- Mardi 31 mai 2011
- Audition conjointe des représentants d'organismes de formation
- Audition de M. Marc Picquette, directeur de l'orientation et de la formation à Pôle emploi
- Table ronde - Relations entre Pôle emploi et les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca)
- Audition de Mme Véronique Hespel, inspectrice générale des finances, et MM. Pierre-Emmanuel Lecerf et Emmanuel Monnet, inspecteurs des finances, auteurs de l'« étude comparative des effectifs des services publics de l'emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni »
Mardi 31 mai 2011
- Présidence de M. Claude Jeannerot, président -Audition conjointe des représentants d'organismes de formation
La mission commune d'information procède à l'audition de M. Philippe Caïla, directeur général, Mmes Patricia Bouillaguet, directrice générale adjointe, et Anne-Marie Bjornson-Langen, directrice d'Afpa Transition, de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), MM. Laurent Boulanger, président de la commission sociale, et Philippe Scelin, président de la commission marchés et partenaires publics, de la Fédération de la formation professionnelle (FFP), Michel Clézio, président de la Fédération nationale des unions régionales des organismes de formation (Urof), et Gérard Navarro, vice-président du syndicat national des organismes de formation de l'économie sociale (Synofdes), affilié aux Urof.
M. Claude Jeannerot, président. - Nous avons le plaisir de recevoir les représentants de plusieurs organismes de formation.
Nous nous intéressons à la question de l'accès des demandeurs d'emploi à la formation professionnelle, qui est souvent décisive pour favoriser leur retour à l'emploi. Comment travaillez-vous avec Pôle emploi sur ce sujet pour orienter les demandeurs d'emploi vers les formations que vous proposez ?
L'Afpa occupe une position particulière par rapport à Pôle emploi. En effet, récemment, un millier de psychologues de vos équipes de travail ont été transférés à Pôle emploi. Par ailleurs, Afpa Transition, filiale de l'Afpa, accompagne les titulaires de contrats de transition professionnelle (CTP). Nous aimerions que vous nous présentiez cette expérience, qui vous place à peu près sur le même terrain que Pôle emploi, celui de l'accompagnement.
M. Philippe Caïla, directeur général de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). - Je précise qu'Afpa Transition est un département, non une filiale de l'Afpa ; cependant, nous détenons bien une filiale, qui est dédiée aux contrats de transition professionnelle historiques gérés par l'Afpa.
Pôle emploi a été constitué le 1er janvier 2009. Simultanément, le cadre institutionnel de l'Afpa a connu deux changements importants. Premièrement, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a abouti à la décentralisation de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi vers les conseils régionaux et à l'élargissement des compétences des conseils régionaux en matière de formation professionnelle. Auparavant, la formation professionnelle était financée par une subvention de l'Etat votée annuellement par le Parlement dans le cadre de la loi de finances. Deuxièmement, un avis du Conseil de la concurrence, rendu le 18 juin 2008, a modifié le cadre juridique de la formation des demandeurs d'emploi. Les activités de service public de l'Afpa, parmi lesquelles l'orientation des demandeurs d'emploi, ont été distinguées des opérations ouvertes à la concurrence, dont font partie les activités de formation des demandeurs d'emploi. L'Afpa exerce d'autres missions de service public, comme l'élaboration des titres du ministère du travail, qui était une de ses missions historiques.
En dépit des modifications juridiques intervenues, personne ne contestera le rôle de l'Afpa au sein du service public de l'emploi (SPE). Le changement d'organisation et d'environnement de deux grands opérateurs du SPE est intervenu en même temps. De ce fait, l'Afpa devait renouer et reconfigurer ses partenariats avec Pôle emploi.
Aujourd'hui, Pôle emploi, en tant que prescripteur de formations, pour les demandeurs d'emploi, détient un rôle de prescripteur vis-à-vis de l'Afpa. L'Afpa est également un opérateur de formation pour Pôle emploi, avec parfois des rapports de sous-traitance dans le cadre de mises en concurrence. Enfin, l'Afpa peut être, au cas par cas, partenaire de Pôle emploi, notamment lorsque nous montons des opérations financées par d'autres, notamment par les conseils régionaux.
Vous avez fait allusion à l'article 53 de la loi de novembre 2009 sur la formation professionnelle, qui a organisé le transfert des psychologues de l'Afpa vers Pôle emploi. Ce transfert nous a conduits à redéfinir nos relations avec Pôle emploi dans le cadre de l'action de prescription de Pôle emploi et de l'activité d'opérateur de l'Afpa. En revanche, les relations partenariales que nos deux organisations pourraient entretenir dans le cadre du service public de l'emploi n'ont pas encore été bien définies à ce stade.
Le 30 mars 2010, l'Afpa et Pôle emploi ont signé une convention, portant sur la mise à disposition des outils que l'Afpa utilisait pour la réalisation de ses prestations d'orientation, dites de S2. La convention vise également à rendre l'offre de formation de l'Afpa plus lisible, pour fluidifier l'entrée en formation. Notre relation s'organise autour d'un Extranet, mais le calage de cet outil informatique nous a posé des problèmes tandis que Pôle emploi a eu du mal à l'intégrer dans son propre système d'information. Enfin, la convention précise les modalités de sécurisation des parcours d'accès à l'emploi et à la qualification pour les bénéficiaires.
Le transfert des psychologues de l'Afpa à Pôle emploi a véritablement déchiré le corps social de l'Afpa, historiquement constituée autour d'un pôle « formateurs » et d'un pôle « psychotechnique du travail ». Jusque récemment, l'Afpa était le premier employeur privé de psychologues du travail en France. Elle a transféré 600 psychologues, 197 assistants techniques de l'orientation, 27 ingénieurs de formation, 55 adjoints technico-administratifs et 34 managers. Selon nous, ce transfert constitue un apport de savoir-faire à Pôle emploi pour réaliser ses missions d'orientation.
Le départ des agents de l'Afpa vers Pôle emploi a été organisé sur la base du volontariat. Conformément à nos prévisions, les trois quarts des salariés concernés ont choisi de partir, un quart demeurant à l'Afpa. L'organisation de l'Afpa en a été modifiée : nous avons créé une nouvelle direction « relation clients stagiaires », et mis en place le département interne Afpa Transition pour gérer l'activité d'accompagnement des personnes en transition professionnelle et des entreprises. Afpa Transition supervise les contrats de transition professionnelle et travaille avec Pôle emploi pour accompagner les personnes licenciées pour des raisons économiques.
Alors que la loi avait fixé la date du transfert au 1er avril 2010, Pôle emploi a été absorbé par ses problèmes d'organisation jusqu'en septembre 2009. C'est à partir du moment où la loi a été adoptée que les partenaires sociaux de l'Afpa ont commencé à négocier pour organiser les conditions du transfert, qui a été préparé entre novembre 2009 et mars 2010. Nous avons respecté les délais qui nous étaient impartis, ainsi que notre engagement auprès des salariés de leur laisser la possibilité de choisir ou non d'être transférés à Pôle emploi.
En 2009, dernière année pleine de réalisation de notre prestation d'orientation dite S2, 235 067 services d'appui à la construction d'un parcours de formation ont été réalisés par nos psychologues. Cette prestation consistait à recevoir les demandeurs d'emploi pour les orienter vers une action de formation, de préqualification ou vers d'autres prestations. L'année du transfert sur les neuf mois écoulés à partir du 1er avril 2010, Pôle emploi, qui a repris cette prestation sous le nom de prestation d'orientation professionnelle spécialisée (Pops), a réalisé 89 000 Pops. La continuité du service a donc été globalement assurée, mais à un moindre niveau.
Nous nous félicitons de l'esprit de coopération qui a animé les équipes qui ont mené le projet de transfert, à la direction générale comme dans les directions régionales de Pôle emploi. Nous avons réuni plusieurs fois le comité de pilotage pour assurer le suivi du transfert après le 1er avril. La dernière réunion a eu lieu le 14 décembre 2010. Ces réunions nous ont permis de régler toutes les questions administratives.
Apprécier l'impact du transfert sur les relations entre l'Afpa et Pôle emploi me semble prématuré. L'Afpa est, par sa taille, le premier opérateur de formation de France et nous pouvons donc recevoir des flux importants de demandeurs d'emploi et de salariés. De ce fait, nous avons besoin d'une organisation industrielle pour amener dans nos formations un nombre significatif de demandeurs d'emploi. En 2010, année du transfert, nous avons reçu le même nombre de demandeurs d'emploi qu'en 2009, à 1 % près. Cependant, en 2011, nous devrons assurer nous-mêmes le recrutement des demandeurs d'emploi à qui Pôle emploi a prescrit des formations.
Mme Patricia Bouillaguet, directrice générale adjointe de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). - Dans le cadre des marchés subséquents passés par Pôle emploi, nous avons intégré près de 3 300 demandeurs d'emploi dans nos formations en 2010, soit un nombre plus élevé qu'en 2009, ce qui a généré 50 millions d'euros de chiffre d'affaires.
75 % des formations commandées par Pôle emploi sont qualifiantes. 28 % concernent les activités du bâtiment et des travaux publics (BTP), 10 % l'industrie, 12 % le tertiaire administratif et 31 % le tertiaire de services (hôtellerie et restauration, transports, services aux personnes et aux entreprises). 19 % des commandes de Pôle emploi portent sur des formations de remise à niveau sur les compétences de base ou sur des formations courtes d'adaptation des compétences.
Nous avons constaté une rigidité des commandes et une lourdeur des procédures administratives. A titre d'exemple, un appel d'offres a été lancé en juillet 2009 mais les premiers bons de commande nous sont parvenus seulement en décembre 2009. Or, la crise économique était manifeste dès la fin de l'année 2008 et la mobilisation de l'ensemble des acteurs était requise pour trouver des solutions rapides à la montée du chômage, notamment dans les régions touchées par des sinistres économiques.
Les modalités actuelles d'achat de formations, telles qu'elles sont mises en oeuvre, ne nous permettent pas de réagir rapidement à des évolutions conjoncturelles de l'emploi ni d'adapter le système de formation aux besoins qui en découlent en termes de reconversions et de formations pour les demandeurs d'emploi. Les formations se programment en amont, en tenant compte des formateurs et des activités proposées. Peut-être le dialogue avec les opérateurs de formation sur les modalités pratiques de mise en oeuvre des formations commandées est-il insuffisant ? Nous ne pouvons répondre dans un délai de trois jours à une commande de formation. Certaines commandes ont donc été traitées avec difficulté. Une réponse rapide à une commande n'est pas toujours compatible avec une programmation normale de nos activités. Nos formateurs ne peuvent intégrer à la dernière minute des demandeurs d'emploi supplémentaires. C'est pourquoi nous dialoguons en permanence avec Pôle emploi pour trouver des modes de passation de commandes de formation qui répondent aux besoins du marché de l'emploi tout en permettant aux opérateurs de maintenir un niveau de qualité conforme aux exigences des publics que nous recevons.
M. Philippe Caïla. - Je précise que nous ne remettons pas en cause le principe de l'appel d'offres lui-même, ni la mise en concurrence. Cependant, les modalités d'achat des prestations de formation par voie d'appel d'offres n'ont pas encore atteint en France un degré de maturité suffisant. En effet, soit le délai de passation des commandes est trop long, soit on nous demande de faire preuve de réactivité dans des délais beaucoup trop courts pour pouvoir redéployer notre offre de formation. Pour certains métiers, dans le BTP ou l'industrie par exemple, l'organisation d'une formation peut nécessiter le montage d'un atelier d'installation thermique et sanitaire à l'autre bout d'une région, ce qui est bien sûr plus compliqué que d'organiser une présentation sur paper board dans une salle.
Pour que nos procédures arrivent à maturité, il convient de faire travailler ensemble les différentes strates qui concourent à l'appel d'offres : les juristes, qui se préoccupent de rédiger un cahier des charges conforme au code des marchés publics, les techniciens, à la recherche des meilleures prestations possibles, les acheteurs, qui s'intéressent avant tout aux coûts.
M. Laurent Boulanger, président de la commission sociale de la Fédération de la formation professionnelle (FFP). - Le code des marchés publics, qui est le cadre juridique dont dispose la puissance publique pour gérer sa politique d'achat, est structurant aux yeux de la FFP. Il permet de donner corps aux grands principes de la liberté d'accès au marché et de l'égalité de traitement. Cependant, il faut distinguer l'esprit des textes de leur application. C'est là que le bât blesse parfois car la lecture que chaque institution a des textes peut être laxiste ou au contraire limitative et formaliste, comme c'est plutôt le cas pour Pôle emploi.
En effet, cet établissement obéit à une logique très normative, notamment en ce qui concerne l'achat de prestations d'accompagnement, un peu moins pour l'achat de prestations de formation. Les cahiers des charges sont exagérément centrés sur les moyens et les procédures. Ils laissent peu de place à la différenciation, à la singularité et à la plus-value des offres des différents prestataires. Nous devons décrire nos locaux par le menu, les fiches CV de nos formateurs sont entièrement modélisées et la prestation attendue est définie au quart d'heure près. Parallèlement, la pondération entre la note technique et la note attribuée en fonction du prix a conduit à favoriser le moins-disant, en contradiction avec l'esprit du mieux-disant qui anime le code des marchés publics.
Par ailleurs, le marché des prestations de formation est l'un des seuls, dans l'univers de la commande publique, à être aussi fragile financièrement. Nous espérons que cette situation évoluera lors du prochain appel d'offres. Les prestataires dépendent des flux prescrits par Pôle emploi, or les flux minimum et maximum prévus par les contrats varient dans un écart de un à trois. Pôle emploi nous a posé de réels problèmes de flux, au mépris du contrat moral que nous avions passé avec l'institution. En outre, une part de notre rémunération, de l'ordre de 30 % à 40 %, varie en fonction du placement des stagiaires. La récession économique a remis en cause notre modèle économique initial et créé une insécurité financière pour un nombre important de nos structures.
Au moment de mener les actions de formation, l'application des procédures administratives a occasionné de nombreuses difficultés. J'ai en effet l'impression de consacrer davantage de temps à rapporter nos actions qu'à les réaliser effectivement. Par exemple, une prestation de trois mois donne lieu à trois comptes rendus écrits. En outre, la gestion calendaire des signatures est kafkaïenne. Nous devons saisir les données sur deux systèmes d'information distincts. J'ai constaté qu'une prestation de trois mois peut nécessiter quatorze ou quinze procédures administratives différentes. Enfin, les preuves d'emploi sont gérées de façon très pointilleuse, ce qui complique le versement de notre part de rémunération variable. Pour caricaturer, nous avons l'impression que Pôle emploi n'a pas délégué ses services mais les a simplement externalisés.
En décembre 2010, la FFP et Pôle emploi ont signé une charte de coopération, qui repose sur le principe suivant : associer le stagiaire à la « production » de la formation. Cette charte vise à appliquer ce principe au stade de l'élaboration de la demande de formation, aussi bien qu'à celui de sa mise en oeuvre. Nous devons adopter une logique de co-construction avec Pôle emploi et dialoguer en permanence avec lui afin d'améliorer le service rendu. Cependant, dresser un bilan serait prématuré. Notre objectif est l'appropriation et la déclinaison locale de cette charte par les instances régionales de Pôle emploi et de la FFP. Les directions régionales de Pôle emploi semblent plutôt séduites par cette démarche.
En ce qui concerne la coordination entre Pôle emploi, les conseils régionaux et les branches professionnelles, il est difficile d'apporter une appréciation globale en raison des disparités qui existent entre les régions. Aussi, nous devrions peut-être plutôt nous demander si l'organisation actuelle favorise une coordination régionale efficace. Nous en doutons car chaque institution a sa propre légitimité qui découle de la nature de ses financements. Pôle emploi gère des financements nationaux, qui sont déconcentrés au niveau régional, tandis que les lois relatives à la décentralisation ont consacré l'autonomie des régions en matière de gestion des fonds de la formation. Les branches, quant à elles, sont financées par des fonds privés et obéissent à une logique sectorielle et non territoriale. Si l'espace régional représente, selon nous, le niveau d'intervention le plus adéquat, le fait régional n'existe pas encore. De plus, comme les acteurs sont concentrés sur l'élaboration des contrats de plan régionaux de développement de la formation professionnelle (CPRDFP), qui doivent être achevés d'ici le 30 juin, nous manquons de temps pour discuter de notre nécessaire coordination.
M. Michel Clézio, président de la Fédération nationale des unions régionales des organismes de formation (Urof). - Le rapport de la Cour des comptes de 2008, le rapport de M. Jean-Marie Marx sur la formation professionnelle et celui de Mme Rose-Marie Van Lerberghe sur la territorialisation de Pôle emploi, tous deux parus en 2010, dressent les mêmes constats et tirent les mêmes conclusions. La mise en oeuvre des axes de progrès est difficile pour plusieurs raisons :
- les demandeurs d'emploi sont mobiles, contrairement aux idées reçues. Ainsi, 40 % retrouvent un emploi dans un métier qui n'était pas le leur initialement, ce qui témoigne de leur bonne volonté lorsqu'il s'agit de changer de qualification professionnelle et d'être formés ;
- cependant, les demandeurs d'emploi bénéficient moins que les salariés de la formation professionnelle, en dépit de l'ouverture du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) aux demandeurs d'emploi et des efforts des partenaires sociaux en ce sens ;
- presque la moitié des demandeurs d'emploi auxquels les conseillers de Pôle emploi ont prescrit une formation n'y entrent pas effectivement.
Les rigidités liées à l'application du code des marchés publics ont conduit Pôle emploi à signer un accord-cadre qui permet des achats plus souples à travers la labellisation pluriannuelle des opérateurs de formation. Cependant, nous constatons que la politique d'achat reste problématique, malgré cet accord, en raison de problèmes techniques qui pourraient facilement être corrigés. Obliger chaque opérateur à être présent sur toute une famille de métiers et dans l'ensemble d'une région empêche de s'appuyer sur les compétences historiques reconnues des opérateurs sur un territoire. De même, les marchés subséquents relèvent parfois d'une logique obscure, tant en ce qui concerne la commande de certains métiers que la localisation des actions de formations. On m'a rapporté des situations incongrues, par exemple l'ouverture d'une formation de pizzaïolo dans un bourg, qui ne me semblent pas relever d'une analyse économique des besoins du territoire. Ce problème pose également la question de la complémentarité des acteurs, y compris en amont de la formation, en termes d'orientation, d'analyse économique et de mise en oeuvre des actions sur le territoire.
Je confirme que la procédure d'achat actuelle a un caractère technocratique. Cependant, elle présente l'avantage d'empêcher des opportunistes de remporter des marchés, sur un fondement déclaratif, en étant ensuite incapables d'assurer les prestations promises. Je suis favorable à une mise en concurrence exigeante des opérateurs.
De même, je suis plus favorable à une individualisation des parcours des demandeurs d'emploi qu'à l'émission de commandes ponctuelles de formation, de date à date, sur un parcours préétabli. Chaque demandeur d'emploi possède déjà des compétences et bénéficie d'expériences antérieures. Il doit s'approprier d'autres connaissances. C'est pourquoi nos prestations doivent être plus individualisées et organisées sous forme de modules. Nous devons réaliser un effort et les différents financeurs doivent agir en cohérence et en complémentarité. Or, aujourd'hui, cette définition d'une politique commune n'est sans doute pas suffisamment aboutie.
Enfin, le problème des compétences-clés doit être mieux pris en compte. Pôle emploi doit repérer plus finement les difficultés de certains demandeurs d'emploi dans l'appréhension des savoirs de base.
M. Gérard Navarro, vice-président du syndicat national des organismes de formation de l'économie sociale (Synofdes), affilié aux Urof. - Pôle emploi, en dépit de ses efforts, n'organise pas une concertation suffisante avec les opérateurs de formation. Les appels d'offres ne donnent pas lieu à une véritable évaluation. Les engagements de qualité ne sont pas souvent respectés et nous gérons très difficilement les flux, qui dépendent du calendrier scolaire et d'autres événements externes, ce qui est inacceptable. Les exigences administratives sont très importantes et les conditions financières qui nous sont imposées drastiques. Un demandeur d'emploi qui manque un jour de formation sur six mois n'est pas payé les six mois, ce qui me semble inique. Les délais de mise en oeuvre sont très courts et les opérateurs ne maîtrisent pas le volume des formations, ce qui leur complique la tâche.
Par ailleurs, le dialogue entre Pôle emploi et le demandeur d'emploi est limité, pour ne pas dire inexistant. Les demandeurs d'emploi n'ont pas de référent attitré et ignorent souvent où ils iront lorsqu'une formation leur est prescrite. Il nous est impossible de satisfaire aux exigences de placement demandées par Pôle emploi, qui sont intenables lorsque les demandeurs d'emploi sont très éloignés de l'emploi.
En outre, j'ai l'impression que Pôle emploi n'a pas pris la mesure de la réforme considérable de la formation professionnelle qui est aujourd'hui en cours. La coordination avec les conseils régionaux est satisfaisante en Franche-Comté, en Midi-Pyrénées ou dans le Limousin, mais est absente dans d'autres régions. Ainsi, en Ile-de-France, le conseil régional et Pôle emploi ont ouvert chacun, il y a une quinzaine de jours, un CAP petite enfance, ce qui n'était pas nécessaire au regard des besoins. Les offres de formation des différents acteurs ne sont pas assez complémentaires. Selon moi, nous devrions engager une réflexion globale entre les différents acteurs pour savoir plus précisément ce que nous pourrions offrir à nos concitoyens les plus démunis.
M. Claude Jeannerot, président. - Vos propos semblent attester d'un manque de concertation et d'échanges, et d'une organisation pointilleuse et bureaucratique de la commande de formations par Pôle emploi.
Le directeur général de l'Afpa a soulevé la question du recrutement des stagiaires de la formation professionnelle. Pôle emploi achète des formations en passant commande à un certain nombre d'organismes comme l'Afpa. Cela dit, la région représente un autre donneur d'ordres important. Comment Pôle emploi joue-t-il son rôle de prescripteur de formation, non seulement pour les formations dont il est lui-même commanditaire, mais également pour celles qui ont été achetées par la région ? Le joue-t-il correctement ? Si nous voulons considérer la formation comme une solution potentielle pour les demandeurs d'emploi, mobilisable par Pôle emploi et par les opérateurs de formation, comment les connexions fonctionnent-elles ?
M. Jean-Paul Alduy. - Après avoir écouté vos interventions, nous n'avons pas le moral ! La formation professionnelle est une clé du retour à l'emploi, or le mécanisme semble bureaucratisé et les flux non maîtrisés. Nous pouvons avoir le sentiment que les sommes dédiées à la formation professionnelle sont mal utilisées. Vous qui êtes directement concernés et désireux de voir le système fonctionner, quelles voies de progrès identifiez-vous ?
Dans le Nord-Pas-de-Calais, nous avons observé une plate-forme de formation qui réunit Pôle emploi et la région. Nous avons eu l'impression que son fonctionnement était satisfaisant, que le dialogue était réel, que les accords-cadres destinés à définir la politique de formation à moyen terme permettaient un travail efficace. Cette plate-forme est-elle la seule voie de progrès ? D'autres ont-elles été expérimentées ?
Mme Annie David. - De même que mon collègue, je comprends difficilement comment les demandeurs d'emploi peuvent espérer retrouver du travail par le biais de la formation dans ce contexte. Quelle était la situation antérieure à la création de Pôle emploi ? Ces difficultés sont-elles nouvelles ou anciennes ? Le caractère très technocratique et administratif des appels d'offres était-il déjà manifeste auparavant ? Selon vos propos, l'Afpa proposait 235 000 parcours d'orientation S2. Or Pôle emploi n'a réalisé que 89 000 Pops. Comment gérez-vous les conséquences de ce recul ?
Mme Christiane Demontès. - Je m'interroge sur l'évolution des relations entre l'offre de formation, les donneurs d'ordres et les stagiaires demandeurs d'emploi et salariés. Je vous rappelle que nous sommes partis d'une situation très insatisfaisante. Ancienne vice-présidente de la région Rhône-Alpes en charge de la formation, j'ai le sentiment que le marché de la formation a été fortement assaini. Autrefois, beaucoup de personnes peu sérieuses répondaient aux appels d'offres. Les critères plus rigoureux établis ensuite ont permis d'écarter les opérateurs les moins professionnels du marché de la formation. Quel est votre avis à ce sujet ?
Vous êtes évalués en fonction de vos résultats en matière de placement dans l'emploi. Est-ce choquant d'évaluer un opérateur proposant des formations aux demandeurs d'emploi à travers ce critère ?
M. Philippe Caïla. - Pôle emploi travaille bien avec l'ensemble des financeurs, sans privilégier les formations qu'il a lui-même achetées, si l'on excepte un ou deux problèmes sporadiques en région. Nous ne devons pas dresser de mauvais procès à Pôle emploi sur ce thème. Cependant, la qualité de la prescription s'est dégradée : nous devons nous assurer que les personnes qui nous sont envoyées sont en mesure de suivre la formation prescrite, pour éviter les spirales d'échec.
Monsieur le rapporteur, nous sommes optimistes. Seulement, les opérateurs que nous sommes jugent que les fonds publics seraient mieux employés s'ils n'étaient pas perdus dans une gestion administrative de la commande publique.
Je précise continuellement à nos formateurs que leur mission n'est pas de former à un métier mais de conduire les personnes à l'emploi par un métier. Telle est la finalité de notre action. Je ne m'oppose pas au paiement au résultat, tant que nous disposons d'une liberté sur nos moyens et nos modalités d'actions. Pour nous, la formation ne se limite pas à l'obtention d'un titre professionnel mais doit aboutir à l'insertion dans l'emploi. Nous demandons des procédures administratives allégées. Pôle emploi est un établissement public administratif, qui est régi par le code des marchés publics. Auparavant, les Assedic achetaient les formations de façon plus souple. Ses achats portaient sur des montants plus réduits et s'adressaient à un public plus restreint, circonscrit aux seuls demandeurs d'emploi indemnisés.
Je regrette l'absence d'une gouvernance régionale et d'une conférence des financeurs. La formation professionnelle est organisée selon un système de tiers payant : 5 % des ménages seulement en France paient leur formation, contre 30 % en Allemagne. Nous devrions envisager la création d'une conférence des financeurs au niveau régional. Cette structure permettrait d'additionner les financements, afin que les demandeurs d'emploi soient placés au centre d'une politique de développement territorial. Un système de gouvernance régionale est nécessaire compte tenu de la multiplicité des acteurs finançant la formation : conseils régionaux, Etat, organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) et demandeurs d'emploi.
Les 89 000 Pops ont été réalisées durant les neuf derniers mois de l'année 2010. La fusion de deux organismes aux cultures si différentes que l'ANPE et les Assedic a conduit à ce que les problèmes d'organisation prennent le pas sur la mission, dans un contexte où l'organisme faisait face à une conjoncture très difficile. La conduite de la fusion était prioritaire. Elle a gêné la continuité de nos actions et de celles du service public de l'emploi. Cependant, nous sommes rassurés car nous avons reçu autant de demandeurs d'emploi en 2010 qu'en 2009, en organisant le recrutement avec le conseil régional.
M. Claude Jeannerot, président. - Cela veut-il dire que la fonction de recrutement dans les formations que vous proposez aujourd'hui est gérée de façon satisfaisante ?
M. Philippe Caïla. - Tout ceci est encore très récent puisque le système a été mis en place il y a moins d'un an. Notre fonction de sourcing en recrutement doit bénéficier d'une montée en compétences. D'ici deux ans, je saurai si le processus est devenu plus fluide.
La prescription de formation doit être souple, pour permettre aux organismes de formation de positionner les demandeurs d'emploi et de les accompagner dans leur parcours de formation. Or la prescription est parfois trop bureaucratisée.
M. Claude Jeannerot, président. - Nous pressentons qu'il y a une marge de progrès dans la prescription de formations par Pôle emploi et c'est pourquoi nous insistons sur ce point.
M. Laurent Boulanger. - Nous n'avons pas encore trouvé le moyen d'avoir un système d'information transparent et reconnu comme efficace par tous les acteurs. Les différentes institutions concernées n'ont jamais réussi à trouver un terrain d'entente sur ce sujet. Certaines voudraient construire un système regroupant uniquement les formations financées sur fonds publics, à l'exclusion des fonds privés ; or, comme cela a été rappelé, 5 % des actifs financent eux-mêmes leur formation. La construction d'un système d'information transversal, qui reprendrait l'ensemble de l'offre de formations, me semble pertinente.
Pour paraphraser une formule célèbre, je dirai que le code des marchés publics est le pire des systèmes à l'exception de tous les autres. Nous avons maintenant un peu de recul pour l'analyser au vu de ce qui a été fait par les conseils régionaux, qui l'utilisent depuis plus longtemps que Pôle emploi. Il est toujours difficile, au début, pour une institution, de se servir du code des marchés publics. On observe qu'il est souvent appliqué, dans un premier temps, de manière excessivement rigide, mais cela s'arrange généralement par la suite. Les régions appliquent ainsi le code des marchés publics avec discernement. Enfin, je vous l'accorde, cette procédure nous a permis d'assainir le secteur.
Je suis tout à fait favorable à l'intéressement des opérateurs au résultat. Cependant, je doute de la viabilité du modèle économique propre aux prestations d'accompagnement. En effet, la part variable liée au résultat, qui est par nature incertaine, me semble excessive par rapport à la part fixe.
Aujourd'hui, la taille de Pôle emploi et la masse des financements dont il dispose, expliquent que les répercussions soient plus importantes en cas de dysfonctionnement.
Monsieur le rapporteur, nous sommes optimistes. Pour moi, deux voies incontournables de progrès s'imposeront dans les années à venir : remettre de la souplesse dans le système français de formation professionnelle et réaffirmer la place de l'individu au coeur du dispositif, par le développement de comptes épargne-formation et du droit individuel à la formation (Dif). Nous gagnerions à voir l'individu s'approprier sa formation et avoir voix au chapitre sur le financement de celle-ci, avec un accompagnement et une régulation, plutôt que d'aborder la formation par les statuts et les dispositifs.
M. Michel Clézio. - Pôle emploi prescrit insuffisamment sur les formations financées par les régions. Il prescrit même parfois difficilement sur ses propres marchés subséquents. Des axes de progrès existent à cet égard : la loi de 2009 contient des dispositions sur le développement du service public de l'orientation (SPO) et sur la mise en oeuvre d'un portail exhaustif qui permette d'avoir accès, en temps réel, aux offres de formation et aux places disponibles.
Je me prononce, moi aussi, en faveur de la mise en place d'une conférence des financeurs. Au regard de l'objectif de l'individualisation de l'offre de formations, nous avons besoin de mener des actions plus complémentaires avec les financeurs. Les acteurs de l'orientation doivent également dialoguer davantage. Une concertation avec les organismes de formation, qui sont souvent ceux qui connaissent le mieux les freins à l'emploi que rencontrent les demandeurs d'emploi, est également indispensable.
Nous pensons que le système fonctionnait mieux auparavant parce qu'il était plus empirique et n'avait pas la même dimension. Aujourd'hui, certains acteurs ont pris de l'importance. Toutefois je suis mal placé, en tant qu'opérateur, pour affirmer de manière définitive que le système antérieur était meilleur.
Je ne partage pas le point de vue exprimé par Mme Christiane Demontès. En effet, pour moi, les acteurs opportunistes n'ont jamais été aussi nombreux qu'aujourd'hui sur le marché de la formation. En trente ans, j'ai constaté que des acteurs s'étaient professionnalisés grâce aux régions. Or, aujourd'hui, je constate l'existence d'opportunistes qui s'implantent dans des régions pendant deux ans, avant d'être invalidés par Pôle emploi, une fois que leur manque de moyens est constaté.
Aucun d'entre nous n'est choqué d'être rémunéré en fonction du placement. Cependant, une prime au placement n'est pas équitable lorsqu'elle représente l'unique condition d'équilibre financier de l'opération. Elle devrait être un bonus pour permettre à l'opérateur de se développer. Telle est l'ambiguïté d'un marché dont les vertus sont louées mais dont seuls certains aspects sont retenus.
Enfin, je ne fais pas l'apologie de la procédure des marchés publics en matière de formation et de placement des demandeurs d'emplois, ce en quoi je me distingue peut-être de mes collègues. Je suis favorable à la constitution d'un service public de la formation et du placement des demandeurs d'emploi qui respecterait l'égalité de traitement et les règles de la concurrence. Le droit communautaire permettrait la construction d'un tel organisme, qui nous permettrait de nous inscrire dans une politique structurelle de long terme et de nous appuyer sur ce que chacun d'entre nous propose de meilleur.
La loi de 2009 a apporté de nombreuses améliorations. Cependant, la situation s'améliorera encore si les rouages administratifs sont agrémentés d'un soupçon d'intelligence.
Mme Anne-Marie Bjornson-Langen, directrice d'Afpa Transition. - Nous sommes à mi-chemin dans nos relations avec Pôle emploi, qui nous considère souvent comme de simples sous-traitants. Or, ce mode de relation n'est pas le bon en matière d'accompagnement et d'orientation, qui réclament plutôt un partenariat. Je suppose que la situation sera différente le jour où les organismes de formation et d'accompagnement, Pôle emploi et l'ensemble des acteurs du retour à l'emploi travailleront ensemble autour d'un même objectif, à savoir le retour à l'emploi des demandeurs d'emploi.
Je ne connais pas la plate-forme que vous avez mentionnée, mais je sais que les opérations se déroulent correctement lorsque plusieurs financeurs et interlocuteurs débattent pour régler les problèmes des demandeurs d'emploi en situation difficile, en poursuivant un objectif commun. Or cette relation de confiance fait aujourd'hui défaut car le code des marchés publics a instauré une relation qui n'est pas la plus efficace pour le client ou le bénéficiaire final.
M. Claude Jeannerot, président. - Votre propos touche au sens même de l'action que vous menez. Je vous remercie de compléter vos interventions de contributions écrites, si vous le souhaitez.
Audition de M. Marc Picquette, directeur de l'orientation et de la formation à Pôle emploi
M. Claude Jeannerot, président. - Nous avons débattu avec les opérateurs de formation des fonctions d'acheteur et de prescripteur de formation de Pôle emploi. La politique d'achat de Pôle emploi ne nous semble pas toujours répondre avec suffisamment de précision aux besoins des demandeurs d'emploi. En outre, les délais nécessaires à l'entrée d'un demandeur d'emploi en formation semblent parfois trop longs. Nous avons également des interrogations sur la coordination entre Pôle emploi et les conseils régionaux, qui sont également acheteurs de formation. En effet, nous aimerions nous assurer qu'elle fonctionne correctement sur l'ensemble du territoire.
M. Marc Picquette, directeur de l'orientation et de la formation à Pôle emploi. - La création de la direction de l'orientation et de la formation de Pôle emploi est récente et traduit la volonté de l'établissement de mettre l'accent sur la formation et l'orientation et, plus globalement, sur la mobilité professionnelle des actifs. La direction a été créée à l'initiative du directeur général, M. Christian Charpy, en avril 2010, à l'occasion du transfert des personnels d'orientation de l'Afpa vers Pôle emploi.
La mobilité professionnelle fait partie de nos missions et représente une réalité pour les demandeurs d'emploi. Parfois voulue, elle est souvent subie. Nous devons accompagner la mobilité pour garantir un retour des demandeurs d'emploi à un emploi durable.
Le marché du travail s'est fortement dégradé durant les deux dernières années. A présent, nous accompagnons la reprise économique en cours, afin d'orienter les demandeurs d'emploi vers les métiers à fort recrutement, vers les emplois émergents et, plus généralement, vers les métiers en tensions.
La loi assigne à Pôle emploi des missions d'information, d'orientation, d'accompagnement et de formation des demandeurs d'emploi. En tant qu'opérateur, notre enjeu est d'apporter les éléments de réponse correspondant à ces missions aux demandeurs d'emploi, ainsi qu'aux entreprises qui recherchent des compétences sur les territoires. Nous devons aider les demandeurs d'emploi à mieux cerner leur projet professionnel, leurs atouts et leurs compétences, qui sont nécessaires à la sécurisation de leur parcours professionnel.
Pôle emploi construit actuellement une offre de services d'orientation professionnelle. A cet égard, le transfert du personnel de l'Afpa vers Pôle emploi a constitué une première étape décisive. Notre mission de formation des demandeurs d'emploi nous conduit également à prescrire et à acheter des formations en complément d'autres financeurs. Pôle emploi accompagne, enfin, les demandeurs d'emploi vers le retour à l'emploi.
Pôle emploi est un acteur majeur de l'orientation et de la formation, mais un acteur parmi d'autres. En effet, le marché de la formation, complexe dans notre pays, regroupe un certain nombre de partenaires financiers, de prescripteurs et d'opérateurs. C'est pourquoi nous avons tissé des partenariats afin de coordonner notre stratégie de formation avec les conseils régionaux, les Opca et les branches professionnelles. L'Etat, quant à lui, définit le cadre légal et est acheteur de formations. Quant aux régions, elles dépassent Pôle emploi par le volume de leurs achats de formation. Le président de l'association des régions de France (ARF) et le directeur général de Pôle emploi ont formalisé un engagement commun de coordination et de complémentarité des achats de formation sur chacun des territoires.
Nous positionnons l'information et l'orientation dans le parcours de retour à l'emploi de chaque demandeur. Nos conseillers construisent des outils et aident les demandeurs d'emploi à définir leur projet professionnel. Nous lancerons prochainement un nouveau marché sur les prestations de service en matière d'orientation, afin d'élargir notre gamme de prestations. En tout état de cause, ces projets sont ancrés dans les territoires en cohérence avec la connaissance et l'expertise existant en région sur le marché du travail et les entreprises locales.
Nous voulons accélérer et simplifier l'accès à la formation pour favoriser le placement et l'employabilité des demandeurs d'emploi. Pôle emploi est un prescripteur de formations. Même si nous ne délivrons pas de formation, nous armons progressivement nos conseillers pour leur permettre de diffuser de l'offre de formation. Pour atteindre ce but, l'offre doit être lisible et les conseillers doivent pouvoir inscrire directement les demandeurs d'emploi à des formations. Nous cherchons également à centraliser certaines tâches administratives afin de libérer le conseiller de ce qui ne constitue pas son coeur de métier.
Enfin, dans le cadre de la construction de cette offre de service « orientation-formation », Pôle emploi souhaite sécuriser le financement de la formation. Chaque conseiller dispose d'une palette d'outils où figurent les formations achetées par Pôle emploi et celles des conseils régionaux, ainsi que les contrats en alternance, qui relèvent à la fois de la formation et du retour à l'emploi. Nous menons une réflexion d'ensemble afin de développer une ingénierie de parcours de formation qui mobiliserait l'ensemble des outils, y compris ceux dont les autres acteurs disposent.
Pour l'accueil et l'information du public, nous avons développé des modalités d'accès par téléphone et par Internet. Cette démarche s'accélère avec la création du service public de l'orientation (SPO), auquel Pôle emploi contribue, soit sous sa forme électronique et téléphonique, soit dans les lieux uniques du SPO.
Nous avons aussi renforcé la notion de diagnostic, opéré par le conseiller dès l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID) du demandeur d'emploi. Ce dispositif permet de définir un projet d'évolution ou de mobilité professionnelle dès l'inscription du demandeur d'emploi, alors qu'auparavant la discussion sur la formation intervenait souvent après plusieurs mois. Aujourd'hui, l'orientation est au coeur du métier du conseiller. La question de l'orientation doit être abordée dès ce premier entretien pour mettre en oeuvre rapidement les solutions adéquates.
L'arrivée des psychologues du travail de l'Afpa à Pôle emploi, le 1er avril 2010, a offert une nouvelle opportunité à notre établissement. Nous avons d'abord préparé leur accueil et veillé à assurer la continuité du service au demandeur d'emploi. Ces personnels ont délivré un peu plus de 90 000 Pops en 2010. Nous voulons en réaliser 200 000 en 2011. De nouvelles prestations compléteront le dispositif pour permettre à Pôle emploi d'assurer complètement sa mission d'orientation professionnelle. Elles seront expérimentées cette année, avant d'être généralisées dès l'année prochaine. Certaines de ces prestations seront proches de ce qu'étaient les bilans de compétences approfondis, d'autres permettront un accompagnement long sur le projet professionnel. Il y aura aussi des ateliers mis en place dans les agences locales, par exemple l'atelier « Choisir mon organisme de formation », qui sera notamment utile aux demandeurs d'emploi qui veulent utiliser leur droit individuel à la formation (Dif), ou « Atouts et compétences », plus axé sur l'orientation et la formation. Au total, quatre ateliers et deux prestations seront proposés dès l'an prochain. En 2010, Pôle emploi a délivré aux demandeurs d'emploi 300 000 prestations d'orientation et de formation, en prenant en compte les évaluations de capacité et de compétences professionnelles.
Pôle emploi peut prescrire des formations. Dans ce cadre, il a financé 118 570 places de formations en 2010, alors que l'objectif fixé était de 104 000. La notion de places de formation financées par Pôle emploi, recouvre notre marché d'achat de formations mais aussi les actions de formation préalables au recrutement (AFPR) et l'aide individuelle à la formation (AIF). 55 % des formations que nous achetons ont un objectif d'adaptation et 30 % concernent des formations certifiantes. Ceci positionne plutôt Pôle emploi comme un acheteur d'actions d'adaptation de la demande à l'offre d'emplois, tandis que les conseils régionaux ciblent davantage les formations qualifiantes. 80 % de nos achats de formation ont bénéficié à des demandeurs d'emploi d'un niveau de qualification inférieur ou égal au baccalauréat.
En 2011, nos ambitions en matière d'achat de formations consistent à maintenir notre positionnement sur les formations d'adaptation mais également à mieux cibler les métiers en tension. Plus de la moitié de nos achats de formation concernent aujourd'hui les secteurs du transport et de la logistique, les services à la personne et les formations générales. Nous avons créé l'AIF en septembre 2010 pour compléter notre dispositif : elle n'est pas destinée à remplacer notre politique d'achat par voie d'appels d'offres régionaux mais à permettre aux acteurs locaux d'acheter des formations lorsqu'il n'y a pas de réponse locale adaptée. Les actions de formation préalables au recrutement et la préparation opérationnelle à l'emploi (POE) font aussi partie de notre panel de prestations.
Nous nous sommes fixé quatre objectifs opérationnels pour 2010 et 2011.
Premièrement, nous souhaitons pérenniser l'élargissement et la personnalisation de notre offre de services. Nous ne nous bornons pas à développer des outils : nos conseillers doivent monter en compétence sur le champ de l'orientation et du projet professionnel. Nous souhaitons également redéfinir nos modalités d'achat avant le terme de notre accord-cadre, en juin 2012. Nous examinons les conditions dans lesquelles nous achèterons nos formations à l'avenir, dans une logique de coordination et de complémentarité avec les autres acteurs.
Deuxièmement, nous voulons travailler avec nos partenaires-clés dans le champ de l'orientation et de la formation. J'ai cité le service public de l'orientation, qui regroupe de nombreux acteurs, et, dans le champ de la formation, les conseils régionaux et les Opca qui nous aident à définir au mieux les besoins et à anticiper les mutations économiques et les recrutements à venir dans les territoires. Les Opca sont un acteur important pour la construction de notre offre de formation. Un plus large recours à l'alternance, et au contrat de professionnalisation en particulier, peut constituer un axe d'amélioration de notre action.
Troisièmement, nous souhaitons simplifier l'accès et la gestion de la formation. Aujourd'hui, deux tiers de nos régions disposent de plates-formes administratives de traitement de la formation. Nous voulons couvrir l'ensemble du territoire afin de permettre aux conseillers de se focaliser sur la construction des parcours des demandeurs d'emploi. Nous développons actuellement un outil informatique qui mettra à la disposition des conseillers toute l'offre de formation financée par Pôle emploi et qui leur offrira la possibilité, dès la fin de l'année 2011, de réserver une formation pour un demandeur d'emploi. Le périmètre de cet outil est voué à évoluer pour constituer avec nos partenaires une base unique de l'offre de formation.
Enfin, nos agents doivent monter en compétence pour animer ces nouvelles prestations et apprendre à mieux travailler avec les autres acteurs, locaux et régionaux de la formation.
M. Claude Jeannerot, président. - Les opérateurs de formation reprochent à Pôle emploi une procédure d'achat de formations excessivement bureaucratique et centralisée, qui accorde peu de place aux débats de fond sur les choix de formation dans les bassins d'emploi. En outre, les opérateurs vous reprochent un manque d'efficacité de vos prescriptions de formation qui, à leurs yeux, ne permettent pas suffisamment d'orienter les demandeurs d'emploi vers les formations appropriées. Ce double reproche est-il justifié selon vous ? Croyez-vous que les quatre objectifs que vous avez identifiés peuvent répondre à ces critiques ?
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Les opérateurs vous ont également reproché l'insuffisance de vos diagnostics sur les besoins de formation des demandeurs d'emploi. Les conseillers semblent avoir des difficultés à cerner les besoins de formation des demandeurs d'emploi, peut-être en raison de leur surcharge de travail.
Les organismes de formation ont également critiqué un manque de concertation. D'après ce que nous avons compris de leurs propos, ils aimeraient ne plus être considérés comme de simples sous-traitants mais comme des partenaires, qui oeuvrent avec vous pour accompagner les demandeurs d'emploi vers l'emploi à travers la formation. Un dialogue de meilleure qualité permettrait d'améliorer le dispositif existant.
Nous avons enfin eu l'impression que les directeurs de vos agences manquaient de liberté pour s'adapter aux réalités qu'ils constatent sur le terrain, alors même que la réactivité et l'adaptation sont nécessaires. Comment envisagez-vous d'améliorer la capacité d'adaptation au territoire des agences ?
M. Alain Gournac. - Alors que certaines évolutions sur le marché du travail peuvent se produire en l'espace de trois ou quatre mois, comment pouvez-vous passer un contrat pour l'année avec un partenaire, vous adapter à la demande du marché et répondre à la nécessité d'aider les demandeurs d'emploi ? Même si vous êtes payeurs, vos partenaires sont des professionnels. La discussion est-elle possible avec ces prestataires ? Quelles marges de manoeuvre leur accordez-vous ? Les opérateurs regrettent également que les flux de demandeurs d'emploi orientés vers la formation soient irréguliers et parfois bien en-dessous des volumes promis.
Mme Annie David. - Les opérateurs de formation ont l'impression que vos relations manquent de confiance. Quels liens avez-vous avec eux ? Sans doute vos objectifs de progrès apporteront-ils une réponse à cette question. Cependant, je regrette leur arrivée tardive car la formation est tout de même au coeur du métier de Pôle emploi.
A vous entendre, tout va bien à Pôle emploi. Or je n'ai pas cette impression, pour avoir été une des participantes les plus assidues aux auditions. Selon vous, l'EID résoudra de nombreux problèmes. Cependant, il n'a pas encore été mis en place. Les conseillers n'y sont pas encore tout à fait préparés. Comment les formerez-vous pour leur permettre de trouver des réponses aux problèmes de formation des demandeurs d'emploi ?
Quelle place accorderez-vous aux nouvelles formations et aux nouveaux métiers, dans le cadre de votre objectif général de lisibilité de l'offre de formation ? Comment répondre à des demandes qui n'existent pas encore ?
Vous avez dénombré 118 000 entrées en formation financées par Pôle emploi. Visent-elles à intégrer le demandeur d'emploi dans un nouvel emploi ou lui permettent-elles aussi d'évoluer professionnellement ? Pour moi, l'intérêt de la formation est d'amener le demandeur d'emploi vers l'emploi, mais également de lui offrir une qualification supplémentaire.
La formation est au coeur des missions de Pôle emploi. Cependant, votre présentation m'a semblé trop idyllique au regard de ce que nous avons entendu dans les différents sites que nous avons visités.
M. Serge Dassault. - Je travaille depuis longtemps avec Pôle emploi et avec les missions locales de Corbeil-Essonnes. Elles se plaignent de manquer de crédits, en particulier pour la formation. Les missions locales, souvent occultées, réalisent les mêmes tâches que Pôle emploi à l'attention de jeunes qui sont peu employables. Or, aujourd'hui, leurs crédits sont insuffisants pour financer, par exemple, des formations au permis de conduire, pourtant nécessaire pour qu'un jeune trouve du travail. Comment obtenir davantage de crédits pour organiser ces formations ? Cette question est fondamentale car les jeunes qui arrivent dans les missions locales ne sont pas formés. Des problèmes de délinquance peuvent se poser à plus long terme. En tant que rapporteur spécial du budget de l'emploi, j'ai tenté d'augmenter le budget pour que Pôle emploi et les missions locales puissent proposer des formations complémentaires. Finalement, l'Etat a décidé de dépenser 500 millions d'euros supplémentaires pour l'emploi. Comment les gèrerez-vous ? En affecterez-vous une partie à la formation ?
Mme Christiane Demontès. - Comme ma collègue, j'ai le sentiment que votre exposé rassurant ne correspond pas à la réalité que nous constatons. Nous recevons des courriers qui décrivent des situations extrêmement douloureuses.
Vous avez évoqué la formation des demandeurs d'emploi et l'orientation. Mais comment mobilisez-vous les dispositifs de validation des acquis de l'expérience (VAE), que vous n'avez pas mentionnés ?
M. Claude Jeannerot, président. - Vous avez fait référence au service public d'orientation. Quelle est sa traduction concrète dans les territoires ?
M. Marc Picquette. - J'ai tenté de vous présenter notre situation de départ et la direction dans laquelle nous nous engageons à présent. Nous savons que nous avons encore du chemin à parcourir, comme en témoigne d'ailleurs la définition de plusieurs objectifs de progrès.
Nous devons nous souvenir que l'achat de formations obéit à des modalités nouvelles pour Pôle emploi. Notre accord-cadre, qui couvre la période 2009-2012, constitue certes une contrainte pour notre établissement mais nous l'assumons. Nous avons accompagné nos collègues en région, pour les aider à comprendre les conditions d'utilisation de ce marché, qui est divisé en quinze lots qui couvrent tous les domaines de formation. Les marchés sont passés au niveau régional, Pôle emploi n'achetant aucune formation au niveau national. Chaque direction régionale a sélectionné, pour chaque lot, trois organismes de formation. Il peut arriver que, dans certains territoires, les organismes référencés ne soient pas en mesure de fournir certaines formations. Lorsque ce cas se présente, nos agences locales disposent de crédits pour acheter des formations via l'AIF.
Nos achats de formation découlent de l'analyse des besoins sur les territoires. L'étude annuelle « Besoins de main-d'oeuvre » (BMO), réalisée par Pôle emploi, nous offre une vision prospective. La confrontation des offres et des demandes d'emploi nous permet de réaliser nos achats de formation.
Lorsque nous voulons acheter, par exemple, cinquante places de formation en cuisine dans un territoire qui peut être intéressé par ces compétences, encore faut-il que l'un des trois organismes sélectionnés puisse répondre à notre demande. Or ce n'est pas toujours le cas pour des raisons qui tiennent notamment aux dates des sessions de formation. L'entrée et la sortie en continu n'existent pas pour un certain nombre de formations. Les organismes de formation, quant à eux, ont besoin d'anticiper pour programmer leurs moyens, leurs ressources et leurs formateurs. Nous devons donc trouver un équilibre entre la nécessité d'être réactif et l'impératif d'une programmation à plus long terme.
Pôle emploi achète deux catégories de formations : celles qui sont dévolues aux métiers en tensions, comme nos instructions le prévoient, et celles qui sont dédiées aux secteurs émergents. Nous avions prévu, en 2010, de consacrer 5 % de notre budget de formation aux métiers de la « croissance verte ». Or nous leur avons consacré finalement 16,7 % de notre budget. Le taux de retour à l'emploi, six mois après la sortie de ces formations, est de 60 % alors qu'il n'est que de 43 % en moyenne. Nos actions de formation sont toujours centrées sur le retour à l'emploi.
Cependant, cette dynamique dans le domaine de la formation n'est pas pleinement intégrée au niveau local. L'accompagnement des conseillers pour leur montée en compétence réclame du temps. Le travail en commun des conseillers issus de l'indemnisation et du placement apporte une véritable valeur ajoutée car leurs réflexes professionnels sont complémentaires. L'interaction de leurs compétences sur le champ de la formation est intéressante dans une perspective de sécurisation des parcours. En attendant que chaque agent soit formé, nous installons des référents formation dans chaque agence locale. Nous transposons désormais ce mode opératoire à l'échelle nationale, en l'accompagnant d'un plan de formation, non pour avoir des experts en formation mais des référents qui soient en capacité d'aider leurs collègues dans la construction de parcours de formation particulièrement complexes.
Il est vrai que nous avons centralisé un certain nombre de procédures du fait de l'accord-cadre, mais l'AIF, l'AFPR et la POE apportent de la souplesse. Pour nous, un projet de formation ne vaut qu'avec la certitude d'une embauche ou, au moins, un positionnement sur un secteur prometteur au niveau local. La POE dure 400 heures au maximum, pour ne pas entrer en concurrence avec le contrat de professionnalisation. Elle permet d'adapter les compétences d'un demandeur d'emploi grâce à une véritable formation, financée par Pôle emploi et pouvant être cofinancée par un Opca. La POE est mobilisée au niveau local.
Nous préparons actuellement notre prochain marché de formation, qui permettra à de nouveaux prestataires d'être référencés. Les différents acheteurs travaillent à la programmation de leurs formations, notamment dans le cadre des plans régionaux de développement des formations professionnelles (CPRDFP). Pôle emploi, quoique non signataire des CPRDFP, participe au diagnostic et à la détermination des besoins. Nous nous coordonnons avec les conseils régionaux et avec les autres acheteurs pour définir des politiques d'achat réellement complémentaires. Les organismes de formation eux-mêmes entretiennent des relations au niveau local avec Pôle emploi. Ceci dit, je vous accorde que les relations entre notre établissement et les organismes de formation n'obéissent pas encore à des modalités bien définies.
La VAE, insuffisamment utilisée aujourd'hui, est un outil à la disposition de nos conseillers. Nous avons prévu de remédier à l'absence de prise en charge de la validation partielle de parcours VAE grâce à l'AIF, ce qui confirme que la VAE est un outil important à nos yeux.
Enfin, Pôle emploi a vocation à participer au SPO. Dans le cadre de l'expérimentation d'un numéro téléphonique court du SPO, menée dans trois régions, nous prévoyons de doter les téléopérateurs et les téléconseillers de scripts adaptés, pour informer largement tous les publics. Dans le domaine informatique, nous devrons construire des liens entre divers sites. Au niveau local, nous préparons actuellement la contribution de Pôle emploi aux sites uniques à venir, afin de faire de Pôle emploi un acteur de la délivrance de l'offre de services d'orientation tous publics, qui n'en est qu'à ses débuts.
Table ronde - Relations entre Pôle emploi et les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca)
Lors d'une table ronde consacrée aux relations entre Pôle emploi et les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), la mission commune d'information auditionne conjointement MM. Marc Picquette, directeur de l'orientation et de la formation à Pôle emploi, Philippe Rosay, président, Jean-Philippe Leroy, vice-président, Joël Ruiz, directeur général d'Agefos-PME, Francis Da Costa, vice-président, et Jean-Pierre Thierry, trésorier-adjoint du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), Patrice Lombard, président, Dominique Schott, vice-président, et Vincent Graulet, directeur du département veille et prospective d'Opcalia.
M. Claude Jeannerot, président. - Nous souhaitons débattre avec vous de la préparation opérationnelle à l'emploi (POE), qui est un nouveau dispositif en cours de déploiement. Plus généralement, nous tentons de mieux comprendre les relations que Pôle emploi entretient avec les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca), dans le cadre de sa double fonction de prescripteur et d'acheteur de formations. Les Opca, acteurs importants du monde de la formation, sont chargés de la collecte des fonds versés par les entreprises, tandis que le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) les mutualise. Compte tenu du nombre élevé d'Opca en France, nous avons choisi d'en inviter deux : Opcalia et Agefos-PME.
M. Patrice Lombard, président d'Opcalia. - Opcalia avait signé une première convention pour travailler, notamment, sur les publics concernés par les contrats de transition professionnelle (CTP) et les conventions de reclassement personnalisé (CRP). En tout début d'année, nous avons signé une nouvelle convention-cadre avec Pôle emploi, afin de préciser et d'identifier des champs de coopération : information et communication, intermédiation entre l'offre et la demande d'emploi, mise en oeuvre et promotion des dispositifs mis en place par les partenaires sociaux, dont le droit individuel à la formation (Dif) portable et la POE, développement du contrat de professionnalisation, expérimentation conduite dans quatre régions sur la formation aux savoirs de base, mise en place d'actions collectives de validation des acquis de l'expérience (VAE) et poursuite du partenariat relatif au CTP et à la CRP.
Pour la mise en place de la POE, nous avons signé une convention nationale spécifique en début d'année. Elle vise à la promouvoir et à repérer les entreprises, les territoires et les secteurs potentiellement intéressés. Nous voulons aider les petites entreprises, qui n'ont pas de dispositif de gestion des ressources humaines très sophistiqué, à utiliser la POE.
Pour rappel, la POE vise à former des jeunes ou des demandeurs d'emploi, avec un emploi à la clé, moyennant une prise en charge par Pôle emploi et par un Opca. Nous travaillons avec les branches pour repérer celles qui ont des besoins auxquels la POE peut apporter une réponse. Nous devons coopérer avec le FPSPP pour développer encore davantage les projets de POE.
M. Dominique Schott, vice-président d'Opcalia. - La POE constitue une petite révolution culturelle, puisqu'elle conduit Pôle emploi à coopérer avec les Opca, qui apportent essentiellement des services aux PME. Si nos conseillers en entreprise détectent un besoin de recrutement dans une entreprise, quel que soit le niveau de qualification recherché, ils peuvent transmettre l'information à Pôle emploi et présenter à l'entreprise les dispositifs existants. A la rentrée, nous aurons les premiers indicateurs pour en évaluer les effets.
M. Francis Da Costa, vice-président du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. - Vous avez raison d'insister sur la définition précise de la POE. En fait, la révolution culturelle qui a été évoquée a eu lieu il y a déjà trois ans quand les Opca et l'ANPE ont mis en place ensemble le CTP et la CRP, qui ont prouvé leur efficacité.
Dans l'accord national interprofessionnel (ANI) du 7 janvier 2009, les partenaires sociaux ont insisté sur la nécessité de développer les politiques en faveur de la qualification et de la requalification des demandeurs d'emploi. L'intérêt d'apporter des formations courtes et rapides visant l'accès à un emploi a été mis en avant, notamment pour les demandeurs d'emploi qui alternent des périodes de chômage et d'activité et pour ceux éloignés de l'emploi. L'article 114 de l'ANI définit le dispositif individuel de la POE tandis que l'article 115 est relatif à la POE dite « collective ».
En principe, la POE est mise en oeuvre quand une offre d'emploi est clairement identifiée. On observe d'ailleurs, sur ce point, un écart entre les stipulations de l'ANI, qui fait référence à une offre d'emploi identifiée, et le texte législatif qui mentionne une « offre d'emploi déposée à Pôle emploi ». La différence entre ces deux notions est importante. La POE permet de former, pendant 400 heures au maximum, un demandeur d'emploi à qui il manque les compétences requises pour répondre à une offre d'emploi. La POE est prise en charge par Pôle emploi, les Opca pouvant apporter un cofinancement.
Le fonds paritaire a émis un appel à projets pour la POE, qui accorde une attention particulière aux jeunes qui accèdent difficilement à l'emploi, en cohérence avec les objectifs définis par l'ANI sur l'accompagnement des jeunes dans l'accès à l'emploi. Nous avons prévu de réaliser 5 000 POE pour des jeunes de moins de trente ans. Un appel à projet ultérieur prendra en compte les besoins de formation identifiés par les branches professionnelles. De cette manière, si nous apprenons qu'un chantier commencera dans six mois, une POE collective pourra être mise en oeuvre, sans attendre que les offres d'emploi soient déposées.
M. Jean-Pierre Thierry, trésorier-adjoint du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. - L'appel à projet qui a été lancé va concerner 5 000 jeunes, sur la base d'une estimation de 400 heures de formation par jeune et d'un coût horaire global maximal de 15 euros. Mais si les formations durent 250 heures en moyenne pour un coût horaire moyen de 13 euros, l'appel à projets pourrait concerner jusqu'à 6 500 personnes. Nous avons fondé notre estimation sur les coûts maximaux, mais tous les cursus n'impliquent pas de dispenser le maximum d'heures de formation prévu dans le cadre de la POE.
M. Jean-Philippe Leroy, vice-président d'Agefos-PME. - J'introduirai mon exposé en citant les quatre accords nationaux qui ont fondé notre relation avec Pôle emploi depuis sa création en 2008.
Le premier accord, signé en janvier 2009, était relatif à l'augmentation du nombre de bassins d'emplois concernés par le CTP, passé de huit à vingt-cinq. L'accord-cadre tripartite a été signé par Agefos-PME, Transitio CTP, qui est une filiale de l'Afpa, et Pôle emploi, sous l'égide de M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat à l'emploi.
En janvier 2010, un accord-cadre sur le contrat de professionnalisation est intervenu. Nos conseillers se rendent dans les entreprises pour repérer leurs besoins en matière de contrats de professionnalisation. L'objet de notre accord était la transmission de ces informations à Pôle emploi.
Comme Agefos-PME se caractérise par un fort ancrage territorial, ces deux accords ont été déclinés dans l'ensemble des régions. Des commissions de suivi se sont constituées, qui interviennent sur le CTP et la CRP, les contrats de professionnalisation, l'estimation des besoins en main-d'oeuvre et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).
Agefos-PME a été le premier Opca à signer un accord avec Pôle emploi sur la POE, le 26 janvier 2011, en présence de Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. L'accord, qui prévoit 5 000 entrées en POE, témoigne de la volonté des membres de notre conseil d'administration de s'engager dans cette démarche, en particulier de la CGPME qui a été en pointe sur cette question.
Cependant, la vision que Pôle emploi a de la POE diverge parfois légèrement de celle des partenaires sociaux : ainsi, nous considérons que la POE doit être mise en oeuvre à partir d'une offre d'emploi identifiée, au profit d'un demandeur d'emploi à qui il manque une compétence pour correspondre tout à fait au profil recherché, et qui pourrait l'acquérir avec moins de 400 heures de formation ; pour Pôle emploi, la POE vise davantage les branches professionnelles, dans le cadre de formations organisées en commun. Nous parvenons toutefois à trouver un terrain d'entente.
M. Joël Ruiz, directeur général d'Agefos-PME. - La relation de partenariat des Opca avec Pôle emploi est ancienne et porte sur plusieurs dispositifs. Elle vise à anticiper les besoins en ce qui concerne les trajectoires professionnelles dans les territoires, l'appui aux licenciés économiques et les offres d'intégration durable dans l'emploi à travers les contrats d'alternance et la POE.
Nous avons désormais des correspondants régionaux qui assurent la liaison entre Pôle emploi et Agefos-PME. L'ajustement de nos différents réseaux a parfois été long, notamment lors du lancement de nouveaux dispositifs comme la POE, mais les échanges au niveau local, sur le plan opérationnel, sont maintenant de bonne qualité. Nous devons également veiller à animer notre réseau.
Agefos-PME s'est engagée sur un objectif de 5 000 entrées en POE à travers la signature d'un accord. Cet objectif ne sera sans doute pas atteint dans l'immédiat. En effet, le lancement du dispositif a réclamé du temps. Toutefois, Agefos-PME a cofinancé, à ce jour, 450 POE sur les 1 000 qui ont été cofinancées par les Opca. Nous lancerons un appel à projets, le 27 mai, au titre du FPSPP, pour 3 200 POE supplémentaires. Nous espérons en réaliser davantage ; le résultat final dépendra de la mobilisation de nos réseaux sur le terrain. La mise en oeuvre opérationnelle s'appuie sur nos référents régionaux, voire départementaux.
Vous nous demandez pourquoi la POE a été mise en place seulement deux ans après la conclusion de l'ANI du 7 janvier 2009. Cette question est très politique et ne dépend pas seulement des Opca. Elle pourrait être abordée par les représentants du FPSPP.
Pour la remontée des offres d'emploi des entreprises, nous travaillons avec Pôle emploi sur la base d'une relation de confiance, en partant du principe que celui qui repère le premier un besoin de recrutement est présumé d'office avoir l'accord de l'autre partenaire pour mettre en oeuvre la POE. Ce principe nous permet d'éviter de multiplier les interlocuteurs pour les entreprises et les demandeurs d'emploi au niveau local. Notre demande, à présent, serait que l'on puisse avoir connaissance des suites données aux offres d'emploi gérées par Pôle emploi, au-delà même du dispositif de la POE, car nous voulons pouvoir rendre des comptes à nos adhérents en ce qui concerne l'appariement entre offres et demandes d'emploi dans un territoire.
Vous nous interrogez également sur le développement des compétences des demandeurs d'emploi. Il nous importe de partir d'une demande réelle des entreprises afin que l'accompagnement du demandeur d'emploi soit efficace. Nous souhaitons être informés de l'évaluation des dispositifs d'accompagnement. Nous devons parvenir à mettre en place des dispositifs plus individualisés et à évaluer leurs effets, afin de pouvoir ensuite en rendre compte au FPSPP et au conseil d'administration d'Agefos-PME.
M. Claude Jeannerot, président. - Vous semblez évoluer dans un monde très complexe. Nous identifions quatre types d'acteurs sur la question de la formation : les opérateurs de formation, les prescripteurs et les acheteurs, qui peuvent parfois se confondre, et les financeurs, dont vous faites partie. Nous pressentons que l'efficacité de l'ensemble dépend de la capacité de ces différents intervenants à se coordonner, d'autant que la mise en oeuvre de la formation est souvent individuelle et sur mesure.
D'aucuns nous ont affirmé que la multiplicité des financeurs rendait une nouvelle gouvernance indispensable pour la fonction d'achat de formations et la mise en oeuvre des formations. Ils souhaitaient qu'une gouvernance soit imaginée pour associer davantage les financeurs au niveau régional. Je voudrais le point de vue de Pôle emploi et des Opca sur la question de la gouvernance. La territorialisation de l'action publique de Pôle emploi dans le champ de la formation est essentielle.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - La question de la gouvernance régionale est centrale, même s'il ne faut pas oublier l'Etat, qui est également prescripteur et acheteur de formations. Nous estimons que le dispositif devrait se coordonner à ce niveau. Certaines régions ont progressé en matière de gouvernance, d'autres moins.
Pôle emploi est au contact des entreprises et vous aussi. Je n'ai pas bien compris la question de l'accord présumé d'office que vous avez évoqué au sujet de la POE. Concrètement qui fait entrer les jeunes dans la POE ? Sachant que les missions locales sont en charge des jeunes de moins de vingt-cinq ans, Pôle emploi s'occupe-t-il des jeunes entre vingt-cinq et trente ans ?
Je ne comprends pas bien non plus comment la coordination s'établit, en amont, pour découvrir l'emploi ou le gisement d'emplois pertinent pour la POE. Comment les demandeurs d'emploi sont-ils repérés ? Comment vont être sélectionnés les 5 000 demandeurs d'emploi bénéficiaires de la POE que vous avez évoqués ?
Mme Annie David. - Vous nous avez décrit la multiplicité des contacts entre les Opca et Pôle emploi. Nous nous en félicitons et espérons que ces échanges sont fructueux. Cependant, j'éprouve moi aussi des difficultés à saisir la façon dont vous établissez la relation avec les demandeurs d'emploi.
Je n'étais pas favorable à la POE, qui ne me semblerait pas suffisamment qualifiante puisqu'elle ne permet pas au demandeur d'emploi d'obtenir un véritable diplôme à l'issue de ces 400 heures de formation. Le demandeur d'emploi est placé dans l'entreprise sans que nous sachions si son emploi sera pérenne ou non et s'il pourra ensuite faire valoir sa formation. La formation dispensée dans le cadre de la POE donne-t-elle lieu à une validation, d'une manière plus ou moins formalisée ?
Je profite, enfin, de la présence des représentants du FPSPP pour leur demander si la ponction opérée par l'Etat sur le budget du fonds leur a posé des difficultés de fonctionnement.
M. Claude Jeannerot, président. - La POE rappelle une mesure, née en 1973-1974, et financée par l'Etat, utilisée lorsque l'ANPE constatait que certaines offres d'emploi ne trouvaient pas de profil correspondant aux exigences du poste. Ces formations étaient alors appelées « stages de remise à niveau ». Même si les partenaires sociaux sont désormais les cofinanceurs de la POE, elle n'est donc pas entièrement une nouveauté.
M. Francis Da Costa. - Ces stages de remise à niveau étaient des stages de groupe, très différents donc de la POE, alors que le stage d'accès à l'emploi (SAE), financé par l'ANPE, permettait quant à lui de préparer une personne à un emploi.
Il n'était pas nécessaire de rendre la POE certifiante ou qualifiante car des formations certifiantes ou qualifiantes existent déjà. La POE vise à apporter à un demandeur d'emploi les compétences qui lui manquent pour occuper un poste dans une entreprise. D'autres dispositifs existent dans le cadre de la formation tout au long de la vie, comme la période de professionnalisation pour les salariés qui sont en poste ou le congé individuel de formation.
Avec la POE, nous avons voulu apporter un complément par rapport aux dispositifs existants. Pôle emploi est spécialiste des demandeurs d'emploi, les Opca connaissent l'entreprise et ses besoins, l'intérêt de la POE est de permettre la rencontre de ces deux acteurs.
L'ANI stipule que la durée précise de la formation sera définie en fonction du diagnostic établi conjointement avec le demandeur d'emploi. En revanche, la loi dispose que l'entreprise, en concertation avec Pôle emploi et l'Opca dont elle relève, définit les compétences que le demandeur d'emploi acquiert au cours de la formation pour occuper l'emploi proposé. Je regrette que la loi ait fait passer le demandeur d'emploi au second plan... Heureusement, Pôle emploi a une bonne connaissance des demandeurs d'emploi et travaille avec les Opca, qui connaissent les entreprises, ce qui permet de mettre en oeuvre une POE efficace.
En revanche, la demande de formation individuelle est plus compliquée à satisfaire. Nous ne payons évidemment pas le même prix selon que nous organisons une formation individuelle ou collective. Nous avons souhaité compléter l'apport financier de Pôle emploi mais le plafond de rémunération de 15 euros de l'heure, prévu par la POE, est trop faible pour rémunérer convenablement un formateur qui intervient en tête-à-tête.
Concernant la gouvernance, nous nous sommes tous impliqués dans la réflexion menée autour des contrats de plan régionaux de développement des formations professionnelles (CPRDFP). Même si ces contrats sont seulement signés par la région, le préfet et le recteur, Pôle emploi a participé à leur élaboration. Les partenaires ont travaillé dans des commissions en amont, le travail a été mené à un rythme soutenu et tous les acteurs ont été impliqués.
La concertation est indispensable dès lors que les Opca, donc les partenaires sociaux, peuvent intervenir auprès des demandeurs d'emploi et que Pôle emploi peut intervenir auprès des entreprises. La POE prépare à un véritable poste de travail et, dans 95 % des cas, le poste sera pourvu par la personne entrée dans le dispositif de la POE. Une coordination entre les différents financeurs est donc indispensable. L'ANI de 2009 a voulu lever les obstacles à l'embauche liés au statut ou à l'âge. Il importe que les différents financeurs puissent maintenant trouver ensemble les solutions les plus opérationnelles.
La ponction sur notre budget n'a pas bloqué l'avancée de notre programme car nous avons décidé de la lisser sur trois ans, ce qui est moins douloureux en termes de trésorerie, à condition bien sûr que cette ponction ne se renouvelle pas tous les ans... Nous attendons beaucoup de la réforme du plan comptable des Opca et du fonds paritaire, qui devrait nous permettre de mieux prendre en compte les charges constatées d'avance et les coûts fixes. Aujourd'hui, notre trésorerie, apparemment confortable, est trompeuse, car elle ne nous permet même plus de faire face à nos charges constatées d'avance. Toutefois, nous n'avons pas voulu renoncer aux projets que nous mettons en oeuvre au profit des salariés et des demandeurs d'emploi.
M. Marc Picquette, directeur de l'orientation et de la formation à Pôle emploi. - Je rejoins les propos de M. Francis Da Costa sur les CPRDFP. En effet, Pôle emploi, même s'il n'en est pas signataire, a été associé à tous les travaux de contractualisation et de programmation des actions de formation. En Bourgogne et en région Rhône-Alpes, nos directions régionales ont constitué un groupement d'achats avec le conseil régional, qui devient alors l'unique acheteur de formations. Nous en mesurerons les effets à l'occasion du futur marché d'achat de formations par Pôle emploi.
L'idée de conférences des financeurs me paraît essentielle pour faire vire le CPRDFP, mais aussi pour participer à l'accompagnement de l'évolution des besoins et à de grands projets. Nous sommes fréquemment sollicités pour des opérations de POE. Quand des entreprises nous annoncent qu'elles réaliseront de grands travaux et que des terrassiers, par exemple, devront être formés, un effort d'anticipation est nécessaire pour répondre à leurs besoins. En outre, acheteurs et organismes de formation doivent s'accorder sur des outils et savoir comment ils seront articulés et comment chacun les mobilisera. La POE n'est pas la panacée, même si elle offre un nouveau levier pour le financement de formations et l'adaptation des compétences. Elle est complémentaire d'autres outils, comme les contrats de professionnalisation. Tous nos projets se déroulent naturellement à l'échelle d'un territoire.
En ce qui concerne l'entrée en POE, la règle est que le premier, de Pôle emploi ou de l'Opca, qui a un contact avec une entreprise, ouvre le dossier. Ainsi, nous ne nous concurrençons pas de façon stérile. Pôle emploi et les Opca ont formalisé des conventions nationales qui précisent les conditions de prise en charge. Les tarifs de Pôle emploi sont nationaux et connus de tous, contrairement à ceux des Opca. C'est pourquoi nous avons choisi de traiter cette question au niveau national, de manière à éviter de reporter au niveau régional des négociations complexes. Si la majorité des Opca partagent nos préoccupations, certaines conventions ne sont pas encore finalisées car des Opca nous proposent des conditions de financement trop complexes pour être mises en oeuvre à l'échelle d'un territoire.
A ce jour, dix-sept conventions ont été signées pour organiser la POE. Depuis le début de l'année, 3 000 personnes en ont bénéficié, sans compter les projets qui n'ont pas encore été formellement enregistrés. Parmi les bénéficiaires, un tiers était âgé de moins de trente ans, ce qui signifie que nous respectons nos objectifs relatifs aux jeunes. Nous pourrons vous proposer un bilan plus complet de la POE et de ses effets, à la fin du mois de juin, car nous avons prévu de dresser un bilan semestriel. La POE démarre, mais 3 000 personnes en ont déjà bénéficié, ce qui laisse présager une courbe ascendante.
M. Joël Ruiz. - L'organisation de la formation professionnelle peut sembler complexe dans la mesure où plusieurs opérateurs interviennent désormais sur le même public. Autrefois, chacun se cantonnait dans son domaine réservé, celui des salariés ou celui des demandeurs d'emploi. Le gouvernement, le législateur et les partenaires sociaux ont souhaité mettre fin à ce cloisonnement pour travailler sur les trajectoires professionnelles. Il en résulte, naturellement, une organisation plus complexe, qui pose le problème de la coordination. Des commissions techniques travaillent avec Pôle emploi et les Opca sur un certain nombre de sujets. En outre, nous veillons à ne pas mener d'actions qui seraient redondantes avec celles des conseils régionaux.
La formation professionnelle vise à entretenir et à perfectionner les connaissances des actifs, à les qualifier et à les adapter à l'emploi. Lorsqu'une personne est déjà qualifiée, il n'est pas forcément nécessaire de lui apporter une qualification ou un diplôme supplémentaire. Nos dispositifs poursuivent donc, selon les cas, un objectif d'adaptation à l'emploi ou de qualification. La création de la POE poserait un problème seulement si elle se développait au détriment des dispositifs de qualification, par exemple, le contrat de professionnalisation. Ces dispositifs peuvent d'ailleurs se compléter : un contrat de professionnalisation à durée indéterminée peut ainsi être conclu à l'issue de la POE si un besoin de qualification est apparu.
M. Vincent Graulet, directeur du département veille et prospective d'Opcalia. - Notre souci est d'élaborer des outils et des pratiques homogènes, notamment lorsque nous travaillons avec un nouvel acteur comme Pôle emploi. Nous devons nous accorder sur des procédures, des outils, des éléments de régulation et des tableaux de bord, afin de faciliter le travail des collaborateurs des différents réseaux. C'est d'autant plus vrai avec la mise en oeuvre de la POE. C'est le sens des travaux menés actuellement sous l'égide du fonds paritaire, pour préciser le rôle dévolu à chacun.
M. Claude Jeannerot, président. - Je vous remercie et vous invite à nous adresser des contributions écrites si souhaitez compléter vos propos.
Audition de Mme Véronique Hespel, inspectrice générale des finances, et MM. Pierre-Emmanuel Lecerf et Emmanuel Monnet, inspecteurs des finances, auteurs de l'« étude comparative des effectifs des services publics de l'emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni »
M. Claude Jeannerot, président. - Tous trois membres de l'Inspection générale des finances (IGF), vous êtes les auteurs d'un rapport sur les effectifs du service public de l'emploi en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. La comparaison de ces trois services publics de l'emploi peut conforter, nous semble-t-il, les réflexions et les propositions que nous pourrons formuler dans notre rapport. Nous avons en effet constaté que la question des moyens humains du service public de l'emploi ne pouvait être éludée. Le service public de l'emploi français nous semble sous-doté à cet égard. Exposez-nous les constats de votre rapport, avant que nous engagions le dialogue.
M. Pierre-Emmanuel Lecerf, inspecteur des finances. - Commandé par la ministre de l'économie, Mme Christine Lagarde, et le secrétaire d'Etat à l'emploi, M. Laurent Wauquiez, en juillet 2010, ce rapport visait à comparer les effectifs des services publics de l'emploi en Europe. Faute de temps, nous avons restreint l'analyse à trois pays. Cependant, le rapport a été enrichi de compléments sur sept autres pays européens, qui touchent non seulement aux effectifs, mais aussi à l'organisation et à la performance des services publics de l'emploi.
Les systèmes institutionnels diffèrent d'un pays à l'autre, selon le degré d'intégration du service public de l'emploi. C'est en France que le degré d'intégration est le plus faible malgré l'unification de deux réseaux dans Pôle emploi. Le système allemand, et davantage encore le système britannique, sont plus intégrés.
Dans ces pays, plus ou moins touchés par la crise économique, les niveaux de chômage sont inégaux. Le taux de chômage de la France est le plus élevé des trois. Cependant, le chômage au Royaume-Uni a fortement augmenté pendant la crise, ce qui a eu un impact sur les ressources et la charge de travail du service public de l'emploi.
La définition du service public de l'emploi n'est pas homogène entre les différents pays. Par convention, nous avons retenu quatre missions opérationnelles pour en cerner les contours : l'accueil, l'accompagnement et le placement, l'indemnisation des demandeurs d'emploi et les services aux employeurs. Cette approche correspond au périmètre de Pôle emploi. Nous aurions cependant pu y inclure la formation professionnelle, par exemple.
Nous devions ensuite décompter les effectifs du service public de l'emploi, ce qui n'est pas une tâche aisée. Nous nous sommes appuyés sur des outils méthodologiques de comptabilité analytique, dont la fiabilité est inégale.
Enfin, nous devions comparer et expliquer nos conclusions en termes de moyens et de niveau d'activité. Nous ne nous sommes pas arrêtés à la productivité du service public de l'emploi mais nous nous sommes également intéressés à l'analyse des résultats.
M. Emmanuel Monnet, inspecteur des finances. - Le décompte des effectifs totaux des SPE suppose d'agréger les effectifs des organismes correspondant au périmètre des quatre missions dans les différents pays. Nous avons retenu deux ratios pour comparer les effectifs. Le premier rapporte les effectifs décomptés au nombre de chômeurs au sens du Bureau international du travail (BIT), qui ne concerne que les personnes sans emploi. Le second rapporte ces effectifs au nombre de chômeurs au sens des administrations nationales, ce qui reflète plus fidèlement la charge de travail potentielle des services publics de l'emploi mais repose sur des conventions de décompte hétérogènes.
En valeur absolue, les effectifs du SPE français, soit 62 056 équivalents temps plein (ETP), sont supérieurs à ceux du SPE britannique (53 844 ETP) et inférieurs à ceux du SPE allemand (127 450 ETP).
Rapporté au nombre de demandeurs d'emploi, le SPE français a un taux d'encadrement de 215 ETP pour 10 000 demandeurs d'emploi au sens du BIT, soit un niveau inférieur à celui des deux autres pays (420 ETP en Allemagne et 221 ETP au Royaume-Uni). L'écart s'accroît lorsque l'on prend en compte le nombre de demandeurs d'emploi au sens des administrations nationales : 159 ETP pour 10 000 en France, 377 ETP en Allemagne et 349 ETP au Royaume-Uni.
Le taux d'encadrement en France est inférieur pour trois des quatre missions. Il n'est supérieur que pour les services aux entreprises. Nous constatons que le Royaume-Uni accorde une priorité plus nette à l'accompagnement du demandeur d'emploi que les deux autres pays, puisque cette mission y mobilise 51 % des effectifs du SPE.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - A quoi correspondent les effectifs résiduels qui sont cités dans votre rapport ?
M. Emmanuel Monnet. - Ce sont des personnels administratifs affectés à des fonctions support qui concourent à la réalisation des quatre missions. Les effectifs résiduels sont importants à Pôle emploi.
L'Allemagne affecte une plus forte proportion de ses effectifs aux missions d'accueil et d'indemnisation du demandeur d'emploi, tandis que la France consacre un effort plus important aux relations avec l'employeur que dans les autres pays.
La prise en compte de la sous-traitance ne modifie pas l'analyse. En 2009, année prise en compte pour notre comparaison, la France a eu recours à la sous-traitance pour le placement des demandeurs d'emploi. Elle y a consacré un budget inférieur à celui du Royaume-Uni, légèrement supérieur à celui de l'Allemagne, mais en tout cas pas de nature à modifier la hiérarchie que nous avons constatée.
Mme Véronique Hespel. - Au départ, nous avions envisagé de comparer les effectifs des sous-traitants mais ces données ne sont pas disponibles. Nous avons donc préféré rapprocher les budgets et constaté que notre budget de sous-traitance correspondait au tiers de celui du Royaume-Uni.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Quels organismes avez-vous intégrés en France pour effectuer votre comparaison ?
M. Emmanuel Monnet. - Nous avons pris en compte, pour la France, Pôle emploi, les missions locales, les maisons de l'emploi, les caisses d'allocations familiales (Caf), les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), les Cap emploi, l'Apec, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et l'Unedic, en retenant à chaque fois les emplois correspondant aux missions qui nous intéressent.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Les Opca sont-ils à l'extérieur du périmètre ?
Mme Véronique Hespel. - Nous avons extrait du périmètre les organismes chargés de la formation professionnelle. Nous avons choisi une définition conventionnelle afin de simplifier le calcul.
Les collectivités locales manquent à notre identification des effectifs français. Nous avons réalisé une enquête pour connaître la part des effectifs des Direccte affectés à des missions relatives à l'emploi et une enquête auprès des Direccte pour leur demander d'estimer les effectifs affectés, dans les départements, à l'accompagnement des bénéficiaires du RSA. Or, le taux de réponse à cette deuxième enquête a été faible, de l'ordre de 15 %, ce qui nous a amenés à exclure ces personnels de notre décompte. En extrapolant à partir de ces résultats très partiels, nous serions arrivés à une estimation de l'ordre de 2 000 postes de travail. On parle beaucoup du coût du RSA pour les départements mais on connaît mal, manifestement, les moyens qui sont consacrés à l'insertion.
M. Emmanuel Monnet. - Sur la mission d'accueil et d'information du demandeur d'emploi, le SPE français paraît le plus apte à fournir un service de proximité à moindre coût en dépit d'effectifs limités. Il nous paraît productif, avec un réseau d'accueil de proximité qui n'est pas négligeable. Ainsi, nous pensons que notre offre de services est satisfaisante sur ce point, quoique moins étendue en matière de guichet unique.
L'offre de services aux entreprises, plus étendue et moins ciblée en France, peut expliquer l'importance relative des effectifs consacrés aux relations avec les employeurs. En effet, nos voisins semblent cibler les grandes entreprises qui sont celles qui proposent le plus de postes.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Outre Pôle emploi, les Opca recherchent aussi les emplois disponibles dans le monde de l'entreprise.
M. Pierre-Emmanuel Lecerf. - Notre constat en est renforcé : en France, les moyens consacrés aux services aux employeurs sont élevés alors que le Royaume-Uni cible davantage les employeurs engagés dans des partenariats pour recruter les personnes les plus éloignées du marché du travail. L'Allemagne se concentre sur les 20 % d'entreprises qui proposent 80 % des offres d'emploi.
M. Emmanuel Monnet. - Nous avons été surpris de constater que la mission d'indemnisation en France comptait, proportionnellement, moins d'effectifs qu'ailleurs. En effet, le Royaume-Uni présente a priori le degré le plus poussé de rationalisation de ces fonctions. Finalement, nous nous demandons si la supériorité numérique des effectifs des autres SPE en ce domaine est due à une meilleure qualité de service ou à une organisation moins efficace. Il y a là encore matière à investigation.
Mme Véronique Hespel. - Les Caf semblent gérer le RSA de façon extraordinairement économe par rapport au système allemand. Au Royaume-Uni, les services d'indemnisation ont sans doute accueilli une partie des 20 000 agents qui travaillaient dans les Job Center Plus et dont l'emploi a été supprimé avant la crise, ce qui peut expliquer des sureffectifs. En Allemagne, le surcroît de personnel dédié à l'indemnisation s'explique vraisemblablement par le fédéralisme. En effet, toutes les collectivités ont leur système de gestion propre.
M. Pierre-Emmanuel Lecerf. - L'introduction d'un nouveau système informatique en Allemagne devrait cependant accroître la productivité de 16 % et permettre de réduire les effectifs.
En ce qui concerne l'accompagnement, les écarts d'effectifs sont très importants entre les pays. Cependant, les trois pays présentent des spécificités institutionnelles fortes et les acteurs sont très différents d'un pays à l'autre.
En Allemagne, les communes sont très impliquées dans l'accompagnement des demandeurs d'emploi, les Britanniques recourent beaucoup à la sous-traitance et en France de nombreux acteurs se côtoient.
Par ailleurs, l'offre de services en France est plus restreinte. En Allemagne, l'accompagnement est fortement intégré au dispositif d'orientation et de formation professionnelle. Au Royaume-Uni, l'accompagnement du demandeur d'emploi est plus intensif qu'en France. Un demandeur d'emploi britannique passe 7 heures 25 en face à face avec son conseiller sur douze mois, là où un chômeur français est reçu, en théorie, pendant 5 heures. Depuis la crise, seulement 36 % des entretiens prévus à partir du quatrième mois de chômage sont réalisés. En réalité, la durée des contacts avec le conseiller est donc plutôt d'une heure.
Mme Véronique Hespel. - Au Royaume-Uni, le suivi du demandeur d'emploi s'intensifie entre le sixième et le douzième mois. S'il n'a pas trouvé de travail au bout de six mois, il est reçu en entretien toutes les deux semaines et doit présenter les dix démarches de recherche d'emploi qu'il a réalisées depuis le dernier rendez-vous et les dix autres qu'il compte réaliser dans la prochaine quinzaine. Si le demandeur d'emploi est toujours au chômage après douze mois, il est confié à un sous-traitant du SPE.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Cela signifie que les sous-traitants suivent les personnes les moins employables.
Mme Véronique Hespel. - Le demandeur bénéficie ainsi d'un autre interlocuteur lorsque l'accompagnement n'a pas abouti.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Les Britanniques mettent donc en place des moyens pour aider les personnes qui n'ont pu retrouver un emploi grâce au suivi de droit commun.
Mme Véronique Hespel. - Au Royaume-Uni, la moitié des sous-traitants sont des associations. Le SPE britannique passe des contrats avec les sous-traitants qui sont mis en concurrence. Toutefois, on observe que des partenariats de long terme se mettent en place, de sorte que les associations qui interviennent sont à peu près toujours les mêmes. De fait, les projets sont pluriannuels.
M. Claude Jeannerot, président. - Avez-vous comparé la durée moyenne du chômage dans ces différents pays ? L'efficacité de l'accompagnement s'évalue aussi à l'aune de ce critère.
Mme Véronique Hespel. - Nous sommes malheureusement les champions en ce domaine.
Du point de vue des finances publiques, une seule question compte : ces moyens humains rapportent-ils ? Nous avons étudié toutes les évaluations britanniques et allemandes, qui attestent que l'intensification de l'accompagnement réduit la durée d'indemnisation. Les Britanniques ont décidé d'intensifier le suivi car cette approche est la moins coûteuse.
Cependant, les effets d'un suivi plus intensif dépendent du niveau d'emploi, des salaires, de la politique d'offre et du niveau de l'indemnisation. Le système britannique indemnise les demandeurs d'emploi au chômage depuis plus de six mois à un niveau équivalent à celui du RSA, ce qui rend moins surprenante la plus faible durée d'indemnisation en Grande-Bretagne.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Le système britannique oblige-t-il les demandeurs d'emplois à accepter une offre d'emploi ?
Mme Véronique Hespel. - Le point fort de ce système est l'activation.
M. Claude Jeannerot, président. - Cependant, les personnes qui bénéficient du RSA depuis longtemps ne voient pas leur durée moyenne de chômage réduite si les mesures d'accompagnement ne sont pas suffisantes.
Mme Véronique Hespel. - Le nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité qui ne sont pas effectivement demandeurs d'emploi est à peu près le même en Allemagne et au Royaume-Uni. Cependant, l'incitation à rechercher un emploi est plus forte au Royaume-Uni qu'en France ou en Allemagne car le lien entre indemnisation et recherche d'emploi est plus fort et contrôlé tous les quinze jours.
M. Claude Jeannerot, président. - Le nombre élevé d'agents du SPE en Allemagne a-t-il un effet sur la durée moyenne du chômage ?
M. Pierre-Emmanuel Lecerf. - Dans les deux pays que nous avons étudiés, où les marchés du travail et les systèmes d'indemnisation sont pourtant différents, l'intensification de l'accompagnement réduit manifestement la durée moyenne de chômage. Le SPE allemand a décidé progressivement de se rapprocher d'une cible de soixante-dix demandeurs d'emploi par conseiller. L'équivalent allemand de Pôle emploi, la Bundesagentur für Arbeit, gère la caisse d'assurance chômage et a donc un intérêt budgétaire immédiat à avoir une moindre durée d'indemnisation.
M. Claude Jeannerot, président. - Nous avons observé dans le Nord-Pas-de-Calais un dispositif d'accompagnement renforcé mis en place pour l'emploi des jeunes. Chaque conseiller doit suivre soixante dossiers. Nous constatons que les jeunes, au-delà d'un an d'indemnisation, sont convoqués quasiment chaque semaine. La probabilité de voir ces jeunes sortir du chômage est infiniment plus forte. Malheureusement, Pôle emploi a fait de ce dispositif une variable d'ajustement et tend à en réduire les effectifs.
M. Pierre-Emmanuel Lecerf. - Le fait que seuls 36 % des entretiens mensuels soient réalisés montre que la variable d'ajustement, face à un surcroît d'activité, a été l'accompagnement. Pôle emploi a accordé la priorité à l'indemnisation des chômeurs dans un délai raisonnable.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Pôle emploi existe aujourd'hui depuis deux ans. Nous vivons une période de légère reprise. C'est l'occasion de mettre à plat ces questions. Comment adapter le dispositif ? Les moyens de Pôle emploi constituent une question essentielle. Des rapports tels que le vôtre présentent des données sans analyse idéologique, ce qui est bienvenu.
Mme Véronique Hespel. - Pour moi, Pôle emploi comporte encore des gisements d'efficience réelle. Alors que Pôle emploi résulte d'une fusion, la hiérarchie et les fonctions supports comportent encore de nombreux doublons. Deuxièmement, un chantier est à mener pour un meilleur ciblage, avec la fixation d'objectifs clairs de taux de retour à l'emploi ou de durée de chômage. De nombreuses procédures doivent être améliorées. Nous appelons de nos voeux un pilotage plus ciblé sur le taux de retour à l'emploi de qualité, ou l'entrée dans une formation qualifiante.
L'Allemagne s'appuie en outre sur un troisième indicateur : combien de chômeurs potentiels ont évité le chômage ? En Allemagne, une entreprise qui licencie doit prévenir la Bundesagentur trois mois avant le départ effectif du salarié de l'entreprise. Ainsi, les agents sont également jugés sur leur capacité à éviter le chômage à des personnes qui vont être licenciées. Lorsque nous avons présenté cet indicateur à Pôle emploi, certains directeurs régionaux l'ont jugé pertinent, car avant le licenciement on peut encore mobiliser les dispositifs qui existent dans les entreprises ou dans les branches.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Vous avez également noté la complexité du SPE français.
M. Pierre-Emmanuel Lecerf. - L'Allemagne et le Royaume-Uni ont parié sur l'intensification de l'accompagnement, et donc sur des effectifs supplémentaires, pour diminuer la durée d'indemnisation et bénéficier d'un retour budgétaire positif. Dans les deux cas, on observe un système de pilotage par la performance très développé. Les agences locales sont jugées sur le taux de retour à l'emploi. Dans les deux cas également, la souplesse de gestion est importante : le Royaume-Uni comme l'Allemagne, au pic de la crise, ont recruté jusqu'à 20 % de CDD, ce qui n'est pas possible actuellement pour Pôle emploi car la convention collective limite le nombre de CDD à 5 % des effectifs. Les Anglais ont pu recruter 16 000 ETP en CDD sur neuf mois. Lorsque le chômage stagne ou diminue, le nombre de CDD peut être réduit. Cette souplesse de gestion permet de revenir à un niveau de croisière lorsque le chômage revient à son taux d'équilibre.
Plusieurs pistes peuvent être examinées pour intensifier l'accompagnement des demandeurs d'emploi en France : des gains de productivité peuvent encore être réalisés à la suite de la fusion ; le ciblage des services proposés aux entreprises pour privilégier celles qui s'engagent dans des partenariats ; et l'orientation du système de pilotage vers des indicateurs de performance et de résultats en termes de retour à l'emploi.
Nous avons identifié quatre pistes complémentaires de réflexion, autour de la souplesse de gestion, de l'organisation institutionnelle des minima sociaux et notamment du RSA, où l'accompagnement est assuré par les départements et l'indemnisation par les Caf, de l'articulation entre le SPE et la formation professionnelle et de la répartition des tâches de l'opérateur principal, de ses cotraitants et de ses sous-traitants.
Mme Véronique Hespel. - Quand les services doublonnent, aucune économie d'échelle n'est réalisée. Par ailleurs, l'individualisation du suivi du demandeur d'emploi est insuffisante, ce qui le contraint à naviguer entre différents guichets.
M. Claude Jeannerot, président. - Les opérations sont juxtaposées sans complémentarité.
Mme Véronique Hespel. - Je me suis rendue récemment dans une mission locale où j'ai assisté à un comité de distribution des aides d'un fonds départemental. Dix personnes ont traité soixante dossiers en une matinée. Toutes les collectivités étaient présentes en plus de la mission locale, ce qui interdit toute économie d'échelle. Il convient de rationaliser le système dans l'intérêt du demandeur d'emploi.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - La signature de conventions de partenariat donne l'occasion de belles photos dans la presse, mais n'a pas toujours beaucoup de portée concrète.
Mme Véronique Hespel. - A l'occasion d'une enquête sur l'insertion, j'ai constaté la lassitude des usagers lorsqu'ils devaient raconter leur parcours à une multitude de personnes différentes.
Mme Christiane Demontès. - A vous entendre, j'ai l'impression que le système français souffre d'un pilotage insuffisant. On organise des partenariats sans en évaluer les résultats.
Ne serait-il pas plus simple de confier à Pôle emploi la mission de piloter le SPE ? Je suis satisfaite que l'indemnisation et l'accompagnement du demandeur d'emploi soient réunis dans un seul lieu. Cependant, je constate aujourd'hui que l'indemnisation prend le pas sur l'accompagnement, car le demandeur d'emploi, après avoir réglé la question de son indemnisation durant une heure, n'a pas l'esprit disponible pour discuter de son projet professionnel. Pourquoi un organisme ne piloterait-il pas les autres qui seraient ses sous-traitants ?
M. Claude Jeannerot, président. - Les gains de productivité sont au coeur du problème de la mise en réseau avec les partenaires. Comment le Royaume-Uni pilote-t-il le SPE par exemple ?
M. Pierre-Emmanuel Lecerf. - Le partenariat y est complexe à analyser, car il repose sur plusieurs strates. Des partenariats nationaux sont élaborés avec des grandes entreprises qui recrutent des personnes en difficulté. Des partenariats régionaux et locaux les complètent. Ils sont plus ou moins formalisés compte tenu de la décentralisation d'une partie de la gestion des agences, et sont tout à fait adaptables, ce qui ne permet pas de livrer une analyse systémique. Cela dit, les partenariats locaux sont nombreux, avec un ciblage important des PME.
M. Claude Jeannerot, président. - Ces partenariats nombreux signifient-ils que le pilotage effectif est assuré par Job Center Plus ?
M. Pierre-Emmanuel Lecerf. - Le pilotage est réalisé essentiellement à travers les résultats. Ainsi, la recherche de partenariats s'organise de façon informelle, sur la base de l'efficacité des opérateurs.
Mme Véronique Hespel. - Je ne crois guère aux grandes conventions nationales. En comparant les différentes réformes de l'Etat, nous avons constaté que les Britanniques se désengagent du suivi et de l'évaluation de ces expérimentations locales pour les laisser se développer. Ainsi, l'initiative locale peut foisonner pour améliorer les résultats. Peut-être pourrions-nous réfléchir à cette voie.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Pôle emploi est financé par 10 % des recettes de l'Unedic et par une subvention de l'Etat, adoptée lors du vote de la loi de finances en fin d'année. La rigueur budgétaire est appliquée à la lettre. C'est pourquoi l'intéressement de Pôle emploi au bon fonctionnement du dispositif est très faible. Le système britannique prévoit-il un intéressement direct ?
M. Emmanuel Monnet. - C'est surtout le cas en Allemagne. Le SPE britannique est une administration soumise aux mêmes contraintes budgétaires que le SPE français. Nous n'avons pas observé de rémunération à la performance dans ce réseau, en tous cas pas au niveau des agences. En Allemagne, le système est tripartite, financé par des cotisations sociales et géré par les partenaires sociaux, et est autonome sur le plan budgétaire. Dans ce cas, le payeur est directement intéressé aux résultats obtenus en matière de retour à l'emploi, qui lui permettent de réaliser des économies.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Le modèle économique allemand permet d'équilibrer les bénéfices et les coûts alors que le système anglais repose sur un service public.
Quelles sont les méthodes de négociation budgétaire de ces pays ? Je pense que nous pourrions améliorer la performance des méthodes de négociation budgétaire en France en faisant dépendre une part du budget des résultats obtenus.
M. Pierre-Emmanuel Lecerf. - Nous avons interrogé des responsables dans les deux pays sur les conséquences, en termes de gestion, qui résultent du pilotage par les résultats. Ils nous ont conseillé d'éviter de donner moins aux agences les moins performantes afin de ne pas pénaliser les demandeurs d'emploi. Le pilotage par la performance est principalement lié à la gestion des ressources humaines. Les managers qui améliorent la performance de leur agence locale sont promus plus rapidement que les autres.
Les directeurs d'agence allemands sont fonctionnaires ou contractuels. Les premiers peuvent bénéficier de parcours accélérés, tandis que la rémunération des seconds comprend une part variable selon l'atteinte des objectifs. Cette gestion est efficace car elle intéresse les directeurs d'agence aux résultats. L'Allemagne compare les performances des agences en tenant compte du contexte local. Les managers sont comparés sur cette base.
En Angleterre, la performance est surtout gérée au niveau du district, échelon intermédiaire entre l'agence locale et les directions régionales.
M. Claude Jeannerot, président. - Je vous remercie de votre contribution, qui nous est utile à ce stade de notre réflexion.