- Mercredi 3 février 2010
- Indemnités journalières - Examen des amendements - Adoption du texte de la commission
- Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé - Audition de M. Alain Grimfeld, président
- Création d'une commission d'enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1)v - Communication et échange de vues
- Questions diverses
Mercredi 3 février 2010
- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -Indemnités journalières - Examen des amendements - Adoption du texte de la commission
La commission a procédé, sur le rapport de Mme Annie David, à l'examen des amendements et à l'élaboration de son texte pour la proposition de loi n° 194 rectifié (2009-2010), présentée par elle-même et plusieurs de ses collègues, visant à supprimer la fiscalisation des indemnités journalières versées aux victimes d'accident du travail, à instaurer la réparation intégrale des préjudices subis par les accidentés du travail et à intégrer le montant des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles versé par les entreprises dans leur chiffre d'affaires soumis à l'impôt sur les sociétés.
Mme Annie David, rapporteur, a rappelé qu'en matière d'indemnisation des accidentés du travail, la première loi, votée après une vingtaine d'années de débat parlementaire, remonte à 1898 pour répondre à l'insécurité sociale subie alors par les travailleurs, tant les conditions d'embauche et de travail étaient difficiles. D'autres lois ont suivi, dans le même objectif, jusqu'à la création de la sécurité sociale en 1946. Or, on constate désormais l'effritement du système social, qui explique le dépôt de cette proposition de loi par le groupe CRC-SPG. Son objectif est triple :
- d'une part, revenir sur la fiscalisation partielle des indemnités journalières versées en cas d'accident du travail qui vient d'être votée en loi de finances pour 2010 ;
- d'autre part, améliorer le montant des indemnisations servies dans cette hypothèse ;
- enfin, pour favoriser la prévention des accidents, soumettre à l'impôt sur les sociétés les cotisations patronales accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), qui en sont aujourd'hui exonérées.
La fiscalisation des indemnités journalières consiste à intégrer, dans le revenu imposable des personnes victimes d'un accident du travail, la moitié des sommes qui leur sont versées par la branche AT-MP de la sécurité sociale. Ces indemnités correspondent à 60 % du salaire journalier jusqu'au vingt-huitième jour de l'arrêt de travail et à 80 % au-delà ; leur versement s'interrompt dès lors que la victime est pleinement rétablie ou qu'une incapacité permanente est reconnue, ce qui entraîne le versement d'une rente. Pendant plusieurs années, la commission s'est opposée au principe de fiscalisation proposé, au cours des derniers débats budgétaires, par la commission des finances. Selon Mme Annie David, rapporteur, c'était avec raison et il faut regretter que le Sénat s'y soit finalement rallié en décembre dernier.
En effet, au-delà même de l'amputation de revenu qui en résulte pour les victimes, la fiscalisation marque une nouvelle étape dans la mutation du rapport au travail : elle accrédite l'idée que l'indemnité journalière est une mesure de maintien du revenu, et non l'indemnisation d'un préjudice. En témoigne le fait que les rentes et indemnités versées aux victimes de dommages autres que professionnels ne sont pas imposables en application de l'article 885 K du code général des impôts. En affirmant que les indemnités journalières, par opposition aux rentes, ne constituent pas une compensation mais un revenu, on affirme aussi que le risque fait partie du travail du salarié et qu'il doit l'assumer tant que le dommage causé n'est pas irrémédiable.
Qui plus est, cette évolution remet en cause le fondement même de la loi de 1898 qui, en remplaçant la notion de responsabilité par celle de risque, avait permis :
- aux salariés, de bénéficier d'une présomption d'imputabilité de l'accident au travail, ce qui leur évite d'avoir à faire la preuve de la responsabilité de l'employeur et permet une indemnisation rapide ;
- aux employeurs, de s'assurer collectivement contre le risque lié aux accidents et de verser des compensations d'un montant moins élevé : le préjudice subi est en effet réparé forfaitairement, et non pas intégralement comme c'est le cas lors d'une condamnation en responsabilité civile.
Or, s'il est logique que seul l'employeur cotise au régime AT-MP, puisque c'est lui qui fait assumer un risque au salarié, le fait de fiscaliser les indemnités journalières reporte une part du risque sur le salarié, en oubliant le lien de subordination qui le lie à son employeur.
Cette évolution n'est, à son sens, pas acceptable, dans la mesure où elle ne fait qu'accentuer l'érosion progressive des droits des salariés résultant de la mutation des modèles de production, qui conduit à faire peser sur les salariés la responsabilité de s'auto-organiser, et donc d'être adaptables, réactifs et disposés à prendre des risques. Cette incitation à la prise de risque, au moment où les formes collectives de travail les plus protectrices disparaissent, aboutit nécessairement à des accidents et à une augmentation du mal-être au travail. Ce faisant, on revient aussi sur l'inconditionnalité des droits sociaux, au profit d'une logique de contrepartie.
Pour ces motifs, la proposition de loi souhaite rétablir l'exonération fiscale des indemnités journalières, leur fiscalisation n'ayant d'ailleurs qu'un rendement attendu faible, soit 135 millions d'euros.
Au-delà de cette mesure, le texte propose aussi d'améliorer l'indemnisation des accidents du travail car, contrairement à une image trop souvent véhiculée par la presse, les victimes d'AT-MP sont moins bien indemnisées que les autres :
- tout d'abord, d'autres lois, et plus particulièrement celle du 5 juillet 1985 relative aux victimes d'accidents de la route, sont allées au bout de la logique assurantielle et ont prévu une réparation intégrale, et non pas forfaitaire, du préjudice. Ceci aboutit au paradoxe qu'un accident de trajet domicile-travail sera indemnisé forfaitairement et qu'un accident de la route le sera intégralement, alors que les préjudices peuvent être les mêmes ;
- par ailleurs, les critères de mise en cause de la responsabilité civile ont été progressivement assouplis. A la suite du drame de l'amiante, la Cour de cassation a jugé, en 2002, que l'employeur a « une obligation de sécurité de résultat » et que le manquement à cette obligation présente le caractère d'une faute inexcusable. Dès lors, une réparation intégrale est possible pour la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle à condition de se tourner vers les tribunaux pour engager la responsabilité civile de l'employeur.
L'intérêt du régime des AT-MP s'en trouve nécessairement amoindri et la cohérence, autant que la justice, voudrait que l'on abandonne l'indemnisation forfaitaire pour passer à une indemnisation intégrale du préjudice. De nombreux rapports ont été écrits sur cette question depuis 1991 mais les partenaires sociaux n'ont pas retenu l'indemnisation intégrale pour des raisons de coût. La proposition de loi soutient donc le choix politique d'établir la réparation intégrale du préjudice, dès le stade des indemnités journalières.
Mme Annie David, rapporteur, a ensuite indiqué que son rapport écrit distinguera clairement sa position et celle de la commission dans l'hypothèse où, en vertu de l'accord politique conclu entre les présidents de groupe, la commission déciderait de ne pas adopter de texte afin que le débat s'ouvre, en séance publique, sur la version initiale de la proposition de loi.
Elle a ensuite détaillé le contenu des sept articles :
- l'article 1er propose de supprimer la fiscalisation des indemnités journalière telle que prévue par l'article 85 de la loi de finances pour 2010 ;
- l'article 2 pose le principe de la réparation intégrale du préjudice subi au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ;
- l'article 3 précise les différents types de préjudices indemnisés par le régime AT-MP afin d'aboutir à une compensation intégrale, y compris le préjudice moral subi par la famille. Le coût de cette mesure a été évalué par le rapport Laroque de 2004 à 3 milliards d'euros. Ce coût peut paraître important, rapporté au budget de la branche AT-MP -environ 10 milliards dont 7,3 milliards de prestations directes- mais il faut rappeler qu'aujourd'hui les différents préjudices, et singulièrement ceux liés au recours à l'aide d'une tierce personne ou aux aménagements résultant d'une incapacité permanente, sont supportés par les départements au titre des prestations compensatrices du handicap. Or, il n'est pas légitime que la collectivité nationale assume des charges qui relèveraient, dans le cadre d'un contentieux de la responsabilité civile, de l'employeur ;
- l'article 4 prévoit que le calcul des rentes se fera à partir du taux réel d'incapacité. Il supprime donc, d'une part, la référence actuelle au taux minimal d'incapacité de 10 %, au-dessous duquel aucune rente n'est due, d'autre part, la possibilité pour la caisse de moduler la rente. Dès lors, toute incapacité permanente ou cumul d'incapacités permanentes ouvriraient droit à une rente égale au salaire annuel multiplié par le taux d'incapacité. Le coût de cette mesure est estimé à 2,98 milliards d'euros, dont 2,2 milliards résultant de la suppression de la possibilité de moduler le taux de la rente en fonction de la gravité de l'incapacité ;
- l'article 5 fixe le montant de l'indemnité journalière au niveau du salaire net perçu, et non plus à 60 % ou 80 % du salaire journalier de base. Le coût de cette disposition est estimé à 160 millions d'euros ;
- l'article 6 tend à réintégrer, dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés, les 10 milliards d'euros de cotisations versés au titre du régime AT-MP et qui sont, pour l'instant, exclus de l'assiette de l'impôt. Ceci aurait pour vertu d'augmenter les recettes de l'Etat et donc de participer à la compensation des sommes déjà versées par les départements en raison de la non-compensation intégrale du préjudice par le régime AT-MP. Par ailleurs, cette mesure serait de nature à renforcer l'incitation, pour les entreprises, à adopter des mesures de prévention. Elle est susceptible de rapporter au budget de l'Etat jusqu'à 2 milliards d'euros par an ;
- enfin, l'article 7 gage les conséquences financières liées à la proposition de loi par un accroissement de la taxation sur les revenus du capital qui bénéficient d'une fiscalité allégée.
M. Gérard Dériot a indiqué comprendre la démarche des auteurs de la proposition de loi mais a indiqué que la mesure de fiscalisation à 50 % des indemnités journalières répond à un souci d'une certaine moralisation, en réponse à la disparité entre le régime applicable aux indemnités servies par la branche AT-MP, d'une part, et par la branche maladies, d'autre part. De fait, l'indemnité journalière n'est pas la compensation du préjudice subi mais bien un revenu de substitution en raison de l'absence de travail. L'impact de la fiscalisation sera de toute façon limité car un grand nombre de victimes appartiennent à des foyers non imposables. Concernant le choix de l'indemnisation forfaitaire, il ne convient pas de le remettre en cause dans la mesure où il résulte de la négociation entre partenaires sociaux.
Mme Catherine Procaccia a souligné qu'elle avait voté sans enthousiasme la fiscalisation des indemnités journalières car la commission des affaires sociales s'était toujours opposée à une telle mesure. Cependant, après la validation de cette disposition par le Conseil constitutionnel, et à peine trois mois après le vote de la loi de finances, il n'est pas opportun de revenir sur cette mesure.
Par ailleurs, la volonté de réintégrer les cotisations au régime AT-MP dans la base de l'impôt sur les sociétés relève, à son sens, d'une vision archaïque des relations de travail. Il est excessif de faire porter sur l'employeur la présomption de responsabilité et de l'imposer de surcroît : il n'est pas contestable qu'un nombre important d'accidents de travail ou de trajet résultent en fait de l'imprudence du salarié.
Mme Sylvie Desmarescaux a déclaré ne pas partager les conclusions de ce rapport, par ailleurs excellemment présenté. La fiscalisation partielle des indemnités journalières constitue une mesure de justice au regard des arrêts maladie et ne pénalisera qu'à la marge les salariés. En matière de responsabilité, il faut aussi se garder de considérer que ce sont toujours les entreprises ou les collectivités territoriales qui sont en faute.
M. Claude Jeannerot a souligné le paradoxe résultant du fait d'avoir uniformisé le statut fiscal des indemnités journalières servies par les différentes branches de la sécurité sociale mais pas celui des rentes. Cela indique en fait que les indemnités journalières versées au titre des accidents du travail constituent bien la réparation d'un préjudice.
M. Jean-Pierre Godefroy a insisté sur le fait que la commission des affaires sociales s'était toujours opposée à la fiscalisation des indemnités journalières. Les partenaires sociaux se sont également prononcés contre cette mesure car elle entraînera nécessairement de nouvelles négociations dans lesquelles le patronat n'est pas prêt à s'engager. Il a déclaré douter de la faiblesse effective de l'impact de la mesure sur les revenus des salariés victimes. Par ailleurs, la différence de traitement entre les victimes d'accidents du travail et les autres, qui perçoivent une indemnisation intégrale, n'est pas justifiable.
La commission des affaires sociales devrait, à son sens, adopter la suppression de la fiscalisation, par cohérence avec sa position passée constante, et accepter que s'ouvre le débat sur l'indemnisation intégrale des victimes des accidents du travail. Les 3 milliards que coûterait cette indemnisation correspondent exactement au transfert auquel la branche se trouve contrainte, du fait de la sous-déclaration des accidents et de l'indemnisation des victimes de l'amiante. Ces charges ne devraient pas lui incomber et elle serait alors en mesure d'indemniser intégralement les victimes à budget constant.
Mme Isabelle Pasquet a considéré à son tour que les indemnités journalières constituent la compensation d'un préjudice et pas un revenu. En effet, elles ne prennent pas en compte les revenus réels et, notamment, les primes. Concernant la question de la responsabilité, on constate dans les faits que l'employeur est le plus souvent à l'origine du dommage et il incombe, de toute façon, au législateur de protéger le plus faible, c'est-à-dire le salarié.
M. Jacky Le Menn a jugé que le problème de fond est de savoir si les indemnités journalières sont un revenu ou la compensation du préjudice subi.
Mme Catherine Procaccia a répondu que le Conseil constitutionnel a tranché cette question et reconnu le caractère mixte des indemnités journalières servies par la branche AT-MP.
M. Jacky Le Menn a estimé néanmoins qu'il faut décider qui doit supporter le risque lié au travail. On ne peut considérer que le salarié est dans la même position que l'employeur de ce point de vue.
M. Yves Daudigny a affirmé l'intérêt de la proposition de loi pour lutter contre l'érosion progressive des droits des salariés, partageant en cela les analyses de ses collègues du groupe socialiste.
M. Alain Milon a fait observer que, concrètement, le médecin qui traite une personne ayant subi un accident du travail ne se préoccupe pas du préjudice mais des soins à apporter. Ce n'est que plus tard que d'autres médecins se prononcent sur l'incapacité. Il y a donc bien une logique différente derrière les indemnités journalières et la rente.
M. Gérard Dériot a insisté sur le fait que les indemnités journalières ne rentrent pas dans le cadre de l'indemnisation. La fiscalisation partielle est une évolution nécessaire et son impact sera nécessairement faible en raison de la progressivité de l'impôt sur le revenu dont 50 % des foyers sont d'ailleurs exonérés.
M. Jean-Pierre Cantegrit a signalé qu'en pratique, pour les accidents de travail de courte durée, les employeurs individuels préfèrent souvent maintenir l'intégralité du salaire. Dès lors, la fiscalisation du revenu est logiquement maintenue.
M. Jean-Pierre Godefroy a estimé que de telles pratiques sont une des causes de la sous-déclaration des accidents du travail. Celle-ci fait peser sur la branche maladie des dépenses qui ne lui incombent pas et ne permet pas la mise en oeuvre de mesures de prévention.
En fait, la fiscalisation des indemnités journalières résulte de la volonté du Gouvernement de trouver des ressources fiscales nouvelles. La même logique est à l'oeuvre dans le décret récent qui impose la prise en compte du seul salaire de base pour l'établissement du montant de la retraite anticipée servie par le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcataa), contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation. L'allocation servie étant de 65 % du salaire de référence, ce décret aboutira en pratique à empêcher les salariés de prendre leur préretraite. Il convient de réfléchir à des mesures plus efficaces et moins socialement injustes pour trouver des ressources fiscales.
M. Bernard Cazeau a déclaré que la question de l'imposition est un point secondaire. La législation a une portée compensatoire qui tient compte de la détresse des victimes et de la longueur des procédures de décisions d'indemnisation. Il s'agit donc d'un problème politique et c'est pour cette raison qu'il votera pour l'adoption de la proposition de loi.
Mme Patricia Schillinger a fait part de son expérience personnelle et du caractère compensatoire des indemnités journalières. Celui-ci s'oppose à ce qu'il y ait une fiscalisation même partielle.
M. Jean Desessard a indiqué qu'il votera également pour la proposition de loi.
Mme Annie David, rapporteur, s'est réjouie de la richesse des échanges qui montre que tous ont le souci de permettre une indemnisation adéquate des accidents du travail même si les principes ne sont pas les mêmes. Si l'on affirme que la fiscalisation est une mesure d'équité, il faut en conclure que la part compensatrice du préjudice dans les indemnités journalières n'est que de 10 % du salaire dans les vingt-huit premiers jours, ce qui est fort peu. S'agissant de la responsabilité des salariés dans certains accidents, il convient de se défier des cas individuels et de se référer au cas général qui montre effectivement la responsabilité de l'employeur. Elle a indiqué à Sylvie Desmarescaux que si un salarié est responsable d'un accident, cela exonère l'employeur.
Mme Sylvie Desmarescaux a précisé qu'il faut toujours prendre en compte la dimension humaine de tels drames. Les départements assurent de toute façon la compensation du préjudice lorsqu'il y a incapacité ou handicap.
Mme Annie David, rapporteur, a rappelé que la législation, en matière d'indemnisation des victimes, a évolué et que le régime des accidents du travail indemnise aujourd'hui moins bien comparativement. Certes, les différents préjudices sont compensés pour les victimes des accidents du travail mais il faut savoir à qui il revient de payer. Il n'y a pas de raison que les départements le fassent à la place des employeurs.
La commission a ensuite examiné les deux amendements déposés par les membres du groupe socialiste sur cette proposition de loi.
A l'article 3 (précision des préjudices compris dans l'indemnisation et précision des personnes admises au bénéfice d'un dédommagement au titre du préjudice moral), Mme Annie David, rapporteur, a donné un avis favorable à l'amendement n° 1 dont la rédaction paraît techniquement mieux adaptée.
La commission n'a pas adopté cet amendement.
A l'article 4 (utilisation pour le calcul des rentes du véritable taux d'incapacité, dit aussi « taux médical »), en dépit de l'avis favorable de son rapporteur à l'amendement n° 2 tendant à élargir le champ de la mesure proposée, la commission n'a pas adopté cet amendement.
A l'issue de ce débat, la commission a décidé de ne pas établir de texte pour la proposition de loi. En conséquence, le débat portera, en séance publique, sur le texte tel que déposé par ses auteurs.
Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé - Audition de M. Alain Grimfeld, président
La commission a enfin entendu M. Alain Grimfeld, président du comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), dans la perspective du renouvellement de son mandat.
Après avoir rappelé le statut et la mission du CCNE, Mme Muguette Dini, présidente, a précisé que cette audition se fonde sur la nouvelle rédaction de l'article 13 de la Constitution disposant que, pour certains emplois ou fonctions, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée.
La loi organique et la loi ordinaire qui doivent compléter ces dispositions n'ayant pas encore été adoptées, la nouvelle procédure n'est pas pleinement applicable et la commission n'a donc pas à se prononcer formellement. Conformément à la suggestion du Premier ministre et du président du Sénat, elle a cependant souhaité entendre Alain Grimfeld, président du CCNE depuis 2008 et dont le mandat doit être prochainement renouvelé, cette audition s'inscrivant dans le cadre de l'accroissement des pouvoirs de contrôle du Parlement mais aussi dans la perspective de la révision des lois de bioéthique.
Soulignant l'accord unanime sur l'équilibre et la valeur des avis du CCNE, au sein duquel le Sénat est représenté par Marie-Thérèse Hermange, Mme Muguette Dini, présidente, a invité Alain Grimfeld à présenter à la commission son action à la tête du CCNE et ses perspectives, en cas de renouvellement dans ses fonctions, pour les deux ans de son prochain mandat.
A titre liminaire, M. Alain Grimfeld, président du CCNE, a souhaité évoquer l'organisation du comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
Celle-ci tend à assurer que la pluralité du comité ne se limite pas à une simple pluridisciplinarité mais permet une interdisciplinarité grâce à laquelle des personnes venant d'horizons très divers peuvent avoir un langage commun et faire progresser ensemble la réflexion éthique.
Elle résulte des textes constitutifs du CCNE et de son règlement intérieur et comporte, outre la formation plénière du comité, une section technique et des groupes de travail qui peuvent être organisés en fonction des sujets étudiés.
Le CCNE peut être saisi par une grande variété d'autorités et d'établissements publics ainsi que par des organismes de recherche. Il peut aussi se saisir de questions posées par d'autres personnes ou par certains de ses membres, si ces demandes citoyennes ou « proactives » portent sur des sujets qui lui semblent pertinents.
Lorsqu'un groupe de travail a été constitué sur un dossier et l'a étudié, une navette s'organise entre ce groupe et la section technique qui, lorsqu'elle estime que le résultat de la réflexion ainsi menée est suffisamment mature, le transmet au comité plénier qui délibère sur l'avis et sa publication.
La publication d'un avis donne désormais systématiquement lieu à une conférence de presse afin de concourir à la réalisation de l'objectif, essentiel pour le CCNE, d'associer les citoyens à sa réflexion de manière pérenne et non occasionnelle : il ne paraît en effet plus possible de se contenter d'alerter les citoyens et de solliciter leur réflexion sur des sujets éthiques de manière impromptue ou épisodique.
Depuis sa création en 1983, le CCNE a publié cent huit avis, ce qui correspond à un rythme moyen annuel de publication nettement plus élevé que celui des organismes analogues existant dans d'autres pays de référence, tels l'Allemagne ou le Royaume-Uni. En 2008, en dépit des retards qui ont affecté, pour des raisons d'ordre conjoncturel, la nomination de son président et celle d'une partie de ses membres, le comité a publié deux avis.
Le premier portait sur le dossier médical personnel (DMP), sur la saisine de la ministre chargée de la santé qui avait interrogé le comité sur les mesures concrètes susceptibles de concilier la nécessité de l'accès des acteurs de soins aux données consignées dans le DMP avec le droit du patient de contrôler la diffusion de ces données. Dès lors que ce dossier mettait en cause des principes fondamentaux et que la réflexion éthique correspond à « un exercice de morale active », l'avis rendu par le CCNE a privilégié le volontariat des personnes auxquelles serait proposé le DMP, qui devraient prioritairement être des patients atteints de maladies chroniques et donc susceptibles d'en tirer bénéfice au niveau du suivi et de la prise en charge de leur affection.
Le second avis, rendu sur saisine du Premier ministre, portait sur les questions méritant d'être débattues lors des Etats généraux de la bioéthique. Cet avis constituait aussi, pour le CCNE, une feuille de route en vue de sa propre participation aux discussions sur le réexamen des lois de bioéthique et il a suscité certaines autosaisines du comité sur des sujets actuellement en cours d'étude ou qui seront étudiés pendant le premier semestre de cette année.
Le comité a par ailleurs organisé en 2008, comme chaque année, des « Journées annuelles de la bioéthique » qui se sont tenues les 25 et 26 novembre : ces journées ont pour objet de faire participer le public à des débats et de le solliciter sur les thèmes abordés par le CCNE pendant l'année écoulée ; elles intègrent l'intervention de jeunes, en particulier de lycéens issus de différents établissements.
Au niveau international, le CCNE a organisé en 2008, en coopération avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le sommet mondial des comités d'éthique nationaux, tenu en septembre et, en novembre, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, le sommet européen des comités d'éthique.
En 2008, le CCNE a ainsi engagé une politique d'ouverture, tant au niveau national vers les régions, en suscitant notamment avec elles le débat public, qu'au niveau international en direction des pays désireux de développer ou d'enrichir un dialogue Nord-Sud en bioéthique, en collaboration avec l'OMS et en liaison avec l'Unesco.
En 2009, l'activité du CCNE a été dominée, sur le plan national, par la constitution des groupes de travail destinés à prendre en charge la réflexion sur les sujets entrant dans le cadre de la révision de la loi bioéthique de 2004.
Le comité a cependant aussi tenu compte, très logiquement, de l'actualité brûlante que constituait la pandémie grippale et il a réfléchi sur la mise en place technique des moyens de prévention et sur les moyens d'assurer la protection de certaines populations, notamment les personnes vulnérables.
En ce qui concerne les thèmes abordés dans le cadre de la révision de la loi bioéthique, M. Alain Grimfeld a d'abord observé que les techniques d'assistance médicale à la procréation apportent désormais, dans les pays avancés, une contribution au maintien du développement « normal » de l'espèce, en palliant notamment les conséquences de l'infertilité et en évitant la constitution ou la transmission d'affections évitables. Bien entendu, la notion de développement normal ne fait nullement référence à une démarche normative relative à la détermination d'un taux de naissances adapté à des impératifs démographiques ou à leurs corollaires économiques, ni à la naissance d'êtres répondant à des « modèles étalons », ce qui va de soi dans un pays d'ancienne tradition démocratique et républicaine.
L'avis du CCNE sur le diagnostic anténatal mérite qu'on s'arrête sur un point très débattu : la position prise par le comité en faveur de l'autorisation de recherche d'une trisomie 21 à l'occasion d'un diagnostic préimplantatoire (DPI). Cette position se fonde évidemment non sur un souci d'eugénisme mais sur celui d'éviter le sentiment de « pretium doloris » de la mère, en cas de détection tardive de cette anomalie, qui la confronterait au choix douloureux d'une interruption médicale de grossesse.
On doit aussi évoquer l'avis rendu par le comité, saisi par le député Jean Leonetti, sur la question du développement et du financement des soins palliatifs. Cette question mettait en regard le problème de la limitation des moyens financiers disponibles et celui de l'absolue nécessité de prendre en charge les personnes en fin de vie. Les progrès de la médecine ont prolongé à la fois l'espérance de vie et l'espérance de vie en bonne santé : il paraît donc légitime de souhaiter également bénéficier d'aides permettant d'affronter dans les meilleures conditions possibles la fin de vie. La conclusion du CCNE sur cette question, qui ne peut, comme toutes celles concernant la réflexion éthique, qu'être provisoire et se présenter comme un questionnement, rejoint son souci de solliciter la réflexion citoyenne et collective. Le comité a considéré, en effet, qu'en l'état actuel, la question posée n'est pas uniquement financière : elle met aussi en évidence la nécessité d'interroger les citoyens sur l'accompagnement des personnes en fin de vie. Le progrès technologique peut ainsi ramener vers l'humanisme car on ne peut se contenter de mettre en place des moyens : il faut également assurer, dans le cadre des soins palliatifs, un véritable accompagnement des personnes en fin de vie - aux niveaux de l'entourage familial, amical, social et sociétal.
M. Alain Grimfeld a souligné le souhait très vif de la jeunesse de participer au débat éthique, qui s'est manifesté à nouveau en 2009 lors des journées annuelles d'éthique, ainsi que la pertinence et la maturité des interventions des lycéens qui ont pris part à ces journées. Ceux-ci demandent d'ailleurs à contribuer de façon continue à ce débat et il est nécessaire d'entretenir avec eux une réflexion éthique commune, par exemple dans le cadre des espaces de réflexion éthique régionaux.
Sur le plan international, le comité a participé en 2009 au forum européen, qui s'est réuni en mars à Prague et en septembre à Stockholm, et à la réunion trilatérale entre l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France, organisée en décembre à Berlin.
Les perspectives du CCNE en 2010 intègrent, sur le plan national, les travaux des groupes de travail mis en place sur les thèmes liés à la révision de la loi bioéthique : la recherche sur l'embryon in vitro, la gestation pour autrui, l'assistance médicale à la procréation post-mortem, le don d'organes et la communication scientifique. Ce dernier thème est majeur : il existe en effet actuellement une suspicion du public vis-à-vis d'un discours scientifique qui lui donne l'impression que l'on décide à sa place, que lorsque des progrès ont été réalisés leur application est possible, et que ce qui est possible est « autorisable ». Mais ce qui est possible n'est pas toujours autorisable, loin s'en faut, notamment dans le domaine de l'évolution de l'espèce humaine. Vouloir associer les citoyens au débat éthique ne relève donc pas de la démagogie, mais au contraire du réalisme.
Le CCNE envisage aussi de nouvelles autosaisines, qui pourraient notamment concerner les progrès des neurosciences et de l'imagerie cérébrale fonctionnelle susceptibles de permettre de déterminer les possibilités de développement de certaines manifestations neuropsychiatriques ou de certains comportements, progrès qui posent par conséquent des problèmes éthiques absolument majeurs. Il faut aussi développer la réflexion sur les relations entre bioéthique et biodiversité. On ne peut en effet se limiter à une conception réductrice de la bioéthique et il faut considérer l'espèce humaine à l'intérieur et dans l'ensemble du vivant. Certes, il ne s'agit pas de privilégier l'éco-centrisme ou le bio-centrisme aux dépens de l'anthropocentrisme, mais on ne peut plus considérer isolément de l'ensemble du vivant le développement de l'espèce humaine - éventuellement modifiée par les technologies mises au service de sa reproduction.
En troisième lieu, le CCNE entend aussi développer des relations partenaires avec d'autres instances, parmi lesquelles, par exemple, l'agence de biomédecine, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde), la Haute Autorité de santé (HAS), la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (Mildt), le conseil national de l'ordre des médecins ou le Médiateur de la République, afin de mettre en place des mécanismes d'alerte et d'information réciproque sur les préoccupations et les travaux des uns et des autres.
M. Alain Grimfeld a ensuite évoqué la mise en oeuvre de projets citoyens. Rappelant qu'il avait eu l'honneur de présider des groupes de travail dans le cadre du Grenelle de l'environnement, il a indiqué avoir, à cette occasion, interrogé les élus sur leur éventuel intérêt pour l'organisation de débats de réflexion auxquels participeraient leurs administrés. Leurs réponses ont été unanimement positives : l'exemple de la petite commune où il réside témoigne de l'importante participation de la population, en particulier celle des jeunes, aux réunions organisées par le maire sur les rapports entre santé et environnement. Il n'est bien sûr pas question d'imposer de tels débats dans les 36 000 communes, mais les espaces de réflexion éthique régionaux prévus par les textes relatifs aux CCNE pourraient être sollicités à ce sujet. L'organisation de ces espaces doit être prochainement précisée par un texte réglementaire et ils pourront devenir les maillons constituant, avec le comité national, un réseau de bioéthique.
Enfin, au niveau international, le CCNE participera, en 2010, au sommet européen qui se tiendra en mars à Madrid, au huitième sommet mondial des comités nationaux d'éthique, qui aura lieu à Singapour au mois de juillet, et il organisera à Paris, en décembre, le prochain séminaire trilatéral réunissant les comités d'éthique allemand, anglais et français.
Un débat a suivi.
Saluant la qualité de l'exposé d'Alain Grimfeld et comprenant qu'il ait eu la modestie de préférer mettre en avant les travaux du CCNE plutôt que parler de lui-même, M. Claude Jeannerot lui a demandé, dans l'esprit de la nouvelle procédure de consultation des commissions parlementaires sur certaines nominations, d'indiquer les raisons pour lesquelles il avait été nommé à la présidence du CCNE et celles qui pourraient le conduire à souhaiter le renouvellement de son mandat.
M. François Autain, se référant au souci d'impliquer davantage les citoyens dans le débat éthique, s'est interrogé sur le rôle des comités d'éthique mis en place dans les hôpitaux, sur le jugement à porter sur ces structures et sur leurs éventuelles relations avec le CCNE.
Approuvant la position du CCNE sur le dépistage de la trisomie 21 à l'occasion du diagnostic préimplantatoire, il a demandé des précisions sur les conditions dans lesquelles cette anomalie génétique constitue une indication d'interruption médicale de grossesse et sur les évolutions éventuellement constatées en la matière.
Rappelant la position des Etats généraux de la bioéthique sur le maintien de l'interdiction, sous réserve de dérogations autorisées, de la recherche sur les embryons, il a souhaité connaître l'état de la réflexion du groupe de travail du CCNE chargé de ce sujet et la possibilité de définir aujourd'hui une règle plus claire.
M. Gilbert Barbier a voulu savoir si l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) est au nombre des instances avec lesquelles le CCNE souhaite entretenir des rapports.
Il a demandé des précisions sur les relations entre les avis du CCNE et les lois qui en découlent. Le CCNE considère t-il que certains de ses avis ont force de loi ou qu'ils sont purement consultatifs ? Peut-il avoir vocation à évaluer la loi ?
Enfin, le comité estime-t-il que le diagnostic préimplantatoire peut porter sur l'ensemble des anomalies génétiques, même celles qui ne seraient pas mortelles ni très invalidantes ?
Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité témoigner de la liberté de parole au sein du CCNE, du respect mutuel dont font preuve ses membres et de l'enrichissement qu'apportent l'expression de différents regards et la participation aux débats de spécialistes de différentes disciplines.
Elle a observé que les avis soumis au comité plénier après avoir été débattus entre le groupe de travail et la section technique font souvent encore l'objet de discussions approfondies avant d'arriver à l'expression d'une pensée qui, certes, demeure interrogative mais reflète une réflexion pluraliste et pluridisciplinaire.
Elle a noté, en tant que parlementaire membre du comité, que la proximité, sur certains sujets, des débats au sein du comité et de l'examen de textes au Parlement peut être quelquefois gênante.
Elle a précisé que le retard de six mois qui avait affecté, en 2008, le renouvellement d'un tiers des membres du CCNE a effectivement fait obstacle au bon déroulement de ses travaux.
Enfin, elle a demandé l'avis d'Alain Grimfeld sur les propositions du rapport d'information de l'Assemblée nationale relatif à la révision de la loi bioéthique pour ce qui concerne le développement du rôle du CCNE et les moyens qu'il nécessiterait.
Mme Raymonde Le Texier, observant que le travail du CCNE mériterait d'être mieux connu, a demandé des précisions sur les moyens concrets qui pourraient être envisagés pour associer davantage les citoyens à la réflexion éthique, ainsi que sur les conditions dans lesquelles sont choisis les lycéens qui participent aux journées annuelles d'éthique.
M. Alain Milon a dit partager l'opinion de François Autain sur l'extension du DPI au dépistage de la trisomie 21. Il a demandé si les avis du CCNE font l'objet d'un vote et si les résultats de ce vote sont connus. Lorsque l'avis du comité est rendu, s'impose-t-il à tout le monde ou les parlementaires gardent-ils leur liberté de parlementaires ?
Relevant enfin qu'Alain Grimfeld avait défini l'éthique comme « l'exercice d'une morale active », il a estimé que l'on pourrait plutôt la définir comme l'exercice d'une morale évolutive.
En réponse aux intervenants, M. Alain Grimfeld a notamment apporté les précisions suivantes :
- sa nomination, par le ministre chargé de la santé, en tant que membre du CCNE, tenait sans doute à son expérience de pédiatre et à l'ouverture sur certains problèmes éthiques acquise dans le cadre de cette expérience. Les raisons qui ont pu conduire à lui confier la présidence du CCNE tenaient peut-être à sa connaissance des problèmes éthiques et aux occasions qu'il avait eues de côtoyer des personnalités ayant aussi une expérience en ce domaine, en particulier dans celui des liens entre santé et environnement ou dans celui des problèmes d'éthique de l'espèce humaine vis-à-vis du reste du vivant. Peut-être a-t-il aussi été tenu compte de l'expérience qu'il avait acquise en présidant, depuis sa création en 1996, le comité de prévention et de précaution du ministère de l'environnement ;
- l'important, pour le fonctionnement d'un organisme comme le CCNE, est de parvenir à faire dialoguer des personnes entre elles, d'être ouvert à l'interdisciplinarité, de s'attacher à trouver les bons questionnements et à aboutir à des convergences sans chercher à satisfaire à la mode du consensus. Comment aborder, par exemple, une question comme celle de la gestation pour autrui ? Il faut faire en sorte que chacun s'ouvre au débat contradictoire et, s'il reste des divergences à l'issue de ce débat, pouvoir apporter au moins une valeur ajoutée en dégageant un maximum de convergences, grâce au débat et à un questionnement bien posé ;
- les espaces éthiques régionaux peuvent permettre très concrètement d'associer les citoyens au débat éthique. Leur composition participe du même principe de collégialité que celle du CCNE et, dans l'attente de leur officialisation, ils rassemblent déjà des personnes qui ont une réflexion sur les questions d'éthique actuellement en débat. On a consulté, dans le cadre des Etats généraux de la bioéthique, un certain nombre de citoyens que l'on avait formés au cours de trois séminaires de quarante-huit heures. Mais il existe en France des centaines de milliers de gens qui réfléchissent depuis des années aux questions qui seront soulevées à l'occasion de la révision de la loi bioéthique et qui sont mobilisables tout de suite. Dès que les espaces éthiques régionaux seront créés, il sera possible de faire appel à eux, même si, naturellement, on peut imaginer que certains de ces espaces fonctionneront mieux que d'autres ;
- le recours à l'interruption médicale de grossesse est effectivement possible en cas de trisomie 21, jusqu'à un stade très avancé de la grossesse ;
- en ce qui concerne la recherche sur l'embryon, on soulève actuellement la question du choix entre « l'interdiction avec dérogations » et « l'autorisation avec encadrement ». On pourrait être tenté de se focaliser plutôt sur deux autres questions. La première est celle des interrogations légitimes que soulève l'utilisation, pour la recherche, d'un embryon. S'il ne fait plus partie d'un projet parental, peut-on l'utiliser pour la recherche ? Et dans ce cas, cela change-t-il ce que l'on pourrait appeler la « personnalité » de l'embryon, devient-il une agrégation de cellules plutôt qu'une personne potentielle ? Le second sujet à envisager est celui de la recherche sur l'embryon « in toto », c'est-à-dire sur les systèmes de coopération cellulaire, sur les mécanismes qui font qu'à partir de deux, quatre, huit ou seize cellules peut apparaître une orientation céphalo-caudale, sur ceux qui font que le foie est à droite et la rate à gauche. Il pourrait être ainsi pertinent de faire des recherches sur l'organisation de la coopération cellulaire que l'on ne peut entreprendre que sur l'embryon « in toto » et non sur une lignée de cellules ;
- le CCNE pourrait se contenter de dire à chacun : « faites ce que vous voulez ». Mais son rôle est de donner un avis et de chercher à être cohérent avec les sollicitations citoyennes dont doivent d'ailleurs tenir compte les parlementaires. La « morale active » est aussi, naturellement, évolutive. Elle peut même être « proactive », voire anticipatrice, comme lorsque le comité s'est efforcé de rendre un avis éthique sur la pandémie grippale avant le déclenchement de celle-ci. Il s'agit, pour le comité, de faire en sorte que l'on se pose, très modestement, les bonnes questions ; il s'agit pour lui d'être utilisé, et pour cela il lui faut être utile. Le CCNE est une instance permanente de réflexion et il peut donc être sollicité en permanence par ceux qui sont dans l'urgence. Son rôle est de rendre des avis, certainement pas d'imposer à qui que ce soit les résultats de ses réflexions ;
- le CCNE ne peut que se féliciter des conclusions de la mission d'information de l'Assemblée nationale tendant à élargir son rôle et il est certainement souhaitable qu'il participe aux discussions préalables à la révision de la loi bioéthique ;
- il peut - et les textes le prévoient - y avoir un vote sur un avis du comité mais on ne pourrait qu'être défavorable à la publication du résultat de celui-ci car certains pourraient ne se préoccuper que de savoir à quelle majorité il a été acquis, voire à juger de la « qualité » ou de l'importance de l'avis à cette aune. Si l'on peut envisager qu'un vote soit nécessaire, il n'est certainement pas souhaitable d'en publier le résultat.
M. Alain Grimfeld a également précisé, en réponse à François Autain, Gilbert Barbier et Marie-Thérèse Hermange, qu'il n'existe pas de liste limitative des maladies génétiques héréditaires susceptibles de faire l'objet d'un diagnostic préimplantatoire et que la trisomie 21 est la seule maladie génétique non héréditaire dont le CCNE a proposé qu'elle puisse être dépistée dans le cadre du DPI.
Création d'une commission d'enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1)v - Communication et échange de vues
Enfin, la commission a entendu une communication de Mme Muguette Dini, présidente, et procédé à un échange de vues sur la proposition de résolution n° 226 (2009-2010), présentée par M. François Autain et plusieurs de ses collègues, visant à créer une commission d'enquête sur le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le Gouvernement de la grippe A (H1N1)v.
Mme Muguette Dini, présidente, a informé la commission du dépôt, par les membres du groupe CRC-SPG, d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission sénatoriale d'enquête. Si des initiatives de ce type ont déjà été prises par le passé, celle-ci présente une particularité : elle est assortie d'une demande de droit de tirage annuel, tel que prévu par le nouvel article 6 bis du Règlement du Sénat, introduit par la résolution du 2 juin 2009. Son premier alinéa dispose en effet : « chaque groupe a droit à la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information par année parlementaire. »
Jusqu'à présent, ce « droit de tirage » n'a été utilisé que par le groupe de l'union centriste mais pour la constitution d'une mission d'information, laquelle, portant sur le traitement des déchets, est actuellement en cours. Le présent cas de figure est donc inédit.
Bien que le thème central de la proposition du groupe CRC-SPG entre pleinement dans le champ de compétences de la commission, et qu'en conséquence elle en ait été saisie, il ne lui appartient pas de se prononcer sur son bien-fondé, dès lors qu'il est fait usage du droit de tirage par un groupe. En revanche, comme c'est la règle pour toute demande de création d'une commission d'enquête, il relève de la commission des lois de donner son avis sur sa recevabilité.
Au vu de cet avis, et ainsi que le président Gérard Larcher l'a indiqué par écrit à la présidente du groupe CRC-SPG, la Conférence des présidents prendra acte de cette demande lors de sa réunion du 10 février prochain.
M. Jean Desessard a signalé qu'au cours d'une émission télévisée récente traitant de la question de l'amiante, au cours de laquelle était intervenu l'un des membres de la commission, il avait été mis en lumière l'influence des industriels producteurs sur le comité permanent de l'amiante. En conséquence, et par analogie entre ces deux dossiers, la pertinence du thème proposé pour la commission d'enquête, qui porte sur le rôle des laboratoires pharmaceutiques dans la gestion de la pandémie grippale, devrait conduire tous les sénateurs à soutenir le principe de sa création.
Mme Muguette Dini, présidente, a fait valoir que, suivant la logique du système du droit de tirage, il n'y a pas matière à se prononcer en faveur ou non de la création de cette commission d'enquête, dès lors que la commission des lois aura confirmé sa recevabilité juridique. Dans cette hypothèse, la commission d'enquête serait alors constituée au prorata de l'effectif des groupes politiques.
Mme Catherine Procaccia a remercié la présidente d'avoir organisé, voici deux semaines, l'audition par la commission des laboratoires pharmaceutiques fournisseurs des vaccins contre la grippe A (H1N1), ainsi que celle de la ministre de la santé. Elles ont toutes deux permis l'information très approfondie des sénateurs, sans engager de procédure lourde, même si l'on peut peut-être aller plus loin puisque tel est le souhait du groupe CRC-SPG.
Questions diverses
Mme Marie-Thérèse Hermange a rappelé sa demande de constitution d'un groupe de travail sur le don d'organes, question complexe comme l'a montré la réunion d'information qui lui a été consacrée par la commission la semaine précédente, ce qui justifie qu'elle puisse être étudiée plus avant.
Mme Muguette Dini, présidente, a fait observer que les cinq semaines de suspension des travaux parlementaires d'ici à la fin avril et le grand nombre de structures de travail actuellement en cours à la commission ne permettent pas d'envisager, à très court terme, la création d'un groupe supplémentaire, d'autant que le thème du don d'organes a été largement étudié lors des rencontres de la bioéthique organisées par la commission. Elle a toutefois proposé d'inscrire la question à l'ordre du jour de la prochaine réunion de bureau de la commission qui aura lieu à la fin mars.
Mme Marie-Thérèse Hermange a confirmé son souhait de voir engager un travail de courte durée, deux mois tout au plus, permettant d'auditionner des acteurs de terrain spécialistes des questions de don et greffe d'organes.