Mardi 27 octobre 2009
- Présidence de M. Alain Lambert, président -Audition de M. Éric Jalon, directeur général des collectivités locales au ministère de l'intérieur
M. Alain Lambert, président, a accueilli M. Éric Jalon, directeur général des collectivités locales au ministère de l'intérieur, et ses collaborateurs et l'a remercié d'avoir réservé sa première intervention publique à la nouvelle délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation, pour répondre aux questions de ses membres qui sont, a-t-il rappelé, pour nombre d'entre eux, également des élus locaux.
M. Éric Jalon, qui a pris ses fonctions le 28 septembre dernier, a indiqué que l'état d'esprit avec lequel il abordait ses nouvelles responsabilités et les prochaines réformes qu'il serait amené à suivre (taxe professionnelle et projets de loi portant réforme des collectivités territoriales) était marqué par une conviction forte, celle de l'intérêt et de la portée de ces réformes, mais qu'il était aussi animé par un véritable sentiment d'humilité. Il a appelé à un dialogue nourri et permanent entre les « expertises » de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et les « expériences » des sénateurs. Par ailleurs, il a rappelé que les ministres Brice Hortefeux, Alain Marleix et Michel Mercier seraient auditionnés, le mercredi 28 octobre 2009, par la commission des lois du Sénat.
Abordant dans un premier temps les sujets financiers, M. Alain Lambert, président, a posé les quatre questions suivantes au directeur général des collectivités locales :
- la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a fait de la taxe professionnelle un outil fiscal essentiel pour inciter à la création des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Son remplacement par une contribution économique territoriale va-t-il conserver son volet incitatif dans le cadre de la création des métropoles ou de l'achèvement de la carte intercommunale ? Si oui, selon quelles modalités ?
- l'amendement de MM. Gilles Carrez et Marc Laffineur, adopté par l'Assemblée nationale, fait bénéficier le bloc communal (communes et intercommunalités) d'une part de cotisation complémentaire, ponctionnée à hauteur de 20 % sur la part initialement attribuée aux conseils généraux. La compensation par le transfert de certains impôts locaux s'avérant insuffisante, quelles sont les dispositions envisagées par le Gouvernement pour compenser, pour les départements, cette perte de ressources ?
- la taxe professionnelle s'accompagnait de dispositifs de péréquation. La contribution économique territoriale sera-t-elle accompagnée de dispositifs similaires, plus performants, pour permettre aux collectivités territoriales « déshéritées en entreprises » de bénéficier de ressources leur permettant d'assumer leurs compétences ?
- la réforme de la taxe professionnelle prévoit une compensation pour la première année de sa mise en oeuvre. Quelles seront les dispositions envisagées par le Gouvernement pour assurer un niveau de ressources financières et fiscales minimum, respectant le principe constitutionnel d'autonomie financière, après 2010 (actualisation des valeurs locatives foncières) ?
En réponse, M. Éric Jalon a tout d'abord rappelé que, depuis 1999, la taxe professionnelle reposait sur « deux jambes » très inégales : le foncier d'une part, les équipements et les biens mobiliers d'autre part, qui représentent 80 % du produit, pesant fortement sur le secteur industriel. Des dispositifs avaient été progressivement mis en place pour limiter ses effets pervers sur le secteur industriel. Il s'est dit entièrement convaincu de la nécessité de réformer cet impôt, à la fois pour les entreprises (sur les investissements desquelles la taxe professionnelle pèse aujourd'hui très lourdement et pour lesquelles les dispositifs de plafonnement de la valeur ajoutée sont largement imparfaits), pour l'État (qui est le premier contributeur de la taxe professionnelle, à hauteur de 40 % en 2009), mais aussi pour les collectivités territoriales (qui courent un risque d'effondrement des taxes en 2011 et qui, à plus long terme, se voient attribuer une recette réelle et durable, ainsi que l'a rappelé le Président de la République).
M. Éric Jalon a ensuite indiqué que la réforme prévoyait des mécanismes de garantie des ressources des collectivités territoriales, auxquels se sont ajoutés les dispositifs supplémentaires de péréquation introduits par l'Assemblée nationale. Il a considéré que cette réforme était pragmatique, envisageant l'année 2010 comme une « année neutre » pour mesurer l'impact de la réforme et permettre de préparer son impact sur les dotations de l'État (coefficient d'intégration fiscale, calcul du potentiel financier) et sur certains dispositifs de péréquation comme les fonds départementaux de taxe professionnelle. S'agissant du panier de recettes, il a estimé qu'il appartenait au Parlement d'en faire évoluer la répartition, s'il l'estimait nécessaire. A cet égard, il a relevé que dans la version initiale du texte proposé par le Gouvernement :
- le « bloc communal » devait percevoir l'intégralité de la cotisation locale d'activité, la part régionale de la taxe sur le foncier bâti, une part importante des taxes régionale et départementale sur le foncier non bâti, la part départementale de la taxe d'habitation, une taxe additionnelle sur le foncier non bâti, ainsi que la taxe sur les surfaces commerciales ;
- les départements se voyaient attribuer 75 % de la nouvelle cotisation complémentaire, mais aussi la part de taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) encore perçue à ce jour par l'État ainsi que la part des droits de mutation à titre onéreux perçue par l'État et les communes ;
- les régions devaient percevoir les autres 25 % de la cotisation complémentaire ainsi que le produit de taxes nouvellement créées sur les voies ferrées et sur les entreprises de réseaux.
Il a rappelé que l'Assemblée nationale avait modifié cette répartition en attribuant au bloc communal 20 % de la cotisation complémentaire (soit 2,3 milliards d'euros), pris sur la quote-part des départements (réduite à 55 % au lieu de 75 %). En contrepartie, l'Assemblée nationale a prévu d'attribuer aux départements la taxe sur les surfaces commerciales (à hauteur de 600 millions d'euros), un reliquat supplémentaire des droits de mutation à titre onéreux (à hauteur de 400 millions d'euros), ainsi qu'une part de la taxe régionale sur le foncier bâti (60 % pour un peu plus d'un milliard d'euros), le solde étant assuré par une modification des affectations des impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux.
S'agissant des effets de cette réforme, il a considéré qu'elle respectait le ratio d'autonomie financière des collectivités locales au sens de la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 prise en application de l'article 72-2 de la Constitution relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales : ce ratio, ramenant la part des ressources fiscales des collectivités territoriales à l'ensemble de leurs ressources, pour 2003, année de référence, s'établissait pour les communes à 60,8 %, pour les départements à 58,6 % et pour les régions à 41,7 %. Ce ratio s'est établi en 2007 à 62 % pour les communes, 66,1 % pour les départements et 51,6 % pour les régions. Il s'établirait, à l'issue de la réforme, à 61,7 % pour les communes, 62,9 % pour les départements et 49,7 % pour les régions. M. Éric Jalon a reconnu, en revanche, que le pouvoir d'action des collectivités territoriales sur les taux allait diminuer, compte tenu du choix d'un taux unique national pour la cotisation complémentaire. Toutefois, il a indiqué que les discussions intervenues avant le dépôt du projet de loi de finances avaient permis d'obtenir une avancée assez significative : le découplage entre la cotisation locale d'activité et la cotisation complémentaire.
S'agissant de l'intercommunalité, il a reconnu que la taxe professionnelle constituait sa recette essentielle aujourd'hui (11,8 milliards d'euros sur les 28 milliards d'euros de taxe professionnelle votés par les collectivités territoriales en 2008) et que, à l'issue de la réforme, la contribution locale d'activité serait versée intégralement au « bloc communal », soit un montant de 6 milliards d'euros, ainsi qu'une part de la cotisation complémentaire (2,3 milliards d'euros sur un produit total de 11,4 milliards d'euros).
M. Éric Jalon a estimé que le débat restait ouvert sur la quote-part de cotisation complémentaire versée au bloc communal. Il s'est interrogé sur la nécessité de réserver cette nouvelle cotisation complémentaire communale aux EPCI, voire aux EPCI à taxe professionnelle unique (TPU), rappelant que, en la matière, l'Assemblée nationale avait pour l'instant posé le principe de non-affectation de la cotisation complémentaire aux communes isolées, sans en préciser à ce stade les modalités techniques, qui étaient laissées à l'appréciation du Sénat. Il a indiqué que le texte en discussion allait loin dans les dispositifs de fiscalité mixte pour les intercommunalités et il a appelé l'attention des membres de la délégation sur l'intégration fiscale très poussée prévue pour les métropoles (qui pourront percevoir de manière unifiée les quatre taxes).
S'agissant des dispositifs de péréquation, M. Éric Jalon a précisé que le Gouvernement avait envisagé, dans un premier temps, de geler les fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle à leur niveau de 2009. Mais cette préconisation ne constituant pas une réponse durable, le Gouvernement travaille actuellement à la mise en place de nouveaux dispositifs.
Puis il a présenté les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, dans le cadre de la discussion budgétaire du projet de loi de finances pour 2010, en matière de péréquation. Il a annoncé que de nouvelles règles de répartition de la part supplémentaire de taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) avaient été adoptées : fondées aujourd'hui sur des critères de population, elles reposeront à l'avenir sur le montant des pertes de ressources de taxe professionnelle engendrées par la réforme. Ensuite, il a précisé que l'Assemblée nationale avait également créé deux nouveaux dispositifs de péréquation, à destination des départements et des régions : les collectivités territoriales, dont le produit de cotisation complémentaire augmentera plus vite que la moyenne, se verront prélever la moitié de cette part dynamique au profit des collectivités qui connaissent une évolution de cette ressource plus modérée. Enfin, il a relevé qu'un dispositif de péréquation assis sur les droits de mutation à titre onéreux avait été créé pour les départements.
M. Pierre-Yves Collombat a rappelé que l'objectif de la réforme de la taxe professionnelle était d'alléger la charge fiscale des entreprises afin de renforcer leur compétitivité au niveau international. Mais il a souligné que l'étude de l'évolution des prix de la production industrielle à l'exportation depuis 1998 ne révélait aucune relation entre les réformes intervenues depuis cette date et le renforcement de la compétitivité des entreprises. Aussi a-t-il souhaité savoir si cette nouvelle réforme favoriserait réellement les entreprises soumises à la concurrence internationale. Il a observé par ailleurs que la réforme devait permettre une meilleure répartition des ressources issues de la nouvelle contribution économique territoriale, sans qu'il y ait de perdants tant au niveau des entreprises que des collectivités territoriales. Il s'est interrogé sur la manière dont pourraient être conciliés ces deux objectifs alors que la réforme devrait engendrer une baisse de recettes de 6 milliards d'euros pour les collectivités territoriales.
Mme Marie-France Beaufils, forte de son expérience d'élue locale, a affirmé qu'aucune entreprise ne lui avait reproché le niveau élevé des taux de taxe professionnelle lors de son installation sur le territoire de sa commune. Elle a souhaité connaître les études d'impact qui avaient conduit le Gouvernement à entreprendre la réforme de la taxe professionnelle. Elle a rappelé par ailleurs qu'un rapport remis au Président de la République en 2008 concluait que la diminution du chiffre d'affaires consacrée à l'investissement était due à l'augmentation de la part allouée aux actionnaires, et non à la hausse de la charge fiscale.
S'agissant de la réforme des impositions forfaitaires des entreprises de réseaux (IFER), elle a remarqué que le secteur des transports allait être assujetti à cette imposition, alors même qu'il était subventionné par les conseils régionaux. Elle s'est donc demandé si les régions n'allaient pas, par ricochet, payer les impositions des IFER. Elle a conclu son propos en mettant l'accent sur la baisse des ressources des communes, passant de 16,8 milliards d'euros aujourd'hui à 8,3 milliards d'euros à l'issue de la réforme.
M. Philippe Dallier a observé que, au terme de la réforme de la fiscalité locale, les communes pauvres du Grand Paris compenseraient les pertes de taxe professionnelle que subiraient les communes qui la percevaient jusque-là. Il a expliqué que les communes sans taxe professionnelle, qui, de ce fait, se trouvaient excédentaires en impôts ménages, risquaient de les perdre au profit des communes qui bénéficiaient actuellement de ressources élevées en taxe professionnelle. Il a ajouté que le transfert des droits de mutation à titre onéreux vers les conseils généraux désavantagerait encore les communes pauvres.
Il a regretté la suppression du fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR), destiné à assurer à chaque commune et intercommunalité la compensation des conséquences financières de la réforme de la taxe professionnelle. Il a précisé que les ressources de chaque commune et EPCI auraient été diminuées d'un prélèvement au profit du FNGIR ou augmentées d'un reversement de ressources en provenance de ce fonds : le prélèvement et le reversement auraient diminué, chaque année, d'un montant de 5 % afin de permettre à chaque collectivité territoriale du bloc communal de bénéficier des ressources issues de la réforme actuelle à partir de 2030. Il a estimé que ce fonds aurait permis de surmonter les situations d'inégalité entre les communes du Grand Paris, qui ne manqueraient pas de se renforcer du fait de la réforme. Par conséquent, il a jugé difficile de voter la réforme fiscale et territoriale si elle n'était pas accompagnée en parallèle d'une réforme de la péréquation. Par ailleurs, il s'est également interrogé sur le devenir du fonds de solidarité de la région Île-de-France (FSRIF) après 2011.
M. François Rebsamen a fait observer que la communauté urbaine de Bordeaux accueillait chaque année de nouvelles entreprises, avec des taux de taxe professionnelle avoisinant 30 %, cet exemple démontrant que les entreprises étrangères continuaient de s'installer en France sans considération du poids de la taxe professionnelle. Il a estimé que 2010 ne serait pas une année neutre pour les collectivités territoriales. En effet, la compensation à l'euro près devrait reposer sur le produit « bases 2010 par le taux 2009 », et non sur le produit le plus élevé entre « bases 2010 par le taux 2008 » ou « bases 2009 par le taux 2009 », proposé par le Gouvernement. Il s'est d'ailleurs interrogé sur la constitutionnalité de la disposition qui empêchait les collectivités territoriales de voter leur taux de taxe professionnelle en 2009, avant la suppression effective de cette taxe, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010. Il a également regretté que l'année 2009 ait été choisie pour geler le niveau des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. S'agissant de la cotisation locale d'activité et de la cotisation complémentaire, il a proposé qu'une fourchette soit fixée, dans laquelle les collectivités territoriales pourraient faire varier leurs taux. En conclusion, il a rappelé le souhait des élus locaux de disposer des simulations relatives à la réforme fiscale. Il a souligné la nécessité de maintenir un lien entre les collectivités territoriales « accueillantes » et les entreprises, sous peine d'impact négatif sur l'implantation de ces dernières.
En réponse aux sénateurs, M. Éric Jalon a indiqué que la DGCL souhaitait pouvoir mettre à la disposition des parlementaires des simulations retraçant les effets de la réforme de la taxe professionnelle (TP) et tenant compte des modifications adoptées lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009 à l'Assemblée nationale.
Il a rappelé que la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi avait chargé M. Yves Fréville d'une mission en direction des élus, notamment afin de les informer de l'impact de la réforme et de favoriser les échanges avec les administrations concernées.
Il a souligné que les baisses de recettes provoquées par la réforme de la TP seraient compensées par un nouveau panier de ressources et que, en conséquence, l'apport financier de l'Etat sous forme de dotation budgétaire compensatrice serait marginal.
M Pierre-Yves Collombat a voulu savoir si l'objectif premier de la réforme était bien l'amélioration de la compétitivité des entreprises soumises à la concurrence internationale.
M. Éric Jalon a confirmé que les entreprises n'hésitaient pas à s'installer dans des zones où le taux de taxe professionnelle pouvait être élevé, ce constat ne suffisant pas toutefois à conclure que les entreprises ne prêtaient aucune attention au niveau de la fiscalité locale.
Concernant les effets de la réforme en Île-de-France, il a convenu de la nécessité de procéder à des simulations afin de s'assurer que les communes les plus défavorisées ne subissaient pas d'effets indésirables non compensés.
Il a rappelé que le transfert des droits de mutation à titre onéreux des communes vers les départements avait pour contrepartie l'affectation d'une part de la cotisation complémentaire aux budgets communaux.
Il a confirmé que l'impact de la réforme sur le mécanisme de péréquation mis en oeuvre en Île-de-France devrait être traité de manière approfondie dans le cadre d'une réforme de la péréquation qui devrait intervenir en 2010.
M. Jean-Christophe Moraud, sous-directeur des finances locales et de l'action économique à la DGCL, a indiqué qu'aucune modification des modalités de fonctionnement du fonds de solidarité de la région Île-de-France (FSRIDF) n'était prévue pour 2010. La réforme se mettra en place à partir de 2011, dès que le schéma d'allocation des ressources sera connu.
Il a annoncé que le coefficient d'intégration fiscale ferait également l'objet d'une réforme.
M. Éric Jalon a réaffirmé que l'impact de la réforme de la taxe professionnelle devait être neutre pour les finances des collectivités territoriales en 2010. Pour obtenir ce résultat, les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre recevront, en lieu et place du produit de la taxe professionnelle, une compensation dont le montant sera égal au produit de la TP. Pour déterminer le montant de cette dotation, les pouvoirs publics ont dû arbitrer entre deux solutions consistant à calculer les ressources sur la base du produit constaté en 2009, ou utiliser les bases 2008 avec un taux 2010. Après débat, ce calcul s'effectuera sur le fondement des bases 2009.
M. Edmond Hervé a souhaité obtenir des informations précises sur les conséquences financières de la réforme de la taxe professionnelle ainsi que sur un certain nombre de statistiques évoquées pour justifier la nécessité d'une réforme des collectivités territoriales.
Il s'est ainsi montré surpris que le coût pour l'Etat de la réforme de la taxe professionnelle, tout comme le montant de l'allègement dont bénéficieront les entreprises fassent l'objet d'un chiffrage différent selon les intervenants.
Il a voulu savoir si la réforme avait pour objectif le renforcement de la compétitivité des entreprises ou l'amélioration de la capacité d'initiative des collectivités territoriales, et s'est interrogé sur les données statistiques ayant permis au Président de la République d'indiquer que les collectivités territoriales avaient créé 38 000 emplois en 2008. Il s'est inquiété des effets négatifs de cette présentation laissant croire à l'existence d'un Etat vertueux face à des collectivités territoriales dépensières.
Il a fermement souhaité que la réforme puisse être engagée sur le fondement de données statistiques dont les modalités de détermination soient connues, et acceptées par tous les acteurs concernés.
M. Yves Détraigne a estimé que la réforme de la taxe professionnelle avait pour effet de réduire l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Évoquant le volet institutionnel de la réforme, il s'est étonné des pouvoirs exorbitants accordés aux préfets afin d'accélérer l'achèvement de la carte intercommunale, et a souligné les effets négatifs de la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions ainsi que de l'encadrement du recours aux financements croisés. Il s'est demandé en conclusion ce qu'il allait rester du principe constitutionnel de libre-administration, estimant que les réformes représentaient une marche en arrière de trente ans.
M. Claude Bérit-Débat a souligné que les pertes de recettes liées à la réforme de la taxe professionnelle auraient une influence négative sur les politiques d'investissements en faveur des entreprises menées par les collectivités territoriales ou leurs EPCI. Ces acteurs n'auront plus le même intérêt qu'aujourd'hui à favoriser l'installation d'une entreprise sur leur territoire en raison de la diminution des recettes fiscales afférentes. Les collectivités territoriales disposeront par ailleurs de ressources moindres pour développer l'attractivité de leurs territoires.
Il a souligné que cette réforme de la TP, si elle réduisait les charges fiscales pesant sur les entreprises, avait également pour effet d'opérer un transfert de fiscalité vers les ménages.
M. Yves Daudigny a rappelé qu'un bon impôt se composait d'une assiette large et d'un taux faible. Il s'est donc étonné que le Gouvernement ait limité la perception de la nouvelle cotisation économique territoriale aux entreprises ayant un chiffre d'affaires supérieur à 500 000 euros et ait refusé d'abaisser ce seuil à 150 000 euros. Cette situation aura des effets négatifs sur les territoires peuplés de petites entreprises.
Il s'est par ailleurs interrogé sur la pérennité de la compensation versée par l'Etat aux collectivités territoriales au titre des pertes de recettes provoquées par la réforme de la taxe professionnelle. En effet, il a relevé que la situation dégradée des finances publiques imposerait sans doute à l'Etat d'engager des actions fortes pour réduire son déficit public et que, en conséquence, les collectivités territoriales pourraient être victimes de cette politique si elle se traduisait par une réduction des dotations qui leurs auraient été accordées.
M. Éric Jalon a précisé que personne ne contestait l'impact positif de la décentralisation en matière de services rendus à la population.
Il a indiqué que les différents chiffres relatifs à l'impact de la réforme de la taxe professionnelle étaient régulièrement mis à jour, notamment en fonction des amendements adoptés par l'Assemblée nationale, ce qui expliquait leurs variations.
Il a précisé que, entre 1984 et 2005, à charge constante, les effectifs de la fonction publique d'Etat avaient augmenté de 265 000 unités, ceux de la fonction publique hospitalière de 218 000 et ceux de la fonction publique territoriale de 500 000.
M. Edmond Hervé a vivement réagi à la présentation comparée des chiffres de croissance des effectifs dans la fonction publique, qu'il a jugée « populiste », et a demandé un débat loyal, rappelant que certains secteurs, comme l'insertion, qui sont essentiels à la cohésion sociale, nécessitaient forcément des recrutements, de même que certaines évolutions statutaires intervenues dans la fonction publique territoriale depuis la décentralisation.
M. Alain Lambert, président, a assuré M. Edmond Hervé de son plein accord quant aux principes qui devaient dominer le débat public, réclamant à son tour une clarification des chiffres présentés, notamment par niveau territorial.
M. Edmond Hervé a marqué à nouveau son opposition à l'affichage des trois chiffres de progression des différentes fonctions publiques, insistant sur les interprétations erronées auxquelles cette présentation pouvait conduire.
En réponse, M. Éric Jalon s'est engagé à fournir, dans le courant de la semaine suivant l'audition, toutes les statistiques ministérielles disponibles, par niveau de collectivité et type d'emploi ou de filière.
Par ailleurs, sur la question de la libre administration des collectivités territoriales et de l'autonomie financière, il n'a pas souhaité entrer dans un débat relevant de la compétence du Conseil constitutionnel, mais a rappelé que le projet de loi fixait essentiellement des principes et prévoyait des dispositions ayant un but clairement défini (tel que l'achèvement de la carte intercommunale, l'encadrement des cofinancements, etc.) assorties de garanties. Il a reconnu que des textes complémentaires seront nécessaires et que les modalités d'application de ces principes étaient ouvertes à la discussion parlementaire.
M. Éric Jalon a également précisé que :
- le choix d'un impôt calculé sur la valeur ajoutée permettait d'envisager une évolution dynamique des recettes, que les bases actuelles de la taxe professionnelle ne permettaient plus ;
- la « territorialisation » de cet impôt constituait un sujet de débat que le Parlement pourrait approfondir ;
- le seuil de 150 000 euros pour l'application de la cotisation complémentaire était un choix d'équilibre économique, dont le but était d'alléger l'imposition de nombreuses d'entreprises ;
- la dynamique à long terme du dispositif fiscal était cohérente avec la volonté manifestée par le Parlement de mettre fin à l'indexation des dotations des collectivités territoriales sur la croissance économique (réforme qui permettra d'éviter, en 2009, une perte de recettes pour celles-ci de l'ordre d'un milliard d'euros), car si les recettes fiscales de l'État doivent baisser de 25 % en 2009, la DGF progresserait, quant à elle, de près de 300 millions d'euros.
Relayant les observations sur l'opportunité de certaines réformes, M. Alain Lambert, président a évoqué une symétrie diabolique entre l'action publique décidée au plus haut niveau de l'Etat et les décisions prises pour les entreprises au niveau de leur instance centrale de représentation, ceci étant révélateur du système centralisateur français.
Puis, M. Alain Lambert, président, a invité ses collègues à aborder le second temps de l'audition, consacré au volet institutionnel de la réforme.
M. Pierre-Yves Collombat a émis des doutes sur les vingt milliards d'économies potentielles attendues de la réforme et a estimé que les mesures relatives à l'intercommunalité conduiraient à réduire mécaniquement à la « portion congrue » les délégués intercommunaux des petites communes.
M. Rémy Pointereau a critiqué le seuil des 500 habitants retenu pour l'application du scrutin de liste, qui risque d'entraîner une politisation accrue des élections locales, ainsi que les modalités et les conséquences du fléchage des délégués intercommunaux des petites communes qui seront désavantagées.
M. Yves Détraigne a aussi insisté sur les élections des conseils communautaires, craignant une démotivation des petites communes et une inversion des interventions des communes et des intercommunalités, car ces dernières seront, de fait, dominées par les communes-centres, et tentées de traiter les autres communes comme de simples arrondissements.
M. Philippe Dallier a dénoncé la « situation ubuesque » de l'intercommunalité en Île-de-France, en particulier dans les départements de la petite couronne, et a demandé des précisions concernant l'application de l'obligation d'adhérer à une intercommunalité aux communes de la petite couronne, le régime de la contribution complémentaire sur leurs territoires et les perspectives concernant la gouvernance du Grand Paris. Il a rappelé que le Président de la République, dans son discours sur la réforme territoriale, prononcé le 20 octobre 2009 à Saint-Dizier, avait précisé que les dispositions relatives aux métropoles ne s'appliqueraient pas à la région Île-de-France. Il s'est demandé si l'obligation de former des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pourrait s'appliquer dans cette région.
M. Éric Jalon a indiqué que l'Île-de-France, caractérisée par un très faible développement de l'intercommunalité sur son territoire, ne faisait finalement pas l'objet d'un traitement spécifique dans le cadre de la réforme territoriale. Il a observé que les dispositions relatives à l'achèvement de la carte intercommunale seraient donc applicables dans cette région comme sur l'ensemble du territoire.
Mme Marie-Thérèse Bruguière a souligné que les communes ayant développé une zone d'activité dynamique n'accueillaient que peu d'habitations, les populations préférant s'installer dans des zones plus calmes et dotées d'espaces verts conséquents. Elle a noté que l'application des nouvelles règles fiscales pourrait désavantager les communes ayant réalisé d'importants investissements pour assurer leur développement économique, au profit des communes voisines qui accueillaient une population plus dense.
Elle a également souhaité que les règles de composition des conseils communautaires ne soient appliquées qu'à défaut de consensus entre les collectivités territoriales membres de l'établissement public de coopération intercommunale concerné, rappelant que, dans de nombreux cas, des équilibres performants avaient été trouvés entre la commune-centre et les autres membres de l'intercommunalité, selon des critères de répartition très différents de ceux imposés par le projet de réforme territoriale.
Enfin, elle a suggéré que les communes très touristiques, qui voient leur population doubler et atteindre des niveaux très élevés pendant la période estivale, puissent retenir leur « population DGF », au sens de la direction générale des collectivités locales, pour l'application des seuils d'éligibilité permettant la création d'une communauté d'agglomération.
M. Yves Daudigny a contesté la vision selon laquelle la suppression des cofinancements par plusieurs niveaux de collectivités territoriales permettait de réaliser des économies, s'appuyant sur des exemples concrets dans le domaine des aides économiques ou de l'action culturelle.
Il s'est demandé si une commune pourrait être intégrée sans son accord au sein d'une commune nouvelle, et si un département pourrait être contraint à fusionner avec d'autres départements contre son gré.
M. Éric Jalon a rappelé que la décision d'imposer un mode de répartition des sièges au sein des conseils communautaires, défini par la loi, découlait de l'adoption du suffrage universel direct pour l'élection de leurs membres.
Il a indiqué que les règles applicables aux communautés urbaines attribuaient à chaque commune membre un siège au sein des conseils communautaires et que la réforme territoriale généraliserait cette pratique à toutes les intercommunalités. Il a estimé que le « fléchage » des élus des conseils communautaires allait remplacer l'actuel clivage entre la commune-centre et les autres membres de l'EPCI par un clivage plus politique entre majorité et opposition.
Il a observé que le fait de retenir la « population DGF » pour permettre à des communes de former une communauté d'agglomération aurait des incidences budgétaires certaines et entraînerait une modification profonde de l'EPCI concerné, tout en rappelant que l'intégration des compétences était beaucoup plus poussée dans le cas d'une communauté d'agglomération. Il a admis que, dans certains cas, cette possibilité pouvait être légitime et devait faire l'objet d'un examen approfondi.
M. Éric Jalon a affirmé que le projet de loi relatif aux compétences, cinquième texte de la réforme territoriale, n'interdirait pas les financements croisés. Il a expliqué que ce texte, encore en préparation, visait à clarifier les modalités de financement des actions locales et à éviter aux communes de prendre à leur charge, par le biais du cofinancement, des investissements qu'elles ne pouvaient pas assumer dans la durée. Il a indiqué que les financements croisés pourraient être modulés en fonction de la nature et du niveau de l'investissement prévu, ainsi que de son lien avec les compétences traditionnelles de la collectivité territoriale concernée.
Il a ensuite confirmé qu'une commune nouvelle pouvait être créée et englober une commune contre son avis, à condition que les règles de majorité qualifiée soient respectées. Toutefois, il a rappelé que, en cas de désaccord, la création de la commune nouvelle ne pouvait être décidée qu'après consultation des électeurs, avec l'accord de la majorité absolue des suffrages exprimés correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits dans l'ensemble des communes concernées.
Enfin, M. Éric Jalon a noté qu'un département pouvait faire l'objet d'une fusion avec d'autres départements si la population, consultée par le Gouvernement, exprimait son accord.