Mardi 9 février 2010
- Présidence de M. Gérard Cornu, vice-président -Centre national d'études spatiales - Audition de M. Yannick d'Escatha, président
La commission a entendu M. Yannick d'Escatha, candidat à la présidence du Centre national d'études spatiales (CNES).
M. Gérard Cornu, président, a rappelé en préambule que le CNES a pour mission de développer et d'orienter les recherches scientifiques et techniques poursuivies en matière spatiale. L'audition de M. Yannick d'Escatha, pressenti pour être renouvelé comme président du conseil d'administration du CNES, ne sera pas suivie d'un vote, le projet de loi organique relatif à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution n'ayant pas encore été adopté définitivement par le Parlement.
M. Yannick d'Escatha a tout d'abord rappelé ce qu'il avait accompli au cours des deux mandats qu'il a exercés à la présidence du CNES depuis 2003, avant de présenter la vision stratégique qu'il propose de mettre en oeuvre lors d'un troisième mandat.
Le CNES faisait face, lors de sa prise de fonctions en février 2003, à une crise profonde due notamment à l'échec, l'année précédente, du premier vol de la version lourde d'Ariane 5 ECA. Il a alors engagé le redressement de l'établissement en refondant sa programmation pour les années à venir et en restructurant son organisation. Il a notamment supprimé un niveau hiérarchique et créé une équipe consacrée au secteur de la défense.
Le CNES a signé son premier contrat pluriannuel avec l'État pour la période 2005-2010 et a obtenu une certification ISO 9001 et 14001. Ses comptes sont eux-mêmes certifiés sans réserve ni observation par les commissaires aux comptes depuis 2003. Dans le même temps, Ariane a connu 35 vols réussis d'affilée.
M. Yannick d'Escatha s'est réjoui que le CNES constitue le premier partenaire de la Nasa, de même que cette agence représente le premier partenaire du CNES. Il a indiqué que la France remboursait progressivement sa dette à l'égard de l'Agence spatiale européenne, ce qui permettait d'assainir les relations avec cet organisme.
S'agissant de la gouvernance du CNES, qu'il a jugée précise et efficace, l'établissement rend compte à son conseil d'administration tous les six mois de l'avancement du contrat pluriannuel et tient les délais comme les coûts des programmes qui lui sont confiés. Ses organismes de tutelle et son conseil d'administration ont donné acte au CNES qu'il avait réussi à atteindre les objectifs fixés par le contrat pluriannuel.
Dans le même temps, le CNES prend des initiatives. Coopérant aussi bien avec les industriels qu'avec les organismes publics, il situe ses actions dans le cadre des politiques industrielles de la Direction générale de l'armement (DGA) comme de l'Agence spatiale européenne, dans le strict respect des règles de concurrence européennes.
M. Yannick d'Escatha a indiqué que le CNES était donc prêt à être l'outil de la politique spatiale française, telle que décrite par le Président de la République lors de son discours du 12 février 2008 à Kourou. Enfin, il a rendu hommage à la compétence de ses collaborateurs du Centre et à leur capacité à se remettre en cause.
Abordant ensuite l'avenir du Centre, M. Yannick d'Escatha a présenté une vision ambitieuse des opportunités offertes par l'espace, qui constitue un enjeu stratégique majeur, l'évolution des technologies devant permettre de répondre à la multiplication des besoins. L'espace offre un effet de levier économique, 7 milliards de dollars investis dans les projets de satellites et de lanceurs en 2008 ayant entraîné une activité économique totale de 130 milliards de dollars dans le monde. La technologie développée par le CNES permet aux industriels d'accroître leur compétitivité, tandis que la fécondité de la recherche attire les jeunes vers les sciences et permet de développer des applications spatiales au service des politiques publiques. Les activités spatiales jouent ainsi un rôle indispensable en termes d'utilité collective tout en répondant aux plus hautes aspirations de l'esprit humain.
Sur le plan stratégique, M. Yannick d'Escatha a considéré que seul un outil tel que le CNES, doté des compétences les plus hautes et mis au service de sa politique spatiale, peut permettre à la France de maintenir sa position dans le monde, de défendre ses intérêts au niveau international et de coopérer d'égal à égal avec les plus grandes puissances spatiales. Il conviendrait ainsi de mettre en place un système de satellites permettant d'observer le territoire de manière, par exemple, à mieux comprendre les effets du réchauffement climatique et à assurer notre sécurité. S'agissant de l'exploration de l'espace, l'heure est aux véhicules robotisés, une coopération mondiale s'imposant pour les programmes habités. Enfin, de nouveaux lanceurs, comme Ariane 6, permettront de garantir un accès indépendant à l'espace.
Au niveau européen, M. Yannick d'Escatha a considéré qu'il fallait mieux utiliser les compétences présentes dans chaque pays, la France représentant 40 % du potentiel industriel spatial européen. Il a ainsi proposé de joindre la direction des lanceurs du CNES à celle de l'Agence spatiale européenne. Par ailleurs, le CNES a déposé sa candidature pour prendre la responsabilité du centre de sécurité du projet Galileo. Les États-Unis d'Amérique investissant six fois plus que toute l'Europe réunie dans le secteur spatial, il est nécessaire d'adopter une stratégie de niche en mettant l'accent sur la collaboration entre les pays.
Enfin, il a souligné l'originalité du CNES, qui ne dispose pas de laboratoire de recherche mais agit comme maître d'ouvrage pour inventer des technologies de nouvelle génération, en liaison avec notamment la direction générale de l'armement et le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
M. Gérard Cornu a souhaité savoir quels étaient les concurrents potentiels de l'Europe dans le secteur spatial.
Estimant que le CNES constituait, avec le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Centre national d'études des télécommunications (CNET), un des fleurons de la recherche française, M. Daniel Raoul a regretté que le CEA conserve son titre alors que ses compétences s'étendent désormais aux sciences du vivant, où il occupe parmi les premières places. Soulignant les avancées technologiques substantielles qu'a connues le secteur de l'espace, il a évoqué les déclarations du président américain, M. Barack Obama, sur la suspension des vols habités dans l'espace, en regrettant que, à une certaine époque, le ministre français en charge de la recherche ait bloqué tout développement en ce domaine. Interrogeant l'intervenant sur la dette du CNES à l'égard de l'Agence spatiale européenne (ESA), il l'a également questionné sur l'opportunité d'une plus grande intégration de cette dernière, estimant que l'Europe constituait l'échelle de développement optimale dans ce secteur.
Rappelant que le CNES, créé en 1961, avait marqué l'histoire de notre pays par son rayonnement, M. Bruno Retailleau a félicité l'intervenant pour son action à la tête de l'établissement. L'interrogeant sur ses projets dans les domaines d'avenir, tels que la géolocalisation, les télécommunications et l'environnement, il l'a ensuite questionné sur l'avenir des lanceurs, l'Europe n'étant pas compétitive sur les petits modèles, ainsi que sur les satellites, qui tendent vers une miniaturisation. Il lui a également demandé sa perception du discours du président américain sur la politique spatiale, en évoquant une transition entre un espace compartimenté et un espace coopératif. Enfin, il a rappelé que le « grand emprunt » allouait une enveloppe de 500 millions d'euros au secteur de l'espace.
M. Alain Chatillon a souhaité connaître la stratégie du CNES par rapport à l'évolution du cours de l'euro et pour faire face à la concurrence américaine et du bloc asiatique, les relations entretenues avec d'autres acteurs tels qu'Astrium ou Galileo, les moyens d'une plus grande efficacité vis-à-vis des marchés internationaux et la nécessité d'un plan industriel.
M. Jean-Jacques Mirassou s'est interrogé sur les retombées concrètes des voyages sur la Lune ainsi que l'amélioration nécessaire de la coopération européenne en matière spatiale.
M. Marcel Deneux a questionné l'intervenant sur les raisons et modalités de la certification Iso 14001 du CNES, la nature de son plan comptable et les moyens de l'améliorer, sa politique de ressources humaines et ses relations avec les banques.
En réponse aux divers intervenants, M. Yannick d'Escatha a apporté les éléments de précision suivants :
- les puissances spatiales internationales, avec lesquelles l'Union européenne poursuit une coopération plus ou moins poussée, sont les Etats-Unis d'Amérique, la Russie, l'Inde, le Japon, la Chine, la Corée du Sud et le Brésil. A l'intérieur de l'Union, une coopération étroite est entretenue quotidiennement avec notamment l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni, l'Espagne, la Suède, ainsi que l'ESA et les institutions communautaires ;
- le CNES est le premier contributeur - à hauteur de 30 % - du budget de l'ESA, et sa contribution passera, l'année prochaine, de 685 à 770 millions d'euros, le remboursement de la dette étant prévu pour 2015. Le président de l'ESA s'est lui-même félicité de ce que la France, qui, ce faisant, n'a en rien terni son image, soit ainsi intervenue auprès de l'agence. Afin que l'Europe reste au premier plan international, les relations entre le CNES et l'ESA devront toutefois être renforcées et les moyens mutualisés, ce qui constitue une nécessité. Un important programme de coopération en cours sur le vol en formation a permis d'enregistrer en ce domaine une avancée technologique substantielle ;
- s'agissant des lanceurs, l'effort est concentré sur ceux de 2 à 8 tonnes, où les besoins sont les plus importants, ainsi que sur les microlanceurs ;
- le président américain, sur la base du rapport Augustine, a annoncé l'abandon du programme « Moon, Mars and beyond » mais, dans le même temps, il a augmenté le budget de la NASA afin de mieux connaître l'espace ;
- 500 millions d'euros, répartis sur six projets prometteurs, sont effectivement prévus dans le cadre de l'emprunt national ;
- la politique spatiale européenne reste à construire, le dossier n'étant pas réellement porté au niveau politique par les Etats membres. Le traité de Lisbonne a fait de la compétence spatiale un domaine partagé entre l'Union européenne et les Etats membres. L'ESA, qui regroupe seize de ces derniers, ainsi que la Suisse et la Norvège en tant qu'observateurs, est de nature intergouvernementale. Dans une configuration idéale, l'Union devrait exercer un rôle politique moteur, les Etats membres apporteraient leurs financements et l'ESA assurerait la direction et la mise en oeuvre des projets ;
- une prise de conscience s'est opérée quant à l'inorganisation de l'ensemble des acteurs de la filière européenne à l'export, et devrait donner lieu à la formalisation d'une stratégie adaptée. Le CNES cherche, dans cette optique, à faire progresser les compétences des industriels et à renforcer leurs relations ;
- il ne devrait pas être mis fin au vol habité dans l'espace, qui rencontre une très grande appétence chez les dirigeants et le grand public. Les Américains n'y ont pas renoncé, mais en ont simplement repoussé le calendrier ;
- réalisée par l'Agence française de normalisation (AFNOR), la certification Iso 14001 vise au respect des contraintes imposées à l'« Etat exemplaire » dans le cadre du « Grenelle de l'environnement » ;
- la comptabilité du CNES est celle d'un organisme public, mais ses comptes sont également tenus comme pour une société privée afin d'en faciliter la lisibilité ;
- la politique de ressources humaines a été marquée par un certain rajeunissement, la réduction des effectifs parvenant désormais à son terme ;
- le CNES est client des banques commerciales françaises classiques et entretient des relations avec le trésorier-payeur général (TPG), sa trésorerie étant positive.
Mercredi 10 février 2010
- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président -Solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers - Examen des amendements au texte de la commission
La commission a tout d'abord procédé à l'examen des amendements déposés sur le texte n° 243 (2009-2010) qu'elle a adopté pour la proposition de loi n° 228 rectifié (2008-2009), relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers.
M. Paul Raoult a souhaité que l'on s'assure que les sommes récoltées auprès des services d'eau sont bien affectées à l'aide à l'alimentation en eau, afin de respecter le principe selon lequel « l'eau finance l'eau ».
A propos de l'amendement n° 10, M. Daniel Raoul a fait valoir que, en matière d'électricité, il existe déjà un tarif social et il a regretté qu'une tarification similaire ne soit pas instaurée en matière d'accès au service de l'eau.
M. Jean-Jacques Mirassou a fait observer que, en raison de l'augmentation croissante du prix de l'eau, l'établissement d'un tarif social devient indispensable pour permettre à des usagers connaissant des difficultés financières de continuer à profiter de ce service. Il a également jugé que le Parlement ne devait pas être tributaire du calendrier du comité national de l'eau pour faire des propositions en matière de tarification sociale.
M. Daniel Raoul a lui aussi regretté que le rapporteur suggère d'attendre les propositions du comité national de l'eau en matière de tarification sociale, estimant que le Parlement doit se saisir de cette question dès à présent.
M. Jean-Paul Emorine, président, a estimé que si l'objectif d'une aide aux ménages les plus défavorisés est largement partagé au-delà des appartenances politiques, il convient toutefois d'attendre les propositions du comité national de l'eau en la matière afin de mettre en place le dispositif le plus opérationnel possible.
M. Michel Houel, rapporteur, a rappelé que l'objet de la proposition de loi s'inscrit dans le cadre du dispositif curatif et non pas préventif d'aide à l'alimentation en eau.
Mme Évelyne Didier a vivement regretté que le travail parlementaire accompli par le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche (CRC-SPG) en matière de tarification sociale de l'eau, sur la base des propositions de l'Observatoire des usagers de l'assainissement d'Ile-de-France (l'Obusass), n'ait pas été pris en compte dans le cadre de cette proposition de loi. Puis, faisant observer que le comité national de l'eau tentait aujourd'hui de se saisir de cette question, elle a jugé que les propositions du groupe CRC-SPG étaient particulièrement équilibrées. A cet égard, elle a regretté que la commission ne les reprenne pas à son compte, considérant que le travail parlementaire ne laissait pas suffisamment de place aux propositions de l'opposition, et a finalement indiqué qu'elle voterait contre ce texte.
Loi de finances rectificative pour 2010 - Examen du rapport pour avis
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, sur le projet de loi n° 276 (2009-2010), adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2010.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, a d'abord exposé les motivations du « grand emprunt ». Il s'agit d'élever le niveau de la croissance potentielle de la France en investissant massivement dans la recherche et l'innovation.
L'accroissement des déficits publics engendré par le « grand emprunt » est relativement limité, a poursuivi M. Bruno Retailleau. Une grande partie des 35 milliards d'euros empruntés servira, par le biais de crédits non consomptibles, à la constitution d'actifs, qui resteront propriété de l'Etat. L'impact sur le déficit public, au sens du traité de Maastricht, devrait être limité à deux ou trois milliards d'euros par an. Le service de la dette augmentera, quant à lui, de 500 millions d'euros, compensés par autant d'annulations de crédits dans les administrations centrales.
Un mode original de gouvernance sera mis en place, qui mettra en relation un commissariat général à l'investissement (CGI), des organismes gestionnaires des crédits passant convention avec l'Etat, un comité de surveillance et un certain nombre de ministères. Le double rôle du CGI, appelé à coordonner l'instruction des dossiers mais également à les évaluer, demandera néanmoins à être clarifié, et fera l'objet d'un amendement.
Le projet de loi entraîne une débudgétisation, les 35 milliards d'euros de crédits étant ouverts en une seule fois et pour des actions peu détaillées par l'adoption de la loi de finances rectificative et rend plus difficile le contrôle parlementaire. Un amendement présenté à la commission devrait permettre d'y remédier en partie.
La transversalité de certains sujets relevant de plusieurs programmes, tel celui des pôles de compétitivité, impose de les gérer de façon décloisonnée, tant dans l'instruction des dossiers correspondants que dans leur suivi. Il importe par ailleurs de ne pas avantager les grandes entreprises dans la phase d'appels à projets, mais d'associer autant que possible les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Au total, le « grand emprunt » donnera lieu à des investissements d'avenir concentrés sur cinq grands axes, dont trois concernent la commission : l'industrie et les PME (6,5 milliards d'euros, soit 19 % du total), le développement durable (respectivement 5 et 14) et l'économie numérique (respectivement 4,5 et 13) dont M. Bruno Retailleau a détaillé le contenu.
Le secteur « industrie et PME » donne lieu à quatre actions principales :
- le financement des PME. Un fonds national d'amorçage, géré par le Fonds stratégique d'investissement (FSI), est créé et doté de 400 millions d'euros. Par ailleurs, OSEO reçoit une dotation de 500 millions d'euros en fonds propres et une autre d'un milliard d'euros sous forme de prêts ;
- les pôles de compétitivité. 500 millions d'euros leur sont octroyés via OSEO et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), en vue de financer des projets de recherche et développement et des plateformes technologiques dans des pôles de très grande ampleur ;
- les états généraux de l'industrie (EGI) avec une enveloppe d'un milliard d'euros, gérée par OSEO pour le financement des mesures décidées. La moitié sera consacrée à des « prêts verts bonifiés », accordés à des entreprises qui misent sur l'amélioration de leur performance environnementale et 185 millions d'euros financeront un dispositif en faveur de la « relocalisation compétitive » d'entreprises industrielles ;
- le programme « véhicule du futur ». Les transports étant le premier secteur d'émission de CO2, sont prévues des mesures en faveur de l'aéronautique (1,5 milliard d'euros confiés à l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera) afin de réaliser des démonstrateurs technologiques et des projets de développement de nouveaux aéronefs), l'automobile (750 millions d'euros pour mettre au point le véhicule électrique de demain), le ferroviaire (150 millions d'euros pour créer notamment une nouvelle génération de motrice TGV) et la construction navale (100 millions d'euros investis pour financer des programmes permettant de développer « le navire du futur »).
Le secteur des énergies renouvelables et décarbonées, qui s'est fixé comme objectif de diviser par quatre les émissions de CO2 d'ici à 2050, renvoie à quatre grands axes :
- les énergies renouvelables. 2,6 milliards d'euros seront octroyés à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour la mise au point de démonstrateurs, et à l'Agence nationale de la recherche (ANR) pour la création d'instituts d'excellence ;
- le « nucléaire de demain ». Un milliard d'euros servira à mettre au point une nouvelle génération de réacteurs, plus sûrs et plus efficaces. Le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) recevra 650 millions d'euros, dont 250 pour le projet de réacteur de recherche Jules Horovitz, tandis que l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (ANDRA) sera dotée de 100 millions d'euros ;
- les transports et l'urbanisme durable. Un milliard d'euros financera le développement de projets d'« écocités » ;
- la rénovation thermique des bâtiments. Afin d'atteindre l'objectif de réduction de 38 % de la consommation d'énergie du parc de bâtiments à l'horizon 2020, 500 millions d'euros seront versés à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) pour la rénovation thermique des logements des ménages propriétaires occupants à faibles revenus.
Enfin, le secteur numérique fera l'objet de deux grands types d'actions :
- deux milliards d'euros seront consacrés au déploiement du réseau de très haut débit. Un milliard d'euros seront consentis sous forme de prêts dans les zones moyennement denses, 750 millions d'euros seront octroyés sous forme de subventions en zones peu denses et 250 millions financeront le projet MegaSat prévoyant de desservir par satellite 750 000 foyers dès 2014 ;
- 2,5 milliards d'euros soutiendront le développement des contenus et usages numériques. Ils financeront les projets d'« informatique en nuages », ou cloud computing (600 à 700 millions d'euros), la numérisation des contenus (750 millions d'euros), les technologies de base du numérique (400 ou 500 millions d'euros) et les nouveaux usages numériques, tels que les réseaux d'électricité « intelligents », ou smart grids, la « e-santé », la sécurité et la résilience des réseaux, les systèmes de transport intelligents, la « ville numérique » et la « e-éducation ».
A la suite de cette présentation, un large débat s'est ouvert.
M. Jean-Paul Emorine, président, s'est félicité de l'ampleur des investissements prévus par le grand emprunt, qui favoriseront le développement des territoires.
M. Michel Teston a, pour sa part, insisté sur les faiblesses et les oublis du projet de loi de finances rectificative pour 2010 :
- concernant le programme consacré au développement numérique, il a regretté que l'école soit la grande oubliée des investissements prévus par le grand emprunt, alors que de nombreux Etats européens ont déjà fait le choix d'investir dans des plans massifs de développement du numérique dans les écoles ;
- sur la question du haut débit, il s'est demandé si l'enveloppe d'un milliard d'euros prévue par le grand emprunt serait suffisante compte tenu de l'ampleur des besoins en couverture en très haut débit dans les zones rurales ;
- concernant le programme relatif aux transports et à l'urbanisme durables, la logique d'annulation de crédits mise en oeuvre par le grand emprunt va à contre-courant des annonces du Grenelle de l'environnement, dans la mesure où 82 millions d'euros de crédits affectés aux infrastructures de transport sont annulés ; par ailleurs, le projet de loi de finances rectificative pour 2010 ne prévoit que le financement de programmes intégrés urbains et non pas des autres réseaux alors même que le Gouvernement a lancé plusieurs projets de lignes ferroviaires à grande vitesse ;
- enfin, le rôle réel du Parlement concernant ces investissements d'avenir doit être précisé, dans la mesure où ils font l'objet de nouveaux programmes temporaires dans le budget de l'Etat, appelés à disparaître au fur et à mesure du versement des crédits ouverts par le grand emprunt.
Pour toutes ces raisons, M. Michel Teston a indiqué que le groupe socialiste ne pouvait qu'émettre un avis défavorable à l'adoption de ce texte.
M. Jean-Jacques Mirassou a fait plusieurs remarques :
- comme pour le plan de relance, l'argumentation défendue par le grand emprunt donne l'impression que les 35 milliards d'euros de crédits ouverts viennent se substituer à des dépenses qui sont déjà ou qui devraient être inscrites au budget de l'Etat ;
- le grand emprunt ne peut pas être disjoint d'une réflexion plus globale sur l'environnement économique et fiscal et il ne prend malheureusement pas en compte, concernant l'investissement privé, les propositions relatives à la taxation des bénéfices non réinvestis formulées par l'opposition ;
- les progrès technologiques ne doivent pas être trop simplement assimilés aux gains de productivité ;
- la partie des crédits ouverts par le grand emprunt destinée à financer un dispositif de relocalisation compétitive sous-entend bien qu'il faut corriger les mécanismes qui, en amont, ont conduit les entreprises à délocaliser.
M. Gérard Bailly a considéré que le grand emprunt serait bénéfique dans la mesure où les bons choix seront faits. Il a par ailleurs souhaité savoir si ces investissements d'avenir allaient permettre de corriger la dégradation de la balance commerciale française.
M. Marc Daunis a formulé les remarques suivantes :
- les 35 milliards d'euros d'investissements d'avenir prévus par le grand emprunt constituent un effort important ;
- sur la question du financement et de son contrôle, seule une grande banque publique du crédit constituerait un instrument au service d'une véritable politique industrielle ;
- la classification des secteurs d'innovation peut être contre-productive dans la mesure où l'innovation résulte au contraire souvent de croisements entre technologies ; il faut ainsi veiller à ne pas empêcher l'émergence de ces zones dynamiques de rencontre entre plusieurs secteurs.
Il a également interrogé le rapporteur sur trois points :
- le montant des crédits destinés aux plateformes d'innovation, dans la mesure où le rapport d'information publié en octobre 2009 par le groupe de travail sur les pôles de compétitivité avait déjà souligné l'importance stratégique de ces plateformes, qui consistent non seulement en la mutualisation de technologies, mais aussi en la mise en commun de moyens, de services et de ressources humaines ;
- la transversalité de la gouvernance des pôles de compétitivité ;
- le faible niveau du montant des crédits consacrés au dispositif de relocalisation compétitive.
M. François Fortassin a suggéré que, dans le domaine de la recherche, le Sénat propose la mise en place d'un comité de sages restreint auquel il reviendrait de faire les choix des projets d'investissements.
M. Daniel Raoul a formulé les observations suivantes :
- la présentation de la croissance comme résultante de deux facteurs - la productivité et l'augmentation du nombre d'actifs - est trop restrictive dans la mesure où c'est l'innovation qui constitue aujourd'hui le principal moteur de la croissance ;
- le crédit d'impôt recherche n'a pas bénéficié aux petites et moyennes entreprises innovantes, qui constituent pourtant le principal employeur, mais a surtout profité aux grands groupes, qui auraient de toute façon investi, sans incitation, dans des programmes de recherche et développement ;
- le tissu sociologique des petites et moyennes entreprises doit être restructuré, par exemple par des regroupements d'employeurs, dans la mesure où leur taille est trop réduite pour investir en matière de recherche et développement ;
- le grand emprunt a un effet d'affichage qui masque des débudgétisations ; cela se vérifie en ce qui concerne les dotations non consomptibles dont bénéficient les universités, puisque ces dernières peuvent seulement utiliser les intérêts générés par ces dotations.
- le grand emprunt aurait dû fortement encourager et structurer les centres d'innovation et de la connaissance (CIC), mis en avant par des études récentes sur l'innovation ;
- sur la question de l'alimentation du monde rural en très haut débit, si la voie montante ne présente aucune difficulté particulière, il en est différemment pour la voie descendante ; par ailleurs, l'effort devrait prioritairement être concentré sur la zone trois, c'est-à-dire les territoires peu denses, dans mesure où la solution satellitaire ne suffit pas.
M. Michel Bécot a regretté que le grand emprunt ait oublié le secteur du tourisme, qui constitue pourtant la première industrie de France et a souhaité que de réels efforts en recherche appliquée soient consentis dans ce secteur.
En réponse aux intervenants, M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, a apporté les précisions suivantes :
- le grand emprunt ne constitue pas l'instrument approprié pour la mise en oeuvre des programmes d'équipement des écoles en matériel numérique, même si ceux-ci demeurent essentiels pour l'apprentissage et la formation initiale ;
- concernant le très haut débit, un milliard d'euros seront d'une part consacrés aux zones moyennement denses sous forme de prêts aux opérateurs et 750 millions d'euros de subventions sont d'autre part prévus pour les zones peu denses ;
- dans son discours de conclusion des Assises des territoires ruraux du 9 février 2010, le Président de la République a lancé la mission qui devrait étudier les moyens d'un financement pérenne du très haut débit en milieu rural ;
- concernant les transports, le grand emprunt ouvre 1,5 milliard d'euros de crédits dans le secteur aéronautique, 750 millions d'euros dans le secteur automobile, 150 millions d'euros dans le secteur ferroviaire et 100 millions d'euros dans le secteur naval afin de financer la recherche appliquée et les démonstrateurs des véhicules du futur ; le programme consacré au développement durable prévoit également le financement d'infrastructures dans le cadre des projets « Ecocités » ;
- sur la question du rôle du Parlement eu égard à ces investissements d'avenir, deux amendements seront proposés : l'un permettant d'assurer une représentation des commissions compétentes dans le comité de surveillance, et l'autre prévoyant la transmission à ces commissions des conventions qui activeront les crédits de l'Etat ;
- le dispositif de relocalisation compétitive prévoit également, pour les entreprises désireuses de délocaliser leur activité, de les aider à mener des études leur permettant d'analyser et de révéler l'ensemble des coûts impliqués par une telle implantation ;
- les annulations de crédits - pour une grande part des crédits de fonctionnement du ministère - permettent de compenser le poids induit par le grand emprunt sur le service de la dette ;
- le grand emprunt aura vraisemblablement un effet positif sur la balance commerciale car l'innovation est un déterminant essentiel de la compétitivité ; par ailleurs, elle s'accompagne d'une montée en gamme qui, dans une certaine mesure, affranchit le pays exportateur des contraintes d'une concurrence par les prix ;
- la création d'une grande banque nationale d'investissement, sur le modèle allemand de la KFW, qui résulterait d'un rapprochement de la Caisse des dépôts et d'OSEO, aboutirait à une structure lourde, peu réactive et en définitive inefficace ;
- l'Etat doit veiller à la cohérence entre, d'un côté, sa stratégie en matière industrielle et, de l'autre, la politique de soutien à l'investissement et à l'innovation qu'il met en oeuvre via OSEO, la Caisse des dépôts et le Fonds stratégique d'investissement ;
- il est exact que les innovations importantes émergent souvent à la frontière des domaines de connaissance scientifique et technique et que l'identification de secteurs d'investissements stratégiques comporte donc un risque de cloisonnement excessif ; la politique des clusters constitue cependant un bon antidote dans la mesure où elle permet à la fois l'identification claire des acteurs sur lesquels se concentre l'investissement et la mise en place d'une organisation propice à la circulation et à l'hybridation des savoirs ;
- la gouvernance centralisée du grand emprunt, avec la création d'un commissaire général à l'investissement et d'un conseil de surveillance, a été conçue de manière à donner une impulsion forte et rapide, en évitant les atermoiements qui auraient résulté d'une délégation de la responsabilité de définir ou sélectionner les projets d'investissements aux organismes destinataires des fonds ;
- la croissance économique dépend de l'évolution de la quantité de facteurs de production utilisée et des gains de productivité c'est-à-dire de l'évolution de l'efficacité de ces facteurs ;
- il est vrai que le très haut débit satellitaire offre un débit montant insuffisant, mais une enveloppe de 250 millions d'euros est débloquée pour le CNES afin de chercher des solutions à ce problème ;
- le développement du très haut débit renvoie à deux objectifs qui ne s'accordent pas aisément, à savoir la promotion des solutions techniques présentant les performances les plus élevées et la recherche d'une couverture aussi large que possible de la population ;
- le secteur du tourisme n'est pas concerné directement par le grand emprunt, mais il pourra bénéficier des retombées de certaines mesures, comme la numérisation des contenus, qui est susceptible de mieux valoriser l'offre touristique française et de générer ou consolider une demande en direction de notre pays.
M. Pierre Hérisson a abordé deux points :
- en matière de couverture satellitaire, deux échéances sont prévues, celle de 2011, qui vise à offrir un service de 10 mégabits par seconde en débit descendant et 1,5 mégabits en débit montant, et celle de 2014, qui correspond à une offre de, respectivement, 100 et 50 mégabits par seconde ; sachant que la première solution ne correspond déjà plus aux besoins d'aujourd'hui, il serait souhaitable d'accélérer le passage à la deuxième échéance ;
- on ne doit pas abandonner la réflexion sur la couverture des noeuds de raccordement abonnés (NRA) « zones d'ombre », qui permet d'obtenir localement des débits de 20 à 30 mégabits par seconde ; le fait que seul l'opérateur historique soit en mesure d'offrir ce service, qui répond à un besoin de la population, ne doit pas conduire à l'écarter au nom d'une application étroite du droit de la concurrence.
M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis, a abondé dans ce sens, tout en soulignant qu'anticiper le calendrier de 2014 n'était techniquement pas possible.
M. Michel Teston, revenant sur la question de la couverture NRA « zones d'ombres », a déploré que le conseil de la concurrence, en cas de conflit entre le droit de la concurrence et les objectifs d'intérêt général en matière d'aménagement du territoire, fasse systématiquement prévaloir une interprétation trop stricte du droit de la concurrence.
M. Daniel Raoul a souligné que les décisions des autorités administratives indépendantes sont généralement conformes à la lettre de mission qui leur est confiée et qu'il ne tient qu'au Parlement d'assumer sa mission constitutionnelle de sauvegarde de l'intérêt général en cessant de créer des autorités indépendantes.
Puis la commission a adopté, à l'initiative de son rapporteur pour avis, deux amendements à l'article 4 du projet de loi tendant, l'un à clarifier et renforcer la gouvernance de l'emprunt national en assurant notamment la représentation des commissions parlementaires compétentes au sein du comité de surveillance, et l'autre à prévoir que les conventions signées entre l'Etat et les organismes destinataires des fonds dudit emprunt soient transmises à l'ensemble de ces commissions.
Sous réserve des amendements qu'elle a adoptés, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi.