Mardi 11 mai 2010
- Présidence de M. Patrice Gélard, vice-président -Dialogue social et fonction publique - Audition de M. Georges Tron, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique
La commission procède à l'audition de M. Georges Tron, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique
M. Patrice Gélard, président. - Nous allons entendre M. Georges Tron, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique, sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Notre collègue M. Jean-Pierre Vial en est le rapporteur, tout juste après avoir rapporté le texte sur le conseil économique, social et environnemental.
M. Georges Tron, secrétaire d'Etat chargé de la fonction publique. - Je suis très heureux de vous présenter ce texte, qui est issu des accords dits de Bercy de juin 2008 sur le dialogue social dans la fonction publique. Cet accord a été approuvé par 75% des organisations syndicales, et cette adhésion traduit une certaine évolution de la négociation dans la fonction publique : le Gouvernement entend donc le reprendre, sans s'interdire, cependant, de le compléter par des dispositions propres à mieux défendre les agents ou à améliorer le service public rendu.
Avec ce texte, l'élection devient le fondement de la représentativité des syndicats : tout agent sera éligible et électeur, même les non-titulaires, aux comités techniques de la fonction publique de l'Etat. Autre innovation, les élections professionnelles seront ouvertes à tous les syndicats légalement constitués depuis au moins deux ans, ce qui corrige le système actuel de la représentativité par présomption. Il suffira d'adhérer aux valeurs de la République - qui peut trouver ce critère restrictif ? - et d'avoir une ancienneté de deux ans pour pouvoir présenter des candidats. C'est un dispositif large et souple.
Second pilier, ce texte renforce la négociation à tous les niveaux de l'administration. Le champ de la négociation est élargi bien au-delà des questions salariales : y seront inclus notamment le déroulement des carrières, la formation, l'action sociale, la protection sociale complémentaire, l'hygiène et la sécurité au travail, le handicap, en somme tout ce qui concerne le travail et les carrières des agents.
Ce texte détermine les conditions de validation des accords : il leur faudra, à compter de 2014, recueillir l'approbation d'au moins 50% des votants. Le gouvernement fait ici un pari, la barre est élevée, mais les accords passés ces dernières années démontrent qu'elle peut être largement dépassée : les accords de Bercy ont recueilli les trois quarts des suffrages et l'accord sur la santé et la sécurité au travail, 80%. Ce texte prévoit en outre une période transitoire jusqu'en 2014 : les accords seront reconnus à la double condition de recueillir l'approbation d'au moins 20% des votants et que 50% des votants ou plus ne s'y opposent pas.
Le Gouvernement ne s'est toutefois pas interdit de compléter les accords de Bercy, pour mieux protéger les agents et améliorer le service.
Ce texte crée un Conseil commun, - dénomination que l'Assemblée nationale, sur proposition de l'opposition, a préférée à celle de Conseil supérieur de la fonction publique -, qui examinera les questions communes aux trois fonctions publiques, de façon à éviter que le dialogue social ne progresse différemment pour chacune d'elle.
Nous proposons également d'abandonner, pour la fonction publique de l'Etat, la parité numérique dans les négociations. Ce point a suscité bien des interrogations sur tous les bancs de l'Assemblée nationale, il mérite des explications. La parité numérique, qui a été abandonnée de longue date dans la fonction publique hospitalière, conduit les auteurs d'un texte à le défendre devant le Conseil, ce qui revient à leur demander de faire deux fois le même travail, c'est souvent une perte de temps, sans valeur ajoutée. Pour la fonction publique territoriale, la question est un peu différente puisqu'on ne saurait attendre une vision uniforme des 55 000 employeurs concernés. Le Gouvernement a entendu les remarques qui ont été faites et l'Assemblée nationale a assoupli la rédaction initiale, en rendant possible le maintien de la parité numérique, ce qui devrait lever toutes les inquiétudes.
Nous modifions aussi la politique de rémunération dans la fonction publique, avec la prime de fonctions et de résultats (PFR). La rémunération résultera ainsi de trois critères : le grade, la fonction et le mérite. Nous créons également un nouvel échelon, baptisé « grade à accès fonctionnel » (Graf) pour les agents de la catégorie A au sommet de la grille. Cette amélioration répond à celles intervenues pour la catégorie C en 2006 avec l'accord « Jacob » et pour la catégorie B en 2008 avec l'accord « Woerth ». Les syndicats voulaient certes aller plus loin, mais ils reconnaissent que le Graf va dans la bonne direction.
Nous faisons converger les dates des élections syndicales dans les trois fonctions publiques, ce qui suppose de modifier également la durée des mandats, actuellement de trois ans dans la fonction publique d'Etat, de quatre ans dans la fonction publique hospitalière et de six ans dans la fonction publique territoriale. Une date d'élection commune est donc proposée à la mi-2011 pour les fonctions publiques d'Etat et hospitalière, une autre en 2014 pour les trois fonctions publiques, ce qui supposera d'adapter les mandats en cours. Il faudra veiller à la compatibilité des modes d'élection des comités techniques de la fonction publique d'État ; les élections de 2010 devront être validées pour éviter de nouvelles élections en 2011.
Nous créons un comité d'hygiène, de santé et de sécurité au travail, en précisant les règles d'éligibilité et d'élection.
Enfin, l'article 30 de ce texte valorise le statut des infirmières en leur reconnaissant l'accès à la catégorie A, avec un droit d'option pour les infirmières en poste, ouvert pendant six mois. Les infirmières demandent depuis longtemps l'accès à la catégorie A, qui correspond à leur niveau d'études de trois ans après le bac. Cet accès les intègre au parcours LMD et doit revaloriser leur rémunération, comme leur pension, tout en se traduisant par un report du départ à la retraite de 55 ans à 60 ans. Les infirmières qui auront décidé de rester en catégorie B, pour leur part, bénéficieront également d'une bonification de rémunération.
Le texte que je vous présente est important pour le dialogue social dans la fonction publique, il en rend les conditions plus claires et mieux lisibles ; il reprend les accords de Bercy en valorisant l'élection et la négociation, ce qui préfigure, me semble-t-il, l'avenir des discussions dans la fonction publique.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - Ce texte est très attendu, puisqu'il reprend les accords de Bercy, approuvés par les trois quarts des syndicats, ce qui veut dire aussi que les syndicats en attendent qu'il soit fidèle à cet accord, même s'ils reconnaissent utile que les résultats de négociations obtenus depuis 2008 y soient joints par voie d'amendements.
Première question, vous n'avez pas évoqué l'intéressement collectif : qu'en est-il ?
S'agissant du rôle nouveau de l'élection et de la négociation, nous y sommes très favorables.
Sur les dates des élections, les mandats seront harmonisés à quatre ans. Nombreux étaient ceux qui demandaient une durée égale à celle des mandats politiques, de six ans ; personnellement, une durée de quatre ans ne me choque pas, mieux vaut ne pas mêler toutes les élections, et le décalage peut être bénéfique pour la gestion de la collectivité locale.
Le texte prévoit que, jusqu'en 2014, un accord sera reconnu majoritaire à compter de 20% des voix, alors que le régime de droit commun prévoit un seuil de 30% : pourquoi ne pas avoir préféré ce seuil de droit commun ? Ensuite, une fois la période transitoire écoulée, le seuil sera porté à 50% : n'est-ce pas un seuil trop élevé ?
Ce texte supprime le paritarisme dans la négociation de la fonction publique d'État et territoriale. Or, il faut bien reconnaître à la fonction publique territoriale sa spécificité, ce lien particulier qui s'établit entre les élus et les agents, du fait même de leur proximité territoriale. Je regrette cette mise en cause du paritarisme, et si la suppression est laissée à la décision des collectivités, il ne faut pas perdre de vue que la fonction publique a pour principe d'appliquer les mêmes règles à tous ses agents.
La création d'un Conseil commun pourrait avoir la vertu de faire converger les trois fonctions publiques, alors que, depuis les lois de décentralisation, la fonction publique territoriale a quelque peu profité de son autonomie, au point de rendre difficile parfois la mobilité entre les fonctions publiques. Cependant, ne risque-t-on pas de voir le Conseil commun se substituer progressivement aux trois Conseils supérieurs en place, à la faveur d'un droit d'évocation qui les viderait de tout contenu ? C'est une véritable préoccupation.
S'agissant des infirmières, nous voudrions savoir qui, de vous ou de Mme Bachelot-Narquin, présentera l'article 30, dont notre commission des affaires sociales s'est saisie pour avis, avec Mme Sylvie Desmarescaux comme rapporteur pour avis.
Les infirmières s'inquiètent, nous l'avons constaté en audition. Il semble bien que nombre d'infirmières souhaitent poursuivre leur activité après 55 ans : ne craigniez-vous pas, avec votre dispositif, de les encourager à se mettre en retraite, quitte à poursuivre leur activité dans le privé ? Les effectifs d'infirmières vont diminuer d'ici cinq ans, pour quelques années, et j'avais compris que la réforme devait répondre à cette difficulté. Est-ce le cas ? Rassurez-nous car ne risque-t-on pas d'aggraver les difficultés de l'hôpital public ?
M. Georges Tron, secrétaire d'Etat. - Le Gouvernement souhaite refondre les politiques salariales dans la fonction publique : les rémunérations y sont peu lisibles, elles comportent au total quelque 1800 primes et elles ont été encore modifiées récemment par les accords sur les catégories C et B. Nous engagerons début juillet des discussions sur le point d'indice. Nous introduisons la prime de fonctions et de résultats (PFR), avec les trois niveaux que j'ai évoqués. Ce mécanisme s'inspire du rapport de votre collègue député Michel Diefenbacher sur l'intéressement collectif dans la fonction publique et de la concertation qui a suivi avec les partenaires sociaux. Cette prime introduit une gratification collective, sans distinction entre agents d'un même service. Les indicateurs de résultats seront fixés et connus à l'avance, par exemple la capacité d'un service à diminuer le délai d'une réponse, à réduire l'attente au guichet, à diminuer le coût du service. Des critères environnementaux pourront être introduits, pour moduler les résultats. Pour les agents, la prime sera l'occasion d'améliorer leurs conditions de travail et pour l'équipe de direction, l'occasion de mobiliser les agents autour d'un projet motivant, facteur d'émulation.
S'agissant de la validation des accords pendant la période transitoire, je vous accorde que le droit commun est de 30%, mais la position commune de 2008 opte pour un seuil de 50% : le droit commun et celui de la fonction publique vont donc converger. Ce seuil de 50% est élevé, je m'en suis moi-même inquiété lorsque j'en ai eu connaissance. En réalité, ce seuil est atteint fréquemment, en témoignent les accords de Bercy ou encore celui sur la sécurité au travail, et notre objectif est bien de responsabiliser les syndicats, en les incitant au compromis.
S'agissant du paritarisme, ce texte ne fait qu'abandonner le paritarisme numérique pour la fonction publique d'Etat, ce qu'a fait la fonction publique hospitalière depuis de nombreuses années. Le système actuel est chronophage et le nombre de participants au dialogue n'en a jamais garanti la qualité. Nous tenons compte des particularités de la fonction publique territoriale, des relations directes qui s'établissent entre les élus et les fonctionnaires territoriaux. C'est pourquoi le paritarisme demeurera, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale va continuer à avoir deux collèges, un pour les employeurs, l'autre pour les représentants du personnel, sans amalgame des voix. Ce Conseil désignera le nombre d'élus qu'il souhaite et chaque collège votera pour chaque avis, sans que les voix des élus et celles des représentants puissent être confondues, comme c'est le cas aujourd'hui : ce sera plus clair et plus responsable. Qui plus est, le paritarisme numérique pourra être conservé, si tel est le voeu des organisations concernées.
Le Conseil commun aura à connaître seulement des questions générales intéressant les trois fonctions publiques : les textes législatifs et réglementaires communs aux trois fonctions publiques, la politique de rémunération, les questions concernant la santé et la sécurité au travail, entre autres. Je comprends que chaque Conseil souhaite conserver ses spécificités, mais nous leur permettons ici d'intervenir plus en amont dans les discussions concernant les trois fonctions publiques, au lieu que ces discussions sont aujourd'hui fractionnées. Cette intervention plus précoce améliorera la prise en compte de leurs spécificités et chaque Conseil conservera son champ actuel de compétence : le Conseil commun interviendra seulement sur les sujets qui sont juridiquement communs aux trois fonctions publiques.
Mme Bachelot-Narquin défendra très probablement elle-même l'article 30, relatif aux infirmières. Conformément à un engagement du président de la République, cet article efface une injustice qui perdure depuis 18 ans : les infirmières étudient trois ans après le bac, mais on ne leur reconnaît qu'un niveau bac+2. La promotion 2012 se verra reconnaître un niveau bac+3, donc une intégration au parcours LMD. Cette réforme sera étendue aux autres professions paramédicales qui sont dans la même situation.
Les infirmières pourront choisir de passer ou non en catégorie A. D'après nos sondages, près de 40% seraient très intéressées : toutes auront six mois pour s'informer et exercer leur option.
M. Jacques Mahéas. - Voici un texte bizarre qui, s'il s'était contenté de reprendre les accords de Bercy, aurait recueilli un large consensus, mais qui a fait l'objet de nombreux ajouts, parfois de dernière minute, ce qui est contraire au dialogue social, au point qu'on se demande où en est la cohérence. J'ai constaté, grâce à notre rapporteur qui m'a associé à ses nombreuses consultations, que le texte est bien reçu par les syndicats quand il reprend les accords de Bercy, mais que tous les ajouts posent des problèmes.
Les élus locaux ne comprendraient pas qu'il soit fait deux poids, deux mesures avec la fonction publique territoriale : le Sénat, qui a toujours veillé à ce que les fonctionnaires territoriaux soient traités sur un pied d'égalité, ne devrait pas rester inactif devant la suppression du paritarisme.
Je ne vois pas ce qu'il y aurait de choquant, ensuite, à faire coïncider les élections professionnelles et les élections politiques, en harmonisant à six ans la durée des mandats professionnels.
Il est intéressant, pour nous, élus, qui avons un mandat de six ans, de travailler avec la même équipe.
Avec le droit d'option des infirmières, je vous prédis que vous allez à la catastrophe ! En plus, il n'y a pas eu de discussion sur la pénibilité et le débat sur les retraites est loin d'être terminé. Vous précipitez le mouvement, au lieu de traiter de ce statut des infirmières dans le cadre du problème général des retraites.
Je m'interroge aussi sur le Conseil commun : si ses compétences ne sont pas strictement encadrées, vous allez vous exposer à des difficultés car il est dans la logique des choses qu'il tende à accroître ses prérogatives au détriment des autres instances.
Quant à l'intéressement collectif, j'y vois comme une provocation : comment faire correctement son travail quand on est, par exemple, employé au Service des étrangers de la préfecture de Bobigny ? Quand on voit que ces derniers font la queue dès 3 heures du matin, pour ne même pas obtenir de rendez-vous dans la journée ! Comment le fonctionnaire qui veut travailler correctement peut-il le faire ? Le manque de personnel ôte toute signification à cet intéressement et, dès lors que vous continuez à supprimer des postes de fonctionnaires, nous y serons fermement opposés.
Mme Jacqueline Gourault. - J'allais formuler à peu près les mêmes remarques. Je ne vois pas bien comment fonctionnera l'option laissée aux collectivités territoriales. Et pourquoi ne traitez-vous pas du cas des infirmières dans le cadre global des retraites ? La réglementation sur l'évaluation des fonctionnaires en fonction des résultats risque d'être inapplicable tant petites et grandes communes vivent dans des mondes différents.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. - En matière de paritarisme, il existe déjà des régimes différents ; la vraie question, c'est la fonction publique territoriale.
Madame Gourault, la disposition proposée respecte le principe de libre administration des collectivités territoriales, principe auquel je suis très attaché. Elle laisse à la collectivité la possibilité d'établir ou de rétablir le paritarisme, par délibération. Ce texte prend donc en compte la spécificité des collectivités. Il introduit une souplesse, non une obligation.
Vous nous reprochez, monsieur Mahéas, de ne pas nous être limités au texte des accords de Bercy. Mais, contrairement à ce que vous croyez, sur les dates d'élections, nous respectons scrupuleusement le souhait exprimé par les organisations syndicales lors des discussions.
Si le gouvernement a déposé des amendements, c'est que l'État employeur conserve, vis-à-vis des fonctionnaires, une posture statutaire et règlementaire, ce qui n'est pas du tout contradictoire avec l'esprit des accords de Bercy.
Je crois que le droit d'option des infirmières est, contrairement à ce que vous pensez, la meilleure garantie contre la catastrophe qui ne manquerait pas de se produire si nous imposions la nouvelle situation. Elles disposeront de six mois pour en mesurer les conséquences et prendre leur décision. Je préside le conseil de surveillance d'un hôpital de gériatrie qui emploie 80 personnes : les infirmières, quand elles ont été informées, y ont accueilli très favorablement l'annonce de ce dispositif. Cet article ne traite pas de la retraite mais de la revalorisation de la carrière des infirmières. Nous avons saisi une opportunité du calendrier.
M. Jacques Mahéas. - Un cavalier !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. - Si nous avions attendu un texte général sur les retraites, elles auraient elles-mêmes attendu longtemps avant de pouvoir bénéficier de ces nouvelles dispositions.
Au Conseil commun de la fonction publique, les représentants de l'État ne voteront pas. Il n'y a donc aucun danger que l'État omnipotent impose sa loi, ni que la spécificité de la fonction publique hospitalière ne soit diluée. Les fonctions publiques hospitalière et territoriale décideront seules.
Je suis à votre disposition pour discuter des effectifs. Mais on ne peut reprocher à ce gouvernement, ni aux précédents, l'augmentation des effectifs de la fonction publique territoriale : 330 000 personnes en plus depuis 1998 !
M. Jacques Mahéas. - A cause de quelques transferts....
M. Georges Tron, secrétaire d'État. - On m'a déjà objecté cela à l'Assemblée et j'ai répondu que c'était hors transferts de compétences.
Les critères de l'intéressement collectif seront laissés à l'appréciation de chaque service et toutes les organisations syndicales seront associées. Il y a donc peu de risques qu'ils soient imposés, je vous rassure sur ce point.
Madame Gourault, tous ces sujets - pénibilité, intéressement collectif, « prime de fonction et de résultat », etc. - ont été longuement discutés avec les syndicats, même s'ils n'ont pas été explicitement mentionnés dans les accords de Bercy. La pénibilité a fait l'objet de trois années entières de discussion entre 2005 et 2008, année où les partenaires sociaux ont dit qu'ils n'étaient pas en mesure de conclure. Nous ne partons pas de rien.
Mme Jacqueline Gourault. - Dans les 330 000 emplois créés hors transfert dans la fonction publique territoriale, incluez-vous les contractuels ? Par exemple ceux des cabinets - parfois pléthoriques, reconnaissons-le... - des conseils régionaux ou généraux ? Ou des services de communication de ces conseils - quelle que soit leur étiquette ? Nous subissons aussi une forme de transfert non officiel : quand il y a de moins en moins de monde dans les commissariats, on est bien obligé d'embaucher davantage de policiers municipaux ! Quand le personnel des services de l'État se raréfient - dans les ex-DDE par exemple - nous sommes bien obligés de recruter des gens pour instruire les permis de construire ou pour entretenir les routes. Donc les chiffres « hors transferts » doivent être maniés avec prudence.
M. Jacques Mahéas. - Autre exemple : l'Éducation nationale a décidé de ne plus accueillir les enfants de 2 à 3 ans. Moi, je scolarisais la moitié de cette classe d'âge. Ce sont donc 300 familles qui réclament une solution. Nous avons dû créer des crèches et, une crèche, c'est 25 emplois ! Cela va vite, avec les créations d'emplois ! L'abandon de l'enseignement précoce par l'Éducation nationale est retombé sur les communes. Et je connais bien d'autres exemples.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. - Moi-même maire, je ne suis pas déconnecté des problèmes des collectivités locales. Pour les crèches par exemple, il faut trouver des solutions appropriées plus souples : j'ai eu l'honneur de représenter le gouvernement à l'Assemblée nationale lors de l'examen d'une proposition de loi Arthuis - reprenant le travail des sénateurs Nicolas About et Sylvie Desmarescaux - sur les « maisons d'accueil », qui permettent d'éviter des embauches aux lourdes conséquences financières pour les collectivités.
Oui, Madame Gourault, les contractuels étaient inclus dans les 330 000.
M. Patrice Gélard, président. - Personnellement, je trouve un peu court le délai d'option de six mois pour les infirmières. Et je vous souhaite bien du plaisir avec l'intégration dans le cycle LMD. On compte dans la fonction publique d'innombrables jeunes de niveau bac+3 : c'est tout un chantier qui s'ouvre devant vous....
Merci, monsieur le ministre et à bientôt en séance publique.
Mercredi 12 mai 2010
- Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -Conseil économique, social et environnemental - Désignation des candidats pour faire partiede la commission mixte paritaire
La commission procède à la désignation des candidats pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au Conseil économique, social et environnemental.
MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-Pierre Vial, Patrice Gélard, François Zocchetto, Simon Sutour, Jean-Claude Peyronnet, Mme Josiane Mathon-Poinat sont désignés comme membres titulaires et Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Yves Détraigne, Christophe-André Frassa, Antoine Lefèvre, Jacques Mézard, Jean-Pierre Sueur, Richard Yung sont désignés comme membres suppléants.
Nomination de rapporteurs
Puis la commission procède à la nomination de rapporteurs.
M. Laurent Béteille est désigné rapporteur de la proposition de loi n° 277 (2009-2010), présentée par Mme Nicole Bricq et plusieurs de ses collègues, sur le recours collectif.
M. François-Noël Buffet est désigné rapporteur de la proposition de loi n° 422 (2008-2009), présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues, rétablissant une circonscription unique pour l'élection des représentants français au Parlement européen.
Audition de M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté
La commission procède à l'audition de M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Monsieur le Contrôleur général, nous vous recevons toujours avec plaisir et sommes toujours très attentifs à vos rapports qui portent sur les établissements pénitentiaires mais aussi, il faut le rappeler, sur tous les autres lieux privatifs de liberté : locaux de garde à vue, d'hospitalisation sous contrainte, centres de rétention pour étrangers. Vaste champ de contrôle !
M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté. - Votre commission me reçoit en effet régulièrement et je m'en réjouis : ces entretiens sont l'occasion d'évaluer mon travail et celui de mes collaborateurs. Le contrôleur est ainsi contrôlé, et c'est très bien ainsi.
Qu'avons-nous fait en 2009 et quelles sont nos perspectives ?
La première tâche du contrôleur général, c'est de vérifier l'adéquation de la situation dans les lieux de privation de liberté avec le respect des droits fondamentaux des personnes détenues. Pour cela nous disposons de deux outils : les saisines dont nous sommes l'objet et nos visites d'établissement.
En 2009, nous avons reçu trois fois plus de courrier qu'en 2008 et au premier trimestre 2010, il a été multiplié par 2,3 par rapport à la même période de 2009. Nous recevons donc actuellement 2 800 lettres par an, émanant majoritairement de détenus mais aussi, de plus en plus, de personnes hospitalisées sans leur consentement.
Nos visites ont pour but d'analyser les situations et de les faire modifier. En 2009, nous en avons fait 153 et, depuis le début de ma mission 250 établissements ont été visités : des établissements de tous types mais je me suis surtout attaché à ceux qui pour moi sont les plus problématiques : les centres d'éducation fermés, les centrales dont la moitié ont été visitées ainsi que la quasi-totalité des centres de rétention. Ces visites sont de plus en plus longues, elles sont l'occasion de recevoir de plus en plus de monde - personnes privées de liberté ou personnels. De ces visites résultent des rapports eux aussi de plus en plus importants : celui relatif à la maison d'arrêt de Lyon/Corbas comporte 74 pages.
Il y a interaction entre courrier et visites : le premier livre des témoignages qui motivent nos visites et celles-ci nous permettent de répondre à ce courrier.
Au risque d'être immodeste, j'avancerai que, après trois ans d'existence de cette institution du Contrôle général, on n'a jamais eu autant d'informations sur les prisons et autres lieux de privation de liberté. Nous sommes vraiment désormais entrés dans le quotidien tant des détenus que des personnels de ces établissements.
Mon deuxième objectif c'est de maintenir notre indépendance, sans interférer avec l'action gouvernementale. Si je me suis abstenu de tout commentaire sur la loi pénitentiaire et si je m'abstiens sur le projet de loi relatif à l'hospitalisation sans consentement, en revanche, je tiens à conserver ma liberté d'expression. J'ai fait sept recommandations parues au Journal officiel en 2009 et j'en adresse aux ministres concernés après chaque visite. C'est ainsi que nous avons dit ce que nous pensions de l'ouverture du courrier des hospitalisés sans leur consentement, des caillebotis recouvrant les fenêtres des maisons d'arrêt ou du manque de travail pour les détenus. Nous sommes à l'origine de trois débats : sur la taille des maisons d'arrêt, sur le nombre de gardes à vue et sur les nouveaux établissements pénitentiaires. Bien entendu, je continuerai à m'exprimer et je ne cesserai pas de prendre parti sur tous ces sujets au motif que le gouvernement ne partage pas nos idées : nous sommes indépendants.
Ma troisième tâche, c'est de conquérir la confiance des personnels et des personnes privées de liberté.
Avec ces dernières, cette confiance est à conquérir chaque jour. Parce qu'avec le temps certains détenus, constatant que leur sort ne s'améliore pas, se mettent à douter de notre mission. Le poids de l'incarcération pèse sur eux : je pense par exemple à cette jeune femme incarcérée, harcelée pour son homosexualité et dont les courriers se sont raréfiés au point que sa mère dit n'avoir plus aucun contact avec elle.
S'agissant des contacts avec le personnel, il faut distinguer ceux que nous avons dans les établissements -où nous sommes diversement reçus mais toujours dans le respect des formes- et les contacts nationaux réguliers que nous entretenons avec les autorités administratives et les syndicats.
Autre objectif du contrôleur général : vivifier par la pensée et l'action les lieux de privation de liberté. Je voudrais que le Contrôle général soit un catalyseur d'actions sur ces lieux. En 2009, j'ai donc pris l'initiative de réunir régulièrement des universitaires, chercheurs ou juristes, ainsi que des associations qui travaillaient dans ces lieux mais sans nécessairement se connaître ni se coordonner - les associations de familles de détenus et de familles d'hospitalisés par exemple. Je veux que le Contrôle général soit leur point de rassemblement.
J'ambitionne aussi de promouvoir les engagements internationaux du Contrôle général afin d'en faire éclore un dans les pays qui n'en ont pas. Mais cela demande du temps. J'avais demandé à Jacques Barrot, précédent commissaire européen à la justice d'organiser une réunion, ce qu'il a fait en décembre dernier. Je compte demander à Mme Reding, qui lui a succédé de faire de même. Et la même démarche est engagée au Conseil de l'Europe.
Une autre de mes préoccupations est de donner dans notre administration un exemple de rigueur dans la gestion des crédits, du matériel et du personnel. Par exemple, par souci de modestie nous avons installé nos locaux dans un quartier où les loyers sont peu chers.... Je pratique en outre une transparence absolue : je dis la réalité de mon budget, y compris des défraiements attribués à chaque contrôleur, et sur notre site figurent -après un délai d'un an- l'intégralité de nos rapports ainsi que les observations des ministres.
Nos perspectives ?
D'abord continuer nos recommandations au gouvernement. Trois sont imminentes : sur les locaux de douane, comme à Reims et à Amiens ; sur la « disparition » des biens des détenus lors de leurs transferts ; sur des établissements dont je me préoccupe beaucoup, les Centres éducatifs fermés, dont l'état laisse à désirer.
A moyen terme, j'envisage une recommandation sur l'immobilier pénitentiaire au sujet duquel nous avons adressé un mémoire au ministère de la justice. Il nous faut aussi réfléchir à la discipline et à la sécurité dans ces établissements - sécurité qui n'est pas toujours assurée ni pour le personnel, ni pour les détenus -, au maintien des liens familiaux, aux aménagements des peines privatives de liberté et aux relations avec les administrations : je crains en effet qu'après un premier moment d'intérêt, certaines administrations, avec le temps, se soucient moins de nous.
Je considère que je ne suis pas là pour - selon l'expression d'un fonctionnaire de police - « encourager l'administration à utiliser des pots de peinture ». Je suis là pour faire changer les pratiques.
J'ai demandé quatre contrôleurs supplémentaires pour la bonne raison que les visites sont de plus en plus longues, et je peux déjà vous annoncer que, en 2010, nous n'en ferons pas 150...
Je veux aussi assurer la protection de ceux qui nous font confiance. Lorsqu'en 2005, la France a signé le Protocole facultatif à la convention des Nations-unies, elle a assorti sa signature d'une réserve : son administration poursuivra pour dénonciation calomnieuse quiconque dénoncerait des faits à tort. Nous avons été les seuls à faire une telle réserve - destinée à l'époque à rassurer les organisations professionnelles. Je me demande si une telle réserve est encore nécessaire. Et je m'en inquiète : les personnes que nous avons entendues sont ensuite trop souvent questionnées sur leurs déclarations. Certaines sont privées de travail. Dans un établissement pénitentiaire les détenus peuvent saisir le Contrôleur général une fois, voire deux fois mais -puisque le courrier est lu - la troisième lettre ne part pas !
De tels faits atteignent l'institution que je représente. Ils sont inadmissibles et je vous demande d'y être, vous aussi, attentifs !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur lors de l'examen de la loi pénitentiaire. - La mise en oeuvre de la loi pénitentiaire accuse un sérieux retard. Je souhaite que nous soyons davantage associés à l'élaboration des décrets d'application car je ne vois pas de progrès, ne serait-ce que sur le travail carcéral. Certaines associations - l'Observatoire international des prisons et l'Institut pour la justice - plutôt extrémistes et de bords opposés - disposent d'une sorte de monopole dans les discussions sur le sujet. L'important est de convaincre l'opinion publique et je pense qu'elle évolue favorablement, notamment depuis Outreau et ne vilipende plus ceux qui s'inquiètent de l'état des prisons...
La collaboration avec l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales laisse à désirer. Il est impossible d'obtenir des renseignements sur le lien entre conditions de détention d'une part, réinsertion et récidive d'autre part.
Les Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) devraient être ouvertes aux personnes au discernement altéré comme aux irresponsables. On m'oppose que l'on ne peut pas mélanger les deux catégories mais l'une comme l'autre relèvent de la responsabilité du contrôleur général.
M. Patrice Gélard, rapporteur des projets de loi Défenseur des droits. - Monsieur le contrôleur général, j'ai beaucoup apprécié vos dernières remarques. Votre mission porte d'une part sur les locaux et, d'autre part, sur les hommes : comment distinguer cette seconde mission de celle du futur Défenseur des droits ? Il faudrait améliorer les textes afin de clarifier cette distinction.
Hier soir, France 2 diffusait une émission sur la prison : on a parlé de l'aumônier, du psychologue, etc., mais pas un mot sur le Contrôleur général ! Ce manque de notoriété me choque. Son statut est-il juridiquement suffisant pour lui assurer la notoriété requise ?
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Actuellement, il est prévu que le Défenseur des droits intègre le Médiateur, la CNDS (Commission nationale de déontologie de la sécurité) etc. La CNDS peut très bien saisir le Contrôleur général. Elle reste compétente pour les problèmes déontologiques qui lui sont posés par les personnes privées de liberté.
Je ne suis pas partisan d'intégrer la mission du Contrôleur général dans celle du Défenseur des droits. Le Contrôle général est une jeune institution à laquelle il faut laisser le temps de développer ses potentialités. C'est nous qui avons voulu et organisé sa fonction spécifique : non pas seulement répondre à des réclamations individuelles mais dialoguer et changer les pratiques.
M. Jean-Pierre Sueur. - Le même argument est valable pour la CNDS...
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Non, ce n'est pas le même type d'institution.
M. Nicolas Alfonsi, rapporteur pour avis du budget de la protection judiciaire de la jeunesse. - Sur les centres éducatifs fermés, quelles sont vos inquiétudes, quelles recommandations pourriez-vous faire ?
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis du programme « Protection des droits et libertés ». - Le Médiateur a des délégués dans les prisons : quelles sont vos relations avec eux ?
Les personnels exercent un métier difficile. Considérez-vous qu'ils sont bien formés et bien suivis techniquement et psychologiquement ?
En disant que l'état des centres éducatifs fermés « laisse à désirer », vous nous mettez en éveil sans satisfaire notre curiosité. Ces centres étaient pourtant emblématiques d'une nouvelle politique de l'enfermement et de la réinsertion.
M. Jean-Marie Delarue. - Moi aussi, monsieur le sénateur Lecerf, je m'inquiète des risques de non-application de la loi pénitentiaire et, en général, de tous les textes concernant les lieux privatifs de liberté. Il faut aussi veiller à leur bonne connaissance tant par les gardiens que par les personnes gardées. Je suis souvent stupéfait du nombre de gardiens qui, dans un établissement pénitentiaire, n'ont jamais lu le Règlement intérieur. Et, d'un autre côté, il n'existe aucun mécanisme institutionnel permettant aux personnes privées de liberté de connaître les textes les concernant. Lorsque le Directeur d'administration pénitentiaire sort une circulaire, tout citoyen peut la déférer en justice dans les deux mois mais le détenu, lui, n'a aucun moyen de la connaître. Il y a là un véritable problème d'accès au droit et à la loi.
Sur les décrets d'application, je n'ai pas à être consulté et je ne le suis pas. Mais heureusement, dans cette loi, vous avez eu la sagesse de faire prévaloir le décret en Conseil d'État sur le décret simple. Toute vision venue de l'extérieur de l'administration est toujours la bienvenue. Cela suffira-t-il ? L'une de mes obligations est de m'intéresser à l'application concrète de la loi pénitentiaire : je n'ai pas à interférer dans son élaboration mais ensuite, je la considère comme un acquis.
La conquête de l'opinion publique est en effet essentielle et c'est une des raisons pour lesquelles je m'efforce de regrouper les associations et de faire parler de nouvelles voix.
Les UHSA relèvent de ma compétence et c'est pourquoi nous irons à l'UHSA du Vinatier à Lyon. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de faire de différence dans la manière de soigner les personnes irresponsables et celles qui ne le sont que partiellement mais je serai attentif à la façon dont sont utilisées ces unités hospitalières. Dès lors qu'une personne un peu malade se manifeste bruyamment en prison, on se plaint et le nombre d'hospitalisations sans consentement explose. Les UHSA viendront-elles à bout de ce déséquilibre ? Je serai attentif à leurs pratiques.
Je n'ai aucun rapport avec l'Observatoire national de la délinquance. Je suis pourtant très soucieux de données chiffrées au point que j'ai introduit dans le rapport pour 2009 la contribution d'un statisticien. Notre objectif est d'établir le nombre de personnes privées de liberté à un moment donné et de connaître les flux. Très soucieux de données fiables, je m'étonne que l'administration pénitentiaire ne différencie pas les éléments chiffrés selon les catégories d'établissements ou encore qu'en 2010, on oublie 25% du nombre de gardes à vue... Il serait sans doute souhaitable que nous nous rapprochions de l'Observatoire afin de mener une approche plus coordonnée en matière statistiques.
Monsieur le Doyen Gélard, vous avez beaucoup débattu du Défenseur des droits et je ne rajouterai rien. Je ne souhaite pas entrer dans la voie d'une défense des prérogatives de l'institution. En tout cas, je ne me retrouve pas dans votre distinction entre locaux et hommes qui sont indissolublement liés. Le travail du Médiateur concerne les litiges entre administration et personnes privées de liberté, tandis que mon rôle est préventif. Il ne concerne pas les litiges mais consiste à faire prendre les mesures nécessaires au respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Ce sont là deux tâches différentes. Doivent-elles prendre une forme différente ? A vous de juger !
Je ne recherche pas personnellement la notoriété mais il est vrai qu'il y a là un manque évident et que je n'ai pas obtenu des administrations tout le concours espéré. Par exemple, lorsque l'Administration pénitentiaire sort une brochure sur les droits des détenus, elle y note l'adresse du Contrôleur général mais en omettant d'indiquer la manière précise dont il peut être saisi par les détenus ! Autre exemple : il m'a fallu batailler six mois pour obtenir que mes conversations téléphoniques avec les détenus ne soient pas écoutées. Les administrations doivent accepter cette institution dans toutes ses dimensions.
Bien entendu, demain, le Défenseur des droits aura toute sa place dans ce champ là. Dès mon entrée en fonction, j'ai passé des conventions avec diverses autorités administratives existantes, je leur rétrocède les dossiers dont elles ont la charge et ces conventions me donnent toute satisfaction. Ce sera pareil avec le Défenseur : si nous pouvons régler la question par convention, ce sera très bien. Et encore mieux si les textes le prévoient ; je n'y vois que des avantages.
Monsieur le sénateur Alfonsi, les centres éducatifs fermés ont une tâche difficile parce qu'ils accueillent des jeunes rebelles et que, il faut le dire, leur création a été un peu improvisée. On a mobilisé une partie de la PJJ - une partie seulement parce que l'autre s'y refusait - et on a confié ces centres à des associations, connues ou non, aux aptitudes très diverses, si bien que ces CEF sont maintenant bien différents les uns des autres.
Nous voyons systématiquement les délégués du médiateur dont le travail; est en général, bien fait et nous avons avec eux des relations normales. Je précise que je suis toujours preneur des témoignages de tiers.
Hors de l'école nationale de l'administration pénitentiaire, il n'existe aucune formation apprenant à garder quelqu'un; c'est aussi valable pour la gendarmerie et la police où l'on affecte à cette tâche ceux qu'on ne peut plus mettre en contact avec le public. Le personnel apprend sur le tas et c'est pourquoi je suis si attentif au climat des établissements pénitentiaires où les jeunes reçoivent leurs instructions des plus anciens. J'attends la définition de ce que serait une formation initiale et continue en ce domaine.
M. Alain Anziani.- Ma première question ira dans le droit fil de l'intervention de notre collègue Lecerf sur la loi pénitentiaire, qui fit l'objet d'un grand débat, largement médiatisé, avec deux ministres successifs, pour aboutir à un consensus. Aujourd'hui, six mois après son adoption définitive, il faut bien constater que le changement culturel n'a pas eu lieu, ainsi que vous l'avez-vous-même relevé. Cela m'inquiète. Tout se passe comme si l'on ne voyait dans la loi que ses dispositions particulières, en ignorant les questions fondamentales qu'elle était destinée à poser : celle du sens de la peine et de la réinsertion. Questions abandonnées par l'administration pénitentiaire, y compris au plus haut niveau. Aura-t-on donc voté cette loi pour rien ?
Ma deuxième question, que je vous pose bien que je croie savoir que vous ne souhaitez pas y répondre, est celle de la pérennité de l'institution. Je sais que le périmètre du contrôleur général n'est pas inclus dans celui du Défenseur des droits. Mais ne peut-on craindre que les choses changent ? Il a été dit, avec grande courtoisie à votre égard, que vous iriez au bout de votre mandat. Mais après ? Comment percevez-vous la création du Défenseur des droits ? Nous sommes ici un certain nombre pour la considérer plutôt comme un recul au regard du paysage actuel. Elle le sera plus encore si un jour vos fonctions devaient y être absorbées.
M. François Zocchetto. - Sur la question de la garde à vue, qui, depuis plusieurs mois, marque l'opinion publique et les parlementaires que nous sommes, vous citez, dans votre rapport, des chiffres. Il y a une trentaine d'années, 40 % des personnes placées en garde à vue étaient écrouées. Dans un cas sur deux, autrement dit, existait une relation lisible entre la privation de liberté et les faits reprochés. Aujourd'hui, ce taux n'est plus que de 10 %, soit quatre fois moins.
En 2009, vous avez visité quelque 50 locaux de garde à vue. Avez-vous observé un changement depuis les circulaires et instructions qui sont intervenues, à défaut d'une révision de la loi.
Ma deuxième question porte sur les mineurs étrangers isolés, certains livrés à eux-mêmes, d'autres purement et simplement exploités.
Il a été dit que leur protection requérait un placement en rétention. Quant à ceux qui commettent des actes répréhensibles, les procédures accélérées nous montrent assez que certains ne quittent jamais le circuit. Avez-vous, sur ce sujet, une approche particulière ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. - Vous avez dit votre inquiétude quant à la protection des détenus qui vous saisissent. Vous estimez également que l'information circule mal. De fait, je reçois souvent des courriers qui témoignent que les détenus ne sont pas informés sur les possibilités de saisine, et je vous remercie d'avoir chaque fois répondu à mes interpellations.
Comment aller plus loin ? Il est, en Europe, une expérience intéressante, celle des associations de détenus, qui jouent un rôle d'information mais aussi de prévention contre les suicides, domaine dans lequel la France détient un sinistre record. Que pensez-vous de cette expérience, qui nous a pourtant été refusée ? Ne pensez-vous pas que des détenus condamnés à de longues peines, qui ont fait preuve de stabilité, pourraient avoir le droit de s'associer ?
Ma deuxième question porte sur le rapprochement familial. On sait combien les liens familiaux sont indispensables à la réinsertion et à la lutte contre la récidive. Pourtant, les rapprochements sont difficiles à obtenir, tandis que la construction des unités de vie familiale est en panne.
Troisième question, celle du téléphone. Les postes installés dans les couloirs sont très demandés, et beaucoup de détenus se posent la question : pourquoi pas dans les cellules ? Cela ne poserait pas plus de difficultés en termes de sécurité. Beaucoup de femmes sont demandeuses de plus d'intimité dans leurs conversations.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Mes préoccupations rejoignent celles que vous avez exprimées sur la loi pénitentiaire, qui n'a pas fait totalement consensus puisque nous avions voté contre. Alors qu'on avait, semble-t-il, placé beaucoup d'espoir dans ce texte, il n'a pas réglé la question de la reconnaissance des droits fondamentaux des détenus, dont l'exercice ne saurait être laissé au bon vouloir de l'administration pénitentiaire. L'autre question qui se posait au sujet de ce texte était celle des moyens que mettrait l'État pour assurer sa mise en oeuvre. Or, que constate-t-on aujourd'hui ? Que la loi pénitentiaire n'est pas assez ferme sur la question des droits et que les moyens font défaut, d'où des problèmes d'application, éminemment regrettables.
En tant que parlementaires, nous disposons d'un droit de contrôle de l'exécutif. Qu'attendez-vous de nous en cette matière ? Après tout, la représentation nationale a contribué, en votant la loi, à vous confier cette mission : comment peut-elle aujourd'hui vous aider à faire reconnaître les droits inaliénables des détenus, à s'assurer de leur bonne information et de leur capacité à exercer ces droits sans contrainte ?
Sur la garde à vue, il semble que l'on soit en proie aux plus grandes hésitations. Un projet général sur l'instruction nous était annoncé : il ne viendra pas... J'aimerais, sur cette question, connaître votre point de vue.
Je partage le sentiment de notre collègue Anziani sur l'institution du Défenseur des droits. Si votre mandat reste préservé, on est en droit de s'interroger sur ce que nous réserve l'avenir. Il serait dramatique que la fonction que vous occupez vînt à être absorbée. Étant la garante des droits et libertés fondamentaux des détenus, elle aurait plutôt besoin d'être assise.
M. Jean-Pierre Sueur. - Que pensez-vous des mesures alternatives à la détention ? Le garde des sceaux a fait état d'un renforcement de l'usage du bracelet électronique et autres dispositifs alternatifs à l'emprisonnement, qui va dans le bon sens. Plus les mesures alternatives seront en usage, moins nos prisons souffriront de surpopulation, au bénéfice des conditions de détention. Au cours de vos investigations, avez-vous constaté l'effet de ces mesures ?
M. Pierre Fauchon. - Où en est-on des permissions de courte durée ? Pour avoir dirigé un établissement de 150 détenus, où je les ai beaucoup pratiquées, j'ai pu constater qu'elles détendent considérablement l'atmosphère et que les détenus en permission, loin de disparaître dans la nature, au contraire de ce que l'on entend parfois dire, reviennent. Dans le climat de tension politique de l'époque, au Maroc, ces permissions ont créé un vrai climat de détente dans l'établissement. Vous êtes-vous penché sur cette question ? On me dit que ces permissions, demeurant l'objet de suspicion, restent rares.
Mme Anne-Marie Escoffier. - Vous avez peu évoqué les visiteurs de prison. Participent-ils à votre action ?
J'ai eu à connaître les difficultés des détenus à suivre des formations, pourtant essentielles pour préparer le retour à l'activité. Dispose-t-on, sur ce sujet, d'un bilan ?
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Après en avoir longuement débattu, nous avions voté l'obligation d'activité, laquelle n'est pas synonyme d'obligation de travailler : la formation aussi est une activité.
J'ai toujours pensé qu'il fallait mettre des prisons là où sévissait la plus forte délinquance. C'est un débat que j'ai eu avec notre collègue Badinter : j'estime que les prisons, comme les mairies ou les palais de justice, doivent être visibles. Je connais bien, pour y avoir longtemps passé, la rue où se trouve la prison de Fontainebleau. On y voyait les prisonniers à leur fenêtre : cela faisait réfléchir. On se disait : « Il y a des gens enfermés. Pourquoi ? ». On a aujourd'hui tendance à cacher les prisons, de la même manière que l'on cache la mort en reléguant les cimetières à la périphérie. La question n'est pas anecdotique : c'est là une vraie question de civilisation.
M. Nicolas Alfonsi. - On voyait les détenus, et les détenus pouvaient communiquer avec la rue...
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Vous avez évoqué vos difficultés de correspondance téléphonique avec les détenus. Cela aide à comprendre pourquoi nous mettons parfois dans la loi des dispositions de nature réglementaire. Il est bon d'éviter que l'administration torde la volonté du législateur...
M. Jean-Marie Delarue. - Si la loi est pour moi l'instrument destiné à faire respecter les droits fondamentaux des détenus, je reste persuadé qu'il nous reste bien du chemin à faire sur la question de fond qui est posée. L'emprisonnement n'est pas toujours la meilleure solution. Je suis même convaincu du contraire. Quel est le sens de la peine ? Là est la vraie question de fond, telle que l'a posée M. le sénateur Anziani, et qui ne se réduit pas à la question de l'utilité de la peine, à laquelle vous avez répondu dans le préambule de la loi pénitentiaire.
Sur le Défenseur des droits, je vais lever un coin du voile, dégagé de toute considération triviale quant à la préservation de mon mandat. Nous sommes tombés d'accord, avec les organismes homologues au plan européen, sur la nécessaire distinction entre résolution des litiges et prévention. Nous avons tiré les conclusions, le 5 novembre, à Strasbourg, en convenant que là où les deux institutions - contrôle général et médiation - sont liées, les activités de médiation doivent être soigneusement distinguées, notamment au sein du rapport annuel, des questions liées à la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Je reviens d'une visite à Madrid où j'ai rencontré le Defensor del Pueblo, institution qui a clairement inspiré le comité Balladur pour la création du Défenseur des droits. Il a pris de longue date l'habitude de visiter les prisons : il y avait paradoxe à ne pas lui adjoindre les missions de prévention inscrites dans le protocole que l'Espagne a signé. Mais il reste convaincu qu'il faut clairement distinguer les missions. D'autant qu'il n'a pas pu dégager un euro supplémentaire pour cette nouvelle mission. Il a fallu improviser, prélever sur l'équipe existante : les limites budgétaires se sont vite fait sentir sur le nombre des déplacements.
Je considère donc, si l'on veut préserver une mission en train d'éclore et compte tenu de la situation de nos établissements, qui sont loin d'être des modèles, que le rôle de prévention mérite d'être individualisé. Gardez-vous cependant de voir dans mes propos la « défense et illustration » d'une institution qui n'en a nullement besoin.
Les évolutions en matière de garde à vue ont été très sensibles, monsieur le sénateur Zocchetto, au cours des cinquante dernières années. Vous avez cité les chiffres de notre rapport, ils sont éloquents. La garde à vue n'est plus en 2010 ce qu'elle était dans les années 1970. Faut-il attribuer ces évolutions aux circonstances ? Oui et non. La circulaire du ministre de l'Intérieur du 2 mars 2003 sur l'alimentation au cours de la garde à vue a porté ses fruits. Le traditionnel sandwich improvisé a été remplacé par des barquettes plus substantielles. La régularité de l'alimentation y a gagné. La question de l'eau reste cependant problématique. Il faut obtenir le droit de sortir de sa cellule, et cela dépend largement de la bonne volonté du gardien.
D'autres circulaires ont été édictées, notamment sur l'hygiène. On a installé des douches dans les commissariats, mais il faut bien constater que la plupart servent d'entrepôt de matériel...
Un mot sur les gardes à vue placées sous la responsabilité des gendarmes. J'ai dit, dans mes recommandations du 4 mars, les risques considérables du manque de surveillance. Il n'y existe pas non plus de décompte contradictoire lors du vide-poches, même si les gendarmes sont des gens consciencieux.
En tout état de cause, les circulaires ne règlent pas tout, et les comportements individuels des personnes comptent beaucoup. Je regrette que le contrôle judiciaire des gardes à vue reste insuffisant. Non pas que le procureur ne se rende pas sur place, mais est-il assez attentif, au-delà des procédures, sur l'environnement ? Je m'interroge.
La question des mineurs étrangers est un redoutable problème. Nous manquons encore des moyens nécessaires. Lorsque j'ai visité, l'an passé, la zone d'attente de Roissy, j'ai constaté qu'un responsable ad hoc n'est nommé que dans un cas sur dix. Et comment trouver trace de ce qu'il advient de ces mineurs ? Je n'ai pas même pu savoir combien sont hébergés à l'hôtel et combien ne le sont pas. Il semble que l'on n'y mette que les moins de 13 ans. J'ai demandé pourquoi le critère de 13 ans avait été retenu, on m'a répondu que c'était la limite pénale !
Il faut améliorer la tutelle et le traitement de ces mineurs. Beaucoup sont libérés sur ordre du procureur de Bobigny. Que deviennent-ils ? On sait que les jeunes filles, en particulier, peuvent se trouver prises dans des situations dramatiques.
Les réponses que je vous ai faites, vous l'aurez compris, tendent à ce constat que les lieux de privations de liberté fonctionneraient mieux si les liens avec les services agissant en amont et en aval étaient renforcés.
La question de la confiance, madame le sénateur Boumediene-Thiery, constitue ma préoccupation essentielle. Si l'on veut assurer l'efficacité de l'institution, il faut que les gens n'aient pas peur de se confier à elle. Vous m'avez interrogé sur les associations de détenus. J'observe que l'on contraint souvent ces derniers, s'ils veulent pouvoir louer une télévision, à cotiser à l'association culturelle. Or, je constate que lorsque ces associations culturelles tiennent leur assemblée générale, les détenus qui en sont adhérents ne sont pas invités à participer. Ce n'est pas normal. Dans les prisons, comme dans les établissements hospitaliers et les centres de rétention, on a tout intérêt à associer les « usagers » - usagers malgré eux - à la bonne marche de l'établissement.
Le droit à une vie familiale constitue un droit fondamental, à la protection duquel je suis très attaché. Notre prochain rapport portera sur le maintien des liens familiaux, en particulier pour les femmes. Ce souci doit devenir une priorité. Je regrette que les contacts entre l'administration pénitentiaire et les familles ne soient pas plus ritualisés, et je l'ai dit au Président de la République.
Nous avons obtenu de l'administration pénitentiaire qu'elle modifie sa réglementation sur les téléphones, qui devenait prétexte à racket. Alors qu'ils étaient installés dans les lieux de promenade, lieux de violences répétées, j'ai plaidé pour qu'ils le soient, sinon dans les cellules, dans les coursives. C'est ce qui a été fait à Rennes, où ils sont de surcroît placés dans des cabines. Mais cela est loin d'être le cas partout, et j'en ai même vus, ailleurs, installés à proximité des grilles, au milieu du brouhaha. De tels traitements ne sont pas acceptables. On me dit qu'il faudrait des milliards pour améliorer les choses : commençons par les cabines téléphoniques, elles ne coûtent pas cher...
Vous me demandez, madame la présidente Borvo Cohen-Seat, ce que les parlementaires peuvent faire. Ils peuvent être attentifs à l'application de la loi, aux décrets d'application, aux moyens alloués à l'administration pénitentiaire. Nous travaillons en complète déshérence. On déplore l'insuffisance de la prévention et l'on axe les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) sur l'aménagement de peine. Mais du coup, plus personne ne règle les problèmes administratifs auxquels se heurtent les détenus comme les pièces d'identité ou la couverture sociale. C'est ainsi que l'on accumule les problèmes que l'on prétend résoudre avec l'aménagement de peine : quelle contradiction ! Et je ne parle pas des effectifs de surveillants.
Je me suis exprimé sur la garde à vue. Se pose la nécessaire question d'une remise en débat devant la représentation nationale. Je regrette que le projet de réforme du code de procédure pénale ne soit pas allé jusqu'au livre cinquième sur l'exécution des peines : cela aurait permis de répondre à la question du sens de la peine.
Il faut se réjouir, monsieur le sénateur Sueur, du développement des alternatives à la détention. Mais prenons garde à ses limites. La surpopulation des prisons est surtout liée à la détention provisoire : quand l'aménagement de peine a concerné 4 à 5 000 personnes, la diminution de la détention provisoire en a touché 6 000.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Nous avons en effet mené un combat commun il y a quelques années pour vérifier l'utilité de la détention provisoire...
M. Jean-Marie Delarue, contrôleur général. - Il faut jouer sur tous les instruments. Je m'interroge sur le placement électronique à long terme : il n'est pas supporté plus de quelques mois. Il reste impératif de réfléchir, au-delà, à d'autres modes d'aménagement.
Il n'y a pas de frein général, monsieur le sénateur Fauchon, aux permissions de sortir. Mais ce qui me navre, c'est de constater les différences qui existent d'un juge d'application des peines à l'autre, qui peuvent susciter jusqu'à 30 % d'écart. D'autant que l'on constate très peu de problèmes sur les retours, à part quelques retards horaires. Il serait souhaitable que les présidents de cour publient des directives dans leur ressort.
Je travaille, madame le sénateur Escoffier, avec l'Association nationale des visiteurs de prison, lesquels ont beaucoup à nous apprendre. Je les encourage à nous faire connaître les situations dans lesquelles ils estiment que les droits fondamentaux sont méconnus. Il vaut la peine de réfléchir à l'évolution de leur rôle ; ils pourraient devenir de véritables tiers de confiance pour les détenus.
La formation est quantitativement en baisse. J'ai découvert avec stupeur que l'Afpa avait cessé d'offrir des formations aux détenus « en raison de difficultés budgétaires ». Est-il compréhensible que les coupes budgétaires viennent frapper les plus démunis ? Aucun directeur n'a pu m'éclairer sur l'efficacité des formations. Nous savons qu'elles concernent 3 à 4 % des détenus, mais une fois qu'ils sont sortis de l'établissement, on n'en a plus trace et on reste dans le brouillard.
La loi pénitentiaire a institué une obligation d'activité. Nous avons donc étudié, dans notre rapport 2009, ce qu'est l'activité en détention : il a bien fallu constater qu'elle est le privilège d'une minorité.
M. Jean-Jacques Hyest, président. - Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Vos réponses nous ont permis de comprendre, au-delà des visites que chacun de nous a pu faire, que la mission du contrôleur général des prisons suppose un travail de long terme, qui seul permet de discerner tous les problèmes. C'est dire combien votre rôle est indispensable.