- Mardi 29 mars 2011
- Mercredi 30 mars 2011
- Simplification et amélioration du droit - Désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire
- Nomination de rapporteurs
- Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis
- Immigration, intégration et nationalité - Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture
- Répartition des contentieux et allègement des procédures juridictionnelles - Examen du rapport et du texte de la commission
- Audition de M. Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République
Mardi 29 mars 2011
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -Bioéthique - Examen du rapport pour avis
La commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. François-Noël Buffet sur le projet de loi n° 304 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Certaines questions bioéthiques intéressent directement le droit de la famille, le droit de la responsabilité civile ou encore les principes d'anonymat du don de non-patrimonialité du corps humain inscrits dans le code civil. D'où la saisine pour avis de notre commission.
Conscient de la nécessité d'apprécier notre législation bioéthique à l'épreuve des faits et des évolutions scientifiques, le législateur avait posé, dans les trois lois fondatrices du 1er et du 29 juillet 1994, le principe d'une révision tous les cinq ans. Dans les faits, la première révision intervint en 2004, sans remettre en cause les équilibres solides trouvés en 1994. C'est également le cas de ce texte, dont la seule nouveauté est l'abandon d'une révision périodique, signe de la maturité de cette législation.
Seuls 11 articles, sur les 59 que compte le projet de loi, concernent notre commission. Les questions soulevées ont déjà donné lieu à débat en 1994 et en 2004 ; à chaque fois, le législateur a affirmé la même position de principe. Depuis, il n'y pas eu d'évolution technologique déterminante. La remise en cause des solutions antérieures ne peut donc s'appuyer que sur des évolutions de la société ou la conviction que le dispositif retenu n'a pas eu les effets escomptés. La prudence commande donc de faire peser la charge de la preuve sur celui qui souhaite déroger aux principes établis. C'est dans cet esprit que j'ai conduit mes travaux.
Premier point, la création d'une obligation légale d'information de la parentèle en cas d'anomalie génétique grave. La situation visée est la suivante. Une anomalie génétique grave est diagnostiquée chez un patient ; d'autres personnes de sa famille peuvent être atteintes. Ne pas leur dire, c'est courir le risque qu'elles ne commencent pas le traitement à temps. Mais la personne diagnostiquée peut craindre la stigmatisation ou un examen génétique familial qui mettrait en évidence une autre filiation biologique. L'intérêt des autres membres de la famille est donc susceptible d'entrer en conflit avec le droit au respect de la vie privée de la personne diagnostiquée. Une solution possible est celle de l'information indirecte par le médecin de la famille : celui-ci, sans indiquer le nom de la personne diagnostiquée, informe juste les intéressés qu'une information génétique à caractère familial peut leur être délivrée, s'ils le souhaitent. L'article premier simplifie la procédure actuelle d'information indirecte, ce qui va dans le bon sens. En revanche, les juristes se sont étonnés que le Gouvernement renforce l'obligation d'information en créant une présomption de faute civile pour défaut d'information directe ou indirecte. Mieux vaut renvoyer au droit commun de la responsabilité civile et laisser le juge apprécier librement l'existence ou non de la faute. J'ajoute que le texte renvoie maladroitement au représentant légal de l'intéressé, sans distinguer entre les différents types de représentations légales. Là encore, il est préférable de revenir au droit commun. Je vous proposerai un amendement en ce sens.
Deuxième point, l'extension du cercle des donneurs vivants. Le don d'organe par une personne vivante est marginal ; il se limite presque à la greffe de rein. Cette exception se justifie par la nécessité thérapeutique et la volonté des personnes les plus proches du patient de contribuer à l'amélioration de son état. L'Assemblée nationale a proposé d'étendre le cercle des donneurs vivants à toute personne avec laquelle le receveur possède un lien affectif étroit, stable et avéré. Dans son principe, cette extension ne fait pas problème. Cependant, pour éviter des trafics, et après avoir entendu le délégué du président du tribunal de grande instance de Paris, je proposerai d'appuyer cette extension sur des éléments objectifs, notamment une durée minimale de cinq ans.
Troisième point, la levée partielle de l'anonymat des donneurs de gamètes. En 2008, 2,4% des naissances ont eu lieu avec la technique de l'assistance médicale à la procréation (AMP). Parmi elles, seules 5,9% proviennent du recours à un tiers donneur de gamètes. Les pionniers de la procréation avec tiers donneur ont emprunté aux modèles du don sanguin et de produits du corps humains les principes de gratuité et d'anonymat, ce dernier étant également le moyen de consolider la paternité du père de l'enfant. Longtemps, la question de l'anonymat n'a pas fait débat. Puis des enfants issus d'un tel don ont adressé des demandes aux centres d'étude et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) en faisant valoir le droit d'accéder à ses origines personnelles, consacré par la Cour européenne des droits de l'homme. Pour l'heure, les tribunaux ont rejeté toutes leurs demandes. Reprenant les conclusions du Conseil d'État et celles du Comité consultatif national d'éthique, le texte proposait initialement une levée partielle de cet anonymat à la majorité de l'enfant, à la condition que le donneur y consente. Les députés l'ont supprimée considérant qu'une levée partielle aurait entraîné une remise en cause de la primauté symbolique du caractère affectif et social de la filiation (M. Jean-Pierre Sueur approuve.). Ils craignaient également que la levée de l'anonymat n'incite les parents à garder le secret et ne se retourne ainsi contre les enfants. Plus pragmatiquement, moins de 25 demandes par an ne justifiaient pas une déstabilisation de nos principes. Je vous proposerai de suivre nos collègues députés : autoriser, par la levée de l'anonymat, le donneur à prendre une place dans l'histoire personnelle et familiale de l'enfant, fût-ce avec son consentement, ferait surgir, au coeur de la filiation, un primat biologique.
Quatrième point, la suppression de toute condition liée à la stabilité du couple souhaitant recourir à une AMP. Conçue en miroir de la procréation naturelle, cette technique a pour objectif de pallier l'infertilité d'un couple, non de rendre possible des procréations impossibles. D'où des conditions médicales strictes -l'infertilité constatée du couple- et des conditions sociales dans l'intérêt de l'enfant et de la société : l'AMP est ouverte aux seuls couples formés d'un homme et d'une femme ; l'un et l'autre doivent être vivants, en âge de procréer et consentir préalablement à l'insémination ou au transfert d'embryons ; le couple doit répondre au critère d'une certaine stabilité en étant soit marié soit en mesure d'apporter les preuves d'une vie commune d'au moins deux ans. Le texte avait ouvert le bénéfice de l'AMP aux partenaires hétérosexuels de PACS. L'Assemblée nationale a supprimé cette exigence de stabilité au motif que la durée d'une AMP et les épreuves qu'elle implique manifestaient suffisamment l'engagement du couple demandeur. Cette suppression ne me paraît pas opportune ; cela revient à se priver de toute possibilité de contrôle sur la stabilité du couple qui demande à recourir à l'AMP. Symboliquement, cela revient à réduire encore les dispositions relatives à l'intérêt de l'enfant à naître. Revenons-en à la rédaction du Gouvernement en posant, plutôt qu'une condition de durée, l'exigence d'une vie en concubinage telle que définie dans le code civil -qui doit être commune, continue et stable. Lors des auditions, les médecins nous ont dit ne pas aimer poser des questions trop intrusives à leurs patients...
Cinquième point, déjà débattu en 1994 et 2004, la levée de l'interdiction du transfert post mortem d'embryon. La commission spéciale, contre l'avis de son rapporteur, puis l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, ont autorisé le transfert posthume d'embryon en l'assortissant de deux conditions : l'homme doit avoir expressément donné son consentement en amont, le transfert doit intervenir entre six et dix-huit mois après le décès. La préservation des droits de l'enfant éventuel sur la succession serait assurée par le gel de la succession pendant dix-huit mois avec une administration légale de celle-ci. La question concerne un seul cas par an. Le principal argument avancé est celui de la détresse de la femme soumise à un choix impossible : accepter de voir les embryons détruits, donnés à la recherche ou à un autre couple. Cet argument compassionnel est éminemment respectable. Cependant, il ne saurait guider exclusivement le législateur. L'intérêt de l'enfant doit prévaloir et il y va de son intérêt de ne pas naître orphelin. Le décès d'un des parents avant l'achèvement du processus d'AMP annihile le projet parental parce que l'un des parents n'est plus et que tous les soins et l'amour du second n'y suppléeront pas. De plus, il serait paradoxal de consacrer la figure du père défunt, lié à son enfant par un lien biologique, au moment où nous réaffirmons la dimension sociale et affective de la filiation. D'après M. Lévy-Soussan, pédopsychiatre, l'enfant, pour se construire, a besoin de s'inventer une fiction sur ses origines qui ne soit pas une science-fiction. La simple comparaison, dans le livret de famille, des dates de décès et de naissance du père et de l'enfant, qui pourront être distantes de plus de deux ans, rendra manifeste l'impossibilité de cet engendrement. N'y a-t-il pas également le risque que l'enfant soit désiré comme un remède au deuil ?
Outre que le transfert post mortem d'embryon constitue une transgression majeure de la finalité de l'AMP, il ouvre des exceptions et dérogations complexes en matière de droit de la filiation -établissement d'une filiation post mortem, nouveau cas de présomption de paternité- et de droit des successions -vocation successorale d'un enfant non encore conçu, administration provisoire de la succession dans l'éventualité d'une naissance non certaine, maintien des successibles dans l'indivision. Par ailleurs, le risque est que les couples dont l'un des deux membres se sait gravement malade inscrivent leur projet parental dans la perspective d'une mort imminente, ce qui n'est pas souhaitable. En outre, là où elle existe en Europe, l'autorisation du transfert d'embryons post mortem va de pair avec celle des inséminations post mortem. Autoriser l'un, c'est ouvrir la voie à l'autre. Je proposerai donc un amendement de suppression.
Sixième point, l'encadrement des neurosciences et de l'imagerie médicale. Souhaitant encadrer l'utilisation de ces technologies, les députés se sont inspirés des dispositions prévues pour l'examen des caractéristiques génétiques des individus. La crainte est la même : utiliser ces savoirs pour prédire le comportement ou le for intérieur de la personne. Il appartiendra au législateur d'être vigilant sur les évolutions futures de la discipline et des usages qui en seront faits, pour y ajouter toutes les garanties requises.
Septième point, la question de la gestation pour autrui. Elle n'est pas abordée dans le texte, mais des amendements ont été déposés. Nous devons donc débattre de cette question essentielle. Pour moi, la maternité de substitution, que le législateur a sanctionnée pénalement et civilement en 1994, porte atteinte à des principes fondamentaux : le respect de la dignité de la personne humaine et l'indisponibilité du corps humain. Ne revenons pas sur cette prohibition. Certes, il faut résoudre la situation juridique des enfants nés d'une gestation pour autrui à l'étranger. Chacun a à l'esprit l'affaire Mennesson sur laquelle la Cour de cassation se prononcera le 6 avril prochain, mais dans d'autres affaires, le Parquet a retenu une solution dans l'intérêt de l'enfant en contestant uniquement la transcription de la seule filiation maternelle. De surcroît, selon les indications de la Chancellerie, ces enfants rencontrent peu de difficultés pratiques au quotidien : ils bénéficient d'une couverture sociale, ils peuvent être inscrits à l'école et avoir des papiers d'identité, leurs parents perçoivent les prestations familiales. Au reste, certains parents ne demandent pas la transcription de l'acte étranger sur les registres de l'état civil, celle-ci n'étant pas obligatoire. Rendre automatique la transcription de la filiation indiquée dans l'acte étranger sur les registres d'état civil amoindrirait l'interdiction de la maternité de substitution au nom du principe qu'un enfant ne peut pas avoir deux mères ; cela constituerait un encouragement au tourisme procréatif.
M. Yves Détraigne. - Ce texte pose des questions complexes sur lesquelles chacun se prononcera en conscience. (M. Hyest, président de la commission, approuve.) Lorsque je siégeais à la Commission d'accès aux documents administratifs, le dossier le plus épineux dont nous avions été saisis concernait une demande de levée de l'anonymat : une jeune femme, devenue majeure, souhaitait accéder à l'identité de son père biologique. Après de longs débats, on avait légitimement considéré qu'il revient au législateur, et non à la CADA, de trancher la question de la levée de l'anonymat. En outre, il était ressorti des auditions de médecins, psychologues et responsables de CECOS, que la levée de l'anonymat aboutit, partout où elle est autorisée, à une réduction du nombre de donneurs et que les demandes de levée sont rares. Pour certaines, elles proviennent d'enfants qui fantasment sur l'identité de leur père biologique : s'agit-il du voisin de palier ou encore d'un collègue de travail de leur mère ? D'où un avis négatif car mieux vaut ne pas déstabiliser un système qui a fait ses preuves pour satisfaire une minorité. J'approuve donc la position du rapporteur.
En revanche, s'agissant de la maternité pour autrui, j'ai participé au groupe de travail commun à notre commission et à celle des affaires sociales. Nous avons abordé la question sans a priori. Après une cinquantaine d'auditions et de nombreux déplacements à l'étranger, nous en sommes arrivés progressivement à l'idée qu'il est possible d'accepter la maternité pour autrui dans un petit nombre de cas très encadrés et d'en tirer les conséquences juridiques. Dans un des plus vieux État de droit, peut-on admettre que des enfants aient un état civil californien alors que leurs parents au sens juridique -ceux qui les élèvent- sont français ? Cette situation mi-figue, mi-raisin n'est guère satisfaisante d'autant qu'avec le développement d'internet, de plus en plus de couples recourent à cette technique. Les décisions parfois contradictoires du juge poussent le législateur à se prononcer.
M. Jean-René Lecerf. - Sur ces questions qui touchent à nos convictions personnelles, la discipline de groupe ne saurait prévaloir. La législation sur la maternité pour autrui doit évoluer, sans quoi nous en resterons à la situation hypocrite qui prévalait sur l'interruption volontaire de grossesse avant 1976 : il y a ceux qui ont les moyens, et ceux qui ne les ont pas... Je serais moins catégorique que le rapporteur sur le transfert post mortem d'embryon, peut-être par attachement à une conception de la nation qui s'étend des vivants aux générations à venir mais aussi aux morts. Vaut-il mieux avoir un père défunt dont on puisse être fier que pas de père du tout ou un père vivant mais défaillant ? Accepter un tel transfert dans des conditions très réglementées ne me semble pas déraisonnable.
M. Jean-Pierre Sueur. - A titre personnel, je partage l'avis du rapporteur sur le transfert post mortem d'embryon et la levée de l'anonymat sur le don de gamètes. Je suis hostile à la conception pour autrui pour les mêmes raisons : la réalité de l'acte éducatif doit primer sur la filiation biologique. Il est extrêmement traumatisant d'avoir deux pères -cas de la levée de l'anonymat- ou deux mères -cas de la gestation pour autrui, laquelle soulève également la question des droits des femmes et de leur corps.
Mme Jacqueline Gourault. - Je continue de m'interroger sur la levée de l'anonymat. Limiter la dérogation, comme cela était prévu initialement, aux seuls cas où le donneur de gamètes a donné son consentement ne prévient-il pas le risque de diminution des dons ? Toute la question est là ; certains catholiques plutôt intégristes font campagne pour la levée de l'anonymat parce qu'ils en attendent une baisse du nombre de donneurs. Autre sujet : avec l'adoption de l'amendement du député Leonetti au II de l'article 9, les médecins n'auront plus l'obligation de proposer aux femmes enceintes des examens de biologie médicale et d'imagerie, puisqu'il a été ajouté : « lorsque les conditions médicales le nécessitent ». C'est un changement fondamental !
M. Richard Yung. - Après réflexion, la levée de l'anonymat, à laquelle j'ai été longtemps favorable par analogie avec la législation sur l'adoption, me semble présenter plus d'inconvénients que d'avantages. Si l'on veut maintenir la possibilité du don de gamètes, mieux vaut en rester au principe de l'anonymat. En revanche, sur la gestation pour autrui, j'aurais une position différente. En tant que sénateur des Français de l'étranger, je suis souvent saisi par des parents qui ont des difficultés à faire transcrire leurs enfants dans les registres d'état civil français. Monsieur le rapporteur, je retourne votre argument : autoriser cette pratique dans un cadre réglementé ne limiterait-il pas le « tourisme procréatif » ? Quelles limites, quelles garanties apporter ? Quelles sont les motivations de la mère porteuse ? Faut-il lui verser une pension ? Si oui, de quel montant ? Voilà de quoi nous devrions débattre. Enfin, au nom de quoi nous opposer au transfert post-mortem d'embryon à partir du moment où le couple avait clairement eu un projet d'enfant avant ? Lorsque le père disparaît à la guerre, l'orphelin peut se construire.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Soit, mais il est conçu du vivant du père !
M. Richard Yung. - La situation est la même ici pour l'enfant : son père est connu et identifié.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Ce n'est pas ce que disent les psys !
M. Bernard Frimat. - Nous intervenons tous dans ce débat avec beaucoup de retenue, nul n'étant certain de maîtriser les questions posées. Nos collègues qui ont abordé la question de la maternité pour autrui en toute sérénité au sein de la mission menée par Mme André ont abouti majoritairement à une conclusion mesurée. L'interdiction absolue d'une telle pratique ne me semble pas tenable, notamment pour des raisons d'incertitudes juridiques sur l'état civil de l'enfant. Nous devons avancer sur ce dossier.
Oui à l'interdiction de la levée de l'anonymat sur le don de gamètes. En revanche, sur le don d'organes entre vivants, j'ai été alerté par un brillant universitaire qui, après avoir donné un de ses reins à sa femme, a fondé une association pour développer ce type de dons. Il a vu avec bonheur l'Assemblée nationale faire un premier pas : à l'article 5, le don est désormais autorisé pourvu qu'il existe un lien affectif étroit, stable et avéré entre le donneur et le receveur. Je n'ai pas de désaccord de fond avec le rapporteur ; comme lui, je veux éviter toute marchandisation du corps. En revanche, la condition de cinq ans me semble ressortir d'une fausse objectivité : comment déterminer la date de départ de ces cinq ans ? D'autant que cinq ans, c'est long ; entre-temps, le destinataire pourrait mourir. Loin de moi l'idée d'établir une comparaison avec les mariages qui se concluent rapidement par une séparation, mais l'existence d'un lien avéré suffit au juge pour se faire une opinion.
M. Laurent Béteille. - Plutôt que d'interdire le transfert post mortem d'embryon, ne faudrait-il pas réduire le délai de 18 mois, qui semble un peu long ? S'en tenir au principe de l'anonymat pour le don de gamètes est sans doute la position qui fera le moins de dégâts. Enfin, je suis très opposé à la gestation pour autrui. De deux choses l'une : si la mère porteuse fait partie de l'entourage des parents, l'enfant aura deux mères ; si elle n'en fait pas partie, nous irons vers la marchandisation du corps de la femme. Car en vertu de quel raisonnement une femme porterait-elle un enfant durant neuf mois pour une famille qu'elle ne connaît pas ? Dans la pratique, partout où la gestation pour autrui est autorisée, s'est mis en place un commerce.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Et l'encadrer ne fera pas disparaître ce commerce ! C'est mon avis...
M. Dominique de Legge. - Texte difficile : le législateur doit poser des principes, lesquels sont ensuite mis à l'épreuve de situations particulières. Concernant la levée de l'anonymat, la Convention internationale sur les droits de l'enfant garantit le droit d'accès aux origines. Rappelez-vous le jugement d'Angers sur l'accouchement sous X... Sensible aux arguments présentés par le rapporteur, j'ignore quel sera mon vote final. A propos du transfert post mortem d'embryon, nous avons beaucoup évoqué le décès du père. La mère pourrait également venir à mourir, ce qui conduirait à la gestation pour autrui... Ensuite, il y aurait une forte contradiction à consacrer le père biologique dans ce cas, à l'exception de tous les autres. Et quid de l'intérêt de l'enfant ? Enfin, la gestation pour autrui pose de nombreuses questions : que se passera-t-il si la mère qui accouche de l'enfant souhaite le garder, si la mère éducative n'en veut plus ?
Mlle Sophie Joissains. - Au sein d'une même famille, la gestation pour autrui représente un extraordinaire acte d'amour. Pourquoi banaliser ces situations isolées ? Prêter son ventre n'est pas un acte anodin, un lien se tisse entre la mère et l'embryon ; évitons toute commercialisation. La levée de l'anonymat sur le don de gamète doit être également envisagée sous l'angle de l'intérêt de l'enfant. Celui-ci a le droit de savoir d'où il vient. Pourquoi prévoir un régime différent de celui de l'adoption ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je m'exprimerai également à titre personnel. Comme M. Frimat, l'existence d'un « lien avéré » me semble préférable à une condition de cinq ans pour le don d'organes entre vivants. Je suis favorable à la levée de l'anonymat sur le don de gamètes ; certains enfants issus de tiers donneurs ont un désir irrépressible d'obtenir des informations, leur interdire est source pour eux d'une grande souffrance. Dans l'intérêt de l'enfant, il faut permettre l'accès aux origines. La société doit aider, par la science, les couples infertiles à avoir des enfants. Mais est-ce à elle d'organiser l'abandon d'enfant avec la gestation pour autrui ? La même logique vaut d'ailleurs pour le transfert post mortem de l'embryon. Je suis contre l'enfant à tout prix et la marchandisation du corps. Autoriser la maternité pour autrui au sein de la même famille, comme le préconise la mission ? On dépasse les limites : une femme pourra porter l'enfant de sa soeur ! Sans oublier l'existence d'enfants déjà nés -condition posée par la mission- et la famille de la mère porteuse, que penseront-ils de ce projet ? Enfin, l'enfant demandera pourquoi le lien a été rompu avec la mère qui l'a porté... Voilà toutes les raisons, non connotées religieusement puisque je suis athée, qui m'encouragent à dire : prudence !
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Les droits de l'enfant doivent primer ; le droit à l'enfant n'est pas absolu. Je rejoins donc Madame Borvo, tout en ayant d'autres convictions ! (Sourires) Monsieur Frimat, la sérénité n'avait pas caractérisé la séance commune des deux commissions sur la maternité pour autrui...
M. Bernard Frimat. - Les auteurs du rapport, eux, étaient sereins !
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il faudrait accepter cette pratique quitte à l'encadrer au motif qu'elle existe ailleurs ? Ce moins-disant éthique nous entraînera dans une spirale infernale sans compter que les personnes qui n'entreront pas dans le cadre continueront d'aller à l'étranger. Le problème restera donc entier et, dans tous les cas, ces enfants ont un état civil. A chaque fois que ce débat revient, je m'interroge : promouvoir l'adoption internationale ne résoudrait-il pas ces problèmes ? Le nombre d'enfants à adopter en France diminue, ce dont nous devons nous réjouir. Dans le but d'éviter les trafics, et malgré des efforts récents, notre législation reste très restrictive. Ne faut-il pas plutôt s'attaquer à ce chantier ? Quoi qu'il en soit, le rapporteur a eu raison de lancer le débat sur la maternité pour autrui.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Monsieur Frimat, s'agissant du don d'organes entre vivants, le délai est de deux ans pour les concubins ; pour les personnes hors le cercle familial, nous avons proposé un délai de cinq ans en prenant appui sur l'exemple norvégien. D'après les magistrats, cette condition devrait permettre de prévenir les trafics et d'apprécier la situation de la personne au regard des témoignages.
Pour établir ce rapport, nous avons rencontré des associations qui défendent la légalisation de la gestation pour autrui. « Au-delà des questions de droit, quel rapport entretenez-vous avec la femme qui a porté votre enfant ? », ai-je demandé. « Ma fille est restée en contact avec elle », m'a-t-on répondu. Quelques jours plus tôt, le pédopsychiatre Lévy-Soussan nous expliquait qu'un enfant, pour se construire, doit avoir une seule mère, un seul père et une histoire. Enfin, la contractualisation de la gestation pour autrui aux États-Unis fait peser sur la mère des obligations excessives qui aboutissent à la marchandisation du corps de la femme. L'audition du vice-président du CECOS et de l'Agence de la biomédecine a emporté ma conviction sur la levée de l'anonymat : les demandes émanent de personnes qui ont généralement des difficultés, hors la question de leurs origines, nous a-t-on expliqué. Nous ne pouvons pas savoir comment elles réagiront en apprenant d'où elles viennent.
M. François Pillet. - Difficile d'avoir une idée arrêtée sur ces sujets souvent anxiogènes. Je veux seulement soulever une contradiction : pourquoi accorder aux parents le droit de transmettre leur patrimoine génétique dans le cas de la gestation pour autrui et refuser aux enfants de connaître ce même patrimoine en cas de recours au don de gamètes ? Oui, il faut améliorer les dispositifs d'adoption !
M. Jean-Jacques Hyest, président. - On le répète à chaque fois que revient ce débat. Hélas, rien n'avance...
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 1er
L'amendement n°LOIS.2 est adopté.
Article 4 bis (nouveau)
L'amendement de suppression n°LOIS.1 est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Mon amendement n°3 vise à remédier au caractère insuffisamment normatif de la rédaction actuelle de l'article, qui concerne le don d'organes.
M. Bernard Frimat. - L'argument de la Norvège, que l'on nous a opposé, ne vaut rien : ce n'est pas au droit norvégien de guider le droit français. Le terme de lien « avéré », retenu par l'Assemblée nationale, est parfaitement reçu : pourquoi rouvrir la discussion ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Les magistrats considèrent qu'il n'est pas assez normatif.
M. Bernard Frimat. - Un lien avéré, c'est un lien dont peuvent attester des témoignages. C'est parfaitement clair.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Cette rédaction place tout le monde dans la même situation, qu'il y ait lien de parenté ou pas, concubinage ou pas. L'avantage de la rédaction que je vous propose est qu'elle établit un ordre. Encore une fois, les magistrats veulent un texte clair. Le terme « avéré » n'est pas suffisamment normatif ; il les conduirait à devoir faire des investigations sans disposer des moyens pour le faire.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Pour les concubins, deux ans sont requis. C'est donc un délai qui témoigne d'un lien affectif stable et avéré.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Je puis admettre de rectifier mon amendement, pour ramener le délai de cinq à deux ans.
M. Bernard Frimat. - Cela vaut toujours mieux que cinq ans, mais demeure moins satisfaisant que la rédaction actuelle.
L'amendement n°LOIS.3 ainsi rectifié est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Mon amendement n°4 ajoute une condition de stabilité pour les couples souhaitant bénéficier d'une assistance médicale à la procréation.
L'amendement n°LOIS.4 est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Mon amendement n°5 supprime l'article relatif au transfert post mortem d'embryons.
L'amendement n°LOIS.5 est adopté.
Article 24 bis (nouveau)
L'amendement rédactionnel n°LOIS.6 est adopté.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Prendrons-nous dès à présent position sur la gestation pour autrui ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Il n'y a pas d'amendement : ce n'est pas dans le texte.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Mais si la commission des affaires sociales venait à en adopter ? Souhaitons-nous nous exprimer dès à présent par un vote ?
M. Bernard Frimat. - Sur quoi prendrions-nous position ? C'est sur un texte qu'il convient ici de s'exprimer, pas sur un principe. La commission des affaires sociales est saisie au fond : elle va élaborer un texte. En fonction de ce qu'il sera, notre rapporteur pour avis pourra nous proposer un amendement, sur lequel nous pourrions voter. (Assentiment)
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Simplification et amélioration de la qualité du droit - Examen des amendements au texte de la commission
La commission examine les amendements au texte n° 342 (2010-2011) qu'elle a établi pour la proposition de loi n° 297 (2010-2011), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il n'est sans doute pas inutile, à titre liminaire, de rappeler qu'aux termes de l'article 48 de notre règlement, la discussion des articles est limitée, à partir de la deuxième lecture, à ceux pour lesquels les deux assemblées n'ont pas encore adopté un texte identique. Tout amendement qui remettrait en cause les articles votés dans des termes identiques, de même que ceux qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion, sera donc déclaré irrecevable par notre commission, compétente au fond.
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous connaissons comme vous le règlement. Reste à savoir ce qui est ou n'est pas en relation avec un tel texte, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il s'agit d'un vrai fourre-tout.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'Assemblée nationale a adopté 136 articles dans les mêmes termes que le Sénat.
M. Yves Détraigne. - Ce n'est pas si fréquent.
ADOPTION D'AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Restent donc 77 articles en discussion. Je vous proposerai pour ma part un amendement n° 1, à l'article 32, qui vise à permettre aux sociétés de holding de présenter un total de bilan au lieu de comptes consolidés, pour atteindre les seuils d'éligibilité à la procédure de sauvegarde financière accélérée.
L'amendement n° LOIS.1 est adopté.
Article 116
L'amendement de coordination n° LOIS.2 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS EXTÉRIEURS
M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'amendement n° 57 du gouvernement vise à supprimer l'extension aux partenaires liés par un Pacs des dispositions de l'article 79 du code civil, qui imposent l'énonciation, dans l'acte de décès d'un époux, des prénoms et nom de l'autre époux. Cependant, s'il est vrai que les partenaires d'un Pacs ne sont pas des successibles ordinaires, ils bénéficient, dans la succession, de droits, comme le maintien une année durant dans le domicile commun. Je suis donc défavorable à l'amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 57.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'amendement n° 30 rectifié est irrecevable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je le conteste. L'amendement précédent ne visait-il pas, comme le mien, les partenaires liés par un Pacs ? Vous ne l'avez pourtant pas déclaré irrecevable. Sans compter, encore une fois, que la question du lien direct à un texte « dont le centre est partout et la circonférence nulle part » est bien difficile à déterminer. Comment déclarer un amendement irrecevable au motif qu'il est sans rapport avec l'objet du texte, quand ce texte n'a pas d'objet identifiable ?
M. Patrice Gélard. - Argument de sophiste.
M. Jean-Pierre Sueur. - J'accepte le compliment : ce fut une grande école de pensée.
L'amendement n° 30 rectifié est déclaré irrecevable.
L'amendement n° 31 portant article additionnel est déclaré irrecevable.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 2 : le mécanisme de transmission de données à caractère personnel entre administrations relève bien de la loi.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Le gouvernement entend rétablir, par son amendement n° 59 rectifié, les dispositions votées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture que nous avons supprimées. Nous ne pouvons y être, pour les mêmes raisons à nouveau, que défavorables.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 59 rectifié.
Article 25
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 58.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 19, dont l'objet est de supprimer l'article 27 visant à rendre la loi concernant la presse destinée à la jeunesse conforme aux obligations découlant de la directive services. Les modifications adoptées à l'initiative de notre commission des affaires culturelles, en première lecture, s'inscrivent dans ce cadre parfaitement transparent.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 19, ainsi qu'aux amendements n°s 2, 3 et 4.
Elle émet un avis favorable à l'amendement de coordination n° 49.
Article 27 quater A (suppression maintenue)
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission de l'économie. - Le groupe socialiste, par son amendement n° 20, entend rétablir les dispositions introduites en première lecture par Mme Lamure, et supprimées à l'Assemblée nationale. Constatant que Mme Lamure n'a pas déposé d'amendement visant à rétablir cet article, notre commission est convenue de demander l'avis du gouvernement.
La commission convient de demander l'avis du gouvernement sur l'amendement n° 20.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'amendement n° 23 a déjà été rejeté en première lecture : il est irrecevable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il a été rejeté par une assemblée, mais pas par les deux.
M. Jean-Jacques Hyest, président.- En tout état de cause, il est sans lien direct avec les dispositions restant en discussion.
M. Jean-Pierre Sueur. - Voilà que vous changez d'argument. Celui-ci n'est pas plus recevable que le précédent : il reste, dans le texte, des dispositions qui ont à voir avec ce sujet.
L'amendement n° 23 est déclaré irrecevable, ainsi que l'amendement n° 24.
Articles 29 bis à 29 septies (supprimés)
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Le gouvernement a déposé une série d'amendements visant à rétablir ces articles, que nous avions supprimés pour réserver l'examen de ces dispositions à la proposition de loi de M. Détraigne et Mme Escoffier. J'y suis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements n°s 56, 64, 61, 62, 63 et 65.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'amendement n° 27 est irrecevable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il s'agissait dans notre esprit d'un amendement d'appel. J'aimerais savoir pour quel motif vous le déclarez irrecevable : il a été examiné par le Sénat, mais pas par l'Assemblée nationale.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Il est sans relation directe avec les dispositions restant en discussion. J'ajoute que vous aurez l'occasion d'aborder cette question avec le projet de loi relatif à la bioéthique.
L'amendement n° 27 est déclaré irrecevable, ainsi que l'amendement n° 28.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 18, sur lequel il semble que le gouvernement ait décidé de s'en remettre à la sagesse de notre assemblée.
M. Jean-Pierre Sueur. - L'article 86 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales appelait un décret qui n'a pas été pris depuis six ans. Il n'y a donc pas urgence manifeste : autant supprimer l'article.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 18.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° 60 rectifié, qui entend supprimer automatiquement au bout de cinq ans les rapports au Parlement considérés comme inutiles. Cette fois, le Gouvernement propose que cette règle s'applique seulement aux rapports à venir. Mais l'amendement porte toujours atteinte à la mission d'information et de contrôle du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 60 rectifié.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'amendement n° 13 est irrecevable. Il met en cause une disposition sur laquelle se sont prononcées les deux assemblées.
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous ne pouvez pas me dire, cette fois, que le rétablissement du classement de sortie à l'ENA est sans rapport avec l'article 37. Cela est indéniable. Quant au reste, il est patent que le Sénat a adopté une disposition relative à l'ENA, à deux heures et demie du matin, dans des conditions pour le moins problématiques : alors que la position de l'ensemble des groupes avait été fort claire lors de la discussion générale, le vote sur la suppression du classement, qui a eu lieu au milieu de la nuit, est allé à l'encontre de la position des orateurs des groupes. Je vous renvoie, en particulier, à ce qu'avait très clairement exprimé Josselin de Rohan au nom de l'UMP. Au regard des principes républicains, les conditions dans lesquelles a eu lieu ce vote sont, à notre sens, problématiques.
J'ai bataillé avec le service de la séance pour pouvoir présenter ici cet amendement, afin que pour le moins, cela fût dit ici, en commission.
Le classement de sortie de l'ENA présente certes bien des inconvénients, mais il reste meilleur que les pratiques informelles par lesquelles il va être remplacé, qui induisent la connivence. Il ne nous restera, hélas, qu'un recours éventuel...
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Le Conseil d'Etat s'est déjà prononcé.
M. Jean-Pierre Sueur. - ...car la loi paraît bien déroger à un principe républicain essentiel.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Vous savez bien que la question est réglementaire, et que le Conseil d'Etat a été, par exception, consulté, ce qui n'est pas le cas pour les autres grands corps d'administration. M. de Rohan l'a lui-même rappelé : s'il s'est, en effet, déclaré favorable au classement, mais il n'a pas manqué de rappeler qu'il n'appartenait pas au Parlement de remettre en cause le partage de compétences établi par les articles 34 et 37 de la Constitution.
M. Jean-Pierre Sueur. - Vous mélangez deux débats. Le fait est que le Conseil d'État s'est prononcé, comme il pourrait le faire sur le statut des magistrats de la Cour des comptes... Mais quelle procédure de sortie de l'ENA reste préférable, la question reste posée. Les explications, bien contournées, de M. Georges Tron, ne sont pas plus convaincantes que celles de M. Jouyet : la suppression du classement introduit dans les recrutements de sortie une connivence problématique.
L'amendement n° 13 est déclaré irrecevable, ainsi que les amendements n°s 14, 15, 16 et 17.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - L'amendement n° 21 rectifié est irrecevable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il n'en répond pas moins à une demande des présidents de conseils généraux, droite et gauche confondues.
L'amendement n° 21 est déclaré irrecevable, ainsi que l'amendement n° 22 rectifié.
Article additionnel après l'article 87
L'amendement n° 29 est déclaré irrecevable.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - La commission de l'économie est d'avis de déclarer irrecevables les amendements n°s 53, 50, 51, 52 et 54.
Ces amendements sont déclarés irrecevables.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. - La commission de l'économie est favorable à l'amendement n°48 rectifié, sous réserve qu'il ne vise que les SEM, à l'exclusion des actionnaires des sociétés de HLM. Ce qui supposerait de supprimer la mention : « leur actionnaire de référence ».
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 48 rectifié, sous réserve de sa nouvelle rectification.
Article 116
L'amendement n° 11 est déclaré irrecevable.
Article 136
L'amendement n° 32 est déclaré irrecevable.
Article additionnel après l'article 149 quinquies
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Même si je partage la position des auteurs de l'amendement n° 26, je ne puis le déclarer recevable : il est sans lien direct avec le texte.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il a pourtant été présenté en première lecture, sans susciter cette objection.
M. Bernard Saugey, rapporteur. - Les amendements présentés en deuxième lecture doivent présenter un lien direct avec les dispositions restant en discussion.
M. Jean-Pierre Sueur. - En première lecture, il n'avait pas plus de lien qu'aujourd'hui.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il a été repoussé : pas de récidive.
M. Jean-Pierre Sueur. - Argument fallacieux : il n'a pu être repoussé par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 26 est déclaré irrecevable.
Tableau des amendements extérieurs
Mercredi 30 mars 2011
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président.-Simplification et amélioration du droit - Désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Je souhaite la bienvenue à notre nouveau collègue M. André Reichardt qui siègera au sein de notre commission en remplacement de M. Hubert Falco. M. Reichardt est juriste, directeur général de la Chambre des métiers d'Alsace et maire de Souffelweyersheim.
Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à la désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.
MM. Jean-Jacques Hyest, Bernard Saugey, Patrice Gélard, François Zocchetto, Jean-Pierre Sueur, Richard Yung et Mme Josiane Mathon-Poinat sont désignés comme candidats titulaires et Mme Nicole Bonnefoy, M. Pierre Bordier, Mmes Françoise Henneron, Virginie Klès, MM. Hervé Maurey, Jacques Mézard et François Pillet sont désignés comme candidats suppléants, pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.
Nomination de rapporteurs
M. Christian Cointat est nommé rapporteur du projet de loi organique n° 264 (2010-2011) portant diverses mesures de nature organique relatives aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.
M. Christian Cointat est nommé rapporteur du projet de loi n° 265 (2010-2011) relatif aux collectivités de Guyane et de Martinique.
M. Jean-Jacques Hyest. - M. Christian Cointat nous présentera la semaine prochaine avec M. Bernard Frimat le rapport de la mission d'information sur la Martinique, la Guyane et la Guadeloupe puis nous entendrons Mme Marie-Luce Penchard, ministre de l'outre-mer, sur les deux textes.
M. François Pillet est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 354 (2010-2011) présentée par MM. Jacques Mézard et Yvon Collin, visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique.
M. René Garrec est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 355 (2010-2011) présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues, tendant à renforcer les moyens de contrôle et d'information des groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur. - Pourquoi pas quelqu'un de l'opposition ? Il serait judicieux de répartir les rapports.
Les rapports importants, dit M. Gélard, sont l'apanage de la majorité.
M. Christian Cointat. - C'est la sensibilité du sujet, non son importance, qui est prise en considération.
M. Jean-Pierre Sueur. - Ces présupposés sont désuets dans une assemblée au fonctionnement moderne. La commission n'est pas obligée de suivre le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - On vous a confié des rapports sur des sujets qui n'étaient pas dérisoires, mais qui faisaient l'objet d'un certain consensus au sein de notre commission.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'étaient de bonnes initiatives. Je souhaite qu'elles prospèrent.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - D'accord, dès que cela sera possible car il en va différemment si le rapporteur est en opposition avec la majorité de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest est nommé rapporteur de la proposition de loi n° 607 (2009-2010), tendant à réprimer la contestation de l'existence du Génocide arménien.
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis
La commission décide de se saisir pour avis du projet de loi n° 361 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge et nomme M. Jean-René Lecerf rapporteur pour avis.
M. Jean-Pierre Michel. - Notre groupe est totalement hostile à ce texte.
Immigration, intégration et nationalité - Examen du rapport et du texte de la commission en deuxième lecture
La commission examine le rapport, en deuxième lecture, de M. François-Noël Buffet et le texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 357 (2010-2011), modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous allons à présent examiner le rapport de M. François-Noël Buffet et le texte proposé par la commission pour le projet de loi modifié par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Nous sommes en accord avec l'Assemblée nationale sur bien des points, zones d'attente ad hoc, réforme des mesures d'éloignement, renforcement des sanctions contre les employeurs d'étrangers sans titre, mais des divergences de fond subsistent, sur le droit au séjour des étrangers malades, le report de l'intervention du juge des libertés. Là-dessus, l'Assemblée nationale est purement et simplement revenue au texte d'origine, contre le vote du Sénat.
Je suis surpris des termes employés dans le débat à l'Assemblée nationale, où l'on oppose les positions du Sénat et celles « de la représentation nationale »...
M. Richard Yung. - Et les termes employés par M. Jacques Myard, par exemple ! Ses propos figurent dans le procès-verbal.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Les points d'accord concernent aussi le renforcement des exigences relatives à l'intégration, la promotion de l'immigration des travailleurs qualifiés, la transposition des directives « libre circulation » et « sanctions », ou encore des mesures de clarification rédactionnelle, création d'un guichet unique pour l'aide médicale d'Etat, champ de l'immunité pénale applicable au délit d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers sur le territoire, motivation des refus des visas opposés aux pacsés, droit au séjour des conjoints de Français décédés.
Mais nous avons aussi des points de désaccord. L'arrivée massive des étrangers sur le territoire a justifié la création de zones d'attente ad hoc ; le Sénat souhaite que la durée de rétention ne puisse excéder 26 jours et a apporté des précisions géographiques. L'Assemblée nationale est revenue au dispositif d'origine ; nous souhaitons quant à nous maintenir au moins une limitation dans le temps.
La réforme du contentieux des mesures d'éloignement fait intervenir le juge des libertés non plus après deux jours mais cinq. Je n'ai pas souhaité modifier le texte du Gouvernement sur ce point, mais le Sénat est revenu à un délai de deux jours en première lecture. L'Assemblée nationale a rétabli le texte initial en deuxième lecture. Un nouvel amendement a été déposé par l'un de nos collègues : nous allons donc en discuter à nouveau. En revanche la déchéance de nationalité n'est plus en débat, le Gouvernement étant revenu sur ce point, suivant le vote du Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bonne décision.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - C'était la position du Sénat.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Et la commission était unanime.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - En première lecture, le Sénat a estimé que la purge des nullités - procédure inspirée du droit civil et pénal - ne pouvait s'appliquer qu'aux nullités formelles ; il supprimait la notion de nullités substantielles, qui risque d'être inopérante puisque la Cour de cassation tend à considérer que les nullités de procédure concernant la privation de liberté sont substantielles par nature.
Nous avions supprimé les articles 12 et 43, qui interdisaient de soulever un nouveau moyen en appel de la décision du juge des libertés. L'effet dévolutif de l'appel doit selon nous être ici préservé.
Le droit au séjour des étrangers malades a été à nouveau circonscrit par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, qui est allée en sens inverse de la jurisprudence actuelle, s'en tenant à « l'indisponibilité des soins » dans le pays d'origine, quand le Conseil d'Etat invoque, lui, le critère d'accès effectif aux soins.
Des exonérations de responsabilité pour les employeurs d'étrangers sans titre, introduites par l'Assemblée nationale, avaient été supprimées par le Sénat. Les députés les ont rétablies.
Quant aux modifications des règles de nationalité, s'agissant de l'appréciation de l'assimilation à la société française, l'Assemblée nationale a ajouté au critère de maîtrise de la langue une exigence de « connaissance suffisante de l'histoire, de la culture et de la société française ». Elle a supprimé, pour le conjoint de Français qui souhaite acquérir la nationalité française, la précision selon laquelle la maîtrise de la langue française doit s'apprécier en tenant compte de la condition de la personne. Cette mention est à nos yeux indispensable pour assurer un traitement équitable des demandes. Je vous proposerai donc de la rétablir.
Des dispositions relatives à la manifestation de la volonté de devenir Français pour les enfants nés en France de parent étrangers ont été introduites en deuxième lecture par des amendements des députés. Sur la forme, il y a là une difficulté de procédure et de tels amendements tombent sous le coup de la règle de l'entonnoir : ils sont inconstitutionnels. Sur le fond, le débat mérite une vraie discussion que nous ne pouvons avoir dans le cadre du présent texte. Je vous proposerai, comme certains d'entre vous, de supprimer ces dispositions.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Sur le fond, quels sont les changements ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Les enfants en question, à leur majorité, n'auront plus automatiquement la nationalité française, ils devront effectuer une démarche. Or ils appartiennent à la deuxième génération, ils sont nés en France.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Le droit du sol serait remis en cause ? Ces jeunes pourraient se voir refuser la nationalité française ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Non, la démarche consiste en une déclaration.
M. Richard Yung. - Il y a là néanmoins une remise en cause du droit du sol.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - J'en viens à la suppression de la présomption de nationalité fondée sur la possession d'une carte d'identité. La question est réglée : le gouvernement a pris des dispositions réglementaires et l'Assemblée nationale a supprimé l'article. Sur les procédures d'examen des demandes d'asile et l'aide juridictionnelle, nous avons estimé que si devant l'Ofpra, l'étranger n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle, il y avait un intérêt à la lui accorder en appel devant la Cour nationale du droit d'asile. La visio-conférence permettrait aussi une meilleure représentation de l'étranger - lorsque l'avocat exerce en province, il se déplace rarement pour plaider devant la commission. Toutefois, il faut qu'elle reste soumise au consentement de l'intéressé.
Sur les mariages gris, l'Assemblée nationale est revenue au texte initial. Nous sommes partisans quant à nous de revenir au droit commun et de limiter à cinq ans - au lieu de sept - la peine encourue. Un nouvel amendement en ce sens aura je l'espère l'accord du gouvernement.
Pour permettre aux maires de défendre les symboles républicains - les drapeaux - durant les cérémonies de mariage, l'Assemblée nationale avait ajouté un article en première lecture, alors que les pouvoirs de police du maire suffisent. Nous avons donc supprimé cet article, mais l'Assemblée nationale est revenue aussi sur ce sujet. Je vous proposerai à nouveau la suppression.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Venons-en à la présentation des amendements.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Mon amendement n° COM-38 est identique sur le fond au n° COM-1 de Mme Gourault et M. Zocchetto. Il s'agit de supprimer des dispositions qui se heurtent à un problème de constitutionnalité - les députés ont introduit en deuxième lecture un nouveau sujet dans le projet de loi, ce qui est contraire à la règle de l'entonnoir.
M. François Zocchetto. - D'un point de vue formel, il y a effectivement un problème au regard de la règle de l'entonnoir. Quant au fond, depuis 1889, si l'on excepte une « parenthèse » de quelques années, les enfants nés en France de parents étrangers, résidant en France, élevés en France, deviennent automatiquement français à leur majorité. Cela concerne en théorie 33.000 jeunes par an, environ 3.000 en réalité, les autres ayant déjà effectué une démarche - possible à partir de 13 ans - pour diverses raisons administratives. Cela n'a jamais posé problème. Nous ne comprenons pas la modification introduite par l'Assemblée nationale : que fera-t-on de ceux qui ne feront pas la démarche ?
M. Richard Yung. - Nous sommes hostiles sur le fond à un examen réservé à certains citoyens. Pourquoi n'exigerait-on pas que tout le monde connaisse les dates du règne de François Ier ?
Quoi qu'il en soit, les députés souhaitent revenir à une certaine forme de droit du sang, cela a été clairement exprimé dans les débats à l'Assemblée nationale.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Je suis étonnée de cette stigmatisation croissante infligée aux gens, comme moi, nés ici de parents étrangers. Je me sens pourtant pleinement française. On fait des grands discours sur la citoyenneté, l'identité, et on veut nous renvoyer à un statut d'étrangers. Une schizophrénie est en train de s'installer : nous ne pouvons rester sans réagir.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - L'extrême-droite a toujours été partisane du droit du sang. C'est l'une de ses idées constantes. Il me semble terrifiant que la majorité des députés s'engouffre dans cette conception.
M. Pierre-Yves Collombat. - Et l'on sait quelle fut cette « parenthèse de quelques années » durant laquelle le droit du sol fut remis en cause. On connaît les forces qui poussent en ce sens. Enfin, pensez-vous que tous les membres de la représentation nationale passeraient avec succès l'examen sur la culture et l'histoire françaises ? On veut s'assurer d'une adhésion profonde à la République...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Alors il faut s'assurer de l'adhésion de tous !
M. Pierre-Yves Collombat. - Ces dispositions sont loufoques et ce retour en arrière, effrayant.
M. Jean-Pierre Michel. - Je partage les réserves de M. Zocchetto sur la règle dite de l'entonnoir : il est abusif de dire qu'elle rend les dispositions inconstitutionnelles car le Conseil constitutionnel n'a pas à se mêler du fonctionnement des assemblées. Nous n'aurions pas dû nous laisser faire.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Peut-être, mais la seule manière de vous y opposer serait d'aller à Versailles.
M. Jean-Pierre Michel. - Le Conseil a à statuer sur le fond, pas sur la façon dont nous votons la loi : il a outrepassé ses pouvoirs. Hier soir en séance publique, la discussion entre MM. Saugey et Sueur a bien montré ce qu'il en était.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous appliquons notre règlement.
M. Jean-Pierre Michel. - Il est mauvais, il limite notre pouvoir.
Sur le fond, nous sommes étonnés que le projet de loi attaque ainsi frontalement le président de la République, né de père étranger...
M. Jean-Jacques Hyest, président. - ...mais de mère française !
M. Jean-Pierre Michel. - ... mais qui a elle-même un père étranger. Notre président représente le modèle suprême de l'intégration républicaine.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'amendement n° COM-38 réintroduit également le critère de la condition de la personne, pour apprécier la connaissance de la langue.
M. Christian Cointat. - Historiquement, c'est le droit du sol qui s'est d'abord appliqué dans notre pays, élargi par des règles issues du droit du sang - heureusement pour les Français de l'étranger ! Nous sommes parvenus à un équilibre harmonieux et je soutiendrai l'amendement n° COM-1 car je ne veux pas que l'on touche au système actuel.
M. Jean-Pierre Sueur. - Je partage totalement les propos de M. Michel. Avant 1889, on peut du reste remonter à 1789 et rappeler que l'un des fondements de la révolution française réside dans la notion de citoyenneté. Est citoyen celui qui est présent sur le sol français.
M. Patrice Gélard. - Et celui qui lutte pour la liberté.
M. Jean-Pierre Sueur. - Oui, la notion tendait alors à une catégorie universelle. Se battre pour les valeurs de la France faisait d'un homme un citoyen français. Rendons à 1789 ce que nous lui devons.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Mais tout le monde n'était pas citoyen... La conception de la nation, de la citoyenneté, ont beaucoup évolué au cours des siècles. Mais la période révolutionnaire n'est pas aussi simple qu'on le dit.
Mlle Sophie Joissains. - Les dispositions introduites par les députés sont ubuesques, inéquitables. Que fera-t-on de ceux qui échoueront à l'examen ?
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Notre modèle d'intégration est bien éloigné de celui que les députés appellent de leurs voeux. Certains propos entendus à l'Assemblée nationale me désolent.
Pour la clarté du débat, je précise que l'examen des connaissances des demandeurs ne concerne que les demandes de naturalisation. La démarche que feraient les étrangers à 18 ans est purement déclarative.
M. Richard Yung. - Par rapport à la première lecture, la notion de connaissances sur l'histoire, la culture et la société française a été introduite ; l'amendement du rapporteur précise que le niveau est fixé par décret ; il ne s'agit plus d'un examen mais d'une évaluation. Mais nous ne sommes pas d'accord avec cet aspect - nous pourrions voter l'autre partie.
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous demandons un vote par division sur cet amendement.
M. François Zocchetto. - Le rapporteur peut-il nous expliquer l'intérêt de l'ajout qu'il propose à l'alinéa 2 ? Pourquoi un décret en Conseil d'Etat ?
M. Jean-Pierre Sueur. - L'examen est remplacé par une évaluation.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - On adapte les choses en fonction de la condition de la personne. Cela est plus juste.
Le 1) de l'amendement n° COM-38 est adopté.
Le 2) est adopté.
L'amendement n° COM-38 est donc adopté ; et le n° COM-1 satisfait.
L'article est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur. - Si la réciproque était demandée dans les autres pays, nous serions bien embarrassés.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Dans certains pays, il faut bien du courage et de l'opiniâtreté pour espérer obtenir la nationalité.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Je ne reviens pas sur l'amendement n° COM-39 relative à la condition du demandeur, je m'en suis suffisamment expliqué.
L'amendement n° COM-39 est adopté.
L'article 2 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Retrait ou rejet du n° COM-3, comme en première lecture. Après les clarifications opérées par le gouvernement, cet amendement est satisfait.
L'amendement n° COM-3 est rejeté.
L'article 5 ter est adopté sans modification.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'amendement n° COM-31 vise à réintroduire une durée maximale du séjour en zone d'attente.
L'amendement n° COM- 31 est adopté.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable au n° COM-4.
L'amendement n° COM- 4 est rejeté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 7
L'amendement rédactionnel n° COM-32 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Pour éviter toute ambiguïté, nous reprenons, dans l'amendement n° COM-33, une formulation qui figure dans le code de procédure pénale.
L'amendement n° COM-33 est adopté et l'article 10 est ainsi rédigé. L'amendement n° COM-5 devient sans objet.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - L'amendement de suppression n° COM-34, identique au n° COM-6, tend à préserver l'effet dévolutif de l'appel.
Les amendements n° COM-34 et 6 sont adoptés.
L'article 12 est supprimé.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement n° COM-7. Mais, en première lecture, la commission avait estimé qu'il fallait garder la rédaction actuelle qui offre des garanties suffisantes afin que les maladies les plus graves soient prises en charge sans difficulté. Elle avait été suivie par le Sénat.
M. Richard Yung. - Précisément, nous proposons de revenir au vote initial de la commission et du Sénat. Je croyais que le rapporteur allait soutenir l'amendement, par cohérence et en raison de notre consensus de première lecture !
M. Jean-Pierre Sueur. - Il y a un problème à la fois symbolique et pratique. La mesure est perçue comme une suspicion à l'égard de tous ceux qui ont de graves problèmes de santé et sont fondés à demander leur maintien sur le territoire. La rédaction de l'Assemblée nationale accrédite l'idée d'une tricherie généralisée. Notre commission avait en première lecture adopté une position très juste en supprimant des dispositions qui suscitaient le soupçon.
M. François Zocchetto. - La législation en vigueur ne posait pas de difficulté. Mais dans deux arrêts d'avril 2010, le Conseil d'Etat a estimé que les médecins ne pouvaient se borner à vérifier l'existence de structures de soins dans le pays d'origine, ils devaient aussi vérifier « l'accès effectif » aux soins, autrement dit le financement des soins. Nous ne pouvons nous en tenir à cette jurisprudence. Nous ne pouvons non plus ignorer les questions budgétaires, même si nous prenons aussi en considération la santé. Pour les grandes pathologies, sida par exemple, les circulaires ministérielles indiquent que les étrangers peuvent se faire soigner en France - on considère que les structures adéquates n'existent pas dans les pays d'origine, africains par exemple. Il me semble donc préférable d'en rester au texte de l'Assemblée nationale.
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Le texte s'attaque à des personnes particulièrement fragiles. Tourisme médical ? Il est réservé à ceux qui en ont les moyens ! Les associations de médecins sont montées au créneau, surprises de la résurgence de ce débat. Le Sénat en première lecture a supprimé cet article : il se renierait s'il ne s'en tenait pas à cette position.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le tourisme médical est en effet une activité de riches. Soupçonne-t-on les médecins de déclarations de complaisance ? Va-t-on les poursuivre sur ce motif ? Les praticiens soulignent que du point de vue de la santé publique, de telles dispositions sont dommageables.
M. Christian Cointat. - Il y a une grande différence entre l'existence de structures médicales et l'accès aux établissements et aux traitements. Le Sénat a montré courage et humanité en première lecture. Pour moi, ce serait une hypocrisie que de s'appuyer sur la « disponibilité » des soins quand on sait que le problème est dans l'accès à ces soins. A Tananarive, dans un service de dialyse, comme je me félicitais de voir un patient manifestement d'origine modeste pris en charge dans l'établissement, on m'a répondu : « C'est sa dernière dialyse » ; je le croyais guéri, mon interlocuteur précisa : « Il ne peut plus payer, il va rentrer chez lui et il mourra. »
M. Richard Yung. - Le « stock » de malades dans cette situation est stable, il croît lentement. Si l'article 17 ter est maintenu, c'est l'aide médicale d'urgence qui prendra en charge ces patients, avec un coût supérieur pour l'Etat. Le Conseil d'Etat n'a pas entendu ouvrir grand les portes de la France ! Je ne comprends pas quels arguments conduisent nos collègues à changer d'avis.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Les médecins ne peuvent apprécier les structures de soins de tous les pays étrangers ! Qu'en savent-ils ?
M. Richard Yung. - Dans beaucoup de pays les soins sont disponibles mais non accessibles.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Les gens viennent-ils en France s'il n'y a pas de sécurité sociale dans leur pays ? Le phénomène est-il marginal ? Les patients qui souffrent de graves pathologies viennent me semble-t-il essentiellement des pays en voie de développement.
M. Richard Yung. - Ils ne viennent pas de Suisse.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Dans le système américain, les gens sont nombreux à ne pouvoir se soigner en dépit des améliorations que le président Obama s'est efforcé d'apporter. Pouvons-nous les recevoir ?
M. Bernard Frimat. - Je n'ai entendu aucun argument valable contre la position de fond adoptée par le Sénat en première lecture. Peut-être y a-t-il eu une négociation interne ? Vous avez le droit de changer d'avis, bien sûr, mais vous ne nous avez donné aucun argument réel ! Le texte de l'Assemblée nationale est de ceux qui exacerbent le sentiment xénophobe. Il est dangereux.
Si l'aspect financier vous préoccupe, posez clairement le problème ! Au lieu de quoi vous vous livrez à des arguties, vous vous référez à une jurisprudence qui existait avant la première lecture et ne vous a pas émus alors. Changer sa position pour se plier à une volonté extérieure n'est pas sain.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier l'accès aux traitements médicaux dans le pays d'origine, il n'en a pas la capacité. Il faut dissocier l'aspect santé et l'aspect économique. Il y a deux enjeux.
L'enjeu économique, c'est d'éviter les abus ; l'enjeu sanitaire, c'est de veiller à ce que les étrangers atteints de maladies extrêmement graves aient accès aux soins. La circulaire du ministère de la santé édicte clairement que pour les maladies les plus graves, comme le SIDA, ceux qui n'y ont pas accès dans leur pays sont admis sur le territoire français et soignés. L'objectif est de respecter et de rendre compatibles ces deux enjeux : grâce à l'engagement du ministère, nous le pouvons.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Et on ne pourrait pas écrire cela dans le texte ? Je suis bien d'accord avec le rapporteur mais le texte, tel qu'il est, est interprété dans un autre sens.
L'amendement n° COM-7 est adopté.
En conséquence, l'article 17 ter est supprimé.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La majorité de mes amendements suivants consiste à rétablir le dispositif adopté par le Sénat en première lecture.
Les amendements n° COM- 35, 22 et 23 sont adoptés.
L'amendement n° COM-8 est déclaré sans objet.
Les articles 21 ter et 23 sont adoptés dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Sur cet article, je redis, comme en première lecture, que le dispositif proposé par le Gouvernement ne me semble pas anticonstitutionnel, il se fonde sur les décisions du Conseil constitutionnel et remet de l'ordre dans l'enchevêtrement des procédures. C'est pourquoi, je n'ai pas déposé d'amendement sur cet article.
M. Richard Yung. - Par notre amendement n° COM-9, nous proposons de rétablir le dispositif existant, confirmé au Sénat en première lecture, qui prévoit l'intervention du juge des libertés dans les 48 heures de la rétention. Ce débat touche à la conception que nous avons de la justice. Nous déposons cet amendement pour avoir à nouveau un débat de fond à ce sujet.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Le problème, c'est la durée de cinq jours, ce n'est pas la décision administrative. Actuellement, l'imbroglio est tel qu'il paraît fait exprès pour ôter toute efficacité à la lutte contre l'immigration clandestine. Le Conseil constitutionnel a considéré qu'une durée de 7 jours était excessive. Pour la garde à vue, la CEDH a considéré que quatre jours étaient acceptables. La rétention étant tout de même moins attentatoire à la liberté, je pense qu'admettre un même délai de 4 jours que pour la garde à vue serait raisonnable.
M. Christian Cointat. - En première lecture, on m'avait opposé qu'un délai de 4 jours n'était pas possible. Je suis partisan d'un tel délai, pour lequel le Conseil constitutionnel ne nous censurera pas.
M. François Zocchetto. - Tout le monde s'accorde sur la nécessité de mettre de l'ordre dans ce contentieux qui contribue à fabriquer des sans papiers tous les jours. En matière de délai, l'arrêt du 15 décembre 2010 de la Cour de cassation est intéressant. Avec un délai de 4 jours, nous n'aurons aucun problème. Et pourquoi donc le juge administratif a-t-il besoin de plus de 48 heures ?
L'amendement n° COM- 9 est rejeté.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Je dépose un amendement fixant le délai à 4 jours.
L'amendement est adopté.
L'article 30 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La commission adopte, à la demande du rapporteur, les amendements de coordination nécessaires aux articles 37, 41 et 45.
Les amendements n° COM-40, 25 et 24 sont adoptés.
L'amendement n° COM-10 est rejeté.
Les articles 33 et 34 sont adoptés dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Sur l'amendement n° COM-13, qui rétablit l'article 34 bis, je propose la sagesse. L'arrêt du 20 janvier de la Cour européenne des droits de l'homme est en cours d'expertise. Nous attendons.
M. Richard Yung. - Il faut se conformer à la jurisprudence de la Cour européenne ; il s'agit de Dublin-II et ici, nous défendons le drapeau français !
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous n'intégrons pas cet amendement dans le texte mais ses auteurs le redéposeront en séance.
L'amendement n° COM-13 n'est pas adopté.
L'amendement n° COM-2 est déclaré sans objet.
L'article 37 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les amendements n° COM-26 et 27 sont adoptés.
Les articles 38 et 39 sont adoptés dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'amendement n° COM-11 est adopté.
En conséquence, l'article 40 est supprimé.
Article 41
L'amendement n° COM-12 est rejeté.
L'amendement n° COM-14 est rejeté.
L'article 41 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Les amendements de suppression n° COM-28 et 15 sont adoptés.
En conséquence, l'article 43 est supprimé.
L'amendement n° COM- 16 est rejeté.
Les amendements n° COM-29, 17, 19, 41, 20, 21, 36, 37, et 30 sont adoptés.
L'amendement n° COM-18 est déclaré sans objet.
Les articles 45, 49, 54, 57B, 64, 66, 67, 74 bis et75 ter, sont adoptés dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'article 75 quater est supprimé.
L'ensemble du texte est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort de l'ensemble des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Répartition des contentieux et allègement des procédures juridictionnelles - Examen du rapport et du texte de la commission
Enfin, la commission examine le rapport de M. Yves Détraigne et établit le texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 344 (2009-2010) relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles reprend plusieurs recommandations du rapport Guinchard, remis le 30 juin 2008. Parmi les 65 préconisations de ce rapport, un grand nombre ont déjà été reprises dans des textes législatifs ou réglementaires, comme la loi du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires, issue d'une proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille ; ou la loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées.
Le texte qui nous est soumis porte sur des aspects très divers de l'activité judiciaire : juridictions de proximité, création de nouvelles juridictions spécialisées, réforme de la justice militaire, de la procédure applicable en matière de divorce, extension des procédures accélérées de jugement.
Le projet de loi comporte quatre volets principaux.
Le premier vise à instaurer une répartition des contentieux plus claire et plus simple. Plusieurs mesures visent à simplifier l'organisation judiciaire.
La première est la suppression de la juridiction de proximité et la redéfinition des missions des juges de proximité. Créée par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, la juridiction de proximité statue à juge unique sur les petits litiges de la vie quotidienne aussi bien en matière civile qu'en matière pénale. En mars 2011, on compte 672 juges de proximité en exercice qui ont été nommés pour sept ans, la loi prévoyant qu'en cas d'absence ou d'empêchement d'un juge de proximité, les fonctions sont exercées par un juge du tribunal d'instance. Le rapport Guinchard estime que ce nouvel ordre de juridiction n'a pas permis d'atteindre les objectifs ambitieux qui lui étaient assignés d'une justice réconciliée avec les usagers. Il relève également la difficulté d'adaptation des compétences des juges de proximité à la technicité du contentieux civil. Aussi la commission sur la répartition des contentieux a-t-elle préconisé la suppression de la juridiction de proximité.
Le Gouvernement propose cependant de maintenir les juges de proximité, tout en les rattachant au tribunal de grande instance (TGI), ce qui leur permettrait de côtoyer davantage les juges professionnels. Cette réforme maintient donc les fonctions des juges de proximité pour statuer en matière pénale, sur les contraventions des quatre premières classes, mais supprime leurs compétences en matière de contentieux civil. Elle leur permet néanmoins d'effectuer des mesures d'instruction dans le cadre de la procédure civile et étend leur participation en tant qu'assesseur à l'ensemble des formations collégiales du TGI, tant en matière civile que pénale.
Deuxième mesure : le projet de loi étend au TGI la procédure d'injonction de payer, afin de simplifier l'exercice de l'opposition par le défendeur, lorsque la requête en injonction de payer porte sur un montant supérieur à 10 000 euros. Il définit en outre les juridictions compétentes pour connaître des procédures européennes d'injonction de payer et de règlement des petits litiges.
Troisième mesure : la spécialisation des juges départiteurs en matière prud'homale et la spécialisation des TGI en matière de propriété intellectuelle. Le projet de loi tend à assurer une meilleure spécialisation des juges ayant à connaître de la départition prud'homale, en évitant que cette départition ne soit confiée, dans de petits ressorts, à des magistrats qui statueraient rarement dans cette matière complexe.
Quatrième mesure : la répartition des compétences entre tribunal d'instance et TGI. Le projet de loi transfère aux TGI le contentieux douanier, qui se rattache au contentieux fiscal dont ces tribunaux ont déjà à connaître.
Le projet de loi comporte un deuxième volet, relatif à la création de nouvelles juridictions spécialisées, afin de renforcer l'efficacité de la justice pénale dans des contentieux qui se distinguent par leur complexité et leur technicité. L'article 16 crée ainsi un pôle judiciaire spécialisé pour les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre au sein du TGI de Paris. L'article 17 crée des juridictions spécialisées pour les accidents collectifs - grandes catastrophes en matière de transport ou liées à un risque technologique - sur le modèle des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Enfin, l'article 18 aligne les règles de compétence des juridictions du littoral spécialisées en matière de pollution involontaire et volontaire en mer.
Troisième volet : le projet de loi étend le champ de trois procédures pénales simplifiées.
Sa première proposition est d'élargir le champ de l'ordonnance pénale délictuelle. Initialement limité à certaines contraventions, le champ d'application de l'ordonnance pénale a progressivement été élargi à un certain nombre de délits depuis la loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002. Aujourd'hui, 93 % des ordonnances pénales concernent des infractions en matière de circulation routière. Considérant que cette procédure simple, rapide et peu coûteuse, est particulièrement adaptée aux contentieux de masse, la commission Guinchard a préconisé d'en étendre le champ d'application à l'ensemble des délits, quelle que soit la peine encourue, et d'élargir le spectre des sanctions susceptibles d'être prononcées par cette voie aux peines d'emprisonnement avec sursis de trois mois maximum. A deux reprises, notre commission s'est opposée à une telle perspective. En effet, si la procédure de l'ordonnance pénale a montré son utilité dans le traitement de contentieux extrêmement simples - tels que les infractions au code de la route -, elle n'est pas nécessairement adaptée pour des contentieux plus complexes, en particulier dans le cadre du traitement en temps réel des affaires pénales où l'analyse du parquet se fonde souvent exclusivement sur les éléments recueillis au cours de l'enquête de police. Or, la procédure de l'ordonnance pénale ne permet à aucun moment à la personne d'être entendue par un magistrat, à moins qu'elle ne fasse opposition. Les arguments de notre commission semblent avoir été entendus par le Gouvernement, puisque l'article 20 du projet de loi propose d'étendre le champ de l'ordonnance pénale de façon strictement encadrée : d'une part, son champ serait étendu à certains délits précisément énumérés ; d'autre part, non seulement le projet de loi ne reprend pas la proposition d'ouvrir la possibilité de prononcer des peines d'emprisonnement avec sursis par cette voie, mais, en outre, le montant maximal de l'amende susceptible d'être prononcée serait limité à la moitié du montant de l'amende encourue, sans pouvoir excéder 5 000 euros.
Deuxième proposition : une extension générale du champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Cette procédure permet au procureur de la République de proposer à une personne qui reconnaît avoir commis un délit, une peine qui, en cas d'accord de l'intéressé, pourra être homologuée directement par le président du tribunal. Les peines d'emprisonnement proposées par cette procédure ne peuvent être supérieures à un an, ni excéder la moitié de la peine d'emprisonnement encourue. La CRPC est aujourd'hui acceptée par l'ensemble des acteurs de la chaîne pénale. L'article 21 du projet de loi propose donc d'étendre la possibilité pour le parquet de recourir à cette procédure pour l'ensemble des délits, sous réserve d'un certain nombre d'exceptions limitativement énumérées.
Troisième proposition : l'extension de la forfaitisation aux contraventions de cinquième catégorie. A l'heure actuelle, le mécanisme de l'amende forfaitaire est limité aux contraventions des quatre premières catégories. L'article 22 du projet de loi permettrait au pouvoir réglementaire d'avoir recours à la forfaitisation pour certaines contraventions de cinquième catégorie.
Quatrième volet : le projet de loi apporte deux allègements importants à la procédure applicable devant le juge aux affaires familiales.
Premier allègement : la dispense de comparution pour les couples sans enfant mineur dans le cadre du divorce par consentement mutuel. L'article 13 du projet de loi prévoit que ces derniers n'auraient plus à comparaître personnellement et systématiquement devant le juge aux affaires familiales. Le juge n'ordonnerait cette comparution que s'il l'estime nécessaire, ou si l'un ou l'autre des époux en fait la demande. En outre, l'article 14 propose une régulation des honoraires d'avocat pour le divorce par consentement mutuel. Ainsi, l'avocat ne pourrait pas demander des honoraires supérieurs au montant fixé par un arrêté, sauf s'il a conclu une convention d'honoraires avec son client.
Deuxième allègement : l'article 15 prévoit une expérimentation pendant trois ans de l'obligation de recourir à la médiation familiale pour les actions tendant à faire modifier les mesures relatives à l'exercice de l'autorité parentale, précédemment fixées par une décision de justice. La saisine du juge aux fins de modification de ces mesures devrait par conséquent être précédée, à peine d'irrecevabilité, par une tentative de médiation, sauf si les parents sont d'accord sur les modifications envisagées ou si un motif légitime justifie une saisine directe du juge.
J'en viens aux ajustements qu'il me semble nécessaire d'apporter au projet de loi pour garantir une justice accessible et efficace.
En effet, ce nouveau mouvement de simplification et d'allègement des procédures intervient alors que l'institution judiciaire est confrontée à de profondes mutations. Outre la réforme de la carte judiciaire, achevée au début de cette année, nombre de juridictions doivent faire face à une pénurie des moyens humains et matériels et sont, par exemple, conduites à supprimer dans les derniers mois de l'année les audiences des juges de proximité ou leur participation, en tant qu'assesseurs, aux formations collégiales du tribunal correctionnel, faute de crédits pour payer leurs vacations. Il importe donc de vérifier que les modifications envisagées par ce projet de loi vont bien se traduire par un meilleur fonctionnement de l'institution judiciaire.
Je considère d'abord que l'augmentation des moyens des tribunaux d'instance, est une condition nécessaire à la suppression de la juridiction de proximité. Le projet de loi supprime la compétence des juges de proximité pour le contentieux civil relatif aux actions personnelles ou mobilières jusqu'à une valeur de 4 000 euros mais ne leur retire pas leur compétence en matière pénale, pour statuer sur les contraventions des quatre premières classes. Rattachés au TGI, les juges de proximité pourront siéger au sein des formations collégiales civiles de ce tribunal et au sein du tribunal correctionnel, en tant qu'assesseurs. Leurs missions ainsi redéfinies, les juges de proximité pourront s'intégrer pleinement au sein d'une équipe. Toutefois, cette réforme ne peut être mise en oeuvre sans moyens supplémentaires accordés aux tribunaux d'instance dont l'activité a connu une forte croissance ces dernières années et qui vont subir le transfert de plus de l00 000 affaires civiles nouvelles en raison de la suppression des compétences des juges de proximité en matière de contentieux civil. On peut estimer à une soixantaine d'ETP de magistrats les besoins des tribunaux d'instance de ce fait.
Je propose ensuite d'étendre la compétence et les moyens du nouveau pôle judiciaire spécialisé pour les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. La création d'un pôle judiciaire spécialisé pour les crimes contre l'humanité devrait permettre de concentrer davantage de moyens sur l'instruction de ces crimes, qui suppose une connaissance approfondie du contexte historique et culturel particulier dans lequel ils ont été commis. Il paraît donc indispensable qu'une équipe de magistrats se consacre exclusivement à ce type d'affaires, avec l'aide d'enquêteurs spécialisés. Je vous présenterai deux amendements visant à compléter le champ de compétence du nouveau pôle pour lui attribuer également compétence, d'une part, en matière de crimes et délits de guerre, ceux-ci ayant été inscrits dans notre code pénal en 2010, et d'autre part, en matière de crimes de torture visés par la convention de New York du 10 décembre 1984. Je vous propose aussi de permettre au pôle judiciaire spécialisé d'utiliser les mesures d'investigation que le code de procédure pénale prévoit en matière de criminalité organisée et de terrorisme, telles que l'infiltration, la sonorisation et la fixation d'images, ou encore les perquisitions de nuit. Il me semble en outre nécessaire de préciser et de faciliter les investigations à l'étranger des magistrats chargés de l'instruction de ces crimes et délits, en leur permettant de conduire eux-mêmes, dans le cadre d'une commission rogatoire internationale et avec l'accord des autorités compétentes de l'État concerné, l'audition de témoins dans un État étranger.
Je vous propose également quelques amendements sur le recours accru aux procédures rapides de jugement. Si les procédures simplifiées de traitement des affaires pénales se sont bien développées et permettent de réserver les audiences correctionnelles aux contentieux les plus complexes ou les plus sensibles, elles doivent cependant se concilier avec les droits de la défense et les droits de la victime. A cet égard, on peut approuver les dispositions du projet de loi tendant à étendre, de façon limitée, le champ de la procédure d'ordonnance pénale, sous réserve d'aménagements. Dans un souci de pédagogie de la réponse pénale et afin de mieux prévenir la récidive, je propose toutefois qu'il ne puisse pas y être recouru lorsque les faits ont été commis en état de récidive légale. Par ailleurs, je propose que la procédure de CRPC, qui est étendue aux infractions punies de peines supérieures à cinq ans d'emprisonnement, en matière de trafic de stupéfiants ou d'escroqueries par exemple, ne puisse pas être utilisée dans les cas d'atteintes aux personnes les plus graves. Compte tenu du préjudice subi par la victime dans de telles affaires, la culpabilité de la personne mise en cause doit à mon sens pouvoir être systématiquement discutée contradictoirement devant le tribunal correctionnel. Enfin, je vous propose d'exclure du champ des contraventions de cinquième catégorie qui pourraient dorénavant faire l'objet d'une forfaitisation celles qui deviennent un délit lorsqu'elles sont commises en état de récidive légale.
Je vous propose enfin de maintenir des procédures garantissant l'équilibre des parties et l'accès effectif à un juge dans le cadre du divorce par consentement mutuel.
Sur la comparution en matière de divorce par consentement mutuel : la commission Guinchard a estimé que l'abandon, en matière de divorce par consentement mutuel, de la garantie que constitue pour les époux, comme pour leurs enfants, le recours au juge n'était pas souhaitable. La voie de la déjudiciarisation étant fermée, faut-il pour autant continuer d'emprunter celle de l'allègement procédural ? Cette question appelle un examen prudent. En effet, la réforme de 2004 a d'ores et déjà permis d'aller très loin dans la simplification procédurale pour les parties puisque la durée moyenne de l'audience, toutes phases comprises, n'est que de 25 minutes en moyenne. Il me paraît d'abord utile que la séparation d'un couple marié soit entourée d'une certaine solennité, symétrique de celle du mariage, quand bien même les parties se seraient entendues sur tous les aspects de leur divorce. Le divorce n'est pas un acte banal et ne doit pas le devenir. Par ailleurs, l'entrevue des époux avec le juge, permet à celui-ci de s'assurer de la réalité du consentement de chacun des conjoints, de l'absence de contraintes, plus ou moins directes, s'exerçant sur lui et de sa compréhension des effets du divorce tels que la convention conclue avec l'autre partie les organise. La comparution personnelle des époux constitue une garantie importante de la procédure de divorce. Je vous proposerai donc de supprimer l'article 13.
Pour la régulation des honoraires de l'avocat dans le divorce par consentement mutuel, le projet prévoit qu'un honoraire maximum soit fixé par arrêté du garde des sceaux, après avis du Conseil national des barreaux (CNB). Cependant, les avocats pourraient y déroger, à la condition de conclure avec leur client, préalablement à leur intervention, une convention d'honoraires. Dans ce dispositif, le tarif maximum ne joue que comme une incitation, pour l'avocat, à proposer une convention d'honoraires aux parties, afin de pouvoir échapper au plafonnement. D'ailleurs l'efficacité de cette incitation dépendra du plafond choisi: plus il sera bas, plus les avocats auront intérêt à conclure une convention pour s'en exempter. Pour améliorer la prévisibilité, pour les parties, des honoraires qu'ils auront à acquitter, je propose de passer d'une incitation à une obligation, conciliable avec la liberté de fixation des honoraires, pour toutes les procédures de divorce et de prévoir également la diffusion d'un barème indicatif élaboré par la Chancellerie en collaboration avec 1e CNB, à partir des usages observés, pour informer pleinement les justiciables sur les frais auxquels ils s'exposent.
Enfin, l'expérimentation d'une obligation de médiation familiale préalable en matière d'exercice de l'autorité parentale s'inscrit dans la droite ligne des propositions tendant à privilégier les modes alternatifs de résolutions des conflits familiaux. Cependant, mon attention a été appelée sur l'importance des moyens que nécessiterait la généralisation de la médiation familiale préalable. Dans le cadre de la seule expérimentation menée dans cinq départements, 5 169 dossiers actuellement traités directement par les juges aux affaires familiales devraient faire l'objet d'une médiation préalable. Cette expérimentation nécessiterait à elle seule 103 ETPT de médiateurs familiaux supplémentaires, ce qui correspond à la moitié de l'effectif actuel de médiateurs temps plein dans l'ensemble des TGI. En cas de généralisation, il serait nécessaire de recruter l'équivalent de plus de 1 700 ETPT de médiateurs familiaux, soit six fois l'effectif actuel. On peut donc craindre que les services compétents ne disposent pas des moyens humains nécessaires pour répondre à l'augmentation des demandes de médiation. Le risque est double : que les délais de médiation familiale s'étendent considérablement, au détriment de l'impératif de règlement du conflit, ou qu'une part importante de la demande soit orientée vers le secteur libéral, qui ne répond ni aux mêmes conditions tarifaires, ni au même encadrement institutionnel. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement prévoyant que l'obligation de médiation préalable pourra être écartée si les parties courent le risque de se voir privées de leur droit d'accéder, dans un délai raisonnable, au juge aux affaires familiales. Je vous proposerai également d'exempter les parents de l'obligation de médiation préalable lorsqu'ils déposent conjointement une demande de décision relative aux modalités d'exercice de l'autorité parentale, ou lorsque l'un des deux dépose la demande et que l'autre ne s'y oppose pas.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense et des forces armées, saisine déléguée pour la partie justice militaire. - La commission des Affaires étrangères, de la défense et des Forces armées a souhaité se saisir pour avis des articles 23 et 24 et, en partie, 26 du projet de loi, qui concernent la justice militaire. Notre commission s'est réunie hier et je vais vous présenter brièvement la position que nous avons adoptée.
L'article 23 prévoit de supprimer le Tribunal aux armées de Paris. L'article 24 apporte certains assouplissements aux peines applicables aux militaires, notamment en supprimant le caractère automatique de la perte de grade. Ces deux articles s'inscrivent ainsi dans le prolongement des précédentes réformes de la justice militaire, notamment de la loi de 1982, qui avait supprimé les tribunaux militaires en temps de paix sur le territoire de la République et transféré la compétence aux formations spécialisées des juridictions de droit commun.
Déjà Napoléon considérait qu'« on est citoyen français avant d'être soldat » et Clemenceau que « la justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique ».
La suppression du Tribunal aux armées de Paris et le transfert de ses attributions à la formation spécialisée du TGI de Paris achèverait donc l'intégration de la justice militaire en temps de paix dans la justice de droit commun. Je précise que cette réforme ne vise que le temps de paix et qu'en temps de guerre le code de justice militaire prévoit le rétablissement des tribunaux militaires.
Je ne vous cacherai pas que j'étais au départ assez réservé sur cette réforme par crainte d'une moindre prise en compte de la spécificité militaire devant les juridictions ordinaires. Toutefois, ma position a évolué au fur et à mesure de mes auditions et je suis désormais rassuré sur ce point. Pour trois raisons.
Tout d'abord, le Tribunal aux armées de Paris n'a de militaire que le nom, puisqu'il est composé exclusivement de magistrats civils et qu'il applique le code de procédure pénale. Ensuite, ce tribunal reste une juridiction hybride, rattachée au ministère de la défense, les magistrats du Parquet étant nommés par le ministre de la défense sans avis préalable du Conseil supérieur de la magistrature. Ces règles dérogatoires alimentent les suspicions de dépendance et de partialité de cette juridiction militaire. Par ailleurs, elles ne tiennent pas compte de l'évolution du statut de la magistrature et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Enfin, le volume d'activité de cette juridiction est faible : le Tribunal aux armées de Paris reçoit environ 1 600 à 1 700 procédures et prononce entre 180 et 190 jugements par an.
Comme j'ai pu le constater lors de mes auditions, cette réforme est accueillie très favorablement par les militaires. En effet, à leurs yeux, ce qui compte c'est moins le maintien d'une juridiction spécialisée, dont la dimension militaire est surtout symbolique, que la prise en compte de la spécificité militaire. Celle-ci tient en particulier à l'avis préalable du ministre de la défense avant l'engagement de poursuites à l'encontre d'un militaire et à l'impossibilité pour la victime de faire citer directement un militaire devant une juridiction de jugement. Or, ces règles particulières seraient maintenues avec la réforme.
Tout en approuvant cette réforme, notre commission a souhaité compléter le projet de loi par des amendements, afin notamment de renforcer la prise en compte de la spécificité militaire. Nous avons ainsi jugé utile de prévoir l'avis du ministre de la défense lorsqu'un militaire est susceptible d'être poursuivi à la suite d'une plainte contre X, d'une plainte avec constitution de partie civile ou à l'occasion d'un réquisitoire supplétif. Nous avons également formulé quelques observations, notamment sur la formation des magistrats en matière militaire et le transfert des moyens humains et financiers au ministère de la justice.
M. Jean-Pierre Michel. - Merci, monsieur Détraigne, d'avoir par avance répondu à certaines de nos interrogations. Nous déposerons néanmoins une question préalable : ce texte ne peut être examiné actuellement ! Trop de textes se bousculent ; la justice est dans un état d'exaspération inouï. N'en rajoutons pas avec des dispositions qui n'ont aucune urgence et qui, en outre, sont presque contradictoires avec le projet de loi sur les jurés populaires. Le Garde des sceaux a bien annoncé hier la création d'un certain nombre de postes. Mais ce n'est pas prévu dans le budget ! Pas plus que l'intervention en Libye ! Qui paiera ? Le contexte est donc tout à fait défavorable à la sortie de ce texte et je ne comprends pas comment le Gouvernement a pu l'inscrire à l'ordre du jour.
Sur le fond maintenant. Nous sommes opposés au développement des procédures pénales simplifiées parce qu'elles ne respectent pas le principe du débat contradictoire, principe essentiel de la justice ! En matière d'excès de vitesse enregistrés par les radars, les tribunaux administratifs ont eux-mêmes déclaré que ce principe n'était pas respecté et qu'en conséquence les suppressions de points devaient être annulées.
Le Gouvernement veut étendre la CRPC. Actuellement, qui rend le plus de décisions pénales ? Le parquet ! Le parquet, dit-on, propose une peine. Mais la peine n'a pas à être proposée ! Elle doit être décidée par un tribunal et imposée au justiciable. Déjà, je m'étais opposé aux travaux d'intérêt général acceptés. On met encore plus de flou dans les sanctions. Dans une société républicaine, la sanction a un sens et elle doit le conserver. Ici, les sanctions sont décidées par le parquet, non par le juge. Tout cela est anticonstitutionnel.
Bien entendu, je suis favorable à la suppression du Tribunal aux armées de Paris. En revanche, il faut que les victimes aient la possibilité de se constituer parties civiles devant les tribunaux. Déjà on peut contester que les poursuites soient soumises à l'avis préalable du ministre de la défense, parce qu'il s'agit en général de délits de droit commun. Et, dans ce cas, la constitution de parties civiles doit être la règle.
Si notre question préalable est repoussée, nous approuverons certains des amendements du rapporteur.
M. Patrice Gélard. - Dans un premier temps, la magistrature a tout fait pour se débarrasser des juges de proximité. Ensuite, elle a à peu près supporté ceux qui ont survécu à son hostilité. Je regrette qu'on n'ait pas suivi la suggestion de Pierre Fauchon de substituer les juges de proximité au tribunal d'instance, sous l'autorité d'un magistrat.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Non, nous avions dit avec M. Fauchon que la création d'une juridiction de proximité était une erreur et que si des juges de proximité étaient créés, ils devraient être rattachés au tribunal d'instance et être placés sous son autorité. Cela aurait été plus efficace.
M. Jean-Pierre Sueur. - Et cependant, vous avez accepté de voter le contraire ...
M. Patrice Gélard. - On supprime la compétence civile des juges de proximité qui, en général, faisaient très bien ce travail. Je regrette cette orientation et souhaite qu'un jour notre commission décide une mission d'information sur ces juges. On a raté une expérience qui aurait pu permettre de pallier l'insuffisance des effectifs dans nos tribunaux.
Comme M. Michel, je me demande quel sens peut avoir cette réforme lorsque, à côté, on met en place des jurés populaires. Si le juge de proximité est assesseur au tribunal correctionnel, que vont faire les jurés populaires ? Ils seront surnuméraires ? Qui rendra le jugement ? On est là en plein délire.
S'agissant du divorce, nous avions longuement discuté des médiateurs aux affaires familiales : ils sont loin d'avoir toutes les qualités nécessaires et de faire l'unanimité. Il serait dangereux de généraliser leur action. Et cela compliquerait la procédure lorsque des parents se sont mis d'accord sur la garde des enfants avec l'aide d'un avocat. Dans un tel cas, pourquoi faire intervenir ce médiateur ? Sans parler du coût invraisemblable que cela entraînerait !
Il me paraît indispensable que le juge intervienne automatiquement dans les divorces avec consentement mutuel, notamment lorsque les couples ont des enfants et un patrimoine et que leur mariage a duré de nombreuses années ; dans ces cas là, les conséquences peuvent être graves.
Sur les tribunaux qui s'occupent d'affaires militaires : M. Cléach nous dit la nécessité de saisir le ministre des armées lorsqu'un militaire doit être poursuivi. Mais pourquoi ne pas demander que les magistrats du siège qui officient dans ces tribunaux aient la qualification d'officiers juristes ? Cette qualification existe dans l'armée et c'est tout à fait faisable. Lorsque j'étais militaire en Allemagne, les délinquants étaient ravis d'être renvoyés devant le tribunal de Karlsruhe dont les sanctions étaient en général deux à trois fois moindres que celles d'un tribunal ordinaire....
M. Jean-René Lecerf. - Je défends les juges de proximité. Dans un premier temps ils ont été mis à l'écart et soumis à des vexations par les magistrats. Il n'en est plus de même aujourd'hui et les présidents de tribunaux, au contraire, se plaignent de ne pouvoir y recourir suffisamment. Il faudrait donc prévoir un budget pour les rémunérer. Et, comme ils sont nommés pour sept ans non reconductibles, il serait bon de prévoir le renouvellement de ceux qui donnent toute satisfaction. Je m'inquiète aussi pour l'avenir de leurs compétences en matière pénale : dès lors qu'il y a obligation d'avoir une majorité de juges professionnels dans la formation du jugement et que, en même temps, on souhaite mettre des jurés populaires en correctionnelle, je crains que ce texte ne soit la mort programmée des juges de proximité ; à moins de leur rendre -ce que je souhaite- leur compétence en matière de contentieux civils.
M. François Zocchetto. - Je ne m'étonne pas de la suppression des juges de proximité. L'initiative du législateur n'a jamais été acceptée par la technostructure judiciaire, ni par le microcosme des magistrats et des avocats. Ces juges ont subi des vexations de toutes parts et ceux qui ont survécu ont dû faire preuve de beaucoup de compétence et de détermination. Le rattachement au tribunal d'instance aurait été la bonne solution. Quel est maintenant leur avenir ? Ils sont indispensables et leurs décisions sont en général correctes. Prévoit-on d'en recruter ? Je l'espère.
Contrairement à Jean-Pierre Michel, je considère que les procédures accélérées de jugement en matière pénale ont eu l'effet positif de diminuer le délai entre la commission des faits et le prononcé de la peine. Les peines ne doivent pas être uniquement la démonstration d'une justice d'autorité. On ne peut tout imposer aux citoyens ; il faut aussi une part d'acceptation. En CRPC, l'auteur des faits est obligatoirement accompagné d'un avocat : il est donc défendu. Les victimes ont accès à la procédure. Et ce n'est pas le procureur, c'est le juge qui prononce la peine dans une décision d'homologation.
Comme le rapporteur, je pense qu'il faut être vigilant sur l'extension de ces procédures. Il faut respecter les droits de la défense, garantir l'accès de la victime à la procédure et maintenir la possibilité du recours à un juge en dernier ressort. Sous ces réserves, il faut conserver ces procédures accélérées qui fonctionnent correctement.
La réforme du divorce : je suis défavorable à l'article 13, aux termes duquel on peut se dispenser de passer devant un juge. Les personnes en situation de faiblesse en pâtiront. Dans certains cas, il y aura un seul avocat - ce qui n'est pas souhaitable - jamais totalement neutre et qui fera tout pour convaincre le couple que le juge n'est pas nécessaire. Une des deux parties, la plus faible, n'osera rien dire. Il faut permettre le passage devant un juge, même s'il apparaît comme formel.
En matière de médiation familiale, il ne faut pas confondre l'aspect juridique du divorce - qui doit se faire en droit - et son aspect psychologique. Si je suis d'accord pour que les deux procédures soient menées en parallèle, la procédure juridique ne doit pas être polluée par la procédure d'accompagnement psychologique.
Enfin, nous légiférons pour des gens mariés ; mais 50% des couples ne le sont pas et, un jour, il faudra prendre des dispositions pour ceux-là, qui se séparent comme les autres.
M. Jacques Mézard. - Ce texte est une catastrophe. Il ne répond aucunement aux graves préoccupations de la justice. Le présenter en ce moment est même une provocation compte tenu du fonctionnement actuel des tribunaux. Ses dispositions sont cacophoniques et incohérentes. Par exemple, vous avez créé les juridictions de proximité pour rapprocher la justice du justiciable. Et qu'avez-vous fait immédiatement après ? La carte judiciaire, c'est-à-dire la suppression de la proximité, en particulier en milieu non urbain !
Et aujourd'hui on veut supprimer cette juridiction de proximité pour apporter aux magistrats des supplétifs mal payés, aux compétences inégales. J'ai assisté à des audiences hilarantes où tout le Palais venait rire du juge de proximité. Mais ils ne sont pas, heureusement, tous pareils...
Ce texte renforcera -dans une faible mesure, vu le manque de moyens- le côté supplétif de ces juges. En matière civile, la proximité, c'était le juge d'instance ; on aurait pu confier aux juges de proximité la phase de conciliation obligatoire en tribunal d'instance pour les petits litiges ; cela aurait eu un sens. Mais là... On veut renforcer la collégialité dans les tribunaux correctionnels et, en même temps, on va y introduire des jurés populaires ! C'est une absurdité. M. Guinchard n'a pas dû aller souvent dans un tribunal d'instance, un tribunal de police ou même un tribunal correctionnel...
Les magistrats sont opposés aux juridictions de proximité et à cette réforme. Lisez la note de l'Association des juges de proximité qui eux-mêmes critiquent sévèrement ce texte. Encore une réforme voulue contre ceux qui sont censés l'appliquer !
L'ordonnance pénale. Cela consiste à permettre à un juge -cela pourrait être une machine- de dire, sans débat et sans entendre la personne, qu'on est dans telle ou telle catégorie d'infraction pénale, que cela fait tant d'euros et qu'on a le droit de faire opposition- même si, en réalité, la mécanique est tellement compliquée qu'on ne le fait jamais. On veut étendre considérablement le champ de cette ordonnance pénale. C'est une dérive qui n'a pour but que de pallier l'engorgement des tribunaux.
Le reste est littérature. Un amendement du Gouvernement en donnera l'exemple tout à l'heure en soumettant à l'ordonnance pénale une contravention qu'il vient de correctionnaliser : la vente à la sauvette.
Les dispenses de comparution en cas de divorce par consentement mutuel sont extrêmement inquiétantes parce que celle-ci a pour but de vérifier le consentement des deux conjoints. Quant à la médiation, elle sera inapplicable. Qui paiera ? Là aussi, il s'agit plus d'alléger les délais que de répondre aux besoins de la justice.
La CRPC est loin d'être acceptée par toute la chaîne pénale. Avec cette procédure, on a voulu singer les méthodes anglo-saxonnes. Quand on explique au citoyen lambda que s'il n'accepte pas, il sera convoqué en correctionnelle, il se résigne...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Comment conduire une semblable réforme alors qu'il y a le feu à la justice ? En suivant le Gouvernement, le Parlement répond-il à ce qui se passe aujourd'hui ? Nous voterons la question préalable. Comment en outre ne pas s'interroger sur les réformes annoncées et qui vont se télescoper ?
Ce n'est pas parce que nous étions opposés à sa création que nous nous frotterons les mains de l'échec du juge de proximité. Il ne s'agissait pas pour nous de défendre les magistrats mais bien de constater les difficultés que cela suscitait. D'ailleurs, ce n'est pas par hasard s'il n'y en a que 672 alors qu'on en annonçait 3 000. Garder les juges de proximité tout en supprimant la juridiction de proximité procède d'un cafouillage total.
Vous savez ce que nous pensons des procédures simplifiées. Je suis dubitative sur le divorce. La question n'est pas ici celle d'une sanctuarisation mais bien celle de la protection du plus faible. J'ajoute que je suis tout à fait opposée à la médiation qui risque de favoriser la création d'offices privés, comme outre-Atlantique, ce qui serait gravissime et scandaleux.
D'autres aspects tirent moins à conséquence, mais, malgré les amendements du rapporteur, qui vont plutôt dans le bon sens, nous restons opposés au texte.
Mme Catherine Troendle. - Je souhaite le maintien et le développement de la justice de proximité. En matière de droit de la famille, la médiation permet que les choses se fassent dans la sérénité. Pensons au droit de garde : lorsque les avocats débattent dans le cabinet du juge, on oublie l'intérêt de l'enfant. Comment cela se passe-t-il ? On demande l'aide juridictionnelle et le système devient conflictuel.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il faut recruter 1 700 personnes...
M. Christian Cointat. - Nos concitoyens souhaitent une justice simple, équitable et accessible. C'est l'objectif du texte, mais il n'y parvient pas. Nous avions conduit en 2002 une mission sur l'évolution des métiers de la justice. Nous avions consacré un chapitre à la création d'un juge de proximité, qui aurait trouvé toute son utilité sous l'autorité du juge d'instance. J'avais été très déçu de la loi de 2004, dont l'échec apparaissait inéluctable. On supprime les juridictions de proximité mais pour rattacher les juges de proximité aux TGI. On l'avait conçu pour le civil, il interviendra pour le pénal parce que les tribunaux correctionnels manquent de bras. Je suis partisan de la collégialité, mais je sais aussi que le meilleur procès est celui qui n'a pas lieu. Finalement, nos conclusions de 2002 sont toujours d'actualité.
Je ne partage pas les appréciations de MM. Zocchetto et Gélard sur le divorce car si les jeunes ne veulent pas se marier, c'est parce qu'ils ne veulent pas se retrouver pieds et poings liés et que la procédure coûte cher. Ils préfèrent des situations plus souples, dans lesquelles l'intervention du législateur n'est d'ailleurs pas souhaitée. Il faut que les choses restent simples et faciles. Cela vaut particulièrement pour la vérification du consentement des conjoints au divorce par consentement mutuel. Comparaître ensemble devant le juge aux affaires familiales peut constituer une profonde douleur, voire un drame pour l'un des deux futurs ex-époux. En l'état, le texte ne me satisfait pas.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Votre paradoxe sur le mariage va très loin.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Sans me prononcer sur l'opportunité du texte, je rappellerai que si les juridictions de proximité disparaissent, on continuera à recruter des juges de proximité. Placés auprès des TGI, ils pourront officiellement être assesseurs dans les tribunaux correctionnels ou en formation civile - ils le font déjà en matière correctionnelle, et leur rôle est très apprécié. De l'avis général, le niveau de leur compétence a connu une amélioration certaine, même s'il reste encore des progrès à accomplir dans la conduite des procès. Les juges d'instance n'ont toujours pas accepté cette juridiction, qui ne répondait pas à leurs souhaits. Donner, avec les contentieux jusqu'à 4 000 euros, une charge supplémentaire aux juges d'instance représente un vrai défi en termes de moyens.
Les procédures pénales simplifiées ne sont pas des procédures au rabais. Le rapport qu'a évoqué M. Zocchetto remonte à plusieurs années. J'ai constaté que les chefs de juridiction n'hésitent plus à les employer. Si le parquet propose les peines, il ne les entérine pas ; elles sont homologuées par un juge du siège. La loi fixe explicitement les cas où elles peuvent intervenir, cas que je limiterai par des amendements. Le projet tire donc les leçons de leur bon fonctionnement, sans les étendre inconsidérément.
Je constate qu'hormis M. Cointat, vous êtes plutôt favorables à mes amendements sur le divorce. S'agissant de l'obligation d'une médiation familiale préalable, c'est parce qu'il s'agit d'une expérimentation que je ne l'ai pas refusée.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis. - La constitution de partie civile devant la justice militaire est possible grâce à vous, monsieur Michel, mais le gouvernement avait reporté son application jusqu'à la fin de la conscription ; c'est la citation directe qui n'est pas possible.
Je ne partage pas votre avis sur l'avis préalable du ministre de la défense, ne serait-ce que parce que l'Assemblée nationale et le Sénat l'avaient demandé à deux reprises. J'en ai vu beaucoup, et l'on perçoit mieux, notamment pour les opérations extérieures, les circonstances et l'ambiance, ce qui en fait tout l'intérêt pour les parties et leurs avocats.
Faut-il, Monsieur Gélard, que la formation de jugement comprenne une majorité de professionnels de la chose militaire ? Le procureur général veille à ce que les magistrats chargés des affaires militaires, et qui sont la plupart du temps des réservistes, aient un intérêt pour la matière. J'ai insisté sur la professionnalisation parce que les magistrats civils connaissent moins bien l'armée - il faudrait aussi évoquer la féminisation. Cependant, il ne saurait y avoir nomination par le ministre de la défense.
M. Jean-Pierre Michel. - Je retire ce que j'ai dit sur l'avis préalable du ministre, qui ne lie pas le parquet. Et je vous donne acte de la possibilité de constitution de partie civile. J'ai toujours été hostile aux juges professionnels qui tendent à se mettre trop à l'écoute de leurs pairs...
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. - Je parle de chambres spécialisées, où il faut savoir ce qu'est la chose militaire.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Les éléments qui nous ont été distribués sur les juges de proximité montrent que leur activité au contentieux civil (100 000 affaires par an) représente plus de 60 ETP de magistrats. Cette charge serait transférée aux tribunaux d'instance. Je ne pense pas que cela figure aussi clairement dans l'étude d'impact. Il en irait autrement si l'on appréciait l'impact avant de boucler le projet de loi, plutôt que de la rédiger en fonction du projet de loi.
EXAMEN DU TEXTE DE LA COMMISSION
Article 1er
L'amendement rédactionnel n° COM-2 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
L'amendement de coordination n° COM-3 est adopté.
L'article n° 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 12
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-26 du gouvernement tend à supprimer l'action possessoire au motif que la protection de la possession relèverait plutôt d'une action en référé.
M. Jacques Mézard. - Je ne suis pas favorable à cet amendement. On considère qu'il y a environ 250 actions possessoires par an, mais j'en ai fait plusieurs dizaines : malgré la modification des articles 1267 et suivants du code de procédure civile, le juge des référés ne pourra rien décider sur des contestations sérieuses, comme il y en aura dans des affaires de voisinage. Y a-t-il urgence ? Cela n'a pas sa place ici.
M. François Zocchetto. - Cela aura-t-il une incidence sur la procédure d'usucapion ?
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Je m'interroge...
M. Jacques Mézard. - Cela peut être le cas. L'on supprime la distinction immémoriale du pétitoire et du possessoire.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Prenons le temps de l'expertise. N'intégrons pas cet amendement, le gouvernement pourra le représenter pour un examen en séance publique.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Plusieurs amendements n'ont pas de rapport direct avec le texte, mais j'avais proposé un avis favorable à celui-ci parce qu'il allégeait la procédure.
L'amendement n° COM- 26 est rejeté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - J'ai compris que l'amendement n° 5 recueillait un large assentiment...
M. Christian Cointat. - Réfléchissez-y, la comparution simultanée peut être terrible pour l'épouse. Voulez-vous punir ceux qui divorcent « par une solennité adaptée à leur séparation, symétrique de celle de leur mariage », comme l'affirme la dernière phrase de l'objet ? N'oubliez pas le côté humain ! Je voterai contre l'amendement !
M. Jean-Pierre Michel. - J'ai été juge du divorce, recevoir le couple en comparution permettait de mesurer l'acuité des crises et de renvoyer à un délai de réflexion ; le divorce est toujours un échec.
L'amendement n° COM-5 est adopté ; en conséquence, l'article 13 est supprimé.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Avec l'amendement n° COM-6, la convention d'honoraires, qui devient obligatoire pour les procédures de divorce, pourra être comparée avec des barèmes indicatifs.
M. Jacques Mézard. - Il est normal que le justiciable sache ce qui lui sera demandé et je suis totalement pour la convention d'honoraires, mais je me rappelle que, lorsqu'à la demande de la cour d'appel, le barreau d'Aurillac avait établi un barème, il avait été poursuivi par l'Autorité de la concurrence et condamné à une amende.
M. François Zocchetto. - Il est normal que les clients sachent et qu'on systématise les conventions d'honoraires. En revanche, l'Autorité de la concurrence a condamné les barèmes parce qu'ils constituaient des ententes. Les organismes professionnels y sont très opposés. Il n'en est pas de même chez les notaires.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Ce sont des officiers ministériels.
M. Christian Cointat. - Il faut passer par un avocat pour divorcer. Il faut mieux protéger les clients. L'Autorité de la concurrence ayant vocation à lutter contre les ententes, j'aurais préféré qu'on ne fasse pas un plancher des prix plafonds. Je préfère pour ma part la rédaction du gouvernement, qui permet au client de négocier un prix inférieur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Ce que l'Autorité de la concurrence a sanctionné, ce sont des prix fixés à un niveau très élevé qui trompaient le justiciable alors qu'ils auraient dû le renseigner sur les prix moyens pratiqués. Il s'agit ici de donner aux époux une idée du coût du divorce pour qu'ils puissent signer une convention d'honoraires en connaissance de cause.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Etes-vous d'accord avec le texte initial ?
M. François Zocchetto. - Je préfère celui du rapporteur...
M. Jacques Mézard. - Il y aura des amendements de suppression. Je me souviens du barème fixé en 1971, réévalué en 1973, mais jamais depuis. Ne renouvelons pas cela. L'on ne doit pas transiger sur les conventions d'honoraires mais que la Chancellerie s'occupe plutôt de ses projets...
M. Jean-Pierre Michel. - L'amendement du rapporteur concerne toutes les procédures de divorce et pas seulement le consentement mutuel. Le barème serait national.
M. François Zocchetto. - Retenons la première phrase de l'amendement. Il y a 55 000 avocats en France. Le marché est concurrentiel, on peut faire le tour d'un barreau et les clients ne s'en privent pas.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Le Gouvernement ne traite que du consentement mutuel, ce qui restreint l'effet de la mesure. Retenons plutôt la première phrase de l'amendement du rapporteur, qui rend obligatoire une convention d'honoraires pour toute procédure de divorce.
M. Jean-Pierre Michel. - Excellent !
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Je propose un barème indicatif. Actuellement, un divorce coûte 2 500 euros en moyenne. Le dispositif pourra être précisé.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Je propose un vote par division.
Les deux phrases de l'amendement n° COM-6 sont successivement adoptées.
L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Je rectifie l'amendement n° COM-8 pour préciser : « Si la demande émane conjointement des deux parents ou, lorsqu'elle émane d'un seul, si l'autre parent déclare ne pas s'y opposer ».
L'amendement n° COM-8 rectifié est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement suivant porte sur l'expérimentation de la médiation préalable et le respect d'un délai raisonnable pour l'accès au juge.
L'amendement n° COM-7 est adopté.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 15
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Relatif à la dévolution du nom de famille, l'amendement n° COM-27 est indiscutablement un cavalier.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il faut régler ce problème.
M. Jean-Pierre Michel. - C'est plutôt bon...
L'amendement n° COM-27 est adopté et devient un article additionnel.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Reprenant une proposition du rapport Guinchard, l'amendement du gouvernement n° COM-25 supprime l'exigence de comparution personnelle des parents devant le greffier en chef pour la déclaration conjointe d'exercice en commun de l'autorité parentale. Cette simplification concerne la filiation reconnue plus d'un an après la naissance comme l'adoption simple de l'enfant du conjoint.
L'amendement n° COM-25 est adopté et devient un article additionnel.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-30 supprime l'acte de naissance provisoire des enfants nés sous X. Encore un cavalier, mais il règle un problème.
L'amendement n° COM-30 est adopté et devient un article additionnel.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-9 reprend ce que j'ai expliqué sur les crimes contre l'humanité : la compétence du nouveau pôle serait étendue aux crimes et délits de guerre.
L'amendement n° COM-9 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-10, qui poursuit le même objet, renforce les pouvoirs d'investigation du pôle spécialisé et étend sa compétence aux crimes de torture.
L'amendement n° COM-10 est adopté, ainsi que l'amendement de conséquence n° COM-11.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-1 est satisfait par le 9.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - En effet.
L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 17
L'amendement rédactionnel n° COM-12 est adopté, ainsi que l'amendement de coordination n° COM-13.
L'article 17 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Outre une coordination et l'abrogation de dispositions inutiles, l'amendement n° COM-14, en excluant la récidive du champ de l'ordonnance pénale, vise à renforcer la pédagogie de la réponse pénale.
M. François Zocchetto. - Cela a-t-il un caractère absolu, y compris pour les infractions routières ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Nous parlons ici de l'ordonnance pénale délictuelle, qui ne concerne donc pas les contraventions.
L'amendement n° COM-14 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-22 du Gouvernement vise à inclure les ventes à la sauvette dans le champ de l'ordonnance pénale.
M. François Zocchetto. - Il y aura de la récidive...
M. Jacques Mézard. - C'est l'illustration parfaite de ce que je disais tout à l'heure : on transforme une contravention en délit, puis on lui applique l'ordonnance pénale.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - C'est une infraction simple.
L'amendement n° COM-22 est adopté.
L'article 20 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Mon amendement n° COM-15 tend à mieux encadrer la CRPC en excluant les violences volontaires et involontaires contre les personnes, les menaces et les agressions sexuelles aggravées, punies de plus de cinq ans d'emprisonnement.
L'amendement n° COM-15 est adopté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-24 du Gouvernement permet la CRPC après une instruction.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Ce serait mieux.
M. Jean-Pierre Michel. - Nous y sommes défavorables.
M. Jacques Mézard. - Nous savons qu'il y a très peu de dossiers ouverts à l'instruction : la politique pénale limite au maximum la saisine du juge d'instruction.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Cela se ferait à l'initiative du juge d'instruction lui-même.
M. François Zocchetto. - Et seulement dans le champ de la CRPC ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. - En effet. Cela concernerait le trafic de stupéfiants ou encore les escroqueries, mais pas les atteintes aux personnes les plus graves, que mon amendement COM-15 a exclu du champ de la CRPC.
M. Jean-Pierre Michel. - Les gens avouent et on les récompense en supprimant l'audition ? Ce n'est pas la justice.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'accord des parties civiles est requis et un délai de trois mois a été prévu.
M. Jean-Pierre Michel. - On affaiblit la répression...
L'amendement n° 24 est adopté.
L'article 21 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-16 obéit à un souci de cohérence du droit pénal : la forfaitisation soustrait l'infraction aux règles de récidive.
L'amendement n° COM-16 est adopté.
Articles additionnels après l'article 22
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Avec l'amendement n° COM-23, le Gouvernement étend et unifie les compétences de la DGCCRF en matière de transaction pénale, ainsi pour les liquidations et ventes au déballage.
M. Jacques Mézard. - Je n'y suis pas très favorable. Nous savons en effet comment cela se passe, notamment pour la police de l'eau. Le montant de la transaction est considérablement supérieur à la sanction prononcée par le tribunal. L'exposé des motifs est très explicite : cela « évite, pour des infractions dont la gravité ne le mérite pas, le passage devant des juridictions pénales souvent encombrées »...
M. Yves Détraigne, rapporteur. - La DGCCRF a déjà de tels pouvoirs...
M. Jacques Mézard. - Et l'on en connaît l'utilisation !
M. Jean-Jacques Hyest, président. - C'est plus efficace que le pénal.
M. Jacques Mézard. - Mais ce n'est pas justifié.
L'amendement n° COM-23 est adopté et devient un article additionnel.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-21 évitera que l'on adresse à l'ancien propriétaire d'une voiture les procès-verbaux initiés par les radars automatiques...
L'amendement n° COM-21 est adopté et devient un article additionnel.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-33 rectifié applique la transaction pénale au tabagisme et à l'alcoolisme.
M. Jacques Mézard. - Le Gouvernement nous enfume !
L'amendement n° COM-33 rectifié est adopté et devient un article additionnel.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement n° COM-32 qui prévoit la compétence des juridictions spécialisées en matière de terrorisme pour les actes de terrorisme commis hors du territoire de la République par ou à l'encontre de membres des forces armées françaises.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis. - J'émets également un avis favorable.
L'amendement n° COM-32 est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel n° COM-34.
L'article 23 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 23
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis. - L'amendement de clarification n° COM-35 évite un conflit de compétences : la juridiction du port d'attache ou de l'aérodrome de rattachement sera compétente.
L'amendement n° COM-35 est adopté et devient un article additionnel.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-36 prévoit l'avis du ministre de la défense, y compris dans le cadre d'une procédure contre X révélant la mise en cause d'un militaire.
L'amendement n° COM-36 est adopté et devient un article additionnel.
Article additionnel après l'article 24
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis. - L'amendement n° COM-37 est de clarification et d'harmonisation. Les désertions ont augmenté de 500% depuis 2000 parce que certains engagés, qui ont eu des motivations alimentaires, ne mesurent pas les conséquences du fait de ne pas retourner à la caserne.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les leur a-t-on expliquées ?
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur. - Dans ce genre de cas, la justice tient compte de l'environnement et des circonstances ; souvent elle reste clémente.
L'amendement n° COM-37 est adopté et devient un article additionnel.
Article additionnel après l'article 25
M. Yves Détraigne, rapporteur. -La multipostulation existait dans l'ancien département de la Seine. La loi de mars 2011, qui vient d'être publiée lundi, la permet entre les TGI de Bordeaux et Libourne, et entre ceux de Nîmes et Alès.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Je suis plutôt favorable à une généralisation de la multipostulation, mais la profession n'est pas prête - il est vrai que supprimer la postulation supposerait une autre organisation de la présence des avocats. En attendant, l'amendement n° 31 rectifié revient sur la loi qui vient d'être votée.
M. Christian Cointat. - C'est d'autant plus scandaleux que l'amendement n° 31 allait dans le sens contraire.
M. Jean-René Lecerf. - Avec la nouvelle carte judiciaire, il n'y a plus que six TGI dans mon département, avec des barreaux qui sont microscopiques. Il convient de réfléchir en effet à une réforme de la postulation.
L'amendement n° 31 rectifié est rejeté.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - La proposition de simplification du droit, adoptée hier en deuxième lecture par le Sénat, comporte déjà des dispositions analogues à celles prévues à l'article 25 : dans un souci de cohérence, l'amendement n° COM-17 propose donc de supprimer cet article.
L'amendement n° COM-17 est adopté ; en conséquence, l'article 25 est supprimé.
Articles additionnels après l'article 25
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-28 du Gouvernement donne, comme l'avait suggéré la Cour de cassation dans son rapport 2009, la possibilité à la juridiction se prononçant sur le fondement de l'article 470-1 du code de procédure pénale, d'accorder à la partie civile une somme au titre des frais non payés par l'Etat, comme le prévoient déjà les articles 700 du Code de procédure civile et l'article 475-1 du code de procédure pénale.
M. François Zocchetto. - Il est étonnant de voir autant d'amendements du Gouvernement...
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Le projet avait été déposé il y a un an.
M. Jean-Pierre Michel. - La planche à amendements fonctionne bien place Vendôme.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous sommes en première lecture et nous avons eu les amendements lundi soir : la réflexion a été longue... Dans un tel cas, le recours à une lettre rectificative serait préférable.
L'amendement n° COM-28 est adopté et devient un article additionnel.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-20 du Gouvernement simplifie la gestion des fonds en numéraire saisis dans le cadre de procédures pénales en permettant leur dépôt sur un compte ouvert auprès d'un établissement bancaire autre que la Caisse des dépôts et consignations ou la Banque de France.
L'amendement n° COM-20 est adopté et devient un article additionnel
M. Yves Détraigne, rapporteur. - La Cour de cassation a semblé limiter par sa décision du 3 juin 2009 la possibilité pour une association ou fédération agréée d'être remboursée des frais qu'elle a engagés. La Fédération des victimes d'accidents collectifs (Fenvac) ne pourrait plus intervenir. Voilà la motivation de l'amendement n° COM-29.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - C'est une précision utile.
M. Jacques Mézard. - Le champ est ouvert...
L'amendement n° COM-29 est adopté et devient un article additionnel
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-18 rectifié est de cohérence avec la carte judiciaire.
L'amendement n° COM-18 rectifié est adopté.
M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis. - L'amendement de cohérence n° COM-38 répond à une certaine urgence, puisque la caserne où siégeait le tribunal aux armées de Paris est vide et que la Ville de Paris attend les terrains pour y construire des logements sociaux. La suppression de ce tribunal devra donc intervenir au plus tard le 1er janvier 2012.
L'amendement n° COM-38 est adopté.
L'article 26 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - L'amendement n° COM-19 supprime une mention inutile.
L'amendement n° COM-19 est adopté.
L'article 27 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
L'ensemble du projet est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nos collègues devront être attentifs à la disparition de la juridiction de proximité et à la modification des missions des juges de proximité.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Audition de M. Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission procède à l'audition de M. Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République, à l'occasion de la remise de son rapport annuel.
M. Jean-Paul Delevoye. - Nous avons reçu en 2010 un peu plus de 79 000 dossiers dont la part de saisines directes est très importante et justifie ainsi le basculement au système du Défenseur des droits. L'institution comptabilise ainsi environ 760 000 contacts avec les Français, téléphoniques, électroniques ou écrits, et ce malgré un budget et des effectifs constants. Cette augmentation de l'activité a été l'occasion d'une réflexion de nos services pour s'adapter en particulier au traitement des demandes formulées par courriels. Nous avons également traité environ dix dossiers par mois au sein de la cellule d'urgence créée en 2005, réduit le délai de traitement des dossiers, géré le débordement de la plateforme téléphonique et développé les médiations à caractère physique avec notamment un accès de tous les détenus à un délégué du médiateur. Le domaine social, tant au niveau national que local, représente une part importante de notre activité. A travers l'ensemble de ces 760 000 contacts, nous avons cherché à savoir ce qu'il en est de l'humeur générale de nos concitoyens, malgré le caractère partiel voire partial de ce constat. Nous avons ainsi constaté un fort sentiment d'impuissance, d'isolement face à l'appareil administratif, voire d'injustice, ce qui peut conduire à des situations de violence que l'on peut comprendre comme des gestes de désespérance.
L'incompréhension des administrés est forte lorsqu'ils ont le sentiment que le bon sens est bafoué, lorsqu'une interprétation particulièrement stricte des termes de la loi peut par exemple conduire au retrait d'une allocation à une personne handicapée pour un euro de revenus perçu sur ses maigres économies. Il y a donc un défaut d'écoute et d'accompagnement de la part de l'administration face aux situations particulières, qui crée un sentiment nouveau « d'illusion de la loi », puisqu'elle est censée protéger les plus faibles. L'empilement législatif, le caractère précipité de certaines réformes, le développement des « lois à réaction » ou la méconnaissance du contenu de certains textes contribuent aux difficultés d'application de la loi qui sont sources de frustration. Nous constatons de plus en plus de réclamations sur les systèmes logiciels et informatiques tels que Chorus pour la comptabilité, ou sur les erreurs de saisie informatique qui entraînent une mécanique incontrôlable. On observe donc une déshumanisation du service public, peu adapté aux nouveaux parcours de vie. Pour la première fois, de plus en plus de dossiers concernent les collectivités locales, avec par exemple des problèmes en matière d'urbanisme dans les mairies ou de gestion des maisons départementales du handicap. Malgré tout, il convient de noter des progrès manifestes et des initiatives encourageantes, particulièrement en matière de dématérialisation des procédures.
Nous avons cette année réaffirmé notre priorité pour les droits de l'homme en France, avec une médiation sur le dossier de la « jungle de Calais » qui a permis un accord pour une meilleure prise en charge des migrants, grâce à la création de douches et d'un centre d'accueil de jour pour les personnes vulnérables.
L'année 2010 nous a offert l'exemple d'une mobilisation citoyenne associée aux nouvelles technologies, grâce à la création d'une plateforme interactive (www.lemediateuretvous.fr). Celle-ci a été une plateforme d'échanges et de débats, avec plus de 210 000 visiteurs et 1 200 contributions. Des débats citoyens ont été lancés auprès de citoyens partenaires et ont conduit, en s'appuyant sur des témoignages et des contributions, à des propositions de réforme, qui peuvent ensuite être portées sur le bureau des parlementaires.
Grâce à l'activité de nos services, nous avons pu mettre l'accent sur les fragilités et les forces de la société française. Il nous est ainsi apparu que le pacte républicain était fragilisé. Je suis convaincu que si l'année 1995 avait été marquée par le thème de la fracture sociale et 2002 par le débat sur la sécurité, les discussions porteront en 2012 sur la question du vivre ensemble et du chacun pour soi. En effet, des sondages nous ont montré que les Français sont inquiets pour les systèmes de solidarité mais en même temps ne veulent pas être touchés par les conséquences des réformes permettant la survie de ces mécanismes. De plus, la volonté des citoyens de s'engager politiquement ne se traduit plus par une confiance dans leurs partis politiques mais plutôt par des gestes politiques en tant que consommateurs en particulier. Si le pessimisme collectif reste très important, la dimension individuelle du bonheur est très présente dans l'esprit de nos concitoyens, et les pousse à placer la notion de plaisir au centre de leurs préoccupations, tout en déclarant compter avant tout sur eux-mêmes pour y parvenir. La société se fragmente aujourd'hui en catégories dont les valeurs, les comportements, les aspirations peuvent aller dans des directions opposées et définir des visions collectives différentes. On constate alors une inadéquation entre l'offre politique et l'offre de société. Pourtant, les Français admettent la nécessité d'avoir un but commun auquel se consacrer. Des thèmes fédérateurs tels que la défense de l'environnement émergent ainsi.
Face aux situations de précarité vécues par un nombre important de Français, les usagers déclarent ne plus croire dans l'administration et élaborent des stratégies de contournement ou de combine. Des services publics tels que l'école ou Pôle emploi ne représentent qu'une source de contraintes et ne sont pas perçus comme une source d'espoir, lorsque les aînés diplômés sont au chômage ou lorsque les stages se succèdent au détriment de véritables contrats de travail.
Il est donc nécessaire de redéfinir le sens de l'action publique. Du point de vue des fonctionnaires, ceux-ci ne sont pas hostiles au changement mais ils sont en quête du sens des réformes qu'ils doivent mettre en oeuvre et dénoncent la dictature du court terme et du chiffre. Les citoyens quant à eux font preuve d'une fatigue civique révélée par un sentiment croissant d'abandon par les politiques, de déconnexion entre l'élite et les situations personnelles. La défense des valeurs passe pour eux après l'efficacité présumée des solutions proposées par celui qui prétend régler les problèmes de leurs situations personnelles.
Il convient donc de revisiter les équations de la République en réadaptant les outils, notamment fiscaux, en reconstruisant le pacte républicain afin d'éviter l'exploitation des peurs et des humiliations. En effet, de nouvelles espérances se dessinent, puisque l'on constate une volonté de moraliser le capitalisme ou de responsabiliser la consommation. La société est donc prête à s'engager, pour autant qu'elle ait confiance dans ses dirigeants.
M. François Zocchetto. - Vous vous êtes préoccupé des problèmes posés par le régime social des indépendants (RSI), dont nous constatons dans nos départements qu'il aboutit dans certains cas à des situations catastrophiques pour les intéressés. Ce régime a créé un imbroglio invraisemblable et insupportable, et les chefs d'entreprise, commerçants ou professions libérales nous indiquent qu'ils ne savent généralement pas quel est l'état de leur situation sociale. Je souhaitais donc savoir si vous avez obtenu des assurances de la part du Gouvernement quant à la résolution de ces difficultés.
M. Jean-Paul Delevoye. - Vous soulevez une question importante qui met en évidence les difficultés posées par une réforme dont les objectifs étaient positifs mais qui, à l'évidence, a été précipitée dans son application. Nous nous sommes très rapidement saisis de cette question et je pense qu'il faudrait rapidement que soit organisée une réunion de crise qui permettrait d'élaborer un contrat d'objectifs et de résultats pour mettre fin aux problèmes posés par le RSI. Il serait également nécessaire de permettre au sein de chaque département, peut-être aux préfets, de suspendre les poursuites afin de recevoir humainement les gens concernés par ces situations complexes. Une évaluation parlementaire serait d'ailleurs sur ce point très pertinente. Je tiens enfin à rendre hommage aux agents du RSI, qui sont hélas broyés par un système informatique défaillant.
Mlle Sophie Joissains. - Pensez vous que l'afflux d'informations auquel nous sommes soumis peut provoquer les situations de repli individuel que vous avez constatées ?
M. Jean-Paul Delevoye. - Vous avez raison sur ce point. Il est nécessaire de s'interroger sur le point de savoir si la société de consommation n'a pas consommé la construction des personnalités individuelles et rendu nos concitoyens esclaves de leurs envies de consommer. Nous avons fait l'erreur de ne pas investir suffisamment dans l'éducation en même temps que l'offre de consommation et d'information augmentait. Il faut en effet éviter la dictature du court terme et faire en sorte que la sensibilité des gens à des séductions émotionnelles ne soit pas plus forte que leurs convictions politiques.
Mme Nicole Bonnefoy. - Je me souviens de la présentation de votre rapport l'année dernière et du constat alarmant que vous aviez dressé. J'observe que votre exposé est va encore plus loin cette année et je m'interroge donc sur l'absence de réponse politique aux recommandations que vous formulez chaque année. Pensez vous qu'il y ait un autisme politique ?
M. Jean-Pierre Vial. - J'ai identifié dans votre présentation un certain nombre de messages que je retrouve sur le terrain lorsque, par exemple, les magistrats me disent qu'il faut cesser de légiférer car plus personne ne s'y retrouve dans l'accumulation de lois ou lorsque le Sénat crée une mission d'information sur Pôle emploi au moment où au contraire cette nouvelle institution devrait fonctionner pleinement. Je me demande donc pour quelle raison chaque fois que l'on réforme, la situation est pire qu'avant. Pourquoi avons-nous ce vrai problème de réforme de l'institution publique ?
M. Patrice Gélard. - Le tableau que vous avez dressé donne l'impression que nos concitoyens sont au stade adolescent. La société devient de plus en plus complexe au fur et à mesure qu'elle se robotise, c'est le cas par exemple pour la fonction de maire.
Je souhaitais savoir ce que, en tant que dernier Médiateur de la République, vous attendez du nouveau Défenseur des droits ?
M. Christian Cointat. - Vous nous avez dépeint un portrait de la République à la fois très beau et très inquiétant. Vous analysez notre République, vous proposez des solutions, et pourtant rien ne change, c'est le même constat que l'année dernière. Que préconisez-vous ?
M. Jean-Paul Delevoye. - Je n'ai pas la prétention de détenir la vérité. Je viens seulement porter une analyse de la société telle que nous la ressentons. Ma conviction est que nous ne sommes pas que dans une crise économique et financière mais aussi dans une crise sociétale. Notre société a profondément changé et l'offre politique et administrative se trouve en décalage. On demande à la société de s'adapter au système au lieu de l'inverse. Nous avons du mal en France à revisiter les équations de la République. En Italie par exemple, la création de coopératives sociales a permis de rassembler tous les acteurs du marché de l'emploi pour proposer des solutions adaptées en fonction des profils. En France, la norme est rigide car elle est identique pour tous.
Il faut retrouver un enthousiasme politique en offrant une vision globale des réformes. Certaines ont fonctionné, comme celle du Trésor public. Cela nous enseigne qu'en France, nous sommes bons pour fixer des objectifs de réforme mais que nous avons des difficultés avec la conduite du changement. En engageant une réforme, il faut davantage s'interroger sur les moyens et le temps de la conduite de celle-ci. Les acteurs d'une réforme sont avant tout ceux qui la conduisent, pas ceux qui la décident.
J'ajoute qu'il ne faut pas laisser guider les choix politiques par l'émotion mais par la raison, car le monde politique apparaît de moins en moins porteur de convictions et de plus en plus porteur d'intérêts.
Quant au futur Défenseur des droits, j'ai regretté que les débats soient centrés sur la défense d'intérêts catégoriels alors qu'ils auraient dû être enthousiastes. Le Défenseur des droits doit être un lieu d'écoute, un facteur d'apaisement, une source de proposition de réformes. Je fais pleinement confiance au travail de contrôle du Parlement pour suivre son action. Je terminerai par une proposition : permettre aux fonctionnaires de suivre des recommandations en équité, qui les exonéreraient de leur responsabilité en la transférant au Défenseur des droits lorsqu'il estimerait, dans certains cas très encadrés, que l'application stricte de la règle administrative conduit à une situation inéquitable.
J'étais aussi intéressé par la class action administrative qui a figuré un temps dans ce texte.
M. Jean-Jacques Hyest. - C'est un autre sujet... Je tiens à souligner le fait que l'action du Défenseur des droits aura été préparée par le rayonnement de votre action. Cette réforme est un progrès considérable et il faudra savoir s'en servir. Je pense qu'elle devrait contribuer à une meilleure défense de nos concitoyens face à la machine administrative. La modernisation ne doit pas se faire au détriment d'une écoute humaine. L'administration doit savoir reconnaître ses erreurs, sur le modèle de l'administration fiscale qui sait corriger les problèmes lorsqu'il y en a.
Enfin, nous ne manquerons pas de transmettre votre message sur l'excès de législation au Garde des Sceaux.