Mercredi 29 septembre 2010
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -Communications diverses
M. Jean-Jacques Hyest, président. - J'ai reçu une pétition de Mme Petit. Avec 308 signataires, elle demande le retrait du projet de réforme des retraites. Cette pétition émane du centre financier de la Poste à Paris.
La pétition est renvoyée à la commission des affaires sociales.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Quand aura-t-on la commission mixe paritaire sur les collectivités territoriales ?
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Le 13 octobre, l'après-midi. Elle se tiendra à l'Assemblée nationale. Les membres seront désignés la semaine prochaine.
Je souhaite vous informer qu'Ameli commissions sera mis en place à compter du 1er octobre. Il fonctionnera de la même manière qu'Ameli séance. L'interface sera le même, la lettre clef étant C pour commission et S pour séance. Les projets de loi sur Mayotte seront les premiers concernés avec la proposition de loi sur la simplification du droit. Le délai de dépôt reste fixé au lundi 12 heures.
Je sais que cette évolution rencontre des résistances, mais elle diminue la charge de travail du secrétariat et accélère la diffusion, à condition que tous les amendements soient sur Ameli. Cela n'empêche pas de les modifier avant de les déposer.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Tout cela est dans les ordinateurs.
M. Jean-Pierre Michel. - C'est, comme Basile pour les questions, une atteinte à la liberté individuelle : on me refuse les questions qui ne passent pas par Basile !
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Dans certains endroits de mon département, nous avons un problème d'accès au haut débit et, lors de ma dernière tournée, j'ai rencontré un agriculteur obligé d'aller chez sa fille pour faire sa déclaration PAC. Je vous rends néanmoins attentifs à l'intérêt d'Ameli pour le secrétariat de la commission et pour l'accès de tous aux amendements.
Nomination de rapporteurs
M. Patrice Gélard est désigné rapporteur sur la proposition de loi organique n° 697 (2009-2010), présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste et apparentés, visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l'exercice d'une fonction exécutive locale.
M. Patrice Gélard est désigné rapporteur sur la proposition de loi n° 603 (2009-2010), présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues, visant à garantir l'indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique.
Limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire - Examen du rapport et du texte de la commission
Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Yves Détraigne et du texte qu'elle propose pour le projet de loi organique n° 714 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la limite d'âge des magistrats de l'ordre judiciaire.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - La réforme des retraites relève de deux années les limites d'âge. Son application aux magistrats de l'ordre judicaire, nécessite, en vertu de l'article 64 de la Constitution, une loi organique. D'autres dispositions organiques définissent d'ailleurs le maintien en activité au-delà de la limite d'âge.
L'âge d'ouverture du droit à pension passera de 60 à 62 ans et celui d'annulation de la décote de 65 à 67 ans. Dans les trois fonctions publiques, le mécanisme de la décote a été prévu en 2003 avec une application progressive d'ici 2020, le nombre maximum de trimestres de la décote étant de 20. Un fonctionnaire peut toutefois demander à être maintenu en activité.
Le projet prolonge la démarche de convergence entre les secteurs privé et public engagée en 2003. Le taux de cotisation retraite des fonctionnaires sera porté à 10,55%. Le même principe conduit à appliquer le relèvement de deux ans des seuils aujourd'hui fixés à 60 et 65 ans. Les dispositions actuelles du code des pensions s'appliquent aux magistrats de l'ordre judiciaire, elles disposent que la liquidation des droits s'ouvre à 60 ans. L'article 9 de la réforme des retraites porte cet âge à 62 ans, un décret définissant sa mise en oeuvre progressive. Le relèvement s'appliquera à compter de juillet 2011. Conformément au principe de convergence, les magistrats qui demanderont la liquidation de leur pension sans avoir atteint la durée de cotisations exigée subiront une décote.
L'article 1er du projet de loi organique fixe à 67 ans la limite d'âge des magistrats, sauf maintien en activité à leur demande. En toute hypothèse, aujourd'hui on ne peut aller au-delà de 73 ans.
Aux termes de l'article 2, le report de la limite d'âge entrera en vigueur progressivement : il reste à 65 ans pour les magistrats nés avant le 1er juillet 1951 ; il s'appliquera complètement à ceux nés à partir de 1956. Le report de l'âge de liquidation ne changera pas fondamentalement les choses, puisque l'âge moyen de départ en retraite des magistrats était déjà de 62,7 ans en 2008 et de 63,3 ans en 2009. Le départ à la retraite résulte en effet de l'âge de début de la carrière ; or, d'une part, le concours de l'ENM est d'un niveau élevé qui implique une durée d'étude préalable, et, d'autre part, les magistrats recrutés par d'autres voies ont nécessairement une carrière courte dans la magistrature. L'application progressive de la décote amplifiera ce phénomène. Les syndicats de magistrats ont toutefois souligné les conséquences du présent texte pour les polypensionnés et pour les femmes. L'extinction du dispositif de départ avec 15 ans d'activité et trois enfants pourrait précipiter des départs. Il conviendra d'être vigilant, lors de la discussion budgétaire, au nombre de places offertes au concours de l'ENM, pour éviter une réduction des effectifs.
L'article 3 aligne les conditions du maintien en activité des magistrats des cours et tribunaux sur celles des magistrats hors hiérarchie du siège ou du parquet à la Cour de cassation. Ceux-ci ne pouvant aller au-delà de 68 ans, le maintien en activité ne pourra excéder un an. Or, un magistrat maintenu en activité doit changer de fonctions, sinon de juridiction : ce qui était peu attractif pour trois ans deviendrait dissuasif pour un an.
M. Jean-Claude Peyronnet. - Cela figure-t-il dans la loi ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Le changement de fonction y figure.
Ne grossissons pas le trait : le nombre de magistrats prolongés n'est que de 71 aujourd'hui et l'alignement prévu par le projet portera tous les magistrats à 67 ans.
L'Assemblée a adopté trois amendements. Les magistrats maintenus en activité au-delà de 67 ans le seront dans des fonctions au siège ou au parquet, selon qu'ils exercent leur activité au siège ou au parquet, au moment où ils atteignent la limite d'âge. Cela leur permettra d'être rapidement opérationnels.
Les trois syndicats de magistrats ont déploré l'absence de consultation préalable : ils ont, comme tout un chacun, découvert dans la presse l'examen du projet en conseil des ministres. Ils ont insisté sur le risque de blocage des carrières puisque la loi organique du 25 juin 2001 a prévu trois grades, dont l'effectif est relativement rigide : maintenir deux ans des magistrats au grade le plus élevé va affecter la carrière des autres.
M. Pierre Fauchon. - Catastrophe !
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Ces difficultés doivent être prises en compte dans la refonte du statut de la magistrature qui est en préparation. En outre, la réforme risque d'entraîner un ralentissement du travail des juridictions, le contentieux de masse étant confié aux magistrats les plus jeunes.
Le projet de loi organique transpose la réforme des retraites à la magistrature. Cela risque de se révéler moins anodin qu'il n'y paraît. Les progrès qui avaient été constatés dans les effectifs depuis le début des années 2000 restent fragiles et les tensions qui demeurent justifieront rapidement des mesures complémentaires. Le ministère de la Justice a désormais une direction des ressources humaines. Il faudra encore améliorer la gestion du personnel pour ne pas perdre le bénéfice des efforts accomplis. Si le Sénat amendait la réforme des retraites, il faudrait transposer ses amendements au projet de loi organique, qui viendra en discussion juste après. Pour l'instant, je propose de l'adopter conforme.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - On serait plus efficace en avançant en âge... Cela m'a perturbé.
M. Jean-Pierre Michel. - Propos de sénateur...
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Les rigidités entre les trois grades font que les affaires les plus nombreuses sont confiées aux plus jeunes.
M. Jean-Pierre Michel. - Ce texte est la conséquence directe de la réforme des retraites, le groupe socialiste votera contre. Si, par miracle, celle-ci était modifiée sur la durée, il faudrait revoir celui-là : on va un peu vite.
Tout le raisonnement du rapporteur devrait le conduire à refuser une réforme aux résultats néfastes tant pour le fonctionnement avec un blocage de l'avancement au second grade - le plus important, mais qui va s'appauvrir - que pour les carrières, en particulier pour ceux qui ne sortent pas de l'école. Depuis 2003, on est passé de 375 places aux trois concours d'entrée à 105 : les autres sont pénalisés.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il y a eu des concours complémentaires au second grade.
M. Jean-Pierre Michel. - Nous voterons contre ce texte. La Chancellerie aurait pu instituer le grade unique !
M. François Zocchetto. - Le tableau du nombre de places ouvertes au concours est saisissant. Qu'en est-il du nombre des départs et quid des deux prochaines années ? Il va y avoir pendant cinq ans des tranches d'âges peu représentées. Sait-on quel profil présentera la pyramide des âges ?
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous avons un état prévisionnel des départs.
M. Alain Anziani. - Le nombre de places au concours baisse chaque année, il est revenu de 375 à 105 ! On critique beaucoup les juges mais le nombre d'affaires augmente.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il y a 8 597 magistrats, 5 000 femmes et 3 600 hommes, 54% sont au premier grade, 35% au second et 11% hors hiérarchie.
M. Yves Détraigne, président. - Notre président vient de répondre à certaines observations. J'ajoute que le secrétaire d'Etat à la Justice a répondu à l'Assemblée que la Chancellerie réfléchissait à une évolution du régime indemnitaire. Nous devons rester vigilants. Les statistiques montrent que les départs en retraite étaient inférieurs à 150 mais l'on arrive à une période d'accélération. Les choses évoluent et nous devrons être attentifs lors de l'examen des projets de loi de finances.
M. François Zocchetto. - J'ai été surpris que peu de magistrats demandent leur maintien en activité et je ne serais pas choqué que le plafond soit porté à 70 ans.
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Aujourd'hui l'âge limite de maintien en activité est de 73 ans, mais je ne pense pas que ce soit fréquent. La limite d'âge sera de 68 ans pour l'ensemble des magistrats. On profite de ce texte pour harmoniser les choses. Il existe d'autres dispositions permettant un recul de la limite d'âge pour charges de famille, dans la limite de trois ans, ainsi que pour ceux qui ont trois enfants à 50 ans. La limite d'âge peut également être reculée d'un an pour un enfant atteint d'une invalidité de 80%.
M. Laurent Béteille. - Je partage assez largement l'opinion de François Zocchetto. Les dispositifs de maintien en activité ont un caractère baroque. Il ne serait pas plus mal qu'on arrive à une règle qui s'applique à tout le monde.
M. Bernard Frimat. - Je partage l'appréciation de notre collègue Jean-Pierre Michel. Le tableau que nous avons est saisissant. En 2010, il y aura 200 départs pour 105 recrutements à l'ENM en 2008 qui donneront la relève compte tenu du temps de formation. La technique budgétaire confirme que le gouvernement n'aime pas les magistrats - chacun de ses actes le montre.
Mme Jacqueline Gourault. -Il est un peu gênant d'étudier ce projet avant la réforme des retraites, car cela présuppose qu'elle sera adoptée à l'identique.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Il vient en discussion dans quinze jours, nous devons donc rapporter.
Mme Jacqueline Gourault.- Une adaptation du statut des magistrats aurait-elle été nécessaire s'il n'y avait pas eu réforme des retraites ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Non ! Il s'agit juste de transposer la réforme des retraites et, à l'Assemblée, le projet de loi organique a été examiné dans la foulée de la réforme générale. Il faudra bien sûr l'adapter en déposant des amendements en cas de modification au Sénat.
M. Jean-René Lecerf. - Les chiffres sont très bizarres, ils ne correspondent pas à ce que nous disent les magistrats : pour eux le problème est plutôt celui des greffiers. Y a-t-il eu d'autres intégrations ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. - La situation est meilleure aujourd'hui qu'il y a quelques années parce que les recrutements ont plus que compensé les départs en retraite. Cependant, nous attirons depuis deux ou trois ans l'attention du gouvernement sur la nécessaire anticipation des départs en retraite. Une partie de la réponse tiendrait, selon lui, à l'évolution des procédures, à l'informatisation, aux maisons de la justice et du droit avec leurs bornes interactives. Je suis sceptique et constate qu'on arrive au moment où l'on observe une baisse des effectifs. Nous devrons taper du poing sur la table.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Les recrutements ont longtemps été erratiques. Il n'y a eu aucune gestion prévisionnelle au ministère de la Justice pendant trente ans. Les chiffres présentés ici sont troublants. Anticipe-t-on les départs à la retraite ? Ces variations sont très gênantes, y compris pour les candidats aux concours. Il serait préférable d'avoir une vision à cinq ans. Est-ce l'influence de Bercy qui se fait sentir ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. - Les premières lignes du tableau traduisent les effets de la loi d'orientation mais, si nous avons connu une augmentation des effectifs, nous risquons aujourd'hui de noter une baisse.
M. Bernard Frimat. - Un calcul de brigand montre que pour la période 2011-2019, on en est à 2 500 départs en retraite, 2 000 en tenant compte du recul de deux ans de la limite d'âge. Il faudrait que le gouvernement applique la logique du deux remplacements pour un départ... ! Notre rapporteur sera attentif aux chiffres du prochain budget. Le ministre met en avant l'informatisation mais pour analyser un dossier, il faut aussi que les neurones fonctionnent.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Quel que soit l'âge...
Le texte du projet de loi organique est adopté sans modification.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Mardi, nous auditionnerons Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, sur les projets de loi sur Mayotte et aurons mercredi le rapport sur ces textes et le rapport sur la simplification du droit. J'ai demandé aux commissions pour avis de déposer leurs amendements sur ce texte complexe avant mercredi pour que nous les intégrions.
M. Jean-Pierre Sueur. - Aurons-nous tous les rapports ?
M. Jean-Jacques Hyest. - Non, mais nous aurons les amendements qui seront déposés auprès de nous le mardi.
M. Jean-Pierre Sueur.- La circonférence de ce texte étant partout et son centre nulle part, en lire les 200 articles n'est déjà pas une mince affaire. Si nous avons à 9h30 une épaisse liasse d'amendements...
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Les rapporteurs pour avis seront là. Il faudrait peut-être néanmoins commencer à 9 heures.
M. Jean-Claude Peyronnet. - On n'en est plus à une codification à législation constante.
M. Jean-Pierre Sueur. - La machine à ajouts était en marche à l'Assemblée ...
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous commencerons à 9 heures.