- Mardi 8 décembre 2009
- Mercredi 9 décembre 2009
- Accord entre la France et les Pays-Bas relatif à la lutte contre le travail illégal - Examen du rapport
- Accord entre la France et Maurice relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure - Examen du rapport
- Accord entre la France et Djibouti sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements - Examen du rapport
Mardi 8 décembre 2009
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -64e Assemblée générale des Nations unies - Communication
La commission a d'abord entendu une communication de M. Josselin de Rohan, président, sur le déplacement effectué à la 64e Assemblée générale des Nations unies, à New-York, du 25 au 29 octobre 2009.
M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que la délégation de la commission, composée de MM. Robert Hue, Daniel Reiner et de lui-même, avait pu s'entretenir avec une vingtaine de hauts responsables de l'Organisation des Nations unies (ONU) ou représentants permanents d'Etats membres, notamment le Secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, plusieurs secrétaires généraux-adjoints et les représentants des membres permanents du Conseil de sécurité.
Il a rappelé que le débat d'ouverture de la session ordinaire de l'assemblée générale, au mois de septembre, avait été dominé par l'intervention du président Obama, marquant, aux yeux de beaucoup de pays, le « retour » des Etats-Unis d'Amérique au sein de l'ONU. À la différence de son prédécesseur, M. Barack Obama s'est clairement placé dans la perspective d'une revitalisation du multilatéralisme, contribuant à créer un nouveau climat et l'espoir d'un nouvel élan pour les Nation unies. Toutefois, le sentiment d'un décalage entre le discours et l'action effective de l'administration américaine est déjà perceptible, alors que les limites de l'engagement diplomatique des Etats-Unis sont apparues sur des dossiers tels que le conflit israélo-palestinien ou l'Iran.
Au titre des grands dossiers internationaux transversaux abordés par la délégation lors de ses entretiens, M. Josselin de Rohan, président, a tout d'abord mentionné les changements climatiques. Le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, y a consacré une large partie de l'entretien, en marquant son inquiétude vis-à-vis des divergences de vues entre les différents groupes de pays à l'approche de la conférence de Copenhague. Il s'est interrogé notamment sur les engagements auxquels seraient prêts à souscrire les Etats-Unis et les grands pays émergents, et sur l'ampleur des transferts financiers que les pays industrialisés accepteront de réaliser au profit des pays du Sud, afin de les aider à mettre en place un modèle de développement moins consommateur en énergie.
La délégation a également fait le point sur les opérations de maintien de la paix avec M. Alain Le Roy, secrétaire général-adjoint des Nations unies. Au nombre de quinze, ces opérations réunissent plus de 115 000 hommes, contre 20 000 au début de la décennie. M. Alain Le Roy a souligné les améliorations intervenues dans l'engagement et la conduite de ces opérations depuis les années 1990. Il a regretté que les Européens, qui ne représentent que 3 % des effectifs, ne s'engagent pas plus activement dans ces opérations.
M. Josselin de Rohan, président, a précisé que la France et le Royaume-Uni avaient conjointement formulé plusieurs propositions pour améliorer le fonctionnement des opérations de maintien de la paix : assurer un meilleur suivi politique des opérations par le Conseil de sécurité, renforcer la chaîne de commandement, contenir les coûts. Il a également signalé que la Chine et la Russie n'envisageaient pas, pour l'instant, de contribuer significativement à ce type d'opérations.
Il a aussi rappelé que la Russie avait opposé son veto, au mois de juin, à la prolongation de la mission d'observation en Géorgie (MONUG), provoquant le retrait, l'été dernier, des 130 observateurs militaires de l'ONU.
La délégation a rencontré Sir John Holmes, secrétaire général-adjoint aux affaires humanitaires, qui a dressé un panorama assez préoccupant des tendances qui se manifestent en la matière. On compte aujourd'hui 11 millions de réfugiés et 26 millions de déplacés internes, mais ce nombre ira en augmentant en raison des conflits, des conséquences des changements climatiques, facteurs de multiplication des catastrophes naturelles, de la croissance démographique, de l'urbanisation et des tensions sur les ressources alimentaires. Une seconde tendance inquiétante tient aux difficultés d'accès pour l'assistance internationale du fait des réticences des gouvernements et des groupes armés, mais également de la multiplication des prises à partie des personnels humanitaires, comme on le voit en Afghanistan.
Les Nations unies souhaiteraient pouvoir réorienter l'aide humanitaire vers des politiques préventives - par exemple des programmes sur l'habitat ou l'environnement qui permettraient de limiter l'impact des catastrophes naturelles - ou vers le renforcement des capacités locales, mais la priorité restera aux besoins d'assistance immédiats.
M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que la délégation avait été directement interpellée par M. Ban Ki-moon sur le fait que la France avait été le seul pays de l'Union européenne à ne pas contribuer en 2009 au Fonds central d'intervention pour les urgences humanitaires (CERF). Il s'est félicité que, à la suite d'un amendement de la commission au projet de loi de finances, le Gouvernement, par la voix de M. Alain Joyandet, secrétaire d'Etat chargé de la coopération et de la francophonie, se soit engagé à rétablir cette contribution en 2010.
Les entretiens de la délégation ont également porté sur les principales crises régionales.
En ce qui concerne l'Afrique, quatre principaux sujets d'actualité ont été évoqués :
- la Guinée, à propos de laquelle la France est intervenue au Conseil de sécurité au lendemain même des massacres et exactions du 28 septembre 2009 ; le secrétaire général des Nations unies a mandaté une commission d'enquête internationale qui s'est rendue sur place il y a quelques jours ;
- la Côte d'Ivoire, où les élections, initialement prévues pour le 29 novembre, ont été reportées à la fin du mois de février ou au début mars 2010, en vue de finaliser l'établissement des listes électorales ; la perspective de ce scrutin, quatre ans après la fin officielle du mandat de M. Laurent Gbagbo, permet d'envisager un retrait de l'ONUCI et de la force Licorne où la France déploie encore plus de 900 hommes ;
- la République démocratique du Congo, confrontée à une situation toujours très dégradée dans la région du Kivu, frontalière du Rwanda ; la mise en place d'une opération européenne d'appui à la formation de l'armée et de la police a été évoquée par plusieurs interlocuteurs de la délégation ;
- enfin, le Sud-Soudan où l'on constate un regain de tension, à l'approche des élections générales soudanaises d'avril 2010 et du référendum d'autodétermination prévu en janvier 2011 ; selon nombre d'interlocuteurs de la délégation, tous les ingrédients sont réunis pour le déclenchement d'un nouveau conflit dans cette région autonome, riche en pétrole mais en tirant peu de bénéfice ; les Nations unies déploient une force de 10 000 hommes au Sud-Soudan et il pourrait être envisagé de la renforcer.
S'agissant de l'Iran, la délégation a évoqué avec la représentante permanente des Etats-Unis d'Amérique, Mme Susan Rice, et son homologue russe, M. Vitaly Churkin, l'hypothèse d'un refus de Téhéran des propositions de transfert d'uranium enrichi, qui pourrait conduire le processus diplomatique dans l'impasse. Mme Susan Rice s'est déclarée convaincue de la nécessité, dans cette hypothèse, d'accentuer les pressions sur l'Iran par un renforcement des sanctions, M. Vitaly Churkin considérant plutôt que tous les ressorts de la diplomatie n'avaient pas encore été épuisés. M. Josselin de Rohan, président, a observé que la Russie et la Chine ont voté, il y a deux semaines, une résolution très ferme de l'AIEA enjoignant à l'Iran de geler la réalisation de son nouveau site et de suspendre toutes ses activités d'enrichissement. Selon Mme Susan Rice, l'absence de sanctions fermes et fortes ne pourrait qu'inciter Israël à envisager l'option militaire.
La délégation a également évoqué le conflit israélo-palestinien avec la représentante permanente d'Israël, Mme Gabriela Shalev, et l'observateur permanent de Palestine, M. Riyad Mansour. Ces entretiens ont reflété la situation de blocage dans laquelle se trouve le processus de paix. M. Josselin de Rohan, président, a mentionné le vote, le 5 novembre 2009, par l'Assemblée générale d'une résolution approuvant le rapport Goldstone sur les événements de Gaza et demandant aux deux parties de mener des enquêtes indépendantes. Il a précisé que 44 pays, dont la France, et 14 autres pays européens, s'étaient abstenus sur cette résolution.
M. Josselin de Rohan, président, a ensuite donné des indications sur la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies, sur laquelle ont été engagées depuis le mois de février des négociations intergouvernementales. Il a rappelé les différentes propositions d'élargissement du Conseil, les unes incluant de nouveaux membres permanents, les autres prévoyant exclusivement de nouveaux membres non permanents. La France et le Royaume-Uni ont avancé l'option d'une réforme intermédiaire en vertu de laquelle, durant une période transitoire, certains membres non-permanents pourraient être élus pour une durée supérieure aux deux ans actuels et leur mandat pourrait être renouvelé.
Il a estimé que, au-delà des affirmations unanimes sur la nécessité d'une réforme pour rendre le Conseil de sécurité plus représentatif, les divergences demeuraient nombreuses alors que toute modification implique une majorité des deux-tiers des Etats membres et l'accord des cinq membres permanents.
Enfin, M. Josselin de Rohan, président, a évoqué les incidences du traité de Lisbonne sur la représentation de l'Union européenne auprès de l'ONU.
Le traité entraînera l'unification de la représentation diplomatique européenne à New-York, aujourd'hui répartie entre une délégation de la Commission et un bureau de liaison du Secrétariat général du Conseil. Ces deux entités vont fusionner dans le cadre du nouveau service d'action extérieure.
Par ailleurs, seule la Communauté européenne, représentée par la Commission, possède aujourd'hui un statut d'observateur à l'ONU. En dotant l'Union européenne de la personnalité juridique, le traité de Lisbonne devrait lui permettre de s'exprimer en tant que telle, autrement que par l'intermédiaire de la présidence semestrielle. Toutefois, l'admission de l'Union européenne au statut d'observateur permanent devra recueillir l'approbation d'une majorité d'Etats membres.
Le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité pourra être entendu par le Conseil de sécurité, ainsi que le chef de la représentation de l'Union européenne auprès des Nations unies.
M. Josselin de Rohan, président, a estimé que les Nations unies étaient certainement l'un des cadres dans lequel la nouvelle représentation extérieure de l'Union européenne pourrait trouver son expression la plus concrète.
A la suite de cet exposé, M. Robert Hue a appuyé les principales observations du président Josselin de Rohan au sujet de la présente mission particulièrement nécessaire à l'information de la commission sur les grands dossiers internationaux. Il a confirmé les attentes créées par la nouvelle politique étrangère annoncée par le président Obama et les interrogations que peut susciter l'écart entre les intentions et leur mise en oeuvre. Il s'est déclaré pessimiste sur les possibilités de progresser vers un processus de paix au Proche-Orient. Il a souligné le rôle éminent que continuait de jouer la France à l'ONU et rendu hommage à la qualité des diplomates de la représentation permanente française qui y défendent notre politique étrangère. Il a également indiqué que l'utilité de promouvoir la francophonie avait été évoquée à plusieurs reprises dans les entretiens de la délégation.
M. Daniel Reiner a considéré que le débat sur la réforme du Conseil de sécurité était marqué par une certaine hypocrisie, aucune majorité ne semblant pouvoir se dégager sur l'une ou l'autre des propositions avancées, alors qu'aucun Etat ne conteste la nécessité de faire évoluer le système actuel, qui n'est pas satisfaisant. Il a jugé surprenante la décision de la France de suspendre sa contribution au Fonds central d'intervention pour les urgences humanitaires (CERF) en 2009 et s'est réjoui que, à la suite de la position prise par la commission dans le débat budgétaire, le Gouvernement se soit engagé à la rétablir en 2010. A propos de la conférence de Copenhague, il a estimé qu'elle se présentait plus favorablement que ne l'avaient envisagé les interlocuteurs de la délégation il y a quelques semaines.
Il a constaté que de nombreux interlocuteurs de la délégation, notamment les représentants permanents de la Chine et de la Russie, avaient considéré qu'un retrait d'Afghanistan n'était pas souhaitable, tout en appuyant une accentuation de l'aide internationale, la solution du conflit ne pouvant être exclusivement militaire. Il a noté l'intransigeance des positions d'Israël, qui écarte toute possibilité raisonnable de résolution du conflit israélo-palestinien. Il a également souligné les inquiétudes multiples exprimées au sujet de l'Afrique, foyer de nombreux conflits en cours ou en gestation, et s'est demandé si la France était véritablement bien inspirée de vouloir, dans ce contexte, réduire sa présence sur le continent.
M. Jean-Pierre Chevènement a évoqué les nombreuses difficultés auxquelles se heurte un élargissement du Conseil de sécurité. Des antagonismes régionaux se manifestent face à la candidature de pays comme l'Inde, le Brésil ou le Japon. Les interrogations sont fortes sur les garanties de stabilité que peuvent apporter certains candidats africains à un siège de membre permanent.
M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que les oppositions multiples se manifestant sur les différents projets jouaient en faveur d'un statu quo.
Session annuelle de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN - Communication
La commission a ensuite entendu une communication de M. Josselin de Rohan, président, sur la session annuelle de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, qui s'est tenue à Edimbourg du 13 au 17 novembre 2009.
M. Josselin de Rohan, président, a indiqué qu'il conduisait la délégation du Sénat qui comprenait MM. Didier Boulaud et Jean-Pierre Demerliat, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Xavier Pintat et Jacques Gautier. Il a précisé que parmi les personnalités qui étaient intervenues lors de la session figuraient M. David Miliband, ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni, M. Anders Fogh Rasmussen, secrétaire général de l'OTAN et l'amiral James G. Stavridis, commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR).
Au sujet de l'Afghanistan, qui constituait l'un des principaux points à l'ordre du jour, tant dans les débats en commission qu'en séance plénière, il a retenu les éléments suivants :
- un assentiment général sur le constat d'une détérioration de la situation sécuritaire et sur la nécessité de maintenir l'engagement politique de la communauté internationale et de renforcer l'engagement militaire de l'OTAN ;
- l'appel du secrétaire général de l'OTAN aux Alliés en vue de rehausser l'effectif de la FIAS, comme le souhaitait le général McChrystal, qui avait été en partie entendu avec la récente annonce de contributions supplémentaires de 7 000 hommes, en complément des 30 000 hommes qui seront envoyés par les Etats-Unis d'Amérique ; ces 7 000 hommes proviendront de pays de l'OTAN, notamment du Royaume-Uni (1 200 hommes), d'Italie (1 100 hommes) et de Pologne (680 hommes), mais également de pays partenaires comme la Géorgie (900 hommes) ou la Corée (500 hommes) ;
- la confirmation, par les parlementaires canadiens, du retrait de leur contingent (2 800 hommes) en 2011, les Pays-Bas devant, quant à eux, retirer leur contingent (2 100 hommes) en 2010 ; les parlementaires canadiens ont souligné le lourd tribut supporté par le Canada et regretté que la responsabilité des zones les plus exposées, comme celle de Kandahar, ne soit pas mieux répartie entre Alliés ; d'autres intervenants ont regretté les décisions de retrait unilatéral ;
- la mise en exergue de la responsabilité cruciale pesant sur le Président Karzai et son nouveau gouvernement afin de restaurer la crédibilité du pouvoir politique et d'éviter un basculement des populations vers les taliban ;
- le plaidoyer du ministre britannique des affaires étrangères, M. David Miliband, en faveur d'une stratégie visant à diviser les insurgés, par une combinaison de pressions militaires et d'initiatives politique, et à réintégrer les éléments qui ne se reconnaissent pas dans le terrorisme international ou l'extrémisme religieux ;
- enfin, la nécessité d'une implication des pays voisins de l'Afghanistan, comme l'avait souligné le rapport établi à la suite de la mission de la commission dans la région, et le soutien de M. Anders Fogh Rasmussen à la Conférence internationale qui se tiendra à Londres, le 28 janvier 2010, sur proposition britannique, française et allemande, et qui sera placée sous l'égide des Nations unies.
M. Josselin de Rohan, président, a ensuite évoqué les relations de l'OTAN avec la Russie, deuxième thème dominant des discussions et priorité affichée par le nouveau secrétaire général dès sa nomination.
Il a rappelé que le conflit géorgien d'août 2008 avait entraîné l'interruption des réunions du Conseil OTAN-Russie. Celui-ci s'était de nouveau réuni pour la première fois au mois de juin, puis le 4 décembre 2009. A cette occasion, des documents relatifs à la coopération en matière de lutte contre le terrorisme et aux facilités accordées par la Russie pour l'approvisionnement de la FIAS en Afghanistan avaient été adoptés. Il avait été également décidé de constituer un groupe de travail OTAN-Russie sur la défense antimissile.
M. Josselin de Rohan, président, a estimé que, si la reprise des réunions du Conseil OTAN-Russie permettait d'afficher une certaine détente, elle ne traduisait pas pour autant l'instauration d'une véritable relation de confiance, le conflit géorgien ayant notamment laissé des traces profondes. Pour beaucoup de pays de l'Alliance atlantique, le projet de traité sur la sécurité européenne, que Moscou vient de rendre public, découle d'une logique de zone d'influence dans laquelle ils se refusent à entrer.
Enfin, M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que de nombreuses discussions étaient intervenues sur la préparation du nouveau concept stratégique de l'OTAN. Le groupe de douze sages, présidé par Mme Madeleine Albright, remettra en avril 2010 des propositions au secrétaire général de l'OTAN qui établira le projet soumis aux Chefs d'Etat et de gouvernement lors du sommet de Lisbonne, à la fin de l'année 2010.
Parmi les sujets donnant lieux à débat, M. Josselin de Rohan, président, a tout d'abord mentionné l'engagement de défense collective garanti par l'article 5 du traité de Washington. Il a fait état d'un consensus sur la réaffirmation de la défense collective comme mission première de l'OTAN et sur l'absence de concurrence entre celle-ci et les missions extérieures de gestion de crises. En revanche, il s'est déclaré frappé par la vive préoccupation exprimée par de nombreux parlementaires d'Europe orientale ou des pays baltes quant à la traduction de cet engagement, dans un contexte de réapparition des craintes envers la Russie, du fait notamment de l'intervention militaire en Géorgie.
M. Josselin de Rohan, président, a indiqué que plusieurs propositions ont été émises en vue de faire apparaître dans le futur concept stratégique les exigences de la défense territoriale, au travers, notamment, de planifications militaires appropriées ou de renforcement des infrastructures de défense sur le territoire européen.
Les interrogations sur la garantie de l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Alliance ne peuvent à ses yeux être dissociées de la question de la dissuasion nucléaire, qui faisait jusqu'à présent partie intégrante de la doctrine de l'OTAN. Certains intervenants, s'appuyant sur la perspective d'un monde sans armes nucléaires évoquée par le président Obama, ont plaidé pour un abandon de la doctrine nucléaire de l'OTAN. Mais on peut se demander si une telle évolution ne serait pas contradictoire avec la volonté de maintenir la crédibilité de l'engagement de défense collective, qui s'est appuyé des décennies durant sur la dissuasion nucléaire.
La délégation française a été amenée à effectuer des mises au point sur la position de la France en matière de désarmement nucléaire, en soulignant les mesures concrètes prises, tant en matière de réduction des forces nucléaires que de renonciation aux essais nucléaires et à la production de matières fissiles militaires, ainsi que de soutien au régime international de désarmement et de non-prolifération.
M. Josselin de Rohan, président, a évoqué d'autres points abordés dans le débat sur le futur concept stratégique. Il a indiqué être intervenu pour insister sur la nécessité de ne pas assigner à l'OTAN un niveau d'ambition disproportionné par rapport à ses ressources et à ses capacités, et de rationaliser les structures de commandement surdimensionnées. Il a exprimé des réserves au sujet de la proposition de développement du financement commun pour les acquisitions d'équipements.
Enfin, il a demandé que le futur concept stratégique appuie le renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense, reconnaisse le rôle propre que doit jouer l'Union européenne dans la sécurité internationale et souligne l'intérêt que présente une politique commune plus étroite pour renforcer la capacité à agir des Européens, que ce soit dans le cadre de l'OTAN ou dans des opérations autonomes.
A la suite de cet exposé, M. Jacques Gautier s'est félicité de la coordination établie entre la délégation de l'Assemblée nationale et celle du Sénat, qui avait permis de faire connaître les points de vue français dans les différents débats et d'appuyer l'élection de M. Jean-Michel Boucheron, député, à la vice-présidence de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN. Il a confirmé que, dans les discussions sur le désarmement nucléaire, la réalité des progrès accomplis par la France avait dû être rappelée. Il a également fait état des échanges intervenus sur les conséquences du réchauffement climatique et de la fonte de la banquise dans la région arctique, en termes d'enjeux économiques et de sécurité.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam a évoqué l'amendement présenté par la délégation française pour appuyer l'organisation d'une conférence internationale sur l'Afghanistan, incluant notamment les pays voisins, en regrettant qu'il n'ait pu être maintenu en séance plénière, ainsi que les points de convergence qui étaient apparus avec la délégation russe. Elle a indiqué être intervenue pour faire respecter l'usage du français comme langue officielle de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.
M. Jean-Pierre Chevènement a rappelé que la doctrine nucléaire de l'OTAN s'appuyait sur la notion de dissuasion élargie, traduisant la garantie apportée aux pays alliés par les forces nucléaires américaines, la déclaration d'Ottawa de 1974 reconnaissant par ailleurs que les forces nucléaires de la France et du Royaume-Uni jouent un rôle dissuasif propre contribuant au renforcement global de la dissuasion de l'Alliance. Il a également rappelé que le dispositif nucléaire de l'OTAN en Europe reposait sur près de 500 bombes nucléaires américaines B-61 stationnées dans six pays - le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, la Turquie, les Pays-Bas et la Belgique - et que la question de la modernisation ou du renouvellement de ses armes et des avions chargés de les transporter allait se poser à brève échéance. Il a souhaité savoir si un débat était intervenu à ce sujet et si des positions avaient été exprimées, dans le sens du maintien ou au contraire du retrait, par les représentants des différents pays européens.
M. Josselin de Rohan, président, et M. Jacques Gautier ont indiqué que cette question précise et importante pour l'OTAN n'avait pas fait l'objet d'un débat particulier. Toutefois, certains parlementaires allemands ou belges l'ont évoquée en plaidant pour le retrait de ces armes.
Mercredi 9 décembre 2009
- Présidence de M. Josselin de Rohan, président -Accord entre la France et les Pays-Bas relatif à la lutte contre le travail illégal - Examen du rapport
La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Joseph Kergueris sur le projet de loi n° 408 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord de coopération administrative pour la lutte contre le travail illégal et le respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume des Pays-Bas.
M. Joseph Kergueris, rapporteur, a rappelé que le recours à des travailleurs étrangers, notamment dans les secteurs structurellement déficitaires en main d'oeuvre nationale, comme le bâtiment ou l'agriculture, se développait du fait des mutations touchant l'emploi.
Il a relevé que, pour préserver les droits des travailleurs au sein de l'Union européenne, une directive 96/71 avait été adoptée le 16 décembre 1996 par le Parlement européen et le Conseil des ministres de l'Union, et que le Conseil avait également adopté, le 22 avril 1999, une résolution recommandant une meilleure coopération entre les Etats membres en matière de fraude transnationale aux cotisations de sécurité sociale, et de travail non déclaré.
Précisant que le présent accord, signé à Paris le 15 mai 2007, avait pour objectif d'organiser cette coopération entre les Pays-Bas et la France, il a souligné que la lutte contre le travail illégal, notamment dans le contexte du détachement de travailleurs dans le cadre d'une prestation de services, constituait une priorité politique majeure pour ces deux pays, qui partagent la même analyse des conséquences négatives du travail illégal pour les ressources financières des Etats, la protection des droits sociaux des travailleurs et la libre concurrence entre les entreprises.
L'accord bilatéral de coopération organisant la mise à disposition transnationale de travailleurs a pour objet de préciser les modalités de mise en oeuvre de la coopération entre les administrations publiques des deux Etats chargées de la lutte contre le travail illégal, prévue par l'article 4 de la directive 96/71/CE. Celui-ci prescrit, en effet, une obligation d'assistance administrative réciproque en matière d'informations relatives aux travailleurs et aux entreprises, que s'adressent les services de contrôle de chacun des Etats par l'intermédiaire de leurs bureaux de liaison respectifs, notamment dans les cas d'abus manifestes ou d'activités transnationales présumées illégales.
Le présent texte complète ces dispositions générales en prévoyant que la coopération entre les services administratifs compétents de chacun des deux Etats aura pour objet de conduire des actions de prévention des fraudes sociales commises à l'occasion du placement ou du détachement de travailleurs de l'un des deux Etats dans l'autre et de faciliter le contrôle de la législation applicable à ces situations.
M. Joseph Kergueris, rapporteur, a précisé que, pour la France, l'autorité compétente était la direction générale du travail.
Il a souligné que le nombre de salariés détachés en France était estimé entre 210 000 et 300 000 en 2007, contre 200 000 en 2006, et qu'un tiers des déclarations avaient été faites pour des salariés polonais, l'Allemagne étant le deuxième pays déclarant, et le Luxembourg, l'Espagne (premier pays dans le secteur de l'agriculture), la Slovaquie, la Roumanie, l'Italie, le Portugal et la Suisse venant ensuite.
En 2007, 90 % des déclarations de détachement se concentraient sur quatre secteurs d'activité : BTP (55 % des déclarations), industrie (19 %), travail temporaire (10 %) et agriculture (6 %). Sans doute la crise économique a-t-elle fait légèrement évoluer à la baisse ces chiffres, mais sans remettre en cause la nécessité de conclure des accords de ce type.
M. Joseph Kergueris, rapporteur, a rappelé que la France avait signé un accord similaire avec la Bulgarie le 30 mai 2008, et que des « arrangements administratifs » avaient été conclus avec l'Allemagne, en 2001, et la Belgique, en 2003, couvrant un champ de coopération similaire, avec des possibilités de contrôle des conditions de travail des salariés détachés, et de coopération en matière de lutte contre le travail illégal.
La France négocie également des accords de coopération administrative contre le travail illégal et pour le respect du droit social en cas de circulation transfrontalière de travailleurs et de services avec l'Italie, le Luxembourg et l'Allemagne. Deux autres accords de coopération administrative relatifs au détachement transnational de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de service sont en discussion avec la Pologne et le Portugal.
Il a constaté que ce texte s'inscrivait dans un mouvement général observé au sein de l'Union européenne vers une coopération plus étroite entre Etats en matière de contrôle des conditions de détachement des salariés, et il a donc estimé que la France devait se joindre à ce mouvement en ratifiant le présent accord, dans un contexte économique et social qui met parfois à mal les droits élémentaires des travailleurs.
Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé que son examen en séance publique fasse l'objet d'une procédure simplifiée.
Accord entre la France et Maurice relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure - Examen du rapport
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Piras sur le projet de loi n° 310 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.
M. Bernard Piras, rapporteur, a rappelé que la France développait une coopération en matière de sécurité intérieure avec de nombreux pays et que la volonté d'harmoniser et de renforcer la cohérence de cette coopération avait conduit à négocier des accords élaborés selon un modèle unifié dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée transnationale.
Il a fait valoir que le projet d'accord franco-mauricien relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure s'inscrivait dans cette démarche, rappelant qu'il avait été signé à Paris, le 13 juin 2008, à l'occasion de la visite en France du Premier ministre de la République de Maurice.
Un document cadre de partenariat (DCP) France-Maurice avait déjà été conclu, dans cette perspective, le 2 avril 2007 à Port Louis, pour servir de guide à l'action de la coopération française pour les années 2007 à 2011. La volonté mauricienne de consolider l'Etat de droit et la démocratie s'était également exprimée par une demande de coopération dans les domaines militaire, policier, administratif et judiciaire. Maurice ne disposant pas d'armée, la coopération militaire se traduit par un appui aux forces de police en matière de prévention et de lutte contre les trafics illicites, et par un soutien aux garde-côtes en matière de surveillance maritime et de sauvetage en mer.
La coopération policière, quant à elle, porte sur le renforcement des moyens scientifiques et des capacités professionnelles en matière de police judiciaire et scientifique, de maintien de l'ordre, d'analyse et de renseignement criminel, et de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
La coopération administrative et judiciaire passe par l'appui à la réforme de la justice mauricienne grâce à des missions d'experts français, notamment de juges d'instruction, et par la formation continue et le perfectionnement des cadres de la fonction publique se préparant aux épreuves de sélection aux cycles internationaux de l'Ecole nationale d'administration, de l'Ecole nationale des douanes, de l'Ecole nationale de la magistrature et de l'Ecole nationale des institutions financières.
Les priorités du gouvernement mauricien portent sur le renforcement des capacités nationales en matière de maintien de l'ordre, la police judiciaire, avec la création d'une brigade financière, et la lutte contre le terrorisme.
La France attend de cette coopération des améliorations dans la lutte contre les trafics de drogue, contre l'immigration irrégulière et l'action anti-terroriste, pour laquelle Maurice a décidé de se doter d'une unité spécialisée en cours de création.
La proximité géographique de Maurice avec l'île de la Réunion accroît la nécessité de coopérer avec cet Etat.
Les principales menaces pesant sur Maurice sont, dans l'ordre interne, la criminalité, avec une importante consommation de drogue et les délits s'y rapportant, comme les vols à la tire, les infractions à caractère économique et financier, et le blanchiment de fonds.
Les menaces venant de l'extérieur sont plus substantielles et touchent à la pêche illégale, aux trafics illicites, et à la piraterie maritime, qui se déplace vers les Seychelles du fait des difficultés croissantes pour les pirates à opérer au large de la Somalie, avec la présence de l'opération Atalanta.
L'expertise reconnue de la France dans ces domaines a conduit Maurice à la solliciter pour accroître le savoir-faire de ses 10 700 policiers et garde-côtes, dont les missions comprennent également la défense du territoire.
En conclusion, M. Bernard Piras, rapporteur, a proposé à la commission d'adopter le présent accord, conclu pour une période de trois ans et renouvelable par tacite reconduction.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
M. Jacques Berthou s'est interrogé sur une éventuelle montée de la criminalité constatée à Maurice.
Mme Bernadette Dupont s'est inquiétée d'une implantation d'Al-Quaïda dans la région de l'Océan indien.
M. Robert del Picchia a signalé l'existence d'activités bancaires douteuses à Maurice.
En réponse, M. Bernard Piras, rapporteur, a précisé que la République de Maurice n'était pas épargnée, en effet, par la montée de la criminalité constatée partout dans le monde et que celle-ci comprenait des aspects financiers. C'est pourquoi un des volets de la future coopération entre les deux pays porte sur la formation d'agents mauriciens dans ce domaine.
Il a confirmé que la zone de l'Océan indien constituait actuellement une des cibles d'Al-Quaïda.
Puis la commission a adopté le projet de loi et proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance plénière.
Accord entre la France et Djibouti sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements - Examen du rapport
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Robert del Picchia sur le projet de loi n° 405 (2008-2009) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.
M. Robert del Picchia, rapporteur, a indiqué que l'accord entre la France et Djibouti sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Paris, le 13 décembre 2007, était classique dans son contenu. Il est conforme, en effet, au modèle d'accord développé par la France pour remédier à l'absence de cadre multilatéral de protection des investissements en dehors de la zone de l'OCDE.
A ce jour, plus d'une centaine d'accords bilatéraux en matière d'investissements ont été signés par la France et plusieurs autres sont en cours de négociation. Ces accords visent à protéger les investisseurs français à l'étranger contre les risques de nature politique.
Avant de présenter le contenu de cet accord, M. Robert del Picchia, rapporteur, a souhaité rappeler brièvement la situation politique et économique de ce pays, ainsi que l'état des relations entre la France et Djibouti.
La République de Djibouti est un pays peu étendu, d'une superficie comparable à celle de la Corse, de 800 000 habitants, situé dans la Corne de l'Afrique, entre l'Erythrée, l'Éthiopie et la Somalie. Ancienne colonie française, dénommée « territoire français des Afars et des Issas », Djibouti est indépendant depuis 1977. Il s'agit aussi du seul pays francophone dans une région principalement anglophone.
La situation de Djibouti s'est stabilisée depuis la signature de l'accord de réforme et de concorde civile en 2001, qui a mis fin à dix ans de guerre civile entre les Afars et les Issas. Djibouti a également connu, en 2008, un conflit frontalier avec l'Érythrée mais les affrontements ont cessé depuis lors.
Ce pays présente une importance stratégique au sein de la Corne de l'Afrique et accueille ainsi une présence militaire française, dans le cadre d'un accord de défense qui le lie à la France depuis 1977.
Il est, depuis 2002, le siège d'une base militaire américaine d'environ 2 000 hommes dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Djibouti accueille également d'autres contingents, notamment allemands et espagnols, de soutien à l'opération « Atalanta » de l'Union européenne de lutte contre la piraterie maritime au large des côtes somaliennes.
Bien que Djibouti reste un pays pauvre, classé à la 151ème position sur 179 en termes d'indice de développement humain, il a connu un important développement économique, en particulier grâce à ses activités portuaires, qui constituent une « plaque tournante » pour le transit des marchandises à destination de la Somalie et surtout de l'Ethiopie.
Au cours des dix dernières années, Djibouti a mis en place des réformes profondes visant à transformer le pays en une plate-forme commerciale et de services pour la région de la Corne de l'Afrique. Au port de Djibouti, géré par Dubai Ports World depuis 2000, s'est ajouté un deuxième port, le port de Doraleh, qui permet d'effectuer des opérations plus complexes et s'accompagne d'une zone franche. Un nouveau terminal pétrolier est entré en service en 2006 et un terminal à conteneurs a été inauguré en décembre 2008.
Ces réformes ont eu un impact positif, puisque la croissance économique a doublé au cours des trois dernières années. Elle est surtout entretenue par un flux d'investissements directs étrangers important (24 % du PIB en 2008), en provenance notamment des pays du Golfe. En chiffres absolus, les investissements directs étrangers ont augmenté, passant d'une moyenne annuelle de 3 millions de dollars entre 1990 et 2000 à 39 millions de dollars en 2004 et à 195 millions de dollars en 2007. D'après le FMI, Djibouti, comme les autres pays africains, devrait cependant ressentir les effets de la crise internationale, qui pourrait entraîner des retards dans les projets d'investissements directs étrangers et une décélération de la croissance du volume d'échanges avec l'Ethiopie. Le FMI prévoit néanmoins une croissance du PIB de 3 à 5 % en 2009.
La présence française à Djibouti est marquée surtout par celle des forces françaises de Djibouti (FFDj). Dans le cadre de l'accord de défense, le dispositif militaire français, fort de 2 900 personnes, constitue le contingent français le plus important en Afrique. La France paye une contribution forfaitaire de 30 millions d'euros par an à la République de Djibouti en contrepartie de cette présence.
Une mission de la commission, composée de MM. André Dulait et Michel Boutant, s'est d'ailleurs rendue à Djibouti en juin 2009, et a présenté une communication sur le dispositif militaire français dans ce pays.
Les relations économiques entre Djibouti et la France sont traditionnellement denses. Néanmoins, la France a perdu, en 2007, sa position de premier fournisseur au profit de la Chine, et a dû céder aussi du terrain face aux pays du Golfe, qui, depuis 2003, ont investi massivement dans des grands projets. Plusieurs entreprises françaises sont présentes à Djibouti dans les secteurs de la banque, des services (transport, transit, assurances) et de la distribution.
L'organisation à Djibouti, en mars 2009, d'un grand forum économique bilatéral, précédé d'une rencontre Sénat-Ubifrance-MEDEF International sur « Djibouti, hub économique de la Corne de l'Afrique » en octobre 2008 au Sénat, devrait permettre de relancer les relations économiques entre les deux pays.
Les relations entre la France et Djibouti ont connu toutefois certaines tensions avec l'affaire de la mort du juge Borrel, survenue en 1996 sur ce territoire, et au sujet de laquelle une enquête a été ouverte en France.
M. Robert del Picchia, rapporteur, a présenté ensuite le contenu de l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements entre la France et Djibouti.
Comme les précédents accords de protection des investissements, cet accord établit des conditions de protection minimales dont bénéficient les investisseurs d'une partie contractante sur le territoire de l'autre. Ces investisseurs doivent notamment être traités de manière juste et équitable, et de manière aussi favorable que les investisseurs nationaux et ceux de la Nation la plus favorisée, sauf dans le cas de privilèges particuliers résultant de l'appartenance ou de l'association d'une partie à une union économique régionale.
L'accord garantit le libre transfert des différents revenus liés aux investissements, et une indemnisation prompte et adéquate en cas de dépossession. Il prévoit le recours à l'arbitrage international en cas de litige entre un investisseur et les autorités du pays hôte ou entre les parties contractantes.
Estimant que cet accord permettra de renforcer la présence économique française à Djibouti, en contribuant à protéger les investissements français, M. Robert del Picchia, rapporteur, a recommandé son adoption.
M. André Vantomme a rappelé que les relations anciennes d'amitié entre la France et Djibouti avaient connu certaines tensions à la suite de la mort à Djibouti, en 1996, du juge français Borrel, dont les circonstances restent à ce jour encore inconnues.
Il s'est également interrogé sur la vie démocratique et la représentativité du Parlement.
Enfin, il a souhaité connaître la réaction des autorités djiboutiennes à l'inauguration de la nouvelle base militaire française d'Abou Dhabi aux Emirats Arabes Unis.
Rappelant qu'il s'était rendu avec M. André Dulait à Djibouti et à Abou Dhabi, en juin 2009, dans le cadre d'une mission de la commission consacrée aux bases militaires françaises à l'étranger et aux accords de défense, M. Michel Boutant a indiqué qu'il avait ressenti au cours de son séjour à Djibouti, intervenu quelques semaines après l'inauguration de la nouvelle base militaire française d'Abou Dhabi, et de ses différents entretiens avec les autorités de ce pays, une réelle inquiétude au sujet d'un éventuel départ ou d'une diminution de la présence militaire française, du fait de la mise en place de cette nouvelle base militaire, et de son impact sur l'économie du pays.
Il a également indiqué, s'agissant de la renégociation de l'accord de défense entre la France et Djibouti, que les autorités djiboutiennes auraient souhaité une plus grande implication de la France lors de leur conflit frontalier avec l'Erythrée en 2008, même si elles avaient été très sensibles à l'appui logistique offert par notre pays, et, en particulier, à celui offert par l'hôpital militaire français à Djibouti, qui avait accueilli les blessés des deux parties au conflit.
Enfin, M. Michel Boutant a souligné l'importance de Djibouti en matière d'appui logistique à l'opération « Atalanta » de l'Union européenne de lutte contre la piraterie maritime au large des côtes somaliennes.
M. Jacques Gautier a précisé qu'il avait assisté à l'inauguration, par le Président de la République, de la nouvelle base militaire française d'Abou Dhabi, aux Emirats Arabes Unis, et que le Président de la République avait souligné à cette occasion la complémentarité qui existait entre cette nouvelle base et la présence militaire française à Djibouti. Il a rappelé que la nouvelle base militaire française d'Abou Dhabi comprenait trois implantations, une base navale, une base aérienne et un centre d'entraînement de l'armée de terre, et qu'elle devrait compter un effectif total de 500 militaires, soit beaucoup moins que la base militaire française de Djibouti. Enfin, il a fait valoir que les deux dispositifs répondaient à des enjeux stratégiques différents, l'implantation militaire française aux Emirats Arabes Unis ayant vocation à renforcer la présence militaire française dans le Golfe persique, alors que la base militaire française de Djibouti représentait le principal point d'appui de l'armée française en Afrique orientale avec une ouverture vers le Golfe d'Aden et la Mer rouge.
M. Jacques Berthou a souhaité obtenir des précisions au sujet de la présence économique française à Djibouti, en particulier dans les secteurs de la construction, de l'assainissement des eaux, de l'énergie et des infrastructures.
En réponse, M. Robert del Picchia, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :
- la présence économique française à Djibouti reste importante, notamment dans les secteurs des services et de la distribution, même si la France a perdu en 2007 sa position de premier fournisseur au profit de la Chine et si elle doit faire face à la concurrence des pays du Golfe, qui ont investi massivement dans des grands projets ;
- l'hôpital militaire français Bouffard de Djibouti accueille également la population locale et constitue un centre hospitalier d'excellence dans la région ;
- Djibouti constitue un terrain privilégié d'entraînement pour nos forces armées, avec notamment le centre d'aguerrissement au désert de la Légion étrangère, qui offre des conditions proches de celles que l'on trouve en Afghanistan ;
- les forces françaises stationnées à Djibouti couvrent une large zone allant du Soudan à la Somalie ; ce stationnement permanent garantit une capacité de réaction rapide pour les actions humanitaires, les évacuations de ressortissants ou les opérations extérieures.
M. Josselin de Rohan, président, a rappelé l'importance stratégique de Djibouti dans la Corne de l'Afrique, à proximité immédiate de pays instables comme la Somalie ou le Soudan. Il a également souligné la complémentarité existant entre la nouvelle implantation militaire française à Abou Dhabi, aux Emirats Arabes Unis, et la base militaire française de Djibouti, en indiquant que ces deux dispositifs répondaient à des besoins différents.
A l'issue de ce débat, la commission a adopté ce projet de loi et recommandé son examen en forme simplifiée en séance plénière.