- Mardi 16 novembre 2010
- Loi de finances pour 2011 - Mission Aide publique au développement, comptes de concours financiers Prêts à des Etats étrangers et Accords monétaires internationaux et compte d'affectation spéciale Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2011 - Mission Direction de l'action du Gouvernement - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2011 - Mission Remboursements et dégrèvements - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2011 - Mission Culture (et article 68 quater) - Examen du rapport spécial - Contrôle budgétaire du département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines - Communication
- Loi de finances pour 2011 - Mission Travail et emploi (et articles 88 à 97) - Examen du rapport spécial
- Mercredi 17 novembre 2010
- Loi de finances pour 2011 - Mission Santé (et articles 86 bis à 86 nonies) - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2011 - Mission Enseignement scolaire - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2011 - Mission Justice (et articles 75 et 75 bis) - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2011 - Mission Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales et compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (et articles rattachés 68 et 68 bis nouveau) - Examen du rapport spécial
- Loi de finances pour 2011 - Mission Engagements financiers de l'Etat et compte d'affectation spéciale Participations financières de l'Etat - Examen du rapport spécial - Contrôle budgétaire du financement des primes d'épargne logement - Communication
- Nomination d'un rapporteur
- Jeudi 18 novembre 2010
- Vendredi 19 novembre 2010
Mardi 16 novembre 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Loi de finances pour 2011 - Mission Aide publique au développement, comptes de concours financiers Prêts à des Etats étrangers et Accords monétaires internationaux et compte d'affectation spéciale Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique - Examen du rapport spécial
La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de MM. Yvon Collin, rapporteur spécial, sur la mission « Aide publique au développement » et Edmond Hervé, rapporteur spécial, sur les comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des Etats étrangers » et sur le compte d'affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Je ferai d'abord quelques observations sur le contexte dans lequel s'inscrit aujourd'hui notre aide publique au développement.
En 2009, et malgré la crise, les apports des pays développés à l'aide publique au développement se sont accrus, tous types d'aide confondus, de 0,7 % par rapport à 2008. Hors allègements de dettes, cette progression atteint 6,2 %. Quelque 119,6 milliards de dollars ont été ainsi versés par les pays riches aux pays en développement. Les Etats-Unis ont conservé leur premier rang parmi les donateurs, avec près de 29 milliards de dollars. La France, avec un effort de 9 milliards d'euros, soit 0,46 % du revenu national brut, s'est hissée au deuxième rang des donateurs en volume, devant l'Allemagne, le Royaume-Uni et le Japon. Mais, dans le classement en valeur, c'est-à-dire en fonction de l'effort d'aide au développement rapporté à la richesse nationale, notre pays n'est qu'à la onzième place, juste derrière le Royaume-Uni et la Suisse, et devant l'Espagne et l'Allemagne. Les Etats-Unis ne sont que dix-neuvièmes, entre le Portugal et la Grèce.
L'année 2010 devrait donner lieu à une nouvelle progression de l'aide française, à hauteur de 9,7 milliards d'euros, soit 0,5 % du revenu national brut. Toutefois, pour 2011, un repli est anticipé, avec 9,5 milliards d'euros d'aide, soit 0,47 % de la richesse nationale, dont 7,1 milliards portés par le budget général de l'Etat.
En tout état de cause, la France semble encore loin de pouvoir traduire en actes son engagement, pourtant renouvelé en 2008, de consacrer à l'aide publique au développement, en 2015, 0,7 % de la richesse nationale. Pour 2010 déjà, notre pays n'honorera pas son engagement d'au moins 0,51 % du revenu national brut, alors que le Royaume-Uni devrait y parvenir. Il est vrai que nous ne serons pas seuls dans cette situation de défaut, que connaîtra également, entre autres, l'Allemagne.
La part bilatérale « programmable » de l'aide publique au développement française est minoritaire. En effet, l'aide multilatérale et européenne - environ 4 milliards d'euros - représente 45 % de notre aide globale, mais cette proportion dépasse la moitié si l'on ne tient pas compte des dépenses bilatérales dites « non programmables », c'est-à-dire constatées « ex post ». Cette répartition est préjudiciable à l'aide « de terrain » - aide aux projets, coopération technique, etc. Or il en va du rayonnement international de notre pays car, grâce à son aide bilatérale, la France est visible à l'étranger, et d'abord auprès des populations bénéficiaires ; dans la masse de l'aide multilatérale, son rôle passe souvent inaperçu. De ce point de vue, il est heureux que la France ait obtenu, pour la période 2011-2013, une baisse de sa clé de contribution au Fonds européen de développement (FED). En 2011, cette contribution représentera tout de même 804 millions d'euros.
En outre, la comptabilisation en « aide publique au développement » de certaines dépenses non programmables est sujette à caution, comme l'aide versée à Wallis-et-Futuna, de l'ordre de 85 millions d'euros par an, l'aide au développement visant normalement les Etats étrangers. En revanche, on note un progrès : du fait de la transformation de Mayotte en département en 2011, l'aide versée à cette île - environ 300 millions par an - ne sera plus comptée en aide au développement.
De même, on peut contester que soient considérés comme « aide au développement » les frais d'écolage des étudiants en France ressortissants des pays en développement et les aides accordées aux réfugiés originaires de ces pays - soit respectivement, en 2009, 670 millions et 270 millions d'euros. À l'inverse, certaines dépenses publiques, qui concourent pourtant de façon effective au développement, ne sont pas comptabilisables comme telles selon les normes de l'OCDE, notamment la dépense fiscale assise sur les dons aux organisations de solidarité internationale.
L'aide bilatérale française bénéficie principalement à l'Afrique subsaharienne - 49 % du total - et aux pays à revenu intermédiaire. Toutefois, en 2009, la Chine et la Turquie ont respectivement occupé le deuxième et le cinquième rangs des bénéficiaires. Là encore, on peut s'interroger sur la qualification d'« aide au développement »...
Cela dit, notre dispositif d'aide publique au développement se trouve, actuellement, dans une phase de rationalisation. Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), lors de sa réunion du 5 juin 2009, a resserré les priorités géographiques et clarifié les priorités sectorielles. À la suite, un document cadre, élaboré tout au long de 2010 et finalisé par le Gouvernement au début de ce mois-ci seulement, nourrit l'ambition de « refonder » la politique de coopération au développement, pour répondre aux défis du monde contemporain. Le Parlement a été invité à participer à la réflexion et le Sénat y a pris une large part. Au mois de mai dernier, conjointement avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous avons organisé une « table ronde », puis auditionné le ministre des affaires étrangères. En juin, je vous ai présenté une communication sur le projet de document cadre, et les recommandations auxquelles a donné lieu notre débat ont été adressées au ministre. Enfin, le 4 novembre dernier, le Sénat a tenu un débat sur la politique de coopération et de développement, qui s'est notamment appuyé sur le rapport d'information entre temps publié par nos collègues rapporteurs pour avis, et auquel j'ai pris part.
Le document cadre a le mérite de présenter la doctrine française d'aide publique au développement. Il considère que cette aide ne doit pas relever de la charité, ni de la seule compassion, mais d'une stratégie géopolitique, dans laquelle on considère non seulement la nécessité de soulager la pauvreté, mais également les intérêts de notre pays dans le monde. Néanmoins, il n'aborde que de façon très parcimonieuse les aspects financiers, le choix ayant été fait de dissocier l'exposé de la stratégie et la programmation des moyens budgétaires. Bien que compréhensible, cette organisation n'en nuit pas moins à la crédibilité des ambitions affichées.
En outre, le statut du document cadre reste indéterminé : ce texte n'a pas de valeur juridique, et le CICID n'a pas été convoqué pour son adoption formelle. Dans ces conditions, et à ce stade, on peut douter de l'autorité politique qu'il revêtira en pratique. Pour prévenir le risque du « voeu pieu », je pense qu'il faut inviter le Gouvernement, en séance, à donner à ce nouvel outil les formes appropriées d'adoption et de publicité officielle qu'il requiert.
J'en viens à la mission « Aide publique au développement », mission interministérielle qui se compose de trois programmes, dont les deux plus importants, par le volume de crédits, sont pilotés, l'un, par le ministère chargé de l'économie et, l'autre, par le ministère des affaires étrangères. Le troisième programme relève du ministère chargé de l'immigration, c'est-à-dire, à présent, du ministère de l'Intérieur.
Je m'en tiendrai ici à des observations de portée générale, renvoyant pour le détail à mon rapport écrit.
Une modification de périmètre clarifie la répartition des crédits gérés par le ministère des affaires étrangère entre la mission « Aide publique au développement » et la mission « Action extérieure de l'Etat », répartition jusqu'à présent peu lisible. En conséquence de ce changement, l'essentiel des crédits de la coopération culturelle - les bourses, ainsi que le fonctionnement des services de coopération et d'action culturelle et des établissements culturels - relèvera désormais du rapport de notre collègue Adrien Gouteyron.
Sur le fond, le projet de loi de finances prévoit, pour la mission « Aide publique au développement », 4,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 3,4 milliards en crédits de paiement (CP). Cette dotation représente 47 % des CP du budget général prévus pour 2011 qui seront comptabilisables en aide publique au développement - soit 7,1 milliards d'euros au total. La politique transversale de l'aide au développement, en effet, repose, à titre principal, sur quatorze programmes et sept missions du budget général. Ainsi, la mission « Recherche et enseignement supérieur » devrait contribuer à cette politique, l'année prochaine, à hauteur de 965 millions d'euros, dont 669 millions d'euros au titre de l'écolage des étudiants en France ressortissants des pays en développement.
Mais la mission « Aide publique au développement » ne représente, elle, que 35 % du total de l'aide publique au développement française estimée pour 2011. Le reste de l'effort national en la matière proviendra, outre les crédits du budget général, des crédits hors budget général, que va présenter Edmond Hervé ; d'opérations de traitement de dettes des pays pauvres qui n'ont pas directement d'impact budgétaire ; de la coopération décentralisée des collectivités territoriales - 70 millions d'euros en 2009 ; enfin, du produit de la contribution de solidarité sur les billets d'avion - 170 millions l'année dernière.
Par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale pour 2010, on constate une forte hausse des autorisations d'engagement (+ 59 %). Cette hausse tient au hasard du calendrier de la reconstitution des fonds multilatéraux auxquels la France contribue. En particulier, la reconstitution triennale du capital de l'Association internationale de développement, fonds de la Banque mondiale, justifie l'ouverture de 1,2 milliard d'euros.
Les crédits de paiement de la mission, en revanche, sont quasiment constants, d'un exercice à l'autre ; et la programmation pour 2011-2013 assure cette stabilité sur l'ensemble de la période, notamment en faveur du programme géré par le ministère des affaires étrangères. Ce dernier point est important, car ce programme concentre la part de l'aide la plus visible, pour les populations bénéficiaires, notamment les dons-projets mis en oeuvre par l'Agence française de développement (AFD). L'orientation budgétaire ainsi retenue témoigne de la priorité que le Gouvernement a choisi de donner à la politique d'aide au développement ; le rapporteur spécial ne peut que s'en réjouir.
Les dépenses de personnel de la mission, qui sont d'ailleurs exclusivement relatives au programme du ministère des affaires étrangères, s'élèvent pour 2011 à 221 millions d'euros. Le plafond d'autorisations d'emplois correspondant est fixé à 2 517 équivalents temps plein travaillé, soit par rapport au plafond autorisé pour 2010, à périmètre constant, une diminution de 1,75 %. Cette évolution confirme les efforts précédents de réduction des effectifs du programme mis en oeuvre par le ministère.
Enfin, deux catégories de dépenses fiscales se trouvent rattachées à la mission. Il s'agit d'une part, du prélèvement libératoire à taux réduit sur les produits de placement dans le cadre d'un mécanisme d'épargne solidaire et, d'autre part, de la réduction d'impôt sur le revenu au titre des sommes épargnées sur un compte épargne « co-développement ». Mais ces dépenses fiscales devraient être proches de zéro, l'année prochaine comme les années antérieures, faute de souscripteurs pour les dispositifs en cause. En effet, le compte épargne et le livret d'épargne « co-développement » ont été conçus pour un public « cible » qui, dans les faits, ne dispose pas de l'épargne nécessaire. L'utilité du maintien de ces instruments financiers est donc douteuse. Quant à l'abrogation de niches fiscales toutes théoriques, elle ne servirait pas à grand chose dans la perspective de réduire le déficit budgétaire.
M. Jean Arthuis, président. - La commission des finances s'est beaucoup investie dans la réflexion sur le projet d'accord cadre, notamment en organisant deux auditions conjointes avec la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
J'observe que la France entend maintenir son niveau d'aide publique au développement, même s'il est inférieur à ses engagements.
M. Edmond Hervé, rapporteur spécial. - Le compte spécial « Accords monétaires internationaux » concerne les accords qui nous lient à quinze pays de la zone franc. Comme les trois années précédentes, il n'est doté d'aucun crédit pour 2011, le Trésor estimant que les réserves détenues par les banques centrales de cette zone sont confortables. Mais cet équilibre monétaire ne saurait cacher la chute des cours des matières premières, ni la progression des dépenses de ces pays et leurs difficultés à exporter du fait de la valorisation de l'euro par rapport au dollar.
Le compte spécial « Prêts à des Etats étrangers » concerne les prêts pratiqués par la France en faveur de l'aide au développement et, depuis mai 2010, dans le cadre du soutien financier décidé par les Etats membres de la zone euro, en faveur de la Grèce. Il est doté de 936 millions d'euros en AE et de 6,881 milliards en CP, dont 6,143 milliards de CP au titre du prêt à la Grèce. Ce compte sera déficitaire de plus de 6,236 milliards, en 2011, du fait ce dernier prêt. Il est organisé en quatre sections, dont les dépenses sont retracées par autant de programmes.
Le premier programme vise les prêts consentis à des pays émergents pour le financement d'infrastructures dont la réalisation doit faire appel à des biens et services français. À ce titre, sont prévus 400 millions d'euros en AE et 350 millions d'euros en CP. Ces crédits concernent notamment la ligne à grande vitesse du Maroc, le tramway de Rabat, les métros du Caire et de Hanoï et des projets concernant l'eau et l'environnement en Arménie, en Mongolie ou au Pakistan par exemple. Par rapport à 2010, les crédits de paiement augmentent de 50 millions, mais on peut s'interroger sur la modestie de la présence de nos industries dans ces pays. Je ne comprends pas pourquoi la coopération décentralisée pratiquée par nos collectivités locales, en matière d'urbanisme ou de transport, n'entraîne pas davantage, dans son sillage, les entreprises françaises dans ces pays...
Le deuxième programme (156 millions d'euros en AE et en CP) concerne la consolidation de la dette des pays en développement et s'exerce tant dans le cadre multilatéral du Club de Paris que sur un fondement bilatéral.
Je précise qu'à la fin de 2009, les remises de dettes accordées par notre pays dans le cadre multilatéral avaient atteint plus de 14 milliards d'euros, la France étant le premier contributeur du Club de Paris. En 2011 et 2012, devraient être traitées les créances françaises sur la Côte d'Ivoire, la République démocratique du Congo et le Soudan.
Au niveau bilatéral, fin 2009, les remises atteignaient plus d'un milliard d'euros. Ces allègements se traduisent soit par une annulation intégrale, soit par des dons qui prennent la forme de « contrats de désendettement et de développement ». À l'issue du premier semestre de 2010, onze pays bénéficiaient de tels contrats. Le coût du dispositif pourrait être de 198 millions en 2011. Les sommes versées par la France sont affectées à des secteurs bien définis : santé, éducation, agriculture, environnement, lutte contre la pauvreté ou infrastructures.
L'article 37 du projet de loi de finances relève à 18,7 milliards et 2,65 milliards d'euros les plafonds respectifs des annulations multilatérales et bilatérales. J'appelle votre attention sur les lourds enjeux économiques et humains qui s'attachent à ces opérations et sur le sort souvent dramatique qu'endure la population des pays concernés. Un million de personnes à travers le monde ne mangent pas à leur faim. Les causes sont à rechercher dans l'inégale répartition des matières premières agricoles, dans l'absence d'infrastructures de transport et dans la variation incessante des cours des céréales et du pétrole.
Le troisième programme est relatif aux prêts de l'Etat à l'AFD, pour lesquels sont prévus 380 millions d'euros en AE et 232 millions en CP. Les prêts très concessionnels et contracycliques de l'Agence, qui permettent d'adapter les remboursements aux circonstances économiques, sont maintenus.
Enfin, 6,143 milliards d'euros de CP sont prévus pour le quatrième programme, visant le prêt à la Grèce, dont l'engagement a été décidé par la loi de finances rectificative du 7 mai 2010. Pour 2010, le montant de CP consommés à ce titre devrait atteindre 5,825 milliards d'euros, soit un dépassement de 1,925 milliard par rapport à la prévision inscrite dans la loi de finances rectificative précitée, sans que cela remette en cause le niveau global de l'engagement de notre pays.
J'en viens au nouveau compte d'affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », que crée le projet de loi de finances afin de permettre à la France de respecter ses engagements pris lors de la conférence de Copenhague. Pour le climat en général, la quote-part de notre pays s'élève à 1,26 milliard d'euros. Cette aide se concrétisera par le canal multilatéral et le canal bilatéral. En ce qui concerne le volet « lutte contre les déforestations », cet engagement représente 250 millions d'euros. Le Gouvernement se propose de couvrir 150 millions, entre 2010 et 2012, par la vente d'une partie des quotas d'émission de gaz à effet de serre nationaux. La France est en effet un « bon élève » en la matière, grâce à sa maîtrise des rejets de ces gaz : on rejette annuellement en France six tonnes de dioxyde de carbone par habitant contre quinze aux Etats-Unis et dix en Allemagne.
Par ailleurs, je m'associe aux propos d'Yvon Collin en ce qui concerne la nécessité de mieux définir et de clarifier le périmètre de l'aide française au développement. La situation est sur le point de s'améliorer avec la départementalisation de Mayotte, mais je persiste à penser que l'aide aux étudiants étrangers ne relève pas de ces crédits, mais du budget du commerce extérieur. Il faut aussi distinguer entre les crédits de solidarité et ceux qui sont de nature économique et commerciale. Enfin, s'agissant des critiques parues dans la presse sur notre aide au développement, je souhaite, avec votre permission Monsieur le Président, aborder la question en séance.
M. Jean Arthuis, président. - La nouveauté, dans ces crédits, c'est l'engagement de la France dans le plan de soutien à la Grèce. Je ne suis d'ailleurs pas sûr que celui-ci suffise à régler les difficultés. Et d'autres pays de l'Union sont confrontés à de fortes tensions...
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis de la commission de la culture. -La commission de la culture plaide pour le rattachement des crédits de la francophonie à la mission « Action extérieure de l'Etat ». En effet, le programme de l'Organisation internationale de la francophonie ne s'adresse pas seulement aux pays en développement mais, de plus en plus, aux pays de l'Europe de l'Est et aux grandes organisations internationales. Par souci de sincérité budgétaire et de modernité, je défendrai en séance publique cette position unanime de notre commission.
M. Jean Arthuis, président. - Il sera intéressant d'avoir, sur ce sujet, l'avis du nouveau ministre de la coopération, notre ancien collègue Henri de Raincourt. Peut-être les crédits de la francophonie permettent-ils d'arrondir ceux de l'aide publique au développement !
M. André Vantomme, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. - Il y a, dans le budget de l'aide publique au développement pour 2011, des éléments de satisfaction et des éléments qui peuvent susciter la curiosité, voire l'inquiétude.
Dans les éléments de satisfaction, je note d'abord, comme le rapporteur spécial, la préservation du niveau de ce budget dans un contexte de restriction budgétaire. Une autre satisfaction tient au rééquilibrage opéré entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale : ces deux canaux de notre coopération ont leur légitimité, et chacun a son efficacité, mais l'accroissement de l'aide multilatérale s'est effectué au détriment de notre coopération bilatérale dans des proportions regrettables. Le projet de loi de finances pour 2011 et la programmation budgétaire pour 2011-2013 marquent un léger infléchissement en la matière. Grâce à une économie faite, d'une part, sur le FED et, d'autre part, sur notre contribution à la Banque mondiale, les crédits de l'aide bilatérale sont légèrement augmentés.
Les éléments d'inquiétude concernent d'abord les engagements internationaux de la France. La programmation budgétaire ne permettra pas à la France d'atteindre l'objectif de 0,7 % de la richesse nationale consacrée à l'aide publique au développement en 2015, surtout si l'on prolonge de 2013 à 2015 les tendances actuelles. D'ailleurs, dès 2012, notre effort d'aide risque de baisser. La fin d'une vague d'annulations de dettes et le début du remboursement des très nombreux prêts consentis ces dernières années vont mécaniquement diminuer l'aide française. De ce point de vue, nos administrations n'ont pas intérêt à accroître les prêts dans le seul but d'augmenter cette aide car, s'ils sont comptabilisés lors de leur engagement, ils sont soustraits de l'aide lors du remboursement. Pour faire de l'aide au développement nette par des prêts, il faut toujours prêter plus qu'on ne nous rembourse et, à long terme, c'est bien sûr insoutenable.
Nous n'atteindrons donc pas 0,7 %, et cela met en cause la crédibilité de la parole de la France, nos responsables politiques continuant à déclarer que nous serons au rendez-vous. C'est un problème parce que des pays comme le Royaume-Uni, qui ont adopté une stratégie de long terme, déclarent, eux, qu'ils atteindront l'objectif, alors même que, d'une part, ils ne font que des dons et, d'autre part, ils ont adopté une politique de restriction budgétaire particulièrement sévère.
Un deuxième sujet de préoccupation concerne l'engagement de la France d'augmenter de 20 % et de porter à 360 millions d'euros sa participation au Fonds mondial de lutte contre le sida. Cet engagement n'est pas budgété ; on évoque la possibilité de recourir à la taxe sur les billets d'avion, qui finance actuellement la Facilité internationale d'achats des médicaments (UNITAID). Or, aujourd'hui, le produit de cette taxe diminue du fait de la diminution du trafic. Prélever sur ce produit, ce qui consiste à « déshabiller Paul pour habiller Pierre », c'est donc créer une incertitude sur le financement.
Par ailleurs, la mortalité infantile est une de nos priorités affichées or, selon l'Organisation mondiale de la santé, d'autres maladies que le sida, telles que la diarrhée et la pneumonie, sont des causes beaucoup plus meurtrières. Une diversification des objectifs eût été préférable à cette concentration des moyens sur un fonds certes utile, certes visible, mais déjà bien pourvu.
Un autre sujet de curiosité concerne la globalisation des lignes budgétaires relatives à l'AFD, aux organisations non gouvernementales (ONG) et au Fonds de solidarité prioritaire. On n'a plus qu'une ligne budgétaire alors même que l'aide au Pakistan et à l'Afghanistan d'un côté, et celle à Haïti d'un autre côté, font l'objet de lignes distinctes. Il serait préférable que les arbitrages soient faits avant le vote de la loi de finances, de sorte que le Parlement puisse se prononcer sur la répartition et non sur un montant global.
Un dernier sujet concerne les fonds consacrés à la préservation des biens publics mondiaux en général et à la préservation de la biodiversité en particulier. Un nouveau compte d'affectation spéciale, grâce aux produits de la vente des quotas carbone de la France, va permettre de financer des projets relatifs à la déforestation. J'observe qu'à Copenhague, il a été prévu que les financements de la lutte contre le réchauffement climatique seraient additionnels, par rapport à ceux consacrés au développement, la crainte des pays en développement étant que ces financements soient prélevés sur ceux bénéficiant à la lutte contre la pauvreté. Or les crédits du nouveau compte d'affectation spéciale sont comptabilisés dans notre effort global en faveur du développement...
Pour finir, je propose aux rapporteurs spéciaux de s'associer à une demande au nouveau ministre de la coopération, visant à entreprendre la révision du document de politique transversale (DPT), qui accompagne le projet de loi de finances et retrace l'ensemble des financements concourant à notre aide au développement.
Le projet annuel de performances de la mission « Aide au développement » ne retrace que 35 % de cet effort, le DPT est donc essentiel pour avoir une vue d'ensemble. Or, aujourd'hui, ce document n'est pas satisfaisant. Si M. de Raincourt souhaite vérifier la répartition géographique de nos interventions, l'équilibre entre subventions et prêts ou la concentration de nos engagements en Afrique subsaharienne, il ne les trouvera pas dans ce document. Sur environ quatre-vingt dix pages, il y en a soixante pour décrire les vingt-six programmes qui concourent à l'aide au développement, et une vingtaine, en annexe, dont deux ou trois seulement contiennent des informations pertinentes. Nous pourrions ensemble demander au Gouvernement une refonte de ce document, pour qu'il permette aux parlementaires de disposer de l'information utile.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Je souscris naturellement à cette idée. Le DPT doit être plus clair et plus précis sur la réalité et la nature de l'aide publique au développement apportée par notre pays. Je souscris également à la proposition de la commission de la culture relative au rattachement budgétaire des crédits de la francophonie.
M. Jean Arthuis, président. - À combien s'élèvent ces crédits ?
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. - Nous nous efforçons d'en obtenir une vision précise, ce qui n'est pas aisé du faite de leur nature interministérielle. Ils représentent environ 900 millions d'euros au total, répartis sur différentes lignes budgétaires.
M. François Fortassin. - Lorsque la France accorde des dons ou des prêts, quelles sont les retombées concrètes, sur le terrain ? Il semble qu'il y ait beaucoup de pertes en cours de route... Songez, il est vrai, qu'on dénombre environ 4 500 ONG dans la seule région parisienne !
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Les rapporteurs spéciaux procèdent à des contrôles sur pièces et sur place pour mesurer l'efficacité de nos aides. Récemment, ainsi, je me suis rendu en Tunisie ; les fonds et prêts m'y ont paru bien employés. Par exemple, il s'agissait de restructurer des quartiers populaires, en apportant l'assainissement, l'eau, l'électricité. Peut-on généraliser cette bonne impression ? Pour que notre institution puisse constater sur place ce qu'il en est, il nous faut du temps. En tout cas, en Tunisie, j'ai vu des équipes et une ambassade motivées.
M. Jean Arthuis, président. - Et les entreprises tunisiennes ?
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - Les appels d'offre se font selon les règles et nous n'avons pas constaté de pertes en ligne. Mais la Tunisie constitue sans doute un pays particulièrement fiable.
M. François Fortassin. - Mais, souvent, davantage de crédits sont affectés au fonctionnement qu'aux réalisations sur le terrain...
M. Edmond Hervé, rapporteur spécial. - Il est du devoir de nos ambassades d'étudier sur place l'utilisation de nos dons et prêts. On ne peut demander aux parlementaires de faire ce travail.
Par ailleurs, le périmètre de l'aide au développement est réduit mais, si on y ajoute toutes les coopérations des collectivités locales et l'affectation de fonctionnaires dans les pays en développement, on parvient à un total qui va bien au-delà des crédits considérés.
J'ajoute que le premier impératif de toute coopération décentralisée, c'est d'en prévenir nos ambassadeurs, dont l'un des rôles consiste à recevoir ceux de nos compatriotes qui interviennent dans ces pays.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. - En Tunisie, j'ai demandé si la population connaissait le rôle de la France dans ces opérations. Nos ambassades devraient faire un effort de communication en ce domaine, pour mieux affirmer la présence de notre pays.
Toutes les opérations d'aide française au développement sont validées par les ambassadeurs, mais j'ai l'impression que, dans l'exécution, ces affaires leur échappent.
M. André Vantomme, rapporteur pour avis. - Il est vrai qu'il y a beaucoup d'ONG, mais leur champ d'action est fort vaste. Il faut rendre hommage à leur travail car, dans certains pays, les structures étatiques sont faibles, voire « douteuses » et, dans ces cas-là, les ONG représentent une garantie. Même si elles sont perfectibles, on ne peut nier leur utilité.
M. Jean Arthuis, président. - La dépense fiscale attachée à l'épargne solidaire et au compte épargne « co-développement » est quasi nulle, faute de contributeurs. Dans ces conditions, je propose que la commission présente un amendement, dans le cadre des articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances, pour abroger ces dispositions.
A l'issue de ce débat, après avoir pris acte de l'absence de crédits inscrits dans le compte spécial « Accords monétaires internationaux », la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Aide publique au développement » et des comptes spéciaux « Prêts à des Etats étrangers » et « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
Loi de finances pour 2011 - Mission Direction de l'action du Gouvernement - Examen du rapport spécial
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Yves Krattinger, rapporteur spécial, sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. - La mission « Direction de l'action du Gouvernement » est de nature si variée qu'il est difficile, à première vue, d'en définir la politique, au sens de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Elle rassemble, en effet, d'une part, des services administratifs participant à la fonction d'état-major et d'autre part, des autorités administratives indépendantes (AAI) promouvant la protection des droits et libertés. Les premiers regroupent plus de 81 % des crédits pour un montant d'un peu plus d'un milliard d'euros en crédits de paiement en 2011, contre 91 millions pour les AAI.
La seconde constatation, outre le caractère très hétérogène des entités que la mission rassemble, c'est la constante évolution de son périmètre, au gré des réformes. La maquette a en effet à nouveau été modifiée en 2011. Ainsi après avoir accueilli les crédits de la Présidence française de l'Union européenne, elle compte un nouveau programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées ». Placé sous la responsabilité du secrétaire général du Gouvernement, ce programme met en oeuvre la réforme relative à la nouvelle architecture de l'administration territoriale de l'État, afin de simplifier le fonctionnement des nouvelles directions départementales interministérielles (DDI). Il regroupe aussi les crédits immobiliers non seulement des nouvelles DDI, mais aussi des directions régionales des ministères concernés par ces DDI, des préfectures et de certains services de l'éducation nationale, tout cela dans un souci de rationalisation des dépenses.
Avec le programme 333, le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » fédère un certain nombre d'entités autour de la fonction d'état major, de stratégie et de prospective. Le périmètre de ce dernier est également élargi à la suite, notamment, du rattachement des crédits et des emplois destinés à la rémunération des membres du ministère chargé des relations avec le Parlement, du Commissaire général à l'investissement ou encore de l'Académie du renseignement.
Quant au programme 308 « Protection des droits et libertés », il accueille un nouveau venu, « le Défenseur des droits des enfants », dans l'attente de la mise en place du Défenseur des droits. Le projet de loi organique, après examen du Sénat, a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en juin dernier.
Les crédits du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » progressent de près d'un quart par rapport à 2010, en raison de l'extension du champ d'intervention du programme. Cette hausse est essentiellement imputable à l'action « administration territoriale » à laquelle est rattachée la rémunération des directeurs départementaux interministériels. Les crédits du programme 129 en faveur de la « Coordination de la sécurité et de la défense » croissent également en réponse à la montée en puissance de l'Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information en charge de la veille face à la « cyber menace ».
Je déplore néanmoins qu'en période de restriction budgétaire, l'exigence d'effort de rationalisation des dépenses de fonctionnement n'ait pas été répercutée sur l'ensemble des services du premier ministre. En effet, je m'étonne d'une augmentation des crédits destinés au sondage d'opinions de 10,2 %, pour un montant de crédits de 4,3 millions d'euros au bénéfice du service d'information du Gouvernement (SIG). Je suis perplexe d'une manière générale sur le montant d'un budget de communication aussi important, de l'ordre 19,7 millions d'euros. Les réponses au questionnaire ne m'ont pas paru suffisamment documentées pour déterminer la finalité et l'utilisation de la dotation budgétaire.
En revanche, les crédits de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ont été réduits de près de 20 %. C'est regrettable.
Quant au programme 308, il rassemble douze AAI différentes, en matière de protection des libertés dont la CNIL (15,8 millions d'euros en crédits de paiement), la HALDE ( 13 millions d'euros ), le Médiateur de la République ( 12,7 millions d'euros ), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ( 4 millions d'euros ), le CSA ( 38,2 millions d'euros ) et le Défenseur des enfants ( 3,1 millions d'euros ). Ce programme voit ses crédits de paiement augmenter globalement de 2,6 % en 2011. En effet, le renfort des effectifs des différentes autorités se poursuit en 2011, conduisant même à une hausse globale des crédits de personnel de 6,33 %. En revanche, les dotations de fonctionnement du programme 308 sont en moyenne réduites de 1,16 %, conformément à l'objectif de réduction de la dépense publique.
Je tiens tout particulièrement à saluer la gestion rigoureuse du Médiateur de la République qui parvient à optimiser ses moyens tout en renforçant son action. Il constitue un exemple que chaque AAI devrait suivre. Tout en reconnaissant que la plupart d'entre elles ont été ces dernières années confrontées à une augmentation des réclamations à traiter, leur gestion doit avoir pour objectif, a fortiori, de toujours progresser davantage en efficience.
Cette remarque nous conduit naturellement à débattre de la question de « l'État locataire » parfois dispendieux, que notre collègue Nicole Bricq a fort justement développée dans son rapport d'information. Là encore, nous avons « les bons et les moins bons élèves ». Le Médiateur de la République et le CSA sont parvenus à renégocier leur contrat de bail alors que la HALDE a échoué en dépit de réels efforts. La Haute Autorité se trouve captive d'un contrat qu'elle n'a pas négocié. Ce constat m'amène à espérer qu'outre le grand centre du gouvernement promis pour 2015, avenue de Ségur, dans le quinzième arrondissement de Paris, des règles de pilotage de la gestion de l'hébergement des services du Premier ministre et des Autorités administratives indépendantes seront clairement définies afin de réduire les coûts des implantations. Ce pilotage ne devrait pas se contenter de vérifier les conditions financières des baux mais conduire à l'élaboration de « clauses contractuelles type » communes à l'ensemble des baux afin de prendre en compte la nature particulière de services publics des autorités hébergées.
Sous le bénéfice de ces observations je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
M. Jean Arthuis, Président. - Merci pour cette présentation. Ces crédits concernent le précédent gouvernement, mais je ne pense pas qu'il y ait lieu de s'attendre à des modifications considérables pour le gouvernement qui vient d'être désigné.
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. - En effet.
Mme Michèle André. - Le Défenseur des droits devrait bientôt remplacer le Médiateur, la HALDE et la commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS). Comment la nouvelle entité s'organisera-t-elle et où sera-t-elle installée ?
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. - Malgré les questions envoyées, je n'ai pas eu de réponse.
M. Jean Arthuis, Président. - Moi non plus.
Mme Michèle André. - Il ne s'agit pas seulement des locaux, mais aussi des personnes : le Médiateur a été nommé au Conseil économique, social et environnemental ; la présidente de la HALDE est arrivée au Gouvernement.
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. - La nécessité de rationaliser l'hébergement est manifeste, car des baux quelque peu irréfléchis ont été signés en 2003 et 2004. J'ignore les modalités du regroupement au sein du futur grand centre du gouvernement. À ma connaissance, les arbitrages n'ont pas encore été rendus.
M. Jean Arthuis, Président. - Ils sont en cours de préparation. Cette affaire me fait penser au rapprochement du Centre nationale des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) et du Centre français pour l'accueil et les échanges internationaux (EGIDE), dont l'audition conjointe par la commission des finances a été un grand moment qui a montré que leur coordination était perfectible...
Madame André, vous cherchez sans doute une raison supplémentaire de voter les crédits ?
Mme Michèle André. - Je suivrai sans doute le rapporteur spécial.
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. - Je souhaite seulement insister sur le fait que si certaines AAI ont échoué dans la renégociation des loyers, c'est principalement parce qu'elles sont captives des clauses contractuelles du bail.
Nous avons demandé aux autorités administratives de quantifier leurs interventions. En ce domaine, les progrès observés sont réels. Comme elles sont de plus en plus sollicitées, il faudra leur attribuer plus de personnel, sauf à ne jamais résorber les stocks. Les indicateurs de performance sont bien plus présentables qu'il y a un ou deux ans. Il fallait ainsi plus d'une année à la CNIL pour accuser réception d'une demande ; ce processus est aujourd'hui très rapide. À mon sens, il faut maintenir la pression.
M. Jean Arthuis, Président. - L'an dernier, nous avions longuement évoqué le loyer du Médiateur.
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. - Aujourd'hui, sa gestion est exemplaire.
Mes questions sur la communication gouvernementale sont restées sans réponse, notamment pour ce qui est des sondages. Nous pourrions insister sur ce point.
M. François Fortassin. - Qui répondra ?
M. Jean Arthuis, Président. - Le Premier ministre. Il est malaisé d'appréhender l'opinion publique à travers des sondages... Je souhaite pouvoir bénéficier d'une présentation consolidée des frais exposés par le Gouvernement en matière de sondages.
Mme Nicole Bricq . - On ne gouverne pas avec les sondages ! Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli ont d'ailleurs cosigné un rapport intéressant sur ce sujet.
Nos concitoyens doivent savoir que toute nouvelle autorité indépendante veut s'établir loin du ministère, mais dans les meilleures conditions possibles. Un plafond a été fixé : douze mètres carrés par personne, pour un loyer n'excédant pas 430 euros du mètre carré.
M. Yves Krattinger, rapporteur spécial. - Certes, mais le Contrôleur des lieux de privation de liberté est le seul à ne pas atteindre le niveau maximal de 400 euros, parce qu'il s'est installé dans le dix-neuvième arrondissement de Paris.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
Loi de finances pour 2011 - Mission Remboursements et dégrèvements - Examen du rapport spécial
Puis la commission examine le rapport de Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale, sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».
Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale. - Nous abordons un sujet d'une toute autre dimension financière, puisque 82 milliards d'euros sont demandés au titre de cette mission, la première du budget général. Elle échappe à la norme « zéro volume», car ces crédits répondent essentiellement à une logique de recettes.
Sur une longue période, les dégrèvements et remboursements représentent une part croissante des recettes fiscales brutes, attestant la place grandissante des dépenses fiscales. Pour 2011 toutefois, on observe un recul de 13 %, expliqué par la dissipation des effets du plan de relance, mais aussi par l'impact de la réforme de la taxe professionnelle.
Je commencerai mon analyse par les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État.
Les montants liés à l'impôt sur le revenu avoisinent 7,4 milliards d'euros en 2011, dont 2,6 milliards concernent la partie restituée de la prime pour l'emploi (PPE). La baisse de 200 millions constatée à ce titre s'explique essentiellement par la montée en puissance plus lente que prévu du revenu de solidarité active - complément d'activité, qui s'impute sur la PPE, mais aussi par l'aménagement du crédit d'impôt « Développement durable ». Le taux de ce crédit d'impôt passera de 50 % à 25 % pour les équipements d'électricité photovoltaïque. Mon rapport relève que cette dépense fiscale a présenté un coût croissant très mal anticipé. Une première analyse du dispositif devrait être disponible avant la fin du premier semestre 2011. Je souhaite que l'on examine à cette occasion l'opportunité de concentrer l'avantage fiscal sur les foyers les plus modestes.
Les remboursements et dégrèvements associés à l'impôt sur les sociétés diminueront de 4,8 milliards d'euros, soit 27,9 % du montant révisé pour 2010. Cette réduction résulte de deux causes : la fin de la restitution anticipée des créances non imputées du crédit d'impôt recherche et l'amélioration attendue du bénéfice des entreprises en 2010, selon les estimations gouvernementales.
En très légère progression de 800 millions d'euros, les remboursements et dégrèvements de TVA s'élèvent à 44,4 milliards, en raison d'une reprise lente du crédit et de la moindre propension des entreprises à demander des remboursements, vu l'amélioration de leur trésorerie.
Enfin, le coût du bouclier fiscal devrait baisser de 5 %, pour s'établir à 665 millions d'euros, car les revenus distribués, notamment les dividendes, seront désormais intégrés pour leur montant brut avant abattement. A la veille d'une refonte globale de la fiscalité patrimoniale, une meilleure connaissance des bénéficiaires demeurant nécessaire. Je poursuivrai donc les travaux de contrôle initiés, en 2010, sur ce thème, afin de rapporter devant la commission au premier semestre de l'année prochaine.
J'en viens aux remboursements et dégrèvements d'impôts locaux.
La réduction de 4,8 milliards par rapport à 2010, soit 30,2 %, est principalement imputable à la réforme de la taxe professionnelle, qui se traduit par une diminution notable du dégrèvement lié au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée, non totalement compensée par la création du dégrèvement en fonction du barème de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
En raison de sa politique fiscale, l'État demeure le premier contribuable local, en acquittant un cinquième du produit des principaux impôts locaux - ce que les collectivités territoriales n'ont jamais demandé.
Sous le bénéfice de ces observations, j'invite à adopter sans modification les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », qui retranscrit pour une large part les conséquences des décisions prises dans le cadre d'autres missions. À titre personnel, je m'abstiendrai, car je désapprouve la politique suivie.
M. Jean Arthuis, Président. - Je rends hommage à votre engagement. Nous examinons ici la traduction budgétaire de la mécanique fiscale ou de la dépense fiscale.
Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale. - Il m'a parfois été difficile d'obtenir les informations nécessaires, car il faut souvent croiser plusieurs documents budgétaires. Cela ne favorise pas la bonne information des parlementaires.
Mme Nicole Bricq. - Je ne reviens pas sur l'analyse technique exposée page 17 du projet de rapport, mais je note ce que vous écrivez à propos des justifications fournies pour 2011 : vous estimez qu'elles ne permettent pas d'y voir très clair. Dans ces conditions, comment fonder son opinion ?
Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale. - L'information dont dispose l'administration ne permet pas de rattacher un remboursement et dégrèvement à une dépense fiscale. Nous sommes frustrés, c'est le terme !
Mme Nicole Bricq. - Comment s'opère l'arbitrage entre RSA et PPE ?
Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale. - Le RSA « Complément d'activité » est considéré comme un acompte non remboursable à valoir sur la PPE.
M. Jean Arthuis, Président. - La PPE est un crédit d'impôt. Le RSA est versé par les caisses d'allocations familiales, qui transmettent une partie de la facture aux conseils généraux et l'autre à l'État.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».
Loi de finances pour 2011 - Mission Culture (et article 68 quater) - Examen du rapport spécial - Contrôle budgétaire du département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines - Communication
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Yann Gaillard, rapporteur spécial, sur la mission « Culture » et l'article 68 quater du projet de loi de finances pour 2011 et entend une communication du rapporteur spécial sur le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM).
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. -Les autorisations d'engagement sont demandées à hauteur de 2,7 milliards d'euros, pour des crédits de paiement atteignant 2,67 milliards. La dualité du ministère explique l'intervention de deux rapporteurs spéciaux : votre serviteur pour la culture, Claude Belot pour la communication. La maquette est profondément remaniée cette année, puisque les crédits du livre rejoignent la mission « Médias, livres et industries culturelles ». Certes, le ministère met ainsi fin à l'éparpillement budgétaire de la politique du livre, mais cette présentation exprime aussi les progrès toujours plus avérés de la numérisation de tous les contenus culturels, qui aurait pu conduire à la fusion pure et simple des missions « Culture » et « Médias ». Cette évolution aura aussi des conséquences fiscales.
M. Jean Arthuis, Président. - En effet, pour la TVA.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Les éditeurs demandent que le livre numérique et sa version imprimée soient soumis au même taux de TVA.
M. Jean Arthuis, Président. - Le danger est de voir tous les opérateurs du livre numérique s'installer au Luxembourg.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Liseur classique, je n'ai plus qu'à verser des larmes...
Toujours au titre de la maquette, les crédits de personnel sont regroupés sur l'action « Fonctions de soutien » du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », ce qui est probablement commode pour les gestionnaires, mais nous éloigne encore du schéma de la LOLF.
On a longuement débattu pour savoir si les crédits augmentaient ou diminuaient. Le ministère présente une hausse en valeur de 1,1 % avant transferts. Je me réfère à l'évolution en volume, qui fait apparaître une baisse de 0,6 % avant transferts et de 1,3 % après transferts. Cette évolution atteste la nécessité pour le ministère de financer ses priorités dans un contexte budgétaire contraint, rendant dérisoires les querelles sur l'augmentation ou la diminution des budgets.
Indicateur de la soutenabilité budgétaire des politiques culturelles, le montant des autorisations d'engagement non couvertes par des crédits de paiement augmente de 34 % en deux ans, passant de 851 à 1 140 millions d'euros. Les lourdes opérations de travaux, souvent pluriannuelles, accroissent l'inertie des dépenses.
J'achèverai ces observations générales par quelques mots sur le budget triennal 2011 - 2013. Les crédits destinés aux monuments historiques et aux musées diminueront ; les subventions de fonctionnement versées aux opérateurs du spectacle vivant et des arts plastiques ne seront pas revalorisés ; le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » verra seul ses crédits augmenter en valeur pour absorber la hausse des pensions de retraite, alors que les dépenses de fonctionnement subiront une forte diminution.
J'en viens à quelques observations par programme.
Avec 848 millions d'autorisations d'engagement et 868 millions de crédits de paiement, le programme « Patrimoines » enregistre un léger recul des crédits destinés au patrimoine monumental, alors que les musées territoriaux et les chantiers d'envergure nationale bénéficieront d'un effort substantiel.
Comme vous le savez, les jeunes de 18 à 25 ans peuvent visiter gratuitement certains musées et monuments, les pertes de recettes étant compensées par des transferts budgétaires en provenance de la mission. Il apparaît aujourd'hui que certains musées ou monuments ont bénéficié de surcompensations, pour un total de 3,7 millions d'euros. Bien que limité, ce phénomène atteste un pilotage et un contrôle insuffisant du dispositif.
Thème récurrent de ce budget, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap)...
M. Jean Arthuis, Président. - On n'en sort pas !
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - ... subit une crise inédite de trésorerie. L'inefficience de son financement est ainsi avérée. Une refonte globale de la redevance d'archéologie préventive est attendue, sur la base du rapport remis le 18 octobre par l'inspection générale des finances. Monsieur le Président, merci d'avoir demandé au ministre de transmettre ce rapport dont j'attends avec impatience la teneur et la traduction opérationnelle.
Pour le programme « Création », 753 millions d'euros sont demandés en autorisation d'engagement et 737 millions en crédits de paiement. Je note la stabilisation des concours au spectacle vivant, dans le prolongement des Entretiens de Valois. De grands chantiers sont engagés, mais avec des fortunes diverses : les travaux sur les espaces intérieurs du palais de Tokyo s'ouvrent au moment où le chantier de la Philharmonie de Paris est arrêté faute de crédits de paiement. Une cacophonie interministérielle semble être à l'origine de ce retard, mais je ne dispose pas, pour l'heure, d'une explication convaincante. Nous y reviendrons en séance, car, pendant que le Gouvernement tergiverse, le trou censé recueillir les fondations se remplit d'eau. Les premières parois de béton pourraient également subir le gel hivernal.
Enfin, le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » devrait bénéficier de 1,1 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Le soutien aux établissements d'enseignement supérieur et aux établissements spécialisés est maintenu, mais les crédits de fonctionnement courant du ministère diminuent de 5 %. Je salue cet effort, conforme aux engagements gouvernementaux. En visitant les conservatoires de Paris et de Lyon, nous avons rencontré un corps enseignant passionné par sa mission.
Globalement, la diminution des effectifs de la mission se traduit par la quasi-stabilisation en valeur de sa masse salariale. Néanmoins, la nouvelle grille dont bénéficieront les agents non titulaires coûtera 4,2 millions d'euros pendant la période triennale. Son extension aux opérateurs pourrait susciter des tensions sur leur budget. Un suivi attentif s'impose donc.
J'en viens à l'article 68 quater, rattaché à la mission « Culture ».
Introduit par l'Assemblée nationale, cet article demande au Gouvernement de remettre, avant le 30 juin 2011, un rapport sur la gestion des ressources humaines dans les musées. Ayant constaté, via l'enquête diligentée par la Cour des comptes sur le Centre des monuments nationaux, que la gestion des ressources humaines dans les établissements publics culturels ne semblait pas au-dessus de tout reproche, je vous propose d'adopter cet article sans modification.
M. Jean Arthuis, président. - Merci pour ce rapport rigoureux. Au demeurant, peut-on gouverner la culture ?
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Je ne formulerai pas de jugement de valeur, mais je suis un peu déçu par l'évolution constatée ces dernières années.
Je n'en propose pas moins de voter les crédits...
Mme Marie-France Beaufils. - Je mesure sur le terrain les difficultés induites par l'affaiblissement du ministère : qu'il s'agisse des arts de la rue ou de la musique. Avec la baisse des ressources locales, le secteur culturel traversera une passe extrêmement difficile, alors qu'il contribue à l'image de marque internationale de la France. De nombreuses compagnies de la rue cesseront toute activité. Idem pour d'excellents groupes musicaux.
M. Jean Arthuis, président. - Nul n'évitera la rigueur budgétaire. Au demeurant, cette mission ne regroupe pas l'ensemble des moyens publics soutenant l'action culturelle, puisqu'il faudrait ajouter l'assurance chômage des intermittents du spectacle, pour combien de millions de plus ?
Mme Michèle André. - Leur nombre diminue !
M. Jean Arthuis, Président. - Comme le ministre propose aux collectivités territoriales un partenariat augmentant leur participation, je lui ai écrit en qualité de président de conseil général, pour lui demander s'il avait bien lu les instructions du Premier ministre, qui préconise une réduction des dépenses.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Culture » ainsi que de l'article 68 quater.
M. Jean Arthuis, président. - Nous allons maintenant prendre connaissance du rapport de Yann Gaillard, consacré à l'archéologie subaquatique et sous-marine.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Nous devons cette enquête au rapporteur général, qui a attiré notre attention sur le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM). Nous avons été confortés dans notre intérêt par la découverte dans le Rhône d'un buste de César exposé dans le magnifique musée départemental Arles antique, dont je recommande la visite à chacun, car il est parfait !
Issue d'un service créé par Malraux, le DRASSM doit inventorier, protéger et promouvoir le patrimoine sous-marin. Quelque 5 000 épaves ont été répertoriées, mais leur nombre effectif est estimé à 20 000. Avec la ratification par la France de la Convention de l'Unesco du 20 novembre 2001 sur le patrimoine subaquatique, le nombre d'épaves sous juridiction française serait compris entre 100 000 et 150 000.
J'en viens au plan budgétaire. Les dépenses de fonctionnement et d'intervention du département représentent 1 million d'euros ; la rémunération des 38,4 équivalents temps plein coûte 2,4 millions. Les nouveaux locaux du DRASSM sont situés sur la plage de l'Estaque, à Marseille.
L'archéologie terrestre a vingt ans d'avance sur l'archéologie subaquatique. Ce retard est imputable aux difficultés techniques propres à la discipline, mais aussi au fonctionnement longtemps autarcique du département, qui a pu retarder l'éclosion de partenariats scientifiques fructueux.
Par ailleurs, je relève que l'archéologie préventive demeure embryonnaire en milieu immergé, faute d'opérateur et en raison de la faible diffusion du « réflexe préventif » chez les aménageurs et dans les services de l'Etat.
Le soutien financier apporté par le DRASSM se concentre sur un faible nombre de structures ; les opérations qu'elle accompagne sont fréquemment placées sous la responsabilité directe de ses agents. Nous aboutissons ainsi un milieu fermé très particulier.
Malgré la réalité des succès remportés, notamment avec le fameux buste de César, il semble que leur médiatisation soit parfois approximative. Le DRASSM doit donc promouvoir une vulgarisation de qualité.
Le contrôle effectué nous a permis d'appréhender les tensions existant entre professionnels et bénévoles. Le rapport écrit en explicite les causes en détail.
Le DRASSM est en quelque sorte une « petite entreprise qui ne connaît pas la crise ». Ainsi, le ministère de la culture et de la communication a publié le 30 avril 2009 un communiqué relatif à la construction du navire André Malraux. En effet, l'Archéonaute, ancien navire du DRASSM, a été désarmé en 2005, pour cause de vétusté. Le nouveau navire sera très performant. Il utilisera des robots d'intervention profonde et des submersibles et disposera d'un système de positionnement dynamique. Il devra pouvoir loger une dizaine de scientifiques loin du rivage et soutenir plusieurs mois une équipe de plongeurs.
En période de disette budgétaire, on peut être sceptique à propos de cet équipement coûteux. Nonobstant l'intérêt que présente l'exploration des épaves profondes, l'essentiel de l'archéologie subaquatique se déroule le long de la frange côtière. Le directeur du DRASSM évoque un espace de recherche couvrant 11 millions de kilomètres carrés, mais 95 % de cette zone échappent à la capacité du nouveau navire. Le DRASSM aurait pu investir dans un bateau plus léger, quitte à louer occasionnellement un navire plus sophistiqué pour travailler en eau profonde. La Comex, qui s'inquiète d'ailleurs de la concurrence, était prête à coopérer. Selon le ministère chargé de la mer, peu enthousiasmé par cet investissement, le DRASSM aurait aussi pu reconvertir un thonier, ce qui aurait coûté bien moins cher.
Sur un autre plan, la RGPP conduit à mutualiser les moyens d'intervention de l'Etat en mer. Le bateau du DRASSM sera nécessairement intégré, volens nolens, à la fonction garde-côtes.
Enfin, on peut s'interroger sur le financement de cette affaire. La recherche d'un mécénat privé ayant été infructueuse, l'Etat payera tout ! Cet investissement coûtera 8,6 millions d'euros. Je précise que la construction est financée par redéploiement de crédits, sans avoir jamais été retracée dans un document soumis au Parlement. Pour conduire le projet à terme, il manque toutefois 5,6 millions d'euros en crédits de paiement, qui seront demandés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. L'autorisation parlementaire ne sera donc formellement sollicitée qu'une fois le bateau construit.
M. Jean Arthuis, président. - Je vous remercie pour cette enquête, conforme à la mission de contrôle parlementaire. Le ministre de la culture devra rendre compte de cette opération et de ses modalités de financement.
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - Cette mission est la plus originale que j'aie conduite.
Mme Michèle André. - Ceci me rappelle la lutte menée il y a quelques années par les archéologues contre les chercheurs de trésors enterrés. La création de l'INRAP a mis un terme aux exploits des innombrables laboureurs amateurs.
« Travaillez, prenez de la peine,
C'est le fonds qui manque le moins. »
M. Yann Gaillard, rapporteur spécial. - C'est comparable sauf que c'était moins dangereux que dans le milieu aquatique, où il faut être organisé et sportif ou « aventurier ».
M. Jean Arthuis, président. - L'archéologie est-elle un investissement d'avenir ?
La commission donne acte de sa communication au rapporteur spécial et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Loi de finances pour 2011 - Mission Travail et emploi (et articles 88 à 97) - Examen du rapport spécial
La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Serge Dassault, rapporteur spécial, sur la mission « Travail et emploi » et les articles 88 à 97 du projet de loi de finances pour 2011.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Les crédits de la mission « Travail et emploi » s'élèvent à 11,46 milliards d'euros, comme en 2010, et sont destinés, en principe, à réduire le chômage et développer l'emploi. En réalité, ce sont 51,4 milliards que le Gouvernement consacrera en 2011 à la politique de l'emploi, soit plus de la moitié du déficit budgétaire, pour un résultat très contestable. On multiplie des aides sociales qui ne créent aucun emploi au lieu de favoriser la création d'emplois nouveaux et la formation des jeunes aux emplois recherchés par les entreprises.
À l'heure où le Gouvernement cherche à faire des économies, il convient d'étudier de plus près les dispositifs qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité en matière d'emploi. Aux 11,46 milliards d'euros de la mission s'ajoutent : les dépenses fiscales, pour 10,51 milliards ; les allègements généraux de cotisations patronales, pour 24,43 milliards, dont 21,2 milliards d'allègements « Fillon » et 3,23 milliards d'euros au titre des exonérations relatives aux heures supplémentaires, instaurées par la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA) ; enfin, les exonérations ciblées, pour 5,04 milliards.
En revanche, cette mission ne présente pas de crédits pour aider les entreprises à se moderniser, à étudier et créer de nouveaux produits, alors que ce sont elles qui créent des véritables emplois productifs ! Résultat, de plus en plus d'entreprises disparaissent, faute de commandes, au profit de pays émergents, et le chômage va croissant...
Les allègements de charges sociales, compensés par l'État, sont en réalité des aides sociales qui n'ont rien à faire dans le budget de l'emploi. L'État s'endette pour financer des charges de fonctionnement : c'est une hérésie ! Ce n'est pas ainsi que l'on va moderniser notre industrie, relancer la croissance et équilibrer notre budget !
Cette situation découle de la funeste application des 35 heures de Mme Aubry... On ne travaille pas assez en France, quand d'autres pays sont à 40 ou 45 heures ! Il a fallu compenser le manque à gagner des entreprises : depuis 1998, 200 milliards ont été dépensés au titre des allègements de charge, dont 125 milliards directement liés aux 35 heures. Sortons de ce piège. Revenir aux 39 heures nous ferait économiser au bas mot 25 milliards par an. Si l'on veut créer des emplois, il faut travailler plus et encourager les entreprises à investir, plutôt que de financer leur personnel. C'est une question de survie.
Le Gouvernement propose plusieurs économies. La dotation pour charges de service public de Pôle emploi reste stable, à 1,36 milliard, pour un budget global de 4 milliards. Les crédits des maisons de l'emploi baissent de 45 % : tant mieux, car elles ne font rien pour l'emploi des jeunes. On supprime l'exonération de 15 points pour les particuliers employeurs - qui créent pourtant de l'emploi - et les avantages en nature dans la restauration, pour une économie globale de 600 millions. Cette dernière mesure avait été adoptée par notre commission l'année dernière, mais rejetée en séance. Tout cela va dans le bon sens, mais il faut faire plus.
La prime pour l'emploi (PPE) n'a aucun effet sur le retour à l'emploi et sa suppression économiserait près de 3 milliards d'euros. Je vous proposerai de la réduire dans un premier temps. Il faudrait aussi supprimer l'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires instituée par la loi TEPA, ce qui rapporterait 1,4 milliard. Sur ces économies, 1 milliard d'euros pourrait être affecté au développement des entreprises ; le reste irait réduire le déficit.
Je vous propose d'abonder de 40 millions les crédits des missions locales, qui vont au contact des jeunes les plus défavorisés, et de 10 millions le Fonds d'insertion professionnelle des jeunes (FIPJ), qui finance des actions efficaces en faveur des jeunes : aide au permis de conduire, prospection d'entreprises, prêt de scooter, etc. Enfin, je souhaite augmenter de 11 millions d'euros les crédits consacrés aux écoles de la deuxième chance, qui forment et intègrent des jeunes difficiles. Ces 61 millions seraient pris sur le financement des chômeurs en fin de droits. D'ailleurs, cesser tout bonnement de financer ces chômeurs en fin de droits économiserait 1,6 milliard d'euros...
J'en viens maintenant à la présentation des crédits de la mission « Travail et emploi ». Celle-ci est composée de quatre programmes. Les crédits du programme 102, « Accès et retour à l'emploi », s'élèvent à 6,19 milliards d'euros, dont 1,36 milliard pour Pôle emploi, dont les résultats sont contestables, et 1,6 milliard pour indemniser les chômeurs en fin de droits, ce qui relève de l'aide sociale.
Les crédits du programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », s'élèvent a 4,45 milliards. Malgré un intitulé prometteur, il s'agit essentiellement de la compensation à la sécurité sociale d'exonérations de charges : crédit d'impôt et réduction d'impôts pour les salariés à domicile, exonérations d'impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires. Nous proposons de ne pas y toucher.
Le programme 111, « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », doté de 77 millions, ne comporte aucune action en faveur de l'emploi.
Enfin, le programme 155, « Conception, gestion et évaluation de la politique de l'emploi et du travail », doté de 744 millions, regroupe les dépenses de personnel et de fonctionnement. Avec 60 000 équivalents temps plein, dont 46 000 pour Pôle emploi, il y a sans doute matière à économies. Je propose que cette mission fasse l'objet d'un audit, afin de repérer les dépenses inutiles ainsi que celles qui relèvent de l'aide sociale et non de l'emploi.
Si les jeunes étaient mieux formés, on ne dépenserait pas autant à faire travailler ceux qui n'ont pas de qualification. C'est pourquoi ce budget pourrait financer davantage la formation professionnelle et l'apprentissage. Avec 140 000 jeunes qui quittent chaque année le système scolaire sans diplôme, l'échec de l'Éducation nationale est patent. En leur proposant une formation professionnelle dès 14 ans, on aiderait des jeunes, qui sinon auraient sombré dans la délinquance, à trouver un emploi.
En résumé, l'État pourrait économiser 25 milliards d'euros en revenant aux 39 heures et 5 à 10 milliards en supprimant des crédits qui relèvent plus de l'aide sociale que de l'emploi. Cela vaut la peine d'y réfléchir : si notre déficit budgétaire ne passe pas sous la barre des 70 milliards en 2011, la France risquera de perdre sa note AAA !
M. Jean Arthuis, président. - On n'accusera pas M. Dassault de proposer des formules convenues ! On reconnaît ici toute la conviction qui l'anime. Je ne sais si la commission pourra le suivre sur tous ses amendements, mais ils amélioreraient à coup sûr le déficit prévisionnel !
M. Philippe Adnot - En supprimant la dotation de l'État pour les chômeurs en fin de droits, vous poussez ces derniers vers le revenu de solidarité active (RSA), financé - à grand peine - par les départements. Or ceux-ci ne peuvent plus lever d'impôt : comment vont-ils faire ? Il faudrait verser ces crédits au financement du RSA !
M. Jean Arthuis, président. - Le budget ne serait plus équilibré...
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Il faut inciter ces chômeurs en fin de droits à chercher du travail. Il n'y a qu'en France que l'on verse des allocations chômage quasiment illimitées ! Des aides, des aides, encore des aides : résultat, nous sommes en faillite ! Attention au déficit, d'autant qu'il nous va falloir financer l'Irlande et le Portugal...
M. Philippe Adnot. - Que proposez-vous pour les départements, qui ne pourront supporter la hausse du RSA que votre mesure entraîne ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Peut-être faudrait-il supprimer le RSA... Nous n'avons pas les moyens de notre générosité. À force de payer les gens à ne rien faire, ils ne font rien ! Il faut les inciter à trouver un emploi, par les missions locales et la formation professionnelle.
M. Jean Arthuis, président. - Le dynamisme économique de l'Aube est tel qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de chômeurs, a fortiori en fin de droits...
M. Yann Gaillard. - Je suis embarrassé : M. Dassault, fidèle à lui-même a exposé, avec courage, un plan cohérent, mais politiquement inapplicable !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Je vous présente, à présent, mon avis sur les articles rattachés. L'article 88 cible sur les structures de moins de dix salariés l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les organismes d'intérêt général ayant leur siège social dans les zones de revitalisation rurale (ZRR). L'Assemblée nationale a supprimé cet article. Je vous propose de confirmer cette suppression.
M. Jean Arthuis, président. - Faisons confiance au Gouvernement...
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - L'article 89 supprime les exonérations fiscales et sociales applicables aux indemnités de rupture versées dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Le très faible nombre de départs volontaires prouve que le dispositif dérogatoire n'a guère d'effet. Je vous propose d'adopter cet article sans modification.
L'article 90 supprime l'abattement forfaitaire de 15 points sur les cotisations sociales dues par les particuliers employeurs et la franchise de cotisations patronales dont bénéficient les prestataires intervenant auprès de publics « non fragiles ». Contre l'avis du Gouvernement, la commission élargie de l'Assemblée nationale a maintenu l'abattement forfaitaire, en le ramenant de 15 à 10 points. C'est l'une des rares mesures qui créent de l'emploi ! Je vous propose d'adopter cet article sans modification, si l'Assemblée nationale confirme sa position.
M. Jean Arthuis, président. - Je vous propose de réserver le vote sur cet article jusqu'à jeudi matin, quand nous aurons le texte définitif de l'Assemblée nationale.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - L'article 91 supprime l'exonération de cotisations patronales sur l'avantage en nature que représentent les repas des salariés dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants. Je me réjouis que le bien fondé de cette mesure, que nous avions proposée l'an dernier, soit enfin reconnu par le Gouvernement et vous propose d'adopter cet article sans modification.
M. Philippe Adnot. - Quelle est la position du rapporteur général sur la TVA dans la restauration ? Reste-t-on à 5,5 % ?
M. Jean Arthuis, président. - Momentanément. Un amendement du rapporteur général proposera de porter ce taux à 7 % ; un autre, du président de la commission, à 10 %.
M. Philippe Adnot. - Au bout d'un an à peine, on remet en cause l'engagement passé avec les restaurateurs. Une telle politique en accordéon est incohérente.
M. Jean Arthuis, président. - Pour l'instant, il n'y a pas d'amendement modifiant le taux de 5,5 %. L'article 91 est recevable, d'autant que notre commission avait déjà voté cette mesure l'année dernière.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - L'article 92 abroge le dispositif spécifique actuellement en vigueur pour l'Allocation de solidarité active (ASS), comprenant notamment une prime de retour à l'emploi de 1 000 euros, et le remplace par les dispositifs de droit commun applicables à l'ensemble des bénéficiaires de minima sociaux. Je vous propose de l'adopter sans modification.
M. Jean Arthuis, président. - C'est une mesure de cohérence.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - L'article 93 supprime l'exonération de cotisations sociales patronales applicable aux anciens contrats initiative-emploi (CIE) conclus avant le 31 décembre 2001. Je vous propose d'adopter cet article sans modification.
M. Philippe Adnot. - Je suis contre. Quelles en seront les conséquences ?
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Cela rapporterait 2 millions.
M. Philippe Adnot. - Pour les conseils généraux, ce serait un transfert de charge de même montant ! Je suis opposé à l'adoption de cet article.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Il s'agit des contrats conclus avant le 31 décembre 2001. C'est donc un dispositif déjà en extinction.
M. Jean Arthuis, président. - La solution, c'est la TVA sociale !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - À la suite de l'accord du 8 juillet 2009 sur la gestion sociale des conséquences de la crise sur l'emploi, l'article 94 crée un contrat expérimental d'accompagnement renforcé (CAR) au profit de personnes en situation précaire, notamment dans les bassins d'emploi de Douai, Montbéliard, Mulhouse, Les Mureaux-Poissy, Saint-Dié et de la Vallée de l'Arve. C'est un prolongement de l'expérimentation réussie du CTP. Je vous propose d'adopter cet article sans modification.
M. Jean Arthuis, président. - Cela coûterait 21,6 millions d'euros, dont 10,8 millions à la charge de l'Etat et le même montant à la charge de l'UNEDIC.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - L'article 95 prolonge pour 2011 le taux d'aide dérogatoire accordé aux ateliers et chantiers d'insertion en 2010. Ces structures sont utiles pour l'emploi. J'y suis favorable.
L'article 96 prélève 300 millions d'euros sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), afin d'abonder les actions de formation professionnelle de l'AFPA, de l'ASP et de Pôle Emploi. Or, aux termes de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle, « les sommes dont dispose le FPSPP au 31 décembre de chaque année constituent, l'année suivante, des ressources de ce fonds ». L'article 96 contrevient en outre aux termes de la convention-cadre État-FPSPP du 15 mars 2010. Mieux vaut que les actions de formation soient financées directement par le FPSPP dans le cadre d'un conventionnement que via un prélèvement de l'État. Je vous propose donc de supprimer l'article 96.
M. Jean Arthuis, président. - Bien. Pourquoi ces crédits ne sont-ils pas répartis dans le budget ? Débudgétiser n'est pas lolfien !
M. Philippe Adnot. - Ce prélèvement est une débudgétisation. Si l'on supprime l'article, les organismes visés ne seront plus financés !
M. Jean Arthuis, président. - S'il y a trop d'argent, qu'on le prélève au bénéfice de l'État. Rappelons que les règles de la Lolf n'autorisent pas ce genre d'arrangement.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - L'article 97 transfère à l'AGEFIPH la gestion de plusieurs dispositifs relevant de la compétence de l'État. Je vous propose d'adopter cet article sans modification.
M. Jean Arthuis, président. - Revenons maintenant aux crédits. L'amendement n°1 du rapporteur spécial abonde le programme « Accès et retour à l'emploi » de 15 millions d'euros, prélevés sur l'action « Développement de l'emploi » du programme 103.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Je souhaiterais que cet amendement mobilise 61 millions d'euros en faveur de l'insertion des publics les plus en difficulté, notamment les jeunes sans qualification ou résidant dans des zones urbaines sensibles. Il s'agit d'abonder les missions locales de 40 millions, les écoles de la deuxième chance de 11 millions et le fonds d'insertion professionnelle des jeunes de 10 millions. Je prends ces crédits sur les indemnités versées aux chômeurs en fin de droit.
M. Jean Arthuis, président. - Le gage est recevable pour 15 millions, pas pour 61 millions, et porte sur les exonérations de charges sociales compensées par le budget de l'Etat, pas sur les allocations de fin de droit.
Je partage les réserves qu'avait exprimées M. Adnot. En supprimant les indemnités des fins de droits, on pousse tout le monde vers le RSA, et les départements devront faire face. La situation ne serait pas gérable.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - On parle d'un milliard d'un côté et, de l'autre, de 61 millions pour favoriser l'accès des jeunes à l'emploi. Le financement des chômeurs en fin de droits relève de l'aide sociale, pas de la mission « travail et emploi » !
M. Philippe Adnot - Les 15 millions sont pris sur la dotation pour les auto-entrepreneurs. Comment l'État va-t-il tenir ses engagements à leur égard ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - A l'occasion de ce débat sur les missions locales, j'aborde un autre problème. Il faut augmenter la dotation pour les maisons de l'emploi, que l'État nous a incité à mettre en place. Diminués de moitié, les crédits serviront surtout à payer les indemnités de licenciement du personnel ! Or les maires jugent les maisons de l'emploi utiles, face à un Pôle emploi de plus en plus lourd et syndiqué, qui assure un suivi très inégal. L'Assemblée nationale a fait un geste de 10 millions ; faisons de même, quitte à approfondir la question du gage.
M. Jean Arthuis, président. - L'amendement ne porte pas sur les maisons de l'emploi, mais sur les missions locales.
J'ai pris la présidence de la maison de l'emploi de mon département. Elle n'a pas vocation à se substituer à Pôle Emploi mais à l'évaluer, le mettre sous pression. Pour ma part, j'ai demandé que l'on divise par deux le coût de la maison de l'emploi : une partie des crédits permettra de licencier du personnel.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'ai créé la maison de l'emploi de Compiègne ; elle n'est pas trop grosse, et apporte une concurrence bienvenue à Pôle emploi. Le temps des monopoles d'Etat à la soviétique est révolu !
M. Jean Arthuis, président. - Je suis hostile aux doublons. Chez moi, la maison de l'emploi est au pain sec !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ces maisons de l'emploi étaient une bonne initiative du plan de cohésion sociale de M. Borloo, ministre toujours imaginatif...
M. Jean Arthuis, président. - Pardonnez-moi d'irriter votre fibre sociale, monsieur le Rapporteur général !
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Le Gouvernement divise par deux les crédits des maisons de l'emploi. C'est peut-être trop, mais cela va dans le bon sens. D'ailleurs, l'Assemblée nationale a abondé leurs crédits de 10 millions d'euros supplémentaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce n'est pas supportable. À Compiègne, la maison de l'emploi est efficace ! Restons au contact des réalités locales, grâce auxquelles nous ne faisons pas que copier les fonctionnaires.
M. Jean Arthuis, président. - Pour en revenir à l'amendement n° 1, il me paraît difficile d'aller au-delà de 15 millions, d'autant que les crédits pour les chômeurs en fin de droits ne sont pas limitatifs : s'ils se révélaient insuffisants, la sincérité budgétaire serait en cause.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Je chercherai un autre gage pour les 61 millions.
M. Jean Arthuis, président. - Ce serait une proposition personnelle de votre part : la commission ne peut vous accorder que 15 millions et nous ajouterions aux missions locales et au fonds d'insertion professionnelle des jeunes, un bénéficiaire supplémentaire de cet abondement : les écoles de la deuxième chance.
M. Philippe Adnot. - Je vote contre.
La commission adopte l'amendement n° 1 du rapporteur spécial, dont l'objet est rectifié, à l'article 48 (Etat B annexé) du projet de loi de finances pour 2011.
Puis, elle décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi » ainsi modifiés.
La commission décide de proposer au Sénat de maintenir la suppression de l'article 88.
Elle décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 89.
La commission décide de réserver sa position sur l'article 90 dans l'attente du vote définitif du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale.
Puis, elle décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des articles 91, 92, 93, 94 et 95.
Elle adopte l'amendement n° 2 du rapporteur spécial et décide de proposer au Sénat la suppression de l'article 96.
Puis, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 97.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Mon amendement n° 3, portant article additionnel après l'article 97, abaisse le plafond d'éligibilité à la prime pour l'emploi (PPE) de 1,4 SMIC à 1,2 SMIC. La PPE n'a que peu d'effet sur la création d'emplois. Cette mesure dégagerait une économie de 1,1 milliard d'euros à compter de 2012 ; une suppression totale de la PPE rapporterait 3 milliards.
M. Jean Arthuis, président. - La PPE a été conçue pour encourager les gens à reprendre le travail. Ce que vous proposez est lourd de conséquences.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Comment réaliser des économies si on refuse celles qui sont possibles ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je suis favorable à ce que l'on rabote la PPE mais, en l'état, l'amendement vise un peu long...
M. Jean Arthuis, président. - Vous proposez de n'en supprimer qu'un dixième ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Un coup de rabot de 10 % serait en effet plus cohérent avec notre démarche d'ensemble.
M. Jean Arthuis, président. - Cela représenterait 300 millions d'euros d'économie.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est déjà bien.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Sans réelles économies, comment équilibrer le budget ?
M. Jean Arthuis, président. - Tant que perdurera le bouclier fiscal, on ne pourra faire plus. Il faudra déjà beaucoup de conviction pour faire passer une diminution de 10 % en séance publique. Nous modifierons le taux pour parvenir à ce pourcentage de réduction.
La commission adopte l'amendement n° 3 ainsi rectifié.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Mon amendement n° 4, portant article additionnel après l'article 97, supprime l'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires et complémentaires instituée par la loi TEPA.
M. Jean Arthuis, président. - C'est courageux...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Là encore, cela va trop loin. Comme on ne peut réduire partiellement une exonération totale, c'est tout ou rien.
M. Jean Arthuis, président. - Commencer à défaire la loi TEPA, cela aurait de l'allure... Je suis tenté ! Mais il faudrait supprimer les 35 heures, passer à la TVA sociale... Vous aurez du mal à trouver une majorité pour un tel amendement. C'est un déchirement, mais nous ne vous suivrons pas. Si vous déposez cet amendement à titre personnel, nous l'examinerons avec attention.
M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Dans ce cas, je le retire.
Mercredi 17 novembre 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Loi de finances pour 2011 - Mission Santé (et articles 86 bis à 86 nonies) - Examen du rapport spécial
La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial, sur la mission « Santé » et les articles 86 bis à 86 nonies du projet de loi de finances pour 2011.
M. Jean Arthuis, président. - Nous reprenons l'examen des rapports de nos rapporteurs spéciaux sur le projet de loi de finances pour 2011.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. - La mission « Santé » rassemble pour 2011 1,22 milliard d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de crédits de paiement (CP). Comme j'ai l'habitude de le rappeler chaque année, le poids de cette mission doit être relativisé : d'une part, elle ne comprend pas de crédits de personnel - tous les crédits de rémunération des personnels concourant à la mise en oeuvre des différents programmes de la mission sont regroupés dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - ; d'autre part, cette mission est modeste lorsqu'on la rapporte aux dépenses d'assurance maladie (moins de 1 %).
L'architecture budgétaire de la mission est, une nouvelle fois, profondément remaniée cette année. Elle ne comprendra plus désormais que deux programmes : un programme 204 élargi « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et le programme 183 « Protection maladie ». Si ce remaniement a le mérite de renforcer la lisibilité de la mission en regroupant dans un même programme l'ensemble des crédits destinés au financement des politiques de santé mises en oeuvre par les agences régionales de santé (ARS), elle se réalise cependant au prix d'une plus grande rigidité de l'architecture de la mission.
En effet, le programme 204 est désormais composé à 90 % de subventions pour charge de service public et autres transferts destinés aux vingt-six ARS et aux onze opérateurs de la mission. Quant au programme 183, les marges de manoeuvre du responsable de programme sont également étroites puisqu'il regroupe des crédits « contraints » : les dotations destinées à l'aide médicale de l'Etat (AME) et celles au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).
A la veille du dixième anniversaire de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), je m'interroge sur ces modifications successives qui sont en quelque sorte symptomatiques de certaines faiblesses de la LOLF, qu'il s'agisse de l'échec de l'interministérialité budgétaire ou des faibles marges de manoeuvre des responsables de programme.
Je rappelle, en effet, que l'architecture de la mission « Santé » est issue, pour partie, de la suppression de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire », dont notre collègue Nicole Bricq était rapporteure spéciale. La suppression de cette mission, qui faisait pourtant sens à son origine compte tenu des liens étroits entre la santé humaine et la santé animale, a résulté de l'échec de l'interministérialité budgétaire : les deux programmes constituant la mission étaient totalement indépendants l'un de l'autre et ne faisaient pas l'objet d'une réelle concertation entre responsables de programme.
Enfin, le rattachement des crédits de personnel et de fonctionnement courant de la mission « Santé » à une autre mission budgétaire, ainsi que la désormais forte rigidité de l'architecture budgétaire de la mission, sont également assez éloignés de l'esprit de la LOLF. Ces deux éléments ôtent toute marge de manoeuvre au Parlement s'agissant des moyens affectés à la politique publique de santé et de sécurité sanitaire, ainsi que tous moyens d'arbitrage au responsable de programme pour le pilotage des programmes de la mission dans une logique de performance.
Venons-en aux crédits de la mission. De façon générale, je relève que la programmation pluriannuelle de la mission « Santé » reflète les contraintes fixées à l'ensemble du budget général de l'Etat : si les plafonds de crédits de la mission augmentent de 2 % en 2011, ils progressent de seulement 0,4 % en 2012 et diminuent de 0,2 % en 2013.
Ce sont surtout les opérateurs qui subissent les objectifs d'économies du Gouvernement : leurs subventions pour charge de service public et leur plafond d'emplois sont globalement en forte diminution.
De façon générale, je suis favorable à ces mesures. En effet, j'ai, à de nombreuses reprises, attiré l'attention sur l'augmentation des moyens et des effectifs dédiés aux nombreux opérateurs du ministère de la santé. Plus spécifiquement, je souhaite souligner deux points. J'accueille, en premier lieu, favorablement la réduction des crédits de la nouvelle agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES. En effet, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2010, j'avais regretté que la fusion de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et de l'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) - mesure préconisée par la révision générale des politiques publiques (RGPP) -, se soit réalisée à moyens et à effectifs croissants. Si je comprenais qu'il était difficile, la première année, de prévoir une réduction des crédits destinés aux deux agences, je considérais néanmoins qu'à terme, il n'était pas compréhensible que ce type de rapprochement ne permette pas une optimisation des moyens consacrés aux fonctions support de ces agences. L'impulsion semble être donnée cette année.
Une autre agence est frappée de plein fouet, cette année, par les objectifs d'économies du Gouvernement : l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) puisqu'elle ne recevra pas de subvention en 2011, 2012 et 2013. Ceci n'est pas sans poser certaines difficultés : outre qu'il convient de s'assurer que cette décision ne remette pas en cause la capacité de l'agence à remplir ses missions, je m'interroge sur le message négatif qu'une telle mesure pourrait entraîner : une agence de sécurité sanitaire, chargée de délivrer des autorisations de mise sur le marché de produits de santé, serait désormais en quasi totalité financée par des taxes affectées issues du secteur de l'industrie du médicament.
Je voudrais maintenant dire quelques mots sur les deux programmes de la mission, en commençant par le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».
Si la forte révision à la baisse des dépenses liées à la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1)v est positif tant du point de vue de la santé publique que des finances publiques, elle n'en entraîne pas moins de nouvelles difficultés de suivi des crédits destinés à la gestion des risques sanitaires : la résiliation d'une partie des commandes de vaccins conduit en effet à « une remise à zéro des compteurs », qu'il s'agisse des dotations pour 2010 et 2011 de l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS) ou de la contribution exceptionnelle des complémentaires santé aux dépenses liées à la grippe A.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, n'ayant pas été satisfait par les réponses de la ministre de la santé sur la question du renouvellement d'une partie des stocks de produits de santé gérés par l'EPRUS, le Sénat a adopté l'amendement présenté par les deux commissions des finances et des affaires sociales tendant à supprimer la dotation de l'assurance maladie à l'EPRUS pour 2011. La tâche revient à la ministre de nous fournir des éléments plus précis d'ici la commission mixte paritaire.
L'année 2011 sera, en outre, marquée par la première année de plein exercice des ARS. Si j'approuve la mise en place de ces structures qui constitue une réforme majeure du pilotage territorial des politiques de santé, j'insiste sur la nécessité de renforcer l'information sur les crédits qui leur sont destinés. La globalisation de leurs dotations d'intervention est certes la contrepartie de l'autonomie accordée à ces agences qui sont libres de définir les dispositifs qu'elles financent. Il apparaît néanmoins indispensable de disposer, en amont, au moment de l'examen du projet de loi de finances initiale, d'une information consolidée sur les crédits destinés aux ARS et, en aval, au moment de l'examen du projet de loi de règlement, d'un suivi de la consommation de leurs crédits d'intervention par grand axe de santé publique. Or ces informations sont encore lacunaires aujourd'hui.
Plus ponctuellement, je souhaite attirer l'attention sur une certaine tendance au saupoudrage des crédits de la mission, qu'il s'agisse du financement de nombreuses études, colloques ou ateliers, ou du versement de subventions à certaines associations. La pertinence de certaines de ces mesures au regard de leur coût n'est pas aisée et leur rattachement à la mission « Santé » non évident.
Deux exemples parmi beaucoup d'autres : l'exploitation des rapports annuels d'activité et de performance des centres de prévention « vaccination et lutte contre la tuberculose » (10 000 euros) ; le financement des analyses de diagnostic/dépistage de la rage chez certains animaux ou celui de l'observatoire de la qualité de l'alimentation, qui trouveraient davantage leur place au sein de la mission « Agriculture ». Cette mission comprend notamment un programme 206 « Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation ».
Je voudrais terminer par le programme « Protection maladie », qui ne porte quasiment plus qu'une seule dépense. En effet, l'Etat ne versera pas de subvention au fonds « CMU » en 2011, comme en 2009 et en 2010, en raison du doublement du taux de la contribution des organismes complémentaires au fond intervenue en loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Ceci en dépit de la forte revalorisation, bienvenue, de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé.
Dans ces conditions, la principale dépense du programme est l'aide médicale de l'Etat, les crédits inscrits dans le présent projet de loi progressant fortement, pour la troisième année consécutive, pour atteindre 588 millions d'euros.
Il convient de rappeler que ces crédits ont longtemps été sous-évalués mais qu'un assainissement de la situation est intervenu depuis 2007 : les dotations initiales ont été régulièrement réévaluées et les dettes à l'égard de la sécurité sociale à ce titre apurées en 2007 et en 2009.
Dans ce contexte, la réévaluation de la dotation prévue pour 2011 de 53 millions d'euros représente un effort bienvenu qui devrait certainement limiter la formation de nouvelles dettes.
Des propositions pour mieux maîtriser le dispositif de l'AME ont récemment vu le jour. Une mission d'audit de modernisation, confiée en 2007 aux inspections générales des affaires sociales et des finances, avait déjà formulé un certain nombre de pistes de réforme qui ont été, pour la plupart, mises en oeuvre : extension du dispositif « tiers payant contre génériques » ; mise en place à titre expérimental d'un titre sécurisé ; extension du champ de la mise sous accord préalable à l'AME.
Sans attendre les conclusions de la nouvelle mission d'inspection sur ce sujet qui devrait rendre ses conclusions à la fin du mois de novembre, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs mesures, lors de l'examen de la présente mission, tendant à créer un droit d'entrée annuel par adulte bénéficiaire de l'AME ; limiter le nombre des ayants-droit aux seuls enfants et conjoints ; restreindre le panier de soins aux seuls actes dont le service médical rendu est important ou modéré ; déléguer le pouvoir de récupération des indus aux caisses primaires d'assurance maladie.
Si l'on peut comprendre ce souhait de mieux maîtriser ces dépenses, il convient néanmoins de ne pas se méprendre. L'AME constitue un dispositif de faible taille au regard de l'ensemble des prestations de l'assurance maladie et il est assez illusoire d'attendre des économies substantielles d'une réforme de l'AME, sauf à remettre en cause la politique d'immigration de notre pays ou à encourir des risques graves en matière de santé publique. Le niveau de la dépense d'AME est, en effet, largement corrélé au nombre d'étrangers en situation irrégulière sur le territoire national et répond à un double objectif humanitaire et de santé publique.
J'insiste surtout en ce domaine sur la nécessité de veiller au juste équilibre entre l'amélioration de l'efficience du dispositif et le maintien d'un accès aux soins satisfaisant des étrangers en situation irrégulière. Je regrette que ces mesures aient été adoptées avant même que la mission conjointe d'inspection ait pu rendre ses conclusions.
Sous réserve de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Santé » sans modification.
Venons-en aux huit articles rattachés à la mission. L'Assemblée nationale a adopté quatre articles relatifs à l'aide médicale de l'Etat :
- l'article 86 bis (nouveau) tend à recentrer le panier de soins pris en charge à 100 % des bénéficiaires de l'AME sur les actes à service médical suffisant ou important ;
- l'article 86 ter (nouveau) tend à soumettre à un agrément préalable la prise en charge de certains soins des bénéficiaires de l'AME ;
- l'article 86 quater (nouveau) vise à donner aux caisses d'assurance maladie la possibilité de récupérer les sommes indûment versées aux bénéficiaires de l'AME ;
- l'article 86 quinquies (nouveau) vise à créer un droit de timbre annuel de trente euros pour les bénéficiaires de l'AME et à limiter le nombre d'ayants-droit.
Sans revenir sur les observations que j'ai formulées dans mon intervention liminaire, j'insiste sur les difficultés techniques que certains de ces dispositifs risquent d'entraîner, notamment compte tenu de la faible solvabilité des populations concernées.
Quatre autres dispositifs ont été introduits par nos collègues députés :
- l'article 86 sexies (nouveau) vise à aligner le financement de l'indemnisation des accidents médicaux imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures sanitaires graves sur le régime de l'indemnisation des vaccinations obligatoires : c'est une mesure de simplification bienvenue ;
- l'article 86 septies (nouveau) propose de transformer la contribution CMU acquittée par les organismes complémentaires d'assurance santé en une taxe assise sur les cotisations payées par les assurés ayant souscrit un contrat d'assurance santé complémentaire. La transformation opérée est indolore tant pour le Fonds CMU, que pour les assurés. Cette mesure aura pour conséquence de neutraliser les effets des augmentations ou diminutions de la contribution sur le chiffre d'affaires des organismes complémentaires et, corrélativement, sur le niveau de fonds propres qu'ils doivent posséder. Il s'agit là d'une exigence de compétitivité bienvenue pour notre secteur assurantiel alors même qu'il va devoir s'adapter en profondeur avec le nouveau cadre de « Solvabilité 2 ». Mais cette mesure risque de diminuer l'assiette et donc le rendement de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance à laquelle sont assujettis les contrats « responsables et solidaires ». Cette mesure fait partie du « panier percé » affecté à la branche famille...
- l'article 86 octies (nouveau) proroge de quatre ans la taxe assurant le financement du centre national de gestion des essais de produits de santé (CeNGEPS). C'est la deuxième fois que le Gouvernement nous propose une prorogation. Je souhaite que l'examen de la mission en séance publique soit l'occasion pour le Gouvernement de nous dresser un bilan de l'activité de ce centre ;
- enfin, l'article 86 nonies (nouveau) tend à permettre l'indemnisation des personnes, exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle ou volontaire au sein de services d'incendie et de secours (SDIS), vaccinées contre l'hépatite B. C'est une mesure également bienvenue.
Sous réserve de ces observations, je vous propose d'adopter les huit articles rattachés à la mission « Santé » sans modification.
M. Jean Arthuis, président. - Vous avez insisté sur le caractère modeste des crédits de la mission « Santé » au regard des dépenses d'assurance maladie. Vous soulignez également la revalorisation de la dotation au dispositif de l'AME qui concourt à une meilleure sincérité budgétaire.
M. Michel Sergent. - Où en est le dossier médical personnel (DMP) ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. - Le DMP a été créé en 2004 par Philippe Douste-Blazy. J'ai mené une mission de contrôle sur ce sujet en 2005. Les systèmes d'information dans le secteur de la santé montraient alors de nombreuses faiblesses. Par exemple, à cette époque, l'informatique était encore un enseignement optionnel des futurs directeurs d'hôpitaux. Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la santé et des sports, m'avait assuré que le dossier redémarrerait. Attendons ce que feront Xavier Bertrand et Nora Berra, récemment nommés. Mais, je suis assez inquiet sur ce sujet, pourtant essentiel.
M. Jean Arthuis, président. - Mais le DMP ne peut être en quelque sorte que « la cerise sur le gâteau » ! Il faut auparavant que l'ensemble du système de soins soit informatisé et interopérable.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. - Des progrès ont été réalisés par les médecins de ville. Mais les liens entre l'hôpital et la médecine de ville sont encore trop limités.
M. Jean Arthuis, président. - C'est une question de pilotage. Des économies importantes peuvent être attendues d'une meilleure gestion de l'hôpital.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. - Le problème tient aussi au fait que chaque établissement de santé a tendance à développer son propre système d'information qui n'est pas interopérable avec les autres.
M. Jean Arthuis, président. - Les pratiques et les dotations de moyens sont en effet très variables d'une région à l'autre.
M. Adrien Gouteyron. - Où en est-on de la mise en place des maisons de santé ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. - C'est davantage un sujet relevant du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). La mission « Santé » ne comporte en effet pas de crédits destinés aux maisons de santé. Cette année, au cours de l'examen du PLFSS, ce sont surtout les maisons de naissance qui ont fait débat. L'article proposant leur mise en place a, d'ailleurs, été supprimé par le Sénat.
M. François Trucy. - Le recours à l'informatique dans le secteur des soins de ville s'est amélioré. Mais il est vrai que des efforts supplémentaires sont nécessaires. Il y a là des sources d'économies indéniables.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial. - Non seulement un dossier médical personnel permettrait d'éviter certains troubles iatrogènes, mais en plus il serait sources d'efficience et donc d'économies.
A l'issue de ce débat, la commission des finances décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Santé » ainsi que des articles 86 bis à 86 nonies du projet de loi de finances pour 2011.
Loi de finances pour 2011 - Mission Enseignement scolaire - Examen du rapport spécial
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de MM. Gérard Longuet et Thierry Foucaud, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Enseignement scolaire ».
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Il est intéressant de souligner que la mission « Enseignement scolaire » représente, au sein du projet de loi de finances pour 2011, 21,6 % des crédits de paiement du budget général mais 49 % des emplois autorisés. Le montant des crédits inscrits au titre des dépenses de personnel représente 57,5 millions d'euros, soit près de 94 % du total. La gestion des effectifs constitue donc du point de vue de la commission des finances un point de préoccupation majeure. A cet égard, soulignons que la politique rigoureuse de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a un faible impact sur les dépenses de la mission. En effet, les économies résultant de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2010 et de l'application en tiers d'année du schéma 2011, représentent environ 366 millions d'euros. Sur cette somme, 199 millions d'euros sont reversés aux personnels au titre des mesures catégorielles et 128 millions d'euros au titre des mesures générales de la fonction publique. Je rappelle que l'évolution des crédits de personnel s'explique également par l'augmentation de la contribution du ministère de l'éducation nationale au compte d'affectation spécial « Pensions » qui passe de 15 419 millions d'euros en LFI 2010 à 16 070 millions d'euros en PLF 2011, soit une progression de 651 millions d'euros. Cette hausse s'explique essentiellement par le relèvement du taux de cotisation.
Pour ce qui est des emplois, le présent projet de budget propose de fixer le plafond d'emplois de la mission à 983 070 ETPT, dont 968 194 ETPT pour le ministère de l'éducation nationale.
S'agissant du programme « Enseignement technique agricole » relevant du ministère de l'agriculture, le plafond d'emplois est fixé à 14 876 ETPT, en baisse de 214 ETPT par rapport à 2010, dont 117 ETPT d'enseignants. Si cette contraction peut sembler faible en apparence, il convient de souligner, qu'eu égard à la taille des établissements comme à leur répartition sur l'ensemble du territoire, elle conduit à des fermetures de classes ou de sites scolaires. Nous avons donc un vrai sujet quant à l'application de la diminution des effectifs dans l'enseignement technique agricole.
Toutefois, en matière d'emplois, l'aspect le plus spectaculaire concerne le ministère de l'éducation nationale qui semble manifestement fâché avec la comptabilité. En effet, il nous propose, en 2011, un effort de suppression d'emplois comparable à celui de l'année précédente, soit 16 000 postes de moins à la rentrée prochaine, tout en réévaluant son plafond d'emplois de 20 359 ETPT. In fine, le plafond d'emplois augmente entre 2010 et 2011 de plus de 4 000 ETPT.
M. Jean Arthuis, président. - Pourtant le calcul fait partie des fondamentaux...
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Oui, Monsieur le Président, mais pas la comptabilité ! Je vous explique le problème tel que je le perçois, mais le ministre pourra en séance nous apporter d'autres éclaircissements. S'agissant des suppressions d'emplois, il convient tout d'abord de souligner, que contrairement aux années précédentes, le schéma d'emplois n'est pas justifié au niveau national mais est renvoyé à la responsabilité des académies qui auront, après réexamen de l'utilisation des moyens d'enseignement mis à leur disposition, la possibilité de définir le niveau et les modalités de mise en oeuvre de ce schéma. Selon le ministère de l'éducation nationale, cette démarche devrait permettre de supprimer 8 967 emplois de personnels enseignants du premier degré. Les moyens d'action prioritaires sont : la taille des classes dans les écoles hors éducation prioritaire, les modalités de scolarisation des enfants de deux ans - c'est-à-dire un ralentissement de la scolarisation avant trois ans, point que j'approuve personnellement - , l'importance des moyens d'enseignement affectés en dehors des classes, le dispositif de remplacement des enseignants absents, et les modalités d'enseignement des langues vivantes dans le premier degré.
S'agissant du second degré, l'objectif est de parvenir à une suppression de 4 800 emplois de personnels enseignants. Les leviers d'action identifiés sont légèrement différents. Il s'agit, outre la taille des classes et le dispositif de remplacement, du réexamen des décharges de service d'enseignement, ou la révision de l'organisation de l'offre de formation en lycée d'enseignement général et en lycée professionnel. Ce dernier point est particulièrement important tant il est vrai que l'offre éducative dans l'enseignement du second degré en France se caractérise par son extrême diversité, ce qui conduit à un taux d'encadrement national paradoxalement très faible. La démarche engagée par le ministère permettra sans doute une meilleure prise en compte des réalités locales. Toutefois, si cette politique devait perdurer au-delà de 2011, il serait à tout le moins opportun que le Parlement puisse, notamment lors de l'examen de la loi de règlement, disposer d'informations précises et quantitatives sur le niveau des leviers d'action mobilisés.
L'application du principe de parité conduit en outre à supprimer 1 633 postes dans l'enseignement privé. Enfin, il est proposé de supprimer 600 emplois administratifs. Ces suppressions complètent celles effectuées entre 2007 et 2011 et il conviendra sans doute d'interroger le ministre sur la soutenabilité à moyen terme de ces réductions d'effectifs.
Parallèlement, le plafond d'emplois du ministère, après plusieurs corrections, est réévalué de 20 359 ETPT, soit 2 % du plafond d'emplois de 2010. D'où viennent ces emplois ?
Tout d'abord, d'un changement de comportement qui se traduit par des départs à la retraite plus tardifs qu'initialement envisagé par le ministère. Ainsi, 5 600 ETPT sont réintégrés dans le plafond d'emplois de l'enseignement public du premier degré au titre de la régularisation du désajustement constaté entre recrutements et départs. Ensuite, le plafond d'emplois du ministère est majoré de 5 833 ETPT au titre de la réforme du recrutement des enseignants, qui a conduit, dans le cadre de la LFI pour 2010, à supprimer 18 202 emplois, sans tenir compte des postes mobilisés pour les stages en responsabilité effectués par les futurs enseignants. 2 900 ETPT sont également rétablis au titre d'un meilleur recensement des emplois de vacataires enseignants recrutés pour faire face aux besoins de remplacement en cours d'année. S'ajoutent 1 300 ETPT résultant de l'impact de la mise en oeuvre de Chorus sur le décompte de certains agents et 4 726 ETPT au titre de la régularisation du plafond d'emplois du programme relatif à l'enseignement privé. Ce dernier ajustement à la hausse devrait permettre de mettre un terme au sous-dimensionnement initial de ce plafond lors de la mise en oeuvre de la LOLF. Si ces corrections permettent en apparence de renforcer la sincérité du plafond du ministère en 2011, je regrette que cette sincérité soit tardive. En effet, cette réévaluation présente l'inconvénient de remettre en cause la crédibilité des précédents schémas d'emplois votés par le Parlement.
Quelques mots sur les politiques éducatives. Je crois qu'il sera nécessaire d'interroger le ministre sur l'expérience CLAIR (Collèges et Lycées pour l'Ambition, l'Innovation et la Réussite) qui est actuellement menée dans plus d'une centaine d'établissements de l'éducation prioritaire afin de tester de nouvelles pratiques pédagogiques mais aussi de gestion des ressources humaines. Les moyens alloués à cette expérimentation ne sont pas négligeable, puisque la seule mise en place des préfets d'études représenterait un coût de 14 millions d'euros pour les établissements participants. La généralisation de CLAIR constituerait un effort budgétaire important à n'en pas douter.
Je souligne que le présent projet de loi de finances confirme la politique de soutien personnalisé aux élèves. Les crédits des différents dispositifs (accompagnent éducatif, stages pendant les vacances, programmes personnalisés de réussite éducative...) sont reconduits et amplifiés par la mise en oeuvre de la réforme du lycée qui se traduit notamment par des dispositifs de tutorat et d'accompagnement individualisé.
L'année scolaire 2010-2011 est également marquée par l'ouverture d'établissements spécifiques, tels que les internats d'excellence ou les établissements de réinsertion scolaire, dont certains défrayent la chronique. Je relève la participation du programme d'investissements d'avenir à la conception des internats d'excellence à hauteur d'au moins 300 millions d'euros.
Pour terminer, je vous ferai part d'une satisfaction et d'une déception. Ma satisfaction concerne le maintien du programme « Enseignement technique agricole » au sein de la mission « Enseignement scolaire ». Je crois en effet que cette configuration permet de mieux suivre les besoins de l'enseignement technique agricole, qui rappelons le, accueille avec succès un public souvent difficile.
Ma déception est, qu'en dépit d'un rapport favorable de notre collègue député Frédéric Reiss sur les établissements publics du primaire, la création de ces derniers reste toujours bloquée en l'absence de la publication du décret d'application. Je rappelle pourtant que ces établissements pourraient utilement répondre à une réalité qui est, en milieu rural, la prise en charge de la fonction scolaire par les intercommunalités.
En conclusion mes chers collègues, retenez que la politique de réduction des effectifs de l'éducation nationale s'inscrit dans une comptabilité incertaine des effectifs globaux. Le degré de précision des informations qui nous sont transmises doit être amélioré. Je crois que nous ne pouvons pas accepter de découvrir tous les cinq ans que les chiffres ne restituaient pas la réalité. Sous réserve de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
M. Jean Arthuis, président. - S'agissant des personnels de l'éducation nationale, n'oublions pas que le plafond ne présente pas les emplois qui sont pourvus par les recrutements directs des établissements scolaires, notamment les postes de personnels d'assistance éducative, soit un peu plus de 90 000 personnes...
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Tout à fait. Rémunérés à partir des crédits d'intervention de la mission, ils ne sont pas intégrés au plafond d'emplois
M. Jean Arthuis, président. - Je passe la parole à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. - A titre liminaire, je souhaite indiquer que je ne remets pas en cause les chiffres présentés par mon collègue Gérard Longuet, et que j'approuve son analyse de l'enseignement technique agricole, notamment en ce qui concerne les fermetures de classe. Toutefois, je ne partage ni les objectifs du projet annuel de performances présentés par le Gouvernement, ni les conclusions de notre commission tendant à l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire ». Je considère notamment que les schémas d'emplois qui sont mis en oeuvre depuis 2007 remettent en cause la capacité de la mission « Enseignement scolaire » à remplir de manière satisfaisante ses fonctions : entre 2007 et 2011, plus de 50 000 postes auront été supprimés. Le PLF pour 2011, comme les précédents, témoigne ainsi d'une logique comptable de réduction des dépenses publiques, de suppressions de postes à laquelle je m'oppose. Centrer la politique scolaire exclusivement sur la diminution du nombre de fonctionnaires est une orientation négative, qui se traduit, sur le terrain, par la fragilisation systématique des académies les plus en difficulté. J'en veux notamment pour preuve l'impact de la diminution des postes dans les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), qui amoindrit la capacité de l'Education nationale à prendre en charge les élèves présentant des difficultés particulières.
M. Jean Arthuis, président. - Je comprends que le décompte des emplois au ministère de l'éducation nationale peut être amélioré et que les académies sont appelées à devenir de véritables centres de décisions. Il est vrai que cette année sera en partie marquée par l'ouverture des établissements de réinsertions scolaire. En Mayenne, l'inspecteur d'académie a proposé d'ouvrir à Craon un établissement de cette catégorie, afin d'accueillir une dizaine d'élèves de Seine-Saint-Denis. L'objectif est de leur offrir une chance particulière de renouer avec le système scolaire. L'ouverture de cet établissement m'a montré non seulement à quel point la gouvernance au sein de l'éducation nationale pouvait être améliorée, mais aussi à quel point « l'accueil de l'autre » pouvait être un défi, notamment vis à vis des parents d'élèves particulièrement hostiles à ce projet. Dès le premier jour d'ouverture de l'établissement, nous avons dû faire face à une échauffourée entre les élèves accueillis et les élèves résidents, et à une crispation de la communauté éducative qui s'est notamment traduite par l'exercice du droit de retrait des enseignants. La situation est en train de se normaliser. Je reste convaincu que nous avons le devoir d'essayer quelque chose pour ces jeunes même si le résultat est incertain.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Je crois, Monsieur le Président, que ces établissements bénéficient d'un taux d'encadrement particulièrement important
M. Jean Arthuis, président. - Oui, il y quasiment autant d'adultes que d'élèves !
M. Éric Doligé. - Je viens de terminer avec notre collègue Claude Jeannerot un rapport relatif au transfert des personnels techniques, ouvriers et de service aux collectivités territoriales. Cette opération, qui a concerné plus de 96 000 agents, soulève des questions sur les modalités de gestion des ressources humaines du ministère de l'éducation nationale. En effet, dans le calibrage des crédits que l'Etat doit verser aux collectivités au titre de ce transfert, je ne suis pas certain que l'ensemble des coûts ait été pris en compte ; par exemple les dépenses liées à la formation continue de ces personnels ou à la médecine du travail. Je souhaitais savoir si l'éducation nationale bénéficie d'un régime dérogatoire en la matière.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - L'exemple vient d'en haut. Quand on a un système où il n'y a pas d'entretien préalable au licenciement et non respect des promesses d'embauche, il est difficile de faire respecter une politique des ressources humaines... S'agissant de l'éducation nationale, je souligne la mise en place du droit individuel à la formation qui permet aux enseignants d'acquérir de nouvelles compétences dans la perspective d'une mobilité professionnelle. Les formations, qui se dérouleront pendant les vacances scolaires, donneront lieu au versement d'une allocation de formation correspondant à 50 % du traitement horaire de l'enseignant. Ceci est positif. Ma principale interrogation concerne en réalité la formation initiale des enseignants et l'impact de la réforme du recrutement, qui conduit à mettre devant des élèves des jeunes enseignants qui n'ont aucune expérience professionnelle. S'agissant de la question relative aux contrôles médicaux des personnels de l'éducation nationale, je ne suis pas certain que les crédits budgétés permettent le financement de la totalité des visites d'embauche et des visites de contrôle.
M. Eric Doligé. - Si tel est le cas, c'est problématique car cela fausse le calcul du coût du transfert de certains personnels aux collectivités territoriales. Le budget de l'éducation nationale est peu transparent sur ces questions de formation continue de personnels et de médecine du travail.
M. Thierry Foucaud. - Je voudrais souligner une contradiction entre le nombre de postes ouverts au concours, 11 600 en 2011, et le nombre beaucoup plus élevé d'étudiants en master qui préparent les concours. Que feront les étudiants non reçus ?
M. Adrien Gouteyron. - Je souhaiterais faire plusieurs remarques. La première concerne le développement consacré dans la note qui nous a été remise aux dispositifs de personnalisation de la pédagogie. Je crois que cette politique aura d'autant plus de résultats sur les résultats des élèves que l'autonomie des établissements sera affirmée, même si je reconnais qu'il s'agit d'une notion vague dont on ne connaît pas encore nécessairement les points précis d'application. Ma deuxième remarque a trait à l'expérimentation CLAIR. Je souhaite qu'on puisse avoir connaissance du coût de son déploiement. Le problème des expérimentations dans l'éducation nationale est que ces dernières sont conduites à l'appui de moyens exceptionnels dont on sait pertinemment qu'ils ne pourront pas être généralisés, ce qui réduit d'autant l'intérêt des expérimentations. Ma troisième remarque renvoie à la question des enseignants surnuméraires que j'avais eu l'occasion de soulever à l'occasion d'un précédent rapport. Vous évoquez à juste titre une des causes de ces surnombres qui est le désajustement entre les recrutements et les départs en retraite. Enfin, quatrième remarque, je m'interroge sur l'opportunité de déconcentrer la mise en oeuvre du schéma d'emploi. Il me semble qu'il conviendrait au préalable de s'assurer que l'administration centrale soit bien en mesure de contrôler les décisions prises afin de pouvoir vérifier la cohérence de la gestion du système.
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Je suis très favorable à l'autonomie des établissements comme en témoigne ma demande réitérée concernant les établissements publics du primaire. La contrepartie de cette autonomie est une coopération renforcée entre les enseignants. L'expérimentation CLAIR est au coeur du sujet car il s'agit d'organiser le suivi collectif de la réussite individuelle des élèves par une meilleure coopération des membres des équipes éducatives mobilisées autour d'un projet d'établissement mis en oeuvre par le chef d'établissement. Vous posiez la question du montant des crédits nécessaires à la généralisation de CLAIR, je ne suis pas en mesure de vous répondre car cela n'a pas été défini. S'agissant de la déconcentration de la mise en oeuvre du schéma d'emplois, je crois que la mesure est opportune en ce qu'elle permet de rapprocher l'autorité de décision du chef d'établissement et donc de mieux prendre en compte les spécificités locales. Néanmoins, et je l'ai dit dans mon avant-propos, l'administration, comme le Parlement, devront pouvoir contrôler a posteriori ce qui a été décidé. Enfin, s'agissant des surnombres, j'observe que la situation est stabilisée dans l'enseignement du second degré : environ 1 800 enseignants sont surnuméraires, ce chiffre ne semble pas pouvoir être réduit de manière sensible.
Mme Michèle André. - Tout ne se ressemble pas, notamment lorsqu'on accueille des enfants. Les enfants ayant des difficultés scolaires ou présentant un handicap nécessite une prise en charge particulière, avec des enseignants formés et spécialisés. Il faut être vigilant sur les réductions d'effectifs envisagées au niveau national et qui ne peuvent pas cependant être uniformes sur le terrain. Avez-vous des chiffres précis sur le nombre d'enseignants exerçant en RASED ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Je partage le sentiment de ma collègue sur la nécessité d'adapter les décisions nationales aux réalités du terrain. Je pense au demeurant que c'est l'esprit de la démarche mise en oeuvre par le ministère cette année en ce qui concerne la déconcentration de l'application du schéma d'emplois au niveau des académies. Je crois même que l'établissement pourrait être un échelon pertinent sous certaines conditions. S'agissant des élèves handicapés, l'éducation nationale fait depuis plusieurs années un effort conséquent. Outre les postes d'enseignants spécialisés, la politique du handicap mobilise plus de 300 millions d'euros. Concernant les RASED, j'interrogerai l'administration pour avoir des précisions sur les évolutions récentes des effectifs.
M. Philippe Dominati. - L'augmentation de la masse salariale du ministère de l'éducation nationale peut surprendre. Peut-on parler de politique de rigueur dans l'éducation nationale ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - L'enseignement reste une fonction non mécanisable, c'est de la valeur ajoutée par le travail individuel, ce sont nécessairement des salaires, et nécessairement des salaires qui ne peuvent pas diminuer compte tenu de la nature et de la complexité des missions qui sont confiées aux enseignants. La productivité relative de l'éducation nationale est inéluctablement faible ; c'est néanmoins un excellent investissement pour la société.
M. Joël Bourdin. - Je souhaiterais avoir des précisions sur les lycées de la deuxième chance qui répondent à un véritable besoin. Ces établissements mettent en oeuvre de méthodes éducatives adaptées et il me semble que le CNED peut constituer à cet égard un excellent outil de transmission pédagogique. Qu'en pensez-vous ?
M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Le ministère de la défense comme le ministère de l'éducation nationale ont mis en place des dispositifs de deuxième chance, qui permettent à de jeunes adultes de reprendre des études avec des horaires et des enseignements aménagés. Il existe également une offre privée. Je crois que ces établissements se justifient par le constat qu'un échec scolaire ne doit pas pénaliser une vie entière.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Enseignement scolaire » sans modification.
Loi de finances pour 2011 - Mission Justice (et articles 75 et 75 bis) - Examen du rapport spécial
Puis la commission examine le rapport de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, sur la mission « Justice » et les articles 75 et 75 bis du projet de loi de finances pour 2011.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - La mission « Justice » est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2011, de 7,127 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 4,1 %. Sur la période 2011-2013, ses moyens continueront de progresser de 3,3 %, ce qui traduit bien la priorité accordée à la justice depuis la loi d'orientation et de programmation de 2002.
Le programme « Justice judiciaire » compte 2,959 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 4,4 %.
Les créations nettes d'emploi se montent à 127 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT), pour un plafond d'emploi fixé à 31 018 ETPT.
Les efforts afin d'accroître les effectifs de magistrats n'ont cependant de sens que s'ils s'accompagnent d'un effort encore plus important en faveur des greffiers. Or, le ratio entre le nombre de greffiers et celui de magistrats n'est encore actuellement que de 0,86. L'objectif doit être de l'amener progressivement à un niveau proche de un pour un.
Pour 2011, l'enveloppe allouée au titre des frais de justice s'élève à 459,4 millions d'euros. Les charges restant à payer devraient toutefois représenter près de 100 millions d'euros à la fin de l'exercice budgétaire 2010, ce montant correspondant à environ deux mois d'activité des juridictions. Il apparaît donc que la sous-budgétisation, constatée en 2009 et 2010, se poursuit en 2011, remettant en cause le principe de sincérité budgétaire au sein de la mission « Justice ».
C'est la raison pour laquelle je proposerai à la commission, à l'issue de cette présentation, d'adopter un amendement visant à abonder les crédits du programme « Justice judiciaire » de 30 millions d'euros, afin de rétablir l'enveloppe dédiée aux frais de justice à un niveau plus conforme à la réalité des besoins pour 2011.
Un autre enjeu pour l'institution judiciaire réside dans la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire. A cet égard, il convient de se féliciter que cette réforme avance, sans que son coût dérape. Celui ci est toujours estimé à 427 millions d'euros sur cinq ans.
Il faut toutefois rappeler que ce coût n'intègre pas l'opération de réaménagement du TGI de Paris sur le site des Batignolles, dans le 17ème arrondissement de Paris. A elle seule, cette opération, montée en partenariat public-privé, représentera un coût de 623,5 millions d'euros. En 2011, les efforts en faveur du programme « Administration pénitentiaire » se poursuivront.
Ce programme verra ainsi ses autorisations d'engagement progresser de 6,8 % et ses crédits de paiement de 4,5 %. Il enregistrera, par ailleurs, un gain net de 413 emplois supplémentaires, pour un plafond d'emplois établi à 34 857 ETPT. Cette augmentation des effectifs permettra notamment de répondre aux besoins en personnel liés à l'ouverture de nouvelles places en détention au cours de l'exercice.
Le nombre de créations nettes de places en détention en 2011 se montera en effet à 1 139, les efforts d'investissement réalisés au cours des derniers exercices commençant à porter leurs fruits depuis 2008.
Le grave écueil de la surpopulation carcérale n'est cependant pas encore totalement surmonté et, en la matière, la préoccupation majeure consiste dans les six établissements dont la densité reste supérieure à 200 % et qui accueillent actuellement 1 009 détenus.
S'agissant de la question récurrente des transfèrements de détenus, une décision importante est intervenue. En effet, à compter du 1er janvier 2011, la responsabilité de ces transfèrements entre les cellules et les palais de justice, ainsi que des missions d'escorte et de garde des détenus hospitalisés dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), sera transférée au ministère de la justice. Seuls les détenus particulièrement signalés continueront de relever de la police et de la gendarmerie. Cette mesure va dans le sens d'une rationalisation souhaitable des moyens et elle s'accompagnera d'un transfert de 800 ETPT en faveur de l'administration pénitentiaire.
Comme vous le savez, la prise en charge des cas de psychiatrie en milieu carcéral constitue pour moi un sujet de préoccupation constant depuis plusieurs années. Et, encore une fois, je dois déplorer l'insuffisance globale des moyens dédiés à cette mission, notamment concernant le nombre des psychiatres intervenant en milieu carcéral. Cette pénurie de psychiatres est d'autant plus préjudiciable qu'environ 20 % à 25 % des détenus souffrent de troubles psychiatriques. Cette situation doit trouver des solutions dans les années à venir.
Depuis 2009, le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » privilégie la prise en charge des mineurs délinquants. L'année 2011 représente une année charnière pour la PJJ. En effet, conçu sur quatre ans, son « projet stratégique national » va toucher à son terme.
Le programme comporte 757,9 millions d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 2,1 %. Il enregistrera la perte de 140 ETPT, son plafond d'emploi baissant à 8 501 ETPT. Ces réductions d'emplois touchent uniquement les fonctions support, et non les éducateurs.
La performance du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » est difficile à appréhender, dans la mesure où elle dépend aussi de plusieurs variables qui lui sont, au moins en partie, extérieures. Certaines observations se révèlent toutefois éclairantes.
Ainsi, le coût d'une journée en centre éducatif fermé (CEF) est de 625 euros en 2010. Ce coût relativement élevé doit, toutefois, être remis en perspective au regard de la montée en charge progressive de ce dispositif et des charges fixes relativement importantes engendrées initialement par ces structures d'accueil. Ces charges ont vocation à être étalées à mesure de l'approche du régime de croisière de ce programme de création de CEF. Il faut 2,5 encadrants par mineur dans ce type de structure.
Les taux d'occupation des établissements sont en progrès. Ainsi, ce taux est-il passé de 86 % pour les centres éducatifs renforcés (CER), en 2009, à 88 % en prévision actualisée pour 2010, avec une cible de 90 % en 2011.
Au total, l'action de la PJJ débouche sur un résultat encourageant : 70 % des jeunes pris en charge au pénal n'ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l'objet de nouvelles poursuites dans l'année qui a suivi la clôture de la mesure.
Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » augmentent de 12,4 % en crédits de paiement, en atteignant 331,3 millions d'euros.
En particulier, l'aide juridictionnelle voit sa dotation passer de 274,8 millions d'euros en 2010 à 312,3 millions d'euros.
Cette hausse significative est toutefois trompeuse. Elle s'explique essentiellement par le fait que, l'année prochaine, ces crédits devront également couvrir l'assujettissement des rétributions versées aux avocats et aux avoués à un taux de TVA à 19,6 %, contre 5,5 % antérieurement.
Reprenant l'une des propositions de votre rapporteur spécial, l'article 41 du présent projet de loi de finances instaure un ticket modérateur de 8,84 euros à la charge du bénéficiaire de l'aide. L'objectif visé par cette mesure est de responsabiliser les bénéficiaires potentiels de l'aide juridictionnelle, afin d'éviter les abus de procédure. Il en est attendu une économie d'environ 3,9 millions d'euros en 2011 et de 5,2 millions d'euros à partir de 2012.
Il s'agit là d'une amorce de réforme du système de l'aide juridictionnelle, celle-ci ne pouvant plus attendre.
Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » comporte 267,1 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de 7,3 % par rapport à 2010.
Cette hausse significative des crédits consacrés à l'administration centrale et aux projets informatiques pourrait surprendre. Elle doit cependant être relativisée dans la mesure où elle résulte, pour une grande part, de changements de périmètres.
Dans le domaine de la politique immobilière et logistique, il faut d'ailleurs souligner l'ambition de la Chancellerie de regrouper, sur un site unique, l'ensemble des directions et services des sites parisiens de l'administration centrale, hors le « 13, Place Vendôme ». Votre rapporteur spécial sera attentif à cette évolution, qui doit être l'occasion d'une rationalisation des moyens de l'administration centrale en permettant notamment de dégager des économies substantielles de loyers.
Enfin, s'agissant de la performance dans la conduite des grands projets informatiques, le taux de déploiement du projet Cassiopée, instaurant une nouvelle chaîne pénale dématérialisée dans les juridictions, n'a pas atteint son objectif de 96 % en 2010, puisqu'il ne s'élève qu'à 84,6 %. L'objectif de 100 % en 2011 paraît, par ailleurs, difficile à réaliser.
En conclusion, je vous propose l'adoption des crédits proposés pour la mission « Justice » et pour chacun de ses programmes, avec une modification de crédits.
M. Jean Arthuis, président. - Au sein du budget de l'Etat, les crédits de la justice présentent une exception notable : ils augmentent.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Cette exception est justifiée. L'un des enjeux de la mission « Justice » résidera, en 2011, dans le transfert de la responsabilité des transfèrements de détenus à l'administration pénitentiaire. Il ressort de mes entretiens avec le responsable de programme que les personnels accueillent favorablement cette perspective.
M. Philippe Dallier. - A propos des centres éducatifs fermés (CEF), je suis surpris de voir que leur taux d'occupation progresse lentement. Combien y-a-t-il de CEF ouverts aujourd'hui ?
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Le programme des CEF comprend 48 structures, dont 40 sont déjà ouvertes. Dans chacune d'entre elles on trouve environ une vingtaine de jeunes accueillis, ce qui signifie qu'aujourd'hui 800 places sont disponibles. Le coût d'une journée en CEF est élevé, mais les résultats sont probants au regard du faible taux de récidive ou de réitération des jeunes qui en sortent. En outre, j'insiste sur la nécessité d'avoir dans ces établissements des personnels bien formés, cette formation prenant nécessairement du temps.
Mme Michèle André. - Je m'interroge sur le transfert des transfèrements à l'administration pénitentiaire. Les conditions sont elles bien réunies et les personnels y sont-ils prêts ? En tant que présidente de la délégation aux droits des femmes, j'ai particulièrement travaillé sur les conditions de détention des femmes en prison. Les détenues y sont en effet particulièrement fragiles psychologiquement. On retrouve toutefois moins de cas psychiatriques dans les quartiers réservés aux femmes que dans ceux des hommes.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Concernant les transfèrements, le directeur de l'administration pénitentiaire m'a un peu surpris en m'assurant que les personnels accueillent très positivement cette perspective. Il est en lien avec les organisations représentatives des personnels et il m'a assuré de l'intérêt suscité par cette nouvelle mission. Le passage de relais entre l'administration pénitentiaire et les forces de police et de gendarmerie doit s'opérer progressivement, avec une phase d'expérimentation au premier semestre 2011 dans deux régions.
Mme Nicole Bricq. - Peut-on connaître ces deux régions ?
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Je vous les préciserai lorsque je les connaîtrai. Il faut toutefois bien souligner que la responsabilité des détenus particulièrement dangereux reste confiée à la police et à la gendarmerie. En prison, la population féminine est naturellement plus fragile. En tant que président du conseil d'administration d'un hôpital psychiatrique, je suis par ailleurs frappé du manque de vocations pour les métiers de la psychiatrie. Je fais beaucoup de déplacements dans les établissements pénitentiaires et je suis convaincu que l'encellulement individuel n'est pas toujours souhaitable.
M. Jean Arthuis, président. - Nous en avons pourtant voté le principe dans la loi pénitentiaire en 2009.
Mme Michèle André. - Il faudra beaucoup de temps avant de parvenir à la pleine application de ce principe.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Je vous le confirme.
M. Yann Gaillard. - Je suis surpris de constater que la réforme de la carte judiciaire présente un coût à la charge de l'Etat, alors que cette politique nous avait été présentée comme une source d'économies.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Cette réforme a certes d'abord un coût, mais elle débouchera ensuite sur des économies. Il faut se réjouir que ce coût ne dérape pas, et cela d'autant plus que les produits de cession des palais de justice ne sont pas réaffectés au financement des nouvelles acquisitions et des travaux de rénovation.
Mme Marie-Hélène des Esgaulx. - Les crédits de l'aide juridictionnelle augmentent en 2011 du fait de l'application d'une TVA à 19,6 % à ces missions, mais a-t-on bien évalué le coût lié au passage à la TVA à taux normal ? Par ailleurs, la prochaine réforme de la garde à vue aura un impact considérable sur les crédits de l'aide juridictionnelle. S'agissant des frais de justice, on doit déplorer beaucoup de dérapages dans le domaine de la prise en charge des missions d'experts. Je veux également soulever une anomalie particulièrement frappante : la salle d'audience spécialement aménagée à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle n'est pas utilisée. On préfère emmener les demandeurs d'asile au tribunal de Bobigny dans des conditions inacceptables.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - L'impact de la TVA à 19,6 % sur les missions d'aide juridictionnelle est neutre pour les comptes publics.
Mme Marie-Hélène des Esgaulx. - L'effet de la hausse de la TVA est neutre, mais cela signifie qu'en réalité les crédits de l'aide juridictionnelle n'augmentent pas.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - En matière d'aide juridictionnelle, le projet de loi de finances prévoit l'instauration d'un ticket modérateur afin d'éviter les abus de procédure et de responsabiliser les bénéficiaires de l'aide. Ce ticket n'est toutefois pas très bien accepté par la profession d'avocat. A propos du tribunal de Bobigny, je partage votre point de vue et j'ai d'ailleurs l'intention de m'y rendre prochainement. Je crois que les magistrats peuvent se déplacer à Roissy. J'ai déjà eu à plusieurs reprises, au cours des dernières années, l'occasion d'attirer l'attention du garde des Sceaux sur le problème posé par les frais de justice. L'une des clés du problème réside dans la capacité des services administratifs régionaux (SAR) à aider utilement les magistrats dans leur prise de décision.
Mme Nicole Bricq. - Vous évoquez un problème de sincérité budgétaire du fait d'une sous-évaluation chronique depuis trois ans des frais de justice. Cette situation peut elle perdurer ? Par ailleurs, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » n'a pas été mis à profit dans le cadre du financement de la réforme de la carte judiciaire, contrairement à ce qui était initialement prévu. Cette situation là non plus n'est pas normale. Confier la responsabilité des transfèrements au ministère de la justice permet certainement de libérer des emplois au ministère de l'intérieur et de les réaffecter à la sécurité, mais je n'ai pas constaté beaucoup d'enthousiasme de la part des personnels de l'administration pénitentiaire. Enfin, le ticket modérateur instauré dans le cadre de l'aide juridictionnelle va peser lourdement sur des publics à faibles ressources. Je doute qu'il permette d'atteindre l'objectif qu'on lui assigne.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Les magistrats ont fait des efforts afin de maitriser la dynamique à la hausse des frais de justice, c'est désormais au tour des SAR d'en faire. Il n'est pas acceptable que les juridictions se retrouvent en quasi cessation de paiement au mois de novembre. Je vous rappelle pourtant qu'un décret d'avances de 34 millions d'euros a été pris en septembre.
Concernant le volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire, je partage la préoccupation de Mme Nicole Bricq : les produits de cessions d'immeubles n'ont pas été restitués à hauteur de 50 % au ministère de la justice, malgré l'engagement initialement pris. Le transfert des transfèrements au ministère de la justice s'opérera progressivement et l'un des enjeux consiste en la réaffectation des 800 emplois en provenance de la mission « Sécurité ». Enfin, les dépenses d'aide juridictionnelle ayant tellement explosé au cours des dernières années, il fallait mettre un terme à cette tendance. Le ticket modérateur doit y contribuer et il ne représente que 2 % du coût moyen d'une mission d'aide juridictionnelle, soit un coût relativement faible à la charge du justiciable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'article 75 du projet de loi de finances pour 2011 propose de reporter la date d'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction. Je regrette vivement ce report qui s'inscrit dans une succession toujours plus désordonnée de réformes du code de la procédure pénale.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Demandé par le Gouvernement, ce report résulte de la décision du Conseil constitutionnel relative au caractère inconstitutionnel de notre système actuel de garde à vue. Il faut noter qu'effectivement c'est le deuxième report de la date d'entrée en application de la collégialité de l'instruction. L'Assemblée nationale a voté cet article conforme.
M. Gérard Miquel. - De nombreux projets de nouvelles prisons sont montés via un partenariat public-privé. Ce type de financement va-t-il mettre à contribution les collectivités locales ?
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - A ma connaissance, les conseils généraux ne sont pas sollicités. Les partenariats public-privé ne sont pas considérés comme une dette au sens Maastrichien du terme, mais ils n'en constituent pas moins un engagement de long terme pesant sur l'Etat. Ils permettent toutefois d'accélérer les procédures, un projet immobilier pouvant ainsi être monté en deux ans. Il y a certes de nouveaux programmes immobiliers, mais de nouvelles mesures alternatives à la détention prennent aussi leur essor : le bracelet électronique par exemple.
M. Jean Arthuis, président. - Pouvez -vous nous présenter votre amendement ?
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Alors que des progrès substantiels avaient été réalisés depuis 2006 et l'entrée en vigueur de la LOLF, l'année 2009 a été celle du redémarrage des frais de justice, avec un dépassement de 23,5 millions d'euros par rapport à l'autorisation accordée en loi de finances initiale.
En 2010, cette tendance se confirme : le montant total de la dépense devrait avoisiner 440 millions d'euros pour une enveloppe initiale de 393,3 millions d'euros. Le montant des charges restant à payer en fin d'année devrait, quant à lui, s'élever à près de 100 millions d'euros, soit environ deux mois d'activité.
La loi de finances pour 2011 prévoit 459,4 millions d'euros pour couvrir la dépense liée aux frais de justice. Il y a cependant tout lieu de penser que la sous-budgétisation observée au cours des deux derniers exercices reste de mise. Outre qu'elle remet en cause le principe de sincérité budgétaire pour 2011, cette situation fait courir le risque de voir l'activité des juridictions perturbée par le non paiement en temps et en heure des experts.
L'amendement proposé vise donc à abonder de 30 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, l'action n° 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » du programme « Justice judiciaire ».
Cet amendement est essentiellement un amendement d'appel, visant à sensibiliser la Chancellerie et permettant d'attirer son attention sur la nécessité d'améliorer l'aide à la décision des magistrats par une plus grande professionnalisation des services administratifs régionaux (SAR) dans les juridictions.
Mme Nicole Bricq. - Je doute fortement de l'efficacité de cet amendement.
M. Jean Arthuis, président. - Cet amendement sera efficace s'il est adopté en séance.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Ce coup de semonce doit nous permettre de sensibiliser les acteurs de l'institution judiciaire sur l'enjeu que représente la professionnalisation des SAR en vue d'une meilleure maîtrise des frais de justice.
M. Jean Arthuis, président. - Pouvez-vous nous présenter maintenant les deux articles rattachés à la mission « Justice » ?
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - L'article 75 propose de reporter, au 1er janvier 2014, la mise en oeuvre de la collégialité de l'instruction.
Cette collégialité est prévue par la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale, qui a créé les pôles de l'instruction. Initialement, ces pôles devaient entrer en vigueur au 1er janvier 2010. Mais la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures en a reporté la mise en oeuvre au 1er janvier 2011.
Or, l'entrée en vigueur des pôles de l'instruction est incompatible avec la réforme, annoncée par le Gouvernement, du code de procédure pénale.
Cette réforme propose en particulier la suppression de l'instruction et la création d'un cadre unique d'enquête, menée sous la direction du procureur de la République et sous le contrôle, selon la nature des actes en cause, d'un juge de l'enquête et des libertés ou d'un tribunal collégial de l'enquête et des libertés.
Le report de l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction paraît donc s'imposer, par souci de cohérence avec ce projet de réforme et afin d'éviter une réorganisation coûteuse et complexe qui ne pourrait présenter qu'un caractère transitoire.
Je vous propose donc d'adopter cet article sans modification.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'ai de grands doutes sur la possibilité de réaliser la réforme d'ensemble, annoncée par le Gouvernement, du code de procédure pénale. Nous avons déjà voté une loi il y a trois ans, à la suite de l'affaire d'Outreau et des conclusions d'une commission de l'Assemblée nationale. Je considère que le report de trois ans pour la mise en place des pôles de l'instruction est un délai trop long. Je préférerais deux ans.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial. - Adopté par l'Assemblée nationale sur amendement du Gouvernement (et après avis favorable de la commission des finances), l'article 75 bis propose de créer une réserve judiciaire, composée de magistrats et de fonctionnaires des services judiciaires, tous retraités volontaires.
Il prévoit une condition d'âge (75 ans au plus), les activités pouvant être remplies par ces volontaires (il s'agit d'activités non juridictionnelles) ainsi que leurs obligations relevant du secret professionnel et des règles relatives au cumul de pensions.
Il précise, enfin, qu'un décret en Conseil d'Etat interviendra s'agissant des modalités d'application de ces dispositions.
Cet article offre la possibilité aux magistrats, aux greffiers en chef et aux greffiers des services judiciaires à la retraite, de mettre leur savoir faire et leur expérience au service de la justice, s'ils le souhaitent.
Il répond, en outre, aux besoins exprimés par les juridictions de pouvoir disposer de personnels pouvant accomplir ponctuellement certaines activités non juridictionnelles.
Par ailleurs, un amendement du Gouvernement, adopté par l'Assemblée nationale après avis favorable de la commission des finances, a effectué la coordination sur les crédits de la mission « Justice » afin de tirer les conséquences budgétaires de la création de cette réserve judiciaire.
Je vous propose donc d'adopter cet article sans modification.
Mme Nicole Bricq. - J'aimerais beaucoup connaître le bilan net des suppressions de fonctionnaires opérées au sein de l'institution judiciaire au cours des dernières années. Je comprends mal l'intérêt de supprimer des emplois et de payer, dans le même temps, des réservistes volontaires.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial - Il n'y a pas eu de suppression nette d'emplois au cours des dernières années dans les juridictions. C'est même tout le contraire puisque la justice a été « sanctuarisée » et a bénéficié de nombreuses ouvertures de postes.
A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement présenté par le rapporteur spécial à l'article 48 (Etat B annexé) du projet de loi de finances pour 2011, puis décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Justice » ainsi modifiés.
Elle adopte un amendement réduisant de trois ans à deux ans le délai de report de l'entrée en vigueur de la collégialité de l'instruction et décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 75 ainsi modifié.
Enfin, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification de l'article 75 bis.
Loi de finances pour 2011 - Mission Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales et compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (et articles rattachés 68 et 68 bis nouveau) - Examen du rapport spécial
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, sur la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » et les articles 68 et 68 bis nouveau du projet de loi de finances pour 2011.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. - Nous en venons à l'examen des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » (APAFAR), des deux articles rattachés 68 et 68 bis (nouveau) et du compte spécial « Développement agricole et rural », appelé « CAS-DAR ». Je me permettrai également de dresser, à la fin de mon exposé, un court bilan du statut des coopératives agricoles.
Je voudrais tout d'abord revenir sur les réformes introduites par le ministère de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche (MAAP), qu'il s'agisse de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, de la révision générale des politiques publiques ou, encore, du Grenelle de l'environnement. Le ministère est entré dans un processus profond de modernisation, tant du point de vue de l'organisation de ses services, de ses opérateurs que de ses dispositifs d'intervention. Pour mémoire, l'Agence unique de paiement (AUP) et le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) ont été fusionnés en 2009 au sein de l'Agence de services et de paiement (ASP), et les principaux offices agricoles ont également été regroupés au sein d'un établissement unique baptisé FranceAgriMer. Je précise à cet égard que notre commission a demandé pour 2011 à la Cour des comptes une enquête sur cette fusion des offices agricoles et la création de l'ASP, qui sera l'occasion de faire le point sur les enjeux et la cohérence de cette réforme.
Le regroupement des Haras nationaux et de l'Ecole nationale d'équitation au sein de l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), le 1er février 2010, mérite aussi d'être mentionné : conformément à ce que j'ai préconisé il y a quelques années, il a été choisi de recentrer l'IFCE sur des missions de service public, les activités des Haras nationaux dans le secteur concurrentiel étant désormais confiées au GIP « France Haras ».
L'effort de modernisation des opérateurs concerne aussi la politique forestière, avec la fusion cette année en un établissement unique du Centre national de la propriété forestière et des dix-huit centres régionaux de la propriété forestière. La situation difficile de l'Office national des forêts (ONF), sur laquelle j'ai déjà eu l'occasion d'attirer l'attention de notre commission, s'améliore et devra permettre de renouer avec la trajectoire définie par la RGPP. L'arrivée d'une nouvelle équipe de direction devrait y aider, avec la désignation de notre collègue député Hervé Gaymard à la présidence du conseil d'administration et de Pascal Viné, ancien directeur de cabinet du ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche, au poste de directeur général.
Je constate que, globalement, ces réformes devraient permettre de dégager des économies en 2011. Cette évolution n'est pas visible à l'échelle de l'ensemble des crédits, mais elle se vérifie dans le détail de certains postes de dépense. Je déplore à cet égard que l'impact budgétaire à moyen terme de ces réformes - qu'elles soient liées à la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, à la RGPP, au Grenelle, ou encore, au bilan de santé de la PAC - ne soit pas évalué avec plus de précision. Je demanderai qu'un effort significatif soit fourni en la matière.
S'agissant des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », le projet de loi de finances pour 2011 propose de la doter en 2011 de 3,59 milliards d'euros en AE et 3,67 milliards d'euros en CP. Il s'agit d'un budget d'après-crise, taillé pour un monde agricole encore convalescent. La dotation de la mission en 2011 est caractérisée par une certaine stabilité par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale (LFI) pour 2010 : les AE sont en baisse de 1,8 % tandis que les CP progressent de 1,8 %. Hors crédits de personnel, les variations sont plus significatives : les dotations représentent, par rapport à 2010, une baisse des crédits de 0,5 % en AE et une hausse de 4,3 % en CP. J'indique une limite à cet exercice de rapprochement des crédits entre loi de finances initiales (LFI) d'une année sur l'autre. Il est en effet très probable que la mission soit abondée en gestion par des ouvertures supplémentaires importantes. Nous assistons à la répétition de cette pratique année après année, ce qui témoigne d'une budgétisation au plus juste des crédits de la mission. Il est malheureusement d'usage de ré-abonder en gestion la mission agriculture, souvent au gré des crises subis par le monde agricole, de nature climatique, économique ou sanitaire. Cela nous montre que la question des aléas ne fait pas l'objet d'une prise en charge satisfaisante par les politiques agricoles.
L'exécution budgétaire en 2009 et en 2010 présente ainsi, une fois de plus, un profil très perturbé. En 2009, 935 millions d'euros en AE et 838 millions d'euros en CP ont ainsi été ouverts en cours d'exercice sur la mission APAFAR, ce qui représente une augmentation respective de 29 % et 24,1 % par rapport aux dotations prévues par la LFI pour 2009. Or la crise grave traversée par l'ensemble des filières agricoles ne suffit pas à expliquer un tel écart. Ce phénomène résulte aussi de la budgétisation clairement insuffisante de certains postes en LFI.
Il faut rapprocher la mission des autres concours publics à l'agriculture, et en particulier des dotations communautaires accordées au titre de la politique agricole commune (PAC) : le périmètre de la mission ne s'élève en effet qu'à un peu plus de 20 % de l'ensemble des concours publics annuels à l'agriculture.
Mes observations sur chacun des programmes de la mission sont les suivantes :
- doté de la moitié des crédits de la mission, le programme 154 est le support privilégié de la politique d'intervention du ministère. Mon attention a été attirée par notre collègue Ambroise Dupont, président de la section « Cheval » du groupe d'études de l'élevage, sur la réduction de 47 % des subventions allouées aux filières cheval de sport et cheval de trait, à savoir 4,7 millions d'euros en 2011 au lieu de 9 millions d'euros en 2010. Une telle baisse n'est pas acceptable et je vous propose d'adopter un amendement pour amortir ce choc ;
- pour le programme 149 « forêt », je retiens que le principal opérateur du programme, l'ONF, doit poursuivre ses efforts de rationalisation et mettre en place une véritable politique commerciale. Il doit y être aidé par une clarification de ses relations financières avec l'Etat, les collectivités territoriales et les forestiers privés ;
- au sujet du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », je note que la nouvelle priorité donnée à l'alimentation par le MAAP est confirmée. Je précise que la réduction des crédits du programme n'est qu'apparente : la plupart des actions bénéficient en fait de moyens renforcés en 2011. Cette baisse optique résulte principalement de mesures de transfert, de la résorption du stock des farines animales à détruire et du transfert du financement de l'équarrissage aux filières professionnelles, l'Etat ne restant payeur que du seul service public résiduel ;
- enfin, à propos du programme 215, programme support de la mission, je souligne l'effort consenti par le ministère pour respecter en 2011 la règle d'économie de 5 % sur les dépenses de fonctionnement. La démarche de suppressions d'emplois est donc poursuivie. Je regrette à nouveau la concentration des dépenses de personnel de la mission au sein d'un unique programme. Elle ne se justifie pas et ces crédits devraient être ventilés entre les programmes.
Pour ce qui concerne la mission « Développement agricole et rural », qui correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CAS-DAR », je ne ferai que deux remarques :
- la justification des crédits doit être améliorée pour s'assurer que ceux-ci ne sont pas distribués en vertu d'une logique d'abonnement des organisations par lesquelles ils transitent ;
- de nouvelles missions au coût fixe, autour de la génétique animale, ont été confiées au CAS-DAR alors que ses recettes fluctuent chaque année. J'interrogerai le ministre en séance sur ce point.
Au sujet des deux articles rattachés à la mission, il s'agit :
- d'une part, de supprimer une exonération de cotisations sociales salariales pour les saisonniers agricoles de moins de vingt-six ans, car c'est un dispositif qui n'a pas fait ses preuves ;
- d'autre part, de fixer à 1,5 % pour 2011 le taux d'augmentation de la taxe pour frais de chambres d'agriculture. Cette hausse mesurée fait suite à un gel de leurs recettes fiscales en 2010 et doit permettre d'accompagner le processus de mutualisation des moyens des chambres d'agriculture ainsi que le surcoût résultant du transfert des associations départementale pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (ADASEA).
Ces deux articles ne posent pas de difficultés, j'en viens donc au bilan du statut des coopératives agricoles.
Ce travail m'a conduit à m'intéresser à un secteur en bonne santé, composé de 3 000 entreprises (coopératives, unions de coopératives et sociétés d'intérêt collectif agricole). Ces dernières pilotent plus de 1 700 filiales soumises au droit commun. Par ailleurs, je mentionne l'existence de 12 500 coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA), qui forment une catégorie très particulière de coopératives et ne sont donc pas au coeur de l'étude réalisée. L'ensemble du secteur représenterait un chiffre d'affaires de plus de 82 milliards d'euros en 2009 et emploierait en direct plus de 150 000 salariés.
J'observe que le poids des grands groupes coopératifs est croissant, avec un recours quasi généralisé à la filialisation, notamment sous la forme de « holdings ».
En contrepartie de nombreuses contraintes juridiques, qui sont bien réelles, les coopératives agricoles bénéficient de nombreux avantages fiscaux, notamment en matière d'impôt sur les sociétés (IS), de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) ou de contribution économique territoriale (CET). Le coût total de ces mesures, qui font l'objet de remises en question y compris sur un plan contentieux, est estimé à 110 millions d'euros.
Plusieurs dossiers ayant trait à des dispositifs en faveur de coopératives sont en effet en cours d'examen au niveau communautaire et mettent notamment en cause la France. Toutefois, la Commission européenne n'a, à ce jour, pas ouvert de procédure formelle d'examen à l'encontre des autorités françaises. Elle s'est contentée de nous adresser trois demandes d'informations, suite à la plainte déposée en 2004 par la confédération française du commerce de gros et du commerce international (CGI), sous l'impulsion de la fédération du négoce agricole (FNA).
Pour conclure, je juge nécessaire d'attendre le résultat des procédures pendantes au niveau de l'Union européenne avant de prendre une initiative, quelle qu'elle soit, en matière de réforme des avantages fiscaux accordés aux coopératives agricoles. Si une mesure devait être prise, je plaiderais pour remanier l'exonération de CET dont bénéficient les coopératives agricoles. Elle est en effet peu équitable et il conviendrait d'en limiter le champ aux seules opérations réalisées avec les membres des coopératives.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je félicite le rapporteur spécial pour ce travail magistral et m'associe à ses remarques, tout particulièrement concernant le financement de la filière cheval, pour laquelle il nous propose un amendement. Je n'ai que deux remarques :
- le fonds « Eperon » nécessiterait un contrôle plus approfondi de ses règles de fonctionnement de manière à vérifier sa conformité au droit budgétaire ;
- votre approche de la problématique des coopératives agricoles me semble modérée. Ces dernières représentent un secteur dynamique mais il serait opportun de réfléchir à la réforme de leurs régimes fiscaux dérogatoires. Une proposition de loi, émanant de sénateurs issus de zones non rurales, pourrait judicieusement intervenir en 2011.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. - Je suis favorable à un travail sur le fonds « Eperon », sur lequel j'avais déjà recueilli des informations lors de mon contrôle sur les Haras nationaux.
S'agissant des coopératives agricoles, je reconnais avoir fait preuve de prudence. Les exonérations multiples qui sont en vigueur sont principalement la contrepartie des contraintes auxquelles ces sociétés sont soumises : l'exclusivisme, la limitation territoriale, les contrôles spécifiques par l'administration, et il en existe de nombreuses autres. Ces structures présentent des atouts indéniables. Il leur est ainsi impossible de délocaliser et elles ne peuvent pas être les victimes d'une offre publique d'achat (OPA). Les différentes auditions auxquelles j'ai procédé m'ont cependant démontré l'ambivalence de la complexité de certaines structures : les grands groupes coopératifs réunissent en effet des filiales soumises au droit commun et des sociétés coopératives bénéficiant de régimes dérogatoires. Or ils bénéficient de conseils avisés en fiscalité. La réforme de leur exonération de CET que j'ai proposée dans mon exposé représenterait une première avancée opérationnelle. Dans l'attente d'une traduction législative de ces propositions, je juge utile de montrer que la commission des finances fait preuve de vigilance face au statut fiscal des coopératives agricoles.
A l'issue de ce débat, la commission adopte l'amendement proposé par le rapporteur spécial tendant à majorer d'un million d'euros, par redéploiement, le montant des actions en faveur du cheval, et plus particulièrement de ses filières trait et sport.
Puis, elle décide de proposer au Sénat :
- l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » ainsi modifiés ;
- l'adoption, sans modification, des crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » ;
- ainsi que l'adoption, sans modification, des articles 68 et 68 bis (nouveau) du projet de loi de finances pour 2011.
Loi de finances pour 2011 - Mission Engagements financiers de l'Etat et compte d'affectation spéciale Participations financières de l'Etat - Examen du rapport spécial - Contrôle budgétaire du financement des primes d'épargne logement - Communication
La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial, sur la mission « Engagements financiers de l'Etat », le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » et entend une communication du rapporteur spécial sur le financement des primes d'épargne logement (PEL).
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial. - Les crédits de la mission « Engagements financiers de l'Etat » progressent, en valeur, de 6 % entre 2010 et 2011, pour s'établir à 46,9 milliards d'euros. L'encours de la dette nominale passerait de 1 224,8 milliards d'euros à fin 2010 à 1 315,1 milliards d'euros fin 2011, soit une augmentation de 7,4 % et de 51 % depuis 2005. La structure de l'encours témoigne, néanmoins, d'un reflux salutaire de l'endettement à court terme, qui passerait de 18,6 % fin 2009 à moins de 15 % fin 2011. 70,6 % de la dette négociable étaient détenus par les non-résidents fin juin 2010. Un tiers de cette dette serait détenue par des non-résidents ressortissants de la zone euro.
La charge de la dette devrait s'établir à 45,4 milliards d'euros en 2011, soit une augmentation de 4,5 milliards d'euros par rapport aux dernières estimations pour 2010. Cette augmentation résulterait principalement d'un effet volume sur la dette à plus d'un an et de l'augmentation des taux courts. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit une augmentation annuelle de la charge de la dette de plus de 4 milliards d'euros par an, imputable aux deux tiers à l'augmentation de l'encours. J'observe, à cet égard, un frémissement des taux courts à la fin de cette année, puisque le taux des BTF à trois mois s'établit à 0,605 % en septembre, contre 0,49 % en août. Il nous faudra donc être attentifs à cette évolution.
La hausse des crédits de l'action 3 « Trésorerie de l'Etat » est enfin imputable à la rémunération des dotations non consomptibles placées auprès du Trésor par les opérateurs chargés de la mise en oeuvre des investissements d'avenir. Cette rémunération mobilisera 569 millions d'euros en 2011.
J'en viens à présent au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ». Dans le prolongement des Etats généraux de l'industrie, la gestion des participations de l'Etat est désormais axée sur la conduite d'une politique industrielle active. Cette évolution s'est notamment matérialisée par la nomination d'un commissaire aux participations de l'Etat. J'estime que le cadre d'intervention renouvelé de l'Etat actionnaire pose avec une acuité grandissante la question de l'articulation des missions de l'Agence des participations de l'Etat (APE) et du Fonds stratégique d'investissement (FSI). Je consacrerai donc une mission de contrôle au FSI au premier semestre 2011.
Le projet annuel de performances demeure construit sur une approche purement patrimoniale de la gestion des participations de l'Etat. La réorientation majeure de la stratégie de l'Etat actionnaire ne transparaît donc ni dans la présentation stratégique des programmes, ni dans les objectifs et indicateurs de performance, ce qui contribue à vider un peu plus de sa substance un document déjà fort peu consistant. Enfin, 4 milliards d'euros de crédits sont encore prévus pour contribuer au désendettement de l'Etat et de ses établissements publics. Cette prévision apparaît hautement théorique, compte tenu de la mise en sommeil objective de cette politique depuis le début de la crise.
Sous le bénéfice de ces observations, j'invite la commission à adopter sans modification les crédits de la mission « Engagements financiers de l'Etat » et du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ».
Je conclurai mon intervention en rendant compte à notre commission des résultats du contrôle que j'ai mené, en 2010, sur le financement des primes d'épargne-logement (PEL). Les primes d'épargne-logement sont versées, par l'Etat, lors de la clôture d'un compte d'épargne-logement ou d'un plan d'épargne-logement. Il s'agit d'un dispositif public d'aide à l'accession à la propriété qui fonctionne comme une « dépense de guichet », contrainte par le nombre de demandes. Le programme « Epargne » de la présente mission porte, dans le présent PLF, plus de 1,1 milliard d'euros au titre du financement de ces primes.
Par convention du 17 décembre 1992, l'Etat a confié la gestion des primes au Crédit foncier de France (CFF), qui sert d'intermédiaire avec les banques de la place. Le CFF a par ailleurs accepté de consentir des avances rémunérées à l'Etat, d'un montant maximal d'un milliard d'euros, au cas où les provisions qui lui sont versées par le Trésor seraient insuffisantes pour couvrir les appels de primes.
Le contrôle budgétaire sur le financement des primes d'épargne-logement résulte d'observations de la Cour des comptes qui a révélé que la budgétisation initiale a régulièrement sous-estimé les besoins réels conduisant l'Etat à recourir massivement aux avances rémunérées auprès du CFF. Fin 2008, le découvert cumulé de l'Etat s'élevait à plus de 963 millions d'euros. Par ce montage, nous assistons à une sorte de « débudgétisation » du déficit puisque l'Etat se refinance auprès du CFF et non par le biais de l'Agence France Trésor. Cette pratique est contraire au principe d'annualité, d'universalité et, surtout, de sincérité budgétaires. Il n'est pas certain non plus qu'elle constitue une bonne opération financière pour l'Etat. Le coût des avances rémunérées du CFF ayant été estimé, en 2008, supérieur de 500 000 euros à celui des BTF.
Le procédé est d'autant plus critiquable que, ces dernières années, la loi de finances initiale n'a jamais prévu de marges de manoeuvre suffisantes pour résorber le découvert inscrit auprès du Crédit foncier. La ligne budgétaire de l'année n'était destinée qu'à financer les primes de l'année. Le découvert était par conséquent reporté l'année suivante : l'Etat a fait de la cavalerie. A la décharge du Gouvernement, le calcul du montant nécessaire au financement des primes d'épargne-logement exige d'anticiper le comportement des épargnants, qui dépend principalement de paramètres économiques et fiscaux, ainsi que du nombre de PEL et de l'encours par génération. Il n'est donc pas répréhensible que, certaines années, l'Etat ait été contraint d'utiliser les avances rémunérées du CFF.
A l'inverse, en 2009 et 2010, le taux de clôture a été très inférieur à celui initialement attendu. Cette heureuse surprise conjoncturelle a permis de réduire le déficit auprès du Crédit foncier à 719 millions d'euros fin 2009 et il pourrait s'établir à 82 millions d'euros fin 2010. L'année 2010 constitue une opportunité unique pour apurer définitivement le déficit. En 2011 et 2012 en revanche, le nombre de primes versées pourrait connaître un accroissement très important pour des raisons fiscales. En effet, à compter de la dixième année, les intérêts cumulés sur les PEL sont soumis à la fiscalité. Or les plans contractés en 2001 et 2002 représentent plus de 28 % de l'encours total des PEL. Il faut donc s'attendre à un taux de clôture massif ces deux prochaines années. Il est à craindre que les 1,1 milliard d'euros inscrit dans le PLF pour 2011 ne soient pas un montant suffisant pour couvrir tous les appels de primes, auquel cas nous assisterions de nouveau au creusement d'un déficit auprès du CFF.
Un projet de réforme du PEL est annoncé par le Gouvernement, dont nous ignorions encore la teneur exacte. En tout état de cause, depuis 2002, le versement des primes est conditionné à l'octroi d'un prêt immobilier qui peut être utilisé pour des travaux ou pour l'achat d'une résidence secondaire. On peut donc légitimement s'interroger sur la finalité des primes d'épargne-logement : s'agit-il d'un dispositif d'aide à l'accession à la propriété ou de soutien au secteur immobilier et du bâtiment ? La réforme permettra peut-être d'avancer sur ce sujet.
M. Joël Bourdin. - Le rapporteur spécial peut-il nous renseigner sur l'évolution de la charge associée aux titres indexés sur l'inflation ? Ce poste me semble devoir être surveillé de près, tant il rappelle les pages les plus sombres de notre histoire financière...
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial. - La provision pour indexation est estimée à 2,5 milliards d'euros en 2011. Vous avez raison de souligner que les titres indexés constituent un facteur de risque potentiel, comme en témoigne le choc d'inflation survenu en 2008, choc qui a eu des répercussions fortes sur la charge de la dette.
Mme Nicole Bricq. - Quelle est la tendance observée sur la part respective des titres courts et des titres à moyen et long termes ? Par ailleurs, où en est-on du remboursement des prêts consentis dans le cadre des mesures de soutien aux banques et au secteur automobile ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial. - La diminution des BTF devrait se poursuivre en 2011, et leur encours devrait baisser de 0,7 milliard d'euros. Les BTF représenteraient alors 15 % de l'encours total. S'agissant des mesures prises pour faire face à la crise, la Société de prises de participation de l'Etat (SPPE) aura souscrit, en deux tranches, près de 21 milliards d'euros de titres de fonds propres émis par les principaux établissements de crédit, à raison de 9,95 milliards d'euros sous forme de titres super subordonnés à durée indéterminée (TSSDI), 9,8 milliards d'euros sous forme d'actions de préférence (AP) et 1 milliard d'euros d'actions ordinaires pour la société Dexia. Au 15 septembre 2010, l'Etat détient encore, à travers la SPPE, une participation de 1 milliard d'euros au capital de Dexia, et des titres super-subordonnés et actions de préférence émis par BPCE pour un montant de 2,9 milliards d'euros. Les comptes de la société font apparaître un résultat net de 724 millions d'euros en 2009, lui permettant de verser à l'Etat 637 millions d'euros de dividendes et 162 millions d'euros d'impôt sur les sociétés. S'agissant du « Pacte automobile », 377 millions d'euros d'intérêts ont été perçus au titre de 2010 à raison des prêts aux constructeurs, et le retour à meilleure fortune de Renault et PSA leur a permis de rembourser par anticipation 10 milliards d'euros en septembre.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Engagements financiers de l'Etat » et du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat ».
Elle donne acte au rapporteur spécial de sa communication sur le financement des primes d'épargne logement (PEL), qui sera annexée au rapport sur les crédits des missions.
Nomination d'un rapporteur
La commission nomme enfin M. Charles Guené rapporteur des propositions de loi :
- n° 23 (2010-2011) de MM. Jean Arthuis et Alain Lambert, relative au financement des allocations de solidarité nationale à la charge des départements ;
- n° 62 (2010-2011) de M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, relative à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements ;
- n° 64 (2010-2011) de M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues du groupe RDSE, relative à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements ;
- n° 107 (2010-2011) de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG, relative à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements.
Jeudi 18 novembre 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Loi de finances pour 2011 - Examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie
La commission procède à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2011, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général.
M. Jean Arthuis, président. - Après que l'Assemblée nationale a adopté définitivement le projet de finances pour 2011 cette nuit à minuit trente, nous voici rassemblés pour la « réunion balai ». Celle-ci est, traditionnellement, l'occasion de confronter les positions qu'a arrêtées notre commission aux votes des députés grâce à la diligence de nos collaborateurs, qui ont passé une nuit blanche...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avant d'examiner les missions budgétaires, quelques mots des modifications apportées à la première partie du projet de loi.
Après le vote de l'article d'équilibre à l'Assemblée nationale, le solde du budget de l'État s'établit à moins 91,62 milliards d'euros. Cette modeste amélioration du solde de 372,5 millions d'euros par rapport au projet du Gouvernement s'explique par une augmentation des recettes fiscales de 519,7 millions d'euros, une augmentation des prélèvements sur recettes de 149 millions d'euros - soit, une moindre recette - et une diminution des dépenses de 2,5 millions d'euros.
Côté recettes, le surplus de 519,7 millions d'euros résulte d'une majoration de 63 millions d'euros de l'impôt sur le revenu du fait de la hausse du taux applicable aux plus-values immobilières de 17 % à 19 % et de divers aménagements de niches fiscales ; d'un accroissement de 583 millions d'euros de l'impôt sur les sociétés, principalement du fait du report à 2014 de la suppression de l'imposition forfaitaire annuelle ; d'une augmentation de 97 millions d'euros de l'ISF, compte tenu de la modification apportée au régime de l'ISF-PME ; d'une minoration de 118 millions d'euros de la TVA correspondant au transfert de recettes supplémentaires à la CNAM en vue de financer la réforme des retraites ; d'une réduction de 58 millions d'euros des recettes diverses du fait du maintien de la taxe sur la publicité télévisée à 0,5 % ; d'une diminution de 28,3 millions d'euros de la TIPP dans le cadre de la compensation du transfert de compétences aux départements ; et, enfin, d'une baisse de recettes de 20 millions d'euros qui est la conséquence de l'affectation transitoire de la taxe sur les paris hippiques au budget général et de la baisse des taux de prélèvements.
Côté dépenses, le plafond de dépenses brutes a modestement diminué de 2,5 millions d'euros, compte tenu de la nouvelle tranche des transferts de services et d'agents ayant opté pour l'intégration ou le détachement dans la fonction publique territoriale aux départements.
Les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales augmentent de 149 millions d'euros : leur diminution de 20 millions d'euros à la suite du non abondement du fonds de solidarité des collectivités territoriales touchées par des catastrophes naturelles doit être mise en regard de la création d'un prélèvement spécifique de 115 millions d'euros au profit de la DGF - soit, 20 millions d'euros pour réduire la baisse du complément de garantie et 95 millions d'euros pour éviter l'écrêtement de la compensation de la part salaire de la taxe professionnelle - et de la majoration de 54 millions d'euros des compensations d'exonérations soumises à ajustement, ce qui permet de faire passer de moins 11,2 % à moins 7,4 % le taux de diminution des variables d'ajustement de l'enveloppe normée.
Venons-en à la seconde partie. Notons, d'emblée, que les députés ont décidé d'abroger l'article 88 du projet de loi qui supprimait l'exonération de cotisations sociales pour les organismes d'intérêt général situés en zone de revitalisation rurale. Le Gouvernement a pris acte de cette décision en proposant, lors de la seconde délibération, de gager la dépense de 110 millions d'euros par des diminutions de crédits sur l'ensemble des missions du budget général. Il s'agit assurément de la meilleure façon de procéder.
Je vous propose de confirmer tout d'abord le vote de la commission sur huit missions et blocs de missions. En effet, hormis les cas de modifications de crédits à titre non reconductible ou de gage de la suppression de l'article 88, aucune autre modification n'est intervenue à l'issue de l'examen de ces missions par l'Assemblée nationale.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits :
- de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ;
- de la mission « Aide publique au développement » et des comptes spéciaux « Accords monétaires et internationaux », « Prêts à des États étrangers » et « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique » ;
- de la mission « Conseil et contrôle de l'État » ;
- de la mission « Engagements financiers de l'État » et du compte spécial « Participations financières de l'État » ;
- de la mission « Politiques des territoires » ;
- de la mission « Provisions » ;
- de la mission « Remboursements et dégrèvements » ;
- et, enfin, du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je vous propose de confirmer l'adoption des amendements de la commission sur les missions et les articles rattachés pour lesquels aucune modification n'est intervenue à l'Assemblée nationale.
Mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ; comptes spéciaux « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » et « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et des trois comptes spéciaux ainsi que l'adoption d'un article additionnel après l'article 100 rattaché au compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
Mission « Immigration » et article 74
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, avec modification, des crédits de la mission ainsi que l'adoption de l'article 74, sans modification.
Mission « Pouvoirs publics »
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, avec modification, des crédits de la mission.
Mission « Régimes sociaux et de retraite », compte spécial « Pensions » et article 100
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et du compte spécial ainsi que l'adoption, avec une modification rédactionnelle, de l'article 100.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'en viens aux missions et articles rattachés que l'Assemblée nationale a substantiellement modifiés, souvent postérieurement à l'adoption du rapport par notre commission.
Mission « Action extérieure de l'État »
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Contre l'avis de la commission des finances et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'article 67 précisant que l'État et la Caisse des Français de l'étranger doivent prendre en charge les adhésions de nos compatriotes les plus défavorisés à parts égales. L'amendement n° A1 du rapporteur spécial Adrien Gouteyron en revient à la rédaction du Gouvernement. Avec des réserves financières supérieures à 40 millions d'euros, la caisse a, en effet, les moyens d'assumer l'essentiel de cette charge pendant plusieurs années sans, pour autant, assimiler sa trésorerie à un « dodu dormant ».
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et d'un article additionnel après l'article 67.
Elle adopte l'amendement n° A1 à l'article 67 et décide de proposer au Sénat l'adoption de cet article ainsi modifié.
Mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », compte spécial « Développement agricole et rural » et articles 68 et 68 bis (nouveau)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les députés ont adopté un amendement rédactionnel à l'article 68 et introduit un article 68 bis afin de fixer à 1,5 % le taux d'augmentation de la taxe pour frais de chambres d'agriculture en 2011.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, avec modification, des crédits de la mission ainsi que l'adoption, sans modification, des crédits du compte spécial et des articles 68 et 68 bis.
Mission « Anciens combattants,
mémoire et liens avec la nation »
et article 68
ter (nouveau)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avec l'avis favorable du Gouvernement, les députés ont augmenté de 250 000 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement les crédits du programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » afin de revaloriser de 360 points la pension de réversion des conjoints survivants des très grands invalides de guerre pensionnés au delà de 12 000 points. En conséquence, le Gouvernement a inséré un article 68 ter qui modifie l'article L. 50 du code des pensions militaires.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale ainsi que l'adoption, sans modification, de l'article 68 ter.
Mission « Culture » et article 68 quater (nouveau)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a inséré un article additionnel prévoyant la remise au Parlement d'un rapport sur la gestion des ressources humaines dans les musées. En attendant, sans doute, de demander un rapport sur la gestion des ressources humaines chargées des rapports !
En outre, elle a majoré, en seconde délibération, à l'initiative du Gouvernement, les crédits de la mission de 1 million d'euros (AE=CP) sur le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale ainsi que l'adoption, sans modification, de l'article 68 quater.
Mission « Défense » et article 69
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Contre l'avis du Gouvernement, les députés ont adopté trois amendements de crédits. Le premier majore les crédits du programme 146 « Équipement des forces » de 20 millions d'euros prélevés à due concurrence sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces » afin de financer un contrat de location achat, autrement dit de leasing, de trois avions multi-rôles de type A330 pour une période de douze ans. Le deuxième renforce les crédits du programme 146 « Equipement des forces » de 10 millions d'euros aux dépens des programme 178 « Préparation et emploi des forces » et 212 « Soutien de la politique de la défense » pour financer l'intégration des nacelles de renseignement électronique Astac dont la rénovation a été repoussée pour financer l'acquisition de Rafale supplémentaires. Le troisième amendement transfère 1,36 million d'euros de crédits du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » au programme 178 « Préparation et emploi des forces » de telle sorte que les marins-pompiers de Marseille, qui ont pris leur retraite avant le 14 août 2004, bénéficient de la prime de feu pour le calcul de leur pension. Un amendement très ciblé !
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale et confirme sa décision de proposer l'adoption, sans modification, de l'article 69.
Mission « Direction de l'action du Gouvernement »
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a réduit les crédits de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) de 344 358 euros.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale.
Mission « Écologie,
développement et aménagement durables », budget annexe
« Contrôle et exploitation aériens » ;
comptes spéciaux « Contrôle de la circulation et du
stationnement routiers », « Avances au Fonds d'aide
à l'acquisition de véhicules propres » et
« Services nationaux de transport conventionnés de
voyageurs » ;
articles 70, 71, 71 bis (nouveau), 72,
73 et 73 bis (nouveau)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les députés ont adopté un amendement du Gouvernement qui tire les conséquences de l'ajustement de certains transferts de compétences et de services prévus par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales - il était temps ! - en minorant de 920 755 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement les moyens du programme support de la mission. Elle a inséré un article 71 bis qui exempte les tonnages de déchets résultant de catastrophes naturelles de TGAP, ce qui paraît raisonnable. Ensuite, elle a adopté deux amendements rédactionnels à l'article 73. Quant au nouvel article 73 bis, il instaure une taxe additionnelle à l'IFER applicable aux stations radioélectriques pour financer la recherche sur l'exposition du public aux champs électromagnétiques. Le sujet suscite des inquiétudes sans doute indues...
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, avec modification, des crédits du budget annexe et l'adoption, sans modification, des crédits des trois comptes spéciaux ainsi que des articles 70, 71 et 72.
Elle décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale, l'adoption, sans modification, des articles 71 bis et 73 bis ainsi que l'adoption de l'article 73 tel qu'amendé par l'Assemblée nationale.
Mission « Économie », compte spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées du spectre hertzien » et article 73 ter (nouveau)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a adopté un amendement transférant 2,1 millions d'euros en faveur de l'Agence nationale des services à la personne. Puis, elle a introduit un article 73 ter afin d'annexer au projet de loi de finances un document de politique transversale dédié à la politique du tourisme.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits du compte spécial.
Elle décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale et l'adoption, sans modification, de l'article 73 ter.
Mission « Enseignement scolaire » et article 73 quater (nouveau)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les députés ont minoré les crédits du programme « Enseignement scolaire du second degré » de 20 millions d'euros au profit du programme « Vie de l'élève », ce qui correspond à environ 4 000 contrats aidés supplémentaires. Le nouvel article additionnel 73 quater demande un rapport sur la scolarisation en milieu ordinaire des élèves handicapés.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.
Elle décide de proposer l'adoption, sans modification, de l'article 73 quater.
Mission « Justice » et articles 75 et 75 bis (nouveau)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a inséré un article 75 bis créant une réserve judiciaire. Par coordination, elle a adopté un amendement majorant de 1,4 million d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement le programme « Justice judiciaire » aux dépens du programme « Administration pénitentiaire ».
En seconde délibération, à l'initiative du Gouvernement, elle a majoré de 12,15 millions d'euros, prélevés sur la mission « Sécurité », les crédits du programme « Administration pénitentiaire » pour le financement du transfèrement judiciaire des détenus.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale.
Elle confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, avec modification, de l'article 75 et sans modification, de l'article 75 bis.
Mission « Médias, livre et industries culturelles », compte spécial « Avances à l'audiovisuel public » et article 76
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a modifié la maquette budgétaire en individualisant trois programmes, au lieu d'un seul, respectivement dédiés à la presse, au livre et aux industries culturelles. Il ne serait pas inutile d'en faire de même pour le budget de l'Éducation nationale et de la Défense. Elle a voté un amendement du Gouvernement visant à assurer le besoin de financement de la « carte Musique » à hauteur de 25 millions d'euros. Cette carte a pour effet de verser au Luxembourg une partie de la TVA qui ne nous revient pas. En tous les cas, c'est moderne ...
Les députés ont également adopté un amendement du Gouvernement tendant à augmenter les crédits en faveur du financement des coûts de diffusion de la TNT dans les DOM, COM ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie. Enfin, à l'article 76, ils ont maintenu définitivement la publicité en journée sur les chaînes nationales de France Télévisions. Nous proposons, quant à nous, une solution plus conforme au voeu du Gouvernement, et consistant à allonger le moratoire du maintien de la publicité en journée.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de la maquette et des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale.
Elle confirme sa décision de proposer l'adoption, sans modification, des crédits du compte spécial et l'adoption de l'article 76 tel que modifié par son amendement.
Mission « Outre-mer » et articles 77, 77 bis (nouveau), 77 ter (nouveau), 77 quater (nouveau) et 77 quinquies (nouveau)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a majoré de 500 000 euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement les crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » pour financer l'aide au déploiement de la télévision numérique terrestre prévue par l'article 77 quinquies ; quatre amendements rédactionnels et de précision à l'article 77 ; un amendement du Gouvernement créant un article 77 bis visant à autoriser l'État à céder à titre gratuit des parcelles de son domaine privé pour la réalisation d'opérations de logement social et d'aménagements collectifs ; un amendement de sa commission des finances créant un article 77 ter visant à simplifier et à rendre effective l'aide à la rénovation des hôtels prévue par la loi pour le développement économique des outre-mer de 2009 ; un amendement du Gouvernement créant un article 77 quater visant à apurer les dettes sociales échues au 31 décembre 2009 des entreprises hôtelières des Antilles ; et, enfin, un amendement du Gouvernement créant un article 77 quinquies mettant en place une aide aux petites chaînes de télévision ultramarines pour financer le déploiement de la télévision numérique terrestre.
M. Éric Doligé, rapporteur spécial. - L'amendement n° A2, que notre président avait souhaité lors de l'examen des crédits de la mission, abonde de 24,8 millions d'euros les crédits du programme « Emploi outre-mer », destinés à compenser aux organismes de sécurité sociale les exonérations de charges sociales spécifiques à l'outre-mer, en minorant, à due concurrence, les crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » relatifs au financement de l'agence de santé des îles Wallis-et-Futuna. De fait, notre collègue Marc Massion a constaté, lors d'un contrôle, la difficulté pour la délégation générale à l'outre-mer de gérer ce dispositif qui relève du ministère de la Santé. Toutefois, cet amendement vise d'abord un objectif de sincérité budgétaire.
La commission adopte l'amendement n° A2.
Elle décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission ainsi modifiés.
Elle décide de retirer un amendement devenu sans objet à l'article 77.
Elle décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 77 tel que modifié par l'Assemblée nationale et par ses propres amendements et l'adoption, sans modification, des articles 77 bis, 77 ter, 77 quater et 77 quinquies.
Mission « Recherche et enseignement supérieur » et article 78
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a adopté un amendement minorant de 2 millions d'euros le programme « Recherche dans les domaines de l'énergie » et majorant à due concurrence le programme « Formations supérieures et recherche universitaire » afin d'augmenter la dotation de l'enseignement supérieur privé.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale.
Elle confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 78.
Mission « Relations avec les collectivités territoriales », compte spécial « Avances aux collectivités territoriales » et articles 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85 et 86
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les députés ont adopté un amendement de 45 000 euros sur les crédits de la mission du fait d'ajustements de compétences entre la Guadeloupe et Saint-Martin. A l'article 79, ils ont adopté deux amendements rédactionnels. A l'article 80, ils ont adopté, en sus de plusieurs amendements de précision, trois amendements visant à supprimer l'écrêtement de 1,6 % de la compensation « part salaires », à réduire de 20 millions d'euros la diminution du complément de garantie des communes et à rétablir l'éligibilité des communes insulaires situées en parc naturel marin à la fraction « parc naturel » de la DGF. A l'article 81, ils ont supprimé l'affectation de la totalité de la croissance de la dotation de solidarité rurale à la seule fraction « péréquation » et augmenté de vingt à trente le nombre de communes de moins de 10 000 habitants qui bénéficieraient du dispositif de « DSU-cible ». Ils ont adopté des amendements rédactionnels à l'article 82. Enfin, à l'article 86, ils ont reporté à 2012 la consolidation des potentiels fiscaux des EPCI avec ceux de leurs communes-membres.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, avec modification, des crédits du compte spécial.
Elle confirme également sa décision de proposer l'adoption, sans modification, des articles 79, 83 et 84.
Elle décide enfin de proposer l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale, l'adoption, sans modification, de l'article 85 précédemment réservé et confirme sa décision de proposer l'adoption de l'article 86 tel que modifié par son amendement voté lors de l'examen de la mission.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Mon amendement n° A3 à l'article 80 modifie le seuil à partir duquel les communes se voient appliquer la minoration du complément de garantie. Dans la rédaction actuelle, 6 500 communes seraient concernées, dont deux tiers plafonnées à 6 % de baisse de leur complément de garantie, sans que celles-ci soient nécessairement riches. Le complément de garantie représente une somme importante pour les communes. D'où cet amendement d'appel pour obtenir des explications du Gouvernement sur la fixation du seuil à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant national.
La commission adopte l'amendement n° A3.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 80 ainsi amendé.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Mon amendement n° A4 à l'article 81 revient au texte du Gouvernement. Ne modifions pas l'équilibre avant une réforme plus profonde de la DSU.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Cela paraît raisonnable.
L'amendement n° A4 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 81 ainsi amendé.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - L'amendement n° A5 à l'article 82 est rédactionnel.
L'amendement n° A5 est adopté.
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - L'amendement n° A6, également à l'article 82, prévoit que la commission des élus de la nouvelle DETR, comme cela était le cas dans l'ancienne DDR, rende un avis sur les projets intercommunaux et soit informée des projets communaux par le préfet.
M. François Marc. - Pourquoi cette différence de traitement entre projets communaux et intercommunaux ?
M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. - Cela est déjà le cas actuellement...
M. Jean Arthuis, président. - La proposition va dans le sens d'une meilleure association des élus.
L'amendement n° A6 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 82 ainsi amendé.
Mission « Santé » et articles 86 bis, 86 ter, 86 quater, 86 quinquies, 86 sexies, 86 octies, 86 nonies (nouveaux)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a adopté huit amendements portant articles additionnels. Les quatre premiers concernent l'aide médicale de l'État. Le 86 bis recentre le panier de soins des bénéficiaires de l'AME sur les actes à service médical suffisant. Le 86 ter soumet à un agrément préalable la prise en charge de certains soins des bénéficiaires de l'AME. Le 86 quater donne aux caisses d'assurance maladie la possibilité de récupérer les sommes indûment versées aux bénéficiaires de l'AME. Le 86 quinquies institue un droit de timbre annuel pour les bénéficiaires de l'aide, limite le nombre d'ayants droit et crée un fonds, géré par la Caisse des dépôts, et abondé par cette nouvelle recette. A titre personnel, je salue le courage des députés.
Le 86 sexies aligne le financement de l'indemnisation des accidents médicaux imputables à des activités de prévention en application de mesures sanitaires graves sur le régime de l'indemnisation des vaccinations obligatoires. Le 86 septies transforme la contribution CMU acquittée par les organismes complémentaires d'assurance santé en une taxe assise sur les cotisations payées par les assurés. Le 86 octies proroge de quatre ans la taxe assurant le financement du Centre national de gestion des essais de produits de santé. Le 86 nonies, enfin, permet l'indemnisation des personnes, exerçant au sein de services d'incendie et de secours, vaccinées contre l'hépatite B.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et décide de proposer l'adoption des articles 86 bis à 86 nonies.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - En seconde délibération, l'Assemblée nationale a minoré de 12,15 millions d'euros les crédits de la mission pour tirer les conséquences du transfert sur la mission « Justice » de la prise en charge des transfèrements de détenus.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale.
Mission « Sécurité civile » et article 86 decies (nouveau)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a inséré, à l'initiative du Gouvernement, un article 86 decies visant à étendre aux sapeurs-sauveteurs des formations militaires de la sécurité civile le régime applicable aux sapeurs-pompiers de Paris et aux marins-pompiers de Marseille, permettant aux ayants cause, en cas de décès en service d'un sapeur-sauveteur cité à l'ordre de la Nation, de bénéficier de l'intégralité de la pension et de la rente viagère d'invalidité applicables à ce parent décédé. Cette mesure de justice est bien naturelle.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.
Elle décide de proposer l'adoption, sans modification, de l'article 86 decies.
Mission « Solidarité, insertion et
égalité des chances » et articles 87, 87 bis
(nouveau)
et 87 ter (nouveau)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a adopté un amendement réduisant de 1,6 million d'euros la dotation de la mission afin de tirer les conséquences du transfert de certains personnels aux départements ainsi qu'un amendement minorant de 2,5 millions d'euros le programme « Lutte contre la pauvreté » et majorant à due concurrence le programme « Égalité entre les hommes et les femmes ». En outre, elle a inséré, à l'initiative du Gouvernement, l'article 87 bis qui reporte au 1er janvier 2012 la date à laquelle les mandataires judiciaires à la protection des majeurs doivent se conformer à certaines dispositions de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection juridique des majeurs. Elle a également introduit un article 87 ter qui prévoit la mise en place d'un dispositif de suivi des personnes handicapées vieillissantes.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale et par les amendements votés lors de l'examen de la mission.
Elle confirme sa décision de proposer l'adoption, sans modification, de l'article 87.
Elle décide de proposer l'adoption, sans modification, des articles 87 bis et 87 ter.
Mission « Sport, jeunesse et vie associative » et article 87 quater (nouveau)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le nouvel article 87 quater prévoit un rapport au Parlement, avant le 30 juin 2014, sur l'incidence financière des travaux de construction et de rénovation des stades qui accueilleront l'Euro 2016 sur les crédits du Centre national pour le développement du sport, ainsi que sur les transferts de charges induits pour les collectivités.
En seconde délibération, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a majoré d'un million d'euros le programme « Sport » au titre du sport de haut niveau.
La commission décide de proposer l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale et l'adoption de l'article 87 quater, sans modification.
Mission « Travail et emploi » et articles 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 94 bis (nouveau), 95, 96 et 97
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a majoré les crédits de la mission de 10 millions d'euros afin de doter le fonds national de soutien relatif à la pénibilité et a attribué 0,7 million à la dotation de décentralisation de la formation professionnelle afin de favoriser l'accès des travailleurs handicapés à la formation. Elle a adopté deux amendements portant transfert de crédits en faveur des maisons de l'emploi pour 10 millions d'euros - cela reste insuffisant - et des contrats de professionnalisation pour 9 millions d'euros. Elle a supprimé l'article 88, lequel abrogeait l'exonération de cotisations sociales pour les organismes d'intérêt général situés en zone de revitalisation rurale. En conséquence, en seconde délibération, 110 millions d'euros ont été inscrits sur le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». Les députés ont adopté un amendement rédactionnel à l'article 89 ainsi que neuf amendements rédactionnels aux articles 91, 92 et 94. Ils ont adopté un amendement du Gouvernement insérant un article 94 bis alignant au 31 mars 2011 la date de la fin de l'expérimentation du dispositif des contrats de transition professionnelle sur celle des conventions de reclassement personnalisé. Ils ont adopté cinq amendements rédactionnels aux articles 96 et 97 et trois amendements à l'article 90 tendant à réduire de quinze à dix points l'abattement de cotisations sociales patronales applicable aux rémunérations déclarées au réel par les particuliers employeurs. Toutefois, en seconde délibération, le Gouvernement a obtenu le retour à la rédaction initiale, qui paraissait un meilleur compromis.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat la suppression de l'article 96 ainsi que l'adoption, sans modification, des articles 93 et 95.
Elle décide de proposer l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par l'Assemblée nationale et par les amendements votés lors de l'examen de la mission.
Elle décide de proposer l'adoption, sans modification, des articles 89, 91, 92, 94, 94 bis et 97 tels que modifiés ou insérés par l'Assemblée nationale.
Elle propose de maintenir la suppression de l'article 88.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le rapporteur spécial, Serge Dassault, préconise, par son amendement n° A7 portant article additionnel après l'article 97, de passer un petit « coup de rabot » sur la prime pour l'emploi.
M. Jean Arthuis, président. - Un taux diminué de 10 % est très raisonnable ! Il s'agit de confirmer notre vote de notre réunion du 16 novembre dernier.
Mme Nicole Bricq. - Nous voterons contre cet amendement car la prime pour l'emploi est adossée à l'impôt sur le revenu et nous sommes pour une refonte de celui-ci. Soit, l'objectif de redistribution de la PPE est partiellement rempli. Pour autant, toute notre fiscalité des revenus est injuste. En attendant une véritable réforme, je peux vous suggérer de vrais « coups de rabot » ! Par exemple, sur la fiscalité du patrimoine !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il y a toujours une bonne raison de ne pas faire des économies !
L'amendement n° A7 est adopté.
La commission décide de proposer l'adoption de l'article additionnel après l'article 97 ainsi adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° A8 du rapporteur spécial Serge Dassault modifiant l'article 90 propose d'en revenir à la rédaction qu'en proposait l'Assemblée nationale et sur laquelle le Gouvernement est revenu en seconde délibération. En tant que rapporteur général, il est de mon devoir de rappeler que le vote de cet amendement dégraderait le solde de 200 millions d'euros.
L'amendement n° A8 est rejeté.
La commission décide de proposer l'adoption sans modification de l'article 90 précédemment réservé.
Ville et logement et articles 98 et 99
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a adopté quatre amendements à l'article 99. Cet article supprime l'exonération de contribution sur les revenus locatifs applicable aux organismes HLM et crée un mécanisme de péréquation interne au secteur du logement social. Ces amendements ont pour objet, d'abord, de remplacer l'assujettissement des organismes d'HLM à la contribution sur les revenus locatifs par une nouvelle taxe sur le potentiel financier par logement des organismes et d'autoriser le prélèvement d'une fraction de la cotisation existante des organismes à la Caisse de garantie du logement locatif social ; ensuite, de corriger une précision sur le système de plafonnement des loyers HLM par une indexation sur le troisième trimestre de l'indice de révision des loyers ; enfin, de repousser de six mois la signature des conventions d'utilité sociale.
L'Assemblée nationale a également adopté un amendement transférant 16 millions d'euros du programme « Développement et amélioration de l'offre de logement » au programme « Aide à l'accès au logement » afin de déplacer la ligne de crédits relative à la gestion des risques locatifs (GRL).
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Les amendements A9 et A10 que je vous présente seront complétés demain par un amendement du rapporteur général concernant le financement de l'Anru.
Le Gouvernement avait inscrit dans le projet de loi initial une taxe sur les organismes d'HLM, assise sur les loyers, afin d'obtenir une recette de 340 millions d'euros. La taxe instaurée en 2009 sur les « dodus dormants », à l'initiative de Christine Boutin alors ministre du logement, c'est-à-dire sur les réserves financières non utilisées des bailleurs, n'avait rien rapporté, les organismes ayant en réaction réduit leur potentiel financier, par exemple en remboursant par anticipation leurs emprunts. Bercy a donc trouvé une autre base, les loyers. Les 340 millions d'euros de recettes étaient affectées pour 260 millions par an à l'Anru et pour 80 millions aux aides à la pierre, via un fonds de concours.
Nous avons trouvé une autre solution, bien accueillie par tout le monde. L'amendement A10 tend à limiter à 150 millions d'euros le prélèvement sur les bailleurs, la ressource étant affectée uniquement au financement des aides à la pierre - qui recevront donc 70 millions de plus que prévu dans le texte du Gouvernement.
M. Jean Arthuis, président. - La taxe a pour assiette les fonds propres des organismes.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Dans notre formule, la recette est garantie pour l'Etat, et elle ne permettra pas que certains y échappent, comme pour la taxe Boutin. Les taux de prélèvement sont ajustables pour la garantir et ils sont établis en fonction des capacités des bailleurs.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est équitable.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Oui. Reste à financer l'Anru. L'amendement A9 propose de prélever 53 millions d'euros sur le FNAL, puisque les entreprises agricoles de plus de 20 salariés ont été soumises à cotisation à ce fonds, et à les transférer sur la rénovation urbaine au programme « Politique de la ville ».
Les 200 millions restants, nécessaires au financement de la bosse des paiements de l'Anru, proviendront d'une taxe additionnelle à la taxe sur les bureaux en Ile-de-France, selon des modalités que le rapporteur général présentera. Cela me paraît une bonne solution car il était choquant de faire financer l'Anru par les bailleurs sociaux.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous avons cherché ensemble une solution par le haut à un problème irritant.
Il fallait définir un prélèvement équitable et respectant la capacité de contribution des organismes ; financer les aides à la pierre à un niveau correct, enjeu social et économique ; financer les opérations de rénovation urbaine. Sur ce dernier point, nous avons maintes fois tiré la sonnette d'alarme, car bien des engagements avaient été pris et aucun n'était financé ! Pour combler cette impasse budgétaire, le Gouvernement cherchait une recette exceptionnelle sur trois ans, mais le mécanisme qu'il a inscrit dans le projet de loi de finances ne nous a pas convaincus.
La loi sur le Grand Paris a créé un établissement public dit la Société du Grand Paris qui n'a pas besoin d'argent tout de suite. La taxe qui avait été proposée par notre collègue Jean-Pierre Fourcade, sur la plus-value réalisée lors de la vente des terrains bordant les gares et noeuds de transport franciliens, comporte finalement des effets pervers sur le marché. La taxe semblait séduisante...
Mme Nicole Bricq. - Pas à nos yeux ! Nous vous avions avertis !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - ... mais elle a bloqué les transactions et son rendement est très aléatoire. Nous avons discuté avec les sociétés foncières, les investisseurs immobiliers, les élus locaux et le ministère : et nous vous proposons aujourd'hui une mesure que le Gouvernement voulait inclure dans la loi de finances rectificative de décembre, afin de corriger la loi sur le Grand Paris. Nous avons lié les deux aspects du problème - Anru et Grand Paris - et je vous proposerai une taxe additionnelle à la taxe sur les bureaux et à la taxe spéciale sur les équipements. Leur tarif n'a pas été relevé depuis très longtemps et les professionnels ont admis le principe de la taxe additionnelle... pour éviter la taxe « Fourcade ». Lorsque la « bosse » des engagements Anru sera résorbée, dans trois ans, cette recette sera versée à la Société du Grand Paris. Financement du Grand Paris, de l'Anru, des aides à la pierre : notre dispositif constitue un apport significatif du Sénat dans la discussion budgétaire.
M. Jean Arthuis, président. - Quelle est l'assiette ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La recette provient des centimes additionnels à la taxe sur les bureaux et les équipements.
Mme Nicole Bricq. - Le Gouvernement s'est mis dans une difficulté politique d'où M. Dallier essaie de le tirer... En effet, le prélèvement sur les organismes HLM était assis sur les loyers, ce qui n'est pas facile à assumer actuellement. Nous contestons le principe même de cette taxe sur le potentiel financier. Certes, la sélectivité par les taux est une amélioration, le précédent mécanisme était aveugle. Mais l'équité reste à prouver : les offices d'HLM qui construisent ne seront-ils pas taxés comme les autres ? Nous n'avons pas toutes les informations, nous ne connaissons pas l'effet de votre barème. L'amendement est complexe !
M. Fourcade m'a dit hier que les 4 milliards d'euros seraient remboursés par la filière automobile et affectés au Grand Paris. De même, dans les débats publics consacrés au Grand Paris, auxquels je participe souvent, le président de l'établissement public annonce qu'il aura ses 4 milliards d'euros en loi de finances rectificative. Mais je n'en ai pas confirmation.
J'ai participé au groupe de travail Carrez consacré au financement des transports dans la région. J'ai réfléchi à ces problèmes. L'augmentation de la taxe sur les bureaux n'a nullement vocation à financer l'Anru, il faut trouver autre chose.
Quant à la taxe sur la valorisation foncière, je souligne que les professionnels, à l'époque, n'avaient pas été entendus lors des auditions. Et malgré nos avertissements, l'erreur a été commise par la majorité parlementaire les yeux ouverts !
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - La profession du logement social, représentée par l'Union sociale de l'habitat (USH), reconnaît qu'il y a matière à effectuer une péréquation sur les fonds propres, car tous les organismes n'ont plus besoin de construire ; et que 150 millions d'euros peuvent être dégagés. Cette somme ira intégralement aux aides à la pierre. Nous trouvons une issue par le haut à une très mauvaise idée de départ.
M. Jean Arthuis, président. - Certains organismes, qui ont la forme de sociétés anonymes, commencent déjà à réduire leur capital social, en remboursant leurs actionnaires ! Il serait bon de prendre comme référence la situation nette au 31 décembre 2009, par exemple, sans attendre que celle-ci se comprime... Sinon, la mésaventure connue par la précédente taxe se reproduira.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Cette fois le montant du prélèvement est fixé : si chacun ne joue pas le jeu au sein de la profession, certains paieront pour les autres. En outre, c'est la moyenne des cinq derniers exercices qui sera prise en compte.
M. Jean-Claude Frécon. - Même avec une moyenne, le risque de compression existe, dans le temps.
M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. - Non, car le produit est fixé dans la loi.
La commission confirme sa décision de proposer au Sénat l'adoption, avec modification, de l'article 98. Elle adopte l'amendement n° A9 sur les crédits de la mission et décide de proposer l'adoption des crédits de la mission ainsi modifiés ; elle adopte l'amendement n° A10 proposant une nouvelle rédaction de l'article 99 et décide de proposer l'adoption de l'article 99 ainsi amendé.
En conséquence, l'amendement de suppression de l'article 99, précédemment adopté par la commission, est retiré.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je vous signale qu'un certain nombre d'amendements de la commission devront être ajustés sans que cela ne change en rien leur contenu afin de tenir compte de l'évolution de la structure du texte. Le secrétariat vous tiendra informés en tant que de besoin de ces changements purement formels.
Vendredi 19 novembre 2010
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Loi de finances pour 2011 - Première partie - Examen des amendements
La commission procède tout d'abord à l'examen d'amendements du rapporteur général aux articles de la première partie du projet de loi de finances, puis à l'examen des amendements extérieurs.
M. Jean Arthuis, président. - Nous avons reçu un grand nombre d'amendements extérieurs ; si certains sont irrecevables, au titre de l'article 40 de la Constitution ou de l'article 34 de la LOLF, nous en avons plus de quatre cents à examiner. Nous discuterons lundi après-midi en séance publique des articles 14 à 16 bis, y compris les articles additionnels venant s'insérer après ces articles. Il faudra donc que nous examinions en priorité les amendements relatifs à ces articles.
Examen des amendements de la commission
La commission procède tout d'abord à la rectification de l'un de ses amendements et adopte dix nouveaux amendements proposés par le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Tout d'abord, je souhaite rectifier notre amendement n° 14, qui prévoit que les sociétés bénéficiaires des investissements ouvrant droit aux avantages fiscaux Madelin et ISF-PME doivent compter au moins deux salariés, pour exonérer de cette obligation les sociétés artisanales inscrites au registre des métiers.
L'amendement n° 14 rectifié est adopté.
M. Jean Arthuis, président. - Nous en venons aux nouveaux amendements du rapporteur général.
Article additionnel après l'article 6
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mon amendement n° 37 tend à lutter contre certaines optimisations fiscales à raison des revenus de capitaux mobiliers de source étrangère perçus par des sociétés françaises. L'amendement modifie la règle de plafonnement du montant des crédits d'impôt, de sorte que ces montages perdent leur intérêt financier, et propose de mieux appréhender les situations de double imposition à l'origine des comportements d'optimisation.
L'amendement n° 37 est adopté.
Article additionnel après l'article 6 bis
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mon amendement n° 40 traite de la question sensible des retraites « chapeau ». Le PLFSS a provoqué un large émoi en instituant une contribution sur les retraites d'entreprise, qui sont le plus souvent modestes. Compte tenu des modifications apportées à l'Assemblée nationale et au Sénat, le rendement de cette mesure n'est que d'une vingtaine de millions d'euros. Je suggère donc d'instaurer un abattement de 1 000 euros par mois de l'assiette de la nouvelle contribution, et de fixer un taux unique de 14 % au-delà. C'est une solution qui me semble équitable, sachant que par ailleurs nos autres amendements apportent pour près d'un milliard de recettes supplémentaires au budget des administrations publiques.
M. Jean Arthuis, président. - Cet amendement se substitue donc à ce qui a été voté en loi de financement de la sécurité sociale, exonérant de contribution les rentes inférieures à 500 euros ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Oui.
L'amendement n° 40 est adopté.
Article 9 (précédemment réservé)
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mon amendement n° 38 porte sur la question complexe de la taxe de sortie exceptionnelle sur les réserves de capitalisation des entreprises d'assurance. Il n'est pas possible, en équité, d'appliquer l'exit tax à des organismes non assujettis à l'impôt sur les sociétés. Or l'assujettissement formel des institutions de prévoyance et mutuelles à l'impôt sur les sociétés ne date que de 2008. Ainsi, pour ces organismes, seules seraient taxées les dotations à la réserve auxquelles il a été procédé depuis 2008.
Mon amendement n° 39 vise à garantir que l'exit tax ne sera pas répercutée sur les assurés. En imposant aux assureurs d'inscrire directement les débours sur leur compte de bilan, on évite que la taxe n'impacte le compte de résultat technique, qui sert de base de calcul de la participation des assurés.
M. Jean Arthuis, président. - Avez-vous chiffré l'amendement n° 38 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'assujettissement des mutuelles à l'impôt sur les sociétés reste putatif ; il fait l'objet d'une procédure communautaire pendante.
L'amendement n° 38 est adopté, ainsi que l'amendement n° 39.
Article additionnel après l'article 11
M. Philippe Marini, rapporteur général. - À l'initiative du président Arthuis, l'amendement n° 42 vise à lutter contre la fraude à la TVA sur le marché des quotas de CO2. Mettant en oeuvre la faculté prévue par la directive du 16 mars 2010, l'amendement applique le système de l'auto-liquidation de la TVA dans le cas des cessions de quotas et des unités de réduction d'émission de gaz à effet de serre. Il reviendra à l'acheteur et non au vendeur d'acquitter la TVA. Il faut mettre fin à cette fraude.
M. François Marc. - En effet, c'est nécessaire.
L'amendement n° 42 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° 34 précise les règles du non-cumul entre avantages fiscaux. Il respecte le principe selon lequel un euro investi dans une société ne peut cumuler la réduction « Madelin » et la réduction ISF-PME entre elles ou avec d'autres régimes favorables. Un même versement peut en revanche être fractionné afin qu'un avantage s'applique à une fraction, un autre avantage à une autre fraction.
M. Philippe Adnot. - N'est-ce pas déjà le cas aujourd'hui ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les choses ne sont pas claires. Nous avons créé un maquis, avec chaque année de nouvelles broussailles ! Philippe Adnot a d'ailleurs déposé des amendements qui vont dans le même sens.
L'amendement n° 34 est adopté.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mon amendement n° 35 précise les modalités de prise en compte des dépenses de fonctionnement pour le calcul du crédit d'impôt recherche. L'Assemblée nationale a abaissé la prise en compte forfaitaire de 75 % à 50 % des dépenses de leur personnel affecté aux travaux de recherche, mais atténué cette mesure en y ajoutant 75 % des dotations aux amortissements des immobilisations. Je propose de conserver le principe d'une diminution du taux de 75 % à 50 % mais de permettre aux entreprises d'opter pour un régime de frais réels, dans la limite des 75 %, de sorte à ne pas accroître le coût du crédit d'impôt recherche par rapport à son niveau actuel. Cela devrait apaiser des craintes injustifiées.
M. Jean-Pierre Fourcade. - J'ai visité hier trois entreprises de mon département qui bénéficient du crédit d'impôt recherche : une grande, une moyenne, une petite. Le forfait ne pose pas de problème à une entreprise de 5 000 salariés, mais une PME ou une entreprise qui se crée ne peut amortir l'immobilisation... Une entreprise qui veut lancer un nouveau produit commence par recruter. Je voterai cet amendement et attendrai la séance publique pour décider que faire du mien, qui propose une harmonisation à 75 %.
Mme Nicole Bricq. - Le texte de l'Assemblée nationale était meilleur. Toutes les entreprises vont opter pour les frais réels, or les frais de fonctionnement sont difficilement contrôlables...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les frais réels seront contrôlés.
Mme Nicole Bricq. - Vos amendements redonnent la main à l'administration fiscale ; encore faudrait-il que celle-ci ait les moyens de sa tâche ! Le compromis n'est pas satisfaisant.
M. Jean Arthuis, président. - Les déductions de frais réels peuvent toujours donner lieu à contentieux.
Mme Nicole Bricq. - Le crédit d'impôt recherche représente tout de même 4 milliards d'euros !
M. Philippe Dominati. - Je ne me résous pas à abaisser le forfait à 50 %, notamment pour les PME qui ont déjà engagé un effort d'investissement en personnel. J'y reviendrai en séance publique. Les grandes entreprises, elles, ont des services comptables qui leur permettront de ne pas y perdre...
M. Philippe Adnot. - Je partage l'avis de Philippe Dominati. L'amendement vise bien toutes les entreprises et pas seulement les plus grandes ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Exactement.
L'amendement n° 35 est adopté.
Article additionnel avant l'article 18
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mon amendement n° 33 modifie le mode de calcul de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle pour tenir compte d'une difficulté pratique dans la mise en oeuvre de la composante de l'IFER sur les éoliennes. Il introduit un mécanisme de reconstitution et de maintien du produit de taxe professionnelle qui aurait été perçu sur de nouvelles installations.
M. Philippe Adnot. - Le 2° de l'amendement n'est pas clair : s'agit-il de transférer la part départementale de taxe professionnelle aux communes ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument pas. Il s'agit simplement de calculer la recette comme si la taxe professionnelle s'était appliquée au-delà du 1er janvier 2010. On ne prend rien aux départements.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Revoilà l'ancienne théorie des principaux fictifs !
L'amendement n° 33 est adopté.
Article additionnel après l'article 34
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mon amendement n° 32 complète la nouvelle « trilogie urbaine » : abrogation de la taxe sur les plus-values immobilières ; adaptation de la taxe sur les bureaux en Ile-de-France, gelée en valeur depuis longtemps ; création d'une nouvelle taxe spéciale d'équipement. Ces recettes sont calibrées pour faire face aux besoins temporaires de l'ANRU, dans une limite de temps - jusqu'à 2013 inclus - et de montant, soit un maximum annuel de 250 millions d'euros. Au-delà, ces ressources seront affectées de plein droit à la « Société du Grand Paris ».
M. Jean-Pierre Fourcade. - Il fallait trouver une solution honorable à l'affaire des 340 millions demandés aux organismes HLM. Nous anticipons donc ce qui était prévu pour le collectif ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Oui, afin que les trois éléments de la trilogie figurent dans le même texte.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Je déplore que l'on exonère de taxe sur la plus-value les personnes physiques qui achètent des immeubles dans le cadre d'opérations d'équipement public, pour les revendre ensuite à grand profit. Je m'abstiendrai donc.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je partage votre souci. Ce sont surtout les professionnels qui ont critiqué la future taxe sur les plus-values... Rien n'empêche d'exclure de l'exonération les personnes physiques qui se livrent à des opérations purement spéculatives. Je serais favorable à un tel sous-amendement, si M. Fourcade le déposait.
M. Jean-Pierre Fourcade. - À Boulogne, des appartements achetés 4 000 ou 5 000 euros le mètre carré au moment des grands travaux du coeur de ville se revendent aujourd'hui à plus de 10 000 euros ! Il est choquant que de telles opérations, qui ont tiré profit d'investissements publics, ne soient pas taxées.
Mme Nicole Bricq. - Même si cette solution est « moins pire » que la première version du Gouvernement, cela reste un prélèvement sur les organismes HLM. Qui sait ce qui peut se passer en trois ans ? Oui à une augmentation de la taxe sur les bureaux, mais pas pour financer l'ANRU !
M. Jean Arthuis, président. - C'est du pragmatisme...
Mme Nicole Bricq. - C'est du provisoire... pour trois ans !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le mouvement HLM n'est pas mécontent.
Mme Nicole Bricq. - Évidemment, c'est « moins pire » ! Nous avons une opposition de principe. À l'État de dégager le budget nécessaire pour la politique de la ville.
M. Jean Arthuis, président. - Il n'en est plus capable !
M. Philippe Dominati. - La Cour des comptes vient déjà de proposer d'augmenter la contribution des entreprises d'Ile-de-France pour financer les transports collectifs - monopole que nous sommes seuls à conserver. Compte tenu des réactions des entreprises, je m'abstiendrai, en attendant le débat en séance publique.
L'amendement n° 32 est adopté.
Article additionnel après l'article 44
M. Jean Arthuis, président. - L'amendement n° 36 étend le champ du droit annuel de francisation et de navigation, dont le produit est affecté au Conservatoire du littoral.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - En effet. Je me suis rapproché de notre expert ès nautisme, Jean-Jacques Jégou, pour éviter toute erreur.
M. François Marc. - Je souscris à l'objectif de cet amendement. Le Grenelle de la Mer a reconnu la dimension patrimoniale des grands phares : il faut financer leur restauration. Toutefois, si un bateau de plus de sept mètres peut tirer avantage de l'existence de ces phares, il n'en va pas de même pour les embarcations de trois mètres, qui naviguent quelques jours par an, entre 14 heures et 16 heures 30 ! Bref, cela me paraît quelque peu tiré par les cheveux.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le produit est affecté au budget du Conservatoire du littoral ; le texte ne prévoit pas de sous-affectation. Les phares font partie du patrimoine ; ils ne sont pas nécessairement en activité.
M. Philippe Adnot. - Pourquoi exclure les embarcations annexes de moins de quinze mètres ? Certains yachts de luxe ont des annexes motorisées de grande taille.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Un sous-amendement pourrait en effet être bienvenu.
M. Jean-Jacques Jégou. - Les annexes sont les bateaux embarqués sur d'autres bateaux. Outre l'annexe obligatoire - le radeau de survie -, certains ont également un bateau gonflable, pour accéder par exemple aux plages. Philippe Adnot a raison : attention à ne pas considérer comme annexes les vedettes motorisées qui sont stockées dans la coque de certains yachts de luxe ! Mieux vaudrait viser les annexes dont la longueur de coque est inférieure à dix mètres, même si le nombre d'unités est limité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - D'accord pour cette rectification.
M. François Marc. - Vous exonérez la vedette de 10 mètres d'un yachtman et vous taxez la barquette d'un pêcheur amateur !
L'amendement n° 36 ainsi rectifié est adopté.
Examen des amendements extérieurs
M. Philippe Adnot. - Les amendements adoptés hier par l'Assemblée nationale ne sont toujours pas en ligne. Difficile dans ces conditions de pastiller nos propres amendements - qu'il fallait avoir déposés hier !
M. Jean Arthuis, président. - Les députés se sont prononcés sur la première partie le 26 octobre : vous avez tous les éléments depuis cette date.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le pastillage est une innovation récente : naguère, nous nous en passions.
La commission commence ensuite l'examen des autres amendements et adopte les avis suivants :
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les amendements identiques n° I-210 et I-359 élargissent une niche fiscale : avis défavorable.
M. Marc Massion. - Je m'étonne d'entendre parler de niches fiscales alors que la santé publique est en jeu...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Un crédit d'impôt touche le portefeuille plutôt que la santé de nos concitoyens...
M. Marc Massion. - Pour les travaux obligatoires comme le renforcement des habitations situées au sein du périmètre d'un plan de prévention des risques technologiques (PPRT), la loi « Grenelle II » a prévu un crédit d'impôt pour les copropriétés privées, mais pas pour les bailleurs sociaux : vous trouvez cela juste ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - La loi dite Grenelle II date de janvier dernier, il est un peu tôt pour la modifier...
M. Jean Arthuis, président. - Et pour élargir ce crédit d'impôt, il faudrait une dotation budgétaire...
Mme Nicole Bricq. - Votre raisonnement s'applique aux 340 millions de l'ANRU !
M. Jean Arthuis, président. - J'en suis bien d'accord et j'ai même dit hier à la tribune que le « bricolage » de ces 340 millions faussait la sincérité du budget.
Mme Nicole Bricq. - La vérité, c'est qu'il faut transformer les niches en subvention et que vous devez arrêter d'avoir une vue sélective...
Articles additionnels après l'article 3
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous abordons une série d'articles additionnels qui suppriment ou modifient le bouclier fiscal : c'est prématuré, puisque nous en débattrons dans le collectif de 2011. J'en préconise donc le rejet.
Les auteurs des amendements n° I-103 et I-104 doivent savoir que le contrôle de constitutionnalité ne laisserait pas passer l'exonération d'ISF complète de la résidence principale. Une exonération à 30 % se justifie comme contrepartie de l'illiquidité du bien ; au-delà, c'est plus douteux. Il appartiendrait au législateur de prévoir une telle exonération, mais pour un impôt nouveau qui remplacerait l'ISF.
M. Philippe Adnot. - Mon amendement n° I-70 ne créé pas de dépense nouvelle et les entreprises ont besoin que les fonds d'investissement puissent intervenir pour un deuxième tour sans obligation de refaire un pacte d'actionnaires. Les changements de délais que je propose faciliteront l'investissement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous savez bien que si les délais n'étaient pas là, il y aurait ces jeux de trésorerie que nous voulons précisément éviter.
M. Philippe Adnot. - Dans la pratique, les entreprises sont gênées par l'obligation de défaire le pacte d'actionnaires pour organiser un deuxième tour d'investissement.
M. Jean Arthuis, président. - Ces mesures vont disparaître avec l'ISF, nous en reparlerons au printemps. Nous verrons probablement les monteurs de défiscalisations en demander le maintien, pour pouvoir encore appâter des clients...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° I-320 repose sur une évaluation fantasmée des plus-values. J'y suis défavorable.
Mme Nicole Bricq. - Que l'évaluation de 22 milliards soit exagérée, on le comprend puisque l'impôt sur les sociétés n'est pas de 32 % dans les faits, mais le Gouvernement refuse de dire le coût fiscal de l'exonération des plus-values encaissées par des personnes physiques ou morales en cas de vente de leurs filiales ou de titres de participation détenus depuis plus de deux ans. Cette niche existe depuis 2007, il est donc parfaitement possible d'évaluer son coût ! Et si elle ne coûte rien, comme semble le dire le Gouvernement, alors il ne coûtera rien aux entreprises qu'on la supprime !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pour évaluer le coût de l'exonération, il faudrait déterminer le comportement des agents économiques en l'absence d'exonération, alors qu'il y a toute chance que les cessions n'auraient pas eu lieu. Une telle évaluation serait donc particulièrement hasardeuse. Les 22 milliards évalués par le SNUI relèvent du fantasme. Mais si vous tenez à vous le faire expliquer par la direction générale des finances publiques, je suis tout près à organiser une audition !
Mme Nicole Bricq. - Avec plaisir !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est entendu.
M. Jean-Pierre Fourcade. - J'en serai, parce qu'il y a trop d'incertitude, vu les montants en jeu.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° I-320.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° I-227 module le taux d'impôt sur les sociétés en fonction de l'affectation du bénéfice réalisé. Cela n'a pas beaucoup de sens : avis défavorable.
M. Joël Bourdin. - Je comprends cependant la logique de cette proposition, tant on voit de bénéfices distribués sans aucun souci de l'investissement, alors que les entreprises en manquent cruellement...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous avions eu ce type de débats sous le Gouvernement Jospin et notre commission a toujours repoussé ce type de propositions irréalistes. On feint de croire que la France, par son génie propre, pourrait définir seule des règles qui alloueraient le capital à l'investissement, par-dessus la volonté des détenteurs du capital. Cela n'a aucun sens !
M. Jean Arthuis, président. - On n'investit pas en raison d'une niche fiscale, mais parce qu'on a un projet...
M. François Marc. - Certains dans votre camp proposent pourtant la règle des trois tiers !
M. Joël Bourdin. - Nous pouvons au moins examiner par quelles voies on peut inciter les entreprises à investir plutôt qu'à distribuer les bénéfices...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est l'affaire des actionnaires : le capitalisme, ce n'est pas la coopérative !
M. Jean Arthuis, président. - Certaines sociétés cotées en bourse en sont à rembourser leurs actions aux actionnaires...
Mme Nicole Bricq. - Il y a quand même une différence entre le capital rentier et le capital productif, - rappelons nous l'éthique protestante - et vous privilégiez partout la rente sur l'investissement ! On peut tout de même rechercher à faire circuler davantage le capital !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Allez jusqu'au bout de votre raisonnement et dites que vous êtes contre le libre-échange et les règles de concurrence qui organisent l'Union européenne ! Quant à l'esprit protestant, il a inventé le capitalisme financier le plus sauvage !
M. Jean-Pierre Fourcade. - Il faudrait déjà que nous parvenions à harmoniser l'impôt sur les sociétés à l'intérieur de l'Union, mais des Etats s'y refusent. Quant à examiner les voies pour différencier le traitement fiscal des bénéfices réinvestis et des bénéfices distribués, il faut y réfléchir.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° I-404 confirme que dans le cadre d'une donation-partage transgénérationnelle, un simple changement d'attribution au sein d'une même souche avec l'accord de l'enfant donataire d'origine constitue une opération de partage non soumise aux droits de mutation à titre gratuit, et ce, même en l'absence d'un nouvel allotissement de l'enfant donataire d'origine. Le Gouvernement s'était engagé à y travailler, je propose de l'interroger sur l'avancement de ses travaux.
La commission décide de demander l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° I-404.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les amendements n° I-231 à I-242 formulent des injonctions au Gouvernement, ce qui est inconstitutionnel. Pour aboutir, les auteurs doivent prévoir ou bien un dispositif législatif, ou bien une habilitation au Gouvernement d'agir par ordonnance. Défavorable.
M. François Marc. - Le Conseil des prélèvements obligatoires, si les mots ont un sens, donne des conseils sur des prélèvements qui sont obligatoires. Or, son dernier rapport dénonce des gabegies et des irrégularités que nous proposons de corriger : nos amendements d'appel reprennent les recommandations du Conseil, nous attendons des réponses du Gouvernement !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - S'il s'agit d'amendements d'appel, pourquoi ne pas poser la question au Gouvernement, mais avec l'engagement que vous les retiriez, pour parvenir à une discussion groupée ?
Mme Nicole Bricq. - Dans la discussion générale, j'ai annoncé que nous reprendrions par amendements les recommandations du Conseil des prélèvements obligatoires, auxquelles Mme Parisot a réagi très violemment en annonçant des contre-propositions, ce qui me fait penser que le Conseil a touché juste... Quelle que soit la forme de nos amendements, ce qui compte c'est que nous puissions débattre avec le Gouvernement, donner suite aux recommandations du Conseil : nous sommes dans notre rôle !
M. Jean Arthuis, président. - Peut-on vous demander que le débat tienne dans une durée raisonnable ?
M. François Marc. - Les recommandations du Conseil représenteraient une économie de 7 à 8 milliards d'euros : ce n'est pas négligeable, surtout quand on met fin à des gabegies et à des irrégularités !
M. Jean Arthuis, président. - Nous le comprenons bien, mais il s'agit ici d'écrire la loi, et ces amendements n'ont rien de normatif ! Pouvons-nous compter sur une présentation globale ?
Mme Nicole Bricq. - Nous verrons.
M. Jean-Pierre Fourcade. - Ces amendements ne sont pas recevables, mais leur contenu relève d'une question orale avec débat.
M. Jean Arthuis, président. - Le nombre d'amendements n'est pas un indicateur de performance de l'opposition ! Par courtoisie républicaine, nous voulons bien ne pas déclarer l'irrecevabilité, mais il faut nous garantir que le débat tiendra dans une durée raisonnable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° I-286 vise à établir à 5,5 % la TVA applicable au livre numérique. Est-il opportun de créer une nouvelle niche de TVA, serait-ce conforme au droit communautaire et cela favoriserait-il le développement du livre numérique ?
M. Yann Gaillard - Maintenant, même les éditeurs français y sont favorables...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le principe de neutralité technologique imposerait d'être favorable à cet amendement.
M. Jean Arthuis, président. - Un taux intermédiaire de 10 % règlerait le problème. Le Luxembourg pratique un taux de 15 % mais il considère que les droits d'auteur représentent les deux tiers du prix du livre...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Si l'on adopte l'amendement de notre commission, la commande d'un livre numérique, certes par un professionnel, sera taxée en France.
M. Jean Arthuis, président. - Vérifier que c'est bien l'acheteur qui paye la taxe, avec une facture établie au Luxembourg, ne sera pas facile. Actuellement personne ne contrôle...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Si on paye en ligne, c'est contrôlable. L'ordinateur garde trace de tout, c'est Big Brother.
M. Joël Bourdin. - La FNAC lance déjà des liseuses avec des tarifs inférieurs de 30 % à 40 %.
M. Philippe Marini, rapporteur spécial. - Nous pourrions donner un avis favorable à cet amendement sous la condition que soit voté notre amendement qui met une contribution de 1 % à la charge de l'acheteur professionnel en ligne.
M. Jean Arthuis, président. - C'est possible quand c'est du commerce B to B mais pas avec du B to C.
Mme Nicole Bricq. - Je suis tout à fait d'accord avec le principe de neutralité technologique. Mais le livre numérique va se développer à toute vitesse. Il serait donc sage d'instituer ce taux pour une durée limitée au terme de laquelle on pourra le réviser, parce que cela pourrait coûter fort cher aux finances publiques dans quatre ou cinq ans.
M. Jean Arthuis, président. - Nous serions donc plutôt favorables à cet amendement. Peut-être pourrons-nous l'affiner avec le Gouvernement à la faveur d'une suspension de séance ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Rester « scotché » au taux de TVA de 5,5 % pourrait être catastrophique pour nos finances publiques. Au minimum faudrait-il voter le taux de 7 % proposé par mon amendement.
M. Jean Arthuis, président. - Ce serait encore mieux de mettre tout à 10 % car, à terme, le taux de 7 % ne sera pas supportable.
M. Philippe Marini, président. - En 2012, le Gouvernement, quel qu'il soit, devra le porter à beaucoup plus que 10 %...
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le n° I-278 est un bon amendement mais il relève plutôt de la seconde partie du budget parce qu'il ne porte que sur 2012 et 2013. Il s'agit d'un arbitrage qu'avait fait le Premier ministre lors de la loi de finances pour 2009. Depuis lors, les professionnels estiment que leur compétitivité s'est dégradée du fait de l'évolution des prix du pétrole, des matières premières et de la parité dollar/euro. Or, ils se sont lancés dans de lourds investissements, ce qui leur impose d'avoir un minimum de visibilité. Ils ont donc besoin de maintenir les dispositions en vigueur en 2011 pendant les deux années suivantes. J'y serais favorable s'il était proposé en deuxième partie.
La commission déclare l'amendement n° I-278 ainsi que les amendements n° I-280 et I-424 irrecevables au regard des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances et suggère leur déplacement en deuxième partie.
Articles additionnels avant l'article 11 quater
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis défavorable au n° I-107 qui perturberait l'équilibre économique créé avec la suppression de la publicité sur France Télévisions.
M. Philippe Dominati. - C'est un simple constat de faillite. Cette suppression a eu l'effet inverse de ce qu'on attendait. Les recettes publicitaires de France télévisions n'ont pas diminué et, pourtant, on maintient cette taxe sur les autres chaînes. On s'est trompé ; il faut revenir sur cette taxe.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il est vrai que c'est une totale hypocrisie. On ne peut s'en sortir qu'en maintenant les recettes publicitaires hors soirée.
M. Philippe Dominati. - Chaque année, on modifie cette taxe. Le temps est venu de la supprimer.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° I-107, ainsi qu'à l'amendement n° I-409 rectifié.
L'article 14 et les amendements portant articles additionnels après l'article 14 sont appelés en priorité.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je demande le retrait du n° I-93 : nous avons décidé la condition d'emploi de deux salariés.
M. Philippe Adnot. - Une société qui se crée n'a pas toujours les moyens d'employer, d'entrée, deux salariés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nous n'avons pas dit qu'il fallait deux salariés « à plein temps ».
N° de l'amendement |
Auteur |
Avis de la commission |
I-93 |
M. Philippe Adnot |
Défavorable |
I-132 |
M. Philippe Adnot |
Avis du Gouvernement |
I-79 |
M. Philippe Adnot |
Défavorable |
I-83 |
M. Philippe Adnot |
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je demande le retrait du n° I-86.
M. Philippe Adnot. - Cela a été réduit à une région. L'Ile-de-France touchera donc la totalité des fonds !
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Non, cela a été réduit de quatre à trois régions, aucune ne pouvant bénéficier de plus de 50 % des investissements.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pourquoi l'amendement n° I-68 propose-t-il un nouveau régime de placement ? Il y en a déjà beaucoup !
M. Philippe Adnot. - Nous avons travaillé cette disposition avec Bercy, afin que l'INSERM puisse faire de la valorisation : les sociétés créées à cette fin dans le cadre des « investissements d'avenir » doivent être réactivées.
M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le sujet est extrêmement complexe. Qu'il soit présenté dans la mouvance des investissements d'avenir conforte ma méfiance... Qu'apporte de neuf cet outil ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'amendement n° I-395 veut étendre le mécénat des particuliers à certaines sociétés publiques. Présentée l'an dernier à l'occasion d'un collectif budgétaire, cette disposition avait été adoptée par le Sénat avec l'accord du Gouvernement, puis supprimée en CMP.
Quelles sont les sociétés de capitaux visées ? Est-ce qu'elles paient l'impôt ? Qui bénéficiera des dispositions : elles ou les souscripteurs ? Si on laisse les grands établissements comme l'Opéra de Paris, le château de Versailles ou la salle Pleyel drainer le mécénat, il ne restera plus rien pour le reste du pays.
M. Jean Arthuis, président. - Encore une nouvelle dépense fiscale !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° I-395.