Mardi 27 avril 2010
- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -Rémunération des salariés en procédure de reclassement - Examen du rapport - Examen des amendements - Adoption du texte de la commission
La commission examine la proposition de loi n° 504 rectifié (2008-2009), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur - Cette proposition de loi tend à mettre fin aux scandales des offres d'emploi indécentes. En cas de licenciement économique, les entreprises ont aujourd'hui l'obligation légale de présenter tous les emplois disponibles dans le groupe, ce qui les conduit à faire des propositions que les salariés estiment choquantes, par exemple celle de l'entreprise Carreman de Castres offrant à ses ouvriers des postes en Inde rémunérés 69 euros par mois.
M. Guy Fischer - C'est scandaleux !
Mme Catherine Procaccia - C'est nous qui avons fait la loi !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur - Pour tenter de mettre un terme à ces situations inacceptables, la proposition de loi de notre collègue député Philippe Folliot légalise, dans la procédure de licenciement, le recours au questionnaire préalable. Ce dispositif, que la Cour de cassation a censuré en 2009, évitera le renouvellement de tels scandales puisque l'employeur ne sera plus tenu de faire parvenir aux salariés que les offres correspondant à leurs aspirations.
Si l'idée est particulièrement pertinente, les auditions que j'ai menées et auxquelles le rapporteur à l'Assemblée nationale n'avait pas eu le temps de procéder, notamment celles de la Cour de cassation et de professeurs du droit du travail, ont révélé quatre difficultés.
Le point le plus embarrassant est qu'il n'est pas évident que le texte mette un terme aux scandales : aucun plancher de salaire n'étant prévu, il suffit que le salarié donne son accord de principe à une baisse de rémunération pour que l'employeur reste tenu de lui proposer toutes les offres disponibles, y compris celles à 69 euros que le salarié continuera de juger humiliantes. Si l'employeur essaie d'éviter ce problème en demandant au salarié quel niveau de salaire il est prêt à accepter pour être reclassé, le scandale risque de se reporter sur le questionnaire et l'on reprocherait à l'employeur d'exercer une forme de chantage : plus la baisse acceptée dans le questionnaire est importante, plus le salarié aura de chances d'être reclassé. Si le Gouvernement élabore un questionnaire-type par circulaire, il sera accusé d'accompagner le dumping social.
La deuxième difficulté tient au caractère flou de la rédaction actuelle. Le qualificatif « éventuelles », appliqué aux restrictions portant sur les caractéristiques de l'emploi, laisse le champ libre aux interprétations, facilement contestables. Le salarié pourra, par exemple, souhaiter être reclassé « dans une grande ville » ou sur un métier « moins pénible ». Ce serait créer un « nid à contentieux ».
Troisièmement, le texte ne saurait, de l'avis formel du président du conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, s'appliquer aux entreprises en liquidation judiciaire : le mandataire liquidateur ne disposant que de quinze jours pour remplir sa mission, si l'on défalque les six jours de réponse au questionnaire, il ne pourra effectuer toutes les démarches et la procédure suivie pourra être contestée par les salariés, et avec succès.
Quatrièmement, les syndicats de salariés ont fait valoir qu'un tel questionnaire permettrait à un employeur, si les questions sont orientées à cette fin, de se dédouaner de ses obligations de reclassement, en posant par exemple la question : « accepteriez-vous une offre qui ne reprend pas vos avantages actuels ? ».
Ces difficultés ne sont pas mineures. Si l'on veut mettre un terme au scandale des offres indécentes, il est inévitable d'introduire un plancher salarial légal pour les offres de reclassement. L'employeur ne doit plus avoir ni l'obligation ni le droit d'adresser au salarié des offres de reclassement à l'étranger dont la rémunération est inférieure au smic. Il ne faut pas pour autant empêcher les salariés expatriés en France qui y sont prêts, à travailler dans leur pays d'origine, même avec une rémunération moindre. Dans ce cas, ils pourront, s'ils le demandent par écrit, recevoir des offres à l'étranger à un salaire inférieur au smic. Nous protègerions ainsi l'immense majorité des salariés et des employeurs contre l'obligation de recevoir ou d'envoyer des offres choquantes, tout en conservant la souplesse nécessaire.
Pour purger les sources de contentieux, je propose donc de retirer du texte les termes « notamment » et « éventuelles ». Le champ du questionnaire ne serait plus illimité mais porterait uniquement sur le souhait d'aller travailler à l'étranger.
Enfin, il est difficile de ne pas tenir compte des remarques sur l'inapplicabilité du texte aux cas de liquidation judiciaire. Le président du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires est très favorable à ce que la procédure du questionnaire ne s'applique pas dans ces situations.
Ceci étant, je vous indique que le Gouvernement préfèrerait que nous ne touchions pas au texte actuel. Il s'agit d'un arbitrage entre l'urgence et le règlement au fond du problème. Vaut-il mieux adopter un texte rapidement, quitte à ce qu'il ne s'applique pas bien, ou construire un dispositif opérationnel et sécurisé, quitte à retarder sa mise en oeuvre de quelques mois ? J'ai tendance à penser que pour répondre à cette question très médiatique, il est de l'intérêt de tous de la traiter au fond.
Mme Catherine Procaccia - Je découvre un peu le texte. Les arguments présentés suscitent beaucoup d'interrogations : par exemple, bien que le problème soit médiatique, j'ignorais qu'il durait depuis quinze ans. Il faut modifier la loi.
M. Paul Blanc - Le principe de précaution, ça suffit !
Mme Catherine Procaccia - En France, nous avons un salaire-plancher, c'est le smic. Cependant, nos règles ne s'appliquant pas à l'étranger, comment jouera ce seuil salarial ? Par ailleurs, en quoi consistent des offres qui correspondent aux aspirations des salariés : doivent-elles assurer le même salaire et correspondre au même travail ? Que peut-on faire en cas de liquidation judiciaire ? On ne doit pas construire le texte sur des cas douloureux, mais ponctuels. Enfin, si l'on ne vote pas ce texte conforme, le risque n'est-il pas réel qu'il soit reporté de six à huit mois, voire plus ?
Mme Annie David - Parlons d'abord de ces offres qui s'adressent à des salariés victimes d'un licenciement économique à qui l'on propose des emplois à 69 euros en Inde. Notre priorité doit être de penser surtout aux hommes et aux femmes concernés. La proposition de loi initiale avait l'avantage de se limiter à prévoir que les offres d'emploi seraient d'une rémunération équivalente. Nous l'aurions alors votée. Cependant, elle a été complétée à l'Assemblée et j'avais relevé plusieurs inconvénients de sa rédaction actuelle, à commencer par le fait qu'elle ne mettra pas fin au scandale des offres à 69 euros alors que les actionnaires continueront de percevoir des dividendes - n'est-ce pas l'objectif des licenciements ? Il est vrai qu'un salaire du niveau du smic versé à un salarié français travaillant en Inde serait susceptible de donner des idées aux employés locaux...
J'attends, bien sûr, l'examen des amendements, mais je remarque que vous maintenez le questionnaire préalable. Vous enlevez ainsi un petit droit aux salariés qui leur permet aujourd'hui de gagner devant les prudhommes parce que l'employeur n'a pas respecté ses obligations. Nous ne pourrons pas voter cela. Plutôt que de se précipiter sur un texte de circonstance qui créera d'autres contentieux, prenons le temps de travailler.
Mme Jacqueline Alquier - J'ai vécu cette situation car l'entreprise Carreman est implantée près de Castres. Cette décision était une forme de provocation ; on ne pouvait pas la tolérer. Accepter un déracinement est difficile, surtout quand il s'agit de partir vers un pays inconnu, dont on ignore le niveau de vie. Proposer le smic est le strict minimum. Les grandes entreprises font des propositions intéressantes à leurs cadres quand elles veulent s'implanter dans ces pays. Mais il s'agit ici de délocaliser : si tout est permis au patronat, pourquoi se gêner ?
Quant aux jeunes issus des minorités et qui pourraient trouver des opportunités dans les pays émergents, on trouve le moyen de rogner sur leurs salaires ! Non, je le répète, nous sommes extrêmement réservés à l'égard de ce texte.
M. Claude Jeannerot - Je découvre le texte, je n'ai pas eu le temps de la réflexion, mais je m'interroge sur la nécessité de ce questionnaire préalable. Le droit du travail impose surtout une bourse des offres d'emploi, mise à disposition des salariés. A eux ensuite de se déterminer ! Pourquoi encadrer ainsi les relations ultérieures entre le salarié et l'employeur ? La référence au smic ne me satisfait pas. La seule exigence qui vaille est celle d'un salaire équivalent à la rémunération antérieure.
M. Guy Fischer - Parlons de ce qui est au coeur des préoccupations du plus grand nombre des salariés confrontés à la perspective du chômage - car les demandeurs d'emploi seront 300 000 de plus d'ici la fin de l'année...
Le rapport de Jean-Marie Vanlerenberghe est clair : il s'agit d'assécher les sources, aujourd'hui inépuisables, de contentieux. Mais l'écrasement des rémunérations, qui préoccupe tous les sénateurs de gauche, ne saurait laisser insensibles les autres membres de la commission. Les profits commandent et l'emploi devient la variable d'ajustement ; cela mène à des catastrophes. Les occupations des locaux d'entreprises sont de plus en plus dures : souvenez-vous des bombonnes de gaz ! Je suis étonné qu'on n'ait pas vu encore d'incidents plus graves.
Ce texte ne fait que créer un pare-feu et me semble très insuffisant. Nous verrons d'ici la séance publique comment nous nous déterminerons.
Mme Catherine Procaccia - La loi de modernisation du dialogue social a prévu une concertation avec les partenaires sociaux pour tout texte de loi en matière de droit du travail - disposition que nous devons au président Gérard Larcher, alors ministre, et qui a depuis pris l'initiative d'une procédure expérimentale assez semblable pour les propositions de loi. Ce dispositif ne trouve-t-il pas application en l'espèce ?
Mme Muguette Dini, présidente - Cette proposition de loi n'entre pas dans le champ du protocole car le texte a déjà été voté à l'Assemblée nationale. Si l'initiative en avait été prise au Sénat, en revanche, nous aurions dû effectivement organiser une telle concertation.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur - Cette proposition de loi n'est pas essentielle mais elle touche à l'essentiel... La loi sur le reclassement a été votée en 2002 et des gouvernements de droite et de gauche y ont contribué. La volonté du législateur était d'offrir aux salariés une diversité de propositions en cas de licenciement. Or cette obligation légale a entraîné des effets pervers, je veux parler de ces offres à 69 euros. Le questionnaire préalable ne fait que limiter ce risque ; et je souhaite, pour ma part, le supprimer entièrement. Nous pourrions voter la proposition de loi telle quelle, en estimant qu'elle va dans le bon sens. Mais je plaide pour la border juridiquement. Si nous y apportons des modifications, nos collègues députés pourront la réexaminer, à l'initiative du Gouvernement, ce qui est tout à fait possible ! Le ministre m'a indiqué que cela serait difficile avant juillet mais possible ensuite.
Le plancher salarial peut tout à fait s'appliquer aux offres à l'étranger : il suffit que les entreprises se dotent du système d'information nécessaire, et personne ne peut croire que c'est très compliqué. Les liquidations judiciaires représentent 15 % à 25 % des licenciements économiques, on ne peut pas ignorer le problème, comme le fait pourtant le texte actuel.
Certes, le texte a recueilli un large consensus à l'Assemblée nationale puisqu'il a été voté par tous les groupes, hors l'abstention des députés communistes. Pour autant, sa rédaction n'est pas pleinement satisfaisante. J'ai eu le souci de parvenir à un texte juridiquement plus sûr et plus opérationnel. Si le sujet est jugé suffisamment important, l'Assemblée trouvera bien un créneau horaire pour l'examiner à nouveau ! Nulle remise en cause du fond de notre part. Du reste, ce que nous ajoutons, l'Assemblée l'avait envisagé. On ne saurait voir dans notre rédaction une intrusion menaçante.
Article unique
Mme Muguette Dini, présidente - L'amendement présenté par le rapporteur propose une nouvelle rédaction de cet article :
Rédiger ainsi cet article :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 1233-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-4. - Le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement du salarié ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
« Lorsque l'entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l'employeur demande au salarié, avant l'entretien prévu à l'article L. 1233-11 ou après la dernière réunion des représentants du personnel prévue aux articles L. 1233-29 et L. 1233-30, s'il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire. Le salarié manifeste son accord dans un délai de six jours à compter de la réception de la proposition de l'employeur. L'absence de réponse vaut refus.
« L'employeur adresse par écrit au salarié les seules offres précises de reclassement correspondant aux mobilités géographiques que ce dernier a acceptées.
« Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi similaire assortis d'une rémunération au moins équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, il s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure, dont la rémunération est au moins égale au salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2.
« En cas de liquidation judiciaire, les deuxième et troisième alinéas du présent article ne s'appliquent pas. » ;
2° Après l'article L. 1233-4, il est inséré un article L. 1233-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-4-1. - Par dérogation à l'article L. 1233-4 et sur demande écrite du salarié, adressée à l'employeur dans un délai de six jours à compter de la réception de la proposition mentionnée au deuxième alinéa du même article, l'employeur transmet par écrit au salarié les offres de reclassement situées en dehors du territoire national dont la rémunération est inférieure au salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2. Avec l'accord du salarié, son reclassement s'effectue sur un des emplois correspondant à ces offres. »
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur - Cet amendement réécrit l'article unique, pour remédier aux quatre difficultés que j'ai évoquées : il introduit un plancher salarial légal, il supprime les mentions qui peuvent déboucher sur un contentieux, il resserre le champ du questionnaire, il précise les délais. Enfin, il exclut le cas de la liquidation judiciaire.
M. Gérard Dériot - Si nous réécrivons entièrement l'article, comment imaginer que nous pourrons nous mettre d'accord avec les députés sur cette rédaction ? Le texte de l'Assemblée nationale constitue déjà un progrès !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur - Il est dans les habitudes de travail du Sénat de toujours chercher à améliorer les textes, s'il y a lieu. Ici, il convient de retenir une rédaction juridiquement plus claire. Ceci étant, si cet amendement, techniquement, se présente sous la forme d'une rédaction globale du texte, il en reprend intégralement plusieurs alinéas, sans changement, et procède à quelques aménagements. J'ajoute que d'ici le 4 mai, date du passage du texte en séance publique, nous aurons toute possibilité de négocier avec l'Assemblée nationale et le ministre des affaires sociales, Eric Woerth. Si un accord ne devait pas être trouvé, si l'on nous demande alors d'adopter conforme la proposition, chers collègues, vous en déciderez !
Mme Annie David - Nous ne voterons pas le texte du rapporteur. Il est incontestablement meilleur sur le plan juridique mais identique sur le fond à celui de l'Assemblée nationale. Et surtout, le salarié ne pourra plus s'appuyer sur les failles actuelles de la rédaction pour aller aux prud'hommes ! Le texte s'appliquera plus facilement, ce que nous ne voulons pas !
En outre, le délai de réflexion est insuffisant. Comment imaginer que le salarié, assommé par la nouvelle de son licenciement, puisse répondre sous six jours ? L'absence de réponse valant refus, l'employeur aura gagné, il sera dégagé de toute obligation. Et à quoi correspond la « mobilité acceptée » ? La proposition visait à protéger le salarié contre les offres d'emploi indécentes. Mais la conséquence de votre rédaction, c'est que personne n'aura connaissance de la situation de l'entreprise et que celle-ci pourra délocaliser tranquillement pour satisfaire les appétits des actionnaires.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur - Nous ne nous plaçons pas sur le même terrain. Notre souci est de protéger le salarié licencié ; vous refusez tout licenciement. Un syndicaliste nous a même suggéré de changer toute la loi sur le licenciement : je siège au Conseil d'orientation sur l'emploi et je peux vous indiquer que nous travaillons sur la question du reclassement, mais certainement pas à tout remettre en cause ! Annie David rêve qu'il n'y ait plus un seul licenciement.
Mme Annie David - Je n'ai jamais dit cela : je refuse les licenciements sans fondement économique réel. Caterpillar à Grenoble a mis plus de huit cents personnes au chômage et dans le même temps le dividende des actionnaires a augmenté ! Pendant ce temps, un contrat de revitalisation est mis en oeuvre, les réunions se succèdent à la préfecture et l'Etat verse des indemnités aux chômeurs.
Mme Catherine Procaccia - Le rapporteur pense pouvoir trouver d'ici la semaine prochaine un compromis avec les députés. Peut-être vaudrait-il mieux que nous n'adoptions pas son amendement aujourd'hui, et qu'il nous soumette en séance, en son nom ou au nom de la commission si elle en décide ainsi, un amendement reprenant la teneur de ce compromis.
Mme Muguette Dini, présidente - Si nous rejetons aujourd'hui l'amendement du rapporteur, la commission ne pourra le soutenir en séance.
Mme Catherine Procaccia. - Mais peut-être est-il possible de trouver une rédaction qui satisfasse tout le monde.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur - Il me semble préférable d'adopter aujourd'hui cet amendement. Le Gouvernement aura toute latitude d'en déposer un autre en séance afin de revenir à la rédaction initiale, mais il devra s'en justifier et répondre à nos inquiétudes sur la sécurité juridique du texte et l'obligation de reclassement.
M. Gérard Dériot - Si nous modifions le texte de l'Assemblée nationale, jamais il ne sera réinscrit à l'ordre du jour.
L'amendement n'est pas adopté.
La commission adopte le texte de la proposition de loi tel que transmis par l'Assemblée nationale.
Mme Muguette Dini, présidente - Nous nous réunirons la semaine prochaine pour examiner les amendements extérieurs, qui devront être déposés avant le lundi 3 mai à midi.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur - Libre à nos collègues de déposer un amendement semblable à celui que vous venez de rejeter, mais ce serait peu cohérent... Peut-être trouverons-nous un terrain d'entente avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale : je crois que vous n'avez pas été insensibles à mes arguments.
Mme Catherine Procaccia - Seulement, nous n'avons pas eu le temps d'étudier convenablement ce texte !
M. Paul Blanc - Le rapporteur a fait un travail remarquable. Mais je hasarderai une comparaison. Je suis bricoleur et j'aime peindre. Lorsque mon pinceau dévie, plus j'essaie de rectifier l'erreur, plus je gâche l'ensemble. Il en va de même de cette proposition de loi : à trop vouloir l'améliorer, on risque de perdre beaucoup de temps. Si un accord est trouvé avec les députés et le Gouvernement, rien n'empêchera ce dernier de présenter la semaine prochaine un amendement en séance.
Mme Muguette Dini, présidente - Mais le texte devra alors faire l'objet d'une deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
M. Paul Blanc - Une rédaction consensuelle serait adoptée sans modification.
Mme Janine Rozier - Que Paul Blanc me permette de lui rappeler qu'avant de peindre, il faut préparer le support !
Mercredi 28 avril 2010
- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -Facilité d'accès aux stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux - Examen des amendements au texte de la commission
La commission examine les amendements sur la proposition de loi n° 190 (2009-2010), présentée par Nicolas About et Sylvie Desmarescaux, tendant à faciliter l'accès aux stages des étudiants et élèves travailleurs sociaux dans le texte n° 397 (2009-2010) adopté par la commission le 7 avril 2010 (Sylvie Desmarescaux, rapporteur).
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur - Avant d'étudier ces amendements, je vous propose un amendement rédactionnel tendant à supprimer un renvoi à la partie réglementaire du code de l'action sociale et des familles, ce qui n'est pas la règle dans un texte législatif.
L'amendement est adopté.
Puis la commission examine les amendements déposés sur lesquels elle prend les positions suivantes :
M. Jean-Pierre Godefroy - L'amendement n° 14 ne s'inscrit pas dans le cadre du présent texte puisqu'il propose la suppression d'une disposition adoptée lors de l'examen du projet de loi HPST. Or, celle-ci participe de « l'effet-domino » produit par la proposition de loi qui consiste à créer une nouvelle dérogation pour les étudiants travailleurs sociaux avec le risque d'atteindre d'autres secteurs et, in fine, de remettre en cause le principe même de gratification. Le montant de la rétribution des stagiaires est actuellement de 417 euros par mois, exonéré de charges, ce qui ne paraît pas excessif. Les employeurs qui estiment ne pas pouvoir supporter cette charge ne sont pas obligés d'accueillir des stagiaires. Il faudra également débattre de la possibilité d'assujettir les gratifications aux cotisations sociales afin que les jeunes puissent acquérir des droits à la retraite au titre de leurs années de stage.
M. André Lardeux - Les auxiliaires médicaux ne bénéficient pas de revenus élevés et il leur est donc difficile de prendre en charge les rétributions versées aux stagiaires. L'obligation de gratification présente le risque de décourager l'accueil d'étudiants. Cette question pose celle, plus globale, de l'organisation du cursus pédagogique des étudiants travailleurs sociaux. Ne faudrait-il pas s'interroger sur la place accordée aux stages au cours de la formation initiale et envisager le passage à une véritable formation par alternance ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur - Pour les auxiliaires médicaux libéraux, la charge mensuelle que représente la gratification d'un stagiaire est loin d'être négligeable.
M. Jean-Pierre Godefroy - L'objectif de la gratification est de lutter contre le travail dissimulé. Il n'est pas normal que les stagiaires, qui effectuent parfois des tâches dépassant le simple niveau de familiarisation avec leur futur secteur professionnel, ne soient pas rétribués pour le travail accompli.
La commission donne un avis défavorable à l'amendement n° 14.
Article unique |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Groupe CRC - SPG |
9 |
Suppression de l'article unique |
Défavorable |
Mme Annie David - Cet amendement n° 9 fait suite à une requête des étudiants travailleurs sociaux. Dans une lettre adressée à certains sénateurs, ils rappellent la nécessité de maintenir le principe de gratification et demandent que soit trouvée une solution pour garantir son financement.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle - J'ai rencontré de nombreux étudiants en travail social qui m'ont fait part de leur attachement à l'obligation de gratification des stages. En termes d'équité, l'exception proposée par le présent texte n'est pas satisfaisante.
M. Jean-Pierre Godefroy - La plupart des associations d'étudiants travailleurs sociaux demandent que la proposition de loi ne soit pas adoptée, dans la mesure où elle constitue une régression sociale. Ils réclament des solutions pour assurer le financement des gratifications. Le Gouvernement n'est sans doute pas très à l'aise avec ce texte puisqu'il remet en cause une disposition adoptée en 2006 et défendue par l'actuelle majorité. Sachant qu'un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) est en cours sur ce sujet, il n'est pas opportun de délibérer dès à présent sur cette proposition de loi.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur - A l'inverse, certains étudiants en travail social demandent bien à être exemptés de l'obligation de gratification. Ils poussent un véritable cri d'alarme : sans stage, ils ne peuvent pas valider leur formation et donc obtenir leur diplôme.
Mme Françoise Henneron - Je constate aussi la situation dramatique de nombreux étudiants qui recherchent désespérément un stage et qui, faute de proposition, sont prêts à renoncer à la gratification. Trouver des structures d'accueil est devenu un véritable parcours du combattant.
Mme Gisèle Printz - Je suis très hostile à la remise en cause du principe de gratification.
Mme Muguette Dini, présidente - L'objectif de la proposition de loi n'est pas de démanteler progressivement le principe de gratification mais de répondre à un problème concret : celui de la pénurie d'offre de stages à laquelle font face les étudiants travailleurs sociaux. Il s'agit d'une solution transitoire pour que ces jeunes puissent passer leurs examens et obtenir leur diplôme.
Mme Patricia Schillinger - L'exemption de gratification n'est pas une réponse acceptable et d'autres pistes méritent d'être étudiées.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle - J'ai adressé l'année dernière une question écrite au Gouvernement sur la question du financement de la gratification qui m'a répondu avoir pris les dispositions nécessaires afin que les directions régionales et départementales des affaires sociales (Drass et Ddass) assument la charge financière de la gratification, pour ce qui relève des établissements financés par l'Etat. Il a, par ailleurs, sensibilisé les conseils généraux à l'importance d'adopter la même démarche dans le cadre des financements qu'ils accordent aux structures dont ils sont l'autorité tarifaire.
M. Jean-Pierre Godefroy - La direction générale de la cohésion sociale affirme avoir prévu les financements nécessaires à la gratification dans le cadre de la gestion des enveloppes de crédits et ce, dès 2008. Selon les ministères sociaux, il s'agit davantage d'une question d'ingénierie financière que d'un problème financier à proprement parler.
M. Gérard Dériot - Le maintien du principe de gratification fait largement consensus. Toutefois, il faut bien reconnaître qu'un problème concret se pose aujourd'hui : celui de la raréfaction de l'offre de stages. L'objectif est donc de faciliter l'accès aux stages des étudiants travailleurs sociaux afin qu'ils puissent achever leur cursus. Pour les établissements d'accueil, il semble que les crédits nécessaires à la prise en charge des gratifications existent. En revanche, pour les professionnels libéraux, l'obligation de gratification représente une charge supplémentaire qui est loin d'être modique.
M. Claude Jeannerot - L'application de la mesure adoptée dans la loi pour l'égalité des chances de 2006 est effectivement problématique. Mais il est regrettable que, de ce constat, on conclue à la nécessité de créer une dérogation au principe de gratification obligatoire des stages. Il faut, au contraire, s'interroger sur les moyens qui permettraient d'atténuer les effets contre-productifs de l'obligation de gratification.
M. René Teulade - Un stage est un investissement, lequel mérite un salaire. Par ailleurs, dans le cadre du débat sur la réforme des retraites, la question de l'assujettissement des gratifications aux cotisations sociales mérite d'être posée. Il faudrait notamment permettre aux jeunes de cotiser durant leur période de stage pour acquérir des droits à la retraite.
Mme Janine Rozier - Mon sentiment est aussi que tout travail mérite salaire. Pourquoi ne pas envisager que les régions participent au financement des gratifications, sachant qu'elles exercent une compétence en matière de formation des travailleurs sociaux ?
La commission donne un avis défavorable à l'amendement n° 9.
Mme Muguette Dini, présidente - Dans sa rédaction actuelle, l'amendement n° 15 est passible d'irrecevabilité sociale. Il prévoit en effet la création au sein de l'Ondam médico-social d'un sous-objectif destiné au financement des gratifications versées aux stagiaires, mesure qui, en application de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, ne peut être prise qu'en loi de financement de la sécurité sociale.
M. Jean-Pierre Godefroy - Je regrette que cet amendement puisse être déclaré irrecevable et donc non débattu en séance publique, alors qu'il apporte une solution au problème du financement de la gratification des stagiaires. On justifie le bien-fondé de cette proposition de loi par des considérations financières et l'on nous empêche d'y répondre par des solutions financières ! Cette démarche n'est pas acceptable !
Mme Muguette Dini, présidente - Je comprends votre réaction et je pense qu'il suffit de rectifier le texte de votre amendement pour qu'il ne soit plus passible de cette critique, qui résulte uniquement du respect des règles organiques. Je vous propose de réserver l'examen de cet amendement jusqu'à la fin de notre réunion pour vous laisser le temps de lui apporter les corrections nécessaires.
M. Jean-Pierre Godefroy - Cette solution me convient.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur - L'amendement n° 12 pose un problème rédactionnel : tel qu'il est écrit, il sous-entend que seuls les stagiaires effectuant un stage en association bénéficient de l'indemnisation des contraintes liées à l'accomplissement de leur stage. Ce n'est sans doute pas le but recherché par son auteur.
La commission donne un avis défavorable à l'amendement n° 12.
Mme Annie David - L'idée consistant à attribuer un rôle aux régions dans le financement de la gratification des stages suppose que des ressources correspondantes leur soient attribuées. L'amendement n° 2 a pour objectif de réaffirmer que c'est à l'Etat, en tant qu'instigateur de la mesure, de prendre en charge les dépenses de gratification.
La commission donne un avis défavorable à l'amendement n° 2.
Article unique |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Gournac |
17 |
Clarification du contenu du rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur l'exemption de gratification |
Favorable |
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur - L'amendement n° 17 permet de clarifier l'objectif assigné au rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement avant le 31 décembre 2012. La rédaction proposée ne préjuge pas de la solution qui sera retenue pour le financement de la gratification. Toutes les pistes de réforme pourront donc être explorées.
La commission donne un avis favorable à l'amendement n° 17.
Mme Annie David - La question soulevée par l'amendement n° 7 a déjà été débattue lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances en mars 2006. Il ne concerne pas à proprement parler les stagiaires travailleurs sociaux, mais l'ensemble des jeunes effectuant un stage. L'expérience prouve que, dans les grandes entreprises, les stagiaires sont régulièrement victimes de pratiques abusives. Face à cette situation, l'objectif est ici d'éviter que les entreprises n'aient recours aux stagiaires pour remplacer des salariés et ainsi disposer d'une main d'oeuvre meilleur marché.
La commission donne un avis défavorable à l'amendement n° 7.
Article additionnel après l'article unique |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Groupe CRC - SPG |
4 |
Possibilité de déduire la totalité de la durée de stage de la période d'essai |
Défavorable |
Mme Annie David - Beaucoup d'entreprises font miroiter aux étudiants un contrat de travail à l'issue de leur période de stage. Or, lorsque cette perspective se concrétise, il s'avère que ceux-ci doivent faire encore leurs preuves dans le cadre de la période d'essai. C'est pourquoi l'amendement n° 4 vise à permettre de déduire de la période d'essai la totalité, et non plus la moitié seulement, de la durée du stage.
La commission donne un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Mme Annie David - La mission d'information sur le mal-être au travail a, lors d'un déplacement au technocentre de Renault à Guyancourt, interrogé la direction de l'entreprise sur la gratification des stagiaires. Celle-ci s'est enorgueillie du niveau de rémunération des étudiants accueillis puisqu'ils reçoivent 450 euros par mois au lieu du minimum fixé à 417 euros. L'écart paraît minime et cette somme reste pour le moins très insuffisante ! Il ne faut en effet pas oublier que les entreprises ne fonctionneraient pas aussi bien sans la présence de stagiaires. Ils sont d'ailleurs très nombreux au technocentre !
M. Jean-Pierre Godefroy - L'amendement n° 5 pose une question fondamentale : celle de l'assujettissement des gratifications aux cotisations sociales. Compte tenu de l'ampleur des déficits des régimes de retraite, ne faudrait-il pas envisager que la rétribution des stages donne lieu au paiement de cotisations ? Ce débat doit assurément être lancé dans le cadre de la réforme des retraites prévue pour cette année.
Mme Muguette Dini, présidente - Dès lors que l'amendement n° 16 complète la mesure proposée à l'amendement n° 15 précédemment réservé, je vous propose, par cohérence, de reporter son examen à la fin de la réunion de commission.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur - L'amendement n° 13 est la conséquence d'un amendement jugé irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution et qui prévoyait d'étendre l'obligation de gratification aux collectivités territoriales et à leurs groupements.
M. Jean-Pierre Godefroy - Ce débat mérite d'être lancé. A quel titre les collectivités territoriales continueraient-elles à être exonérées de l'obligation de gratification des stagiaires ?
Mme Muguette Dini, présidente - Nous revenons maintenant sur les amendements nos 15 et 16 précédemment réservés.
Le groupe socialiste demande et obtient une suspension de séance.
M. Jean-Pierre Godefroy - Je propose une nouvelle rédaction de l'amendement n° 15 afin que celui-ci ne soit pas passible d'irrecevabilité sociale. L'amendement rectifié porte désormais article additionnel après l'article unique. Le but de la mesure proposée est d'ouvrir une discussion sur les moyens permettant de pérenniser le financement du principe de gratification.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement, ainsi que sur l'amendement n° 16, qui en est la conséquence.