Mardi 27 octobre 2009
- Présidence de M. Alain Vasselle, président -Table ronde sur le processus de convergence tarifaire et la proposition de report de son achèvement à 2018
La mission a entendu, au cours d'une table ronde sur le processus de convergence tarifaire et la proposition de report de son achèvement à 2018, Mme Martine Aoustin, directrice de la mission « tarification à l'activité », responsable préfiguratrice de l'agence régionale de santé de Languedoc-Roussillon, M. Jean-Yves Dupuis, directeur général de la fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne (Fehap), MM. Jean-Loup Durousset, président, et Philippe Burnel, délégué général de la fédération de l'hospitalisation privée (FHP), MM. Yves Gaubert, responsable du pôle finances, et Cédric Lussiez, directeur de la communication de la fédération hospitalière de France (FHF), Mme Annie Podeur, directrice, et M. Patrick Olivier, sous-directeur des affaires financières de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos).
M. Alain Vasselle, président, a rappelé que le principe d'une convergence des tarifs entre les secteurs hospitaliers public et privé a été introduit en 2004 par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. Cette loi prévoyait que le processus de convergence devait être achevé, dans la limite des écarts justifiés par des différences dans la nature des charges couvertes, au plus tard en 2012.
Pour accompagner ce processus, le Parlement avait obtenu la fixation d'un objectif de convergence à hauteur de 50 % en 2008. Par la suite, à l'initiative du Gouvernement, le Parlement avait accepté de renoncer à cette échéance de mi-parcours. Au printemps dernier, lors des débats sur le projet de loi relatif à l'hôpital (HPST), la presse s'est fait l'écho d'une lettre de la ministre de la santé à une fédération hospitalière par laquelle elle envisageait l'hypothèse de repousser l'achèvement de la convergence de 2012 à 2018. C'est précisément ce que propose aujourd'hui le Gouvernement dans le PLFSS pour 2010.
Il est donc opportun, dans ce contexte, de faire le point sur ce dossier pour bien comprendre les enjeux du processus et les difficultés rencontrées dans sa réalisation. L'organisation d'une table ronde rassemblant les principaux acteurs concernés, à savoir les représentants des trois fédérations hospitalières, la fédération hospitalière de France, la fédération de l'hospitalisation privée et la fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne, mais aussi la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins et la mission « tarification à l'activité » du ministère de la santé, offre la possibilité de se faire une juste idée de la réalité, en confrontant directement les positions des uns et des autres, plutôt que de les entendre séparément.
Dans cet objectif, le débat pourrait s'organiser en trois parties :
- le premier temps serait consacré aux objectifs de ce processus. S'agit-il d'aller vers un tarif unique entre les hôpitaux publics et les cliniques privées ? Quels sont les éléments que doit inclure ce tarif ? Restera-t-il des écarts et pourquoi ?
- le deuxième temps porterait sur les préalables à la réalisation de la convergence, en l'occurrence ces multiples études destinées à isoler un certain nombre de charges qui ne pèsent pas de la même manière sur les différentes catégories d'établissements. Où en sont ces études ? Pourquoi leur réalisation prend-elle tant de temps ? A quoi correspond exactement la date de 2018 qui est maintenant proposée pour la réalisation de la convergence ?
- enfin, il conviendra d'évoquer la convergence ciblée sur quelques groupes homogènes de séjour (GHS) que propose d'engager le Gouvernement dès 2010. Cette convergence ciblée constitue-t-elle une étape dans la réalisation de la convergence globale ou bien s'agit-il d'un changement d'orientation ? Sur quels GHS portera-t-elle ?
Mme Annie Podeur, directrice de la Dhos, a rappelé que la finalité de la convergence, dans le cadre d'un système de santé reposant pour l'essentiel sur les prélèvements obligatoires, est que l'ensemble des offreurs de soins soient capables de produire les meilleurs soins, en termes de sécurité et de qualité, aux meilleurs coûts. Les enjeux sont donc la qualité et l'efficience, c'est-à-dire finalement la performance.
Face à cet objectif essentiel, les moyens mobilisés sont extrêmement importants : il s'agit par exemple de la mise en place d'un système d'information, dit PMSI, qui permet, en vue de la tarification à l'activité (T2A), une traçabilité des actes en médecine, chirurgie et obstétrique. De plus, la France est le seul pays mettant en oeuvre cette tarification à l'activité à avoir développé une méthodologie commune permettant d'aboutir à une étude nationale des coûts. Pour obtenir une analyse précise des coûts, il est important que le panel d'établissements soit le plus large possible, ce qui n'est pas aisé en raison des déficiences constatées parfois dans la comptabilité analytique de certains d'entre eux.
Ce processus conduit également à mener des analyses comparatives, entre des établissements de même statut, mais aussi entre établissements de nature différente. Il faut d'ailleurs rappeler qu'un premier objectif est de conduire les établissements publics à l'équilibre en 2012, car certains sont aujourd'hui déficitaires, c'est-à-dire que l'ensemble de leurs charges n'est pas couvert par des ressources, qu'elles proviennent de l'assurance maladie, du reste à charge ou des régimes complémentaires. Il y a là un enjeu d'efficience qui passe par une nouvelle définition des organisations, voire par des spécialisations dans certains cas.
La convergence tarifaire regroupe en fait deux processus.
D'une part, la convergence intrasectorielle concerne séparément les deux échelles de coûts existantes, à savoir une pour le secteur privé et une pour les établissements publics qui se finançaient anciennement par la dotation globale et pour les établissements privés participant au secteur public hospitalier (PSPH). Elle est lancée et sa date d'achèvement, prévue pour 2012, n'est pas remise en cause. Cette convergence est largement avancée, puisqu'il ne reste qu'un écart de 240 millions d'euros pour le secteur public et de 40 millions d'euros pour le secteur privé.
D'autre part, la convergence intersectorielle consiste à rapprocher les deux échelles tarifaires, mais elle ne peut se faire que sur des prestations homogènes. C'est pourquoi il faut évaluer et travailler sur les mêmes périmètres. Or, les tarifs applicables au secteur public et ceux applicables aux cliniques ne sont pas comparables aujourd'hui : dans le cas du secteur public, le tarif correspond à un « tout compris », sauf la liste en sus et les dispositifs médicaux ; dans le cas des cliniques, les honoraires des médecins, le coût de l'exonération de charges sociales en secteur 1, les actes d'imagerie, de biologie et d'exploration fonctionnelle ne sont pas inclus.
Dans ces conditions, la convergence ne signifie pas nécessairement l'égalisation des tarifs, mais plutôt la comparaison des données, et elle pourrait être compatible avec le maintien d'écarts de tarifs, dès lors qu'ils sont justifiés par des différences dans la nature des charges qui s'imposent aux opérateurs. L'écart facial de tarifs doit donc être apprécié de manière nuancée et précise.
En tout état de cause, la convergence est déjà à l'oeuvre, puisque l'écart constaté est passé de 40 % au début du processus à 37 % en 2008 et à 27 % en 2009. La nouvelle classification a notamment permis de réduire cet écart, en élargissant la gamme de tarifs, dont le nombre est passé de 800 à 2 300. Il est cependant nécessaire de continuer à travailler, avec le même souci d'objectivité, sur des données qui soient à périmètre constant et à sujétions comparables. Par exemple, l'impact du « case mix », c'est-à-dire les différences de contraintes entre des établissements hyperspécialisés et des établissements qui proposent une gamme importante d'interventions, doit être mesuré et pris en compte. De même, la permanence des soins, qui nécessite d'immobiliser des ressources médicales et infirmières, ou les soins péri-opératoires, incluant éventuellement des bilans anesthésiques ou des visites spécifiques, doivent être pris en compte en termes de convergence tarifaire, pour être éventuellement améliorés.
Mme Martine Aoustin, directrice de la mission « tarification à l'activité », responsable préfiguratrice de l'agence régionale de santé de Languedoc-Roussillon, s'est interrogée sur la notion de tarif unique et sur les objectifs finaux de la convergence. Le processus de convergence consiste en effet pour l'instant à comparer les coûts, pour l'assurance maladie, des différents secteurs hospitaliers, ce qui est clairement différent de la mise en oeuvre d'un tarif unique. La question du tarif unique pose fondamentalement celle de la prise en compte des honoraires, ce qui introduit une complexité technique aiguë dans le processus de convergence, car comment gérer, sur un tarif unique, une part « honoraire » et une part « clinique », ayant chacune leur logique propre ? Cela pose la question de la clé de répartition entre le médecin et l'établissement dans lequel il exerce, et incidemment du lien qui existe entre eux. Ces différents aspects doivent être abordés dès aujourd'hui, car ils sont au coeur de la problématique.
Même en écartant cet aspect relatif aux honoraires, on constate une dispersion des coûts différente entre les établissements, qu'ils soient publics ou privés. Cela peut provenir de la typologie des malades ; la dernière version de la classification permet cependant d'affiner ce sujet et de trouver des solutions pour sa bonne prise en compte. Surtout, la manière dont les coûts sont répartis sur les différents champs n'est pas de même nature selon les établissements, par exemple en matière de personnel. Finalement, lorsqu'il faudra réfléchir à des tarifs sur la base des coûts, la question sera de définir une typologie de ces coûts. Aujourd'hui, une étude de coûts permet de fixer une base pour les tarifs dans chacun des secteurs, public et privé ; la convergence nécessite de réunir ces deux études de coûts sur un tarif unique.
Outre la question de la prise en compte des honoraires dans le cas où il serait décidé de s'orienter vers un tarif unique, un débat persistera sur la hiérarchie des coûts entre les différents types d'établissements. Aujourd'hui, on constate des écarts, dont les éléments d'explication doivent être recherchés au travers d'études, qui sont lancées ou qui vont l'être.
M. Yves Gaubert, responsable du pôle finances de la FHF, a noté l'existence d'un écart entre les tarifs des secteurs public et privé, même corrigé des honoraires. Ces écarts sont variables, mais comment les apprécier dès lors que l'activité n'est pas réalisée dans les mêmes quantités pour chacun des groupes homogènes de malades (GHM) ? Par exemple, il est aisé de présenter un tarif bas si l'activité n'est pas ou très peu pratiquée ; à l'inverse, un établissement a vocation à présenter le tarif le meilleur possible si l'activité est pratiquée en quantité.
Les échelles de coûts existent à l'hôpital depuis plus de douze ans et seulement depuis 2006 dans le secteur commercial ; elles sont donc construites sur des référentiels différents. On constate ainsi que l'écart facial était de 37 % en 2008 si on le calculait en prenant comme base l'activité du secteur public, mais qu'il n'était que de 25 % en prenant comme base l'activité du secteur privé, et de 33 % en prenant comme base l'activité des deux secteurs. Pour aboutir à des comparaisons justes, il faut prendre en compte les activités effectivement réalisées en commun dans le public et dans le privé. Dans ce cadre, la FHF a procédé en 2008 à un calcul d'écarts de coûts en prenant comme référence les GHM ayant plus de mille séjours dans le public comme dans le privé : l'écart ressort alors à 17 %, et non à 37 % comme affiché en 2008 dans les études de la Dhos. La diminution de l'écart, constaté par la Dhos en 2009, doit aboutir à un écart réel encore plus faible aujourd'hui que ces 17 %.
Depuis que la T2A a été mise en place, le secteur hospitalier constate que la convergence a réellement commencé. D'ailleurs, l'hôpital public reprend des parts de marché dans tous les domaines depuis plusieurs années, y compris en chirurgie ambulatoire. Pourtant, les ressources financières du secteur public ont augmenté moins rapidement que celles du secteur commercial ; on aboutit donc à une situation paradoxale, dans laquelle l'hôpital public produit plus et a moins de recettes.
Interrogé par M. Alain Vasselle, président, sur l'adhésion de la FHF à l'objectif de la convergence et sur les conditions de sa mise en oeuvre, M. Yves Gaubert, responsable du pôle finances de la FHF, a précisé que la définition de la convergence inscrite dans la loi convient à la fédération, puisqu'elle tient compte des éléments de différence de situation et qu'elle ne signifie pas un tarif unique. La FHF n'a pas d'objection de principe à la convergence, dès lors qu'elle est réalisée sur le même champ d'activités et en appliquant les mêmes contraintes. D'ailleurs, la réalité des tarifs montre que les écarts ne sont pas systématiquement dans le même sens : par exemple, les tarifs du secteur commercial, honoraires inclus, sont beaucoup plus élevés que ceux du secteur public pour les GHM de la catégorie majeure de diagnostic (CMD) 5, qui correspond notamment à la cardiologie. Pour les opérations de chirurgie lourde, on constate ainsi que les tarifs du privé sont supérieurs à ceux du public.
Enfin, au-delà du seul coût pour la sécurité sociale, il est très important d'introduire dans le débat la convergence globale du coût, qui inclut certes le coût pour l'assurance maladie, mais aussi celui pour les assurances complémentaires et celui pour les patients. Dans ces conditions, la comparaison est plutôt à l'avantage du secteur public, puisque le reste à charge, tant pour les complémentaires que pour les patients, est en moyenne 2,88 fois plus élevé dans le secteur privé.
M. Jean-Loup Durousset, président de la FHP, a rappelé que le principe de la convergence est inscrit dans la loi et que la récente réforme de l'hôpital marque également une orientation très forte, puisqu'elle fixe le principe selon lequel les missions exercées par les établissements transcendent leur statut juridique : les missions de service public peuvent être exercées par des hôpitaux comme par des établissements privés. Les deux éléments vont de pair car, si les établissements remplissent les mêmes missions, ils doivent avoir la même politique tarifaire.
Or, aujourd'hui, il existe un certain flou : la convergence signifie-t-elle un seul tarif ou plusieurs ? Pour la FHP, un tarif unique est nécessaire, car il est utile aux patients ; il l'est particulièrement au moment où les établissements sont amenés à coopérer entre eux pour améliorer le service rendu. Si un plateau technique, voire un hôpital, est partagé entre différents établissements, par exemple pour les maternités ou pour les urgences, la coopération entraîne de fait l'application d'un même tarif et non de deux ou plus. En ce sens, la date de 2018 paraît trop éloignée, car les coopérations sont réclamées dès aujourd'hui par les pouvoirs publics.
Par ailleurs, baser des tarifs sur des coûts est une erreur, car un tel procédé n'est pas du tout vertueux : les acteurs ont en effet intérêt à augmenter leurs coûts pour justifier des tarifs nouveaux. Aucun industriel ne détermine ses tarifs en fonction des coûts de son client. Le rôle de l'Etat est alors de définir un tarif qui soit « éclairé » par des coûts, afin d'assurer une complète transparence par rapport aux payeurs que sont l'assurance maladie et l'Etat. En résumé, la FHP souhaite la mise en place d'un tarif unique et que ce tarif soit éclairé par les coûts, mais pas uniquement basé sur eux.
M. Philippe Burnel, délégué général de la FHP, a relevé que, jusqu'à présent, le débat porte surtout sur des comparaisons, notamment entre des hôpitaux, où les coûts seraient « tout compris », et les cliniques, où il faudrait additionner la tarification de la clinique, les honoraires du médecin et les dépassements d'honoraires. D'ailleurs, les études de la Dhos incluent bien les dépassements d'honoraires, qui sont enregistrés dans les bases de données. Mais il peut y avoir, à l'hôpital ou en clinique, des prestations en amont ou en aval qui ne sont pas intégrés dans les calculs. Ces comparaisons visent simplement à répondre à la question : quel est le plus efficient pour la sécurité sociale ? Quel est le plus efficient pour la collectivité, c'est-à-dire tous payeurs confondus ?
Le deuxième aspect consiste à définir le champ sur lequel les tarifs sont harmonisés. Selon la FHP, le tarif doit être unique, à champ de charges identique. Deux options se dégagent alors pour mettre en oeuvre la convergence :
- soit intégrer les honoraires des médecins dans la tarification. Cette option est extrêmement complexe et elle obère la question du statut des médecins, qui sont des libéraux en clinique et non des salariés. Les établissements PSPH pratiquent cependant un système qui intègre une partie d'honoraires pour les médecins à l'intérieur d'un tarif « tout compris » ;
- soit décider que le champ du tarif unique est celui couvert par les tarifs actuels des cliniques, ce qui revient à séparer en deux parties les tarifs du secteur public : l'une correspondant aux prestations de séjour et l'autre aux prestations médicales.
Cette seconde option, privilégiée par la FHP, serait une étape plus facile à réaliser que la première. Le champ de la convergence est alors celui des prestations d'établissement et aucune différence de tarif ne se justifie.
M. Jean-Yves Dupuis, directeur général de la Fehap, a rappelé l'existence de deux convergences : l'une, intrasectorielle, et l'autre, intersectorielle. La première n'est pas complètement réglée et pose encore des difficultés. En ce qui concerne la seconde, la Fehap regroupe des établissements qui expérimentent les trois solutions possibles aujourd'hui en matière de financement : ceux qui étaient auparavant financés avec une dotation globale, ceux qui l'étaient selon l'objectif quantifié national (OQN) avant la mise en oeuvre de la T2A et ceux qui ont un système mixte avec une rémunération des praticiens libéraux au sein d'une enveloppe globale.
Sur la convergence tarifaire, la définition est claire : dès lors que les activités sont comparables, le tarif doit être unique. Les activités qui ne peuvent pas être réellement comparées peuvent justifier des écarts de coûts, mais il est alors nécessaire de les objectiver et de les négocier, avant de fixer une différence dans les tarifs.
Enfin, sur les options présentées précédemment, la Fehap a une préférence pour le « tout intégré », que quelques-uns de ses établissements pratiquent d'ores et déjà ; ces établissements connaissent un dynamisme tout à fait intéressant par rapport à leurs homologues des autres secteurs.
Concernant les deux options présentées par la FHP, M. Bernard Cazeau a demandé des précisions pour savoir pourquoi le fait d'inclure dans le tarif les honoraires des médecins aurait une incidence sur leur statut.
M. René Teulade a souhaité des précisions sur la marge de négociation qui peut exister entre des tarifs « éclairés par des coûts » et des tarifs « basés sur des coûts ».
M. François Autain, signalant le caractère particulièrement complexe de la T2A, et encore plus complexe de la convergence, a fait remarquer que le report à 2018 annoncé par la ministre de la santé est une manière de reconnaître l'insuccès du processus. La convergence ressemble plus à un mirage qu'à une réalité, car les activités sont trop différentes entre les cliniques et les hôpitaux et on ne peut pas y utiliser la même tarification. D'ailleurs, les établissements commerciaux n'ont pas la même vocation que les établissements publics : leur objectif est de faire des bénéfices, ce qui a par exemple pour incidence qu'ils choisissent leurs patients, alors que l'hôpital doit accueillir vingt-quatre heures sur vingt-quatre tous les malades. Certes, la loi HPST leur a donné in fine la capacité d'exercer les mêmes missions que l'hôpital, mais ils sont loin de pouvoir les exercer toutes.
Dans ces conditions, il semble impossible d'arriver à un tarif unique et la réelle difficulté réside dans le problème des honoraires des cliniques privées, et plus particulièrement des dépassements d'honoraires. Quelle est la justification d'un tarif unique, si ces derniers persistent et entraînent un reste à charge parfois écrasant pour les patients ? Même en ce qui concerne les frais de séjour, on constate quelques excès ; ainsi, certaines cliniques, pourtant aménagées uniquement en chambres individuelles, font payer un supplément pour les patients qui choisissent ce type d'hébergement.
Au-delà de ces observations, quelle a été la rentabilité financière du secteur commercial l'année dernière ? Pour mémoire, la redistribution aux actionnaires a été très importante en 2006, puisque le taux de rémunération s'est élevé à environ 15 %. Par ailleurs, peut-on appliquer les mêmes tarifs à une activité pratiquée marginalement et à une activité pratiquée en nombre ou à titre principal dans un établissement ? Enfin, malgré les difficultés et les obstacles, pourquoi le Gouvernement propose-t-il, sans préparation, une convergence ciblée dès 2010 sur certaines activités, comme la chirurgie ambulatoire ?
M. Jacky Le Menn a qualifié le tarif unique d'impasse, dans le sens où la question de la clé de répartition pour les honoraires restera posée. En effet, il s'agit au fond de la liberté de négociation entre les cliniques et leurs praticiens, et donc de leur choix d'installation dans telle ou telle clinique. Aboutir à une convergence nationale supposerait de choisir des critères unitaires sur l'ensemble du territoire, ce qui sera extrêmement difficile. Il est donc nécessaire de procéder autrement et, pour cela, il faut isoler les coûts autres que les coûts directs.
Mme Annie Podeur, directrice de la Dhos, a tout d'abord rappelé que la loi HPST permet à des établissements privés d'assumer des missions de service public, mais sur des besoins précis, identifiés et non couverts par le secteur public. Toutes les missions de service public ne seront donc pas exercées par tout le monde ; d'ailleurs, certaines missions ont aujourd'hui des difficultés à trouver preneur, par exemple la médecine en milieu carcéral.
Ensuite, un tarif n'égale pas un coût et il est exact de dire que les tarifs doivent être éclairés par les coûts. Un tarif est aussi un acte politique qui peut permettre de privilégier une réponse à un besoin particulier : cela a par exemple été le cas pour la prise en charge du cancer, pour les soins palliatifs ou pour les soins ambulatoires.
A partir de la comptabilité analytique des établissements et de la masse globale à répartir, liée à l'Ondam hospitalier, les tarifs sont calculés à la fois en fonction de critères de santé publique et en fonction des « effets revenus » pour les établissements. Ainsi, il n'est pas judicieux de modifier les éléments de calcul de manière trop brutale car il faut prendre en compte le fait que les établissements de santé sont aussi des organismes productifs. Par exemple, lors de la mise en place de la nouvelle échelle nationale des coûts, appliquée depuis 2009 notamment au secteur privé, des écarts importants entre tarif et coûts en matière de cataracte ont été constatés et, si l'alignement entre les deux avait été trop rapide, certains établissements privés n'auraient pas pu résister ; la gestion des « effets revenus » doit ainsi allier l'efficience et les besoins en santé pour les Français. Il n'est pas acceptable de faire disparaître brutalement un offreur de soins et de créer par là-même une rupture dans le service rendu à la population. Il faut en effet se souvenir que les établissements privés ont longtemps vécu sur des tarifs historiques, qui ont été peu à peu rapprochés au sein de leur secteur.
Au total, il est nécessaire de clairement distinguer les coûts bruts et le tarif « construit » ou « calé », qui inclut des incitations liées à des critères de santé publique et des « effets revenus » pour les établissements.
Enfin, la seconde option présentée par la FHP, qui divise le tarif en deux parts, l'une pour les frais de séjour, l'autre pour les prestations médicales, reviendrait pour le secteur public au système antérieur de la dotation globale. Ce schéma n'est aucunement incitatif et n'attire pas les hôpitaux vers l'efficience. De plus, cette présentation est biaisée, car elle écarte artificiellement la question des honoraires ; il ne resterait plus dans la discussion que les questions liées aux investissements immobiliers et mobiliers et aux personnels non médicaux. Or, les dépassements d'honoraires s'élèvent globalement à 530 millions d'euros dans les établissements, dont 470 dans le secteur privé. On ne peut pas réaliser la convergence en retirant de la base de calcul tous les revenus médicaux, alors même que la communauté médicale est naturellement au coeur de la vie des établissements de santé.
Mme Martine Aoustin, directrice de la mission « tarification à l'activité », a attiré l'attention sur la tendance naturelle à gonfler les coûts lorsqu'il n'existe pas de contrainte, ce qui entraîne immanquablement une augmentation non contrôlée des dépenses. Au-delà de l'acte politique de gérer l'offre de soins au travers de tarifs, il est nécessaire de privilégier une approche par l'efficience, c'est dire par un tarif qui ne soit pas strictement lié aux coûts de production. La fixation du tarif par l'Etat doit prendre en compte l'ensemble de la chaine de production, par une analyse et une comparaison des coûts, pour tendre vers l'efficience. Si l'objectif des établissements privés est bien d'être rentables, celui des établissements publics est d'une nature différente : il s'agit pour eux d'être efficients avec les deniers publics.
Par ailleurs, des mécanismes de régulation existent aujourd'hui pour les honoraires et pour les dépenses hospitalières. Dès lors que les deux aspects seront mêlés via un tarif unique dans lequel les honoraires seront inclus, cette régulation deviendra encore plus difficile, car elle sera confrontée à la liberté de négociation entre les cliniques et les praticiens. L'impact du niveau des honoraires sur les tarifs sera alors important et rendra nécessaire de réviser régulièrement les tarifs.
M. Alain Vasselle, président, a relevé qu'au sein de la Fehap, certains établissements disposent d'un système de financement global permettant parallèlement de rémunérer les praticiens selon des honoraires. Pourquoi de telles modalités ne seraient pas applicables à d'autres établissements dans le cadre de la convergence aujourd'hui en débat ?
M. Jean-Loup Durousset, président de la FHP, a tout d'abord expliqué que le tarif est un acte politique fort du Gouvernement, en tant qu'il représente un outil d'incitation pour orienter vers telle ou telle action de santé publique. En ce qui concerne la question relative aux honoraires médicaux, leur intégration dans un tarif ne change pas en elle-même le statut du médecin, qui reste libéral, mais elle modifie sa relation avec la clinique, l'Etat et l'assurance maladie. Aujourd'hui, c'est en effet l'assurance maladie qui rémunère directement le praticien ; en cas de globalisation, ce serait l'établissement.
M. Bernard Cazeau a alors noté que les Etats-Unis fonctionnent selon ce système et que les médecins ne se considèrent pas pour autant comme des fonctionnaires.
M. Jean-Loup Durousset, président de la FHP, ne s'est pas déclaré opposé à une telle évolution, que certains établissements PSPH ont déjà mise en place et qui ne changerait de toute façon pas la rémunération à l'acte.
D'un point de vue plus général, comment est-il possible de refuser le tarif unique au secteur privé alors que certains établissements privés du secteur PSPH ont déjà des tarifs communs avec le secteur public ? Le débat a trop tendance à se concentrer sur l'explication des différences qui sont constatées, sans porter véritablement sur la méthodologie tarifaire. La vraie question devrait en fait être : quel tarif pour financer les hôpitaux, quel que soit leur statut ? Cela rappelle dans une certaine mesure le débat sur la parité hommes-femmes, qui privilégie l'explication des différences plus que les solutions. Or, la différence que l'on constate aujourd'hui entre secteur public et secteur privé est largement due à l'histoire et à la politique menée par les autorités de tutelle. Un débat doit donc avoir lieu sur la politique tarifaire dont les termes sont assez simples : on applique soit un forfait global, comprenant les honoraires, soit deux forfaits, un pour les soins et un pour les honoraires. De plus, dans ce forfait lié aux honoraires, deux GHS pourraient être créés, l'un pour les soins et l'autre pour le médical, ce qui préserverait une stimulation pour les établissements en termes d'activité et éviterait de revenir au système de la dotation globale. Ce système obligerait les médecins à travailler en équipes, contrairement à celui incluant les honoraires dans un forfait global.
M. Yves Gaubert, responsable du pôle finances de la FHF, a contesté l'idée selon laquelle l'efficience est moins forte dans le secteur public que dans le secteur privé. Sur les activités quantitativement les plus importantes de l'hôpital, les comparaisons internationales et celles avec le secteur commercial montrent que le secteur public n'est pas cher. Certes, il est moins performant sur les activités peu industrialisées, sur lesquelles pèsent des contraintes spécifiques, notamment en termes de permanence des soins : par exemple en ophtalmologie, c'est l'hôpital qui va opérer un patient pour ôter une écharde un week-end, alors que les cliniques de la même ville vont intervenir sur des cataractes programmées du lundi matin au vendredi soir. Tout cela doit être mesuré finement.
La création de deux GHS, l'un pour les soins, l'autre pour le médical, paraît peu praticable à l'hôpital, notamment parce que la médecine clinique est réalisée presque exclusivement dans le secteur public et qu'elle n'est pas fondée sur des actes. A contrario, le secteur privé pratique la médecine à l'acte, par exemple en matière d'endoscopie ou d'endoprothèses vasculaires. De fait, les objectifs et les bases de travail sont totalement différents entre les deux secteurs.
M. Alain Milon, dubitatif devant les oppositions qui semblent se manifester, a rappelé que chacun doit d'abord travailler pour l'intérêt du malade qui prime sur toutes ces questions ; vient ensuite l'intérêt de l'assurance maladie. Par ailleurs, la loi HPST demande, pour entrer pleinement en vigueur, l'adoption de très nombreux décrets d'application, qui n'ont pas encore été pris, notamment en ce qui concerne la permanence des soins. En ce qui concerne l'exemple de la cataracte, l'évolution technique permet maintenant d'envisager les opérations dans le cabinet du médecin, et non plus nécessairement dans un établissement de santé, ce qui assurerait une diminution conséquente des coûts de cette maladie. Enfin, les 530 millions d'euros de dépassements d'honoraires méritent d'être relativisés lorsqu'on les rapporte au total du déficit de l'assurance maladie.
M. Jean-Yves Dupuis, directeur général de la Fehap, a indiqué que tous les acteurs du système de santé ont aujourd'hui une réelle volonté d'aller vers plus d'efficience. La question qui se pose est celle du rythme de la convergence.
M. Alain Vasselle, président, a ensuite présenté le deuxième thème de discussion, relatif aux études préalables à la réalisation de la convergence et au calendrier prévisionnel du processus. Le Gouvernement propose de reporter l'échéance de 2012 à 2018, mais le tableau récapitulant l'ensemble des études à conduire montre qu'elles seront toutes réalisées d'ici 2012, la période 2012-2018 étant mentionnée comme devant permettre de faire face aux « effets revenus » de la convergence. Dans ces conditions, que reste-t-il à faire pour avoir une bonne connaissance des différences de charges pesant sur les établissements hospitaliers ? La date de 2018 correspond-elle à des échéances précises ou bien a-t-elle été simplement fixée pour marquer le renvoi à plus tard de la convergence ?
Pour répondre à ces interrogations, Mme Annie Podeur, directrice de la Dhos, a souhaité faire le point sur le processus en cours. La liste des études engagées découle du rapport de l'Igas remis en janvier 2006 qui recommandait la réalisation de seize études. Les fédérations hospitalières participent au comité de pilotage de la convergence, ce qui permet une concertation dans le programme des travaux. Par ailleurs, le rapport du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCaam) d'avril 2009, essentiellement consacré à l'hôpital, a conclu à la nécessité d'études complémentaires dans le processus de la convergence.
En ce qui concerne les études elles-mêmes, la Dhos a tout d'abord travaillé sur les recommandations 9 et 10 de l'Igas - la prise en compte de la précarité -, au travers d'enquêtes lancées auprès des établissements de santé. De la même manière, un travail a été effectué sur la recommandation 14 de l'Igas, à savoir la permanence des soins hospitalière (PDSH), mais il a porté exclusivement sur le coût des gardes et astreintes des personnels médicaux. Cette première évaluation, nécessairement un peu fruste mais robuste, permet déjà d'avancer sur la voie de la clarification des différences de coûts et de la convergence.
Dès 2009 a ainsi pu être identifié un coût de PDSH et de précarité qui s'est élevé à 860 millions d'euros. Les ARH ont pu moduler la dotation liée à la PDSH de 10 % dans le but d'inciter à la limitation, sur un territoire, du nombre des gardes et astreintes, car aujourd'hui trop de plateaux techniques fonctionnent la nuit pour une activité quasiment nulle, alors que les services mobiles d'urgence et de réanimation (Smur) peuvent répartir les malades de manière optimale. La PDSH, qui est une réponse à l'urgence, doit être distinguée de la continuité des soins, qui inclut par exemple les reprises opératoires pour les personnes déjà hospitalisées. Or, les urgences réelles ne sont pas si nombreuses la nuit, hormis en neurochirurgie, dans des activités particulièrement pointues ou pour la prise en charge d'un infarctus du myocarde, et il est nécessaire, dans ce cadre, de mieux structurer la PDSH. Sur la précarité, le travail accompli, modeste mais concret, constitue une première étape permettant d'identifier, hors tarif, les contraintes de service public. Dans les faits, la dotation « précarité » a été attribuée aux établissements ayant un nombre de bénéficiaires de la CMU, de la CMU-c ou de l'AME très supérieur à la moyenne.
En 2010 seront obtenus les premiers résultats des études sur le coût du travail dans le prolongement des travaux de l'Igas ; ils montreront les écarts de coût pour les personnels médicaux et non-médicaux. Les premières données non exhaustives concerneront les rémunérations nettes, puis un travail sur les coûts complets sera engagé, en intégrant les charges salariales et patronales. Il est notamment indispensable de prendre en compte la structure de qualification du personnel : par exemple, sur les blocs opératoires, le niveau des infirmières anesthésistes (Iade) et des infirmières de bloc opératoire (Ibode) est globalement supérieur dans le secteur public.
Le deuxième champ d'étude pour 2010 sera le surcoût lié à l'activité non programmée (recommandations 12 et 13), à savoir la permanence des soins mais aussi la réservation de lits en cas de crise sanitaire, d'épisode caniculaire, de grand froid ou d'épidémie.
Le troisième champ d'étude concernera les effets de gamme et de taille (recommandation 8), notamment l'impact de la spécialisation, qu'il n'est pas aisé de modéliser.
Enfin, le quatrième champ d'étude abordera les activités péri-hospitalières (recommandation 15). L'étude, prise en charge par la Cnam, servira à identifier les actes et soins réalisés en amont et en aval des séjours ; ils peuvent en effet avoir un coût qu'il est nécessaire de mesurer pour l'intégrer dans le tarif.
Pour autant, les méthodologies doivent encore être approfondies. La Dhos est parfois critiquée parce qu'elle s'attaque en premier aux études supposées les plus faciles. Il est vrai que les études sur la PDSH et sur la précarité, qui ont laissé insatisfaits un certain nombre d'acteurs, ne sont qu'une première étape.
Au-delà de 2010, des études, qui ne sont pas commencées, porteront sur la fiscalité, sur l'approche « tout financeur » (recommandation 5), c'est-à-dire la prise en compte de l'ensemble des ressources d'un établissement, et pas seulement celles en provenance de l'assurance maladie, et enfin sur les conséquences de l'insolvabilité et des créances irrécouvrables (recommandation 16). Les questions relatives à la fiscalité requièrent une expertise particulière et elles seront traitées en collaboration avec la direction générale des finances publiques (DGFip).
Dans ce contexte, comment justifier le report de la date de la convergence à 2018 ? En 2012, une grande part du chemin sera réalisée vers le retour à l'équilibre des hôpitaux, la convergence intrasectorielle sera effective et tous les résultats des études seront connus. Mais cela est insuffisant : à ce stade, il faut encore tirer les conséquences des études et les tester dans le modèle tarifaire de manière rigoureuse. Pour la nouvelle classification V11, les travaux ont duré trois ans pour passer de 800 à 2 300 tarifs.
Après ce temps de prise en compte des résultats dans le modèle, il sera nécessaire de gérer les « effets revenus », car on ne peut pas, de manière irresponsable, bousculer l'offre de soins sur un territoire, en prenant le risque de ne plus avoir de réponse sur telle ou telle pathologie. Le cumul de ces délais explique que 2018 n'est pas un report « aux calendes grecques », mais un délai raisonnable pour travailler de manière fiable.
Interrogée par M. Alain Vasselle, président, sur le cumul de ces délais, Mme Annie Podeur, directrice de la Dhos, a indiqué que deux à trois années sont d'abord nécessaires pour intégrer les modifications dans le modèle tarifaire, puis trois autres pour les « effets revenus », ce qui explique le délai de six ans au total.
Mme Martine Aoustin, directrice de la mission « tarification à l'activité », a relevé l'importance de l'étude relative à la charge en soins (recommandation 11), qui est de nature, notamment pour les séjours de courte durée, à mieux prendre en compte la charge de travail des personnels soignants.
M. Yves Gaubert, responsable du pôle finances de la FHF, a confirmé l'intérêt de disposer d'informations relatives à la charge en soins. Par ailleurs, l'assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux doivent avancer dans les négociations sur la classification commune des actes médicaux (CCAM) ; la V11 a constitué un progrès indiscutable, mais les limites du modèle sont atteintes. La description de l'activité médicale est malheureusement laissée en friche, puisque les travaux se sont limités pour le moment à la partie technique sans aborder la partie clinique.
M. Alain Vasselle, président, s'est interrogé sur le caractère exhaustif des études qui sont aujourd'hui programmées. Seront-elles suffisantes ? Ne risque-t-on pas de voir émerger de nouveaux sujets d'études qui permettraient de justifier un nouveau décalage de la date d'entrée en vigueur de la convergence ?
M. Philippe Burnel, délégué général de la FHP, n'a pas posé d'objection de principe aux études lancées pour comparer convenablement les éléments de calcul et écarter les écarts de coûts justifiés du processus de convergence. Mais elles auraient dû être programmées dès le vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 et leur rythme laisse en effet penser que tout n'a pas été mis en oeuvre pour atteindre l'objectif de 2012. Afin de ne pas être victime une deuxième fois d'un report, certaines études pourraient être menées en parallèle.
Par ailleurs, il est important de fixer des priorités dans le travail de convergence : en identifiant très vite les éléments majeurs de différenciation, on peut avancer sur les montants les plus importants, sans se trouver contraints par des éléments de détail dont les enjeux financiers sont plus modestes.
En ce qui concerne la méthode, il reste des difficultés d'approche : par exemple, il est normal d'exclure, pour les hôpitaux, les coûts médicaux de la permanence des soins, mais le système repose sur des déclarations. Or, la Cour des comptes a elle-même relevé que, pour quelques dizaines de millions d'euros, il ne s'agit pas véritablement d'un service rendu à la collectivité, si bien que sortir ces coûts du tarif pour les imputer sur les dotations relatives aux missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation (Migac) est contraire à la marche vers l'efficience et à la convergence.
De même, il existe bien des effets de gamme, qu'il est nécessaire de prendre en compte, par exemple lorsque les activités sont imposées à l'hôpital sur un territoire donné, mais les choses sont nettement différentes quand l'effet de gamme résulte simplement d'un refus de coopération entre établissements, comme c'est souvent le cas en région parisienne par exemple.
Enfin, au sujet de ce qui a été appelé la surqualification des personnels, il faut se méfier des raisonnements circulaires : plus un établissement a de ressources, plus il recrute de personnels qualifiés, arguant ensuite que ses coûts sont supérieurs parce que son personnel est plus qualifié. La véritable question est le juste niveau de qualification par rapport à la qualité des soins. La comparaison de la qualité des prestations rendues est plus judicieuse et pourrait, à elle seule, justifier des discriminations dans les tarifs.
M. Jean-Yves Dupuis, directeur général de la Fehap, s'est félicité de la tenue de la table ronde ; elle lui permet finalement d'obtenir la liste des études à réaliser, qui n'avait jusque là pas été communiquée aux fédérations concernées. La faiblesse de la transparence du processus est regrettable ; malgré leur demande, les fédérations n'ont par exemple pas obtenu communication de la liste des établissements qui se sont vu attribuer une dotation de précarité en 2009. De même, elles ne connaissent pas les modalités de calcul de la PDSH, elles savent seulement qu'elles reposent sur les déclarations des établissements publics. Or, il existe aujourd'hui des effets pervers dans le mode de rémunération des gardes dans les hôpitaux.
Plus généralement, ces deux exemples - PDSH et précarité - sont révélateurs d'un effet négatif du processus en cours, qui consiste plus à sortir certains coûts des tarifs pour les imputer sur les Migac, c'est-à-dire des dotations globales, que d'isoler ces coûts au sein des grilles tarifaires. Or, les montants en jeu sont importants : 750 millions d'euros en 2009, peut-être un milliard dès l'an prochain. Si les Migac sont certainement nécessaires au fonctionnement du système, elles tendent à dénaturer la démarche de la T2A. Le dernier rapport du HCaam précise d'ailleurs qu'un transfert de crédits d'une enveloppe à l'autre, T2A et Migac, doit être précisément motivé et discuté avec les fédérations professionnelles, ce qui n'a pas été le cas en ce qui concerne la prise en compte de la précarité et de la PDSH.
M. Cédric Lussiez, directeur de la communication de la FHF, a prôné la transparence sur l'ensemble des dotations financières du système de soins. Le secteur public a de toute façon intérêt à la réalisation des études en cours ou programmées, afin de mesurer précisément les surcoûts de certaines de ses activités ou prestations. Le retard s'explique largement par les désaccords qui s'expriment d'ores et déjà sur les premières études, par exemple au travers de la suspicion à l'encontre des déclarations des hôpitaux relatives à la PDSH. Ces études sont pourtant censées être les plus faciles et les fédérations ne réussissent pas à s'entendre.
Par ailleurs, à l'issue des seize études, l'essentiel des facteurs permettant d'avoir une vision assez claire des surcoûts et de la convergence intersectorielle aura été analysé, mais il faut être conscient que des différences subsisteront, notamment quand elles ressortent de la nature même des établissements. Un hôpital public, quel que soit son souci de l'efficience, n'aura jamais la capacité de sélectionner les activités les plus rentables et devra toujours réaliser des actes qui sont par nature sous-tarifés, ce qui est fréquent en endocrinologie ou en médecine légale.
M. Jacky Le Menn a considéré qu'évidemment, les établissements publics n'ont pas à sélectionner les activités ou à prendre en considération leur rentabilité. De ce fait, l'ensemble du processus souffre d'un biais intrinsèque indéniable, qu'il sera à peu près impossible de gommer.
M. François Autain s'est demandé pourquoi la FHP est si pressée que la convergence intervienne. Est-ce lié à la rentabilité des établissements ou à l'intérêt des malades ?
Au sujet de la PDSH, Mme Martine Aoustin, directrice de la mission « tarification à l'activité », a considéré que le basculement vers un financement par les Migac est positif pour le sujet de la convergence, car il extrait du tarif la permanence des soins. L'efficience est alors reportée sur les missions d'intérêt général, qui doivent donc s'adapter et mieux justifier les coûts qui les composent. Par ailleurs, le travail sur la PDSH, comme celui sur la précarité, s'est aussi effectué sur la base de la comptabilité des établissements, et pas seulement sur une base déclarative.
En sus des études, le sujet de la valorisation des actes médicaux reste pendant, car les négociations sur la CCAM clinique n'avancent guère. Or, la réalité du financement des activités menées dans certaines consultations pluridisciplinaires ou pour certaines typologies de pathologies, par exemple en matière de maladies orphelines, doit être affinée et précisée, car elles sont souvent insuffisamment financées aujourd'hui.
M. Patrick Olivier, sous-directeur des affaires financières de la Dhos, a considéré, à la lumière des débats, que la liste des études, établie en concertation avec les fédérations, reste valide. Un comité de pilotage aura lieu début novembre pour discuter justement de l'avancée des travaux. Le processus de convergence ne pouvait commencer sans avoir clarifié des échelles de coûts dans les deux secteurs car, dans le secteur privé, contrairement au secteur public, cette échelle est une construction historique, basée sur une moyenne de tarifs individuels et non sur des coûts.
Par ailleurs, la nouvelle classification a permis d'avancer dans le processus, en améliorant la description de l'acte de soins, alors qu'auparavant, les aspects techniques étaient privilégiés. De ce point de vue, la prise en compte des niveaux de sévérité des pathologies dans la prise en charge des patients doit aussi contribuer à réduire les écarts de coûts et faciliter la convergence.
De la même manière, les modalités de la prise en compte des honoraires pour le secteur privé doivent être tranchées : moyenne, médiane, forfait médical ou toute autre solution ?
Enfin, pour la Dhos, qui a récemment transmis au Parlement et aux fédérations professionnelles des rapports sur la T2A, les Migac et la convergence, le choix des Migac est d'abord un choix d'outil de financement avant d'être lié à la convergence. Le financement de la permanence des soins, en tant que choix discrétionnaire du régulateur régional, est mieux assuré par une dotation que par un financement tarifaire : cette décision permet en effet à l'ARH, et demain à l'ARS, de mener une véritable politique de la permanence des soins, ce qui ne serait pas possible dans le cadre d'un tarif.
M. Alain Vasselle, président, a alors interrogé la Dhos sur les critiques exprimées par la FHF et la Fehap relatives, d'une part, au manque de transparence et à l'absence de communication en amont, d'autre part, à la manière dont les ARH surveillent les permanences de soins dans les établissements et l'éventuelle déconnection entre les sommes versées à ce titre et les astreintes réellement effectuées.
M. Patrick Olivier, sous-directeur des affaires financières de la Dhos, a précisé que le fait d'avoir sorti la permanence des soins du tarif est une réponse pragmatique qui va permettre justement une clarification du débat sur la convergence, puisque l'intérêt des agences sera d'attribuer les dotations aux établissements qui remplissent effectivement les missions de permanence des soins. Ce dispositif permet en outre de poser clairement le débat sur les schémas d'organisation de la PDSH. Par ailleurs, la méthode et les cahiers des charges des études ont été préparés en concertation avec les fédérations professionnelles, avant d'être confiés à des prestataires qui les réalisent. Concernant les travaux relatifs à la PDSH, le montant proposé pour le débasage des coûts a été fixé grâce à deux sources de données différentes : une enquête auprès des établissements et une étude externe de leurs comptes. Cette méthode permet d'aller vite, ce qui est souhaité par certaines fédérations, et elle pourra de toute façon être évaluée, notamment dans le cadre du comité de pilotage.
M. Jean-Loup Durousset, président de la FHP, a regretté l'absence d'une étude sur la tarification future, car il ne faut pas attendre la fin du processus de convergence pour réfléchir au mode de tarification auquel on veut parvenir. La question de la place des honoraires a clairement été soulevée comme un débat important, mais aucune étude n'est prévue à ce sujet. Va-t-on vers des dotations ou vers une tarification à l'acte ou à la pathologie ? De fait, le développement des Migac laisse perplexe, alors que le choix semblait avoir été fait de s'orienter vers une tarification à l'activité.
Si les pathologies rares sont le plus souvent soignées à l'hôpital, les GHS existants traitent tout à fait ces questions ; si le tarif correspondant n'est pas suffisant, il est loisible à l'Etat de l'augmenter pour prendre en compte, le plus judicieusement possible, le coût réel de ces pathologies.
Depuis 1991, l'organisation du système de soins français tend à ce que les établissements privés soient identiques aux autres établissements, par exemple par leur intégration dans les schémas régionaux d'organisation sanitaire, par le rôle attribué à la Dhos pour leur régulation ou par le développement des coopérations inter-établissements. D'ailleurs, aujourd'hui, le système de santé ne peut pas fonctionner sans le secteur privé. Dans ces conditions, de deux choses l'une : soit les établissements sont identiques et la tarification l'est également ; soit ils sont différents et il faut là aussi en tirer les conséquences. De plus, les établissements privés sont moins bien rémunérés que leurs homologues publics, ce qui explique leurs attentes d'une convergence tarifaire. Finalement, le tarif unique semble donc la meilleure solution pour le financement des établissements de santé dans leur ensemble.
Interrogé par M. François Autain, M. Jean-Loup Durousset, président de la FHP, a précisé que l'augmentation des tarifs a été limitée à 1,5 % ces dernières années, compte tenu de l'Ondam voté par le Parlement, et que 30 % à 35 % des établissements sanitaires privés sont aujourd'hui en déficit. De plus, les établissements subissent chaque année d'importantes variations dans les tarifs, jusqu'à plus ou moins 20 % en 2009 selon les champs, ce qui produit naturellement des difficultés de gestion, et, depuis 2006, les taux de rentabilité ont baissé de manière continue. Enfin, il faut se rappeler que des groupes privés ont procédé à la vente de leur immobilier, ce dont pourrait d'ailleurs s'inspirer le secteur public afin d'améliorer sa gestion et ses ressources : une telle cession permettrait certainement d'absorber la totalité du déficit des hôpitaux publics.
M. Alain Vasselle, président, a ensuite proposé d'aborder le dernier thème, celui de la convergence ciblée sur certains GHS qui sera entreprise dès 2010. S'agit-il d'une étape dans la convergence ou d'un changement d'approche ? Comment pratiquer la convergence sur quelques GHS, alors que certaines charges des différentes catégories d'établissements pèsent sur l'ensemble des GHS ? Quels GHS retenir pour cette opération ? Pourquoi ne pas inscrire cette convergence ciblée dans le PLFSS pour 2010 ?
M. Patrick Olivier, sous-directeur des affaires financières de la Dhos, a précisé que la Dhos ne souhaite pas s'écarter de la méthodologie générale par cette approche ciblée, qui est simplement une mesure d'accompagnement du report de la convergence et non une remise en cause. Il sera pour autant très difficile de trouver des GHS où les périmètres de charges seront identiques. De plus, face à des définitions encore disparates, l'égalité des tarifs pose des difficultés, si bien que la convergence ciblée a pour objectif de rapprocher les échelles de tarifs sans forcément les égaliser complètement.
Sans préjuger des travaux déjà évoqués sur la convergence, il s'agira d'identifier des GHS pour lesquels les activités sont comparables entre les différents secteurs et le nombre d'occurrences suffisamment élevé pour pouvoir être significatif. A contrario, on pourra s'intéresser à des activités plus spécifiques ou plus réduites, mais que les deux secteurs pratiquent dans des conditions comparables. Cette liste n'est pas encore définie et les travaux sont en cours à ce sujet. Ce processus s'inscrit dans le cadre général de la préparation de la campagne tarifaire 2010, devra s'articuler avec la convergence intrasectorielle vers des tarifs repères et obéira aux mêmes mécanismes qui lient aujourd'hui les tarifs et les échelles de coûts sans négliger la prise en compte de critères de santé publique.
Mme Martine Aoustin, directrice de la mission « tarification à l'activité », a estimé légitime de trouver contradictoire le lancement de travaux sur le calcul et la définition d'éléments de surcoûts et la fixation d'un tarif unique sur un certain nombre de GHS. Pourtant, cette approche trouve sa justification dans le cadre d'une campagne tarifaire annuelle, en tant qu'elle engage l'accompagnement de la convergence et qu'elle s'opère sur des activités comparables. Techniquement, de grandes difficultés apparaitront cependant si la convergence ciblée est uniquement une étape dans un processus global. En effet, agrandir progressivement le nombre de GHS concernés posera tardivement la question de l'ajustement des éventuels surcoûts, alors même qu'il ne restera plus qu'un nombre limité de GHS à faire converger. Ce processus comporte un risque inflationniste majeur. Cela pose donc à nouveau la question récurrente du modèle définitif de la convergence.
M. Cédric Lussiez, directeur de la communication de la FHF, a estimé que la convergence ciblée est une mauvaise idée. Alors que tant de questions restent posées sur le processus même de la convergence et que les études touchent naturellement tous les GHS à un stade ou à un autre, il semble difficile de trouver des GHS sur lesquels effectuer une telle opération.
Par exemple, la cataracte, qui est l'acte principal en termes de chiffre d'affaires des cliniques et pour laquelle les hôpitaux ont réalisé beaucoup d'efforts pour opérer davantage en ambulatoire, connait des écarts d'efficience importants entre blocs et constitue souvent une rente pour les cliniques. En effet, les coûts réels liés à cette pathologie sont bien inférieurs au tarif en établissement privé, en raison d'une échelle qui s'est construite historiquement dans les cliniques, et non à partir des coûts. Il y a donc là un gisement potentiel important d'efficience. Or, dans les hôpitaux, les coûts liés à la cataracte sont supérieurs à ceux du secteur privé, simplement du fait que les blocs opératoires ne sont pas dédiés à cette opération et que d'autres activités s'y intercalent. De ce fait, la baisse de rémunération de cet acte ne modifierait pas son coût pour le secteur public. Elle viendrait de plus perturber le fonctionnement d'équipes médicales qui concourent, sur un territoire donné, à un certain nombre de missions, dans la logique de la réforme HPST. Au-delà du seul GHS, il est en effet indispensable d'analyser la manière dont une activité globale se répartit.
M. Philippe Burnel, délégué général de la FHP, a considéré que l'annonce de cette convergence ciblée vient contrebalancer le mauvais signal envoyé au printemps dernier par l'annonce du report à 2018 du processus. La convergence ciblée permet de confirmer l'importance de la prise en compte de la productivité dans le système de soins, ce qui est positif. Pour autant, cette méthode ne peut évidemment pas être généralisée ou répétée les années suivantes. Enfin, on ne connait ni la liste des GHS concernés, ni la méthode, ni les critères de l'alignement, ce qui empêche de se prononcer sur la pertinence technique.
M. Jean-Yves Dupuis, directeur général de la Fehap, a estimé que l'annonce de la convergence ciblée est un acte politique et a regretté que les fédérations professionnelles n'aient pas été prévenues en amont. Surtout, elle peut être inquiétante : d'une part, elle risque de pénaliser des établissements dynamiques qui ont mis en place des outils de gestion et qui ont déjà subi le passage à une T2A n'allant pas au bout de la logique, notamment au travers du transfert de ressources vers les Migac ; d'autre part, alors que les études liées au processus de convergence sont annoncées comme particulièrement complexes, comment aboutir dès mars 2010 à des tarifs sur certains GHS qui soient compréhensibles par tous et praticables ? La question des moyens mis en oeuvre se pose donc de manière cruciale.
M. Alain Vasselle, président, s'est en conclusion interrogé sur le réalisme des objectifs annoncés et sur l'absence de précision dans le détail des modalités de cette convergence ciblée.
M. Jacky Le Menn a également déclaré sa perplexité devant la notion de convergence ciblée. Alors que le débat a montré que le processus de convergence, qui nécessite une approche heuristique, demande beaucoup de temps pour être préparé convenablement, l'irruption inopinée de cette annonce ressemble surtout à un acte politique.
Plus généralement, la notion de productivité ressort plus du champ mercantile que de celui de la santé publique. Il est évidemment nécessaire de réfléchir aux meilleurs modes d'organisation, par exemple en terme ambulatoire, mais cela ne peut pas être compris comme une simple diminution d'effectifs d'Ibode dans les blocs opératoires. Une opération est un acte complexe, qui est différent selon les caractéristiques propres à chaque patient, son âge ou ses pathologies additionnelles.
Pour M. Alain Vasselle, président, le terme d'efficience doit primer sur ceux de rentabilité ou de productivité. La rentabilité n'a pas de raison d'être dans le secteur public, mais cela ne doit pas obérer toute réflexion sur l'amélioration des procédures et la prise en compte de l'efficacité à un meilleur coût.
M. François Autain a noté la démarche contradictoire du Gouvernement qui annonce, d'un côté, le report à 2018 de la convergence et qui, de l'autre, propose la mise en place d'une convergence ciblée. Surtout, il n'est pas du tout certain qu'elle permette de diminuer le déficit de la sécurité sociale, d'autant qu'au fond, la convergence revient à augmenter les tarifs des cliniques privées, car il sera impossible de réduire les coûts du secteur public.
M. Alain Vasselle, président, a appelé à l'objectivité partagée et a conclu que la définition des mots et des périmètres est particulièrement délicate sur cette question de la convergence. Cet objectif, qui reste pertinent, ne signifie d'ailleurs pas une égalité de tarif, puisque seront toujours pris en compte des éléments de différenciation.