sur les facteurs de production et le coût du travail que dans d'autres pays où ils revêtent un caractère plus universel. Des déplacements peuvent donc s'organiser vers la TVA ou la fiscalité environnementale.
La résorption des déficits ne constitue pas la quadrature du cercle. Elle est possible en agissant simultanément sur la dépense et la recette, et en évitant à l'avenir que les efforts accomplis en matière de dépenses soient annulés par des pertes de recettes. Aucun redressement ne sera possible sans agir sur les dépenses sociales qui représentent 45 % de la dépense publique. Il conviendra de mieux cibler les dispositifs existants.
La réforme des retraites a été construite sur des hypothèses favorables de croissance et d'évolution du chômage, permettant un transfert de cotisations chômage vers l'assurance vieillesse. Il sera donc très difficile de parvenir à l'équilibre des comptes à l'horizon 2020. Cependant, si la réforme n'avait pas été faite, le déficit des régimes d'assurance vieillesse aurait atteint 32 milliards d'euros en 2020.
Le montant des niches sociales atteint aujourd'hui 70 milliards d'euros et une action déterminée de remise en cause totale ou partielle de ces niches est nécessaire.
En ce qui concerne la TVA réduite sur la restauration, la Cour n'a nullement changé de position et considère toujours que cette mesure disparaîtra. Mais dans certaines de ses hypothèses de travail, elle envisage le cas où le dispositif serait reconduit.
La libre administration des collectivités territoriales s'exerce dans le cadre des lois qui la réglementent et l'Etat, en étroite concertation avec ces collectivités, doit pouvoir fixer certaines orientations. Il n'est pas possible d'avoir des lois de programmation qui concernent toutes les administrations publiques sans mettre en oeuvre des dispositifs permettant de coordonner les différentes politiques.
Jeudi 23 juin 2011
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Loi de règlement des comptes, rapport de gestion pour l'année 2010 et débat d'orientation des finances publiques - Audition de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État
La commission procède à l'audition de M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010, et sur le rapport préalable au débat d'orientation des finances publiques (DOFP).
M. Jean Arthuis, président. - En raison du programme serré de notre commission, cette audition de M. Baroin a lieu en même temps que la lecture des conclusions de la CMP sur le projet de loi relatif à la bioéthique.
Monsieur le ministre, merci de nous rejoindre. Quelle est votre appréciation sur le projet de loi de règlement et, en conséquence, comment imaginez-vous le débat d'orientation des finances publiques pour 2012 ?
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement. - Notre débat d'orientation des finances publiques va marquer une étape importante. Il est l'occasion, d'une part, de détailler notre stratégie pour les trois années à venir et, d'autre part, de confirmer la politique volontariste de maîtrise des finances publiques engagée, en particulier depuis 2011. Si les résultats sont meilleurs que prévu en 2010, les cicatrices de la crise sont profondes et durables. Le budget est exigeant et il n'est pas question de s'éloigner de notre trajectoire car il est primordial de tenir l'engagement intangible d'un déficit public de 2 % en 2014.
Pour commencer, un élément positif : le déficit public pour 2010 est estimé à 7,1 % du PIB en fin d'année, contre des prévisions respectives de 8,5 % et de 7,7 % dans les lois de finances initiales pour 2010 et 2011. Ces améliorations successives s'expliquent par une reprise plus dynamique, le moindre coût de la réforme de la taxe professionnelle et, surtout, l'effort remarquable consenti par les acteurs de la dépense publique. En effet, celle-ci n'a augmenté que de 0,6 % cette année contre une moyenne de 2,3 % entre 2002 et 2008. Un taux historique qui, compte tenu des masses en jeu, se traduit en des milliards d'économies.
L'État a respecté strictement le plafond autorisé et la norme de dépense en 2010, bien que l'inflation ait atteint 1,5 %, contre une prévision de 1,2 %. Cela représente une moindre dépense de 1 milliard environ. Pour la première fois depuis 1997, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), fixé à 3 %, a été tenu. Il est de 2,9 % en 2011 et de 2,8 % les deux années suivantes.
Les collectivités locales ont également participé à cet effort en modérant leurs investissements.
Les recettes budgétaires, quant à elles, ont progressé de plus de 16 % par rapport à 2009. Hors programme d'investissements d'avenir et plan de relance, la dépense s'établit à 352,5 milliards pour un plafond fixé à 352,6 milliards.
Pour 2010, la Cour des comptes a certifié les comptes de l'État avec sept réserves, contre neuf l'année précédente : nous progressons en matière de transparence et de qualité des comptes publics.
J'en viens à notre stratégie pour la période 2011-2014 : maîtrise durable de la dépense publique et réformes porteuses de croissance. Le Gouvernement sera au rendez-vous des engagements pris : ramener le déficit public au seuil de 3 % en 2013. Pour y parvenir, nous avions fixé un calendrier clair à l'automne dernier : 6 % du PIB en 2011 et 4,6 % en 2012. La conjoncture étant plus favorable, nous tablons désormais sur un déficit de 5,7 % fin 2011 - le Premier président de la Cour des comptes évoquait 5,9 % à la fin du premier semestre. En revanche, nous maintenons la prévision de 4,6 % pour l'année suivante en raison de la légère baisse de l'hypothèse de croissance pour 2012 : fixée à 2,5 % dans la loi de programmation, elle passe à 2,25 % dans le programme de stabilité soumis à la Commission européenne. Nous y croyons puissamment.
J'ai confiance en notre hypothèse d'une croissance de 2 % cette année. Fin août, à la demande du Président de la République, nous avions révisé le taux initial de 2,5 % ; des conjoncturistes évoquaient un taux de 1,6 %, mais aujourd'hui, le FMI et l'OCDE tablent respectivement sur 2,1 % et 2,2 %. Notre principal souci est de ne pas casser une croissance encore convalescente car, en définitive, la reprise de l'activité est la meilleure réponse à apporter aux populations les plus fragiles et les plus exposées à la crise. Au total, nous demeurons en ligne avec la loi de programmation.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2012 respectera strictement le budget triennal, preuve que ce dernier n'est pas cosmétique, pas plus que la norme « zéro valeur » hors dette et pensions - soit une stabilisation en euros courants des crédits et des prélèvements sur recettes qui sont fixés, en conséquence, à 275,6 milliards pour 2012 -, et la norme « zéro volume » - soit une augmentation annuelle au plus égale à l'inflation sur le périmètre de la norme élargie, ce qui correspond à 363,3 milliards. C'est d'ailleurs la plus contraignante des deux règles qui nous sert de référence. En outre, le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux se traduira par 30 400 suppressions de postes en 2012, un effort comparable aux années précédentes. Pour la première fois, les dépenses de personnel de l'État baisseront en valeur de près de 250 millions. Un tournant historique ! L'objectif triennal de réduction des dépenses de fonctionnement et d'intervention de 10 % se concrétisera par un effort global de 2,5 % en 2012, après 5 % en 2011. Enfin, comme l'an passé, les concours de l'État aux collectivités locales, à l'exception du Fonds de compensation de la TVA, seront stabilisés en valeur.
Grâce à la réforme des retraites, les dépenses des autres administrations de sécurité sociale seront également contenues. La dynamique des prestations vieillesse devrait significativement ralentir au cours des prochaines années : 1,8 % en moyenne annuelle entre 2012 et 2014, contre 2,8 % en 2010 et 2011.
Sur les recettes, le Gouvernement s'est engagé à ne pas procéder à une augmentation généralisée des impôts, à réformer la fiscalité du patrimoine sans que cela affecte les recettes de l'État, et à poursuivre la suppression des niches fiscales qui ne se justifient plus ou peu. Enfin, l'évolution des recettes reflétera la reprise de l'activité.
M. Jean Arthuis, président. - Merci de ces propos éclairants et encourageants, de cette vision confiante et optimiste des perspectives budgétaires en réponse aux observations alarmistes du Premier président de la Cour des comptes. Hier matin, en présentant le rapport de la Cour, celui-ci soulignait la montée en puissance d'une dette qui pourrait vite devenir une dette perpétuelle. Or le surendettement d'un Etat, ce dont la Grèce porte témoignage, peut aliéner lourdement son indépendance nationale. A cet égard, la France a pris des engagements. Et nous sommes nombreux, au sein de la commission des finances, à souhaiter un accord à Bruxelles pour sauver ce pays. A défaut, nous nous trouverions rapidement dans une situation périlleuse. Le laxisme a prévalu jusqu'alors, ce dont nous sommes responsables collectivement. Chacun savait que les Grecs trichaient... À ce propos, comment comptez-vous améliorer l'information du Parlement sur les engagements hors bilan ? Nous devons avoir une vision claire de cette partie intégrante des comptes publics pour mesurer les risques encourus en cas de sinistre et de défaut de paiement.
Je m'en tiendrai à quelques questions en commençant par la maîtrise des dépenses de fonctionnement et d'intervention. À la suite des conférences sur le déficit public au printemps 2010, le président de la République avait fixé l'objectif d'un abattement de 10 % en trois ans, soit 110 milliards. Un exercice dont nous avons mesuré toute la difficulté dès la loi de finances initiale pour 2011 : nous sommes plutôt à 0,5 % et, dans le meilleur des cas, à 1 %. Comment comptez-vous y arriver ? Quels guichets ciblez-vous ? L'aide personnalisée au logement et l'allocation aux adultes handicapés sont extrêmement sensibles...
En 2010, nous avons observé un rebond significatif des recettes fiscales : 39,3 milliards. Pour autant, seuls 8,6 milliards sont imputables à la croissance spontanée. En outre, les mesures nouvelles continuent de grever les recettes de 1,6 milliard. Avez-vous prévu des dispositions pour reconstituer la substance fiscale de l'Etat dans la loi de finances initiale pour 2012 ?
Pas moins de 11 missions sur 29 enregistreront des crédits supérieurs aux plafonds du budget triennal en 2012. Ces dépassements représentent 1,2 milliard, dont 400 millions sont imputables à des dépenses de guichet, l'hébergement des demandeurs d'asile par exemple. Réformerez-vous certains de ces guichets dans la loi de finances pour 2012 ? Si oui, lesquels ? Quelles économies escomptez-vous en tirer ?
De 1978 à 2009, la dépense publique a augmenté de 12 points du PIB, dont 7 sont imputables aux prestations sociales et 1,1 point seulement aux dépenses de fonctionnement des administrations publiques, rémunérations comprises. Dans ces conditions, tout ajustement d'ampleur de la dépense ne passe-t-il pas par la baisse des prestations sociales ?
Enfin, les économies liées au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ont donné lieu à quelques déconvenues. Nous avons encore en mémoire le décret d'avance de la fin 2010... En 2010, ces économies, soit 808 millions d'euros, ont été absorbées presque aux deux tiers par des mesures catégorielles. Et du côté de l'Education nationale, des corrections « techniques » ont conduit à majorer de 20 000 emplois le plafond ministériel en projet de loi de finances pour 2011. Le même phénomène se reproduira-t-il en 2012 ? Quel est votre sentiment sur la difficulté à avoir une image précise des effectifs de la fonction publique ?
M. François Baroin. - Les engagements hors bilan recouvrent notamment l'aide à la Grèce. Je suis entièrement disposé, sous une forme qu'il vous revient de définir, à vous communiquer en temps réel les chiffres précis, des prêts à la Grèce, qui n'entrent pas dans le solde maastrichtien.
M. Jean Arthuis, président. - Les engagements de retraite font également partie du hors bilan...
M. François Baroin. - Je suis très attaché à la transparence ; le Gouvernement est à la disposition du Parlement, selon des modalités que votre commission des finances déterminera.
Le Premier ministre, dans ses lettres-plafonds, a rappelé les objectifs du triennal pour la maîtrise des dépenses de fonctionnement et d'intervention : une réduction de 5 % en 2011, puis de 2,5 % les deux années suivantes. Nous respectons les plafonds fixés en prenant les mesures qui s'imposent, notamment en gelant les crédits. Dès le premier semestre, nous avons réalisé de nombreuses économies qui iront augmentant. Je pense à la suppression des niches sur les particuliers employeurs, les « 15 points », qui ont fait l'objet d'un débat tonique et à propos desquels j'ai reçu un volumineux courrier. Nous avons assumé cette mesure.
M. Jean Arthuis, président. - Sauf erreur de notre part, sur le fonctionnement, la baisse a été plutôt de 0,5 % en 2011, et non de 5 % dans la loi de finances initiale pour 2011...
M. François Baroin. - L'objectif d'une baisse de 10 % est triennal. Pour avoir occupé ces fonctions ministérielles, vous savez combien les arbitrages sont difficiles et les discussions de Bercy denses avec les autres ministères. Car nous tapons dans le dur ! Mais nous n'avons pas d'autre choix.
Vous m'interrogez sur les mesures les plus douloureuses et les plus difficiles : l'aide personnalisée au logement et l'AAH. J'avais fait des propositions au Sénat en ce sens l'été dernier. Depuis, le Président de la République a tranché : nous devons tenir nos engagements envers ces publics que la crise a fragilisés. D'où la modification dans la construction du budget triennal. Sincèrement, je doute que nous nous réengagions sur ce terrain en fin de législature. En revanche, nous supprimerons 3 milliards de niches fiscales - du jamais vu ! -, en sus des 11 milliards. Avec un déficit ramené à 5,7 %, il n'est pas nécessaire d'accélérer le mouvement. Nous verrons si vous souhaitez faire plus dans les débats. Dans tous les cas, ce ne sera pas simple : j'ai encore en mémoire la seconde délibération à l'Assemblée nationale...
M. Jean Arthuis, président. - Les niches à effet budgétaire immédiat sont peu nombreuses : la TVA et le crédit d'impôt recherche. Celles portant sur l'impôt sur le revenu se font sentir l'année suivante...
M. François Baroin. - Exact ! Raison pour laquelle nous avons tapé fort l'an dernier. Le bénéfice de la suppression des 15 points d'exonération de cotisations sociales pour les aides à domicile représente non seulement, si ma mémoire est bonne, 500 millions cette année, mais aussi chacune des années suivantes...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est curieux : depuis cette décision, le monde ne s'est pas écroulé !
M. François Baroin. - Certes ! Mais j'ai eu droit au goudron et aux plumes ! J'ai reçu, monsieur le rapporteur général, tous les courriers qui vous étaient adressés...
S'agissant des dépassements observés sur 11 missions, la loi de finances initiale pour 2012 s'inscrira pleinement dans le budget triennal sans proposer de mesures supplémentaires puisque, je n'y reviens pas, le déficit est déjà de 5,7 %. Nous prendrons les mesures nécessaires dans le collectif pour financer les dépenses imprévues - je pense à l'affaire des frégates - en redéployant les moyens à l'intérieur des plafonds fixés. J'en prends l'engagement devant vous.
Une action sur le périmètre social ? Nous faisons peser l'essentiel de l'effort sur les dépenses d'assurance maladie. Limiter l'ONDAM à 3 % en 2010 était, nous disait-on, impossible. Pourtant, nous y sommes parvenus. Je suis donc confiant sur sa réduction à 2,9 % en 2012 et à 2,8 % en 2013. La tâche sera rude, mais nous n'avons pas d'alternative. Au reste, je m'étonne de ce discours schizophrène, que ne tient évidemment pas votre commission, et qui consiste à soutenir la politique de maîtrise de la dépense tout en souhaitant l'alignement des crédits sur ceux du passé.
Enfin, le principe du « un sur deux ». La crise, additionnée au débat sur les retraites, a probablement poussé des agents à différer leur départ. En revanche, la montée en puissance de la réforme des retraites - nous le constatons dès à présent - incite les fonctionnaires à partir. Nous appliquerons le principe du « un sur deux » en nous fondant sur les départs effectifs. Les économies attendues sont de 7 milliards d'économies entre 2007 et 2012, en tout 15 milliards dès la deuxième vague de la RGPP en 2014. Cette politique s'est accompagnée d'un retour indiciaire plus ou moins élevé selon les départements ministériels, mais de 50 % en moyenne. En tout état de cause, grâce aux mesures individuelles, et malgré le gel du point d'indice, le pouvoir d'achat des fonctionnaires a progressé de 2,9 % à 3,5 %. Le « un sur deux » n'est pas négociable ; nous tiendrons bon.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !
Tout d'abord, une observation sur le cadrage budgétaire. Les hypothèques non financées pèsent déjà lourdement sur l'exécution du budget pour 2011 : 460 millions pour la garantie donnée à Thales, des mesures agricoles sans doute voisines du milliard et des dépenses supplémentaires pour les opérations extérieures. Car plus de troupes signifie mécaniquement plus de dépenses... En outre, de l'invention ingénieuse de la prime sur la valeur ajoutée résultera une perte de recettes pour 2012. La liste n'est pas exhaustive... Vous connaissez enfin notre prudence sur la prévision de croissance. Puisse la préparation de l'année budgétaire 2012 se bâtir dans le respect de l'esprit communautaire, comme nous l'a rappelé la Commission par une recommandation de recommandation. Bref, la préparation des documents budgétaires pour l'année prochaine et de la loi de finances rectificative en fin d'année ne sera pas de tout repos. Nous serons évidemment à vos côtés, mais pouvez-vous nous dire quelles sont les pistes que vous privilégiez pour quitter l'état actuel d'apesanteur dans lequel nous baignons pour retomber sur nos pieds ?
Quid du besoin de financement des primes d'épargne logement, au sein de la mission « Engagements financiers de l'Etat » ? Ce besoin serait fortement revu à la baisse. M. Fourcade s'en étonne : d'après ses travaux de contrôle en 2010, des générations de plan d'épargne logement arriveront à échéance en 2011 et en 2012, ce qui entraînera d'importantes dépenses budgétaires. Le Gouvernement ne serait-il pas tenté de reconstituer sa dette à l'égard du Crédit foncier de France aussitôt après l'avoir résorbée ? Cette question est significative car c'est grâce à cette économie - à mes yeux, encore virtuelle - qu'est respectée la règle du zéro valeur.
M. François Baroin. - Des mesures en cours d'exercice ? Il y en a toujours eu. Cette année, l'épilogue regrettable de l'affaire des frégates coûtera 460 millions à l'Etat. La nouvelle étant intervenue la veille de l'examen du collectif budgétaire à l'Assemblée nationale, nous avons dû, par un effet d'optique, porter cette somme en aggravation du déficit. Nous verrons comment, dans le projet de loi de finances rectificative, trouver les économies nécessaires pour ne pas impacter le déficit.
Chiffrer les mesures agricoles paraît prématuré. Nous serons très probablement en deçà du milliard. Nous en saurons davantage après la moisson des céréales et des oléoprotéagineux. En moyenne, les chiffres sont de 30 à 40 quintaux par hectare en moins ; dans ma région, ils sont plutôt de l'ordre de 60 à 65 quintaux.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Bref, une baisse de 15 % à 20 % des rendements !
M. François Baroin. - Cela étant, la montée en épi a été plus précoce... La sécheresse a également affecté l'élevage en avril et mai. Nous avons prévu 300 millions d'exonérations de taxes foncières ainsi qu'un dispositif de prêts-relais et d'accompagnement, au niveau européen, du non-versement de paiements obligatoires, soit un montant plutôt compris entre 650 et 700 millions.
Enfin, s'agissant des opérations extérieures, les besoins supplémentaires seront financés par redéploiement. Le président de la République a annoncé la réduction de la voilure de l'opération Licorne en Côte d'Ivoire, ce qui représente une source d'économie importante. Là encore, nous respecterons la norme « zéro valeur », ce qui est l'essentiel.
La prime envisagée vise effectivement à mieux répartir la valeur ajoutée avec les salariés. Nous souhaitons rester strictement dans le périmètre des dividendes. Or ceux-ci représentent ce qui reste quand tout a été payé. La décharge de cette prime à concurrence de 1 200 euros, a priori, ne coûte pas d'argent à l'Etat, non plus qu'à la sécurité sociale. Nous faisons le pari vertueux d'une augmentation de la valeur, que nous retrouverons dans la consommation.
Quant au taux de croissance, le passé récent plaide pour le Gouvernement : nous avons révisé le taux à 2 % en août par souci de sincérité budgétaire quand tous les conjoncturistes prédisaient un taux de 1,6 %. Le FMI et l'OCDE prédisent respectivement 2,1 % et 2,2 %. Toutes les recettes supplémentaires seront affectées au désendettement, je m'y engage.
Enfin, j'ai répondu au président Arthuis sur les engagements financiers de l'Etat...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Tel un saint Thomas budgétaire, nous voulons voir pour croire : la baisse du financement des primes d'épargne logement ne risque-t-elle pas de se transformer en hypothèque ?
M. François Baroin. - La baisse est de 300 millions en 2011 ; 350 millions en 2012. C'est une estimation technique qui tient compte des effets de la réforme du plan d'épargne-logement, encore difficile à cerner. De toute façon, nous ne reconstituerons pas de dette auprès du Crédit foncier de France.
M. Roland du Luart. - Le Parlement doit effectivement être tenu informé du coût de la solidarité vis-à-vis de la Grèce, je me réjouis de votre déclaration en ce sens. Pour 2012, quelle hypothèse retenez-vous pour les taux d'intérêt ? Si les taux remontent, l'équilibre budgétaire sera menacé...
M. Philippe Adnot. - Oui à la politique de maîtrise de la dépense publique. Mais attention à la cohérence du discours... Le 4 juillet prochain, nous examinerons un texte sur les sapeurs-pompiers. Au détour d'une transposition d'un texte européen, on crée soudainement une charge supplémentaire à la charge des collectivités. En plus, les sapeurs-pompiers volontaires, à qui cette mesure est destinée, n'ont rien demandé. Il faut absolument arrêter la machine infernale ! Je pourrai vous citer d'autres exemples... Nous voulons installer une nouvelle passe à poisson de la centrale hydroélectrique de Barberey. L'agence de l'eau nous explique que mieux vaut tout démonter pour obtenir 100 % de subventions !
M. Jean Arthuis, président. - Dans le même ordre d'idées, je suis surpris du niveau des rémunérations des directeurs généraux des bailleurs sociaux. Qui contrôle ces conventions ? Dans le domaine social, il faudra, un jour, revoir les conventions collectives de l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss). Pour redresser les finances publiques, nous aurons besoin de tous les groupes parlementaires.
Mme Nicole Bricq. - Chacun son chemin, chacun son rythme !
M. Jean Arthuis, président. - En tous les cas, je salue la concision du ministre.
M. François Baroin. - Nous savons pouvoir compter sur le président et le rapporteur général pour éclairer votre assemblée...
Les taux d'intérêt à court terme sont fixés à 0,8 % en 2010, 1,1 % en 2011 et 1,4 % en 2012 ; à long terme, le taux est de 3,64 % actuellement, contre 3,1 % pour 2010 et 3,6 % en 2012. Ils sont stables ces derniers mois ; nous sommes donc confiants.
Monsieur Adnot, vous avez dit juste. Le Président de la République, lors de la conférence des finances publiques, a annoncé un moratoire sur les normes supplémentaires. S'il n'est pas respecté, il faut le signaler au secrétariat général du Gouvernement.
M. Yann Gaillard. - Ne peut-on faire quelque chose pour échapper à la tyrannie des agences de notation ? Toute cette affaire repose sur le AAA, qui n'existait pas auparavant.
M. François Baroin. - En effet, il y a 25 ans, les Etats empruntaient à près de 80 %-85 % auprès des banques centrales. Le modèle a changé : désormais, ils se financent sur le marché, qui demande crédibilité et solidité. La France, parce qu'elle a la meilleure note, attire les investisseurs et profite de taux très avantageux. Il n'y a donc pas de temps à perdre. Voyons dans l'attitude exigeante de ces agences le contrecoup des reproches qui leur ont été faits de ne pas avoir su anticiper la crise : elles préfèrent ouvrir le parapluie, voire le parasol, plutôt que d'être mises au ban...
M. Jean Arthuis, président. - Soit, mais les investisseurs ont-ils absolument besoin des agences de notation ? Ils pourraient être capables d'analyser eux-mêmes la qualité de leur champ d'investissement. Enfin, pour éviter d'être à la merci de ces créanciers, la meilleure solution est de ne pas s'endetter !
M. François Baroin. - C'est la même chose avec les collectivités locales.
M. Jean Arthuis, président. - Et quand les prêteurs commenceront à se méfier, il faudra inventer des juridictions de redressement judiciaire pour des personnes de droit public...
M. Philippe Adnot. - D'autant que les collectivités ont perdu l'autonomie fiscale... Auparavant, le prêteur pouvait compter sur la levée de l'impôt ; ce n'est plus le cas. Il faut en tenir compte : dans mon territoire, j'ai baissé la garantie d'emprunt sur les HLM à 20 %.
M. Jean Arthuis, président. - Standard & Poor's a publié il y a un an une note très éclairante sur le sujet. C'est le début de la sagesse : certaines des dépenses engagées par les départements devront être revues. Il faut sortir de l'addiction à la dépense publique.
M. François Baroin. - Dur combat !
M. Jean Arthuis, président. - Le taux de cotisation au CNFPT a été ramené à 0,9 %. C'est déjà une bonne nouvelle. Et il est question que le Centre vende son immeuble parisien pour s'installer à Saint-Pierre-des-Corps...
Je vous remercie, monsieur le Ministre, de cette intéressante audition.