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Mardi 29 mars 2011
Économie, finances et fiscalité
La situation de l'Espagne au sein de la zone
euro
Rapport d'information de M. Jean-François
Humbert
M. Pierre Bernard-Reymond. - Notre collègue Jean-François Humbert poursuit son analyse des pays les plus en difficulté de la zone euro. Après l'Irlande et le Portugal, il s'est rendu en Espagne et va nous faire un compte rendu de la situation de ce pays, notamment pour nous dire s'il y a un risque de le voir faire appel au Fonds européen de stabilité financière.
M. Jean-François Humbert. - L'Espagne est confrontée depuis près de trois ans à une crise économique et financière inédite, qui contraste avec les années d'expansion qu'elle a pu connaître depuis le milieu des années quatre-vingt-dix. En effet, la volonté politique de rattraper les voisins européens et l'intégration de l'Espagne au sein de la zone euro avaient permis un développement spectaculaire du pays.
L'Union européenne a eu un rôle indéniable dans la « movida économique » espagnole. L'expansion a été stimulée par les fonds structurels - l'Espagne demeure au sein de l'Union européenne le premier bénéficiaire des fonds de cohésion avec 35,2 milliards pour la période 2007-2013 (14,3 milliards d'euros pour la France). L'euro a permis un accès plus aisé aux marchés financiers. L'Espagne a longtemps bénéficié de taux d'intérêts très faibles, inférieurs au taux d'inflation.
Cependant, à la différence de son voisin portugais, cette situation ne s'est pas traduite par un endettement excessif de l'État espagnol. Madrid est restée jusqu'en 2007 un des très bons élèves de la classe européenne, cumulant soldes budgétaires positifs (+ 1,9 % du PIB en 2007) et endettement limité (36,2 % du PIB en 2007).
Les difficultés que rencontre actuellement l'Espagne sur les marchés financiers tiennent surtout aux conséquences de l'investissement massif des agents économiques dans les secteurs de la construction et de l'immobilier. La crise espagnole se distingue à cet égard des cas grec et portugais mais également des problèmes majeurs qu'affronte l'Irlande, car les défis auxquels est confronté le secteur bancaire irlandais sont d'une toute autre ampleur et menacent directement la solvabilité du pays
L'adoption de la zone euro et la baisse des taux d'intérêts qu'induisait la monnaie unique a permis un financement à crédit de l'économie espagnole. Cette tendance a été d'autant plus marquée que l'investissement public a, dans le même temps, diminué, la priorité des gouvernements allant au désendettement et à la réduction des dépenses publiques en vue de respecter les critères de Maastricht.
Une inflation supérieure à la moyenne européenne a contribué, par ailleurs, à renforcer ce recours des ménages et des entreprises au crédit. De fait, le crédit au secteur privé a augmenté de 22 % par an en Espagne de 2003 à 2008. L'économie espagnole est donc caractérisée, aujourd'hui, par un important endettement privé. Les crédits accordés au secteur privé s'élèvent ainsi à près de 1 700 milliards d'euros, 910 étant octroyés par les caisses d'épargne.
L'investissement dans l'immobilier répondait à une double logique, démographique et sociologique. L'augmentation de la population, de 40 à 46 millions d'habitants en 13 ans, avec une proportion non dédaignable d'immigrés a créé une grande demande de logements, dans un pays où 86 % des foyers sont propriétaires de leurs logements.
A ces raisons de fond est venu s'ajouter un réel intérêt spéculatif de la part des investisseurs, en raison notamment du faible coût du crédit. Les caisses d'épargne, bras financier des collectivités locales, ont encouragé dans le même temps cet investissement susceptible de renforcer l'attractivité de leurs territoires et d'accroître leurs ressources financières.
De fait, 60 % des crédits accordés par les établissements financiers (1 020 milliards d'euros) ont servi au financement du secteur immobilier. Les crédits immobiliers représentent 69 % des prêts accordés par les caisses d'épargne contre 52 % pour les banques. L'Espagne a construit entre 2005 et 2007 plus de 800 000 logements par an, soit plus que l'Allemagne, la France et l'Italie réunies. La demande réelle était alors de l'ordre de 350 000 logements.
La crise économique mondiale est venue révéler l'endettement de l'ensemble de l'économie espagnole, exacerbé par la bulle immobilière. L'éclatement de celle-ci en 2008 s'est traduit par une explosion du chômage qui touche 20 % de la population active - dont un million de personnes issues du secteur de la construction et de l'immobilier - et un effondrement de la consommation domestique qui tirait, jusque là, la croissance.
A cette crise économique s'ajoute une crise financière, qui si elle n'atteint pas l'intensité irlandaise, révèle la profonde fragilité du modèle bancaire espagnol. Les caisses d'épargne qui maillent les régions se retrouvent dans une situation délicate, confrontées à l'échec de leur stratégie de diversification et d'extension, manifestement peu en adéquation avec leur potentiel initial.
Combinée à l'explosion du chômage et à l'entrée en récession du pays, la situation du secteur bancaire local a contribué à renforcer la méfiance des marchés financiers à l'égard de l'Espagne, qui voit sa note régulièrement dégradée par les agences, au gré des publications des bilans. Les établissements financiers espagnols possèdent, en effet, entre 1 et 1,5 millions de logements vides, récupérés en raison de l'insolvabilité des emprunteurs. Le risque immobilier total des caisses d'épargne s'élève ainsi à 100 milliards d'euros, dont 28 milliards de créances douteuses, 28 milliards de créances potentiellement risquées et 44 milliards d'actifs immobiliers détenus.
Bien que tardive, la réponse du gouvernement espagnol à la crise économique et financière devrait à court terme rassurer définitivement les marchés financiers et écarter de la sorte la nécessité d'une aide de l'Union européenne et du Fonds monétaire international. La situation économique et financière du pays relativise en effet toute comparaison avec les États déjà bénéficiaires des crédits du Fonds européen de stabilisation financière et l'Espagne. La dette publique espagnole demeure en effet soutenable, le gouvernement n'étant pas, malgré l'arrivée à échéance d'emprunts au cours de l'année 2011, confronté à des problèmes de solvabilité.
Face à la crise, le gouvernement de M. José Luis Zapatero a, dans un premier temps, privilégié une réponse sociale. Les autorités espagnoles ont néanmoins abandonné cette direction en mai 2010, près de deux ans après le début de la crise, en adoptant un plan de rigueur sévère. Le gouvernement justifie ce tournant politique par les attaques spéculatives enregistrées sur la dette espagnole. Les salaires des fonctionnaires ont ainsi été réduits de 5 % par le biais d'une diminution du treizième mois, les pensions ne sont pas revalorisées en 2011. Les investissements publics sont, quant à eux, gelés, 6 milliards d'euros de programme étant annulés. A cette diminution des dépenses publiques s'ajoute une augmentation des recettes : la TVA est augmentée de deux points passant de 16 à 18 %, le taux réduit étant, quant à lui majoré d'un point, pour désormais s'élever à 8 %. Ces mesures sont censées permettre une réduction du déficit public avec pour objectif 6 % du PIB en 2011 et moins de 3 % en 2013. Fin 2010, celui-ci s'établissait à 9,24 %, contre 11,1 % l'année précédente.
Le gouvernement a, parallèlement, adopté une réforme des retraites portant de 65 à 67 ans l'âge de départ en retraite. Il a également entrepris une vaste réforme du marché du travail en abaissant le coût des licenciements et en travaillant à une indexation des salaires sur la productivité et non plus sur l'inflation, majorée d'un coefficient dans certaines branches.
Une vaste réforme des caisses d'épargne a, par ailleurs, été mise en oeuvre, réduisant leur nombre de 45 à 17 et imposant d'ici à la fin septembre une augmentation de leurs ratios de solvabilité. Les recapitalisations que cette augmentation implique pourraient être supportées par l'État. La Banque d'Espagne estime ce besoin à 15 milliards d'euros. Les agences de notations sont, quant à elles, plus inquiètes et tablent sur une injection pouvant aller de 40 à 60 milliards d'euros. Cette inconnue explique les tensions observables sur les taux espagnols et la dégradation par les agences de la note du pays et de ses banques.
Même si la recapitalisation devait être opérée à un haut niveau, elle serait supportable pour l'État, dont la dette - un peu plus de 60 % du PIB - n'atteint pas le niveau irlandais, grec et même français.
La crainte d'une contagion des crises grecque et irlandaise, voire portugaise, à l'Espagne a longtemps animé les marchés et les cercles européens au cours de l'année 2010. Force est de constater qu'au regard des fondamentaux économiques du pays, des réformes entreprises et de l'évolution des négociations au Conseil européen sur l'avenir de la zone euro, cette hypothèse a perdu en crédibilité, et ce malgré l'arrivée à échéance d'un certain nombre de bons et obligations espagnols. Le pacte pour l'euro, la consolidation du Fonds européen de stabilité et les avancées en matière de gouvernance économique européenne ont joué, à cet égard, un rôle dans la baisse relative des taux espagnols observée depuis janvier.
Il apparaît néanmoins délicat aujourd'hui de déterminer quelles seront les pistes pour permettre à l'Espagne de renouer avec une phase d'expansion économique. L'Espagne semble à court-moyen terme devoir composer avec une croissance faible, peu créatrice d'emplois, tirée par l'exportation de produits industriels traditionnels. Le confort d'une croissance à crédit, assise sur la brique, a tempéré toute ambition en matière de réforme de l'enseignement supérieur ou de modernisation du marché du travail. Le financement des projets immobiliers s'est opéré dans le même temps au détriment d'autres secteurs tels que la recherche et développement.
Il y a, par ailleurs, fort à craindre que les politiques de rigueur espagnole et communautaire ne gèlent le financement public au cours des prochaines années. La situation difficile que rencontrent les établissements financiers, dont les bilans sont grevés par les scories de l'effondrement du secteur immobilier, devrait limiter leur implication dans l'économie locale.
Il apparaît pourtant vital que l'Espagne, qui ne bénéficiera plus, à partir de 2013, de la manne européenne de façon aussi conséquente qu'à l'heure actuelle, puisse mettre en oeuvre un modèle économique alternatif sous peine d'être confrontée à un défi tant social que politique de grande ampleur. La question de son organisation territoriale est, en outre, implicitement posée par les problèmes occasionnés par le surdéveloppement des caisses d'épargne régionales, et par le laxisme financier des collectivités locales, qui gèrent 50 % de la dépense publique.
M. Jacques Blanc. - Je souhaite souligner que la bulle immobilière a été générée à la fois par une demande accrue de logement mais aussi par la volonté des promoteurs et des communautés autonomes de multiplier les résidences de tourisme.
Il convient également de noter que toutes les communautés autonomes sont touchées par la crise, même celles qui, à l'instar de la Catalogne, sont considérées comme les plus dynamiques.
M. Gérard César. - Mon interrogation porte sur les logements qui ont été récupérés par les établissements financiers. Le rapporteur indique que leur nombre varie entre 1 million et 1,5 million. Que vont en faire les banques et les caisses d'épargne ?
M. Jean-François Humbert. - Je n'ai pas eu de la part de mes interlocuteurs de réponse précise sur ce sujet. Les banques et les caisses d'épargne ne peuvent pas vendre massivement ces biens tant il y aurait un risque de chute vertigineuse des prix. On est en présence d'un problème de demande. D'un autre côté, ces biens grèvent les bilans des établissements financiers et limitent leur capacité d'investissement.
Mme Catherine Tasca. - Peut-on parler de crise du logement en Espagne au regard de ce que vous nous avez indiqué dans votre exposé ? Par ailleurs, quelles sont les conséquences pour l'Espagne de la crise au Portugal, au regard de la forte exposition de son économie au risque portugais ?
M. Jean-François Humbert. - S'il y a crise du logement, il s'agit plutôt d'une crise de la demande tant l'offre est conséquente et dépasse les besoins de la population.
En ce qui concerne le Portugal, je ne pense pas qu'il puisse y avoir un risque de contagion. Je rappelle que les banques espagnoles ne sont pas plus exposées que les banques françaises au risque portugais. Je pense que l'« effet domino » annoncé par les analystes devrait s'arrêter après la Grèce et l'Irlande, au Portugal.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Le rapport de notre collègue vient souligner un peu plus la nécessité de renforcer la surveillance économique de l'Union européenne de façon à prévenir ce type de crise. Un dispositif d'alerte doit être mis en place afin de repérer la formation de ce type de bulle. La gouvernance économique ne saurait, en effet, se limiter à la seule surveillance de la situation budgétaire des États membres.
L'autre enseignement tient, comme vient de le rappeler le rapporteur, à l'absence, à l'heure actuelle, de conséquence majeure pour l'Espagne des difficultés financières portugaises.
M. Denis Badré. - Les investissements espagnols en Amérique latine, dont la situation économique s'améliore, ont-ils permis au pays d'atténuer les effets de la crise ?
M. Jean-François Humbert. - L'économie espagnole est, en effet, très présente en Amérique latine via les grandes multinationales qui s'y sont installées mais aussi par l'intermédiaire de ses deux plus grandes banques, BBVA et Santander, dont l'essentiel de l'activité a trait à ces pays. Cette ouverture a de fait permis de compenser, de façon relative, les effets de la crise.
Les crises
irlandaise et portugaise : état des
lieux
Communication de M. Jean-François
Humbert
M. Pierre Bernard-Reymond. - À l'occasion de la présentation de son rapport sur l'Espagne, notre collègue Jean-François Humbert a souhaité faire rapidement le point sur la situation en Irlande et au Portugal, où la situation politique a changé dans les deux cas.
M. Jean-François Humbert. - Je me suis attaché, dans ma présentation de l'actualité économique et financière à Madrid, à bien distinguer la crise que connaît l'Espagne de celles qu'ont rencontrées le Portugal et l'Irlande.
Quelques semaines après mes déplacements dans ces deux pays, la situation politique a évolué de manière significative au sein de chacun d'entre eux, venant confirmer, d'ailleurs, les préoccupations qui s'étaient exprimées au sein de notre commission.
A Dublin, les élections législatives anticipées du 25 février ont porté au pouvoir une coalition Fine Gael - Labour, dont l'un des objectifs consiste en la renégociation du plan d'aide de l'Union européenne et du Fonds monétaire international accordé en novembre dernier. Le nouveau gouvernement de M. Enda Kenny milite notamment pour une baisse du taux d'intérêt de la partie européenne de l'aide - soit 45 milliards d'euros - actuellement fixé à 5,8 %. Encouragée par la diminution du taux de cent points de base accordée à la Grèce, l'Irlande insiste sur l'insoutenabilité du plan d'aide actuel d'autant que les derniers stress tests qu'ont subis les banques locales pourraient laisser apparaître de nouveaux besoins en matière de recapitalisation. De nouvelles injections supposeraient de recourir au Fonds de réserve de 25 milliards d'euros contenu dans le plan d'aide et donc d'augmenter la charge d'emprunt du gouvernement.
L'Allemagne et la France sont ouvertes à une telle baisse des taux si celle-ci se traduit en contrepartie par une augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés, fixé, je vous le rappelle, à 12,5 %. Si le nouveau gouvernement a réaffirmé sa volonté de ne pas toucher à ce que je qualifiais en décembre de tabou national, la publication des résultats des stress tests des banques le 31 mars, soit après-demain, pourrait peut-être le conduire à réviser sa position. Il conviendra, à ce titre, de suivre la position irlandaise sur le projet d'harmonisation à l'échelle européenne de l'assiette du taux d'imposition sur les sociétés. L'Irlande serait enfin encline à associer plus étroitement la Commission européenne à la supervision de la consolidation budgétaire menée par le gouvernement
Au Portugal, la démission du gouvernement Socrates est venue renforcer les doutes sur la capacité du pays à faire face aux échéances financières importantes d'avril et juin prochains. Lisbonne doit en effet rembourser, à ces dates, 4,5 et 4,9 milliards d'euros et donc lever des montants équivalents sur les marchés. Le changement de gouvernement ne sera effectif qu'à l'issue d'élections législatives anticipées, sans doute organisées en juin.
Cette crise intervient à la suite de la révision, par le gouvernement, de sa prévision de croissance pour 2011. Alors qu'il tablait initialement sur une augmentation du PIB de 0,2 %, il a annoncé, il y a dix jours, une contraction de 0,9 %. Afin de garantir l'objectif de réduction du déficit public à 4,6 % du PIB, le Premier ministre a souhaité proposer de nouvelles mesures d'austérité, soit le quatrième paquet en moins d'un an. Le Parlement portugais, où le gouvernement est minoritaire, a rejeté ce nouveau plan de rigueur.
Le principal parti d'opposition, le PSD de centre droit, a estimé qu'il ne voyait aucune objection à faire appel à l'aide de l'Union européenne et du FMI s'il arrivait aux responsabilités. Le président de l'eurogroupe, M. Jean-Claude Juncker a, à ce titre, indiqué un montant de 75 milliards d'euros, aux deux tiers supportés par l'Union européenne. Le Premier ministre démissionnaire continue, quant à lui, de refuser une aide européenne. L'augmentation des taux - 8,2 % à 5 ans, 7,76 % à 10 ans - relativisent néanmoins cette ambition, ceux-ci étant considérés comme insoutenables pour l'État portugais par la plupart des observateurs. La Banque centrale européenne a, par ailleurs, arrêté d'acheter de la dette portugaise, au risque de contribuer à une montée des taux.
La crise portugaise intervient au moment où le Conseil européen vient de renforcer les capacités du Fonds européen de stabilité financière et de définir précisément les contours du mécanisme européen de stabilité qui prendra le relais en 2013 et qui sera doté de 700 milliards d'euros, soit une capacité d'intervention effective de 500 milliards d'euros.
Il me semble, néanmoins, important de dépasser désormais le stade du remède. Si nous voulons rétablir durablement la confiance, il faudra sans doute aller plus loin en matière de régulation bancaire et de révision des stress tests. La crédibilité de l'action européenne et son efficacité sur les marchés est à ce prix.
Il convient de prendre en compte la leçon grecque et tenir un langage de vérité sur la soutenabilité des aides accordées aux États. Rappelons que la dette grecque devrait atteindre 157 % du PIB en 2013. Il faudrait des décennies d'austérité pour en venir à bout. La restructuration - et donc la participation du secteur privé - est jugée par beaucoup inéluctable.
Mme Catherine Tasca. - Vous nous avez indiqué que l'Irlande pourrait un jour ou l'autre réviser sa position sur la question du taux de l'impôt sur les sociétés. Sait-on quand est-ce que cette évolution pourrait intervenir ?
M. Pierre Bernard-Reymond. - Il serait bon que les Irlandais évoluent sur ce sujet. Il ne s'agirait pas ensuite d'imposer rapidement une hausse mais de déterminer progressivement avec eux des règles communes concernant l'assiette, ainsi qu'un plancher et un plafond entre lesquels le taux pourrait varier d'un pays à l'autre.
M. Jean-François Humbert. - Tout dépend de la situation financière de l'État et la soutenabilité de sa dette. Les résultats des stress tests bancaires le 31 mars prochain seront à cet égard déterminants. Une augmentation de la charge d'emprunt pourrait conduire le gouvernement voire la société entière à réviser sa position.
Je vous rappelle que les Irlandais sont très attachés à cette mesure. L'audition en février dernier par notre commission de l'ancien secrétaire d'État aux affaires européennes Dick Roche avait été assez claire sur ce point. Le maintien du taux faisait d'ailleurs partie des négociations lors de la ratification du traité de Lisbonne. L'impôt sur les sociétés est considéré comme la clé du développement du pays. Les entreprises, américaines notamment, qui se sont installées sur le territoire pourraient être tentées de délocaliser leurs activités en cas d'augmentation du taux, ce qui aggraverait les problèmes économiques et financiers que rencontre l'Irlande. C'est un message que j'ai entendu de façon récurrente lors des rencontres avec les milieux économiques à l'occasion de mon déplacement à Dublin en décembre dernier.
M. Pierre Bernard-Reymond. - Enfin, je dois vous demander encore un instant d'attention car nous avons été saisis en urgence de plusieurs textes européens pour lesquels le Gouvernement nous demande l'autorisation de lever la réserve d'examen parlementaire.
- Le premier est le texte E 5981 qui vise à autoriser la Commission européenne à négocier de nouveaux droits de trafic dans le cadre de l'accord de transport aérien avec la Suisse. Il s'agit de permettre aux transporteurs de l'Union européenne et de Suisse de pratiquer le cabotage, c'est-à-dire, pour une compagnie d'un État membre de l'Union européenne, de transporter des passagers entre deux points à l'intérieur du territoire suisse et inversement. Il y a consensus entre les États membres pour lancer cette négociation.
- Le deuxième texte est le texte E 6060 qui a pour objectif de définir la position de l'Union européenne en vue de l'ajout d'une substance insecticide, l'endosulfan, à la liste des produits pesticides interdits par la convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants. Ce texte ne soulève pas de difficultés ; tous les États membres sont favorables à cette interdiction.
- J'en viens aux textes E 6095 et E 6096. Ils concernent la signature et la conclusion d'un accord prévoyant d'approfondir les échanges de produits agricoles et de la pêche entre l'Union européenne et l'Autorité palestinienne. Cet accord consiste à établir des droits de douane nuls ou réduits en vue de l'importation, principalement, de fruits et légumes en provenance des territoires palestiniens et de l'exportation de viandes et produits agricoles transformés européens vers ces territoires. Le volume des importations dans l'Union des produits concernés est extrêmement faible. Ce texte est plutôt un symbole politique, que nous ne pouvons qu'approuver.
- Le texte E 6097, quant à lui, est une conséquence du changement de statut de Saint-Barthélémy au regard du droit européen. Vous vous souvenez certainement de notre échange avec notre collègue Michel Magras, Sénateur de Saint-Barthélémy, qui nous avait présenté en octobre 2010 le contexte ayant conduit Saint-Barthélémy à acquérir le statut de pays et territoire d'outre-mer (PTOM) à la place de celui-ci de région ultrapériphérique. Or, ce changement de statut implique pour l'île de ne plus faire partie du territoire de l'Union européenne et, en toute logique, de ne pas avoir l'euro comme monnaie officielle. L'utilisation de l'euro en dehors de l'Union européenne n'est toutefois pas impossible : c'est le cas à Monaco, Saint-Marin, au Vatican et aussi à Saint-Pierre et Miquelon, qui, comme Saint-Barthélémy, est un PTOM. L'objectif du texte E 6097 est donc d'autoriser la Commission européenne à négocier un accord monétaire avec la France sur le modèle de ceux conclus avec ces pays ou territoires, afin que Saint-Barthélémy puisse conserver l'usage de l'euro. Là également, nous ne pouvons qu'être favorables.
- Enfin, le texte E 6107 a pour objet la signature d'un protocole de coopération entre l'Union européenne et l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Il prévoit le détachement d'experts auprès du secrétariat de l'OACI, la participation de l'Union au financement d'actions spécifiques de l'Organisation et créé un comité mixte chargé de contrôler l'application de ces dispositions. La législation de l'Union en matière de transport aérien est directement inspirée des normes et exigences établies par l'OACI. Cette coopération assure donc la continuité des relations de l'Union avec l'OACI. Il n'y a donc pas de difficultés.
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Comme vous l'avez constaté, les textes qui nous sont soumis ne posent pas de problème et je vous propose donc d'indiquer au Gouvernement que nous n'envisageons pas de les examiner plus avant.
Y a-t-il des objections ? Je n'en vois pas.
Il en est donc ainsi décidé.