Mercredi 27 avril 2011
- Présidence de M. Claude Jeannerot, président -Composition du Bureau
M. Claude Jeannerot, président. - Notre collègue M. Jean-Pierre Plancade a décidé de quitter la mission commune d'information relative à Pôle emploi. En effet, il lui était difficile de participer avec un minimum d'assiduité à cette mission en raison de ses contraintes d'agenda. Il a souhaité laisser sa place à Mme Anne-Marie Escoffier, sénateur de l'Aveyron, à qui je souhaite la bienvenue.
S'il n'y a pas d'opposition, je vous propose que Mme Anne-Marie Escoffier remplace également M. Jean-Pierre Plancade, en tant que secrétaire, afin de conserver l'équilibre entre les groupes au sein du Bureau.
Mme Anne-Marie Escoffier est désignée secrétaire.
Audition de Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé, déléguée générale de l'Alliance Villes Emploi
M. Claude Jeannerot, président. - Nous accueillons Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé, déléguée générale de l'Alliance Villes Emploi, association qui fédère les maisons de l'emploi et les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie). Nous aimerions connaître votre point de vue sur le rôle des maisons de l'emploi, après la création de Pôle emploi, et sur l'articulation entre Pôle emploi et les Plie. Nous souhaiterions également mieux comprendre les relations entre les nombreux acteurs du service public de l'emploi au niveau local et savoir de quelle manière ce service public pourrait mieux fonctionner.
Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé, déléguée générale de l'Alliance Villes Emploi. - En préambule, je souhaite présenter l'Alliance Villes Emploi : il s'agit d'une association créée par huit maires, en 1993, à l'initiative de MM. Jacques Baumel, député-maire de Rueil-Malmaison, avec lequel j'ai développé la première maison de l'emploi en 1989, et Pierre de Saintignon, premier adjoint au maire de Lille, qui a développé les Plie.
L'association regroupe essentiellement des élus qui siègent dans des structures intercommunales, celles-ci étant compétentes pour les questions de développement économique et de politique de la ville. Les élus membres de l'association sont généralement président ou vice-président d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et président d'une maison de l'emploi ou d'un Plie. Une centaine de Plie, sur un total de 188, sont portés juridiquement par une maison de l'emploi. On compte aujourd'hui 197 maisons de l'emploi en activité, à comparer avec un chiffre de 205 maisons de l'emploi labellisées ; cinq ou six ont décidé de fusionner, d'autres n'ont pas poursuivi leur activité. Notre association est un outil de représentation et de professionnalisation de l'ensemble de ces acteurs.
En ce qui concerne la place des maisons de l'emploi sur le territoire et leur partenariat avec l'ANPE, puis avec Pôle emploi, notre association a toujours insisté sur le fait que les maisons de l'emploi ne remplaceront pas Pôle emploi. Ce sont des outils d'expression des politiques territoriales et intercommunales d'insertion et d'emploi, qui travaillent en partenariat étroit avec Pôle emploi.
Lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2011, il a été rappelé que les maisons de l'emploi et Pôle emploi avaient cependant tous deux vocation à lutter contre le chômage. Les maisons de l'emploi se sont développées, conformément aux dispositions de la loi de 2008 portant réforme de l'organisation du service public de l'emploi, en vue d'animer et construire des projets territoriaux en matière d'emploi. Ce sont des outils d'observation du territoire et d'analyse des besoins en matière d'emploi. La maison de l'emploi est un outil qui doit construire des solutions évolutives, remises en permanence en question lorsque la situation économique et les difficultés du territoire l'imposent.
Les maisons de l'emploi disposent d'une gouvernance très particulière. Alors que les missions locales ou les Plie sont présidés par un élu, qui est le seul décideur, les maisons de l'emploi associent trois acteurs à la prise de décision : l'élu, président de la maison de l'emploi, l'Etat par le biais du préfet et de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), et Pôle emploi. Ces trois acteurs ont une vraie fonction de prise de décision, de pilotage de la structure et de mise en cohérence de ses interventions.
Dès lors que Pôle emploi participe à la gouvernance des maisons de l'emploi, il ne peut y avoir, sauf exception, de concurrence entre Pôle emploi et les maisons de l'emploi. Pôle emploi est l'outil national en capacité de ramener les personnes à l'emploi. Les maisons de l'emploi n'interviennent pas dans le domaine du placement, mais ont un rôle d'analyse de la situation de l'ensemble des intervenants et de construction de projets. Un débat a eu lieu, au moment de l'élaboration du cahier des charges, sur le point de savoir si les maisons de l'emploi devaient accueillir et accompagner des publics. C'est aujourd'hui une option ouverte par le cahier des charges. Certaines maisons de l'emploi le pratiquent, en partenariat avec Pôle emploi. J'ai animé aujourd'hui un comité directeur de maisons de l'emploi, au cours duquel certains directeurs ont indiqué que Pôle emploi ne pourrait pas accompagner et orienter les chômeurs si les maisons de l'emploi fermaient leurs antennes.
Il subsiste des marges de progression dans l'activité des maisons de l'emploi. L'emploi n'est pas uniquement une question de rapprochement de l'offre et la demande. Le fait que les maisons de l'emploi soient portées, dans 99 % des cas, par des élus en charge du développement économique leur permet de faire régulièrement le lien avec les entreprises. J'ai pu observer, au même titre que l'ensemble des présidents et directeurs de maisons de l'emploi, qu'il est nécessaire de créer une relation privilégiée, une médiation, un partenariat avec l'ensemble des acteurs afin d'être en capacité d'apporter une réponse aux demandeurs d'emploi.
J'analyse actuellement les résultats d'une enquête menée dans un territoire pour étudier le positionnement des entreprises sur la question de l'insertion : sont-elles prêtes à accueillir des chômeurs de longue durée, qui connaissent souvent des problèmes de santé ou de logement ? Au cours de cette enquête, les entreprises, notamment les plus petites, ont exprimé des besoins de compétences, non à temps plein, mais qu'elles pourraient partager avec d'autres entreprises. Cette demande nous a conduits à développer les formules de temps partagé. Les maisons de l'emploi ont donc vocation à capter l'ensemble des informations sur un territoire en vue de construire des solutions dans le champ de l'insertion, de l'emploi, de la formation, pour permettre aux chômeurs de retrouver un emploi et aux acteurs économiques de développer leur activité.
Nous conduisons en ce moment un projet sur le développement durable, en lien avec trente-trois maisons de l'emploi. Au cours du « Grenelle de l'environnement », nous avons noté que la question de l'emploi n'était pas centrale dans les débats. Le directeur d'une maison de l'emploi a cependant été, par la suite, nommé directeur régional de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). A cette occasion, nous avons discuté de l'évolution des métiers du développement durable et convenu que les maisons de l'emploi pourraient conduire un projet dans ce domaine. A l'heure actuelle, trente-trois territoires construisent des projets de développement durable, avec plus de soixante partenaires qui représentent, notamment, toute la filière du bâtiment. Il s'agit de procéder à un travail d'analyse économique, d'analyse du marché et des formations, pour vérifier si ce secteur est en mesure de répondre aux nouveaux besoins en matière d'emploi et de prévoir les formations adéquates. Ce projet est révélateur de la capacité des maisons de l'emploi à faire avancer les partenariats sur un territoire. Les maisons de l'emploi savent travailler avec les élus, qui sont eux-mêmes au contact direct des citoyens.
En conclusion, la maison de l'emploi répond à une stratégie de territoire, partagée avec Pôle emploi, l'Etat, les partenaires sociaux et les autres acteurs territoriaux, dans une relation de proximité extrêmement forte.
M. Claude Jeannerot, président. - Vous évoquez la complémentarité entre les maisons de l'emploi et Pôle emploi et vous avez raison d'indiquer que le marché du travail ne se réduit pas à la rencontre entre les offres et les demandes d'emploi. Vous estimez qu'il est nécessaire qu'il existe une structure qui oeuvre à l'ancrage territorial du service public de l'emploi. Mais y a-t-il une fatalité à ce que Pôle emploi ne soit pas capable de s'ancrer dans les territoires, de nouer des partenariats, de travailler avec les élus ? La construction d'un réseau unique ne contribuerait-elle pas à simplifier le paysage institutionnel et à apporter plus de transparence ?
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé a insisté sur le fait que Pôle emploi est un élément clé de la gouvernance des maisons de l'emploi. Le problème consiste à mesurer correctement la valeur ajoutée des maisons de l'emploi, pour déterminer si ces structures ne sont pas un élément de complexité supplémentaire. La création de Pôle emploi visait à simplifier le service public de l'emploi, mais celui-ci reste complexe.
Vous avez indiqué que les maisons de l'emploi apportent une valeur ajoutée dans deux domaines. Tout d'abord, elles aident à se repérer dans le maquis institutionnel : le département gère le revenu de solidarité active (RSA), l'intercommunalité développe les projets territoriaux, les régions ont une responsabilité en matière de formation, etc. Ensuite, les maisons de l'emploi ont été articulées, dès leur création, avec les Plie. Il y a peu d'endroits dans lesquels le Plie n'est pas relié à ces structures. Le fait de relier un Plie à une maison de l'emploi présente une vraie valeur ajoutée.
Le deuxième sujet important de votre intervention est la présentation de la maison de l'emploi comme une tête chercheuse de gisements d'emploi, notamment sur les « emplois verts » ou les services à la personne.
L'intégration, à moyen terme, des maisons de l'emploi dans Pôle emploi est-elle envisageable ? Une telle décision entraînerait-elle un appauvrissement du service public de l'emploi dans sa capacité à détecter les gisements d'emploi, à mettre en relation les offres et les demandes d'emploi ? Ne faut-il pas préserver un lieu dans lequel l'ensemble des partenaires se retrouvent autour de projets territoriaux, afin que Pôle emploi se concentre sur son coeur de métier ?
M. Ronan Kerdraon. - La question la plus intéressante a trait à la multiplicité des acteurs de l'emploi en France : la mission locale pour les jeunes, Pôle emploi pour les moins jeunes, les maisons de l'emploi, etc. Cette diversité crée un risque de confusion. Que proposez-vous pour rationaliser ce système, en évitant une dilution des crédits publics ? En outre, j'aurais souhaité savoir quel regard vous portez sur Pôle emploi. Il semble qu'un projet d'accord entre les maisons de l'emploi et Pôle emploi soit resté en suspens en l'absence de réponse de Pôle emploi.
Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé. - La convention bilatérale est en cours d'élaboration.
M. Ronan Kerdraon. - Quel est le frein à ce rapprochement ? Quand celui-ci pourrait-il aboutir ?
Mme Christiane Demontès. - J'ai participé à la mise en place des Plie, qui poursuivaient surtout, à l'origine, l'objectif de bénéficier des sommes allouées par le Fonds social européen (FSE) pour l'insertion des publics en difficultés. Par la suite, les Plie sont devenus des outils qui permettent de construire des parcours, en particulier pour les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Le dispositif bénéficie principalement à des jeunes qui n'ont pas réussi à trouver un premier emploi ou à des personnes qui ont eu des emplois précaires et qui, à un certain moment, se retrouvent décrochées de l'emploi et de la société. L'aspect le plus intéressant des Plie est lié au fait que leurs comités de pilotage associent tous les acteurs de l'insertion par l'économique, ce qui permet d'offrir à ces publics en difficulté des outils dont ne dispose pas Pôle emploi.
Dans ce cadre, quel est le rôle des maisons de l'emploi ? Sont-elles cantonnées à la mise en place de projets territoriaux, alors que la plupart des communes d'une certaine taille disposent déjà de leurs propres services compétents en matière d'emploi et d'activité économique ?
Nous-mêmes, élus, éprouvons des difficultés pour recenser tous les lieux susceptibles d'accueillir des demandeurs d'emploi : mission locale, maison de l'emploi, centre communal d'action sociale (CCAS), Pôle emploi, bureau d'information jeunesse (BIJ), etc. Il est donc essentiel de clarifier les dispositifs pour les décideurs, les professionnels et le grand public et je m'interroge sur la valeur ajoutée des maisons de l'emploi par rapport à tous les dispositifs existants.
Mme Annie David. - Je m'associe à cette question relative à la valeur ajoutée des maisons de l'emploi. Ciblez-vous un public particulier au sein des maisons de l'emploi ? Quel est la source de leur financement ? Quel type d'aide pouvez-vous apporter aux demandeurs d'emploi ? Pouvez-vous proposer des formations aux demandeurs d'emploi en grande difficulté ?
M. André Reichardt. - Certaines maisons de l'emploi ont éprouvé des difficultés à trouver leurs marques dans les territoires où elles étaient situées. Par exemple, les maisons de l'emploi n'ont pas réussi à trouver leur place dans certains territoires du Bas-Rhin, où je suis élu, du fait d'une difficulté à collaborer avec les collectivités territoriales qui estimaient que les CCAS et les actions mises en oeuvre par les élus locaux répondaient déjà à leurs besoins. Certains élus se sont demandé à quoi serviraient les maisons de l'emploi en complément de la mission locale. Ces structures ont donc fonctionné plus ou moins bien selon les endroits.
Je souhaiterais savoir comment les maisons de l'emploi ont pu nouer des relations de qualité avec Pôle emploi. Nous avons compris que la gouvernance de ces structures est originale, mais quel est le fonctionnement concret des maisons de l'emploi ? Leur vocation serait d'élaborer un projet de territoire, avec un diagnostic, une gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC), etc. Or cette mission soulève la question du choix du chef de file entre les différents partenaires, chacun estimant être le plus compétent en matière de développement du territoire. Nous avons auditionné le directeur général de Pôle emploi. A cette occasion, nous lui avons demandé si Pôle emploi pratiquait la GPEC, ce à quoi il a répondu positivement. L'Etat, représenté par le sous-préfet, propose également un projet de territoire. Les maisons de l'emploi peuvent également rencontrer des difficultés dans leurs relations avec les collectivités locales.
En Alsace, nous menons des actions importantes en matière d'aménagement du territoire. Ces projets de territoire structurants donnent lieu à des financements particuliers, par le biais d'une convention conclue avec les différents partenaires qui s'intègrent à ses orientations. Que font les maisons de l'emploi dans le cadre de ces projets régionaux qui sont élaborés au niveau territorial ?
Mme Anne-Marie Escoffier. - Je souhaiterais moi aussi que vous nous instruisiez sur la complémentarité et la concurrence de tous les acteurs de l'emploi, ainsi que sur le rôle particulier des anciennes directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, c'est-à-dire des services de l'Etat.
M. Claude Jeannerot, président. - Nous avons visité hier une agence de Pôle emploi à Trappes, dans laquelle nous avons constaté qu'il est demandé aux agents de créer du lien avec les entreprises, d'assurer l'accompagnement des demandeurs d'emploi et de suivre plus efficacement les chômeurs de longue durée. N'est-il pas temps de réunir l'ensemble des services de l'emploi ?
Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé. - La situation n'est pas simple. Je crois que la situation de l'emploi se dégraderait sans les maisons de l'emploi, mais aussi sans les missions locales et les Plie. L'option optimale serait que les maisons de l'emploi portent l'ensemble des outils territoriaux, comme c'est le cas en Picardie où s'est créée une association des présidents des maisons de l'emploi, missions locales et Plie.
Nous pourrions nous interroger sur la cohérence des outils territoriaux de l'emploi. Pôle emploi est un outil national. Même s'il y a eu un effort important de déconcentration des prises de décision lors de la création de cette entité, Pôle emploi reste néanmoins l'établissement national de gestion de l'emploi. Un directeur d'agence m'a fait part des difficultés qu'il rencontrait pour prendre des décisions de manière autonome. Les décisions de Pôle emploi sont rarement prises au plus près du terrain, ce qui est l'un des défauts de cette structure.
Les outils territoriaux sont l'expression des politiques intercommunales de l'insertion et de l'emploi. Aujourd'hui, la compétence de l'emploi est confiée à l'Etat. La seule loi qui ait imposé un début de compétence en matière d'emploi aux collectivités locales est la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, qui dispose que « les collectivités territoriales et leurs groupements concourent au service public de l'emploi ». Ce sujet est débattu au sein de notre association, ainsi que dans d'autres structures similaires comme l'Assemblée des communautés de France (AdCF). De manière impertinente, je vous invite à vous demander de quelle manière un jour en France, la compétence « emploi » pourrait être partagée avec les structures intercommunales. La situation de l'emploi serait catastrophique en cas de suppression des missions locales, des Plie et des maisons de l'emploi.
Un Plie est un outil de construction des étapes du parcours vers l'emploi. Il devrait bénéficier aux titulaires du RSA, mais ce dispositif se révèle être un échec. Les conseils généraux qui cofinançaient les Plie ont, pour la plupart, supprimé les aides qu'ils leur apportaient pour l'accompagnement des titulaires du RSA. A l'heure actuelle, ces chômeurs ne sont plus accompagnés et sont mal orientés. Dans certains Plie, nous constatons une baisse de l'accompagnement de ce public à hauteur de 70 %.
On disait autrefois que le volet « insertion » du RMI ne fonctionnait pas, or il ne fonctionne pas davantage avec le RSA. Ce dispositif a créé une situation encore plus préjudiciable car les chômeurs ne sont plus accompagnés. J'ai apporté quelques exemplaires du bilan des Plie depuis l'an 2000 : 38 % des bénéficiaires du RMI ont retrouvé un emploi grâce aux Plie. A l'heure actuelle, il n'y a quasiment plus de bénéficiaires du RSA qui reprennent un emploi par le biais de ces structures.
Les maisons de l'emploi ont renforcé les Plie lorsqu'elles ont été développées. Elles sont également des relais des centres d'animation de ressources et d'information (Carif) sur la formation. Le conseil régional d'Alsace participe d'ailleurs à leurs projets. Il y a bien évidemment trop d'acteurs de l'emploi, mais surtout trop d'interventions différentes. Le projet de maisons de l'emploi vise justement à assurer la cohérence des différents dispositifs en faveur de l'emploi. Mais l'ancien secrétaire d'Etat à l'emploi, M. Laurent Wauquiez, a remis en cause un des objectifs des maisons de l'emploi, qui est celui d'être le guichet unique d'accueil et d'orientation des demandeurs d'emploi. Un demandeur d'emploi ne peut progresser dans son parcours s'il voit se multiplier les guichets.
Les Plie accompagnent les demandeurs d'emploi et continuent de fonctionner grâce aux fonds européens pour construire des solutions innovantes. Aujourd'hui, nous maintenons nos performances, que nous évaluons selon deux critères : l'entrée en formation qualifiante et le retour à l'emploi. Il apparaît que 48 % des demandeurs d'emploi passés par un Plie obtiennent un CDI ou un CDD de plus de six mois. Les conseils généraux affichent, pour leur part, un taux de retour à l'emploi de 78 %, mais en incluant tous les emplois précaires, que nous ne prenons pas en compte dans le cadre des Plie. Nous continuerons de nous battre, dans la perspective de la programmation 2014-2020, afin que les Plie soient pérennisés. Ce modèle présente toujours de l'intérêt, alors que nous sommes dans une période de crise qui impose de rassembler l'ensemble des interlocuteurs. La version optimale que nous aurions souhaité, mais M. Laurent Wauquiez s'y est opposé, aurait consisté à réunir les missions locales et les maisons de l'emploi ; le fait que ces deux structures soient parfois présidées et dirigées par une même personne apporte déjà plus de cohérence.
Vous estimez que Pôle emploi pourrait mener les mêmes projets que les maisons de l'emploi, mais la culture de portage de projet qui est celle des maisons de l'emploi ne se met pas en place du jour au lendemain. Elle suppose un travail de proximité avec les élus. Le montage de projet, qui suppose d'effectuer un travail d'ingénierie, ne fait pas non plus partie de la culture des établissements publics.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Il existe une véritable articulation entre Pôle emploi et les maisons de l'emploi : un représentant de Pôle emploi siège obligatoirement au conseil d'administration des maisons de l'emploi ; une partie du personnel et des moyens des maisons de l'emploi est mis à disposition par Pôle emploi ; enfin, Pôle emploi décide des orientations des maisons de l'emploi sur plusieurs sujets, comme les « emplois verts ». D'une manière générale, Pôle emploi entretient donc une relation structurelle avec les maisons de l'emploi.
Mme Marie-Pierre Establie d'Argencé. - Il est exact que Pôle emploi met du personnel à disposition des maisons de l'emploi. Le Plie repose sur l'action conjointe des partenaires. L'insertion par l'activité économique (IAE) est un partenaire essentiel pour les Plie. Pôle emploi peut d'ailleurs être le chef de file de plans d'action, dans le cadre d'une décision concertée ; dans d'autres cas, c'est par exemple la mission locale ou une association intermédiaire (AI) qui sera chef de file.
Les maisons de l'emploi associent les élus locaux, l'Etat et Pôle emploi, c'est-à-dire les trois acteurs majeurs des politiques de l'emploi. La région et le département peuvent faire partie du conseil d'administration s'ils le souhaitent. Sauf dans deux régions, les conseils régionaux s'appuient partout sur les maisons de l'emploi afin d'élaborer des projets au niveau territorial.
La clause d'insertion a été inventée par les Plie, en 1995, à Strasbourg. Dans les premières années, les fédérations professionnelles du bâtiment nous ont reproché de leur faire subir une concurrence déloyale. Or, nous avons su développer, dans les collectivités territoriales, le poste de facilitateur de la clause d'insertion. A l'initiative de l'ancien ministre de l'économie, M. Thierry Breton, la clause d'insertion a été intégrée dans les marchés publics de l'Etat. Puis, en 2008, une circulaire du Premier ministre a consacré les maisons de l'emploi et les Plie comme animateurs de la clause d'insertion. On compte actuellement, sur l'ensemble du territoire, 262 facilitateurs de la clause d'insertion. L'Etat a calculé qu'il aurait besoin de quatre cents facilitateurs au niveau national s'il voulait que 10 % des heures de travail découlant des marchés publics soient consacrées à l'insertion.
Les maisons de l'emploi réunissent l'ensemble des partenaires et nous notons avec satisfaction que la quasi-totalité des maisons de l'emploi ne soulignent pas de difficultés dans leurs relations avec Pôle emploi. Cela révèle d'ailleurs un certain décalage entre le discours tenu, au niveau national, par les détracteurs des maisons de l'emploi et la réalité vécue sur les territoires. Pôle emploi et les maisons de l'emploi travaillent, le plus souvent, de manière harmonieuse, ce qui suppose de ne pas avoir une approche politique partisane, afin de maintenir une cohérence et qu'un seul élu préside la mission locale, le Plie et la maison de l'emploi.
Nous avons signé un accord-cadre avec Pôle emploi au sujet des maisons de l'emploi et des Plie et nous travaillons à la rédaction d'une convention bilatérale. Nous avons découvert que le conseil d'administration de Pôle emploi devait traiter de la convention bilatérale sans que nous en soyons informés. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) n'en était pas plus informée et elle a bloqué le processus, qui reste actuellement en suspens. Nous sommes en train de revoir le texte de la convention bilatérale, qui était totalement déséquilibrée en faveur de Pôle emploi et qui ne correspondait absolument pas aux préoccupations des agences de Pôle emploi sur le terrain. Nous espérons que la nouvelle version sera acceptée par le ministère.
M. Claude Jeannerot, président. - Nous pourrions vous écouter encore longuement mais cette audition arrive maintenant à son terme. Je vous remercie encore pour votre participation.
Audition de Mme Nadine Crinier, directrice régionale de Pôle emploi Bretagne
M. Claude Jeannerot, président. - Nous accueillons à présent Mme Nadine Crinier, directrice régionale de Pôle emploi Bretagne, que nous avons invitée sur la suggestion de notre collègue M. Ronan Kerdraon, sénateur des Côtes d'Armor. Vous présentez la caractéristique d'avoir, à la fois, une vision globale de Pôle emploi, où vous avez occupé la fonction de directeur du cabinet du directeur général, M. Christian Charpy, et une bonne connaissance de l'institution au niveau régional. Nous sommes notamment intéressés par la question de l'organisation territoriale du service public de l'emploi et nous essayons de comprendre comment l'ensemble des acteurs de l'emploi pourraient travailler ensemble plus efficacement.
Mme Nadine Crinier, directrice régionale de Pôle emploi Bretagne. - J'interviendrai dans un premier temps sur la fusion. Comment ai-je vécu la fusion entre l'ANPE et les Assedic ? J'ai travaillé vingt-cinq ans à l'ANPE où j'ai occupé la quasi-totalité des postes opérationnels susceptibles de l'être au sein de cette structure. L'enjeu de la fusion a d'abord été de constituer des équipes unifiées pour délivrer un premier niveau de service, au sein d'un même lieu. Pôle emploi compte aujourd'hui quarante-deux sites en Bretagne, contre soixante-deux auparavant pour l'ANPE et les Assedic.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Quelle était la part respective du personnel de l'ANPE et des Assedic en Bretagne ?
Mme Nadine Crinier. - Les sites ne couvraient pas nécessairement les mêmes périmètres géographiques. Mais les effectifs se répartissaient, globalement, entre deux tiers pour l'ANPE et un tiers pour les Assedic.
Le premier projet a donc consisté à rassembler les services et le management dans des sites communs. Ce travail a été réalisé alors que le chômage augmentait fortement, ce qui a entraîné le traitement d'un nombre considérable d'inscriptions.
Même si les Assedic et l'ANPE côtoyaient le même public, les cultures des deux structures étaient assez différentes. Au sein des Assedic, les salariés avaient surtout une formation en comptabilité et en gestion. Les agents de l'ANPE ont plutôt effectué un parcours universitaire, avant d'intégrer la structure dès leur premier emploi. Du point de vue du métier, les règles du régime d'assurance chômage imposaient aux agents des Assedic des limites strictes dans leurs relations avec les demandeurs d'emploi, alors que les agents du placement pouvaient avoir le sentiment d'une plus grande latitude dans leurs rapports avec les demandeurs d'emploi.
Dès 2010, nous nous sommes recentrés sur la délivrance des services aux demandeurs d'emploi et aux entreprises : 130 000 contacts et 30 000 visites en entreprises ont été réalisés cette année-là, ainsi qu'un million d'entretiens avec les demandeurs d'emploi ; nous avons procédé à 300 000 entretiens d'inscriptions, auxquels s'ajoutent les entretiens de suivi. Le niveau d'activité a donc été très soutenu à une époque où la conduite du changement était importante.
En Bretagne, nous avons décidé que le directeur et le directeur-adjoint de chaque agence seraient nécessairement issus, l'un de l'ANPE, l'autre des Assedic, ou inversement, afin qu'il n'y ait pas de perte de repères pour les agents. Cette situation constituait un atout au démarrage, mais il est désormais important que le directeur joue pleinement son rôle. Nous redéfinissons donc aujourd'hui les rôles de chacun, alors que nous avions auparavant plutôt une responsabilité partagée, un collaborateur pouvant avoir un référent différent selon la question posée. Nous créons de nouveaux repères, le directeur intervenant de plus en plus sur les partenariats dans les territoires.
Une convention collective est entrée en vigueur en janvier 2010, ce qui a contribué à fédérer les équipes. En Bretagne, 70 % des agents sont sous statut privé, la moyenne nationale d'agents sous ce statut étant de 60 %.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Les 30 % restants relèvent donc du statut public ?
Mme Nadine Crinier. - Oui. Les personnes sous statut public espèrent parfois un avancement plus rapide et considèrent qu'il ne serait pas avantageux pour elles d'opter pour le statut privé.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Pourriez-vous préciser ce point ? L'avancement rapporte peut-être quelques dizaines d'euros supplémentaires alors que le salaire des agents de droit privé est souvent supérieur de 15 % à 20 % à celui des agents de droit public.
Mme Nadine Crinier. - L'avancement dans le statut public rapporte plus de quelques dizaines d'euros. Il s'agit d'un avancement qui s'effectue tous les deux ans et qui peut avoir un impact important pour ceux qui ont beaucoup d'ancienneté. Un autre élément qui peut expliquer le choix de conserver ce statut est lié à un attachement au service public ou à une représentation du statut de l'emploi public. Les personnels qui relèvent du statut public sont agents contractuels de l'Etat. Lors de l'annonce, fin 2010, d'une baisse des effectifs, un attachement à la sécurité de l'emploi s'est manifesté.
Nous avons également conclu, en février 2011, un accord régional sur l'organisation du temps de travail en Bretagne, qui est une déclinaison de l'accord national sur ce sujet. Cet accord est structurant car, auparavant, les agents de Pôle emploi relevaient d'horaires de travail différents.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Les droits des salariés de statut public diffèrent-ils de ceux de droit privé en matière de temps de travail ?
Mme Nadine Crinier. - L'accord sur le temps de travail vient justement d'unifier les règles, quel que soit le statut des salariés. Nous avons également fait évoluer la classification des métiers avec deux référentiels métiers.
Pour citer un autre élément fédérateur, nous avons déployé l'entretien d'inscription et de diagnostic (EID) dans cinq sites bretons. Le fait d'avoir ce projet de service constitue un levier qui nous permet de susciter des échanges entre les agents autour du métier.
En ce qui concerne l'offre de services, nous avons, en avril 2010, intégré cinquante-huit agents de l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) au sein de Pôle emploi Bretagne. Ils nous ont permis de compléter l'offre de services des agences spécialisées : contrat de transition professionnelle (CTP) ou convention de reclassement personnalisé (CRP), selon les bassins d'emploi, équipes d'orientations spécialisées des psychologues de l'Afpa, plates-formes de vocations en vue d'orienter les demandeurs d'emploi en fonction des besoins des entreprises.
Nous avons développé, à la fin de l'année 2010, un nouvel outil de stratégie commerciale visant à mieux segmenter les entreprises et à faire le lien entre les demandeurs d'emploi et les offres d'emploi. Nous avons également remis en place le suivi mensuel personnalisé, qui bénéficie aux demandeurs d'emploi à partir de leur quatrième mois d'inscription au chômage. En 2011, notre objectif est que 45 % des demandeurs d'emploi en Bretagne en bénéficient, contre 39 % actuellement. Les conseillers ont, en moyenne, un portefeuille de cent deux personnes. Le taux de chômage en Bretagne s'élève à 7,6 %, mais avec de grandes disparités selon les bassins d'emploi, de 4 % ou 5 % dans certains territoires, jusqu'à 9,2 % à Auray.
En 2009, nous avons financé pour 15 millions d'euros de sessions de formation en lien avec la région, pour près de 5 500 bénéficiaires. En 2010, 9 000 bénéficiaires ont bénéficié de 20 millions d'euros de dépenses de formation, grâce à des cofinancements apportés par la région, les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) et les branches. Ces sessions ont permis d'atteindre un taux de reclassement de 80 % à l'issue des formations. Ces formations sont fortement liées au marché du travail et visent surtout une adaptation aux besoins des entreprises, en complément des formations qualifiantes proposées par la région. Ce système a permis de trouver des réponses au niveau local, en lien avec les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie) et les maisons de l'emploi.
En ce qui concerne la déconcentration des services de Pôle emploi, je rappelle que l'offre de services de Pôle emploi s'applique dans l'ensemble du territoire, de la manière la plus homogène possible. Toutefois, le futur cahier des charges prévoit de donner plus de souplesse, notamment pour repérer les publics en difficulté et adapter l'appui susceptible de leur être proposé, c'est-à-dire personnaliser le service en lien avec la problématique de chaque public et de chaque bassin d'emploi. Par ailleurs, la programmation de nos moyens est annuelle, qu'il s'agisse des ressources humaines ou des budgets d'intervention et de formation. Une programmation pluriannuelle nous donnerait plus de lisibilité et nous serait utile pour inscrire nos partenariats dans la durée.
La mission majeure d'un directeur régional est de garantir le service le plus approprié aux demandeurs d'emploi. Nous avons chaque année un dialogue de performance avec la direction générale, qui donne des orientations stratégiques déclinées au niveau régional. Le directeur régional s'interroge sur la manière de mettre en oeuvre ces orientations. En 2010, le dialogue de performance a associé l'ensemble de la ligne managériale à l'élaboration des objectifs pour 2011, en vue de créer de l'adhésion et d'obtenir une action plus homogène sur le territoire. La conduite de ce dialogue de performance aboutit à la conclusion d'un contrat de performance, qui alloue aux directeurs régionaux, puis aux niveaux départemental et local, les moyens en termes d'effectifs et de budget pour atteindre nos objectifs.
Concernant l'appui dont peut bénéficier Pôle emploi au niveau régional, je rappelle qu'il existe une instance paritaire régionale, composée de représentants des partenaires sociaux. Son rôle consiste surtout à veiller à la bonne application de la convention d'assurance chômage. Mais elle nous apporte également un soutien dans nos relations avec les entreprises. Lors du transfert du recouvrement à l'Urssaf, la présence du président de l'Urssaf au sein de l'instance paritaire nous a aidés à avoir une approche régionale et à conduire une opération globale dans les quatre départements bretons. Un autre exemple très concret de notre collaboration porte sur le plan de formation. Nous programmons les formations par semestre et les présentons à notre instance paritaire, qui peut nous donner des indications sur les besoins des entreprises, ce qui permet ensuite de faire évoluer le plan de formation. L'instance paritaire vote enfin sur la convention bipartite qui régit les rapports entre Pôle emploi et l'Etat sur le territoire.
En termes de ressources, Pôle emploi comprend, en Bretagne, un effectif de 1 900 personnes. En 2010, Pôle emploi Bretagne comptait 126 salariés en CDD et cinquante-trois en contrats aidés. Le taux d'absentéisme s'élève à 4,5 % en 2010, contre 4 % à 6 % au cours des dernières années. Soixante-trois nouveaux salariés ont été intégrés en 2010, dont quarante-six étaient auparavant en CDD et huit en contrats aidés ; les autres salariés qui nous ont rejoints sont arrivés d'autres régions. Nous avons délivré 76 000 heures de formation, chiffre en augmentation de 36 % par rapport à l'année 2009. Il est important de travailler sur les compétences des agents de Pôle emploi qui demandent à bénéficier de ces formations.
Trois priorités ont été définies pour la région Bretagne en 2011 :
- assurer une cohérence des réponses, tant sur l'accueil physique que sur l'accueil téléphonique, en préparant une réponse unique quelle que soit l'origine de l'agent, pour le premier niveau de réponse. A l'heure actuelle, près de la moitié des sites ont réussi à instaurer ce premier niveau de réponse homogène. Cet objectif suppose d'accompagner les conseillers sur les réponses à apporter et de les convaincre qu'ils sont en capacité de le faire ;
- mettre en place l'EID, dont le déploiement s'achèvera en novembre 2011, et améliorer le suivi mensuel personnalisé. En 2009, il fallait patienter 230 jours entre le moment où un besoin de formation était exprimé et validé et l'entrée en formation, contre 189 jours en 2010. Il est essentiel de réfléchir aux problématiques des demandeurs d'emploi afin de raccourcir ces délais et d'apporter une offre structurée au niveau des territoires ;
- la stratégie commerciale : rechercher des offres d'emploi pour les demandeurs d'emploi que nous connaissons mieux grâce à un suivi plus régulier.
Lors de la première année de la fusion, dans un contexte de montée du chômage, il a fallu expliquer la situation pour s'adapter et répondre aux besoins des demandeurs d'emploi. Un travail important doit encore être accompli pour donner de nouveaux repères aux agents et expliquer les nouvelles pratiques professionnelles, en rencontrant les managers de terrain pour qu'ils puissent relayer notre action. Chaque trimestre, nous organisons des séminaires avec la ligne managériale et nous nous déplaçons sur le terrain pour expliquer notre stratégie.
En ce qui concerne le maillage territorial, nous cherchons à nouer des partenariats pour compléter notre offre de services. Certains demandeurs d'emploi ont des problèmes qui ne peuvent être traités avec les outils dont dispose Pôle emploi. Il est alors important de pouvoir solliciter la mission locale, le Plie, ainsi que l'ensemble des acteurs, afin de trouver des réponses complémentaires.
En Bretagne, nous avons une convention annuelle avec la région qui définit notre contribution au programme régional d'actions de formation. Nous adressons chaque semaine à la région la liste des actions que nous conventionnons, afin que nos actions respectives soient cohérentes. Nous veillons à ce que les formations soient adaptées aux besoins de recrutement des entreprises, ce qui suppose des remontées de terrain sur ces besoins. La convention aborde également la question des cofinancements pour multiplier les actions.
Nous avons également des conventions avec les conseils généraux, qui portent sur l'orientation des bénéficiaires de minima sociaux et la mise à disposition de personnels, afin de renforcer l'accompagnement vers l'emploi de ces publics.
Nous avons également des conventions avec les missions locales et les Cap emploi, ainsi qu'avec les branches et les Opca, ce qui permet de démultiplier l'offre de formations et les contrats en alternance.
M. Claude Jeannerot, président. - Je vous remercie pour cette première intervention. Je salue M. Jean-Luc Reicher, votre directeur adjoint, qui vous accompagne. Je voudrais me faire l'écho de deux critiques, auxquelles vous avez déjà en partie répondu, que nous avons souvent entendues concernant Pôle emploi.
Pôle emploi est d'abord confronté à un traitement de masse du chômage, qui impose de mettre en place des organisations de travail efficaces. Cette situation est conjuguée, en 2011, à une baisse des moyens alloués à Pôle emploi, dans un contexte de chômage élevé. Beaucoup de conseillers estiment que cette situation a abouti à un travail taylorisé et organisé de manière erratique, pour faire face aux flux, ce qui a une double conséquence : d'abord, une certaine inefficacité dans le traitement des demandes d'emploi ; ensuite, un sentiment d'insatisfaction par rapport au travail accompli.
Une deuxième critique, exprimée par les partenaires de Pôle emploi, consiste à dire que Pôle emploi est une structure trop centralisée, monolithique, qui éprouve des difficultés à développer une politique d'ancrage territoriale et ne travaille pas suffisamment en réseau. Ce diagnostic conduit un certain nombre de structures à affirmer qu'elles savent créer ce lien avec les territoires et qu'elles peuvent donc jouer un rôle complémentaire de celui de Pôle emploi.
M. Jean-Paul Alduy, rapporteur. - Comment traitez-vous la situation des personnes en très grande difficulté, qui ne sont pas directement employables ? Leur suivi est-il sous-traité aux Plie ?
M. Ronan Kerdraon. - Je me réjouis que le président ait accédé à ma demande d'auditionner Mme Nadine Crinier. En effet, il est intéressant d'entendre son parcours et son regard sur la structure qu'elle dirige. Je souhaite poursuivre la réflexion amorcée par le président sur plusieurs points : critique interne des salariés vis-à-vis de Pôle emploi, regard nuancé du monde de l'entreprise sur l'action de cette structure. Nous devrions également parler du regard des élus sur Pôle emploi et du système informatique Neptune, qui a posé quelques problèmes.
En ce qui concerne les salariés, les représentants syndicaux et les agents sur le terrain font un constat relativement amer par rapport à la fusion. Ils regrettent que la gestion des personnels n'ait pas été suffisamment anticipée, ce qui provoque parfois des tensions entre les agents issus de l'ex-ANPE et les agents issus des ex-Assedic. Des préconisations devraient vraisemblablement être faites en la matière. Des erreurs ont-elles été commises ? Quelles seraient vos préconisations ?
De nombreuses personnes critiquent également le fait qu'en Bretagne, cent deux dossiers sont traités, en moyenne, par chaque agent. Ce nombre est très supérieur à celui annoncé initialement de soixante dossiers par agent. Cet écart empêche nécessairement de passer un temps suffisant sur chaque dossier. Les agents regrettent qu'il leur soit demandé de résoudre un maximum de cas en un minimum de temps. Nous recueillons également un certain nombre de critiques de la part des chefs d'entreprise.
Une enquête menée dans le département des Côtes d'Armor a montré que les relations avec Pôle emploi sont plutôt positives lorsque les demandeurs d'emploi ont un interlocuteur physique. De ce fait, cette voie est à privilégier plutôt que le recours à la plate-forme téléphonique ou à internet. En revanche, les demandeurs d'emploi regrettent que 70 % des offres d'emploi ne passent pas par Pôle emploi. Comment améliorer ce résultat ?
Enfin, ma dernière question portera sur le système Neptune, mis au point pour fusionner les systèmes d'information des Assedic et de l'ANPE, qui étaient peu compatibles. Ce système a connu des dysfonctionnements au cours de l'année 2010. Pourriez-vous apporter des précisions sur ce sujet ?
Mme Annie David. - Ma première question porte sur le statut de Pôle emploi. Lors de la séance des questions au Gouvernement qui s'est déroulée hier, le ministre a affirmé qu'il s'agissait d'un établissement public à caractère administratif (EPA), mais cette affirmation suffit-elle à lever toutes les incertitudes sur le plan juridique ?
En ce qui concerne le suivi mensuel personnalisé des demandeurs d'emploi, je note que seulement 39 % des chômeurs inscrits depuis plus de quatre mois sont suivis. Comment Pôle emploi sélectionne-t-il les demandeurs d'emploi inscrits depuis plus de quatre mois pour les accompagner ?
Je relève également que chaque conseiller de Pôle emploi Bretagne suit, en moyenne, cent deux personnes. Ce chiffre est-il calculé en prenant en compte l'ensemble des agents de Pôle emploi ou uniquement ceux en contact avec le public ? Il serait faussé si on incluait tous les agents de Pôle emploi dans cette moyenne.
Les formations dispensées par Pôle emploi sont-elles qualifiantes ou les demandeurs d'emploi doivent-ils multiplier les formations pour trouver un emploi ?
L'intégration du personnel de l'Afpa devrait permettre une meilleure orientation des demandeurs d'emploi. Mais comment se faisait l'orientation des demandeurs d'emploi lorsque ces salariés n'étaient pas intégrés à Pôle emploi ?
Enfin, l'EID semble mal vécu par les agents de Pôle emploi, alors que vous avez indiqué que ce dispositif était fédérateur.
Mme Nadine Crinier. - Il y a encore beaucoup d'inquiétude au sein du personnel par rapport à la fusion, notamment sur le devenir des différents métiers. Toutefois, la nouvelle organisation se met progressivement en place.
En ce qui concerne l'EID, nous avons conduit un dialogue social approfondi avec les représentants du personnel. Ce sujet a donné lieu à de nombreux échanges et nous avons rencontré les conseillers sur le terrain. Il était nécessaire de former et accompagner le personnel dans les cinq agences pilotes. Nous avons eu la volonté de procéder au déploiement de l'EID en accompagnant les agents afin de ne pas les laisser sans réponse.
Les directeurs d'agence affirment que la décision de créer l'EID favorise l'échange et une dynamique professionnelle, ce qui ne signifie pas que l'ensemble des agents n'ont pas de craintes. Ce nouveau dispositif est véritablement porteur, même s'il doit encore être déployé dans nos quarante-deux sites. Il faut se donner un peu de temps et ne pas oublier qu'un grand nombre d'actions ont déjà été menées depuis deux ans, dans un contexte difficile.
M. Claude Jeannerot, président. - Certains agents estiment que leur travail est devenu taylorisé et erratique dans sa gestion. Ils disent qu'ils peuvent passer d'une fonction à une autre, ce qui diminue l'intérêt de leur métier et remet en cause le sens de leur activité professionnelle.
Mme Nadine Crinier. - Nous avons élaboré des outils de planification afin de mieux prévoir la charge de travail et gérer le flux des personnes à recevoir. De cette manière, nous avons redonné de la visibilité aux agents, ce qui contribue à créer un environnement de travail plus sécurisant. Cependant, nous avons encore beaucoup de travail à accomplir pour améliorer notre organisation, qui a été bouleversée avec la création des équipes et des sites mixtes. L'année 2010 a été le premier exercice au cours duquel nous avons pu reprendre en main l'organisation, en augmentant notamment le nombre d'heures de formation, ce qui a aidé les salariés à retrouver des repères.
Un directeur régional sait de quels moyens il dispose et il définit des priorités. Tout demandeur d'emploi qui arrive au quatrième mois de chômage intègre le suivi mensuel personnalisé. Nous effectuons des choix concernant les modalités de réception du demandeur d'emploi. Tous les demandeurs d'emploi n'ont pas besoin de rencontrer leur conseiller tous les mois. Un entretien téléphonique peut éventuellement remplacer l'accueil physique pour faire le point avec le demandeur sur ses démarches de retour à l'emploi.
Certains secteurs recrutent, par exemple pour des postes de chauffeurs, et pourtant des demandeurs d'emploi ayant, à première vue, le bon profil n'arrivent pas à se faire embaucher. Pour remédier à ce problème, des collègues organisent des « cafés-offres », auxquels ils invitent les entreprises de transport et des demandeurs d'emploi pour ajuster l'offre à la demande et voir quel suivi mettre en place. D'une manière générale, il faut adapter les parcours aux besoins. Les directeurs d'agence et les conseillers effectuent eux-mêmes des arbitrages en fonction des personnes suivies.
La moyenne de cent deux dossiers suivis par agent est calculée en prenant en compte les seuls agents chargés du suivi, et non l'ensemble du personnel de Pôle emploi. Un conseiller est amené à faire des choix, en fonction de sa connaissance du demandeur d'emploi et des parcours, ce qui suppose de leur part un professionnalisme important, de même que pour les directeurs d'agence et les animateurs d'équipe qui encadrent sept à dix personnes. Nous devons effectuer des choix d'organisation pour offrir un service optimal au plus grand nombre.
En ce qui concerne la qualité de service, j'estime que les conseillers de Pôle emploi délivrent des services de qualité. Ainsi, 95 % des dossiers d'indemnisation sont traités dans les quinze jours, ce qui est important pour les demandeurs d'emploi. Le fait que les offres d'emploi soient satisfaites dans le délai de trente jours traduit aussi une réelle qualité de service. Nous formons le management pour qu'il puisse valoriser l'action des conseillers et mettre en valeur leurs réussites. Un article publié récemment dans Ouest-France sur Pôle emploi est mitigé, d'autres articles sont très bons, d'autres plus négatifs. Le conseiller est en tout cas attaché à ses missions et il est important de rappeler que la qualité de service de Pôle emploi a été maintenue malgré un contexte difficile.
En ce qui concerne les outils, nous avons démarré notre activité avec des sites distincts, qui ont été progressivement fusionnés, et des outils informatiques situés dans des environnements différents, que le projet Neptune a unifiés. Il devait être déployé en juin 2010, mais sa mise en place a été reportée dans certaines régions, notamment en région Centre. En Bretagne, il a été déployé à la fin du mois de mars et fonctionne correctement. Il contribue à améliorer le confort de travail des agents.
Nous nouons aussi des partenariats avec des acteurs qui ont une offre de services complémentaire de la nôtre. Nous pouvons orienter vers les Plie les demandeurs d'emploi qui sont passés par Pôle emploi sans trouver de solution. Un conseiller référent de Plie suit cinquante à soixante personnes. Nous mettons à leur disposition des conseillers pour les aider à remplir leur mission. Le Plie, la mission locale ou Pôle emploi poursuivent la même finalité qui est de placer les demandeurs d'emploi. Notre offre de service, dans le cadre du suivi mensuel, consiste à offrir du conseil aux demandeurs d'emploi, à intervalle régulier, et elle est donc complémentaire du service d'accompagnement proposé par le Plie ou la mission locale.
Certains conseillers suivent la cotraitance mise en place avec les Cap emploi pour les personnes handicapées. Nous faisons le point régulièrement avec les Cap emploi pour savoir ce que ces personnes deviennent sur le plan professionnel. D'une manière générale, nous suivons des personnes dont les parcours peuvent être très hétérogènes.
Concernant nos relations avec les entreprises, une difficulté provient du fait que le tissu économique breton est surtout composé de petites entreprises, qui sont plus difficiles à approcher. Nous avons tendance à aller naturellement vers les grandes entreprises, qui sont plus structurées. J'encourage donc les directions territoriales à travailler avec les chambres des métiers afin de mieux connaître les besoins des petites entreprises. Nos conseillers ont effectué 30 000 visites en entreprise en 2010. Nous veillons à diversifier les contacts avec les entreprises et à les fidéliser. Les entreprises qui ne connaissent pas encore Pôle emploi peuvent entrer en contact avec nous en composant le 39 95, qui est un numéro facile à mémoriser. En Bretagne, le 3995 a été mis en place en avril 2010 et nous avons reçu environ 18 000 appels au cours de l'année. Il est vrai que Pôle emploi ne collecte pas toutes les offres d'emploi mais, si c'était le cas, nous ne saurions pas nécessairement toutes les traiter. L'essentiel est que nous ayons des offres à proposer aux demandeurs d'emploi que nous suivons.
En région Bretagne, une entreprise sur quatre est cliente de Pôle emploi, c'est-à-dire qu'elle a déposé au moins une offre auprès de nos services au cours des douze derniers mois. Nous cherchons à cibler les entreprises et à diversifier nos contacts. Nous devons tenir compte de la diversité du marché du travail afin que chacun puisse trouver une offre d'emploi qui lui corresponde.
M. Ronan Kerdraon. - Votre connaissance du marché du travail doit également vous permettre d'adapter les formations aux demandeurs d'emploi.
Mme Nadine Crinier. - En ce qui concerne la formation, nous dispensons à la fois des formations d'adaptation, qui ne débouchent pas sur un diplôme, et des formations qualifiantes, dans le cadre de cofinancements avec la région. Quand un demandeur d'emploi suit une formation, le taux de reprise d'emploi est de 70 % dans un délai de trois mois. Certes, la reprise d'emploi ne s'effectue pas toujours sur un emploi à durée indéterminée, notamment parce que nous recevons un grand nombre d'offres saisonnières. Néanmoins, ces offres sont porteuses pour les demandeurs d'emploi et accélèrent leur processus de retour vers l'emploi. Il ne serait pas satisfaisant, en tout état de cause, d'avoir un niveau de chômage élevé et des offres d'emploi non satisfaites.
En ce qui concerne l'intégration des psychologues et des assistants techniques de l'Afpa, je voudrais d'abord rappeler que la mission d'orientation et de formation de Pôle emploi a été réaffirmée en novembre 2009. Les Assedic et l'ANPE prescrivaient déjà des formations, mais cette mission a été fortement réaffirmée. L'arrivée des psychologues du travail de l'Afpa a complété notre offre de services. Il a d'abord fallu travailler sur leur intégration dans nos équipes. Nous avons accueilli cinquante-huit agents de l'Afpa, alors que nos équipes comptent 1 900 personnes. Ils ont dû s'intégrer à notre structure hiérarchique, alors que celle de l'Afpa était à la fois hiérarchique et fonctionnelle, et s'habituer à notre culture de travail, qui comprend des cibles et des objectifs, éléments nouveaux pour eux. Nous veillons maintenant à les intégrer à notre offre de services. Par exemple, nous étions confrontés à Lorient à une problématique importante de chômage des seniors. Nos collègues venus de l'Afpa ont créé, avec deux collègues d'une agence polyvalente, une nouvelle prestation pour les seniors. Il est également prévu de déployer des ateliers qui seront co-animés par les collègues venus de l'Afpa et par d'autres agents pour aider les demandeurs d'emploi à prendre les bonnes décisions en matière de formation.
Pour évaluer le degré de satisfaction vis-à-vis des services offerts par Pôle emploi, nous avons mis en place en Bretagne un « baromètre des parties prenantes » consistant à questionner, tous les trois mois, les agents, des demandeurs d'emploi, nos partenaires et des entreprises. Ce système a été mis en place en mars. Plus de trois cents agents, sur les sept cents qui ont répondu, ont formulé par écrit des remarques qualitatives. Nous avons la volonté de suivre l'évolution de ces indicateurs et de nous en servir pour anticiper le déploiement de nos futurs projets, étudier leur impact et maîtriser les risques. Le niveau de satisfaction des entreprises concernant notre travail est plutôt positif en Bretagne.
M. Claude Jeannerot, président. - Je souhaiterais faire une ultime observation. Comment réagissez-vous lorsque les maisons de l'emploi justifient leur rôle en indiquant qu'elles sont les seules en capacité de fédérer les acteurs locaux ? La multiplicité d'acteurs est un facteur d'opacité pour les demandeurs d'emploi, qui va à l'encontre du processus de simplification engagé avec la fusion entre l'ANPE et les Assedic.
Mme Nadine Crinier. - Nous sommes implantés dans trois maisons de l'emploi en Bretagne, à Loudéac, Vitré et Ploërmel, ce qui est l'idéal pour garantir une cohérence dans les actions et une optimisation du service rendu. Avec les autres maisons de l'emploi, nous sommes plutôt sur des logiques de plan d'action partagé. Nous ne ressentons pas de concurrence de la part des maisons de l'emploi et nous sommes plutôt dans une logique de complémentarité. Au sein du conseil régional de l'emploi, nous suivons régulièrement les résultats et les contributions des maisons de l'emploi.
Mme Annie David. - Vous n'avez pas encore répondu à ma question sur le statut juridique de Pôle emploi.
Mme Nadine Crinier. - Pôle emploi a le statut d'EPA depuis sa création, mais nous comptons des agents de statut public, d'autres de statut privé, et notre institution a un statut sui generis. En ce qui concerne le dialogue social, Pôle emploi Bretagne dispose d'un comité d'entreprise, d'un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et de délégués du personnel, comme dans une entreprise privée. Lorsque nous nous interrogeons pour savoir si, sur telle ou telle question, nous devons appliquer le droit privé ou le droit public, nous faisons appel à nos juristes pour obtenir une réponse précise.
M. Claude Jeannerot, président. - Merci beaucoup.