- Mardi 5 mai 2010
- Jeudi 6 mai 2010
- Audition de M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, et de M. Guy Correa, chef du bureau des missions domaniales
- Audition de MM. Joël L'Her, directeur du département « environnement, littoral et cours d'eau » du Centre d'études techniques maritimes et fluviales (CETEMF), Jean-Jacques Vidal, chef du service « risques naturels et ouvrages hydrauliques » de la DREAL de Midi-Pyrénées, et David Goutx, chef du service « hydrométrie, prévision des étiages et des crues » de la DREAL du Centre
- Audition de M. Laurent Michel, directeur général de la prévention des risques
- Audition de M. Yann Boaretto, médiateur des assurances
- Audition de M. Loïc Prieur, avocat spécialisé en droit de l'urbanisme et loi du littoral
Mardi 5 mai 2010
- Présidence de M. Bruno Retailleau, président -Echange de vues sur les travaux de la mission
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission a procédé à un échange de vues sur les travaux de la mission.
M. Bruno Retailleau, président, a tout d'abord indiqué que la réunion avait pour objet de faire le point sur les travaux de la mission commune d'information et de formuler des premières recommandations.
Il a rappelé que le Gouvernement entendait introduire des amendements au projet de loi portant engagement national pour l'environnement, et le Sénat n'ayant la possibilité de les examiner que dans le cadre de la commission mixte paritaire qui se tiendrait à la mi-juin. Dans ce contexte, il a jugé nécessaire que la mission puisse faire part de premières recommandations à la lumière des nombreuses auditions déjà réalisées et de son déplacement sur place en Charente-Maritime et en Vendée. Un rapport d'étape devrait ensuite être présenté d'ici fin mai, avant le rapport définitif à la fin juin 2010. Par ailleurs, la mission conduirait deux nouveaux déplacements, l'un aux Pays-Bas les 1er et 2 juin 2010, afin de bénéficier de l'expérience de ce pays en matière de défense contre la submersion marine, et l'autre en Gironde, département touché par la tempête Xynthia, vraisemblablement le 9 juin 2010.
M. Bruno Retailleau, président, a ensuite proposé les premières orientations de la mission en matière de cartographie des zones à risques. Il a rappelé que, lors de son déplacement en Charente-Maritime et en Vendée, les 14 et 15 avril derniers, la mission d'information avait la première fait valoir que les « zones noires » devaient plutôt être rebaptisées « zones d'acquisition amiable » parce que l'Etat y ouvre un droit pour les propriétaires qui souhaitent vendre leur maison selon une procédure d'acquisition amiable sur le fondement d'une évaluation par le service des Domaines au prix de la valeur de l'habitation avant la tempête Xynthia. Le but prioritaire est de permettre une indemnisation rapide dans les conditions favorables pour ceux qui veulent tourner la page le plus vite possible. L'Etat devra veiller d'une part à garantir une juste indemnisation et d'autre part à assurer la rapidité de la procédure.
M. Bruno Retailleau, président, à fait observer que ces zones ne reposent sur aucun fondement juridique qui permettrait d'imposer la cession des habitations. Il ne faut en effet pas confondre cette cartographie avec le périmètre d'expropriation, qui reposera sur une procédure d'enquête publique préalable.
Il a déploré une très grande confusion dans l'expression publique sur cette question sensible, qui a engendré des réactions vigoureuses d'une partie des populations sinistrées. Il a souligné le besoin de clarification.
M. Bruno Retailleau, président, a ensuite souligné que le périmètre de ces zones d'acquisition amiable ne devait pas être considéré comme définitivement figé. Ils pourront faire l'objet d'ajustements lors des deux étapes suivantes :
- une première étape, qui pourrait aller jusqu'à la mi-août ou mi-septembre 2010 pour la phase d'acquisition amiable et la préparation de l'ouverture de l'enquête publique, permettrait de procéder à des expertises complémentaires pour préciser le tracé des zones qui seront soumises à la procédure d'enquête ;
- une deuxième étape, après l'ouverture de l'enquête publique, conduirait à déterminer les périmètres définitifs dans le cadre de la procédure contradictoire de l'enquête publique sur la base d'enquêtes parcellaires afin d'établir le risque mortel effectif.
M. Bruno Retailleau, président, a jugé nécessaire de mettre en place une procédure distincte et séparée pour chaque zone. Il a fait valoir que seules les zones présentant un véritable risque mortel devaient être déclarées inhabitables. La mission devra donc approfondir sa réflexion sur les modes de construction permettant de maintenir des habitations dans les zones soumises à un risque d'inondation limité tout en assurant en priorité la protection des vies humaines.
Par ailleurs, M. Bruno Retailleau, président, a indiqué que la mission pourrait examiner un droit de priorité pour le relogement des habitants concernés. Soulignant que les zones mortelles ne devraient pas être laissées à l'abandon, il a considéré que la mission devait poursuivre sa réflexion sur la reconversion de ces zones. Il a proposé que les pertes d'assiette fiscale pour les collectivités territoriales, entraînées par la destruction de maisons fassent l'objet d'un mécanisme de compensation.
M. Alain Anziani, rapporteur, a approuvé ces orientations et considéré que la mission devait faire preuve d'une grande sincérité dans ses recommandations. Il a constaté que la méthode adoptée par le Gouvernement n'était pas la bonne, avec certes une grande réactivité mais également un manque de méthode, de pédagogie et d'esprit de droit. Les « zones noires » ne sont pas un instrument juridique permettant des expropriations, seule une déclaration d'utilité publique après enquête publique les permettrait.
M. Ronan Kerdraon a demandé comment la mission pouvait répondre à l'observation selon laquelle des habitations de l'Ile de Ré, pourtant touchées par des inondations, n'étaient pas concernées par la cartographie des « zones noires » parce que l'indemnisation des propriétaires coûterait trop cher.
M. Michel Doublet a ajouté qu'un maire d'une commune de l'Ile-de-Ré réclamait même que sa commune soit classée en zone de solidarité. Il a souhaité que les experts ayant oeuvré à la cartographie de ces zones soient auditionnés prochainement.
M. Bruno Retailleau, président, a répondu que leur audition était programmée le jeudi 6 mai, après celle du chef de service de France Domaine, qui permettrait de savoir si les procédures d'acquisition amiable se déroulaient avec une rapidité suffisante.
M. Michel Doublet a indiqué qu'en Charente-Maritime les habitants des maisons situées en zones de solidarité qui souhaitaient partir étaient plutôt satisfaits des premières propositions financières qui leur étaient faites. Le climat reste toutefois tendu car nombre de personnes ne comprennent pas que des maisons, parfois plus que centenaires, puissent être appelées à la destruction. Les avocats recrutés par des associations d'habitants se manifestent également beaucoup, tandis que la Préfecture reste arc-boutée sur les zones de solidarité déjà définies, considérant que des maisons ne peuvent rester isolées dans des zones où de nombreuses autres seraient détruites.
M. Jean-Claude Merceron a indiqué que des habitants à la Faute-sur-Mer lui avaient fait part de leur souhait que les zones de solidarité ne soient pas le tracé définitivement retenu pour l'expropriation. Ils demandent de pouvoir faire valoir leurs opinions et veulent des expertises plus précises. Par ailleurs, nombre d'habitants estiment que des maisons, qui devraient être classées en zones de solidarité, ne le sont pas.
M. Alain Anziani, rapporteur, a indiqué qu'il fallait s'attendre à une longue bataille juridique. Déjà, le juge des référés a demandé au Préfet de Vendée de produire l'intégralité des documents ayant servi à cartographier les zones de solidarité. Il faut expliquer à la population que, s'il faut exiger une sécurité juridique absolue sur les procédures d'expropriation, une fois qu'elles seront lancées, la bataille judiciaire pourrait prendre des années.
M. Daniel Laurent a constaté qu'en Charente-Maritime, beaucoup d'associations se créaient, et qu'elles étaient de plus en plus virulentes. Il a insisté sur la nécessité de mieux informer les habitants sur les possibilités qui leur sont offertes.
M. Bruno Retailleau, président, a répondu que des « délégués à la solidarité » avaient été désignés pour jouer un rôle de médiateurs.
M. Michel Doublet a confirmé que ces délégués étaient présents sur le terrain dans le département de Charente-Maritime.
MM. Jean-Claude Merceron et Ronan Kerdraon ont ajouté avoir eu le sentiment que le déplacement de la mission d'information avait été très bien accueilli sur le terrain dans un contexte où beaucoup d'habitants avaient ressenti un manque d'écoute de leurs préoccupations.
M. Ronan Kerdraon s'est demandé comment la cartographie proposée par le Gouvernement pourrait être révisée et si des chercheurs ou universitaires pouvaient contribuer à sa révision.
M. Bruno Retailleau, président, a répondu que la mission pouvait appeler à une expertise complémentaire mais qu'il n'était évidemment pas de son ressort de désigner les personnes ou organismes les plus à même de la réaliser. Il a ajouté qu'une nouvelle mission d'expertise devrait se rendre prochainement dans les départements concernés.
M. Paul Raoult s'est demandé quelles préconisations la mission pourrait donner pour l'avenir. Il a fait valoir que, dans le département du Nord, toute la plaine flamande se situait en dessous du niveau de la mer. Il a déclaré avoir participé à des travaux sur le parc naturel de Camargue et il a constaté qu'il existait un problème général de recul du trait de côte en France. Il a ajouté que, en tant que géographe, il avait eu à connaître du plan Delta d'aménagement de digues aux Pays-Bas. Il avait pu constater que ce pays avait une véritable culture de l'eau, une pratique de la construction et de l'entretien des digues qui faisait cruellement défaut à notre pays. Il a pris l'exemple de la digue de Wissant dans le Pas-de-Calais, qui s'était rompue quelques mois après son inauguration en 2006 en raison de malfaçons.
M. Bruno Retailleau, président, a répondu que ces observations allaient entièrement dans le sens des premières recommandations de la mission, qui poursuivrait sa réflexion sur les digues pour le rapport définitif. Il a plaidé pour un changement d'approche, une vision intégrée des phénomènes de submersion marine, au lieu d'une segmentation des dispositifs entre le code de l'environnement, le code de l'urbanisme et divers outils juridiques.
Mme Gisèle Gautier a rappelé que le représentant de l'association France Nature Environnement, auditionné par la mission, avait indiqué qu'avec ou sans digues, la submersion marine créée par la tempête Xynthia ne pouvait être évitée.
M. Alain Anziani, rapporteur, a répondu que, dans le domaine de la défense contre la mer, s'il était important de protéger les zones déjà urbanisées, il ne fallait pas construire de nouveaux ouvrages ouvrant des possibilités d'urbanisation dans des zones à risques.
M. Michel Doublet a indiqué qu'en Charente-Maritime, des projets de restauration de digues avaient été retardés par de longues procédures liées essentiellement à la protection de l'environnement.
M. Bruno Retailleau, président, a ensuite présenté d'autres recommandations que pourrait faire la mission, dans la perspective de l'examen du projet de loi portant engagement pour l'environnement par l'Assemblée nationale. Il a proposé que le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), ou fonds « Barnier » voit ses capacités d'intervention élargies au risque de submersion marine et qu'il puisse intervenir pour financer des acquisitions amiables. Notant que les aléas attachés aux plans de préventions des risques naturels (PPRN) étaient sous-évalués pour les submersions marines, celles-ci étant assimilées à tort aux crues fluviales, il a souhaité que l'aléa de référence soit relevé. Il a enfin souhaité qu'un délai de trois ans soit prévu pour l'adoption des PPRN.
M. Alain Anziani, rapporteur, a fait valoir que si un conseil municipal ne se prononçait pas dans un délai raisonnable, il faudrait considérer que, passé ce délai, son avis serait réputé rendu afin de ne pas bloquer la procédure.
M. Bruno Retailleau, président, a proposé qu'un lien plus systématique soit établi entre les plans de prévention des risques naturels (PPRN) et les plans locaux d'urbanisme (PLU). Il a estimé le PPR devrait pouvoir limiter le droit à reconstruire après un sinistre, comme c'est déjà possible pour un PLU ou une carte communale.
M. Alain Anziani, rapporteur, a ajouté qu'il convenait de poser le principe selon lequel les terrains exposés à un risque naturel grave avéré devaient être déclarés inconstructibles.
M. Bruno Retailleau, président, a souhaité que l'on améliore la culture du risque en France en articulant les notions de prévision, de prévention et de protection dans une approche globale. Pour la prévision, Météo France dispose de modèles efficaces et les experts du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) ont indiqué qu'il serait tout à fait possible de développer leurs outils de simulation sur l'impact des risques de submersion sur le littoral pour compléter le dispositif dans une logique de prévention. Il faut également un système d'alerte et d'évacuation qui se fonde sur les plans communaux de sauvegarde (PCS) car une évacuation ne s'improvise pas. Il faut ensuite, dans le domaine de la prévention, lier les plans de prévention des risques naturels (PPRN) aux plans communaux de sauvegarde (PCS) et imposer ces PCS dès lors que l'on constate des risques.
Mme Gisèle Gautier a fait valoir que, lors d'une catastrophe d'ampleur, il fallait disposer d'un plan d'évacuation au niveau intercommunal.
M. Ronan Kerdraon a ajouté qu'à l'occasion de l'élaboration d'un PCS dans sa commune, il avait été surpris de l'indigence de certains PCS qui se bornaient à prévoir une liste de personnes à prévenir.
M. Bruno Retailleau, président, a répondu que l'Etat devait donner un cadre et jouer dans ce domaine un rôle d'assistance et d'appui.
M. Alain Anziani, rapporteur, a proposé que l'Etat élabore un PCS-type auquel l'ensemble des PCS devraient se conformer.
Mme Gisèle Gautier a indiqué que les services de l'Etat de son département avaient apporté leur concours pour l'élaboration d'un plan d'évacuation dans sa commune, à la suite d'un problème de toxicité de l'eau.
M. Bruno Retailleau, président, a envisagé la réactivation d'une disposition du code de l'urbanisme relative au droit de délaissement d'une habitation, qui marquait un acte de volonté du propriétaire suivi d'une obligation d'acquisition par l'Etat.
Concernant le volet de protection et les digues, M. Bruno Retailleau, président, a souligné que les digues protégeant les habitations existantes devaient être dimensionnées pour faire face aux risques. Il a ajouté que le contrôle de légalité était déficient et que celui-ci devait être rendu systématique pour les constructions dans des zones à risques.
M. Alain Anziani, rapporteur, a rappelé que la procédure de délivrance des permis de construire se déroulait en trois étapes avec une phase d'instruction, puis la délivrance du permis de construire et enfin le contrôle de légalité. Il s'est demandé s'il ne fallait pas retirer à l'Etat l'instruction des permis de construire puisqu'il était aussi chargé du contrôle de légalité, ce qui lui conférait deux responsabilités difficilement conciliables.
M. Ronan Kerdraon a souligné que les communes étaient de taille très diverse avec des moyens humains en conséquence et qu'il fallait sans doute réfléchir à une plus grande mutualisation des moyens sans dépouiller les communes de leurs compétences.
M. Michel Doublet a également affirmé qu'il ne fallait pas priver les communes de leurs compétences en matière d'urbanisme, et que restreindre la compétence de l'Etat aurait un coût pour les collectivités territoriales, avec des problèmes de recrutement de personnel. Il a évoqué le modèle des syndicats départementaux.
M. Jean-Claude Merceron a insisté sur la nécessité de ne pas dessaisir les communes de leurs attributions et de préserver une gestion de proximité dans ce domaine.
M. Alain Anziani, rapporteur, et M. Daniel Laurent ont fait observer que les intercommunalités étaient déjà souvent chargées de cette compétence.
M. Bruno Retailleau, président, a ensuite détaillé les propositions qui pourraient être faites par la mission concernant les digues. Il a tout d'abord affirmé que l'Etat devait apporter au minimum une contribution de 50 % au financement, sans quoi les collectivités territoriales ne pourraient pas faire face à l'entretien et à la réparation des ouvrages. Il a rappelé que la Secrétaire d'Etat chargée de l'écologie avait proposé une contribution de 40 % de l'Etat et de 10 % du Fonds européen de développement régional (FEDER). Les services de la Commission européenne ont confirmé qu'il n'y avait pas d'obstacle à utiliser les fonds du FEDER, mais uniquement par redéploiement.
Pour le financement par l'Etat, M. Bruno Retailleau, président, a considéré que le fonds « Barnier », qui devrait être mobilisé pour l'indemnisation des propriétaires de maisons situées dans les zones de solidarité, ne pourrait pas suffire pour financer un « plan digues « . Il a donc plaidé pour un plan quinquennal de soutien financier de l'Etat aux collectivités territoriales. Rappelant les dispositions de la loi du 16 septembre 1807, il a posé la question de la propriété privée des digues, en proposant d'étudier un transfert de propriété de l'ensemble des digues au domaine public. Il s'est déclaré extrêmement réservé sur l'idée de créer un établissement public national qui serait chargé de la gestion des digues, préférant une gestion localisée et de proximité, sous la forme de syndicats mixtes par exemple, tout en gardant la possibilité de recourir à l'expertise de l'Etat. Enfin, il a rappelé qu'il ne fallait pas édifier de nouvelles digues pour ouvrir des zones à l'urbanisation.
M. Daniel Laurent a souhaité une meilleure lisibilité de la propriété des digues et approuvé le principe selon lequel on ne gère bien que de près. Il a souhaité que les élus locaux soient impliqués dans le « plan digues », tout en rappelant que la Secrétaire d'Etat chargée de l'écologie avait confirmé que l'Etat financerait la restauration des digues dont il avait la propriété.
M. Bruno Retailleau, président, a conclu sa présentation par les questions relatives à l'indemnisation. Lors du déplacement à Bruxelles de la mission d'information, la Commission européenne a fait valoir qu'elle craignait que la France « surcompense » les pertes financières liées à la tempête Xynthia. Or, dans la mesure où de nombreuses exploitations et terrains agricoles ont été inondés par de l'eau de mer, les pertes d'exploitation ne pourront qu'être évaluées à l'avenir. L'indemnisation ne peut donc être que forfaitaire. Le Gouvernement français prépare ainsi un dispositif où l'indemnisation serait proportionnelle à la surface inondée, ce qui crée de nombreuses inquiétudes parmi les professionnels qui craignent de ne pas obtenir une juste compensation de leurs pertes d'exploitation.
M. Alain Anziani, rapporteur, a ajouté que, pour ce qui concerne la mobilisation du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE), les contacts pris avec la Commission européenne lors du déplacement à Bruxelles avaient laissé une impression mitigée sur les chances d'aboutir de la demande de la France. En effet, il existe deux possibilités : soit la catastrophe dépasse un montant de 3,4 milliards d'euros de dégâts et elle est considérée comme nationale, mais ce ne devrait pas être le cas puisque les dégâts de la tempête Xynthia se chiffrent actuellement à 2,5 milliards d'euros environ ; soit la catastrophe est régionale mais il faut alors qu'une majorité de la population locale soit impactée pendant une période minimale d'une année. Le dossier de demande de contribution du FSUE devrait être déposé d'ici la fin de semaine. Peut-être en tenant compte des dommages causés à l'industrie du tourisme les critères pourront-ils être remplis, mais rien n'est certain.
Audition de M. Jean-Bernard Auby, professeur des universités à Sciences Po
Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la mission a tout d'abord entendu M. Jean-Bernard Auby, professeur des universités à Sciences Po.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur les liens entre le droit actuellement applicable en matière d'urbanisme et l'objectif de prévention des risques, M. Jean-Bernard Auby a précisé que la question des risques naturels avait, de longue date, été prise en compte par la législation de l'urbanisme, non seulement par le biais du règlement national d'urbanisme, mais aussi à travers des plans spécifiquement conçus pour intégrer les risques naturels ; dès lors, il a estimé que les lacunes révélées par la tempête Xynthia découlaient avant tout des retards dans la mise en place, par les communes, des mécanismes de prévention des risques prévus par le législateur.
Ayant marqué son désaccord avec cette opinion et estimé que le retard dans l'approbation des plans de prévention des risques (PPR) était la conséquence de la longueur et de la lourdeur des négociations entre les communes, qui souhaitent urbaniser les zones à risque pour répondre à la pression foncière qu'elles subissent, et les préfectures, M. Bruno Retailleau, président, a relevé qu'il n'y avait pas, en l'état actuel du droit, de lien systématique et évident entre les PPR et les plans locaux d'urbanisme (PLU), les premiers n'étant pas pleinement opposables aux seconds.
M. Jean-Bernard Auby a souligné que les PPR étaient des servitudes d'utilité publique et que, en tant que tels, ils étaient opposables aux demandes d'autorisation d'urbanisme -et notamment aux permis de construire- et qu'ils devaient être pris en compte par les documents d'urbanisme comme le PLU.
M. Bruno Retailleau, président, a observé que l'approbation d'un PPR avait pour seule conséquence d'imposer la « mise à jour » du PLU (c'est-à-dire une simple actualisation des annexes du PLU, dont le PPR fait partie), et non sa révision.
M. Jean-Bernard Auby a expliqué que cette situation était problématique car elle révélait l'existence d'une pluralité excessive de documents -d'où une superposition complexe de plusieurs zonages parfois concurrents-, et non une absence d'autorité juridique de certains d'entre eux, si bien qu'elle pouvait être résolue par une meilleure information des constructeurs. En outre, il a rappelé que le préfet pouvait imposer une révision du PLU, mais qu'il ne faisait que rarement usage de cette faculté ; en conséquence, il a estimé que cette question méritait d'être étudiée. À ce titre, il a exposé que le défaut de liaison formelle entre ces différents documents résultait du principe d'indépendance des législations, qui avait poussé à une distinction stricte entre la législation de l'urbanisme et les dispositions applicables en matière de prévention des risques, celles-ci ayant été totalement séparées jusqu'aux lois de décentralisation de 1982-1983 -c'est-à-dire jusqu'à ce que le législateur impose une indexation des documents relatifs aux risques en annexe des documents locaux d'urbanisme.
M. Alain Anziani, rapporteur, a noté que la mission pourrait envisager de permettre aux préfets de mettre les communes en demeure de réviser leur PLU en cas d'approbation ou de modification d'un PPR.
M. Bruno Retailleau, président, a souligné que la législation actuelle était fragmentée entre le code l'urbanisme, qui vise principalement à garantir la protection des populations, et le code l'environnement qui, quant à lui, a pour objectif majeur la protection des milieux, et que cette « parcellisation » pouvait mener à des incohérences.
En réponse à ces remarques, M. Jean-Bernard Auby a jugé que le code de l'urbanisme était aujourd'hui dénué de ligne directrice claire, si bien qu'un travail de mise en ordre des normes était désormais nécessaire afin de déterminer quelles dispositions avaient vocation à y être intégrées et lesquelles devaient, à l'inverse, en être retranchées. En outre, après avoir marqué son accord avec la mise en place d'une révision obligatoire du PLU en cas d'approbation d'un PPR, il a répété qu'il était essentiel de renforcer l'information des constructeurs, confrontés au manque de lisibilité et de clarté de la législation actuelle, par exemple en modifiant la composition des dossiers de PLU, plutôt que de conforter l'autorité juridique des documents prévus par le code de l'urbanisme. Plus généralement, il a estimé que les impératifs contenus dans des législations extérieures à l'urbanisme (comme la prévention des risques naturels, incarnée par les PPR, ou la préservation des monuments historiques) devaient être davantage pris en compte par les PLU.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur la nécessité de clarifier la terminologie employée par la loi « Littoral » du 3 janvier 1986, M. Jean-Bernard Auby a rappelé que les dispositions de cette loi ne prenaient pas en charge les problèmes relatifs aux risques naturels, mais se bornaient à assurer la préservation des sites et l'accueil des activités économiques et touristiques.
En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, sur la possibilité de mettre en place un maillage plus étroit entre les plans communaux de sauvegarde (PCS) et les PPR, M. Jean-Bernard Auby a jugé que les lacunes constatées dans la législation relative aux risques naturels découlaient d'une insuffisante culture du risque ; ainsi, il a rappelé que, à l'inverse de pays comme la Grande-Bretagne, où la cartographie des risques d'inondation est mise à disposition du public et permet de mettre l'accent sur une définition collective du niveau de risque acceptable, puis sur la responsabilité individuelle des acquéreurs de biens, la France avait développé une « culture du secret » qui poussait le citoyen à compter sur la protection de la puissance publique pour se prémunir contre les risques.
À M. Alain Anziani, rapporteur, qui envisageait qu'un état des lieux des risques d'inondation soit communiqué par le notaire, M. Jean-Bernard Auby a répondu que cette mission pouvait en effet lui échoir dans le cadre de son devoir de conseil, qui l'amène déjà à informer les futurs acquéreurs sur l'existence d'éventuelles servitudes d'urbanisme.
Mme Marie-France Beaufils s'est déclarée surprise de ces débats sur l'information des citoyens en matière de risques naturels, dans la mesure où le droit en vigueur imposait déjà aux communes ou aux groupements de communes soumis à un PPR de communiquer des pièces relatives aux risques aux notaires ; elle a donc estimé que l'état d'esprit des futurs acheteurs au moment de l'achat devait être mis en cause, plutôt que la qualité de l'information qui est portée à leur connaissance à cette occasion.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur les causes de la gravité du bilan humain de la tempête Xynthia, M. Jean-Bernard Auby a indiqué que certaines habitations avaient pu être construites sans tenir compte des risques naturels justement parce qu'elles avaient été bâties avant que la législation n'intègre pleinement cette problématique, et notamment avant l'apparition des PPR.
En outre, concernant le double rôle des préfectures de département, qui sont chargées à la fois d'instruire les demandes de permis de construire pour le compte des petites communes et de contrôler la légalité des autorisations d'urbanisme, M. Jean-Bernard Auby s'est déclaré choqué des accusations formulées à l'encontre des maires des communes sinistrées, qui passent sous silence la responsabilité des services de l'État dans la délivrance des permis de construire. À cet égard, il a rappelé que, dans les communes non dotées d'un PLU ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, les permis étaient délivrés au nom de l'État (et qu'ils étaient même délivrés directement par le préfet en cas de désaccord entre la mairie et les services de l'État) et que, dans ce cas, l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme permettait au préfet de refuser un permis de construire en présence d'un risque d'inondation important et avéré.
De même, M. Jean-Bernard Auby a souligné que, même dans les communes couvertes par un PLU ou un POS, les services préfectoraux étaient généralement amenés à donner un avis sur les demandes de permis de construire soumises aux communes de moins de 10 000 habitants et pouvaient également utiliser l'article R. 111-2 pour marquer leur objection à la délivrance d'un permis, à défaut de pouvoir l'empêcher. Il a donc estimé que les services de l'État disposaient de moyens suffisants pour assurer une gestion efficace et effective des risques naturels.
En réponse à une remarque de M. Alain Anziani, rapporteur, qui s'interrogeait sur la possibilité de confier l'instruction des demandes de permis de construire aux intercommunalités afin de distinguer clairement l'autorité chargée de la délivrance des autorisations d'urbanisme de l'autorité en charge de leur contrôle, M. Jean-Bernard Auby a estimé opportun de séparer strictement ces compétences, mais aussi d'éviter les conflits d'intérêts dans d'autres champs, notamment en confiant à deux entités distinctes la mission d'élaborer les documents d'urbanisme (comme le PLU, qui est actuellement défini par les conseils municipaux) et la charge de la délivrance des autorisations individuelles ; il a ainsi cité l'exemple du Québec, où le PLU est voté par des élus locaux, mais où les permis de construire sont délivrés par des fonctionnaires qui se bornent à appliquer les documents locaux d'urbanisme.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur les réformes permettant de rendre le contrôle de légalité plus opérant en matière d'urbanisme, M. Jean-Bernard Auby a estimé que la faiblesse du taux d'actes déférés au juge administratif (0,024 %), optiquement impressionnante, devait être nuancée, ce taux devant en réalité être rapporté au nombre d'autorisations d'urbanisme non instruites par les services préfectoraux.
Par ailleurs, M. Jean-Bernard Auby a jugé que la création d'une agence indépendante, soustraite à l'influence des autres services de l'État et des acteurs locaux et jouant le rôle d'un « ministère public » dans le cadre du contrôle de légalité poserait d'importants problèmes pratiques, notamment pour la détermination de sa politique de contrôle. Il a d'ailleurs souligné que la mise en place d'une politique de déféré systématique irait à l'encontre de la jurisprudence actuelle -qui considère que la responsabilité de l'État pour les carences commises à l'occasion du contrôle de légalité ne peut être engagée qu'à condition que celles-ci soient constitutives d'une faute lourde-, mais qu'il était souhaitable que les préfectures défèrent tous les actes pour lesquels elles suspectent une irrégularité traduisant une mauvaise prise en compte des risques naturels.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, qui relevait que les règles contenues dans le code de l'urbanisme ne parvenaient pas à protéger les citoyens des risques graves auxquels ils sont exposés, M. Jean-Bernard Auby a fait valoir que la relative inefficacité de la législation actuelle découlait du fait que le code n'était pas un ensemble cohérent et hiérarchisé, mais un empilement de normes accumulées avec le temps. À cet égard, il a souligné que ce code exprimait un manque d'acceptation de la décentralisation de l'urbanisme et de confiance aux élus locaux. De ce fait, le code de l'urbanisme est devenu un entassement de mécanismes décentralisateurs et de « contre-mécanismes » visant à encadrer l'action des communes. Dès lors, il a émis le souhait que la décentralisation de l'urbanisme soit menée à terme, qu'elle soit placée au niveau intercommunal et soumise à un contrôle de légalité effectif.
M. Alain Anziani, rapporteur, a envisagé que le code fixe clairement la liste des documents auxquels les autorisations individuelles d'urbanisme doivent se conformer et qu'un contrôle de légalité systémique soit mis en oeuvre dans des zones exposées à des risques majeurs. En outre, ayant jugé nécessaire de clarifier le code de l'urbanisme, il a souhaité savoir si cette clarification pourrait passer par une intégration des acquis jurisprudentiels ou par un allègement de la législation.
M. Jean-Bernard Auby a estimé qu'un allègement des normes serait en effet nécessaire pour garantir que la législation de l'urbanisme soit recentrée sur ses priorités, dont la protection des populations contre les risques naturels devait faire partie.
Enfin, en réponse aux interrogations de M. Bruno Retailleau, président, M. Jean-Bernard Auby a jugé que le mécanisme d'expropriation pour risque naturel majeur mis en place par la loi « Barnier » du 2 février 1995 pourrait utilement être utilisé pour sanctuariser les « zones d'acquisition amiable », et que le code de l'urbanisme, dans sa rédaction actuelle, ne prévoyait aucun outil susceptible de garantir le relogement sur place des sinistrés de la tempête Xynthia, si bien qu'un « droit de préférence » ad hoc devrait être créé par le législateur.
Audition de M. Yves Jégouzo, professeur agrégé de droit public à l'université Paris-I
Puis la mission a entendu M. Yves Jégouzo, professeur agrégé de droit public à l'université Paris-I.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur les causes de la gravité du bilan humain de la tempête Xynthia, M. Yves Jégouzo a expliqué que la législation de l'urbanisme permettait une prise en compte effective des risques, non seulement en amont de la mise en place des documents d'urbanisme avec le principe général de prévention des risques qui figure à l'article L. 121-1 du code, mais aussi au moment de l'élaboration du PLU, puisque l'exposition aux risques est un élément essentiel du rapport de présentation de ce plan et que le zonage qu'il établit permet d'interdire la construction dans les zones à risque, et après sa mise en application avec l'article R. 111-2 du code, qui fonctionne comme un « article de secours » permettant au préfet de pallier les lacunes du PLU ou d'imposer la prise en compte de risques découverts ultérieurement.
Dès lors, M. Yves Jégouzo a estimé que ces outils étaient mal utilisés, et que le retard pris dans la mise en place des PPR et des PLU résultait largement des difficultés rencontrées sur le terrain par les décideurs publics, qui peinent à remettre en cause des situations préexistantes. À ce titre, il a jugé que la procédure d'expropriation pour risque naturel majeur prévue par la loi « Barnier », en dérogeant au principe de non indemnisation des servitudes d'urbanisme, permettait de passer outre ces difficultés en instaurant un système de solidarité nationale où les propriétaires expropriés sont indemnisés au prix du marché sans qu'il soit tenu compte de la moins-value liée à l'existence d'un risque.
M. Yves Jégouzo a ajouté que la jurisprudence du Conseil d'État, qui permet de recourir à cette procédure d'expropriation sans procéder à un bilan financier préalable, dès lors qu'aucune mesure de protection ne peut efficacement être mise en place, était de nature à permettre une utilisation raisonnée de ce mécanisme.
En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, sur les liens entre les PPR et les documents d'urbanisme et sur l'opportunité d'une véritable transposition des PPR au sein des PLU, M. Yves Jégouzo a rappelé que, avant l'adoption de la loi dite « Solidarité et Renouvellement urbain » du 13 décembre 2000, le respect des servitudes d'urbanisme -comme les PPR- était un élément de légalité des PLU, tandis qu'en l'état actuel du droit, la hiérarchie entre ces deux types de documents n'était plus assurée qu'indirectement, par le biais des permis de construire (qui peuvent être censurés s'ils ne respectent pas les PPR, même s'ils sont conformes au PLU, ce qui indique une supériorité des PPR sur les PLU). De même, il a exposé que le juge administratif, s'il pouvait censurer les PLU non conformes à un PPR, ne pouvait en constater l'illégalité que de manière indirecte, c'est-à-dire sur le fondement de l'erreur manifeste d'appréciation. Il a observé que cette situation était peu lisible et peu compréhensible pour les citoyens et ce, malgré l'action positive des notaires qui informent les acquéreurs de biens immobiliers de l'existence d'un zonage PPR.
En outre, ayant marqué son accord avec la proposition exprimée par M. Bruno Retailleau, président, selon laquelle les documents d'urbanisme, et notamment le PLU, devraient être impérativement et automatiquement révisés en cas d'approbation ou de modification d'un PPR, M. Yves Jégouzo a rappelé que le préfet pouvait mettre une commune en demeure de réviser son PLU pour assurer sa conformité avec un projet d'intérêt général (cette notion pouvant, à son sens, intégrer les projets de PPR).
Ayant considéré que cette manière de faire valoir la supériorité du PPR sur les PLU était trop indirecte et complexe, M. Alain Anziani, rapporteur, a souhaité qu'une hiérarchie claire soit rétablie ; pour ce faire, il a envisagé que la liste des documents auxquels les autorisations individuelles d'urbanisme doivent se conformer soit clairement fixée par le code de l'urbanisme.
M. Yves Jégouzo a jugé que cette proposition était légitime et opportune, mais qu'elle devait être analysée avec prudence. Si elle était retenue par la mission, il conviendrait que l'énumération ainsi mise en place ne soit pas limitative. En outre, il a indiqué que la complexité croissante du droit de l'urbanisme, qui est progressivement devenu le réceptacle de nombreux enjeux (prévention des risques, protection de la nature, etc.) qui dépassent le cadre originel de la matière, n'était pas un phénomène propre à la France et que, à l'inverse, il pouvait être observé dans toute l'Europe.
Faisant référence aux propos tenus par M. Jean-Bernard Auby, M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la possibilité de mener la dynamique de décentralisation de l'urbanisme à son terme.
M. Yves Jégouzo a tout d'abord rappelé que la responsabilité de l'État pouvait être engagée lorsque les services préfectoraux en charge de l'instruction des demandes de permis de construire n'exécutaient pas les directives du maire en matière de prévention des risques, cette faute étant considérée comme une faute simple de nature à engager la responsabilité de l'État. Ayant exposé que la décentralisation de l'urbanisme s'était avérée problématique en tant qu'elle avait été opérée au profit de toutes les communes et de manière égale, alors même que les plus petites d'entre elles ne disposaient pas de moyens suffisants pour assumer les compétences qui découlaient de ce transfert, il a ensuite jugé qu'il était dangereux de confier l'élaboration des PLU à des communes de petite importance au regard des enjeux sur le littoral, et que l'instauration d'une distance minimale entre les élus responsables de la planification de l'urbanisme et les administrés était un « garde-fou » nécessaire.
Par ailleurs, il a déploré que le contrôle de légalité n'ait pas permis d'empêcher la construction d'habitations dans les zones à risque et émis le souhait que, à l'avenir, les services de l'État contrôlent, avec une vigilance et une rigueur particulières, la bonne prise en compte des risques naturels.
Interrogé par M. Bruno Retailleau sur les outils permettant de renforcer la cohérence entre les documents régissant l'occupation des sols, M. Yves Jégouzo a estimé que le PLU était, peu à peu, devenu un instrument de cohérence qui tenait compte de problématiques nombreuses, diverses et hétérogènes (environnement, préservation du patrimoine, mixité sociale, protection des ressources en eau, etc.), alors même que ce n'était pas sa vocation initiale.
M. Bruno Retailleau, président, a fait observer que le droit de l'urbanisme ne serait sans doute jamais apte à lui seul à éviter l'ensemble des dommages en cas de catastrophes naturelles, se demandant s'il ne vaudrait pas mieux adopter une vision plus globale et intégrée de la prévention.
Notant que ce droit avait l'avantage de saisir aisément l'activité humaine, M. Yves Jégouzo a convenu qu'une approche verticale des risques, telle que suivie en Grèce, en Espagne ou en Allemagne, pouvait fonctionner efficacement à condition, tout de même, d'établir un lien étroit avec les règles d'urbanisme.
M. Bruno Retailleau, président, a souligné que la volonté de la mission d'intégrer les PPRI aux PLU relevait de cette logique. Détaillant son propos, il a indiqué qu'il convenait sans doute de ne pas ériger le droit de l'urbanisme comme unique moyen de prévention, mais d'avoir une démarche globale et intégrée de l'ensemble des autres instruments, allant de la prévision des submersions à l'édification d'ouvrages de protection en passant par la prévention.
M. Yves Jégouzo a évoqué la Suisse, qui élabore des cartes de grande qualité sur le risque « avalanches ». Le croisement des documents d'urbanisme avec des éléments de prévention plus généraux impliquerait, selon lui, la transformation des PPR en plans mi prévisionnels, mi opérationnels, ce qui existe déjà en partie avec les SDAGE. Il conviendrait par ailleurs de prendre en compte les impératifs de recensement de l'information, très délicats à réaliser.
En outre, le rôle de l'État devrait être réaffirmé, en tant que garant face aux catastrophes. Les ministres pourraient se substituer aux préfets pour prendre des décisions délicates à l'échelon local, tandis que le contrôle de légalité devrait être renforcé.
Mme Marie-France Beaufils a plaidé pour une concertation approfondie avec les services de l'État, ayant la connaissance du risque, durant laquelle se diffuserait une réelle « culture du risque » commune.
Relevant que l'applicabilité d'une norme dépendait désormais de son degré de compréhension et d'acceptation, M. Yves Jégouzo a souligné la difficulté d'appropriation liée à la technicité du droit de l'urbanisme. Le droit communautaire, orientant en ce sens notre droit national, y répond en favorisant le débat contradictoire. La procédure des PLU le permet, davantage encore que celle des PPR, qui pourrait donc utilement être amendée en ce sens. En revanche, l'efficacité d'une concertation renforcée à l'échelle de communes moyennes semble très réduite du fait que ces procédures débouchent nécessairement sur des servitudes de non construction.
Jeudi 6 mai 2010
- Présidence de M. Bruno Retailleau, président -Audition de M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, et de M. Guy Correa, chef du bureau des missions domaniales
Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, et de M. Guy Correa, chef du bureau des missions domaniales.
Après avoir souligné le rôle essentiel joué par France Domaine dans les évaluations des biens faisant l'objet de la procédure d'acquisition amiable, M. Bruno Retailleau, président, a interrogé M. Daniel Dubost sur les dispositions prises à ce stade par son service en vue de satisfaire au double enjeu d'efficacité et d'équité.
M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a indiqué en préambule qu'il a effectué un déplacement en Charente-Maritime la veille de l'audition, consacré à l'organisation des travaux d'évaluation. A cette occasion, il a constaté que la situation sur le terrain était bonne, l'accueil des personnes sinistrées semblant répondre à l'implication et à l'empathie particulière des agents évaluateurs de France Domaine.
Pour ce qui concerne les moyens mis en oeuvre en Vendée, où 915 propriétés sont à évaluer, et en Charente-Maritime, où le chiffre actuel de 612 propriétés est susceptible de s'établir finalement à plus de 800, M. Daniel Dubost a fait valoir que la mobilisation de renforts régionaux et nationaux, conjuguée à l'attitude compréhensive des autres départements, a permis la mise à disposition de 30 agents évaluateurs sur les zones sinistrées.
S'agissant des méthodes employées, M. Daniel Dubost, directeur de France Domaine, a précisé que consigne est donnée aux évaluateurs de chercher à déterminer la valeur du bien antérieurement à la catastrophe, sans aucune prise en compte du risque potentiel, en s'appuyant sur les statistiques de vente des différents marchés de l'immobilier en 2009.
La procédure retenue est la suivante : au terme d'une appréciation complète et précise de chaque bien, conduite dans un climat d'écoute - chaque agent se limitant à quatre évaluations quotidiennes -, un prix de rachat sera proposé, qui devra pouvoir être justifié, tout propriétaire bénéficiant du droit de se faire expliquer comment l'évaluation a été faite.
M. Daniel Dubost a indiqué, qu'à ce jour, 300 visites ont été effectuées et que la transmission des premières propositions aux propriétaires est imminente ; un juste prix devant être communiqué de prime abord, qui exclut à la fois les sous-évaluations destinées à ménager des marges de négociation ultérieure et les surévaluations censées favoriser les acceptations.
En cas d'accord, la mobilisation affichée par les notaires peut laisser espérer, pour les cas simples au moins, la conclusion d'un acte de mutation dans un délai de un à trois mois.
M. Bruno Retailleau, président, l'ayant interrogé sur la possibilité de contester l'estimation de France Domaine, M. Daniel Dubost a estimé que dans le cadre d'une procédure amiable il ne pouvait y avoir de contestation au sens juridique du terme, les propriétaires pouvant accepter ou refuser la proposition qui leur était faite. Il a ajouté que ces derniers pourraient cependant faire valoir des éléments objectifs qui auraient été omis lors des évaluations.
A MM. Bruno Retailleau, président, et Alain Anziani, rapporteur, qui l'interrogeaient sur la valeur du bien prise en compte en cas de désaccord conduisant à une expropriation, M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a répondu que, selon lui, les valeurs retenues par les juges n'étaient jamais très éloignées des évaluations de France Domaine.
M. Guy Correa a ajouté, qu'en tout état de cause, ce serait la valeur du bien sur le marché de l'immobilier avant la catastrophe qui ferait référence.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, qui s'interrogeait sur les moyens de contester l'évaluation, M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a précisé que la décision n'était pas une décision faisant grief. Il a précisé que les actes pourraient être conclus dans un délai compris entre un et trois mois après l'échange des consentements.
M. Bruno Retailleau, président, a alors demandé si les premiers actes pourraient être passés à la mi-juin et s'il n'y avait pas un risque d'encombrement des études notariales.
M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a indiqué que son service travaillait en lien étroit avec les chambres des notaires et que ceux-ci étaient mobilisés pour ne pas dépasser un délai d'un mois. Mais les délais pourront être plus longs en cas de successions non réglées ou de divorce.
M. Alain Anziani , rapporteur, a rappelé que le quatrième alinéa de l'article L. 561-1 du code de l'environnement précise que « pour la détermination du montant des indemnités qui doit permettre le remplacement des biens expropriés, il n'est pas tenu compte de l'existence du risque ». Cette disposition doit être considérée avec la plus grande attention. En outre, il s'est interrogé sur le délai nécessaire pour un acte sous seing privé, notamment si l'avis d'un conseil est demandé.
M. Daniel Dubost a fait valoir qu'aucun délai ne s'imposait aux particuliers mais qu'en revanche l'Etat s'imposait à lui-même une obligation de délai.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Daniel Dubost a observé que les assureurs verseront un montant qui permettra de parvenir à la valeur vénale totale du bien. L'acte authentique, qui ne contiendra que la part indemnisée par l'Etat, devra donc tenir compte du montant versé par les assurances.
M. Bruno Retailleau, président, a estimé que dans la mesure où la valeur indemnisée par l'Etat sera minorée de la part versée par les assurances, il existe un risque de sous-estimation par celles-ci du montant des travaux de remise en état. Il s'est demandé s'il est possible de réduire ce risque dès lors que l'Etat s'est engagé à combler la différence entre l'indemnisation des assurances et la valeur vénale des biens.
M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, France Domaine, est convenu de l'existence d'un tel risque. Dans le cadre de la procédure retenue, les assurances pourraient avoir un intérêt à sous-estimer la valeur des travaux de remise en état.
M. Alain Anziani, rapporteur, a évoqué la possibilité d'un mécanisme de subrogation, favorable aux victimes. Ce dispositif juridique conduirait l'Etat à indemniser intégralement les particuliers puis à se retourner vers les assurances pour s'entendre avec elles sur la part indemnisée contractuellement.
M. Daniel Dubost a fait état de la possibilité d'un tel mécanisme qui favorise la résolution des indemnisations dans des délais raisonnables voire rapides.
M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur le risque de mobilisation du fonds Barnier au-delà de ses capacités financières. Il a souhaité savoir si des instructions avaient été données pour que les évaluations respectent une enveloppe globale.
M. Daniel Dubost a précisé n'avoir reçu aucune consigne dans ce sens.
M. Alain Anziani, rapporteur, a évoqué les cas spécifiques de zones géographiques où les valeurs foncières sont particulièrement élevées ainsi que le risque de renoncement aux acquisitions amiables qui pourrait résulter de telles situations.
M. Daniel Dubost a précisé qu'aucun renoncement résultant de la valeur du bien considéré n'a été constaté. Il a toutefois reconnu que ses services ont privilégié pour les premières indemnisations les habitations situées en dehors de l'Ile de Ré. Pour autant, celle-ci ne sera pas exclue du dispositif.
M. Bruno Retailleau, président, a souhaité connaître les prix estimés des habitations et la valeur globale des indemnisations envisagées.
M. Daniel Dubost, directeur de France Domaine, a indiqué un ordre de grandeur de 800 millions d'euros d'indemnisations pour l'acquisition des 1.515 habitations classées en « zone de solidarité », en soulignant qu'il ne s'agit que d'une première approximation.
M. Bruno Retailleau, président, a rappelé que, lors de son audition par la mission, le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer avait donné une estimation comprise entre 300 et 400 millions d'euros. Le doublement de cette estimation pose la question des capacités du fonds Barnier.
M. Daniel Dubost a estimé ne pas être en mesure de répondre à la question du financement des indemnisations. L'activité de son service consiste en effet à appliquer des méthodes d'évaluation pour déterminer le montant des indemnisations et non pas à s'inscrire dans une enveloppe globale.
M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la méthode d'évaluation des fonds de commerce.
M. Guy Correau chef du bureau des missions domaniales, a distingué les méthodes de calcul de la valeur des murs de ceux relatifs à l'évaluation des fonds. Il a insisté, s'agissant des cas de cessions, sur une méthode fondée sur l'activité des trois dernières années ainsi que sur une estimation des pertes. Les frais de réinstallation devraient également faire l'objet d'une prise en compte.
M. Bruno Retailleau, président, s'est inquiété de la disparition totale d'activités économiques au sein des zones d'acquisition amiable.
M. Guy Correa a précisé qu'il s'agit à ce stade d'un droit au départ ouvrant la possibilité d'une indemnisation.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Guy Correa a souligné l'absence de différence dans les méthodes d'évaluation selon qu'il s'agirait d'une résidence principale ou d'une résidence secondaire.
M. Bruno Retailleau, président, a demandé si l'on pouvait observer un mouvement de demandes d'évaluation systématique par France Domaine, qui serait encouragé par les associations de sinistrés.
M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, est convenu de remontées d'informations de ce type par les agents d'évaluateurs. Il a observé que des démarches du même type par des experts immobiliers indépendants sont probablement fréquentes. France Domaine apparaît à cet égard comme un évaluateur parmi d'autres pour les sinistrés.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Daniel Dubost a indiqué que les propositions d'acquisition amiable seraient envoyées en recommandé avec accusé de réception ou remises en mains propres aux intéressés.
M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'existence de dates butoirs pour la phase d'acquisition amiable avant de procéder aux expropriations. Il a estimé opportun de pouvoir continuer à procéder aux acquisitions amiables lors de la phase d'expropriation, jusqu'à la déclaration d'utilité publique (DUP) en particulier.
M. Daniel Dubost a souligné que cette possibilité n'a pas encore été envisagée bien qu'elle semble constituer une piste intéressante. Il a relevé que des acquisitions amiables jusqu'à la DUP conduiraient à limiter les procédures d'expropriation. Enfin, il a précisé qu'en théorie la phase d'acquisition amiable est close en cas de refus par le sinistré de la proposition d'indemnisation faite par l'Etat.
M. Alain Anziani, rapporteur, a salué à son tour l'intérêt d'une telle méthode qui permet un échange de consentements sans limitation dans le temps, y compris postérieurement à la DUP. La réduction du nombre de contentieux profiterait à la fois à l'Etat et aux particuliers.
M. Bruno Retailleau, président, a souhaité que cette question fasse l'objet d'une réponse officielle à la mission sénatoriale. Il a ensuite considéré que la présence de trente agents évaluateurs sur place, procédant à un nombre de trois à quatre visites par jour, doit conduire à l'achèvement des évaluations dans un délai d'environ treize jours.
M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a fait valoir que deux facteurs rallongent le nombre de jours nécessaires aux évaluations :
- la présence des habitants lors des visites d'experts est inégale ;
- les évaluateurs doivent régulièrement, voire après chaque visite, revenir dans leurs bureaux pour récapituler et mettre en forme leurs expertises.
M. Daniel Dubost a annoncé un objectif de finalisation des estimations pour la fin du mois de mai 2010 s'agissant du département de Charente-Maritime et pour le 15 juin 2010 pour ce qui concerne la Vendée. Ces objectifs de délais ont conduit à demander un renfort de trois agents évaluateurs supplémentaires.
M. Bruno Retailleau, président, a souhaité connaître les administrations en charge du suivi du dossier.
M. Daniel Dubost a indiqué le rôle essentiel joué par les services déconcentrés de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et par les différents services préfectoraux en particulier les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM). Les services centraux effectuent pour leur part des visites sur place régulières, en particulier ceux relevant du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
M. Bruno Retailleau, président, a souhaité que des informations fondées sur des échantillons d'évaluation anonymisés soient transmises à la mission.
M. Daniel Dubost a répondu favorablement à cette demande.
M. Bruno Retailleau, président, a souhaité savoir si les enquêtes parcellaires qui seront réalisées lors de la phase d'expropriation auraient seulement pour but de connaître les propriétaires ou également de réaliser une étude parcelle par parcelle.
M. Guy Correa, chef du bureau des missions domaniales, a souligné la coexistence des deux objectifs. Cette démarche permet une évaluation globale particulièrement utile. En outre, la connaissance des dossiers individuels apparaît nécessaire, surtout dans les cas complexes de successions non réglées ou encore de procédures de divorce.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, a indiqué que France Domaine ne se préoccupe pas des questions de contre-expertises techniques sur l'évaluation des risques.
M. Alain Anziani, rapporteur, s'est interrogé sur la justification des motifs de l'expropriation par l'appartenance à une zone déterminée ou par la situation individuelle de chaque habitation.
M. Daniel Dubost a observé que les motifs d'expropriation seraient fondés sur des critères de sécurité publique et sanitaire, dans le cadre d'une procédure juridique particulièrement formalisée. Les mesures de zonage devront en effet être particulièrement justifiées d'un point de vue juridique.
M. Bruno Retailleau, président, a fait état de la contestation des méthodes d'évaluation des habitations classées en zone d'acquisition amiable par certains délégués à la solidarité.
M. Daniel Dubost s'est montré rassurant à ce sujet. Il a toutefois déploré que certains délégués aient fait part à tort d'une indemnisation des maisons supérieure de 30 % à la valeur de marché.
M. Bruno Retailleau, président, a constaté la diversité des fonctions assumées par les délégués à la solidarité, qui doivent expliquer des procédures complexes aux sinistrés, notamment en matière d'indemnisations. Il a plaidé pour un dialogue fécond et régulier entre ces délégués et les évaluateurs de France Domaine.
Audition de MM. Joël L'Her, directeur du département « environnement, littoral et cours d'eau » du Centre d'études techniques maritimes et fluviales (CETEMF), Jean-Jacques Vidal, chef du service « risques naturels et ouvrages hydrauliques » de la DREAL de Midi-Pyrénées, et David Goutx, chef du service « hydrométrie, prévision des étiages et des crues » de la DREAL du Centre
Puis la mission a entendu MM. Joël L'Her, directeur du département « environnement, littoral et cours d'eau » du Centre d'études techniques maritimes et fluviales (CETEMF), Jean-Jacques Vidal, chef du service « risques naturels et ouvrages hydrauliques » de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Midi-Pyrénées, et David Goutx, chef du service « hydrométrie, prévision des étiages et des crues » de la DREAL du Centre, tous trois membres de la mission d'appui qui a contribué à la définition des zones d'acquisition amiable, ou « zones noires ».
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur la méthodologie et le processus de production des cartographies des « zones d'extrême danger », M. Jean-Jacques Vidal a indiqué que le rôle principal de la mission d'appui avait été d'assister les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) de Charente-Maritime et de Vendée.
Ayant indiqué que la mission d'appui avait été constituée par une lettre de mission de la direction générale de la prévention des risques du 16 mars, il a précisé que le zonage avait été établi en trois phases :
- lors d'une première phase, menée sur le terrain entre le 18 et le 21 mars 2010, les éléments menaçant la vie humaine (hauteur d'eau supérieure à un mètre, importance de la force de la vague, etc.) ont été identifiés, et une évaluation rapide des zones à fort danger a été menée conjointement par la mission d'appui et les services préfectoraux, sur la base de relevés effectués juste après le passage de la tempête Xynthia. Les 20 et 21 mars, ce travail a été finalisé par les DDTM seules, puis transmis aux cabinets ministériels compétents afin de servir de base à une discussion itérative entre les ministères et les préfectures ;
- la seconde phase, qui visait à ajuster la cartographie transmise aux services centraux le 21 mars, s'est déroulée sans le concours de la mission d'appui ; celle-ci est cependant revenue dans les zones sinistrées les 25 et 26 mars afin de consolider son premier zonage et de vérifier qu'il ne contenait aucune aberration ;
- une troisième phase, qui est encore en cours, a été engagée au début du mois d'avril afin de mener des analyses complémentaires ; dans ce cadre, la mission d'appui est chargée de rencontrer les élus et de formuler des diagnostics de terrain pour affiner le zonage rendu public le 7 avril 2010.
En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, M. Jean-Jacques Vidal a estimé qu'environ 10 % du zonage avait été modifié entre le 21 mars et le 7 avril 2010, la majorité de ce pourcentage correspondant en réalité à des retouches marginales.
M. Bruno Retailleau, président, a relevé que, en conséquence, 90 % du zonage avait été définitivement fixé en moins de 8 jours ; il a estimé que ce délai semblait extrêmement court.
M. David Goutx a précisé que cette évolution d'environ 10 % était largement due à un changement de classification des parcelles dangereuses, certaines étant passées de la « zone noire » à la « zone jaune », et réciproquement.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur l'articulation entre les différents critères de caractérisation des « zones d'extrême danger », M. Jean-Jacques Vidal a tout d'abord précisé que l'approche globale qui avait présidé à l'élaboration de la cartographie impliquait que, dans une même zone, le degré de risque sur chaque parcelle soit hétérogène. En outre, il a rappelé que le principal critère définissant une « zone noire » était la hauteur d'eau, qui devait être supérieure à un mètre, et que les autres critères (force de l'eau, topographie, proximité d'un ouvrage de protection) permettaient avant tout de distinguer les « zones noires » des « zones jaunes ».
Répondant à une question de M. Bruno Retailleau, président, sur le délai imparti à la mission d'appui et aux services préfectoraux pour élaborer le zonage, M. Joël L'Her a souligné que certains critères, comme la vitesse de déferlement de la vague ou la possibilité de mettre en place des ouvrages de protection efficaces, n'avaient pu être approchés que de manière indirecte, faute de temps, si bien que la cartographie avait été largement mise en place « à dires d'experts ». Toutefois, il a jugé que le travail mené était satisfaisant et que, même si les acteurs en charge de l'élaboration du zonage avaient disposé de plus de temps, les résultats finaux n'auraient pas présenté de différence sensible par rapport à la cartographie rendue publique en avril.
M. David Goutx a précisé que, concernant l'évaluation de la vitesse de la vague, un travail important d'étude des indices (traces d'érosion violente, enfoncements dus à des objets flottants lourds, etc.) avait été mené au cours de la deuxième phase. Par ailleurs, il a indiqué que la mission d'appui avait dû travailler rapidement afin qu'une première définition des zones d'extrême danger soit disponible avant les grandes marées de la fin du mois de mars, c'est-à-dire pour éviter que les sinistrés ne soient réexposés à un risque naturel grave. En outre, il a rappelé que le zonage répondait à la préoccupation de ne pas laisser les populations se réinstaller dans des zones dangereuses, comme l'a indiqué le Président de la République à La Rochelle dans son discours du 16 mars, et que, en tant que tel, il n'était pas animé par un esprit de planification de l'urbanisation à long terme.
M. Alain Anziani, rapporteur, a ensuite souhaité savoir si :
- l'avis des experts de la mission d'appui aurait pu être infléchi si, disposant de plus de temps, ils avaient été à même d'échanger davantage avec les sinistrés et les élus locaux ;
- la légitimité de la cartographie était totale, dans la mesure où les outils les plus performants (comme la mesure par laser aéroporté pour déterminer le niveau des terres pouvant être submergées) auraient pu être employés.
Ayant admis que, avec des délais supplémentaires, la mission d'appui aurait été capable de mieux expliquer son action en objectivant ses diagnostics et de mieux croiser les informations données par les riverains, M. David Goutx a souligné que de nombreux déplacements sur le terrain avaient permis de pallier cette lacune dans la troisième phase d'élaboration de la cartographie. En outre, il a indiqué que la mission d'appui, même si elle n'avait pas utilisé un laser aéroporté, avait pu se fonder sur des données fiables et précises (à savoir, sur les relevés d'altimétrie effectués en préparation des PPRI, et sur des relevés de voirie).
M. Jean-Jacques Vidal a signalé que des informations supplémentaires sur la topographie seraient disponibles rapidement et qu'elles devraient permettre de préciser les diagnostics de la mission d'appui sans pour autant remettre le zonage en cause.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur la pertinence de l'approche par zones homogènes qui avait été retenue par la mission d'appui, M. Jean-Jacques Vidal a estimé que ce raisonnement était légitime puisqu'il permettait d'éviter le mitage urbain et que, si seules les maisons les plus directement exposées au risque de submersion étaient détruites, la prochaine catastrophe toucherait les habitations situées derrière ce premier rang de maisons. En outre, il a souligné que les secours ne pouvaient que difficilement intervenir en présence d'une hauteur d'eau supérieure à un mètre, ce qui posait la question de l'évacuation des populations.
M. Joël L'Her a marqué son accord avec cette analyse.
Interrogé par M. Alain Anziani, rapporteur, sur une éventuelle reconversion des « zones noires », M. Jean-Jacques Vidal a indiqué que l'installation d'activités diurnes dans ces secteurs ne poserait a priori aucun problème de sécurité, mais qu'il serait alors nécessaire de veiller à ce que les processus d'écoulement des eaux ne soient pas perturbés.
Enfin, en réponse aux interrogations de M. Bruno Retailleau, président, M. Jean-Jacques Vidal a précisé que la mission d'appui n'avait pas été sollicitée pour participer à la constitution du dossier d'enquête publique, mais pour travailler sur la définition des « zones oranges » ; toutefois, il a estimé qu'un effort particulier de collecte d'informations topographiques devrait être effectué en vue des expropriations, afin que des éléments parfaitement objectifs et indiscutables puissent être mis en avant.
Audition de M. Laurent Michel, directeur général de la prévention des risques
La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Laurent Michel, directeur général de la prévention des risques.
A M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur les points de faiblesse du dispositif de prévention contre les risques d'inondation, M. Laurent Michel a tout d'abord répondu que la tempête Xynthia était un évènement important, de récurrence probablement centennale, mais pouvant se reproduire. Il a souligné qu'elle avait révélé les faiblesses de la politique des risques. Il a illustré ce constat pour chacune des grandes composantes de la politique de prévention :
- l'encadrement de l'urbanisation, qui s'est révélé insuffisant ;
- la conception et l'entretien des ouvrages de protection, également lacunaire ;
- la prévision météorologique, globalement satisfaisante ;
- l'adaptation des comportements, objet d'importantes carences.
Puis il a développé plus longuement le volet « prévision », se félicitant à cet égard de la bonne anticipation du niveau de la mer, mais soulignant la nécessité :
- d'approfondir la prévision du niveau de submersion littorale ;
- de coupler les cotes de niveau de mer et des cours d'eau, ainsi que cela est fait en Gironde ;
- de mettre au point un modèle de prévision pour les petits estuaires et les zones basses ;
- de mesurer l'impact d'une submersion marine par rapport aux enjeux locaux tout en prenant en compte les facteurs de protection.
M. Laurent Michel a indiqué que les services de prévision des crues, d'hydrométéorologie et d'appui à la prévention des inondations, qui relèvent du ministère en charge de l'environnement, vont poursuivre leurs travaux sur les modèles locaux et la prise en considération des informations relatives aux crues des grands fleuves. Seront par ailleurs intégrées dans le plan d'action des outils génériques appréhendant les zones basses, tandis que le service de prévision des crues et les services préfectoraux donneront aux préfets des moyens de prévision et d'alerte en vue de saisir les maires et diffuser l'information.
M. Bruno Retailleau, président, ayant remarqué l'inexistence d'outils de prévision de la submersion marine, M. Laurent Michel a évoqué le dispositif de vigilance « fortes vagues et tempête » de Météo France qui, depuis 2009, tente d'étendre la modélisation à l'impact littoral, espérant aboutir à des expérimentations en 2011.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur le degré de prévision des perturbations qui venaient de frapper la Côte d'Azur, M. Laurent Michel a répondu qu'une alerte nationale avait été émise plusieurs heures à l'avance par Météo France, à travers un avis de tempête et de très fortes vagues. Convenant que l'anticipation des inondations résultant de crues était bien mieux maîtrisée que celles provenant de submersions marines, il a plaidé pour un croisement du dispositif de prévision avec les plans communaux de secours (PCS), relevant du ministère de l'intérieur et dont il a observé le degré d'appropriation extrêmement variable localement.
M. Bruno Retailleau, président, ayant plaidé pour que soit établi un lien entre les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) et les PCS, M. Laurent Michel a indiqué que la prévention devait consister en un ensemble de mesures cohérentes, selon une vision globale développée avec les plans d'action de prévention des inondations (PAPI) intégrant la gestion de l'eau, l'urbanisme, l'information des populations, l'animation et la conduite des projets. Reconnaissant qu'ils existaient surtout dans les bassins fluviaux, il a rappelé l'objectif fixé récemment par la Secrétaire d'Etat chargée de l'écologie d'accélérer la couverture des communes situées dans les communes les plus exposées à la submersion marine.
M. Laurent Michel a reconnu que l'avancement des PPR littoraux était encore loin d'être satisfaisant, seuls 113 étant prescrits et 85 approuvés sur plus de 900 communes concernées. Il a fait état d'un aléa défini de façon satisfaisante pour les îles de Ré et d'Oléron, mais insuffisant à La Faute-sur-Mer et l'île d'Yeu. Il a noté que les autres types de PPR étaient davantage développés. Mentionnant une analyse en cours du retour d'expérience de ces plans à l'aune de la tempête Xynthia, il a indiqué qu'une étude en vue d'améliorer la base de connaissance historique de tels évènements était en cours.
A M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur l'opportunité d'une modification de l'aléa de référence, M. Laurent Michel a répondu qu'il devrait effectivement être réexaminé dans les zones touchées et que l'atlas des zones inondables devrait être approfondi, en veillant à intégrer les différences d'appréciation à l'échelle locale. L'élévation du niveau de la mer due au réchauffement climatique, de l'ordre de 40 cm à un mètre sur quelques décennies, devra également être intégrée. En tout état de cause, le degré de prévention des risques à mettre en oeuvre continuera de relever de la seule décision politique.
Sollicité par M. Bruno Retailleau, président, sur les procédures d'urbanisme, M. Laurent Michel a rappelé que les PPR, annexés aux PLU, s'imposaient à ces derniers. Evoquant la responsabilité des services de l'Etat dans la délivrance des permis de construire, par contrôle systématique de légalité ou par sondage, et l'obligation pour le préfet de déférer au tribunal administratif ceux lui paraissant illégaux, il a indiqué qu'une circulaire conjointe aux ministères en charge de l'intérieur et de l'environnement avait réaffirmé la priorité donnée à l'environnement. Pointant une application partielle d'outils existant en nombre suffisant, il a prôné, s'agissant des PPR, une amélioration de la connaissance de l'aléa ; une accélération de leur adoption, souvent en situation de blocage ; une clarification aux niveaux national et local des règles intangibles les régissant ; ainsi que la mise en oeuvre de solutions alternatives au déplacement des populations lorsque le foncier est trop élevé.
Questionné par M. Bruno Retailleau, président, sur l'opportunité de PPR « submersion marine », M. Laurent Michel a mentionné l'existence de PPR littoraux, dont l'application devrait être renforcée, et le cas échéant anticipée, dans les zones cartographiées comme prioritaires, qui devraient être recensées d'ici la fin de l'année, en réévaluant éventuellement l'aléa de référence.
Soulignant la complexité du code de l'urbanisme, M. Alain Anziani a jugé utile une clarification passant par l'intégration des différents éléments contenus dans les PPR, les PLU, les PAPI ou les PCS dans un document global. S'interrogeant sur l'opportunité de réaliser un plan-type permettant d'harmoniser les PPRI, il a envisagé la fixation d'une date butoir pour leur adoption.
M. Laurent Michel a fait observer que la révision des PLU pouvait être l'occasion d'intégrer des PPR. Le volet « aménagement du territoire » des schémas de cohérence territoriale (SCOT) présente l'intérêt d'intégrer les risques existants. Soulignant que les préfets n'étaient en rien tenus par de quelconques délais d'adoption des PPRI, il a suggéré que soit précisé dans un décret le délai maximal d'adoption, estimant à cet égard qu'une durée de trois ans semblait raisonnable. Voyant dans les PAPI l'expression d'une stratégie collective portée par les collectivités, avec l'appui de l'Etat, sur les réponses à apporter aux risques d'inondation, il a précisé qu'ils devaient s'intégrer dans les PPR, suggérant que soit détaillées par décrets les règles-types encadrant chaque catégorie de risque.
A M. Bruno Retailleau, président, qui lui demandait si l'élévation du niveau de la mer devait entraîner nécessairement le réhaussement des digues, M. Laurent Michel a recommandé d'adopter une vision globale en matière de protection. Il a rappelé qu'un plan de confortement des digues avait été annoncé à la suite de la tempête Xynthia. Si les digues ne doivent pas être érigées en vue d'urbaniser davantage, l'action des maîtres d'ouvrage doit en revanche être confortée, a-t-il poursuivi, évoquant l'accroissement du contrôle règlementaire des digues et barrages résultant de la loi sur l'eau du 30 décembre 2006.
Invité par M. Bruno Retailleau, président, à se prononcer sur l'opportunité de développer d'autres prescriptions de protection, M. Laurent Michel a estimé sous-développée la réduction de la vulnérabilité du bâti existant. Il a par ailleurs cité le rôle des dunes, dont il a recommandé le renforcement au vu des circonstances locales.
M. Bruno Retailleau, président, a fait mention du programme communautaire Theseus, doté de 6,5 millions d'euros et visant à établir une stratégie de protection des zones côtières.
Evoquant un livre blanc de la Commission européenne sur la connaissance des catastrophes naturelles, M. Laurent Michel a indiqué que la directive communautaire du 23 octobre 2007 relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation appelait, de façon très cohérente, à définir des territoires prioritaires, à protéger la vie humaine et l'activité économique, et à prendre en compte l'ensemble des risques d'inondation, qu'ils proviennent de ruissellement ou de submersion marine. Procédant à un emboîtement entre des stratégies définies à l'échelle nationale, des plans de gestion des risques d'inondation et des plans d'action locaux s'apparentant aux PAPI, elle implique la concertation de l'ensemble des acteurs : Etat, préfets, comités de bassin, et collectivités territoriales.
Regrettant que les outils existants en matière de prévention ne soient pas systématiquement utilisés et que l'adoption d'une vision globale conduise à oublier parfois l'essentiel, M. Dominique de Legge a déploré que le projet de loi portant engagement national pour l'environnement soit rédigé en des termes insuffisamment prescriptifs. Soulignant que le respect de la biodiversité impliquait, en premier lieu, la protection de l'homme, il a appelé à recentrer les documents d'urbanisme sur la protection des personnes.
Souscrivant à ces propos, M. Bruno Retailleau, président, a estimé que le contrôle de légalité des permis de construire délivrés dans les zones à risque devrait être systématique.
M. Laurent Michel a indiqué que des moyens humains supplémentaires seraient mobilisés au niveau ministériel en matière de prévention des risques, et que les actions seraient hiérarchisées, en précisant dans quelles zones les PPR devraient être réalisés de façon prioritaire.
Audition de M. Yann Boaretto, médiateur des assurances
Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Yann Boaretto, médiateur des assurances.
M. Bruno Retailleau, président, a souhaité connaître l'étendue exacte du mandat du médiateur des assurances.
M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a préalablement rappelé avoir occupé cette fonction suite à la catastrophe de la tornade qui a frappé le Val de Sambre, autour de la commune de Maubeuge, le 3 août 2008 ainsi qu'après le passage de la tempête Klaus du 24 janvier 2009, qui a principalement touché le sud-ouest de la France. Il a indiqué que ses différentes expériences de médiateur l'ont conduit à développer une certaine connaissance des acteurs concernés : les sociétés d'assurance privées tout d'abord, mais également les nombreux services de l'Etat concernés par les conséquences des catastrophes naturelles et l'indemnisation des victimes.
Sa mission s'agissant de la tempête Xynthia consiste surtout à veiller au bon déroulement des procédures d'indemnisation et à la qualité des relations entre les assureurs et les assurés. Il s'agit également d'encourager les assurances à s'organiser efficacement pour traiter rapidement les dossiers et verser les indemnisations dans des délais raisonnables.
M. Yann Boaretto a fait part de la méthode de suivi retenue. En accord avec les sociétés d'assurance, sur la totalité des 65 départements touchés par la catastrophe, un suivi fin est effectué sur les 24 départements où la vitesse du vent a été supérieure à 140 kilomètres à l'heure. Les quatre départements pour lesquels l'état de catastrophes naturelles a été reconnu dès le 2 mars 2010, ainsi que les communes d'autres départements ayant depuis cette date subi la même reconnaissance, font pour leur part l'objet d'une attention encore plus soutenue. Il a précisé ensuite que son mandat est antérieur à l'annonce du principe d'interdiction de reconstruction dans les « zones de solidarité » mais qu'il participe toutefois également au suivi du travail des assureurs sur ce dossier. Enfin, il a indiqué que les biens des collectivités territoriales relèvent de procédures particulières et qu'ils sont pour la plupart non assurables, à l'instar des infrastructures (voirie, digues...).
M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur le rôle particulier joué par le médiateur dans les zones d'acquisition amiable.
M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a fait état du traitement particulier réservé à ces sinistrés. En effet, les sociétés d'assurances indemniseront les biens abimés ou détruits sans que la remise en état soit effectuée, mais comme si elle devait avoir lieu. Bien que cette procédure se déroule dans un cadre juridique incertain, les assureurs n'ont pas soulevé de difficultés. L'Etat indemnisera les personnes concernées selon la valeur vénale des biens antérieure à la catastrophe, en déduisant la part prise en charge par les assurances privées au titre de la remise en état. En dépit du caractère relativement scriptural de l'opération, une coordination étroite entre les services de France Domaine et les assureurs, au nombre de près de 300, est nécessaire.
M. Bruno Retailleau, président, a évoqué le risque d'un ralentissement du rythme des procédures d'expertise conduites par les assureurs face à l'action des évaluateurs de France Domaine.
M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a distingué deux phases dans le travail d'expertise des assureurs :
- la phase de « reconnaissance », au cours de laquelle l'expert prend la mesure générale des dégâts et classe les dossiers en fonction de leur degré de priorité. Ce travail peut se dérouler très rapidement et a souvent été réalisé pour les dégâts ne posant pas de difficultés ;
- la phase d'expertise détaillée, qui nécessite une activité plus longue. Ainsi trois ou quatre biens peuvent être visités au maximum par demi-journée. La mobilisation dans les départements touchés par la catastrophe apparaît satisfaisante puisqu'environ 150 experts sont présents sur le terrain.
Au total, les capacités des sociétés d'assurance semblent donc clairement supérieures à celles de France Domaine.
M. Alain Anziani, rapporteur, s'est interrogé sur les difficultés qui pourraient résulter des différences dans les méthodes d'évaluation utilisées par les assurances, d'une part, et par France Domaine, d'autre part.
M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a rappelé que son rôle de médiateur ne consiste pas à arbitrer les conflits mais à prévenir leur formation. Il a estimé que le risque de difficulté est fortement réduit par la coexistence de deux opérations indépendantes, conduites parallèlement par les assureurs et par l'Etat. La première porte sur la valeur d'indemnisation en vue d'une remise en l'état alors que la seconde consiste à indemniser les sinistrés selon la valeur vénale de leurs biens immobiliers. Le seul obstacle réel pourrait résider dans le cas d'un bien évalué par France Domaine à une valeur inférieure à celle proposée par les sociétés d'assurance. M. Yann Boaretto a donc fait valoir que la question du partage du coût entre l'Etat et les assureurs peut être assimilé à un faux problème, sachant que le seul point qui importe réellement pour les sinistrés est que l'indemnisation soit rapide et qu'elle soit faite à un juste prix.
M. Bruno Retailleau, président, a souhaité connaitre les modalités pratiques du suivi de la situation, particulièrement sur le plan des statistiques.
M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a indiqué la mise en place rapide de l'organisation suivante :
- les deux fédérations que sont la fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) et le groupement des entreprises mutuelles d'assurance (GEMA) ont toutes les deux nommé des coordonnateurs dans chacun des vingt quatre départements principalement touchés par la tempête. Ils centralisent les données et les dossiers pour l'ensemble des sociétés adhérentes ;
- les services de l'Etat, en particulier les préfectures très mobilisées de Vendée et de Charente-Maritime, coordonnent localement l'action publique, consécutivement à la tempête. Des réunions régulières sont ainsi organisées entre les services préfectoraux, les directions départementales des finances publiques, les directeurs de succursales de la Banque de France, les collectivités territoriales et leurs services techniques, et, enfin, les sociétés d'assurances. Il convient également de noter la participation à ces réunions du médiateur local du crédit. Celui-ci tout comme le représentant de la Banque de France assume une fonction importante de prévention des difficultés économiques des particuliers et des entreprises, surtout en matière de surendettement.
M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'existence de plaintes de la part des sinistrés quant aux procédures d'indemnisation.
M. Yann Boaretto, Médiateur des assurances, a souligné le faible nombre de dossiers transmis. Les tableaux de suivi établis deux fois par semaine montrent que les motifs d'insatisfaction sont le plus souvent formels - ils peuvent ainsi porter sur l'application des franchises ou sur les délais de visite des experts. Les questions de fond, portant sur la technicité assurantielle elle-même, sont très rares.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, M. Yann Boaretto a relevé l'existence au 28 avril 2010 de 19 dossiers, dont seuls 8 nécessitent une analyse plus poussée. Le taux de résolution des problèmes transmis est de cent pour cent à ce jour et doit beaucoup à la mobilisation des sociétés d'assurance, dont les préoccupations commerciales les conduisent à souhaiter conserver une bonne image. Un seul cas, ayant conduit à une pollution par dispersion d'huile, apparaît relativement complexe à régler. Tous les dossiers nécessitant une analyse poussée sont transmis et traités au niveau des fédérations des sociétés d'assurance.
M. Bruno Retailleau, président, a observé que les biens non assurables des collectivités territoriales font l'objet de procédures exceptionnelles d'indemnisation.
M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a tout d'abord observé l'absence de difficultés dans les relations entre les assurances privées et les collectivités territoriales. S'agissant ensuite des biens non assurables, il convient de les déterminer précisément sachant que les collectivités peuvent souvent choisir le classement sur option de leurs biens au sein de cette catégorie. Il a indiqué que son mandat de médiateur ne s'étend pas jusqu'aux dispositifs de prise en charge, au titre de la solidarité nationale, des biens non assurables des collectivités territoriales.
M. Alain Anziani, rapporteur, a évoqué la problématique spécifique de l'indemnisation des meubles.
M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a distingué les cas de présence des biens mobiliers dans les locaux, des situations où ils étaient situés à l'extérieur au moment de la catastrophe, à l'instar du matériel et de la production des ostréiculteurs. Ces deux types de configuration conduiront à des régimes d'indemnisation différents.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, et à M. Alain Anziani, rapporteur, M. Yann Boaretto a observé que les dossiers d'indemnisation des fonds de commerce seraient résolus sans difficultés.
M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'indemnisation des professionnels, en particulier à travers la mobilisation du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) et du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA).
M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a tout d'abord observé que la première limite des indemnisations pour les professionnels consiste en l'application d'une franchise d'une valeur de 10 % des biens. Il s'agit d'une pénalité assez forte, surtout que le FISAC ne prévoit pas le remboursement de la franchise. Toutefois, une certaine souplesse pourrait être appliquée par la commission chargée de procéder à l'évaluation des aides au titre du FISAC. Il convient de noter que pour les particuliers, cette franchise est plus réduite : elle est soit prévue contractuellement, soit d'un montant de 380 euros pour les dégâts résultant de catastrophes naturelles.
Pour ce qui concerne le FNGCA, il s'agit d'une compétence du ministère de l'agriculture et M. Yann Boaretto a donc regretté son incapacité à pouvoir répondre à la question posée.
M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'opportunité d'une réforme du régime assurantiel des catastrophes naturelles - appelé régime « catnat » - ainsi que du fonds Barnier.
M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a attiré l'attention de la mission sur le faible intérêt du classement en zone de catastrophe naturelle en matière d'indemnisation par les assurances. En effet, il ouvre une procédure plus lourde et induit des franchises plus élevées. Ce régime catnat est en revanche favorable aux assureurs puisqu'il conduit à faire de l'Etat le payeur en dernier ressort par l'intermédiaire de la Caisse centrale de réassurance (CCR). Un autre de ses intérêts réside dans la prise en charge des risques non assurables, à l'instar des inondations.
M. Bruno Retailleau, président, a déploré le caractère non assurable du risque inondation.
M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a souligné que les risques climatiques font progressivement l'objet d'une prise en charge dans les contrats d'assurance de droit commun. Il a relevé que l'indemnisation du risque tempête sans nécessiter l'intervention du régime catnat résulte notamment d'un arrêt du Conseil d'Etat du 10 février 1993, « Etablissements Jean Diant et compagnie ».
La déclaration de l'état de catastrophes naturelles possède surtout une dimension psychologique. Elle permet en effet de reconnaître la gravité de la catastrophe subie par les victimes et de témoigner à celles-ci la mobilisation de la communauté nationale. Une confusion semble souvent faite entre cet aspect rassurant et la possibilité d'une extension de la couverture assurantielle. L'indemnisation suite au déclenchement du régime catnat est en effet dans l'ensemble plus lente et moins favorable aux sinistrés. Il convient donc de mobiliser un tel régime sans faire preuve de précipitation.
M. Yann Boaretto a donc en outre regretté le classement rapide et parfois peu pertinent de la totalité de quatre départements en zone de catastrophes naturelles dès le lendemain de la tempête alors que certains d'entre eux, notamment les Deux Sèvres, avaient principalement subi les effets du vent et non des inondations, ce qui rendait inutile la reconnaissance de l'état de catastrophes naturelles d'un point de vue assurantiel.
Pour ce qui concerne la réforme du régime catnat lui-même, il a attiré l'attention sur la nécessité de recourir au budget de l'Etat avec une préoccupation marquée d'économie et de bonne gestion.
M. Bruno Retailleau, président, a relevé à son tour le caractère assez symbolique de la reconnaissance de l'état de catastrophes naturelles. Il s'est ensuite ému de l'évaluation annoncée par France Domaine du coût des indemnisations dans les zones d'acquisition amiable : alors que M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, lors de son audition par la mission avait fait part d'une fourchette comprise entre 300 et 400 millions d'euros, il s'agirait plutôt d'un ordre de grandeur de 800 millions d'euros. La capacité financière du fonds Barnier paraît donc totalement dépassée.
M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, est convenu de l'augmentation des montants estimés, notamment sous l'effet de la hausse du nombre de biens à indemniser. Il a observé la valeur foncière souvent considérable des habitations concernées. Pour ce qui concerne le financement de ces opérations de rachat, le fonds Barnier ne semble pas l'instrument le plus pertinent pour faire face à leurs enjeux. En effet, d'une part, il ne prévoit pas le risque de submersion et, d'autre part, il fixe le principe d'un plafonnement du montant à indemniser - aujourd'hui établi à 60.000 euros. Ces deux dispositions pourront être aménagées mais il devrait plutôt s'agir de procéder à une révision plus globale de l'architecture du fonds. Son mode de financement, un prélèvement de 12 % sur l'enveloppe du régime catnat, lui-même appuyé sur un prélèvement de 12 % du montant des surprimes des contrats d'habitation, apparaît complexe. Son utilisation croissante pour des études limite de plus ses marges de manoeuvre, alors que sa capacité à être mobilisé serait accrue par la constitution de réserves.
M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la révision des règles d'abondement du fonds Barnier.
M. Yann Boaretto, médiateur des assurances, a plaidé pour une segmentation du fonds en deux enveloppes fixes : une part déterminée serait consacrée à des activités d'études et de prévention tandis que la majeure partie des crédits serait destinée à des indemnisations. Il a estimé que l'utilisation du fonds en vue de l'indemnisation des sinistrés dont les habitations sont classées en zone d'acquisition amiable nécessitera la mise à disposition de moyens financiers adéquats. Dans le cas où un mécanisme d'avances par l'Etat serait envisagé, la Caisse centrale de réassurance (CCR) pourrait servir d'intermédiaire.
En réponse à M. Alain Anziani, rapporteur, M. Yann Boaretto a déclaré ne pas avoir eu connaissance de refus d'indemnisations par les assureurs au motif d'une non appartenance aux zones d'acquisition amiable. Il a toutefois précisé avoir entendu parler de tels refus sans qu'aucun élément matériel ne lui ait été soumis à ce sujet.
M. Alain Anziani, rapporteur, a ensuite évoqué la possibilité de cession à l'amiable pour les propriétés situées hors des « zones de solidarité », dans des communes classées en zone de catastrophes naturelles par exemple.
M. Yann Boaretto a observé que des demandes d'évaluation ont déjà été adressées aux préfectures pour des biens immobiliers ne relevant pas des zones d'acquisition amiable. Il a notamment fait état d'une dizaine de cas. La mise en oeuvre d'une telle procédure d'indemnisation, tout comme son rejet, nécessitera une expertise juridique poussée de la part des services de l'Etat, à la lumière du principe d'égalité. A cet égard, le Gouvernement pourrait utilement solliciter l'avis du Conseil d'Etat.
En conclusion, M. Yann Boaretto a annoncé le résultat des dernières compilations des données transmises par les deux fédérations de sociétés d'assurance et consacrées aux 24 départements où la vitesse du vent a été supérieure à 140 kilomètres à l'heure :
- 377.328 sinistres ont été déclarés dont 28.587 au titre du régime catnat ;
- 35 % ont été réglés ou sont sur le point de l'être ;
- 9,3 % des dossiers ont bénéficié du versement des indemnisations.
Les données disponibles montrent que les départements de Vendée et de Charente-Maritime représentant une part importante des indemnisations, en particulier au titre du régime catnat, ce dernier constat correspondant à l'impact des phénomènes de submersion.
S'agissant de la couverture des dégâts dans le monde agricole, et sur la base d'un échantillon de 14.467 dossiers de sinistres de la fédération française des assurances (FFSA) :
- 26,6 % de ces dossiers ont été réglés ou sont sur le point de l'être ;
- environ 0,5 % ont conduit au versement d'indemnités ;
- seuls 3,9 % des agriculteurs sinistrés relèveraient du régime catnat.
Audition de M. Loïc Prieur, avocat spécialisé en droit de l'urbanisme et loi du littoral
Enfin, la mission a procédé à l'audition de M. Loïc Prieur, avocat spécialisé en droit de l'urbanisme et du littoral.
En réponse à M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur les causes de la catastrophe créée par la tempête Xynthia, M. Loïc Prieur a estimé qu'à l'évidence, ce drame mettait en cause le droit de l'urbanisme et en particulier de l'urbanisme sur le littoral. Il a cependant ajouté que la création de dispositifs juridiques nouveaux dans le code de l'urbanisme ou dans le code de l'environnement ne lui semblait pas nécessaire car de nombreux instruments juridiques étaient disponibles pour faire face à de telles situations. L'instrument de droit commun, l'ex-plan d'occupation des sols (POS) devenu plan local d'urbanisme (PLU) permet, dès lors que le risque est avéré, de rendre des terrains inconstructibles. Si un PLU ne le prévoit pas dans de telles circonstances, il peut être annulé par le juge administratif pour erreur manifeste d'appréciation.
M. Bruno Retailleau, président, a demandé s'il ne fallait pas intégrer les plans de prévention des risques naturels (PPRN) aux plans locaux d'urbanisme (PLU) plutôt que de simplement les annexer.
M. Loïc Prieur a répondu qu'il conviendrait plutôt de hiérarchiser les PPRN et les PLU, afin de subordonner ces derniers aux prescriptions des premiers. Il a convenu que, en cas de modification d'un PPRN, il serait logique de prévoir une modification systématique du PLU.
En réponse à M. Alain Anziani, rapporteur, il a confirmé que les PLU avaient déjà vocation à intégrer les risques et qu'il était possible de rendre des terrains inconstructibles en application des PPRN. Il a indiqué que la partie réglementaire des PLU, directement opposable, permettait une gradation des contraintes en fonction des risques, depuis des prescriptions de construction spécifiques jusqu'à l'inconstructibilité. Ainsi, dans certaines zones touchées par la submersion marine, on aurait pu imposer des constructions à deux étages plutôt que d'imposer un seul niveau d'habitation pour des raisons esthétiques.
M. Bruno Retailleau, président, a demandé s'il fallait lier ces plans et les plans communaux de sauvegarde (PCS).
M. Loïc Prieur a répondu que l'on avait déjà rendu le droit de l'urbanisme complexe, avec de nombreuses références à prendre en compte, si bien qu'il n'était pas certain de l'opportunité de lier ces documents.
M. Bruno Retailleau, président, a demandé si la séparation entre, d'une part, les prescriptions du code de l'environnement, notamment issues de la loi du 3 janvier 1986 dite « loi Littoral » et, d'autre part, celles du code de l'urbanisme, ne créait pas des difficultés juridiques.
M. Loïc Prieur a confirmé que les sources juridiques étaient éclatées mais que cela ne posait pas de problème dès lors qu'elles étaient coordonnées. Il a ajouté que la loi Littoral de 1986 ne contenait pas d'objectifs en termes de sécurité publique, cette notion n'apparaissant que de manière indirecte dans la prise en compte de l'érosion des côtes, qui permet d'étendre la bande de 100 mètres inconstructibles sur le rivage. Pour deux lotissements durement frappés par la tempête Xynthia dans la commune de La Faute-sur-Mer (Les Doris et Les Voiliers), les espaces d'urbanisation concernés n'étaient pas inconstructibles en application de la loi Littoral.
M. Bruno Retailleau, président, a demandé si, dès lors, la loi Littoral ne devait pas prendre en compte des objectifs de sécurité.
M. Loïc Prieur a répondu qu'il avait étudié ce thème avec l'association France Nature Environnement et qu'il envisageait deux pistes de réflexion : d'une part, la prise en compte des risques de submersion marine parmi les objectifs de la loi Littoral avec la possibilité d'étendre la bande des 100 mètres inconstructibles dans ce cas et non plus pour de seuls motifs d'érosion de la côte ; d'autre part, l'extension des espaces naturels remarquables et inconstructibles pour des motifs liés aux risques de submersion marine et non plus pour des seuls motifs paysagers. Il a toutefois ajouté que l'on disposait déjà, dans le code de l'urbanisme, des instruments juridiques nécessaires pour rendre des terrains inconstructibles.
M. Bruno Retailleau, président, a fait observer que, malgré ces instruments, nombre de permis de construire avaient été délivrés sur des terrains durement touchés par la tempête, apparemment en toute légalité.
M. Loïc Prieur a reconnu que l'Etat, chargé la plupart du temps de l'instruction des permis de construire, et surtout responsable du contrôle de légalité, n'avait pas joué pleinement son rôle. L'Etat doit de plus donner son accord pour les constructions proches du rivage. L'article R. 111-2 du code de l'urbanisme permet à l'Etat de déférer un permis de construire au tribunal administratif pour des motifs de sécurité publique.
En réponse à M. Alain Anziani, rapporteur, il a confirmé que l'on enregistrait seulement un taux de 0,024 % de déférés préfectoraux et que chaque agent chargé du contrôle de légalité devait traiter 8.000 dossiers par an. Il s'agit donc d'abord d'une question de moyens et ensuite de volonté politique.
Répondant à M. Bruno Retailleau, président, qui a suggéré que le contrôle de légalité soit rendu systématique pour les constructions dans les zones à risques, M. Loïc Prieur a fait valoir que l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme permettait déjà aux préfets d'agir.
M. Bruno Retailleau, président, a souligné qu'il n'existait pas de réelle culture du risque en France et que l'Etat se montrait parfois plus tatillon pour la protection des espèces animales et végétales que pour des motifs de sécurité publique.
M. Loïc Prieur a indiqué que, outre le motif de déféré prévu à l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, un déféré était possible en application de la loi Littoral pour des motifs liés à l'absence de continuité d'une agglomération ou de villages. Mais l'expérience montrait, par exemple à Belle Ile en Mer, que les déférés touchaient des questions de paysages et non de risques.
M. Bruno Retailleau, président, a demandé quelles mesures pourraient être prises pour être plus efficace en matière de prévention des risques.
M. Loïc Prieur a répondu qu'il était difficile à un juriste de dire comment mieux inculquer une culture du risque en France. Il s'est dit cependant surpris par le manque de connaissances juridiques tant des élus dans les petites communes que des agents de l'Etat. Il a souligné la nécessité de renforcer la formation sur le droit de l'urbanisme et du littoral mais aussi sur les aspects scientifiques et techniques.
M. Alain Anziani, rapporteur, a demandé s'il ne faudrait pas clarifier et mieux hiérarchiser les dispositions du code de l'urbanisme.
M. Loïc Prieur a souscrit à cette analyse, mais il a indiqué que cela serait compliqué car le code de l'urbanisme était devenu l'instrument juridique de toutes les politiques publiques ayant une incidence sur le sol. Il a ajouté qu'une meilleure articulation des normes applicables pourrait être recherchée.
M. Bruno Retailleau, président, a souhaité savoir s'il ne serait pas possible de s'inspirer des dispositifs relatifs aux établissements recevant du public qui fonctionnaient bien.
M. Loïc Prieur a estimé qu'en s'inspirant de ces dispositifs, on pourrait mieux associer à la confection des PLU les organismes ayant un savoir sur le risque.