- Mercredi 8 septembre 2010
- Audition de M. Hubert du Mesnil, président directeur général de Réseau ferré de France (voir à la rubrique de la commission des finances)
- Lignes à haute et très haute tension, santé et environnement - Audition de M. Daniel Raoul, rapporteur de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)
Mercredi 8 septembre 2010
- Présidence commune de M. Jean-Paul Emorine, président, et de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances -Audition de M. Hubert du Mesnil, président directeur général de Réseau ferré de France (voir à la rubrique de la commission des finances)
La commission procède, conjointement avec la commission des finances, à l'audition de M. Hubert du Mesnil, président directeur général de Réseau Ferré de France.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Au nom de Jean Arthuis et en votre nom à tous, je souhaite la bienvenue à M. Hubert du Mesnil.
Nous avons à coeur de vous accueillir chaque année car, avec ses 29 000 kilomètres de réseau et ses investissements, la situation de RFF intéresse l'ensemble des élus, surtout après la dernière loi de régulation des activités ferroviaires. Un ancien député, Pierre Cardo, vient d'ailleurs de prendre la tête de l'autorité qui est chargée de cette régulation.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Je m'associe à ces paroles de bienvenue. Nous sommes heureux de vous entendre, monsieur du Mesnil, à un moment où votre établissement public se trouve à la croisée des chemins avec la loi du 8 décembre 2009, votre engagement sur une démarche de performance et l'ouverture du trafic international à la concurrence depuis décembre 2009. Vous avez eu des résultats intéressants en 2009 mais, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, vous avez évoqué une dérive structurelle du système en raison d'une baisse des recettes, d'une lourde dette et d'une augmentation des coûts d'entretien du réseau. Or chacun se rappelle les conditions de la mise en place de RFF. C'est dire notre intérêt, d'autant plus que le Gouvernement va devoir procéder à un ajustement des crédits, notamment des crédits d'intervention. Comment moderniser le réseau quand les ressources se compriment ? Nous avons parmi nous une administratrice de l'établissement, en la personne de Fabienne Keller.
M. Hubert du Mesnil, président directeur général de Réseau ferré de France. - Je vous remercie de votre accueil et je suis sensible à l'intérêt que vous manifestez pour RFF. Le sujet intéresse tous les transporteurs et tous les voyageurs, il intéresse la nation.
La dernière loi a fait franchir un grand pas dans l'organisation du réseau ferroviaire ; elle a marqué l'ouverture internationale et créé un régulateur qui prendra une part significative dans l'organisation du système. On parle souvent d'un gendarme, mais le Parlement lui a confié un rôle économique - c'est toute la question des péages. Nous lui fournirons tous les éléments nécessaires à cet effet.
Dans le contrat de performance, l'Etat nous a donné une feuille de route et nous avons fixé un cadrage économique, avec un plan d'affaires, qui est un instrument de mesure. Les résultats sont-ils en ligne ? Il n'y a pas suffisamment de trains sur les rails. Afin de développer l'activité et augmenter le nombre de trains, il faut offrir aux trains de bons sillons. Voilà notre mission principale. Elle a un caractère commercial. Pour cela, il faut comprendre ce que les entreprises ferroviaires et les régions attendent de nous. Nous organisons ainsi le cadencement. Nous devons accueillir de nouvelles entreprises européennes et adapter le réseau à la concurrence dans le respect de la sécurité. La concurrence progresse pour les marchandises (+ 15 %), les nouvelles entreprises dépassent 15 % de part de marché, mais c'est aussi parce que Fret SNCF réduit son activité.
RFF s'engage aussi pour le trafic des voyageurs et nous discutons avec Trenitalia comme avec la Deutsche Bahn. Les choses évoluent progressivement. Certains avaient cru que des TGV étrangers circuleraient dès 2010. Ce n'est pas le cas ; pourtant, la complexité n'est pas entretenue à dessein - le régulateur y veillera. Il faut avoir des trains, des conducteurs... Quand la concurrence entrera-t-elle dans les faits ? Les Italiens n'ont pas utilisé leurs sillons cette année. Nous répondrons aux demandes en veillant à la coexistence des entreprises et des activités. C'est aussi pour cela que nous avançons sur le cadencement avec résolution.
Le plan de rénovation représente 13 milliards d'euros d'ici 2015. Nous avons doublé les chantiers, ce qui gêne d'ailleurs la circulation des trains régionaux, nous en avons conscience. Le plan est tenu, le doublement du rythme de la rénovation est une réalité. Nous essayons de réduire les coûts, ce qui nous conduit à arrêter la circulation quand c'est acceptable pour les voyageurs car cela permet une baisse des coûts de plus de 20 %. On ne peut pas faire plus, même si le plan de relance nous a donné un petit coup de pouce, car toute notre capacité technique et financière est mobilisée. Restera la question des lignes qui ne font pas partie du plan de rénovation ; il conviendra d'y réfléchir au cas par cas.
L'équilibre économique devait être atteint à terme selon la formule du coût complet, les recettes couvrant l'entretien et le renouvellement des voies. Nous y reviendrons.
Le développement durable a donné lieu à de nombreuses initiatives. La matière est essentielle mais compliquée et le Grenelle de l'environnement a fixé des orientations ambitieuses. Nous sommes mobilisés sur ces dossiers, car ce serait une erreur de négliger les nuisances au prétexte que le train est par lui-même un moyen de transport écologique. Il faut aussi s'occuper des traverses et du bruit !
RFF a une dette de 28 milliards d'euros. Il nous faut absolument démontrer qu'à moyen terme, nous dégagerons suffisamment de résultats pour la résorber. Si la trajectoire n'y tend pas, si la convergence apparaît illusoire, les pires menaces sont devant nous. Nous avons traversé la crise financière sans trop de difficulté. Adossés à l'Etat, nous avons conservé notre notation AAA. Les banquiers n'en regardent pas moins où nous allons et ils ne répondraient plus présents en cas de divergence, c'est un vrai risque. Or la vertu du contrat de performance est en train d'être minée. Les recettes prévues additionnaient les péages, qui devaient augmenter, et des subventions, qui devaient rester stables. Nous attendions une augmentation des recettes. Or la baisse du trafic de marchandises est plus importante que prévu, et l'on n'a pas constaté de reprise pour ce secteur, qui a encore baissé de 7 % au premier semestre, tandis que les péages du fret sont très faibles (200 millions d'euros sur 4 milliards d'euros).
Côté voyageurs, la croissance était portée par les régions, car, pour les trains nationaux, l'augmentation des TGV est compensée par des suppressions d'autres trains. Conserverons-nous 3 % de croissance l'an dans le transport régional ? Pour les barèmes, la hausse repose sur les TGV, les autres étant simplement réévalués de l'inflation. La croissance de la recette attendue pour les TGV était de 200 millions d'euros, soit 6 % à 9 % l'an. Chaque année, le barème augmente de l'inflation, plus 60 millions d'euros, au titre de la rénovation du réseau et pour tenir compte de la convention de gestion de la SNCF. Une centaine de millions pour l'année 2011 traduit l'effet retraites à la SNCF. Le TGV aide donc à la rénovation du réseau et porte la hausse des coûts d'entretien. Pourra-t-on longtemps continuer comme cela ? Si ce n'était plus le cas, il faudrait que le coût du réseau n'augmente plus, et pour cela, qu'on réorganise l'entretien, ce qui suppose un grand changement. Ne pas aller au bout de l'effort de rénovation serait la pire des choses car si, par exemple, nous ne rénovons qu'un tronçon de la ligne des Alpes, nous ne tirerons pas les profits de la rénovation.
Nous nous inquiétons d'autant plus pour les subventions de l'Etat. Nous rêvions qu'elles demeurent stables, or elles diminuent tous les ans, le gel ayant touché 180 millions d'euros cette année. Cela efface complètement la croissance des péages. Si l'on ne peut pas compter sur cette contribution supplémentaire, jamais nous n'atteindrons l'équilibre du coût complet et c'est tout l'ensemble qui est menacé. Nous avons, et c'est normal, des débats avec la SNCF ; le régulateur refera nos comptes respectifs et se formera une opinion sur le bon équilibre. Traitons ce débat rationnellement et avec professionnalisme. Sous-tarifer une ligne utilisée par une compagnie européenne ne sert pas l'intérêt national : il faut que le train paie le péage autant qu'il le peut. Les hausses de péage ont pu peser sur les résultats de la SNCF, mais la reprise est là et la qualité du produit TGV est telle qu'on peut avoir confiance en son avenir et escompter une croissance.
La dérive dépasse déjà 300 millions d'euros par rapport au contrat de performance. L'évolution des recettes ne suffira pas si les coûts augmentent de 3 % l'an : la rénovation est la meilleure des réponses. Nous travaillons aussi avec SNCF Infrastructures sur la maintenance en nous inspirant des exemples étrangers, allemands et néerlandais par exemple. Il convient, sauf à se faire du souci pour la dette et pour le réseau, de poser la question de notre capacité à porter la dette en tendant vers l'équilibre.
J'ai évoqué l'impact de la réduction de Fret SNCF. S'agissant toujours du fret, nous participons à l'engagement national pour le fret ferroviaire avec la mise en oeuvre d'autoroutes ferroviaires et réservons aux trains de marchandises des sillons de qualité. Nous signons avec les transporteurs des accords de qualité qui prévoient des pénalités si nous ne tenons pas nos engagements - c'est la meilleure contribution que nous puissions apporter à cette activité. Nous croyons, malgré les débats, aux actions en faveur des transports de proximité. Les expériences réussiront-elles ? Nous serions coupables de ne rien faire pour les activités de proximité. Nous n'arrêtons pas les petites lignes et cherchons à les entretenir. Nous pouvons en confier l'entretien à qui le veut et, comme le sait bien M. Patriat, nous venons de le faire dans le Morvan, avec des entreprises locales. Nous baissons les prix et adaptons les lignes : si un transporteur local veut s'organiser pour cela, tentons l'expérience ! Enfin, nous poursuivons l'effort pour l'accès aux ports.
Un mot sur les grands projets. Les projets réalisés en mode classique que sont la LGV Est-2eme phase sur Strasbourg et Rhin-Rhône entre Dijon et Mulhouse se déroulent comme prévu. Nos marchés sont signés dans de bonnes conditions pour nous. Nous avons trois projets de LGV en partenariat public-privé, comme Sud-Europe-Atlantique (Bordeaux-Tours) avec Vinci ; Le Mans-Rennes et le contournement de Nîmes-Montpellier sont en cours de négociation. Les dix-sept projets du Grenelle, soit 70 milliards d'euros, sont à l'étude ou en préparation du débat public. Comme le calendrier de tout cela dépasse notre compétence, je me bornerai à dire que nous nous efforçons d'avoir un comportement responsable dans la concertation et travaillons avec les élus pour concevoir une bonne insertion de ces projets dans les territoires.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Je vous remercie de cet exposé très clair. Nous mesurons le dynamisme de votre équipe : RFF n'est plus une structure de défaisance de la dette de la SNCF. Nous avons compris votre projet, vos ambitions, mais aussi vos contraintes. Comment l'ouverture à la concurrence se passe-t-elle, quel est le potentiel de concurrence et n'y a-t-il pas un risque de saturation des sillons ?
Quelles sont les perspectives de remboursement de la dette et ne s'agit-il pas, suivant l'expression de Jean-Pierre Fourcade, d'une « dette perpétuelle » ? Qu'adviendra-t-il en cas de pression sur les taux ? D'ailleurs, quels taux obtenez-vous sur les 28 milliards d'euros et comment ferez-vous en cas de baisse de 10 % des crédits d'intervention qui atteignent 2,3 milliards d'euros?
M. Hubert du Mesnil. - Une entreprise qui nous demande un sillon doit respecter des règles techniques de sécurité (ce qui relève surtout de l'établissement public de sécurité ferroviaire). Les trains ont en effet été dimensionnés en fonction des réseaux de chaque pays, de sorte que les Italiens peuvent prétendre que nous leur compliquons volontairement les choses et que les Français peuvent dire la même chose en Italie.
S'agissant des sillons, le « document de référence » est un mode d'emploi du réseau ferroviaire disponible sur Internet. Il définit en particulier le calendrier d'inscription. Les demandes pour 2011 devaient être formulées en avril ; nous les traitons avant septembre et répondons à 80 % des demandes, l'année nouvelle commençant dès décembre. Resteront les sillons de dernière minute pour le fret. L'Italie et l'Allemagne déposent des demandes, nous rentrons en discussion : combien de trains, à quelle vitesse ? Le processus de concertation est continu. Les sillons non utilisés doivent être annulés assez tôt pour ne pas être facturés. Un Milan-Paris est possible à condition que les voyageurs pris en charge dans une gare française intermédiaire ne représentent qu'une fraction minoritaire des passagers.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Cela restreint la concurrence !
M. Hubert du Mesnil. - Des décomptes doivent être opérés.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est une fiction !
M. Hubert du Mesnil. - Ce n'est possible que sur des liaisons au trafic très important. A vrai dire, Milan-Chambéry, d'une part, et Chambéry-Paris, d'autre part, apparaissent plus intéressants qu'un Milan-Paris, qui peut se faire par avion. En revanche, la contrainte sera moindre pour la Deutsche Bahn quand elle ira jusqu'à Londres via Lille.
D'une part, l'on ne peut pas toujours répondre à la demande, d'autre part l'antériorité n'établit aucun droit : nous devons redistribuer les sillons chaque année entre toutes les demandes. Nous avons néanmoins des discussions avec la SNCF pour lui réserver des sillons sur plusieurs années, mais cela n'est possible que pour une partie de la capacité et, le moment venu, RFF est obligé d'ouvrir.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Quelle est la proportion tolérable ?
M. Hubert du Mesnil. - Pour un contrat de cinq ans, nous pensons pouvoir viser environ 70 %. Le régulateur examinera nos propositions dans le cadre européen.
Concernant la dette, le taux moyen d'intérêt des 28 milliards est de 4,5 %. Nous avons bénéficié de la baisse des taux : la crise nous a été, à cet égard, favorable puisque l'économie a atteint 300 millions d'euros. Mais notre capacité à rembourser cette dette se dégrade actuellement et une partie de cette dette finira par être perpétuelle. Il y a deux ans, nous avions dans l'idée que RFF pourrait commencer à se désendetter en 2020 mais cette perspective a disparu avec l'augmentation des coûts et la baisse des recettes. La dette va donc continuer d'augmenter.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La subvention de l'Etat ne peut-elle apparaître comme le moyen de la rembourser, ce qui en ferait une dette « maastrichtienne » ?
M. Hubert du Mesnil. - La subvention de désendettement a été transformée en complément des péages, en contrepartie d'une augmentation de ceux-ci. Si ce n'est plus possible, notre adossement à l'Etat apparaîtra comme notre seul soutien et l'on ne pourra pas entretenir la fiction du désendettement.
Mme Fabienne Keller. - Alain Fouché et moi-même sommes administrateurs de RFF et je précise qu'il s'agit d'une petite entreprise, environ deux cents fois plus petite que la SNCF en nombre de salariés. Les deux entreprises sont, du reste, liées par une convention de gestion : RFF est censé gérer les sillons mais il confie cette tâche à des salariés qui sont restés agents de la SNCF et elle supporte ainsi 160 millions d'euros de surcharge financière liée aux statuts des salariés. Le péché originel est là ! Et l'on a pu croire que RFF était une structure de défaisance. Mais l'établissement a des compétences propres : construction de lignes, rénovation, gestion de la dette... Laquelle, soit dit en passant, représente seulement une année de dette de la sécurité sociale !
« Il n'y a pas suffisamment de trains sur les rails », dit M. du Mesnil. Effectivement, les régions ont consenti des investissements considérables, qu'il faut rentabiliser. Des trains en plus grand nombre, c'est moins de pollution et moins de dépenses sur les infrastructures routières. Nous devons nous interroger sur les deux questions de la concurrence et des coûts d'exploitation de la SNCF, dans ce qui est un domaine d'excellence de la France.
Je veux souligner également que le bon entretien du réseau produit un cercle vertueux car le trafic cadencé qu'autorise un réseau en bon état engendre des recettes supplémentaires, alors que, quand l'infrastructure vieillit trop, la structure n'est plus rentable et coûte cher.
M. Michel Teston. - Il aurait fallu plus de temps pour un sujet de cette importance. M. du Mesnil nous a parlé de la rénovation du réseau. Le rapport de l'Ecole polytechnique de Lausanne, en septembre 2005, a souligné le mauvais état du réseau et recommandé de compléter le réseau à grande vitesse en le maillant avec le réseau classique afin d'assurer une bonne irrigation des territoires. Je dresserai un bilan un peu différent de celui exposé par le président de RFF. L'extension du réseau à grande vitesse passe de plus en plus souvent par des partenariats public-privé ; et les régions sont obligées d'intervenir pour enrayer le vieillissement du réseau classique, voyez le cas de l'Auvergne et de Midi-Pyrénées.
La dette de 28 milliards d'euros pénalise considérablement RFF. La seule solution pour répondre à ce défi est de vendre les biens immobiliers qui ne sont pas nécessaires à l'exploitation, de développer le fret ferroviaire et d'augmenter les péages, qui ne sont pas parmi les plus élevés d'Europe. Le Grenelle de l'environnement impose, dans le total du trafic de marchandises, une part modale du non-routier et du non-aérien de 25 % (essentiellement le fluvial et le ferroviaire) : il est donc temps de redonner à RFF des marges de manoeuvre et de demander à l'Etat un plan de réorganisation de la dette. Les parlementaires ne pourront pas faire longtemps l'autruche, ils devront aider l'Etat à prendre des décisions. Il n'y a pas de solution sans résorption de l'endettement de RFF.
M. François Patriat. - Les régions participent à l'achat des trains, à l'entretien du réseau, au cadencement du trafic, à la construction de nouvelles lignes à grande vitesse : tout cela finit par engloutir plus d'un quart de leurs budgets ! Les financements inscrits dans les conventions avec la SNCF ont augmenté de 55 % en quatre ans. M. Pépy me dit que ce sont les péages qui alourdissent le coût des conventions. Cela devient intenable ! L'offre de trains se réduit ; la ligne Besançon-Dijon-Cherbourg par Caen s'arrêtera à la fin de l'année faute d'équilibre financier. Les régions ont participé au plan de relance de l'Etat pour la régénération du réseau. Pourront-elles continuer ? Leur situation financière leur imposera inévitablement de réduire la voilure.
N'allez pas entretenir l'illusion que des lignes à grande vitesse pourront être construites sur tous les territoires : Rhin-Rhône avec une branche sud et ouest, Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, Lyon-Marseille-Barcelone-Italie, ligne Sud longeant l'A39 entre Dijon et Lyon, qui ferait gagner trois minutes pour un coût de 4 milliards d'euros... Non, tout ne sera pas possible !
M. Rémy Pointereau. - Les LGV sont des investissements de long terme. Il faut respecter le Grenelle de l'environnement. La fongibilité des investissements est inscrite pour les projets prévus après 2025. Mais ne serait-il pas possible d'élaborer un business plan, au moins pour les vingt ans à venir, regroupant les différents projets prévus ?
Les banques font confiance à RFF. Elles ont été aidées par l'Etat il y a quelques mois. A leur tour, elles pourraient apporter leur contribution en finançant plus largement les partenariats public-privé. La Caisse des dépôts pourrait y participer.
M. François Fortassin. - Les entreprises françaises et les entreprises étrangères acquittent-elles les mêmes péages ? Si oui, la concurrence paraît respectée, mais en réalité elle ne l'est pas puisque seules les françaises financent la rénovation des sillons par la puissance publique. Nous avons en fait de la concurrence déloyale.
M. Roland Courteau. - Le contournement de Nîmes-Montpellier par une ligne à grande vitesse est une avancée, après la réalisation du Perpignan-Figueras transfrontalier. Mais il y a un chaînon manquant : Montpellier-Perpignan ! La mission Querrien, en 1990, prévoyait sa réalisation sous dix ans ; on nous l'annonce aujourd'hui dans les dix ans à venir. L'attente aura duré trente ans ! Chacun sait pourtant le goulot d'étranglement qui existe sur le plus grand axe européen de LGV, de l'Europe du Nord jusqu'à Séville. Le tronçon Montpellier-Perpignan sera-t-il construit dans dix ans ou attendrons-nous encore trente ans ? Et que devient le Narbonne-Toulouse, pour désenclaver Toulouse ?
M. Raymond Vall. - La région Midi-Pyrénées a dépensé 500 millions d'euros pour la rénovation des voies et l'on nous a annoncé ensuite la suppression de 3 000 à 4 000 kilomètres de lignes ! Il ne faut pas appliquer aux territoires ruraux une vision trop sectaire, dit pourtant le Président de la République. Vous faites disparaître, dans votre schéma national, presque toutes les lignes de fret et le trafic des TER ! Qu'en est-il de la traversée du Massif central vue du côté de RFF ?
M. François Marc. - J'évoquerai le lien entre les contrats de projet et le schéma national des infrastructures de transport, en prenant l'exemple de la ligne de l'extrême Ouest breton. Le contrat de projet comprenait une ambition précise : mettre Brest et Quimper à trois heures de Paris. Quelques travaux ont été programmés, qui feront descendre la durée du trajet à trois heures quarante. Mais ensuite ? Le schéma national a modifié sans délibération la priorité, qui devient le barreau vertical Rennes-Nantes. Comment peut-on piétiner ainsi les contrats de projets ?
Mme Marie-France Beaufils. - Vous avez choisi Vinci pour construire la ligne à grande vitesse du Sud-Est Atlantique. Mais quel est le poids de la rémunération des actionnaires privés sur le coût du projet ? N'aurait-il pas été moins onéreux de recourir à un emprunt bancaire pour un tel investissement, pour lequel les collectivités territoriales seront sollicitées ?
La Deutsche Bahn, en Allemagne, reprend les wagons isolés. La même chose est-elle envisageable en France ? Pourquoi nous renvoie-t-on aux opérateurs privés, alors que Proxirail est tombé à l'eau ?
M. Dominique Braye. - La situation de RFF empire d'année en année. Et songez au risque si les taux augmentent... Il y a un vrai problème et si effectivement la dette est de 28 milliards d'euros, RFF doit tout faire pour augmenter ses recettes. On vous sent évoluer dans une concurrence obligée, dans laquelle vous privilégiez l'opérateur historique au détriment des recettes. Il conviendrait d'adopter une attitude plus moderne et de considérer la concurrence comme un atout.
M. Jean-Jacques Mirassou. - La suppression des trains est une réalité dans la région Midi-Pyrénées et en Haute-Garonne. Quand on habite Bagnères-de-Luchon, par exemple, il vaut mieux partir à pied que d'attendre sur le quai un train pour Saint-Gaudens... Le département et la région ont consenti un effort de respectivement 320 et 450 millions d'euros, mais ils n'ont pas encore la certitude que les choses sérieuses vont commencer pour Bordeaux-Toulouse. On brandit le spectre maastrichtien lorsqu'il s'agit de la dette de RFF mais on ne s'émeut de rien lorsque les collectivités sont sollicitées en dehors de toutes leurs compétences. Mais la convention a été signée ce matin pour le Bordeaux-Toulouse : il semble que l'on soit, si je puis me permettre, sur la bonne voie !
M. Philippe Dallier. - Quel est l'impact de la réforme de la taxe professionnelle sur votre entreprise ? L'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) a été créée pour éviter les effets d'aubaine. Maintenant que vous êtes déficitaire presque structurellement, n'y a-t-il pas là une marge de négociation pour trouver un peu d'oxygène ?
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Quel est le coût moyen au kilomètre d'une construction de ligne à grande vitesse, d'une rénovation de l'existant et d'une électrification ?
M. Hubert du Mesnil. - A l'Etat de prendre les décisions qui relèvent de sa compétence : choix des programmes de lignes à grande vitesse, choix des modes de financement, promotion des objectifs du Grenelle de l'environnement... Nous exécutons les étapes décidées par le Gouvernement. Je suis donc incapable de vous dire quand et comment seront financés les 70 milliards d'euros d'investissement. Notre métier est de discuter avec les riverains, de rénover les voies, de réaliser les programmes décidés, de faire fonctionner le réseau.
Partenariat public-privé ou non, la question est ouverte. Nous aurons bientôt des retours d'expérience, puisque sur cinq projets mis en oeuvre actuellement, trois le sont dans le cadre d'un partenariat public-privé, deux dans un cadre classique. Sans les PPP, nous ne pourrions mener les cinq de front. Quant au bilan du coût, nous en saurons plus dans quelque temps. Il est certain que la rémunération du capital est plus lourde. Et il me semble illusoire de penser que les PPP constituent une solution pour les 70 milliards d'euros d'investissements. Les banques apportent l'argent, même si, durant la crise économique, elles voulaient la garantie de l'Etat ; mais on est impressionné par les capacités industrielles déployées lorsque les contrats sont regroupés.
RFF a remis en service des petites lignes ces dernières années. Et ce sont souvent les riverains qu'il faut convaincre car ils sont dérangés par le trafic, notamment le fret... Qu'on ne nous fasse pas le procès de la fermeture des lignes, nous avons rouvert de petites lignes, comme Flamboin-Montereau, et, si notre rôle est parfois de nous interroger sur l'utilité de voies sur lesquelles ne circule presque aucun train, nous n'avons pas à décider seul, surtout quand la région a fait beaucoup pour rénover et moderniser les lignes. Il faut voir les choses au cas par cas, mais sachez que ce n'est jamais un plaisir que de fermer une ligne.
RFF n'est ni pour ni contre la concurrence. Est-ce que Trenitalia et Deutsche Bahn nous trouvent bienveillants à l'égard de l'opérateur historique ? Est-ce que la SNCF nous juge trop bienveillants à l'égard de ses concurrents étrangers ? Il faut adapter notre fonctionnement à la concurrence mais sans précipitation, raisonnablement. Nous sommes déjà à 16 % de part de marché pour les étrangers. Jusqu'à présent notre attitude a été jugée irréprochable et, si nous étions condamnés pour distorsion de concurrence, je considérerais que nous aurions commis une faute grave.
C'est l'Etat qui a élaboré le projet de schéma national des infrastructures de transport. Nous serons consultés, vous le serez aussi, à chacun de formuler ses avis sur des améliorations souhaitables ou des ajustements au nom de la cohérence. Nous n'oublions pas l'objectif de Brest-Paris en trois heures et voulons y travailler. Il faudra mettre sur ce point le schéma en cohérence avec les contrats. Quant à la traversée centrale, c'est à l'Etat de dire comment et quand il mettra en oeuvre ce projet qui tient à coeur aux Espagnols.
Je préside l'association européenne des gestionnaires d'infrastructures, tous les pays connaissent les mêmes problématiques. Mais nous le savons, il ne faut pas s'attendre à ce que l'Europe apporte des financements.
Pour répondre à la question du président Emorine, la construction d'une nouvelle ligne coûte 15 à 25 millions d'euros au kilomètre ; la rénovation, 1 million ; l'électrification, quelques millions.
Il est évident que l'avenir d'une partie du réseau dépend de notre capacité à gérer les wagons isolés ou du moins les petits trains. Je sais que la SNCF déclare qu'elle n'est plus en mesure de le faire. Et je ne suis pas certain que d'autres puissent le faire à sa place. Mais nous résigner et fermer serait une décision gravissime pour les entreprises industrielles. Nous devons tout essayer. Ce n'est pas la Deutsche Bahn qui va nous proposer de gérer ce fret ; si des entreprises locales, avec des moyens sobres, souhaitent essayer, il faut les suivre et les encourager et faire en sorte que les péages ne soient pas dissuasifs.
M. Patrick Persuy, directeur général adjoint, finances et achats de RFF. - L'imposition forfaitaire est un poste en forte augmentation dans le budget de RFF. Les subventions ont été réorganisées l'an dernier, et la valeur ajoutée ayant augmenté, l'assiette de l'IFER s'est élargie, indépendamment de la réforme de la taxe professionnelle. En effet, les subventions de désendettement, d'exploitation et de renouvellement ont été fondues en une seule, qui figure dans le compte de résultats.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La plafonnement de 3,5 % s'applique à une valeur ajoutée beaucoup plus large. Avez-vous une idée de l'évolution de l'IFER ? Et « quid » de la subvention ?
M. Hubert du Mesnil. - Nous n'avons guère d'indications sur le montant que nous devrons acquitter l'an prochain. Il est question d'une baisse de 10 % de la subvention.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Si la dette de RFF était gérée par France Trésor, cela ne coûterait-il pas moins cher ?
M. Patrick Persuy. - En effet. La différence est de 15 points de base.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Soit 50 millions d'euros de subventions aux banques !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. - Nous vous remercions.
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -
Lignes à haute et très haute tension, santé et environnement - Audition de M. Daniel Raoul, rapporteur de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)
Puis la commission entend M. Daniel Raoul, rapporteur de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), sur son rapport « Lignes à haute et très haute tension, santé et environnement ».
M. Daniel
Raoul, rapporteur de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. - Ce
rapport résulte d'une saisine de l'OPECST par notre commission. J'ai
corrigé l'intitulé originel de la saisine, car il n'existe pas de
champs électromagnétiques dans les fréquences basses de
50 hertz (Hz), mais des champs électriques et des champs
magnétiques. Le champ électrique est constant,
quelle que soit la charge de la ligne, le champ magnétique, dont la
densité est mesurée en microtesla, est actif uniquement lorsque
le courant passe. Seul le champ magnétique est incriminé pour ses
éventuels effets sanitaires.
Le réseau français à haute et très haute tension est le plus important d'Europe, en raison notamment de notre parc nucléaire. La gestion est publique à 100 %, assurée par Réseau de transport d'électricité (RTE). Je souligne la neutralité du réseau, quelle que soit l'origine de l'électricité, nucléaire, hydraulique, ou autre. J'ajoute que l'électricité n'est pas une marchandise comme une autre, elle ne se stocke pas ; et le réseau doit fonctionner de telle sorte que, si un tronçon tombe en panne, il n'affecte pas l'activité des autres.
On observe des réticences à l'égard des champs électriques et magnétiques (CEM), la population exprimant des craintes. Les lignes électriques émettent des CEM, mais les postes de transformation aussi, les caténaires des lignes de chemin de fer, et tout l'environnement domestique. A l'intérieur des domiciles, on mesure de l'ordre de 0,2 uT (microteslas). L'usager du TGV, l'utilisateur d'ordinateur, peuvent être exposés à une plus forte dose. Supelec a conduit une étude qui a conclu à des différences significatives selon le type d'habitation, de chauffage, le métier, le mode de transport utilisé, etc. Finalement, il apparaît que 0,6 % de la population est exposée à plus de 0,4 microtesla, en raison de sa proximité avec des lignes à haute et très haute tension.
Il est souhaitable que l'enfouissement reste principalement un choix économique, son coût variant en fonction de la puissance de la ligne et de la géographie du tracé de l'ouvrage. Le contrat de service public conclu entre l'État et RTE stipule que la longueur du réseau aérien ne peut être accrue et il faudra ainsi compenser la nouvelle ligne Cotentin-Maine par l'enfouissement d'autant de kilomètres de lignes.
Il n'y a pas de bénéfice floristique à attendre de l'enfouissement, qui représente, en outre, une contrainte forte pour les agriculteurs, car il nécessite le creusement de tranchées à faible profondeur ce qui peut causer des problèmes, pour l'irrigation par exemple. Le champ électrique est alors totalement supprimé, le champ magnétique atténué sensiblement. La demande sociale est forte, notamment pour des raisons esthétiques. Les toiles d'araignées en région parisienne, il est vrai, n'embellissent pas le paysage. Mais il ne faudrait pas placer RTE dans la même situation financière que Réseau ferré de France !
En matière de santé, il y a un consensus international pour estimer que les normes existantes sont efficaces pour protéger la population. Les scientifiques estiment improbable et même exclu qu'une exposition chronique cause une maladie telle qu'un cancer chez l'adulte. Trois problèmes seulement ont été identifiés. L'hypersensibilité électrique, ou HSE, est un syndrome auto-déclaré, qu'il n'est pas possible de diagnostiquer : on ne peut mesurer ce malaise. Les personnes souffrent, c'est indéniable. Mais aucun lien de cause à effet n'a jamais été mis en évidence. Et dans les essais en double aveugle, ni le médecin ni le patient ne sont jamais capables de dire si les machines sont branchées ou non. Il n'en faut pas moins prendre au sérieux ces malades. C'est ce que propose aussi le rapport d'Alain Gest, député et rapporteur de l'OPECST sur la téléphonie mobile. Il faut développer la recherche et la prise en charge, l'accueil. Pour la première fois, le professeur Choudat (APHP-Hôpital Cochin) a formulé l'hypothèse qu'une démarche de désensibilisation pourrait être appliquée à ces personnes, un peu comme à celles qui souffrent d'agoraphobie. Le second point d'interrogation concernant l'impact des champs magnétiques d'extrêmement basses fréquences sur la santé concerne la maladie d'Alzheimer et la démence sénile qui pourraient éventuellement être amplifiés. Une étude suisse portant sur les conducteurs de trains met en évidence une relation entre l'exposition aux champs magnétiques et ces maladies. J'ai proposé pour ma part une étude épidémiologique à la SNCF et j'ai été dépité que l'on me réponde : « cela relève de la Caisse de retraite », alors que la RATP, elle, a mené une étude sur vingt ans, incluant les retraités ; il apparaît que les maladies neuro-dégénératives ne sont pas plus nombreuses dans ce groupe que dans la population témoin. Il faut dire que le statut du personnel de la RATP n'est pas le plus mauvais pour la santé et que la RATP emploie des champs magnétiques continus et non alternatifs...
Reste le cas de la leucémie aiguë de l'enfant, question discutée depuis plus de trente ans ; suite à plusieurs méta-analyses, l'Organisation mondiale de la santé classe les champs magnétiques à 50 Hz en catégorie 2B, c'est-à-dire comme cancérogène possible. Quant à l'étude Draper en 2005, elle a conclu que les facteurs de risque étaient doublés lorsque le champ était supérieur à 0,4 microtesla, mais les chercheurs ont eux-mêmes mis en doute les conditions de l'observation, puisque ce n'est pas l'exposition réelle qui était prise en compte mais la distance entre le lieu de naissance de l'enfant et les lignes électriques. L'étude serait donc à affiner. Mais aucun lien de cause à effet n'a été trouvé. Et si les champs magnétiques étaient impliqués, compte tenu de la part de la population française exposée à un champ supérieur à 0,4 microtesla, et que l'on parvient à guérir de l'ordre de 80 % des enfants, on ne pourrait leur imputer que le décès d'un enfant par an pour leucémie aiguë, au maximum. L'inquiétude est légitime, mais le risque, faible.
Un décès d'un enfant par an, cependant, c'est un décès de trop et il faudrait chercher à savoir si un lien de cause à effet peut être identifié. Une nouvelle étude devrait être conduite par l'Agence française de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail (Afsset) dans quelques années. Il convient de relancer la recherche épidémiologique, en étant conscient cependant du problème statistique compte tenu de la rareté de la maladie ; et de chercher un mécanisme d'action, les leucémies étant des maladies multifactorielles. Dans l'attente des résultats scientifiques, il convient de prendre des mesures de prudence, sans excès cependant : l'instauration de couloirs de deux fois 100 mètres autour des nouvelles lignes à haute tension n'aurait pas de sens et stériliserait sans raison des terrains. Que l'on n'y construise pas une crèche, d'accord, mais ces lieux peuvent accueillir des bâtiments industriels.
Sur la flore et la faune, on dispose de très peu de données. On n'a démontré aucun impact sur l'élevage, du moins aucun impact direct car les bâtiments modernes sont souvent métalliques, donc conducteurs, et les animaux subissent des microdécharges lorsque la mise à la terre est mal faite. Le groupe permanent de sécurité électrique (GPSE), cherche à améliorer les connaissances des éleveurs en la matière. Il est saisi des litiges, rares - il a été sollicité 34 fois depuis 1999, dont dix fois pour des conseils en amont. Il est tout de même gênant que le GPSE soit financé essentiellement par RTE, car cela jette un doute dans les esprits. Mieux vaudrait couper le lien, ou créer une fondation financée par RTE, bref créer un groupe plus formel - le GPSE fonctionne presque sur le bénévolat ! Il n'est pas non plus le leader mondial de la transparence ; les termes des accords passés avec les agriculteurs, par exemple, ne sont pas divulgués. On a constaté que le dialogue changeait tout, faisait évoluer les positions. Des mesures sur le terrain sont le meilleur moyen de « dégonfler » les rumeurs fantaisistes.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Votre rapport est rassurant.
M. Alain Houpert. - « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » ... Le Grenelle de l'environnement pousse les agriculteurs à installer des panneaux solaires sur leurs bâtiments, y compris d'habitation. Les plus pauvres sont les premiers tentés par ces installations pour disposer d'un revenu complémentaire. Les panneaux fleurissent aussi sur les pavillons de banlieue. Y a-t-il un risque ?
M. Daniel Raoul. - Non, car, dans le photovoltaïque, la tension est continue et le champ magnétique est a priori faible.
M. Gérard Bailly. - Je félicite notre collègue pour ce travail très technique, sur un sujet complexe. Lorsque l'on se trouve sous les lignes haute tension, on perçoit un grésillement permanent, la radio ne fonctionne plus, on se pose des questions ! Chez moi, les souris et les campagnols abondent sous ces lignes. A-t-on fait des essais sur de tels animaux, que l'on emploie si souvent pour tester les produits destinés aux humains ?
Quant au photovoltaïque, qui se développe pour des raisons environnementales et financières, il ne faudrait pas découvrir dans quelques années que les panneaux sur les toits sont nocifs pour la santé humaine ou animale, comme cela s'est passé pour le fibro-ciment contenant de l'amiante.
M. Daniel Raoul. - Je ne pense pas qu'il y ait de risque, c'est seulement peut-être dans le câble, au point de collecte de toutes les cellules des panneaux, ou à l'ondulateur, que les CEM pourraient être détectés, mais non dans les panneaux eux-mêmes. Le point principal restera la fiabilité de l'installation électrique aux normes. Je souligne que les souris et autres animaux qui musardent sous les lignes américaines de 1 million de volts n'en semblent pas affectés !
M. Daniel Dubois. - Ce rapport me rassure. Des règles d'urbanisme sont-elles nécessaires pour définir des périmètres non constructibles autour des lignes ?
M. Daniel Raoul. - Le ministère de l'Écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer s'interroge sur de nouvelles règles mais aucune pathologie, je le répète, n'a pu être expliquée par l'exposition aux CEM. Le danger le plus grand, ne l'oublions pas, c'est l'électrocution ! Les animaux d'élevage, dans certains cas, peuvent subir des microdécharges.
M. Didier Guillaume. - Le principe de précaution règne aujourd'hui en maître, mais, je le constate avec les comités locaux d'information sur le nucléaire, plus d'information, n'est-ce pas plus d'inquiétudes pour les populations et plus de difficultés pour les élus locaux ? Les trois cas de leucémies - sans lien prouvé avec l'exposition aux CEM - par an ne seront-ils pas brandis contre les projets locaux ? Je connais des électro-hypersensibles, j'ai eu affaire à cette question chez moi. Daniel Raoul écrit qu'il faut traiter leur souffrance. Mais il nous dit aussi que les essais en double aveugle ont donné des résultats éloquents. Faut-il être obscurantiste ou progressiste ? Faut-il comprendre tous les gens qui ne supportent pas ceci ou cela ? Mieux vaut s'appuyer sur des données scientifiques que sur le vécu et les impressions des uns et des autres.
M. Daniel Raoul. - Nous l'avons vu avec les installations d'antennes-relais : l'information suscite des peurs chez des personnes qui auparavant ne se posaient pas de questions. Mais l'information et le dialogue peuvent aussi avoir la vertu de modifier les positions.
Les normes actuelles font consensus. L'effet sanitaire des CEM est vraisemblablement nul. L'effet biologique semble des plus limités, et ce sont les téléphones portables, surtout chez les enfants, qui doivent être maniés avec précaution.
M. Marcel Deneux. - Je nourris des inquiétudes sur le niveau d'acceptation par la population, mais tout cela relève d'une grande campagne d'information scientifique. Nous sommes en effet le pays où il y a le plus de lignes à haute tension et, quand on concentre l'électricité à Gravelines, il faut bien des lignes à haute tension pour alimenter Paris ! Les énergies renouvelables sont en partie la réponse aux lignes à grande tension. Il y a cinq ans, une grande action a été lancée dans mon département afin d'installer, à la base de tous les piliers de ligne à haute tension, des buissons pour la faune sauvage. On a milité, obtenu des crédits, et personne n'a évoqué le risque pour les animaux... Je souhaite qu'un GPSE amélioré puisse sensibiliser les exploitants, les vétérinaires et l'Institut technique de l'élevage bovin. Daniel Raoul devrait faire des conférences tous les jours pour dépassionner le sujet et informer mieux.
M. Yannick Botrel. - Je me joins aux félicitations pour le rapporteur. On est souvent confronté à des réactions très simples. Ainsi, l'une des questions que j'ai entendues est : « quelle est la distance acceptable par rapport à une ligne à haute tension ? » L'enfouissement des lignes ? J'ai réalisé l'enfouissement des conduites d'eau sans jamais avoir de difficulté avec les agriculteurs.
Ne faudrait-il pas intégrer les conséquences des tempêtes dans le coût des lignes et comment remédier aux trois fils apparents des lignes à basse tension ?
J'ai été confronté à des cas d'électrohypersensibilité. Vous n'avez pas de réponse, mais cela se traduit par des troubles du sommeil chez les êtres humains et, pour les animaux, par des problèmes de fertilité.
M. Daniel Raoul. - Il y a eu des constats sur ce dernier point et la relation n'a jamais été démontrée. Il peut en revanche y avoir des microdécharges non détectées. Passé l'âge de 6 ans, pour les enfants, le risque éventuel par rapport aux lignes semble écarté et il faut rappeler que l'on peut trouver ailleurs des expositions supérieures. Quant aux trois lignes, le tressage réduit considérablement le champ - on rejoint ce que j'ai dit pour l'enfouissement.
M. Jean-Jacques Mirassou. - Le débat soulevé par Didier Guillaume m'inquiète car, si le déficit d'information laisse la place à l'obscurantisme, la vulgarisation médicale sur internet fabrique des apprentis-médecins. Qui plus est, la douleur est relative. Avec un cancer en phase terminale, une personne appuiera sur la pompe à morphine dix fois par jour quand une autre n'y recourra que deux fois. Il faudrait déterminer un seuil. Peut-être un deuxième rapport...
M. Daniel Raoul. - Tout le monde butte sur les causes de l'hypersensibilité. Cependant la souffrance est réelle, et il faut la prendre en compte par une démarche d'accueil, d'écoute et de sensibilisation : la voie médicamenteuse ou chirurgicale n'est pas adaptée.
M. Jean-Paul Emorine, président. - Je vous remercie de ce rapport.