Mardi 3 mai 2011
- Présidence de M. Claude Belot, président -Collectivités territoriales - Audition de M. Emmanuel Berthier, délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR)
La délégation procède à l'audition de M. Emmanuel Berthier, délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR).
M. Claude Belot, président. - Nous sommes très heureux de pouvoir accueillir le délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale car le débat sur l'aménagement du territoire est permanent dans notre pays. J'ai demandé à M. Berthier de mettre l'accent sur les questions en matière de santé, de transport et d'aménagement numérique, qui soulèvent aujourd'hui de nombreuses interrogations dans les collectivités.
M. Emmanuel Berthier, délégué interministériel à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale. - J'ai pris mes fonctions le 3 janvier dernier et, afin de répondre à vos questions, je me propose de traiter successivement chacun de ces sujets.
En ce qui concerne le domaine de la santé, la DATAR veille aux côtés du ministre de la santé à ce que la dimension territoriale soit prise en compte dans le cadre des politiques mises en oeuvre par ce ministère. Cela s'est traduit notamment par un certain nombre de décisions prises lors du dernier comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) du 11 mai 2010. La loi fondatrice en ce domaine est la loi « hôpital, patients, santé et territoires », dite « HPST », votée en 2009 ; celle-ci crée les agences régionales de santé (ARS) et prévoit la mise en oeuvre de réflexions qui se traduisent ensuite par des schémas d'organisation pilotés par un(e) directeur(trice) régional(e). Dans le cadre de cette loi, nous mettons en oeuvre, avec le ministère de la santé, un certain nombre de processus qui visent à diminuer les inégalités territoriales en matière de santé, par exemple concernant le nombre de médecins installés dans chacun de nos départements.
Les ARS mènent un certain nombre de travaux sur l'analyse de la situation sanitaire, médicale, médico-sociale. Il s'agit à la fois de projets globaux et de projections programmatiques ; ces travaux seront terminés à la fin de l'année 2011, notamment la cartographie des schémas médico-sociaux qui seront déterminants pour l'offre de soins.
Avec le ministère de la santé, l'assurance-maladie et les associations d'élus, nous nous employons à analyser les territoires « en tension » en matière d'offre de soins de premier recours. Nous avons engagé une étude dont les conclusions devraient être rendues en juillet prochain, à la fois pour identifier ces territoires en tension et cartographier les besoins. Nous mettons ces éléments à la disposition des acteurs locaux (les ARS, les préfets de région, les élus et les observatoires de régions de la santé) afin de dégager des pistes d'action spécifiques qui pourront être proposées à chacun des territoires.
Nous participons également à la mise en oeuvre des décisions qui ont été prises lors du CIADT du 11 mai 2010 qui comprenait deux parties : une partie sur l'aménagement numérique et du territoire et l'avenir des pôles de compétitivité ; une partie portant 70 mesures pour le milieu rural. Ce CIADT venait clore la séquence des assises des territoires ruraux avec, parmi ces 70 mesures, certaines portant spécifiquement sur l'accès aux soins en milieu rural. Il y avait notamment un programme de création de maisons de santé pluriprofessionnelles et des actions spécifiques sur le contrat de service public pour le milieu rural consistant à aider les étudiants en médecine - sous forme d'une bourse - en contrepartie d'un engagement à s'installer en zone fragile. Ce CIADT comporte un objectif de 400 contrats d'engagement en milieu rural à horizon fin 2013 ; 159 ont été réalisés à ce jour. Par conséquent, cette mesure fonctionne.
Par ailleurs, un dispositif d'accès aux stages en milieu rural a été mis en oeuvre à l'occasion du CIADT pour les étudiants qui, notamment, prennent l'engagement de venir travailler dans des maisons pluriprofessionnelles de santé. La mesure phare du CIADT en matière de santé était donc la mise en oeuvre d'un programme dynamique de développement des maisons de santé pluriprofessionnelles. Suite à ce CIADT du 11 mai 2010, une circulaire interministérielle de juillet 2010 a fixé le cahier des charges de ces maisons de santé pluriprofessionnelles avec un financement qui commence dans le cadre des pôles d'excellence rurale. A ce titre, nous avons financé :
- 21 dossiers correspondant à 37 maisons de santé, qui sont venus s'ajouter aux 8 dossiers de la première génération ;
- un programme finançant 250 maisons de santé dans le cadre du CIADT à un horizon 2013, avec des financements particuliers de l'Etat qui prennent deux formes : la mobilisation de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et une enveloppe spécifique du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) gérée sur le plan central. Trois fois 25 millions d'euros sur trois exercices successifs, 15 millions d'euros de DETR chaque année et 10 millions d'euros de FNADT.
On comptait 140 maisons de santé au 31 décembre 2010. Selon les prévisions, ce chiffre devrait être porté à 205 en 2011 et à 242 en 2012. Dans le cadre des enveloppes qui nous ont été allouées par le CIADT, nous avons les moyens de financer les projets qui vont prendre corps dans les prochaines années. Je suis actuellement en train d'écrire aux préfets de région afin de mettre en oeuvre les conditions pratiques de mobilisation du FNADT (section centrale) pour que la dynamique des maisons de santé - qui a très bien fonctionné dans le cadre des deux vagues des pôles d'excellence rurale - se poursuive. La maison de santé est en effet l'un des dispositifs à la disposition des partenaires régionaux pour traiter une partie de la problématique liée à l'inégalité constatée en termes d'accès aux soins de premier recours, c'est-à-dire la présence des médecins généralistes en zone rurale. A l'analyse des cartes précisant la situation actuelle, on constate une très grande inégalité dans la couverture avec des âges très différents en moyenne et des perspectives de départs à la retraite qui vont venir renforcer, si l'on n'y prend pas garde, les inégalités actuelles.
Une maison de santé est une structure qui peut être cofinancée, si nécessaire, par les collectivités publiques et qui permet de regrouper plusieurs professionnels de santé venant de champs différents, notamment un certain nombre de médecins qui, en se regroupant, bénéficient de services communs et peuvent alors organiser de façon collective la permanence de soins et la garde.
M. Yves Détraigne. - Je suis l'élu d'un département, la Marne, qui n'est pas le plus mal loti en matière de présence médicale du fait de son rattachement au Bassin parisien. Néanmoins, dans ce département, on observe que, plus on s'éloigne des agglomérations comme Reims ou Châlons-en-Champagne, plus les médecins partant en retraite ont tendance à ne pas être remplacés.
On constate que les efforts des élus locaux pour mettre en place des maisons de santé pluridisciplinaires ne sont suivis par les ARS que si l'on a déjà, au moment du montage du dossier, les médecins auprès de soi ; or, cela n'est pas du tout évident lorsque l'on se trouve dans une situation d'entre deux, où les médecins en place sont sur le départ et sans que des médecins jeunes ne soient encore arrivés. Il existe donc des secteurs où il y a le potentiel en termes d'habitants, la volonté des élus mais où les projets ne sont pas suivis de la part de l'Etat parce qu'il n'y a pas encore les médecins associés. Je crains par conséquent que les maisons pluridisciplinaires ne règlent pas les problèmes de la faible densité médicale d'une part, et du départ des derniers médecins dans les secteurs qui en ont le plus cruellement besoin, d'autre part.
M. Yves Daudigny. - Au titre de la présidence d'une communauté de communes, je suis porteur d'un dossier d'une maison pluridisciplinaire de santé. Nous attendions une décision de financement pour le début de l'année. Deux possibilités nous avaient été présentées : soit le financement par la procédure de pôle d'excellence, soit le financement classique de maisons pluridisciplinaires. Or, nous sommes désormais au mois de mai. Ce retard manifeste dans la prise de décision a-t-il quelque raison ? Par ailleurs, les financements par la procédure des pôles d'excellence rurale sont-ils abandonnés pour les nouveaux dossiers ?
M. Jacques Mézard. - Pour ma part, j'ai une question pratique concernant un projet de pôle pluridisciplinaire de santé. Bien qu'il soit complet, que nous disposions du nombre de médecins suffisants, d'un permis prêt à être déposé, le dossier n'a pas été retenu dans le cadre des pôles d'excellence rurale. Dès lors, comment peut-on trouver les enveloppes nécessaires afin de réaliser ce projet ?
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Dans le cadre de la préparation de mon rapport au nom de la délégation, j'ai rencontré successivement l'ARS de Lille, celui de Montpellier et quelques médecins. Il faut en effet s'interroger sur cette désertification médicale qui est liée non seulement à la volonté des jeunes médecins de ne pas s'installer dans des zones rurales éloignées mais également des médecins qui atteignent l'âge de 55 ans et souhaitent alors abandonner le cabinet médical afin de faire des remplacements pour obtenir plus de congés. Or, ce phénomène va s'amplifier. Il est par conséquent nécessaire de prendre des dispositions. Par ailleurs, la féminisation accrue de la profession conduit à des difficultés d'installation liées au fait que les conjoints des femmes médecins ont des difficultés à trouver des emplois dans ces zones territoriales.
M. Claude Belot, président. - On constate que la DATAR est donc bien au coeur d'un vaste dispositif tendant à la lutte contre les inégalités territoriales. Pour ma part, je souhaiterais que vous puissiez nous donner votre sentiment sur deux points.
D'abord, est-ce qu'en France, selon vous, nous avons exploité au maximum les possibilités offertes par les nouvelles technologies en matière de médecine dans les territoires ? Je pose cette question car je remarque qu'aujourd'hui notre approche territoriale est plutôt simple : elle repose sur la présence d'un médecin capable d'intervenir en quelques minutes dans chaque domicile et sur celle d'un hôpital à faible distance des lieux d'habitation disposant de tous les instruments nécessaires pour traiter un patient. Or, j'ai eu l'occasion d'assister, lors d'un déplacement dans la municipalité québécoise de l'Isle-aux-Coudres, pourtant dépourvue de médecin, au déploiement d'un système particulièrement efficace : par télétransmission, un simple infirmier a pu apporter les premiers secours à un patient victime d'un infarctus, puis se mettre en relation avec le centre hospitalier universitaire (CHU) de Québec, lequel a pu réaliser un premier diagnostic et donner les instructions nécessaires d'urgence à distance.
Malheureusement, nous ne sommes pas encore en mesure de réaliser de telles performances en France alors même que notre niveau technologique n'est pas éloigné de celui du Canada. Pire : rien n'indique que nous nous engageons dans cette voie. Nous raisonnons encore trop en termes de présence matérielle sur le terrain alors même que cela ne résout pas forcément les difficultés.
Ensuite, je remarque, à la lumière de mon expérience en tant que maire, qu'en matière d'aménagement du territoire dans le domaine de la santé, nous sommes confrontés à de véritables dysfonctionnements administratifs.
En effet, pendant des années j'ai pu constater que le centre hospitalier de Jonzac, commune dont j'ai l'honneur d'être le maire, accueillait sans difficulté des médecins en internat formés à Bordeaux, c'est-à-dire dans la région limitrophe de la nôtre. Or, la logique de régionalisation a cloisonné les choses : les internes formés en Aquitaine doivent accomplir leurs stages dans cette région ; ils ne viennent donc plus à Jonzac, dont le CHU est désormais formellement rattaché à la région Poitou-Charentes ; le problème, c'est que les étudiants formés à Poitiers ne viennent pas pour autant à Jonzac, qui se trouve à plus de 200 kilomètres. Aujourd'hui, cette situation n'est plus possible et je milite activement pour que les bourses d'études attribuées par une région soient allouées également sur la base de critères d'éligibilité géographiques susceptibles d'inciter les internes à sortir du cadre de leur région. Les quatre cinquièmes des médecins actuellement en exercice au centre hospitalier de Jonzac ont suivi leur cursus d'études à Bordeaux ; dès lors que les étudiants de Bordeaux ne peuvent plus venir à Jonzac, cela va inéluctablement poser un gros problème à terme.
En définitive, je suis convaincu que la solution en matière d'aménagement du territoire dans le domaine de la santé ne réside pas dans la multiplication des implantations de maisons de santé, mais dans la capacité retrouvée pour les territoires de faire prévaloir la liberté qui existait antérieurement à la logique de régionalisation des agences régionales de l'hospitalisation (ARH).
M. Emmanuel Berthier. - Je commencerai par répondre à vos questions, Monsieur le Président. Ce que vous décrivez correspond effectivement à une modification de l'internat qui a eu lieu en 1984 : disparition de l'internat régional, alors que des générations de médecins avaient été formés dans des régions où, très souvent, ils trouvaient à s'installer. Ce lien avec l'hôpital régional a disparu au moment de la réforme de cet internat. Faut-il revenir à une nouvelle organisation de l'internat ? C'est un point qui est tout à fait ouvert et je vous suis lorsque vous pensez que le système de bourse ne suffit pas forcément à contrebalancer un phénomène de connaissance du milieu pendant des années d'études, qui était celui de l'internat modèle 1984.
Sachez que le Québec nous sert de référence pour l'approche des politiques publiques en milieu rural, avec des réflexions qui sont, en général, très innovantes. En matière de possibilités technologiques, vous avez raison d'indiquer que la télémédecine devrait nous permettre d'ouvrir de nouveaux champs. C'est d'ailleurs pourquoi elle fait l'objet de chapitres importants dans le cadre de la loi HPST ; et la DATAR est bien évidemment aux côtés du ministère en charge de la santé pour mettre en oeuvre ces dispositions en matière de télémédecine. La DATAR participe d'ailleurs aux actions qui sont conduites par le Commissariat général aux investissements d'avenir pour mettre en oeuvre un certain nombre d'expérimentations en matière de télémédecine. Le grand emprunt a prévu un appel à projet « e-santé », considérant que la télémédecine permet, d'une part, d'apporter une médecine de qualité dans les territoires enclavés et, d'autre part, de garantir dans de meilleures conditions le maintien à domicile.
Mme Bruguière souligne que les comportements des jeunes médecins sont tout à fait différents de ceux des anciennes générations. Il faut évidemment prendre ce point en compte. Effectivement, les médecins, et pas seulement les femmes, souhaitent exercer leur métier tout en se ménageant des temps de repos importants, ce qui n'était pas le cas pour les générations de médecins de campagne qui se sont succédé depuis 150 ans. Vous avez parfaitement raison de souligner qu'il faut anticiper, dans toute la mesure du possible, les évolutions à 3 ou 5 ans, parce qu'il s'agit de choses qui se préparent.
C'est d'ailleurs ce qu'indique M. Détraigne, qui a un peu de mal à convaincre son ARS ou son préfet de région. Mais la dimension prospective et prévention des difficultés à venir figurent pourtant dans les orientations qui ont été données aux ARS par le gouvernement.
Cela étant, la maison de santé ce n'est pas la panacée. On ne va pas en ouvrir partout parce que c'est, en général, un investissement public, et il faut que cet investissement public ait un usage garanti pendant un certain nombre d'années. Le modèle qui a été développé part de l'existence d'un projet médical. Pour qu'il y ait projet médical, il faut au moins un certain nombre de médecins (mais cela peut être des médecins qui prévoient leur remplacement à terme). Ensuite, il faut que l'investissement collectif soit pertinent, c'est-à-dire qu'on ne peut pas imaginer un investissement à 100 % par des subventions publiques ; ce serait d'ailleurs contreproductif par rapport à l'objectif qui est de vérifier que le modèle est pérenne. Ce que nous préconisons, avec le ministère de la santé, c'est un financement qui soit autour de 50 % au moins par les professionnels qui s'installent dans les maisons pluriprofessionnelles.
Pour répondre à la question sur les pôles d'excellence rurale, je dirai que, dans le cadre de la dernière vague, nous avons accueilli 21 dossiers qui correspondent à 37 maisons de santé. Pourquoi en avons-nous retenu 37 ? Parce que c'était ceux qui étaient les plus exemplaires pour traiter des questions dans les territoires très enclavés, ou qui, par exemple, étaient tout à fait porteurs en matière d'utilisation de la télémédecine. Nous avons eu des critères supplémentaires qui ont permis de distinguer ces projets, sachant que ceux qui n'ont pas pu être retenus au titre des pôles d'excellence rurale seront, je l'espère, retenus au titre de l'appel à projet, dit classique, avec une capacité pour le préfet de région de moduler la subvention.
A propos de la question évoquant un retard dans une prise de décision, je dirai que, pour prendre une décision, il nous faut un projet de santé ainsi qu'un avis favorable de l'ARS (à savoir, à ce stade, une inscription dans le cadre du schéma régional médico-social) ; nous avons prévu un dispositif en matière de subventions, qui va être signifié aux préfets de région dans les prochains jours, et qui va permettre, je l'espère, de combler ce que vous qualifiez de retard dans la prise de décision.
M. Pierre-Yves Collombat. - Si j'ai bien suivi votre raisonnement, il s'agirait d'anticiper ce que souhaitent les médecins. Ce qu'ils souhaitent, on le sait : c'est gagner bien leur vie, en travaillant le moins possible, dans un environnement culturel agréable, avec des établissements d'enseignement pour leurs enfants situés à proximité. Bref, même s'il y a toujours des exceptions, ils souhaitent tout ce que ne peut pas offrir le milieu rural. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi ces médecins viendraient financer à 50 % des maisons médicales alors qu'ils peuvent vivre leur vie grâce à la socialisation des dépenses de santé en ville. Il est évident que l'on ne pourra pas régler le problème de la désertification médicale en restant dans ce schéma.
M. Charles Guené. - Je voulais poser une question qui repose sur une expérience personnelle. Je trouve que les ARS fonctionnent de manière trop rigide et non décentralisée. Par exemple, je suis sur un canton déficitaire et à côté, il y a un canton quasi désertique (14 habitants au km²), mais qui n'est pas en zone déficitaire. Un médecin de ce canton désertique est venu en renfort du médecin situé en zone déficitaire. Bien entendu, il ne travaille qu'un tiers du temps dans le canton déficitaire, parce qu'il est en charge du canton désertique qui l'occupe aux deux tiers. Le médecin qui est dans mon territoire, en zone déficitaire, perçoit les 4 euros supplémentaires sur ses consultations, alors que celui qui vient en renfort, comme il ne fait pas deux tiers au moins de travaux dans le canton déficitaire en question, ne perçoit rien sur ses visites. J'essaie d'expliquer à l'ARS que cela ne me paraît pas équitable et que cela ne durera pas très longtemps. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de reconsidérer, de temps en temps, les limites géographiques des cantons, les systèmes d'organisation et le fonctionnement de ces règles pour que cela soit efficace sur le terrain ?
M. Pierre Jarlier. - Je voudrais intervenir également sur les modalités d'élaboration des zones déficitaires. On a vu des résultats assez surprenants. A l'intérieur de zones de revitalisation rurale, dans lesquelles il y a déjà beaucoup de difficultés pour accueillir des médecins, on a vu effectivement zonés des secteurs déficitaires, qui sont des secteurs où il n'y a déjà plus de médecin. En revanche, à l'intérieur même de ces zones de revitalisation rurale, on a exclu les chefs-lieux de canton dans lesquels il reste par exemple un ou deux médecins, ce qui fait que l'on arrive à une situation aberrante : on n'a pas de mesures incitatives dans ces secteurs, pour aider à conserver des médecins, et on pourrait en avoir dans les secteurs où il n'y a déjà plus de médecins car plus d'habitants. Le fait que des communes de 50 ou 100 habitants soient zonées et pas le chef-lieu de canton concerné montre bien qu'il y a urgence à revoir la carte des zones déficitaires ; il faut le faire en tenant compte des bassins de vie et des points de résistance qui permettent au médecin de s'installer, précisément, dans les maisons de santé dans les chefs-lieux de canton. Il y a donc un vrai travail à faire pour mettre en cohérence les secteurs de revitalisation rurale et les zones déficitaires pour donner une chance aux pôles de résistance de s'organiser avec notamment les nouveaux outils que sont les maisons de santé.
M. Emmanuel Berthier. - Le parti qui a été pris dans la loi « hôpital, patients, santé et territoires » est effectivement un parti d'incitations positives à l'installation de professionnels de santé dans les zones difficiles. On est en train de regarder si cela fonctionne ou pas, pour répondre à l'observation de M. Collombat. Notamment, on est en train de capitaliser les expériences de territorialisation, qui sont conduites par les ARS. Monsieur Guené, j'ai noté avec beaucoup de scrupules toutes vos idées et toutes les indications que vous nous donnez, et je les ferai partager au ministère de la santé.
M. Yves Détraigne. - Je voudrais insister sur le point soulevé par notre collègue Pierre Jarlier. L'époque est passée où, dans chacune des 36 000 communes de France, on pouvait bénéficier de tous les services au public (épicerie, école, médecin...). On ne peut faire de l'aménagement du territoire et conserver un milieu rural vivant, que si l'on conforte les bourgs-centres, qui, parfois, n'ont que 1 500 ou 5 000 habitants, en anticipant le départ du médecin et en préparant de meilleures conditions d'accueil pour son successeur, permettant ainsi de maintenir la médecine sur le territoire.
M. Emmanuel Berthier. - Je n'ai pas répondu de façon précise sur l'exemple du Cantal, où les chefs-lieux de canton ne font pas l'objet d'une priorité, contrairement à ce qui se passe dans d'autres régions françaises.
M. Claude Belot, président. - Qui décide ?
M. Emmanuel Berthier. - C'est l'ARS, in fine, qui arrête des schémas, dont le schéma médico-social. Mais elle le fait après avoir, dans le cadre des territoires de santé qui ont été définis dans chacune des régions, discuté et arrêté un programme de territoire. Tout ce que vous portez comme objectif et comme volonté est tout à fait central, et est en train d'être capitalisé par les ARS dans un dispositif qui est fort loin du Gosplan.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Dans des grandes villes, aussi, il y a absence de médecins. C'est un réel problème.
M. Yves Daudigny. - Est-ce que la décision d'avis favorable sur le dossier des maisons de santé appartient à l'ARS puis, après la subvention, au préfet de région ?
M. Emmanuel Berthier. - Il convient de distinguer deux périodes. La carte des régions de santé sera progressivement appliquée à partir de 2012. Auparavant, en l'absence de schéma couvrant l'ensemble des régions, des commissions régionales ont été constituées par les préfets et les ARS afin d'émettre des avis au sujet des maisons de santé. Les dossiers avec avis favorable peuvent recevoir diverses sources de financement : la dotation spécifique dont dispose le préfet de région au titre du FNADT central, les dotations d'équipement des territoires ruraux (DETR), les fonds européens, dans certaines circonstances, mais aussi, dans certains cas, les contrats de redynamisation des sites de défense ou les crédits des contrats de projet lorsque le financement des maisons de santé pluridisciplinaires y est inscrit. En outre, les préfets devraient être autorisés d'ici peu à moduler de manière significative le financement des maisons de santé en fonction des contraintes portées par chacun des territoires, autour d'une somme moyenne qui pourrait être de 100 000 euros. Nous essayons donc, Monsieur le Président, d'être le plus souple possible dans le cadre de la planification.
J'en viens maintenant, avec votre permission, à la question des transports.
La DATAR s'est engagée aux côtés d'un certain nombre d'administrations centrales, et notamment la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), pour élaborer un schéma national des infrastructures de transport (SNIT). Le gouvernement souhaite que ce schéma, encore à l'état de version préparatoire, soit débattu devant chaque assemblée avant l'été, après les dernières consultations interministérielles. Dans ce cadre, la DATAR concentre ses préoccupations autour de deux axes : la création d'infrastructures d'équilibre dans les territoires et l'interconnexion rapide des grands pôles économiques.
En ce qui concerne ce dernier objectif, l'avantage comparatif de la France par rapport à ses voisins européens doit absolument être maintenu. La France dispose en effet, dans l'ensemble, d'infrastructures de qualité. Il s'agit de maintenir un réseau autoroutier fluide, un réseau ferroviaire à grande vitesse maillé, de nombreuses liaisons aériennes et une forte connectivité numérique à très haut débit (je garde ce dernier sujet pour le troisième temps de mon audition). La DATAR insiste pour que ces problématiques soient situées dans une perspective de long terme et comportent une dimension résolument européenne. Nos réseaux de transports doivent en effet s'intégrer dans un schéma européen cohérent et profiter de notre place centrale au coeur de cet espace. En matière de TGV notamment, il s'agit de disposer d'un certain nombre de radiales européennes qui ne passent pas par la région parisienne pour irriguer le territoire français.
La création d'infrastructures d'équilibre dans les territoires concerne à la fois le réseau routier, ferroviaire et aérien. S'agissant des routes d'équilibre du territoire, la DATAR a repris le concept de « zones blanches », issu d'un rapport de la Haute Assemblée de juin 2008, définies comme des zones éloignées de plus de quarante-cinq minutes d'une deux fois deux voies. L'un des objectifs visés par la DATAR dans le cadre des travaux préparatoires au SNIT est de faire en sorte que les quatorze routes d'équilibre du territoire que nous avons déterminées soient inscrites dans le document final, comme le souhaitent également un certain nombre de parlementaires.
En ce qui concerne les trains d'équilibre du territoire, une petite révolution a eu lieu fin 2010 : l'Etat s'est comporté pour la première fois en autorité organisatrice des transports. La DGITM a en effet passé une convention avec la SNCF afin de financer les déficits d'exploitation des lignes qualifiées de lignes d'équilibre du territoire à hauteur de 210 millions d'euros par an, sur une durée de trois ans prolongeable d'un an. Ce dispositif va être complété par une autre convention, en cours de préparation, visant le financement du renouvellement du matériel roulant en circulation sur ces lignes. Selon la SNCF, 2 milliards d'euros seraient nécessaires à cet effet.
En ce qui concerne les lignes aériennes d'équilibre, l'Etat finance vingt-sept délégations de service public (DSP) et six obligations de service public (OSP). Dans ce cadre également, la DATAR ne possède pas de compétences propres en matière de transports mais constitue, dans le concert interministériel, l'avocat permanent des territoires désenclavés.
M. Jacques Mézard. - Les discours et propos des différents directeurs chargés de l'aménagement du territoire n'ont pas changé depuis mes années d'études, alors même que la situation s'est considérablement aggravée sur le terrain.
Je doute que le SNIT, sur lequel j'ai eu l'occasion de me pencher avec certains collègues, contribue à une quelconque amélioration. Les quatorze axes routiers d'équilibre, auxquels vous vous êtes référé, ne sont cités dans le dernier document relatif au SNIT, qu'au détour de deux ou trois lignes ; il n'y a strictement rien de prévu concrètement. Le cadre applicable reste ainsi celui des programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI), avec leurs carences : sans même aller jusqu'à la construction d'une deux fois deux voies, celle d'une route à 90 km/h avec passages à 70 km/h devrait, au rythme actuel, attendre cinquante à cent années avant d'être achevée... Voilà le constat que je fais.
Est-ce que vous le confirmez ou non ? Y a-t-il enfin une véritable politique de désenclavement des territoires les plus enclavés, ou la situation restera-t-elle bien telle que je l'ai décrite ?
Est-il envisagé de sortir du système actuel des PDMI et, si oui, par quelles mesures concrètes ?
En ce qui concerne le ferroviaire, vous avez mis l'accent sur le financement des déficits d'exploitation, mais, pour avoir personnellement regardé ce qui était prévu, je peux vous dire que rien ne concerne les territoires particulièrement enclavés.
Enfin, en ce qui concerne des lignes aériennes d'équilibre, il y a certes des subventions. Mais prévoyez-vous de les maintenir à leur niveau actuel ?
Mes questions sont précises et je souhaiterais qu'elles reçoivent des réponses précises et sincères.
M. Pierre Jarlier. - Je vous pose les trois mêmes questions que Jacques Mézard, auxquelles j'ajoute une interrogation au sujet de l'inscription de la RN 122 dans ce schéma. Du fait d'absence d'informations, nous sommes dans une totale incertitude sur le contenu de cette inscription et sur ses conséquences concrètes ; par ailleurs, la manière dont ce schéma national a été élaboré m'interpelle : on prévoit de grandes voies d'aménagement du territoire, sans prendre en compte le fait que cette RN 122, qui traverse le Massif central, entre l'A 75 et l'A 20, s'arrête à Figeac. Les quarante derniers kilomètres restants pour rejoindre l'A 20, et donc bénéficier d'une ouverture vers le Sud-ouest, devront en effet être réalisés par voie départementale. Cette situation est regrettable et constitue à mon sens une opportunité manquée à laquelle, j'espère, il est encore temps de remédier. Ce point, et les trois questions posées par M. Mézard, conditionnent vraiment le développement de toute une partie du Cantal, et même du Massif central.
M. Claude Belot, président. - J'observe que la route qui part depuis l'autoroute A 20 jusqu'à Figeac est certes une route départementale mais qu'elle est particulièrement remarquable tant son tracé est droit. Le département du Lot peut s'enorgueillir d'un tel tracé et nous ne pouvons que souhaiter que toutes les routes soient dans un tel état.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - A Montpellier, nous avons utilisé depuis des années l'autoroute comme rocade, avec une partie gratuite. L'autoroute est aujourd'hui parfois saturée le matin et on discute de son éventuel doublement depuis 1996. Un collectif d'associations environnementales, de riverains et même l'Etat s'y étaient à l'origine opposés, au motif que l'arrivée de l'A 75 devait soulager le trafic, ce qui a été, c'est vrai, en partie le cas. Pourtant, et malgré cinq avis défavorables des commissaires enquêteurs, une déclaration d'utilité publique signée en 2007 - et donc désormais insusceptible de recours - a permis de lancer le doublement de l'autoroute, alors qu'un élargissement in situ pourrait suffire. On va balafrer un territoire, détruire des hectares de terre d'AOC et tout cela pour quoi ? Je voudrais d'ailleurs savoir s'il est normal qu'une telle décision ait pu être prise contre l'avis de cinq commissaires enquêteurs.
M. Roland du Luart. - Concernant le financement des trains d'équilibre du territoire, quelle est la différence entre le contrat passé entre l'Etat et la SNCF et les conventions conclues entre les régions et la SNCF assurant un financement régional des chemins de fer ? Les deux se superposent-ils ou l'un remplace-t-il l'autre ?
Concernant le matériel roulant des trains d'équilibre, comment l'Etat va-t-il trouver les 2 milliards d'euros de financement, sachant que la SNCF est déjà en difficulté financière ? Y aura-t-il des financements européens ?
M. Yves Daudigny. - Le département de l'Aisne est situé à deux heures de Paris, et à une heure et demie de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Pourtant, depuis plusieurs décennies, la route nationale 2, reliant le département et la région parisienne, n'est pas considérée par les services centraux des ministères comme nécessitant un traitement particulier. Je suis intervenu avec M. Antoine Lefèvre et les élus locaux, dont les présidents des conseils généraux, pour que les travaux de modernisation de cette route soient menés à un rythme suffisamment rapide. Les avancées sont réelles mais lentes, sachant qu'aujourd'hui est prise en compte la section entre la région parisienne et Laon, sans que ne soient prévus des travaux au nord de cette ville. Or, la liaison située au nord de Lens rejoint la Belgique, et irrigue tout un secteur économique où sont disséminées des activités de production. Lorsque l'on regarde une carte de France, on s'aperçoit de deux choses :
- la liaison Paris-Bruxelles est aujourd'hui assurée par les autoroutes A 1 et A 2, formant, sur la carte, une légère courbe vers la gauche ;
- l'itinéraire de la route nationale 2 - historique puisqu'il relie Paris-Bruxelles - pourrait constituer un itinéraire alternatif deux fois deux voies en passant par Laon, irriguant ainsi des pôles économiques, avec une courbe qui passerait cette fois-ci vers la droite.
Cette réflexion n'a jamais été prise en compte par les responsables nationaux de l'ancien ministère de l'Equipement. Je demande, avec M. Antoine Lefèvre et d'autres élus, à ce que la route nationale 2 soit inscrite au SNIT. Il nous a été répondu, encore, récemment qu'aucune suite favorable ne serait donnée à cette demande, l'inscription n'ayant pas d'intérêt régional ou national et n'entrant pas dans les nouveaux critères retenus -bien que nous ayons démontré le contraire. A également été mentionné le fait qu'une telle inscription n'accélérait pas les financements et que nous avons déjà un PDMI. Aujourd'hui, nous avons la chance, Monsieur le Délégué, de vous rencontrer, je voulais donc porter à nouveau devant vous la connaissance de ce dossier.
Concernant l'équilibre du territoire du département de l'Aisne et les trains d'équilibre, malheureusement, pour la SNCF, le bilan n'est guère plus porteur d'avenir. La voie ferroviaire reliant Laon à Paris est une voie qui, pour une grande partie, n'est pas électrifiée, où la structure porteuse des rails est souvent de qualité moyenne, et où les temps de liaison sont identiques à ceux que l'on connaissait il y a plusieurs décennies. Au final, l'atout principal de ce département, à savoir la proximité de l'Ile-de-France et de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, se transforme en handicap. Je vous transmets donc le souhait des élus locaux, toutes sensibilités politiques réunies, de voir la route nationale 2 être prise en considération comme un axe d'intérêt régional et national.
M. Antoine Lefèvre. - L'investissement de M. Yves Daudigny, président du conseil général, dont les objectifs sont partagés par tous les élus locaux, est un exemple de l'engagement des collectivités territoriales en matière d'aménagement du territoire. Le département de l'Aisne en est réduit, pour montrer l'intérêt qu'il porte à cette route nationale 2, à financer des travaux qui, actuellement, sont réalisés dans le département de l'Oise. Ceci révèle la cohérence de la politique nationale menée en la matière. Encore une fois, les collectivités, malgré leurs fortes contraintes financières, répondent présent en engageant leurs propres ressources. La moindre des choses serait donc d'avoir, de la part de l'Etat, davantage de considération pour ces collectivités territoriales qui financent les travaux et qui sont prêtes à faire d'autres partenariats avec l'Etat. L'effort du département de l'Aisne ne se retrouve pas, je crois, sur l'ensemble des territoires.
M. Claude Belot, président. - Je me souviens d'une période, qui n'est pas si ancienne, où la DATAR recueillait, tel un véritable « mur des lamentations », les observations des élus locaux sur les situations anormales rencontrées sur le terrain avec parfois plus ou moins de succès dans la résolution des difficultés. A titre d'exemple, si mon département a réglé, très largement par lui-même d'ailleurs, ses problèmes routiers et autoroutiers, reste qu'une situation a particulièrement retenu mon attention par son caractère ubuesque. En 1994, dans le cadre de la négociation des XIe contrats de plan Etat-région, il était envisagé la construction d'un axe La Rochelle - Sainte-Hermine en Vendée, traversant la Sèvre Niortaise et le Marais poitevin. Michel Barnier, alors ministre de l'Environnement, ne cache pas son scepticisme, et plaide en faveur d'une autoroute moins coûteuse. Avec l'aide de Michel Crépeau, alors maire de La Rochelle, nous décidons de lancer la construction d'une autoroute à péage d'une longueur de 60 kilomètres en prolongement de l'autoroute Bordeaux - Rochefort. Toutes les études ont bien été diligentées sur le terrain et les recours des associations ont tous été purgés tant au niveau des juridictions nationales qu'européennes. Mais, depuis 2007 et le lancement du Grenelle de l'environnement, au motif de la protection des espèces animales sur place, la situation a été totalement bloquée. Cette paralysie a même entraîné des dommages collatéraux à l'image de Marans, véritable « ville martyre » qui recueille le flot de poids lourds qui alimentent le port autonome de La Rochelle. Sur le terrain, le conseil général a pourtant bien rempli sa mission en procédant au rachat des 200 hectares nécessaires pour les échanges fonciers et il ne reste plus qu'à lancer un appel d'offres. Or cela fait maintenant trois ans que la situation est complètement bloquée, au point qu'il serait même envisagé, par certains, la construction d'un pont de 5 kilomètres pour traverser un fleuve dont la largeur ne dépasse pas 25 mètres ! Cette situation est clairement inacceptable du point de vue de l'aménagement du territoire ; il faut en sortir !
M. Emmanuel Berthier. - Il y a le temps des schémas, le temps des procédures, et le temps des financements.
Je vais d'abord répondre aux questions de M. Roland du Luart. Nous avons approuvé des projets mais, comme vous l'avez signalé, encore faut-il les financer. A l'heure actuelle, les finances des collectivités publiques ne sont pas aussi abondantes que ce que nous pourrions souhaiter. Le train d'équilibre du territoire, Monsieur le Président, c'est effectivement de l'argent en plus concernant les anciennes lignes, qualifiées de Téoz ou Corail, qui étaient gérées par la SNCF de son propre chef, c'est-à-dire sans autorité organisatrice. La situation est différente pour les lignes à grande vitesse pour lesquelles l'Etat a fixé des objectifs très clairs, et pour les lignes TER où l'autorité organisatrice est le conseil régional. Dans le cadre des trains d'équilibre du territoire, nous avons depuis décembre 2010 une autorité organisatrice, la DGITM, qui a passé un contrat avec la SNCF sur trois ans. Le financement du déficit se fait par un certain nombre de moyens, notamment par une perception sur les péages autoroutiers et sur les billets de TGV. Pour répondre de façon précise à votre question, le renouvellement du matériel roulant nécessaire pour faire fonctionner les trains d'équilibre du territoire sera financé par l'Etat, et non par les fonds européens -l'Europe ne souhaite pas nous accompagner dans ce type d'action.
Madame Marie-Thérèse Bruguière, le débat sur l'A 75/A 9 est exemplaire sur le fait qu'il faut se mettre non seulement d'accord sur les schémas, mais qu'il faut ensuite pouvoir conduire les procédures dans des délais raisonnables. Concernant le projet qui vous préoccupe, le gouvernement a décidé de remettre une dernière fois à plat le sujet. M. Daniel Bursaux vous a d'ores et déjà indiqué, ou le fera lors de votre prochaine rencontre, où ils en sont en termes de gestion des procédures. Encore une fois, l'inscription dans un schéma ne fait pas tout.
Quant à la question de M. Jacques Mézard relative au maintien ou non du niveau actuel des subventions de l'Etat visant à financer le déficit de la ligne aérienne Aurillac-Paris, la proposition, pour l'instant, de l'administration centrale du ministère de l'Equipement est une diminution par rapport à la subvention précédente. Sachez que ce point a été signalé par votre préfet au ministère de l'Équipement et que nous avons considéré que la liaison Aurillac-Paris était centrale en matière d'aménagement du territoire, notamment parce que la desserte par le train n'était pas optimale.
Concernant la question de M. Pierre Jarlier relative à la route nationale 122, une route d'équilibre Figeac-Aurillac vers l'A 75 est d'ores et déjà inscrite dans le SNIT. Elle passera par la route nationale 122. Votre projet a été retenu par la DGITM, ce qui n'est pas encore le cas des 14 routes d'équilibre du territoire telles que nous les avons identifiées sur la base des zones enclavées, construites à partir de l'indicateur proposé par le Sénat en 2008. A ce titre, je constate que l'Aisne ne fait pas partie des départements ayant des zones considérées comme enclavées, ce qui explique, MM. Yves Daudigny et Antoine Lefèvre, les réponses qui vous ont été faites jusqu'à présent par mon collègue Daniel Bursaux.
M. Jacques Mézard. - Je ne suis pas à proprement parler accablé par vos réponses car je ne m'attendais pas à autre chose. Je crois que vous n'avez pas conscience de la situation sur le terrain. J'entends un certain nombre de mes collègues indiquer quels sont leurs problèmes, et ils ont raison. Sur notre territoire, ont été supprimés le train de nuit en 2003 et le train direct en 2004. Au minimum, le train - ce qu'il en reste - met 6 h 02 pour rejoindre Paris, et le train de nuit 9 h 30 en partant, désormais, de Figeac. Lors du débat sur le SNIT, j'ai donné copie des horaires de trains en date de 1905 au ministre.
Vous me dites, Monsieur Emmanuel Berthier, qu'il y aurait une diminution du financement des lignes aériennes. Je ne suis pas un révolutionnaire, mais je ne crois pas que l'on puisse durablement faire vivre des portions de nos territoires dans ces conditions. Vous me répondez que rien ne sera fait, et je n'attendais pas une autre réponse. C'est vraiment terrible et je vous invite à venir voir. Je ne demande pas à ce qu'il y ait à la fois le train, l'avion et la route, mais qu'il y ait un moyen de communication, que l'on puisse au moins se désenclaver par la route, que ce soit vers l'Ouest, le Sud, l'Est ou le Nord, au moins d'un côté ! Pour accéder à notre préfecture, à Aurillac, la dernière heure et demie de route est une véritable calamité. La délégation est venue récemment sur place, avec M. Edmond Hervé, et a pu constater ce qu'il en était. Alors, nous dire que nous sommes dans les 14 routes d'équilibre du territoire inscrites dans le PDMI, qu'est-ce que cela va changer par rapport au système PDMI ? Rien ! Je me suis battu des mois pour que ce soit mentionné au moins dans une page. Mais, concrètement, nous allons rester dans une situation qui s'est aggravée depuis 20 ans. Et vous nous annoncez aujourd'hui une augmentation de cette aggravation puisqu'il va falloir que nous trouvions des ressources supplémentaires pour financer la ligne aérienne. A titre d'exemple, la communauté d'agglomération du Bassin d'Aurillac gère l'aéroport dont elle est propriétaire, finance la liaison aérienne à concurrence de 500 000 euros et finance, à moitié avec le conseil général, l'ensemble des investissements de cet aéroport. Que faut-il faire de plus !?
Le premier de vos prédécesseurs, M. Olivier Guichard, lors du cinquantenaire de la DATAR, avait déclaré qu'il fallait qu'il y ait quelques « déserts » en France. Si c'est le cas, dites-le nous, que l'on en tire les conclusions !
M. Emmanuel Berthier. - Monsieur Mézard, j'essaie de répondre de façon précise aux questions que vous me posez.
D'abord, sur les routes d'équilibre du territoire, il vaut mieux voir votre liaison être inscrite que non inscrite dans la version actuelle du SNIT. Certains de vos collègues, qui ont plaidé avec la même conviction que vous, ont vu des routes qu'ils considéraient comme absolument indispensables non retenues à ce stade par les services du ministère de l'Equipement.
Ensuite, le PDMI fait un effort d'évaluation du coût de l'ensemble de ses investissements. Or, il faut financer ces investissements. Le SNIT est parfaitement clair : sur un certain nombre d'infrastructures routières, il faudra poursuivre les démarches engagées dans le cadre des PDMI. Le SNIT arrêté, il conviendra ensuite de fixer des priorités en termes de financements. Il vous est donc utile de continuer à plaider avec la même vigueur le besoin de désenclavement du Cantal.
En ce qui concerne la liaison Aurillac-Paris, vous m'avez posé une question et je vous indique la situation telle que je la connais, car j'estime devoir la transparence à tous les parlementaires de ce pays. Vous me demandez s'il y a un maintien du niveau actuel des subventions et je vous réponds en fonction des indications que j'ai à ma disposition : pour l'instant, le ministère en charge de l'Equipement ne sait pas comment assurer une subvention équivalente en 2011 à celle que vous avez perçue en 2010.
M. Claude Belot, président. - Quelles en sont les causes ?
M. Emmanuel Berthier. - Les causes, Monsieur le Président, c'est globalement la situation budgétaire de l'Etat.
M. Claude Belot, président. - Ce n'est pas un problème de situation budgétaire de l'Etat, car le financement de ces subventions n'est pas assuré par la voie budgétaire. Je vous rappelle que c'est au Sénat, dans le cadre de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dont j'avais eu l'honneur d'être co-rapporteur avec nos collègues Gérard Larcher et Jean-Marie Girault, que nous avions mis en place un fonds de soutien des lignes aériennes déficitaires, alimenté par le produit dégagé par une taxe parafiscale assise sur les lignes aériennes bénéficiaires. Ce n'était donc pas des crédits budgétaires. Il faudra nous répondre sur l'avenir du financement de ce fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA).
Je vous prie de passer maintenant à la dernière question : celle de l'aménagement numérique du territoire.
M. Emmanuel Berthier. - Il s'agit d'un sujet que la DATAR maîtrise plus directement.
En matière d'aménagement numérique du territoire, j'ai identifié six thèmes pouvant intéresser votre délégation.
D'abord, l'achèvement de la réalisation du programme de résorption des zones blanches de téléphonie mobile.
Un plan a été arrêté au début des années 2000 concernant 2 946 communes qui ne disposaient pas de téléphonie mobile 2 G satisfaisante. Ce plan est exécuté à 98,6 % ; il a mobilisé 400 millions d'euros d'investissement de la part des opérateurs ; 110 millions d'euros à la charge de la puissance publique. Un programme complémentaire a été arrêté en 2008 concernant 364 communes. Ce plan connaît quelques difficultés d'exécution, notamment parce que certains conseils généraux ont des difficultés à mobiliser des ressources financières nécessaires. L'Etat maintient son niveau de financement pour l'ensemble de ces projets à hauteur de 30 % des financements publics. Une dizaine de communes supplémentaires ont fait l'objet d'un signalement à la DATAR, qui lance ces jours-ci une étude de couverture radio permettant de savoir là où, effectivement, la desserte du centre-bourg, des axes de communication et des sites touristiques très fréquentés n'est pas effective. Donc, le programme de résorption des zones blanches fonctionne bien, sachant que les critères de couverture des territoires en réseaux mobiles posent débat.
Le deuxième point concerne la redéfinition des critères de couverture des territoires en réseaux mobiles. Le protocole national de juillet 2003 est fondé sur un certain nombre de critères qui ne correspondent plus aux usages actuels du téléphone mobile. Plusieurs sénateurs ont proposé qu'une commune ne puisse être considérée comme couverte que si l'ensemble de son territoire habité est réellement couvert. Cette proposition sénatoriale n'a pas été retenue dans les derniers débats parlementaires. La DATAR a proposé, dans le cadre de ce débat, une définition alternative moins ambitieuse. Sachant que cette question va être reposée, la DATAR est tout à fait prête à aider les parlementaires qui souhaiteraient construire une position argumentée et notamment fondée sur des données concrètes, à la fois techniques et financières.
Troisième point : comment réussir le passage à la télévision numérique terrestre ?
La DATAR n'est pas maître d'oeuvre du déploiement, même si elle participe au suivi global de l'opération. On constate que, jusqu'à présent, l'opération s'est déroulée dans d'excellentes conditions. Les zones qui restent à basculer présentent quelques difficultés complémentaires par rapport à celles qui ont été traitées jusqu'à maintenant.
Le quatrième thème concerne la recherche d'une couverture mobile 4 G aussi étendue que possible. Le gouvernement et l'ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes) finalisent le cahier des charges de l'appel d'offre relatif aux fréquences du dividende numérique, né de la libération des fréquences analogiques. Dans ce cadre, il y aura une priorité donnée aux zones rurales dont l'obligation de couverture sera contrainte par des délais plus courts qu'ailleurs.
En cinquième lieu, je voudrais évoquer la question de l'accès au fonds d'aménagement numérique des territoires pour les projets publics. J'y reviendrai cependant de façon plus détaillée dans quelques instants, le gouvernement ayant procédé à une communication, à l'issue du conseil des ministres du 27 avril.
Enfin, le dernier point sur lequel je voulais appeler votre attention concerne l'élaboration d'une nouvelle proposition de loi relative à l'aménagement numérique des territoires. A la suite du rapport du sénateur Bruno Sido, le sénateur Hervé Maurey a été désigné pour présenter un nouveau rapport à la fin du mois de juin. Là encore, les services de la DATAR lui sont acquis s'il souhaite, comme cela avait été le cas dans une circonstance précédente, bénéficier de cette expertise.
En ce qui concerne le déploiement de la fibre optique, dans les dix prochaines années : exécution du programme national « très haut débit ». Bruno Le Maire, ministre de l'Aménagement du territoire, et Eric Besson, ministre en charge de l'Industrie et de l'économie numérique, ont annoncé, le 27 avril, les conditions d'ouverture, cet été, des guichets destinés aux opérateurs et aux collectivités publiques, pour mettre en oeuvre les 2 milliards d'investissements d'avenir décidés par le Président de la République, qui permettront cet aménagement numérique du territoire. Les sommes sont définitivement calées :
- 1 milliard d'euros va venir renforcer la capacité d'investissement des opérateurs. C'est un prêt à long terme, ouvert aux opérateurs privés qui seraient choisis comme délégataires, aux termes d'une procédure ouverte dans le cadre des réseaux d'initiative publique. De plus, le gouvernement a annoncé l'attribution d'un label gouvernemental pour les opérateurs qui prendront des engagements en matière de rapidité et d'homogénéité de déploiement sur les territoires qui les concernent ;
- 900 millions d'euros (subventions préfigurant le fonds d'aménagement numérique des territoires) vont être consacrés aux projets des collectivités territoriales qui vont déployer des réseaux de fibre optique. La volonté de l'Etat est que l'initiative privée et l'initiative publique soient parfaitement coordonnées, dans le cadre d'un certain nombre de schémas qui sont en cours de réalisation et qui ont été cofinancés par la DATAR : c'est à la fois les schémas de cohérence, à l'échelle régionale, et les schémas de déploiement, à l'échelle départementale. Le cofinancement de l'Etat, sous forme de subventions, prendra en compte la situation de chaque département et notamment la plus ou moins grande proportion de population rurale à l'intérieur de ce département. Une part minoritaire de l'enveloppe consacrée aux réseaux d'initiative publique pourra être dédiée à la fourniture d'accès à internet à haut débit par des technologies alternatives à la fibre, telles que la montée en débit, avec des conditions de financement public qui seront équivalentes à celles du très haut débit.
Et puis, parallèlement, l'Etat va consacrer, dans le cadre des investissements d'avenir, 40 millions d'euros pour préparer la prochaine génération de satellites à très haut débit par internet.
Ces précisions, qui ont été données le 27 avril, à la suite d'un certain nombre d'interrogations qui avaient pu fleurir après les résultats de l'appel à manifestation d'intention d'investir que les opérateurs avaient remis au Commissariat général à l'investissement, le 31 janvier 2011, permettent de caler de façon définitive les cahiers des charges de ces guichets qui vont être ouverts à l'été 2011.
Voilà ce que je souhaitais dire en introduction de ce point.
M. Claude Belot, président. - Il s'agit évidemment d'un sujet passionnant et d'avenir et j'ai la conviction qu'il convient d'être précis et prudent sur ce qui est dit à nos concitoyens. J'ai eu l'occasion de travailler sur ces sujets au Sénat, au moment où le haut débit faisait alors lentement son apparition. C'est au Sénat particulièrement, avec l'action de notre collègue Jean-François Le Grand très actif sur ces problématiques, qu'a été ainsi édifiée toute la législation relative aux opérateurs publics. Cela a permis aux collectivités de procéder à des délégations de service public à des opérateurs dans ce domaine, et si le système fonctionne globalement, il rencontre toutefois certaines limites. En effet, il permet certes de régler le problème de la « fracture tarifaire » mais ne règle en rien la question de l'arrivée de la fibre optique dans chaque maison ou village. Or, il faut que nous soyons clairs sur ce dernier point : en l'état actuel de la technologie et du coût de celle-ci, nous ne sommes pas en mesure de le faire, comme le montre le faible développement du satellitaire à très haut débit. Il me paraît essentiel de reconnaître que nous sommes dans un domaine extrêmement évolutif et que les discours actuels relayés auprès du public sont loin de la réalité. Nombre de nos concitoyens font ainsi l'expérience d'un décalage entre leurs exigences et les capacités techniques réelles.
M. Yves Daudigny. - En ce qui concerne la téléphonie mobile, existe-t-il une possibilité pour réviser les cartes de zones blanches ? En effet, je constate encore, au sein de mon département, l'impossibilité de téléphoner en centre ville près de la mairie.
Par ailleurs, en termes d'accès de liaisons numériques asymétriques (ADSL) à internet, les collectivités peuvent passer des marchés pour l'installation d'un noeud de raccordement d'abonnés (NRA) zones d'ombre qui ne peuvent cependant être installées que dans le cadre de financement des collectivités locales lorsque la zone n'est pas du tout desservie. Ainsi, cette procédure, selon ma connaissance de la réglementation, ne peut être utilisée pour augmenter le débit. Or, il m'a été indiqué une prochaine évolution de cette réglementation. Je souhaitais par conséquent savoir où on en était.
M. Emmanuel Berthier. - Sur votre seconde question technique, je vais faire les recherches nécessaires afin de vous apporter une réponse précise dès que possible. En ce qui concerne votre première question, la révision des zones blanches est en effet encore possible ces jours-ci. Je n'ai cependant pas connaissance de zones blanches pour les mobiles 2 G qui m'aient été signalées dans le département de l'Aisne. Je suis cependant prêt à faire les recherches nécessaires dès que vous m'aurez signalé les zones précises concernées.
En ce qui concerne le haut débit, l'objectif du gouvernement n'est pas de faire rêver les gens avec des objectifs inatteignables. Le gouvernement a fixé un objectif de couverture à très haut débit à l'horizon 2025 avec un objectif intermédiaire de 70 % de la population couverte à un horizon 2020. Le dépouillement des intentions des opérateurs privés indique qu'ils devraient couvrir à l'horizon 2020 - sans aide des opérateurs publics - 57 % des ménages. Nous devons donc organiser de la façon la plus efficace possible, la couverture de 13 % supplémentaires de ménages avec une préoccupation supplémentaire tendant à favoriser les départements qui ne sont pas en zones très denses. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé un soutien supplémentaire pour renforcer, à la fois en taux de subvention et en niveau de prise en charge maximale, les départements les plus ruraux. Je vous rejoins parfaitement en remarquant que nous n'aurons pas tous le très haut débit dans les cinq ans à venir. Voila pourquoi le gouvernement accepte que des dispositifs de montée en débit de l'ADSL actuel soient présentés par les collectivités publiques dans le cadre de réseaux d'initiatives publiques, à condition que le déploiement à terme de la fibre ne soit pas handicapé. On va par conséquent traiter les zones dans lesquelles nous savons déjà qu'elles ne pourront pas être atteintes par la fibre avec toutes les précautions que vous avez rappelées tout à l'heure sur l'évolution prochaine des technologies. D'autre part, nous allons accepter la montée en débit dans des zones moins denses alors qu'une partie de ces équipements pourront être récupérés lorsque nous passerons à la fibre optique. Cette catégorie fera aussi l'objet d'équipements qui seront subventionnés dans le cadre des investissements d'avenir.