- Mardi 7 juillet 2009
- Mercredi 8 juillet 2009
- Conclusions du groupe de travail sur la fiscalité environnementale - Communication
- Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 - Examen du rapport
- Débat d'orientation des finances publiques pour 2010 - Communication
- Loi de programmation militaire pour les années 2009 - 2014 - Examen du rapport pour avis
- Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
Mardi 7 juillet 2009
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Conventions fiscales - Examen de rapports
La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Adrien Gouteyron sur les projets de loi :
- n° 247 (2008-2009), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital ;
- n° 451 (2008-2009), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- n° 452 (2008-2009), autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur les revenus.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a indiqué vouloir donner, dans son exposé, la priorité à l'avenant à la convention franco-belge en raison de l'importance des enjeux humains et économiques que celui-ci représente pour les travailleurs frontaliers résidant en France et travaillant en Belgique. Faisant le point sur l'étude approfondie qu'il a réalisée, il a évoqué les auditions respectives du Regroupement des transfrontaliers du Nord, des Ardennes et de l'Est, ainsi que des membres des services du ministère des affaires étrangères et européennes et du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Puis il a exposé les enjeux et les circonstances de la négociation qui ont conduit à la conclusion de l'avenant.
S'agissant des enjeux, il a indiqué que l'avenant avait pour objet de maintenir le régime fiscal des travailleurs frontaliers de France exerçant leur activité dans la zone transfrontalière belge jusqu'en 2033. Selon le régime actuel, ces travailleurs sont imposables sur le revenu en France. Quant aux travailleurs frontaliers résidant en Belgique et exerçant leur activité professionnelle dans la zone frontalière française, ils sont imposables en Belgique. C'est donc le critère du lieu de résidence qui a été retenu, et non celui de l'activité comme le préconise pourtant le modèle de convention fiscale de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a souligné la forte attractivité du régime en vigueur pour les travailleurs frontaliers résidant en France, en raison de l'importante disparité des niveaux d'imposition français et belge, en précisant que le barème applicable aux revenus perçus en 2008 en Belgique comporte cinq tranches d'imposition : de 25 %, 30 %, 40 %, 45 % et 50 % pour la tranche supérieure à 32 860 euros.
Il a ensuite mentionné les trois raisons principales pour lesquelles les autorités belges souhaitent la suppression du régime dérogatoire des transfrontaliers. En premier lieu, la fiscalisation en France des salaires des travailleurs frontaliers de France entraîne une perte fiscale pour la partie belge. De surcroît, l'écart d'imposition entre la Belgique et la France permet à ces mêmes travailleurs frontaliers résidant en France d'accepter des salaires bruts moins élevés, ce qui les rend très compétitifs par rapport aux travailleurs belges qui subissent ainsi un effet d'éviction. Enfin, de nombreux salariés belges se domicilient fictivement en France, ou sortent à dessein de la zone frontalière française où ils exercent leur activité, afin d'échapper à l'impôt belge sur le revenu.
Il a alors fait valoir que la suppression pure et simple du régime aurait été gravement préjudiciable aux 25 000 travailleurs frontaliers de France, en les soumettant à l'imposition du revenu en Belgique et non en France comme c'est le cas actuellement. Il a ajouté que près des deux tiers des personnes concernées (63 %) sont des ouvriers non qualifiés. Leur mobilité constitue donc un facteur essentiel de la lutte contre le chômage.
De surcroît, le maintien du régime frontalier constitue un enjeu économique pour les départements tels que la Meurthe-et-Moselle, la Meuse, les Ardennes, l'Aisne et le Nord. La plupart des pôles économiques sont établis de part et d'autre de la frontière notamment dans les anciens bassins miniers et sidérurgiques tels que Valenciennes-Mons et Maubeuge-Charleroi.
S'agissant du contexte ayant précédé le cycle de négociations, M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a rappelé la lecture restrictive des dispositions de la convention, opérée depuis 2004 par les autorités fiscales belges. Cette interprétation subordonne l'octroi des bénéfices du régime à l'exercice exclusif de l'activité professionnelle dans la zone frontalière alors qu'une période de tolérance de quarante-cinq jours de sortie était admise jusqu'alors. Cette interprétation a conduit à refuser le régime du travailleur frontalier dès lors que le salarié quittait, ne serait-ce qu'une journée, la zone frontalière dans le cadre de son activité professionnelle. Il en a donc résulté de nombreux redressements fiscaux de travailleurs frontaliers résidant en France, qui ont conduit à de fortes tensions au sein de cette communauté.
Confronté à la détérioration de la situation de ces travailleurs frontaliers, le Gouvernement français est entré, dès 2006, dans un cycle de négociations en deux temps qui a conduit à la signature, le 12 décembre 2008, du présent avenant plus favorable au Gouvernement français que le premier signé le 13 décembre 2007.
Puis M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a présenté les dispositions de l'avenant en insistant sur la prorogation du régime en vigueur au profit des travailleurs frontaliers de France jusqu'au 31 décembre 2033, conformément à leurs souhaits. Il s'est félicité que la seconde négociation ait autorisé de nouveaux entrants dans le régime jusqu'au 31 décembre 2011, alors que le premier projet d'avenant clôturait la liste des bénéficiaires au 31 décembre 2008.
En revanche, le régime est supprimé pour les travailleurs frontaliers résidant en Belgique et travaillant en zone frontalière française. En conséquence, ces travailleurs seront imposables en France et non en Belgique comme c'est le cas aujourd'hui. Cette règle d'imposition au lieu d'activité est conforme au modèle de l'OCDE.
Puis M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a décrit les nouvelles modalités d'application du régime frontalier dont l'objet est d'éviter toute divergence d'interprétation sur l'application des dispositions de la convention. Il a notamment exposé la méthode de décompte des jours de sortie hors de la zone frontalière.
S'agissant de la période entre 2003 et 2008, les frontaliers résidant en France se voient garantir le bénéfice du régime à condition de ne pas exercer leurs activités en dehors de la zone frontalière plus de quarante-cinq jours par an. Cette période de tolérance, d'application rétroactive, a pour effet de mettre un terme aux très nombreux redressements effectués par les autorités belges à l'encontre des bénéficiaires du régime résidant en France.
A compter de 2009, la période de tolérance est de trente jours. L'avenant précise par ailleurs les cas ou les jours de sortie ne sont pas comptabilisés dans cette période afin d'assouplir le régime au profit des travailleurs résidant en France. Il s'agit notamment des sorties de zone pour un cas de force majeure, une visite médicale ou pour une formation professionnelle.
Le maintien temporaire du régime frontalier pour les travailleurs résidant en France donne lieu à une compensation annuelle de vingt-cinq millions d'euros pour la Belgique en raison de sa perte d'impôt sur le revenu, corrélative au maintien de l'imposition des travailleurs frontaliers en France. Au terme d'un examen attentif des modalités de ce dédommagement, M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a relevé que d'autres Etats, tels que le Luxembourg, avaient compensé les pertes fiscales de la Belgique en contrepartie du maintien provisoire du régime frontalier. Il s'est, en outre, félicité que le second tour de négociation ait permis de prévoir une clause de révision de cette compensation tous les trois ans, afin d'en réduire le montant, en fonction de l'arrêt d'activité des frontaliers.
A l'issue de cette présentation, un bref débat s'est engagé au cours duquel M. Jean Arthuis, président, a souligné l'intérêt fiscal pour les travailleurs frontaliers résidant en France d'être imposés au lieu de leur résidence et non à celui de leur activité au regard du barème d'imposition belge. En réponse aux inquiétudes de Mme Nicole Bricq sur la portée de l'avenant, M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a rappelé que l'accord passé entre la France et la Belgique concerne une population de travailleurs frontaliers dont plus des deux tiers disposent de faibles revenus.
La commission a alors adopté le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention fiscale avec la Belgique, qui fera l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a ensuite abordé les dispositions de l'avenant à la convention fiscale franco-américaine en soulignant leur caractère particulièrement complexe.
La France et les Etats-Unis d'Amérique sont liés par une convention fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, datant de 1994, et modifiée en 2004. Les autorités fiscales françaises ont émis, dès janvier 2006, le voeu d'amender la convention afin de prévoir un cadre plus souple, favorable aux échanges et aux investissements. L'avenant a été signé à Paris, le 13 janvier 2009, à l'issue du cinquième tour de négociations.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a souligné l'impact bénéfique que cet avenant devrait avoir sur l'ensemble des entreprises françaises implantées aux Etats-Unis, soit 2 600 filiales dont le chiffre d'affaires représente près de 170 milliards de dollars.
Il a indiqué que l'apport principal de l'avenant réside dans l'exonération de la retenue à la source sur les dividendes, dans certaines conditions, ainsi que sur les redevances. S'agissant des dividendes intra-groupe, cette mesure devrait avoir pour effet de favoriser le rapatriement en France des dividendes des filiales américaines des groupes français. Or, les distributions des filiales américaines à leurs sociétés mères en France sont plus importantes que les distributions de source française vers les Etats-Unis. Elles ont été de l'ordre de 11 354 millions de dollars des Etats-Unis vers la France contre 4 565 millions de dollars de la France vers les Etats-Unis en 2005.
En outre, M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a fait observer que les structures d'investissements immobiliers françaises aux Etats-Unis, qui étaient jusqu'alors exclues de l'octroi des avantages conventionnels, bénéficieront des taux réduits de retenues à la source et de l'élimination des doubles impositions.
Enfin, il a salué l'insertion d'une clause d'arbitrage obligatoire souhaitée par les entreprises françaises opérant sur le territoire américain. Cette clause vise à les sécuriser juridiquement quant à l'issue des procédures engagées dans le cas d'une double imposition. L'avenant actualise les clauses relatives à l'échange de renseignements ainsi qu'à l'abus de droit. Celles-ci participent au renforcement de la lutte contre l'évasion et la fraude fiscales et donc préservent les intérêts financiers français.
Enfin, M. Adrien Gouteyron, rapporteur, a présenté la convention fiscale conclue avec le Royaume-Uni, qui abroge la précédente convention du 22 mai 1968.
La nouvelle convention actualise les dispositions de la précédente afin, d'une part, de tenir compte des évolutions respectives du droit interne des parties, et, d'autre part, de suivre les dernières orientations fixées par le modèle de convention fiscale de l'OCDE. Relevant que la nouvelle convention est le fruit d'un consensus entre les parties contractantes, il s'est félicité de l'insertion de clauses anti-abus spécifiques qui empêcheront notamment l'octroi des avantages conventionnels relatifs aux dividendes, intérêts, redevances et autres revenus à un bénéficiaire dont l'objectif principal a été de les obtenir indûment.
A l'issue de la présentation des rapports sur les projets de loi autorisant respectivement l'approbation de la convention fiscale avec le Royaume-Uni, ainsi que l'avenant à la convention fiscale avec les Etats-Unis, un débat s'est engagé au cours duquel M. Jean Arthuis, président, M. Adrien Gouteyron, rapporteur, et Mme Nicole Bricq ont déploré la brièveté des délais accordés au Sénat, eu égard à la complexité des dispositions des accords qui lui sont soumis. Ils ont convenu de l'opportunité de procéder à une étude approfondie du modèle de convention fiscale de l'OCDE, caractérisé par une extrême technicité qui ne facilite pas la transparence dont devrait être entouré l'examen des projets de loi de ratification.
Puis la commission a adopté les projets de loi autorisant respectivement l'approbation de l'avenant à la convention fiscale avec les Etats-Unis et la convention fiscale avec le Royaume-Uni, qui feront l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.
- Présidence conjointe de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Jean-Pierre Plancade, vice-président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -
Libertés et responsabilités des universités - Nouveau système d'allocation des moyens aux universités - Communication
Puis la commission a entendu une communication de MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont sur la mise en place du volet budgétaire et financier de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) et sur le nouveau système d'allocation des moyens aux universités (SYMPA), conjointement avec la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a tout d'abord souligné que la mise en oeuvre de l'autonomie budgétaire des universités et d'un nouveau système d'allocation des moyens a pour objectif une modification durable des modes de fonctionnement et de gestion des établissements et l'optimisation de l'utilisation des fonds publics croissants consacrés à l'enseignement supérieur. Au-delà de la responsabilisation accrue des acteurs, l'instauration de dispositifs vertueux, efficients et transparents représente un enjeu majeur.
Il a rappelé que les deux commissions ont déjà, en 2008, dans le cadre d'un groupe de travail commun, contribué à la réflexion du ministère sur la révision du mode de calcul des dotations budgétaires attribuées par l'Etat aux universités : le système précédent dénommé « SAN REMO » a ainsi été remplacé en 2009 par un nouveau modèle baptisé, à l'initiative dudit groupe de travail, « SYMPA », cet acronyme signifiant « SYstème de répartition des Moyens à la Performance et à l'Activité ».
Avant de présenter les conclusions du contrôle sur la mise en oeuvre de l'autonomie budgétaire et de SYMPA, il a souhaité évoquer les mouvements de contestation, en soulignant leur impact négatif sur l'image internationale de certaines universités. A ce titre, il a jugé nécessaire d'engager une réflexion sur les moyens d'assurer la continuité du service public de l'enseignement supérieur.
De même, s'agissant de la gouvernance des établissements résultant de la loi LRU, il a constaté, avec regret, que le Sénat avait anticipé les difficultés actuelles mais qu'il n'avait pas été écouté. Ces problèmes sont liés, d'une part, à la non participation des personnalités extérieures à l'élection du président d'université et, d'autre part, à la prime majoritaire donnée à la liste arrivée en tête pour l'élection des représentants des enseignants-chercheurs au conseil d'administration. Le Sénat avait, en revanche, obtenu gain de cause sur la nécessité pour les listes d'assurer la représentation des quatre grands secteurs de formation de l'université et tout le monde s'en félicite aujourd'hui.
M. Philippe Adnot, rapporteur, a souligné que la mise en place de l'autonomie et du nouveau système d'allocation des moyens s'est effectuée dans un contexte de fortes contestations liées non seulement à la modification du décret relatif au statut des enseignants-chercheurs, mais aussi à l'effet « désastreux » de certaines annonces en matière d'emplois. L'augmentation sans précédent des crédits en 2009 a été, de fait, occultée par ces polémiques. Or l'ensemble des universités a connu une augmentation moyenne de 7 % au titre de SYMPA, sachant que certains établissements, classés « sous-dotés » par le nouveau modèle en termes de crédits et d'emplois, ont pu enregistrer des augmentations de plus 20 % de leur dotation ; 117 millions d'euros de moyens nouveaux ont par ailleurs été dégagés à ce titre en 2009, contre 27,4 millions d'euros en 2008. Si la répartition des crédits suscite des critiques, les questions d'emplois ont compromis l'acceptation de la réforme :
- en premier lieu, la suppression d'emplois au titre de la révision générale des politiques publiques a ravivé la contradiction, déjà relevée par les rapporteurs l'année dernière, résidant dans la décision de faire de l'enseignement supérieur et de la recherche une priorité nationale tout en diminuant le nombre d'emplois. Si la décision de stabiliser les emplois de la mission en 2009, 2010 et 2011 est bienvenue, cette question a toutefois radicalisé les mouvements de contestation ;
- en second lieu, le redéploiement de 150 postes au titre du rééquilibrage entre universités a été mal perçu, ce dispositif, qui devait se cumuler avec la suppression d'emplois ci-dessus mentionnée, concernant majoritairement les universités passant aux compétences et responsabilités élargies.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a présenté ensuite un bilan « technique » du passage à l'autonomie de dix-huit universités et du premier exercice de SYMPA.
S'agissant de l'accès aux responsabilités et compétences élargies de la première vague d'universités :
- la transition, marquée par le transfert de la masse salariale aux établissements, a été correctement opérée, les personnels ayant été payés, dès janvier 2009, sur la base d'une enveloppe de crédits correctement établie ;
- le contrôle de gestion opéré par les rectorats semble faire l'objet de pratiques hétérogènes, et à ce titre une harmonisation serait souhaitable afin d'éviter des contrôles a priori excessifs ou des jurisprudences différentes s'agissant de la possibilité de placer les sommes afférentes à la masse salariale ;
- le ministère a annoncé, le 2 juin dernier, une liste de vingt-et-une universités qui passeront à l'autonomie au 1er janvier 2010 ; six d'entre elles n'avaient pas pu bénéficier de l'autonomie en 2009, l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) ayant considéré qu'elles n'étaient pas prêtes, notamment sur le plan de la capacité de gestion. M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a rappelé la nécessité de vérifier la prise en compte des critiques faites en 2008-2009 et les réponses concrètes apportées afin de s'assurer du degré de préparation des établissements concernés.
S'agissant du premier exercice de répartition réalisé à partir de SYMPA, M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a rappelé les lignes directrices du modèle :
- les crédits répartis par le modèle en fonction de l'activité et de la performance des établissements sont ceux fixés par la loi de finances. Ils comprennent l'équivalent de la totalité des moyens précédemment dédiés à la dotation globale de fonctionnement (DGF) et au contrat quadriennal. Contrairement à l'ancien modèle d'allocation des moyens, le nouveau modèle prend en compte les moyens dédiés à la recherche universitaire et considère l'université avec toutes ses composantes, instituts universitaires de technologie (IUT) et instituts universitaires de formation des maitres (IUFM) compris. Il inclut également les crédits correspondant à la prime d'encadrement doctoral et de recherche et les crédits d'allocations de recherche, précédemment contractualisés. Il comprend enfin les moyens supplémentaires qui financent le plan « licence » et une partie du plan « carrières » ainsi que des crédits complémentaires accompagnant la mise en place du nouveau modèle. Certains autres crédits ne sont pas répartis par le modèle d'allocation des moyens car ils répondent à des logiques spécifiques, comme par exemple les crédits de mise en sécurité et d'accessibilité ;
- à l'initialisation du système, en 2009, chaque établissement a été positionné par rapport à sa dotation de référence 2008. Deux cas de figure existent : d'une part, les établissements considérés comme « au-dessous » du modèle et qui bénéficient d'une très forte augmentation de leurs moyens, permettant le rattrapage de situations historiques ; d'autre part, les établissements considérés comme « au-dessus » du modèle, qui voient leurs moyens progresser, mais dans une moindre mesure. Ainsi, alors que la progression moyenne de toutes les universités se situe à 7 %, les universités « au-dessous » du modèle ont vu leurs dotations augmenter en moyenne de 14 % et celles qui sont « au-dessus » du modèle de 4 % en moyenne ;
- le rééquilibrage des moyens financiers a été appuyé par un rééquilibrage en emplois entre établissements (150 emplois), qui a été encouragé et accompagné financièrement.
M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a considéré que l'analyse de la première répartition des moyens selon le nouveau modèle devrait conduire à modifier le modèle en 2010, afin que celui-ci soit à la fois plus juste et mieux accepté par l'ensemble des établissements. Ces ajustements, qui font l'objet de négociations entre le ministère et les différentes instances représentatives, concernent les points suivants :
- un meilleur équilibre entre les enveloppes nationales allouées respectivement aux licences (L) et aux masters (M), le poids de la première enveloppe devant a priori être plus élevé que la seconde compte tenu des caractéristiques du niveau L ;
- l'aménagement de la répartition de la part « activité » pour, d'une part, mieux comptabiliser certaines catégories d'étudiants (doctorants, étudiants en médecine, ou en IUFM) et, d'autre part, améliorer la prise en compte du coût réel des étudiants au regard de leur formation ou de leur environnement. Il s'agit notamment de mieux apprécier les coûts fixes des petites universités pluridisciplinaires par une surpondération des 10.000 premiers étudiants et de trouver une solution équitable pour les IUT afin que la répartition des crédits ne conduise pas « déshabiller Paul pour habiller Jacques » et prenne en compte leurs spécificités et leur réussite en termes d'insertion professionnelle ;
- l'enrichissement du volet « performance » de la recherche par la réflexion sur l'efficience des établissements, c'est-à-dire l'évaluation de la performance en fonction de leurs moyens. La prise en compte de l'efficience apparaît pleinement légitime, toutefois les modalités de celle-ci sont en discussion. La conférence des présidents d'université (CPU) demande que la mesure de l'efficience soit utilisée comme base de référence pour le calcul d'une dotation spécifique et complémentaire, afin d'améliorer le taux d'encadrement des établissements sous-dotés les plus performants, mais sans passer par le mécanisme des redéploiements entre universités. Elle demande que cette dotation spécifique réservée à l'efficience soit constituée par une partie des compensations pour emplois manquants et qu'elle soit versée directement dans la masse salariale pour les universités autonomes. M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a remarqué que la création d'une seconde enveloppe complexifierait le système et a estimé qu'il serait préférable de pouvoir intégrer la prise en compte de l'efficience au sein du modèle SYMPA, éventuellement par un mécanisme de pondération de la performance.
S'agissant du volet « performance », M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur, a jugé insatisfaisante la répartition des crédits, dans la mesure où bon nombre de critères ne sont pas opérationnels. Il s'est inquiété de la lenteur de la mise en place des critères relatifs dans la performance dite « négociée » avec chaque établissement et, notamment, des modalités de construction de l'indicateur relatif à l'insertion professionnelle. Il a fait valoir la nécessité de promouvoir des cahiers des charges identiques entre les universités mais aussi dans l'ensemble du système de l'enseignement supérieur (universités et grandes écoles), afin d'avoir la possibilité de comparer objectivement les données. Il a ainsi souhaité que la mise en oeuvre du volet performance soit accélérée.
M. Philippe Adnot, rapporteur, a présenté ensuite les conséquences de ces réformes, qui, qualifiées de « structurantes » par l'OCDE, ne seront une réussite que si les universités parviennent à évoluer et à mieux remplir leurs missions.
Il a rappelé que l'autonomie, aussi bien que l'allocation des moyens à l'activité et à la performance, appellent des changements structurels qui passent notamment par une responsabilisation accrue des acteurs et une réflexion stratégique de chaque établissement.
Il a aussi dressé un bilan du dialogue des universités avec leur tutelle et leurs composantes en soulignant que :
- le dialogue entre l'Etat et les universités est marqué par des avancées tangibles, à savoir la réorganisation du ministère avec un pôle dédié à la contractualisation, la révision des contrats quadriennaux avec la refondation des tableaux de bord et l'organisation en cinq thématiques, dont deux concernent la modulation d'une part des crédits en fonction de la capacité de l'établissement à progresser sur certains objectifs ;
- l'évolution du dialogue entre l'université et ses composantes reste délicate à apprécier car la répartition des moyens 2009 n'a pas pu prendre en compte le nouveau modèle compte tenu de sa stabilisation tardive (décembre 2008). La situation apparaît hétérogène en fonction des universités, et l'évolution certainement plus avancée dans les universités « autonomes » compte tenu de la contrainte liée à la gestion de la masse salariale. Toutefois, M. Philippe Adnot, rapporteur, a jugé crucial que les mécanismes vertueux du dispositif d'allocation soient, a minima, déclinés dans les établissements afin que la répartition des moyens se fasse également au sein de l'université en fonction de l'activité et de la performance, et que le dialogue ainsi que le contrôle de gestion puissent exister.
A cet égard, il a souligné l'importance de garantir la crédibilité du système d'allocation des moyens en permettant à celui-ci de varier en fonction de l'activité et de la performance : or ce point était compromis par la lenteur de la mise en place du volet performance et les nécessités de lisser les variations brutales d'effectifs qui conditionnent les financements à l'activité.
Il a également mis l'accent sur la nécessité de poursuivre le renforcement de l'encadrement administratif des universités, corollaire indispensable à la bonne conduite du changement. Il s'est félicité de l'impact de la LRU sur l'attractivité des postes administratifs des universités, les embauches sur les postes de secrétaires généraux ou secrétaires généraux adjoints témoignant d'un élargissement de la sphère de recrutement.
M. Philippe Adnot, rapporteur, a ensuite indiqué que le point noir des réformes réside dans la faible transparence de la gestion des universités, du fait notamment de l'inadaptation des systèmes d'information. La restitution par les établissements de données sincères et homogènes est malaisée compte tenu notamment de la pluralité des logiciels utilisés et des difficultés de partage des données. Les outils de pilotage ne sont pas nécessairement satisfaisants, comme en témoigne la version actuelle du logiciel de gestion de la masse salariale qui ne permet pas une appréciation des conséquences pluriannuelles de certaines décisions relatives à la gestion des ressources humaines. Enfin, la qualité des comptes des universités reste un enjeu majeur comme le souligne le rapport de la Cour des comptes sur la certification 2008 des comptes de l'Etat, qui estime que les comptes des universités sont affectés de « lacunes graves et multiples », aucune ne pouvant « être réellement considérée comme s'étant dotée d'une gestion comptable et financière aboutie. Ce constat inclut celles qui jouissent depuis 2009 des responsabilités et compétences élargies, alors même que cette autonomie renforce les enjeux qui s'attachent à la transparence de leur situation financière, assise sur la qualité de leurs comptes. »
Si l'agence de mutualisation des universités et des établissements (AMUE) réalise, selon les personnes auditionnées, un important travail, il convient de s'assurer que les meilleures pratiques soient identifiées, et publiées, afin de conduire à une homogénéisation qualitative des outils.
Compte tenu de ces observations, M. Philippe Adnot, rapporteur, a appelé le ministère à faire preuve de vigilance s'agissant du passage des universités aux compétences et aux responsabilités élargies, la réussite de cette réforme étant liée à la capacité des établissements à gérer leurs nouvelles responsabilités.
En conclusion, il s'est félicité que l'appétence des universités pour l'autonomie n'ait pas souffert des divers mouvements de contestation. Il a insisté sur la nécessité de permettre aux universités, dans le cadre de l'attribution des moyens, de faire valoir leur performance auprès de l'Etat si l'on souhaitait faire évoluer la gouvernance interne de ces établissements. La maîtrise des systèmes d'information représente un enjeu majeur, et ce d'autant plus que la dévolution de patrimoine fait l'objet d'un intérêt croissant : or, sans connaissance précise des patrimoines, le calcul des dotations d'amortissement et des capacités de valorisation des actifs immobiliers n'est pas possible.
Un large débat s'est ensuite instauré.
M. Jean Arthuis, président, a observé que la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) constitue une réforme majeure et un défi pour les gestionnaires des établissements. La présente communication a mis l'accent sur les marges de progression des universités en termes de pilotage et de gestion comptable et financière.
M. Jean-Pierre Plancade, vice-président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, a marqué son attachement à la « culture de l'évaluation des politiques publiques ». Il a observé que les résistances au changement pourraient s'atténuer au fur et à mesure de l'appropriation par les acteurs des adaptations proposées.
M. Ivan Renar a jugé important de définir le modèle d'université recherché à travers les réformes. Il a estimé qu'il est primordial d'inclure, dans le cadre du processus d'allocation des moyens, les caractéristiques sociologiques de la population étudiante accueillie afin de mieux prendre en compte le travail de formation des universités qui ont fait face à une massification de l'enseignement supérieur au cours des dernières décennies.
M. Joël Bourdin a relevé la nécessité d'inclure dans l'évaluation de la performance les résultats des universités en matière d'insertion.
M. Serge Lagauche a fait remarquer qu'une partie des résistances sont nées des attentes déçues de certaines universités qui pensaient bénéficier, dans le cadre du nouveau modèle d'allocations, de nouveaux moyens substantiels compte tenu de leur appréciation de leur situation. Il a estimé qu'il est nécessaire d'instaurer un débat contradictoire entre la tutelle et les universités, afin que ces dernières progressent dans la connaissance d'elles-mêmes et de leur environnement.
M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité savoir si les deux rapporteurs avaient étudié précisément l'évolution des budgets des universités, l'augmentation globale affichée au titre du système d'allocation des moyens pouvant, selon certaines remontées de terrain, avoir été minorée par la diminution d'autres enveloppes.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a demandé des précisions sur l'état d'avancement de l'évolution statutaire des enseignants-chercheurs et des réflexions concernant une meilleure appréhension de certaines disciplines, notamment les sciences humaines et sociales, au regard des méthodes d'évaluation et de reconnaissance. Il a également observé que les modalités annoncées de financement de l'opération « Campus », notamment l'attribution de dotations de capital aux bénéficiaires de l'opération, lui semblent particulièrement dérogatoires aux principes de gestion budgétaire et présentent des risques « d'agencisation » de l'Etat.
Mme Maryvonne Blondin a remarqué que la place des IUT dans les universités suscite des tensions, compte tenu du passage au budget global et à un système d'allocation rénové. Elle a reconnu qu'il était toutefois difficile de trouver un juste équilibre entre le fléchage des crédits des IUT et l'autonomie des universités. Elle a rappelé que, lors de leurs auditions devant la mission sur la politique en faveur des jeunes, M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'Etat chargé de l'emploi, a estimé que les universités ont plus à gagner à prendre les IUT comme modèle de gestion que d'organiser la dilution de ces derniers dans l'université, Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, ayant quant à elle affirmé être attentive à la répartition du budget en faveur des IUT.
M. Edmond Hervé a jugé que le potentiel de ressources des universités est insuffisamment utilisé. Selon lui, la prépondérance qui doit être accordée au service public n'est pas incompatible avec la présence des universités sur le marché des services. S'agissant de l'évaluation de la performance des établissements, il a souligné que tous les critères ne sont pas nécessairement représentatifs de l'efficience, comme le soulignait un responsable de l'Unesco dans un grand quotidien en remettant en cause la pertinence du classement dit de Shanghai. Deux points lui semblent primordiaux dans l'appréciation de l'efficience des universités : d'une part, l'accueil et l'orientation des étudiants en première année de licence et, d'autre part, la formation continue, notamment celle dispensée par le centre hospitalier universitaire (CHU) en médecine générale.
M. Yves Dauge a souhaité souligner deux points au regard de la performance des universités : en premier lieu, la nécessité de remédier à l'échec en première année de licence en analysant précisément les causes de cet échec et, en second lieu, la capacité des établissements à développer un rayonnement international, ce qui pose des questions aussi bien sur l'accueil des étudiants étrangers que sur la propension des universités à établir des partenariats à l'étranger. Il a critiqué la méthodologie du classement de Shanghai et fait part de son souhait de voir émerger un classement d'origine européenne.
MM. Jean-Léonce Dupont et P hilippe Adnot ont apporté les éléments de réponse suivants :
- les approches permettant de fixer les parts du modèle d'allocation des moyens sont différenciées selon qu'il s'agit d'enseignement (65 % du total, dont 60 % à l'activité et 5 % à la performance) ou de recherche (35 % du total dont 20 % à l'activité et 15 % à la recherche) ;
- une réflexion devra permettre de mieux appréhender les sciences humaines et sociales, en termes de reconnaissance et d'évaluation ;
- il convient, en effet, d'être attentif aux IUT, sachant cependant que l'hypothèse, évoquée par certains, de créer une université autonome les regroupant ne serait certainement pas la bonne voie ;
- les classements, tels que celui de Shanghai, incitent en effet à la plus grande prudence ;
- l'orientation et l'accueil des étudiants sont effectivement essentiels et il faut avoir conscience que l'efficacité de l'orientation constitue la condition sine qua non de l'absence de sélection à l'entrée de l'université ;
- le financement de l'opération « Campus » repose a priori sur l'attribution, en 2012, de dotations de capital non consomptibles aux universités, qui financeront les loyers des partenariats-public-privés à partir des produits issus du placement de ces dotations constituées à partir du produit de la cession de 3,5 % des titres d'EDF en 2007. Cette équation suscite des interrogations légitimes, la question étant toutefois d'élaborer un dispositif qui responsabilise les universités et les incite à optimiser leurs investissements, ce qui n'est pas nécessairement le cas lorsqu'elles reçoivent des dotations budgétaires.
M. Jean Arthuis, président, a insisté sur l'importance de la culture de l'évaluation, tant il est vrai « qu'on ne peut pas faire mieux quand on ne sait pas ce que l'on fait ».
A l'issue de ce débat, les deux commissions ont donné acte, à l'unanimité à MM. Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot, rapporteurs, de leur communication, et en ont autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -
Audition de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance
Puis la commission a procédé à l'audition de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance.
M. Jean Arthuis, président, a félicité le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance d'avoir tenu son engagement de présenter chaque trimestre au Parlement un compte rendu de son action. Il a salué la présence de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, et de sénateurs membres des commissions des affaires sociales, de la culture, de l'éducation et de la communication et de l'économie, invités à prendre part aux travaux de la commission des finances.
Il a rappelé que le plan de relance a été annoncé le 4 décembre 2008 par le Président de la République et que son contenu a été précisé par trois lois de finances rectificatives et par la loi du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés.
Après avoir relevé que sept parlementaires, dont les sénateurs François-Noël Buffet et François Zocchetto, ont été désignés pour suivre la mise en oeuvre du plan sur le terrain, M. Jean Arthuis, président, a évoqué l'hypothèse d'un second plan de relance, qui pourrait être financé par l'emprunt national annoncé par le Président de la République. Il a alors interrogé le ministre sur trois sujets : l'état d'avancement de ses travaux destinés à surmonter les obstacles liés à certaines règles administratives ; l'incidence des mesures du plan de relance sur le niveau de l'activité économique ; la possible reconduction en 2010 de la mesure de versement anticipé aux collectivités territoriales des attributions au titre du Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).
M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, a considéré que le plan annoncé le 4 décembre 2008 par le Président de la République constitue un effort financier massif, fondé sur l'investissement et enrichi de dispositions en faveur des ménages et des salariés. Ce plan est temporaire et ciblé. Sa réussite est largement subordonnée à la rapidité avec laquelle il sera mis en oeuvre.
Le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance a évalué à 30 milliards d'euros l'effort financier nouveau consacré au plan, ce montant s'ajoutant à celui des mesures de soutien au système financier adoptées au mois d'octobre 2008 et à celui de certaines mesures intervenues en 2007 et 2008 - allègements fiscaux et revalorisations de prestations sociales - et qui continuent de produire leurs effets.
Il a insisté sur l'importance des mesures en faveur de l'investissement, dont le montant s'élève à plus de 10 milliards d'euros. L'Etat y participe à la fois, pour 4 milliards d'euros, sous la forme d'interventions directes et, pour un montant compris entre 2,5 et 3,5 milliards d'euros, au titre du versement anticipé des attributions du FCTVA. Les entreprises, principalement publiques, interviennent à hauteur de 4,1 milliards d'euros. L'effort direct de l'Etat, à fort effet multiplicateur, porte sur les infrastructures, l'enseignement supérieur, le patrimoine, la culture, la justice et la défense. L'objectif est d'améliorer la compétitivité des territoires et des acteurs économiques, de façon à ce que l'argent public soit utilement investi.
M. Patrick Devedjian a insisté sur le fait que le programme d'investissement s'accompagne d'un volet de soutien à l'activité économique et à l'emploi. Les mesures fiscales, dont le coût est évalué à 9,9 milliards d'euros, ont déjà permis à certaines entreprises, en améliorant leur trésorerie, de surmonter des épreuves difficiles. Les autres mesures de soutien à l'économie, d'un montant de 6,55 milliards d'euros, sont relatives à l'aide à l'embauche dans les très petites entreprises (TPE), aux dispositifs de garantie d'OSEO, à la mise en place du fonds de sécurisation du crédit interentreprises CAP+, à la prime à la casse, au plan de soutien à l'automobile, à la création du Fonds stratégique d'investissement (FSI), au règlement des dettes du ministère de la défense et aux avances sur marchés publics.
Il a ensuite évoqué les mesures en faveur des jeunes et des salariés touchés dans leur emploi, qui ont été annoncées à l'issue du sommet social du 18 janvier 2009 et dans le cadre du plan en faveur de l'emploi des jeunes, rendu public le 24 avril 2009 par le Président de la République. Mises en oeuvre par le Fonds d'investissement social (FISo), doté en 2009 de 1,3 milliard d'euros, elles ont pour objet de revaloriser le chômage partiel comme alternative à la rupture du contrat de travail, de renforcer des dispositifs tels que les conventions de reclassement personnalisées (CRP) et les contrats de transition professionnelle (CTP), de faciliter l'insertion des jeunes ainsi que l'embauche en contrat à durée indéterminée. Leur mise en oeuvre est étalée sur 2009 et 2010.
M. Patrick Devedjian a ensuite présenté le dernier axe du plan de relance, qui répond à un objectif de solidarité. Doté de 2,6 milliards d'euros, il consiste en un ensemble d'actions tendant à promouvoir la construction et à accroître l'offre de logement social, à soutenir la rénovation urbaine et le traitement de l'habitat indigne, à développer les structures d'accueil pour les plus défavorisés, à aider les plus pauvres et à soutenir les ménages à revenu modeste par le versement, d'un montant global de 1,6 milliard d'euros, de prestations exceptionnelles, telles que le revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) pour l'outre-mer, la prime de 150 euros pour les familles modestes, les chèques emploi-services et la prime de solidarité active. Il a également mentionné l'allègement d'1,1 milliard d'euros de l'impôt sur le revenu acquitté par les contribuables les plus modestes.
Le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance a alors indiqué que l'emprunt national, décidé par le Président de la République et annoncé lors du Congrès du Parlement du 22 juin 2009, prolongera le plan de relance en finançant des projets ciblés et d'avenir. Sa préparation donnera lieu à une large concertation destinée à définir ces priorités. Il sera assorti de mesures propres à réduire les dépenses de fonctionnement et à contenir la dépense publique en l'orientant vers la préparation de l'avenir.
Au total, il a jugé que le dispositif mis en oeuvre par le Gouvernement constitue un ensemble assez complet, conçu pour provoquer un stimulus rapide. Il a annoncé que l'ensemble des autorisations d'engagement sera engagé au cours de l'année 2009 et que les trois quarts des crédits de paiement seront dépensés dans le même délai.
Après avoir rappelé que la mission qui lui a été confiée est limitée dans le temps et conduite avec une équipe réduite, mais qu'il dispose de l'autorité sur une quinzaine de directions d'administration centrale, M. Patrick Devedjian a expliqué que les moyens consacrés au plan sont mis en oeuvre soit, pour un tiers d'entre eux, par transfert de crédits au profit d'autres ministères, soit, pour les deux autres tiers, par gestion directe, c'est-à-dire par le versement de crédits aux agences ou organismes compétents tels que Voies navigables de France (VNF) ou l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Il s'est félicité d'avoir passé environ quarante-cinq conventions portant notamment sur l'utilisation, les échéanciers et le pilotage des crédits. Il a mis en avant le parti pris de financer uniquement des opérations prêtes à démarrer, de façon à ce que le plan ait l'impact le plus immédiat possible. Il a indiqué qu'il se réserve la possibilité de procéder à des retraits ou des dégagements d'office.
M. Patrick Devedjian a précisé que, sur le terrain, le pilotage du dispositif est confié aux préfets de régions et que des outils de suivi automatisé ont été élaborés. Il a mentionné la création d'un site Internet permettant à chacun d'accéder à l'information sur les projets en cours.
Evoquant l'état d'avancement du plan, il a annoncé que les textes de simplification des procédures sont désormais presque tous applicables. En outre, 8,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagement ont été mis à disposition des opérateurs et des ministères, ainsi qu'un peu plus de 6 milliards d'euros de crédits de paiement, dont 3,8 milliards d'euros ont d'ailleurs déjà été effectivement dépensés. Les mesures fiscales ont permis de rembourser 6,8 milliards d'euros à titre définitif aux entreprises. Par conséquent, 11,2 milliards d'euros ont été injectés dans l'économie, auxquels il convient d'ajouter les premiers versements anticipés au titre du FCTVA, qui s'élèvent à 1,8 milliard d'euros.
M. Patrick Devedjian a annoncé que 500 chantiers, d'importance variable, ont démarré. L'objectif est d'accroître l'activité sur tout le territoire et pour toutes les catégories d'entreprises. Par ailleurs, 350 000 embauches dans les très petites entreprises ont fait l'objet d'une demande d'aide « zérocharges TPE », 230 000 véhicules ont bénéficié de la prime à la casse, 70 000 logements sociaux ou en accession sociale ont été financés, des aides pour la rénovation de 17 000 logements ont été attribuées par l'Agence nationale de l'habitat, la prime de solidarité active a été versée à 4,3 millions de ménages, la prime pour les familles modestes de 150 euros vient de l'être à 3 millions de ménages, les chèques emploi-services de 200 euros ont été distribués en juin à 1,5 million de foyers, le RSTA sera versé en juillet, OSEO est intervenu auprès de plus de 8 500 entreprises pour garantir 1,46 milliard d'euros de prêts, le médiateur du crédit a reçu plus de 10 000 dossiers et en a traité 6 800 avec un taux de succès de 65 % et le Fonds stratégique d'investissement ainsi que le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles sont intervenus à neuf reprises, à hauteur de 535 millions d'euros.
Il a insisté sur la grande mobilisation des acteurs, et en particulier de l'administration, dont l'action est à la hauteur de la mobilisation constatée au niveau international. Evoquant la situation des autres pays, il a constaté que, le plus souvent, l'effort de relance repose sur l'investissement, à l'exception du Royaume-Uni qui privilégie la consommation. Il a estimé l'impact théorique des plans de relance étrangers sur l'économie française à 0,7 % en 2009 et a observé que les stimuli étaient plus concentrés sur 2009 en France, au Royaume-Uni, au Japon et en Espagne qu'ils ne le sont en Allemagne, où l'effet des mesures prises sera surtout perceptible en 2010. Il s'est félicité que, dans la crise, la zone euro ait démontré sa capacité de réaction.
En conclusion, M. Patrick Devedjian a estimé que ce plan de relance a pour effet de fédérer les volontés, dans un contexte où un effort collectif et de solidarité est nécessaire pour surmonter la crise. Il a illustré son propos en mentionnant les mesures du FISo, ainsi que l'emprunt national dont il a considéré qu'il devra permettre, dans le même temps, de soumettre l'investissement public à des critères de rentabilité, d'utilité, d'efficacité et qu'il contribuera à contenir les dépenses courantes.
En réponse aux questions de M. Jean Arthuis, président, M. Patrick Devedjian a indiqué que les dispositions de la loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, de même que certains textes réglementaires - tel celui sur l'adaptation du seuil de déclenchement des enquêtes d'utilité publique - ont contribué à assouplir la réglementation. Il a jugé que la mise en oeuvre du plan de relance, et notamment des mesures favorables à la consommation, contribue manifestement au soutien de l'activité économique. Il a particulièrement salué l'effort consenti par les collectivités territoriales, quelle que soit l'orientation politique de leurs exécutifs, en relevant que le montant des investissements pour la réalisation desquels 19 540 collectivités se sont engagées est supérieur de 54 % à la moyenne de référence prise en compte pour calculer l'éligibilité aux versements anticipés des attributions au titre du FCTVA.
M. Jean Arthuis, président, a évoqué le Fonds stratégique d'investissement (FSI) en estimant urgent que celui-ci parvienne à créer le fonds dédié à la recapitalisation des petites et moyennes entreprises, dont le principe est acquis mais dont la mise en oeuvre connaît du retard. S'appuyant sur les travaux du médiateur du crédit, il a constaté que, sans un renforcement de leurs fonds propres, de nombreuses entreprises disparaîtraient dans un avenir très proche.
Le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance a salué l'action du médiateur du crédit. Il s'est également félicité du fonctionnement des comités financiers constitués autour des préfets et des orientations mises en oeuvre par OSEO. Il a précisé que la vocation du FSI n'est pas de venir en aide à l'ensemble des petites et moyennes entreprises, mais de soutenir celles qui présentent un potentiel stratégique.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a demandé si le dispositif de raccourcissement des délais en matière d'archéologie préventive prévu par la loi du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés rencontre le succès escompté. Il a expliqué la réussite de la mesure relative au FCTVA par le fait qu'elle est simple et claire, tout en regrettant que les intercommunalités ne bénéficient d'aucune incitation à l'accélération de leurs investissements.
Le rapporteur général de la commission des finances s'est alors interrogé sur les éventuelles conséquences dépressives d'une absence de simultanéité entre la reprise de l'activité économique et l'extinction progressive des effets de l'impulsion budgétaire donnée par les mesures du plan de relance. Il s'est demandé si, dans ce contexte, le financement de dépenses d'avenir par le produit de l'emprunt national ne pourrait pas être considéré comme une deuxième phase de soutien à l'activité.
Enfin, après avoir constaté que le rapport du Gouvernement préparatoire au débat d'orientation des finances publiques indique que 2,6 milliards d'euros ont été dépensés au titre du plan de relance, soit 20 % seulement du total des crédits de paiement prévus, il a demandé au ministre de confirmer son objectif d'un taux de consommation de 75 % à la fin de l'année 2009.
En réponse, M. Patrick Devedjian a annoncé que, au 7 juillet 2009, 3,2 milliards d'euros de crédits de paiement ont effectivement été versés, et que l'objectif de dépense sera tenu. Il a rappelé que l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) a été doté de 20 millions d'euros et qu'un décret, comportant un projet de contrat de mission, est en cours de rédaction. Il a formulé un jugement positif sur la mise en oeuvre du nouveau régime juridique de l'archéologie préventive.
S'agissant du FCTVA, le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance a considéré qu'il sera probablement nécessaire, en 2010, de prendre des mesures de nature à rendre pérenne la mesure applicable pour l'heure à la seule année 2009. Il a cependant mis en garde sur le fait que les collectivités ne parviendront sans doute pas toutes à respecter les contraintes de délai qui conditionnent le bénéfice des versements anticipés. Evoquant l'éventualité d'un second plan de relance, il a d'abord rappelé que les mesures financées par le produit de l'emprunt national seront décidées à l'issue des travaux conduits par MM. Michel Rocard et Alain Juppé. Il a ensuite jugé que certains projets, par exemple dans le domaine des infrastructures, ont vocation à relever des deux dispositifs. Enfin, il a insisté sur les différences de temporalité entre, d'une part, le plan de relance, fondé sur l'immédiateté et mis en oeuvre au coeur d'une crise qu'il contribue à amortir, et, d'autre part, le grand emprunt, qui interviendra au plus tôt en 2010 et qui relève d'une logique de compétitivité pour préparer la sortie de crise.
En réponse à M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, qui souhaitait que la priorité soit donnée aux projets susceptibles d'être mis en oeuvre sans délai, M. Patrick Devedjian s'est félicité de l'engagement du financement de 70 000 des 100 000 logements programmés. Il a déploré le rythme moins rapide des opérations dans les départements d'outre-mer et a annoncé qu'il se rendra à la Réunion et aux Antilles dans les prochaines semaines.
Dans le domaine du logement, M. Jean Arthuis, président, a souhaité, une plus grande cohérence entre les priorités du plan de relance et les mesures de régulation budgétaire portant sur les crédits de la mission « Ville et logement ».
En réponse à Mme Élisabeth Lamure, M. Patrick Devedjian a annoncé que le projet d'ordonnance instituant, en application de la loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, un régime d'autorisation simplifiée pour les installations classées, a été examiné par le Conseil d'Etat et sera très prochainement publié, permettant ainsi aux entreprises d'en bénéficier avant la fin de l'année 2009.
Enfin, le ministre en charge de la mise en oeuvre du plan de relance a souscrit au souhait de M. Christian Gaudin d'une meilleure articulation entre l'action du FSI en faveur des petites et moyennes entreprises et le dispositif du crédit impôt recherche, auquel cette catégorie d'entreprise n'a pas assez recours.
Mercredi 8 juillet 2009
- Présidence de M. Jean Arthuis, président -Conclusions du groupe de travail sur la fiscalité environnementale - Communication
Au cours d'une première séance tenue le matin, la commission a procédé à l'examen des conclusions du groupe de travail sur la fiscalité environnementale.
Mme Fabienne Keller, présidente du groupe de travail sur la fiscalité environnementale, a tout d'abord indiqué que les travaux du groupe de travail s'inscrivent dans un contexte international et théorique propice :
- les enjeux écologiques et économiques du réchauffement climatique sont désormais connus, notamment grâce aux travaux du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) et aux conclusions du rapport publié en 2006 par le ministère des finances britannique sous la direction de Lord Nicholas Stern ;
- ces réflexions s'inscrivent pleinement dans l'agenda international puisque, à la fin de l'année 2009, se tiendra à Copenhague la prochaine conférence des Nations-Unies sur le climat, conférence qui devrait aboutir à l'adoption d'un nouvel accord international sur « l'après-Kyoto » ;
- enfin, le cadre conceptuel proposé par la théorie économique en la matière est aujourd'hui bien établi et les outils économiques de régulation - la taxe ou les permis d'émission - clairement identifiés.
Mme Fabienne Keller a ensuite présenté les enjeux liés à l'instauration d'une contribution « climat-énergie » (CCE), rappelant, à titre liminaire, l'objectif assigné par l'article 2 du projet de loi de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.
S'agissant de la délimitation de l'assiette d'une éventuelle CCE, elle a indiqué que l'objectif de mise en oeuvre à court terme de celle-ci doit conduire à privilégier l'hypothèse d'une taxe sur les consommations d'énergie, plutôt que celle d'une CCE assise sur le contenu carbone des produits - c'est-à-dire sur la quantité de carbone émise à la fois pour fabriquer et transporter les produits. Une telle solution serait, en effet, inenvisageable dès aujourd'hui, compte tenu des difficultés techniques qu'elle engendrerait. Le choix d'une taxation des consommations énergétiques implique, cependant, un arbitrage relatif à l'inclusion ou non de l'électricité d'origine nucléaire dans l'assiette de la contribution. En tout état de cause, il conviendra de veiller à mettre en adéquation l'objectif d'intérêt général assigné à la taxe et la délimitation de son assiette, afin d'éviter toute inconstitutionnalité.
Quant au tarif de la CCE, il devra être déterminé de manière à atteindre les objectifs de réduction des émissions que s'est fixés la France, soit, par rapport à 2005, - 14 % en 2020 et - 75% en 2050, hors secteur relevant du dispositif d'échange de quotas d'émission. Il devra donc croître progressivement et de façon prévisible, afin que les agents économiques puissent ajuster leurs comportements et investissements en fonction de la trajectoire annoncée. La question de l'articulation de ce tarif avec le prix des quotas sur le marché d'échange devra être analysée de façon précise, notamment dans l'hypothèse où certains agents économiques disposeraient de la capacité d'opter entre le paiement de la taxe et l'inscription dans le système communautaire d'échange de quotas.
Deux modalités de mise en oeuvre sont envisageables. Dans le premier scénario, il s'agirait de créer une taxe carbone additionnelle aux taxes énergétiques existantes : cette fiscalité nouvelle viendrait ainsi s'ajouter aux accises en vigueur et majorerait la taxation globale des énergies du tarif choisi pour la tonne de dioxyde de carbone (CO2). Dans le second scénario, la CCE serait une taxe différentielle, dont le tarif par tonne de CO2 serait modulé pour tenir compte de la taxation du carbone et des coûts environnementaux hors effet de serre déjà opérée par les accises existantes. A tarification du carbone identique, une taxe additionnelle serait plus ambitieuse au plan environnemental et permettrait de fournir un signal-prix plus clair aux agents économiques. Son rendement serait également plus important.
En ce qui concerne les redevables potentiels de la CCE, Mme Fabienne Keller a indiqué que celle-ci paraît plus adaptée aux émissions « diffuses » de CO2 - ménages, secteur tertiaire, petite industrie, transports, agriculture, pêche - pour lesquelles, en raison du très grand nombre d'agents concernés, le recours au marché de permis engendrerait des coûts de gestion et de transaction exorbitants. Le champ d'application de la CCE pourrait ainsi être défini de manière négative, comme couvrant l'ensemble des émissions dégagées par les consommations énergétiques non incluses dans le dispositif d'échange de quotas d'émission, qui concerne en particulier la quasi-totalité (93 %) des émissions de CO2 industrielles hors carburant.
L'impact de la mise en place d'une CCE ne serait cependant pas sans conséquence pour les entreprises et les ménages. Certains secteurs d'activité seraient particulièrement exposés, tels que la fabrication d'engrais, la chimie minérale, les matières plastiques, les transports routiers de marchandises et les transports aériens. Pour ces secteurs, des compensations pourraient être envisagées. Elles doivent, d'ailleurs, être préférées aux exonérations et être assorties d'engagements contractuels, comme le prévoient les dispositifs en vigueur au Royaume-Uni ou au Danemark. Toutefois, un préalable à de telles mesures est nécessaire : l'évaluation de l'efficacité des nombreuses mesures dérogatoires existant déjà en matière de fiscalité énergétique.
Quant à l'impact sur les ménages, l'aspect anti-redistributif d'une CCE tient essentiellement à la structure de consommation de ces derniers. Les ménages les plus modestes sont, en effet, les plus affectés par la fiscalité environnementale, dans la mesure où ils consacrent la proportion la plus importante de leur revenu à l'énergie. Cette inégalité liée au revenu se double d'une inégalité ayant trait au lieu de résidence. En part de son revenu, un Parisien supporte ainsi une facture énergétique inférieure de 44 % à un habitant de zone rurale.
Mme Fabienne Keller a précisé que sur la base d'un tarif de 32 euros par tonne de CO2 et d'une exclusion des secteurs soumis au dispositif des permis d'émission, le rendement à attendre d'une CCE additionnelle serait de 8,3 milliards d'euros. Celui d'une contribution différentielle serait, quant à lui, de près de 5 milliards d'euros. Dans les deux scénarios, les ménages acquitteraient plus de la moitié de la contribution. Celle-ci pèserait en outre le plus largement sur les consommations de carburant
Elle a cependant relativisé l'idée communément admise selon laquelle la fiscalité environnementale n'aurait pas vocation à procurer de ressources pérennes. Celle-ci étant une fiscalité incitative, elle aurait, en effet, au contraire pour objet de détruire son assiette. Cependant, les données disponibles sur les expériences étrangères ne permettent pas un recul suffisant pour apprécier à long terme le rendement des dispositifs mis en place ; d'autre part, s'il était envisagé une augmentation progressive du tarif de la taxe, cet accroissement tarifaire pourrait compenser la diminution attendue de l'assiette de la taxe, conduisant ainsi à stabiliser son rendement, sinon à l'accroître.
Après avoir exposé les mesures choisies à l'étranger pour réemployer les ressources dégagées par la mise en place d'une CCE, Mme Fabienne Keller a présenté les différentes utilisations possibles du produit d'une éventuelle « taxe carbone ». Les recettes de la contribution pourraient permettre l'instauration de mesures d'accompagnement à destination des ménages modulées en fonction de leur niveau de revenu. Elles pourraient également être redistribuées aux entreprises sous forme de baisses de charges patronales ou d'incitations fiscales à l'amélioration de l'efficacité énergétique.
En revanche, la CCE ne pourrait constituer un substitut à la taxe professionnelle et se prêterait mal, d'une manière générale, à une transposition au niveau local.
Mme Fabienne Keller a ensuite décrit le système communautaire d'échanges de quotas d'émission (SCEQE) de gaz à effet de serre mis en place au niveau européen à partir du 1er janvier 2005 : l'Union européenne a alloué des quotas aux Etats membres jusqu'en 2012 ; les Etats ont ensuite réparti leurs quotas entre leurs sites industriels - en général à titre gratuit - selon des plans nationaux d'allocations des quotas (PNAQ) qui ont été soumis à l'approbation de la Commission européenne.
Grâce à l'accord politique sur le « paquet énergie climat », intervenu à l'issue du Conseil européen de Bruxelles des 12 et 13 décembre 2008, sous présidence française de l'Union européenne, un changement majeur est intervenu dans les modalités d'attribution de ces quotas : à compter de 2013, ceux-ci ne seront plus alloués à titre gratuit, mais vendus aux enchères. La mise en oeuvre de ce dispositif sera néanmoins progressive et/ou différée pour les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale.
Mme Fabienne Keller a indiqué que des imprécisions demeurent néanmoins s'agissant du fonctionnement des enchères, de la régulation et la surveillance des marchés. Or il s'agit de deux questions essentielles, susceptibles d'avoir un impact significatif sur la façon dont s'établit le « prix du carbone ».
C'est pourquoi le groupe de travail préconise, s'agissant des mises aux enchères, l'harmonisation de la définition et du régime fiscal des quotas en Europe, la création d'une plate-forme communautaire unique de mise aux enchères, la réservation éventuelle de l'accès aux enchères aux industriels tenus de restituer des quotas en fin d'exercice et, enfin, des ventes aux enchères régulières et prévisibles.
En ce qui concerne l'encadrement du marché, le groupe de travail estime nécessaire d'édicter, dès à présent, une réglementation fondée sur des principes clairs destinée à assurer un fonctionnement équitable, ordonné et liquide du marché, ainsi qu'à empêcher la fraude, les manipulations voire l'hyperspéculation. Le contrôle de l'application de ces principes devra être assuré par une autorité européenne unique spécifique.
Mme Fabienne Keller, présidente du groupe de travail sur la fiscalité environnementale, a enfin présenté les enjeux liés à l'instauration d'un mécanisme d'inclusion aux frontières (MIC). En effet, la mise en oeuvre du système européen d'échange de quotas d'émission peut entraîner des « fuites de carbone », c'est-à-dire des délocalisations motivées par le différentiel de « contrainte carbone » entre les régions du monde.
L'instauration d'un MIC se heurte néanmoins à deux obstacles principaux: la réticence de nos partenaires européens et la menace de représailles commerciales des grands pays émergents.
A la lecture d'un récent rapport du Programme des Nations-unies pour l'environnement (PNUE) et de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), il ressort néanmoins qu'un MIC pourrait être compatible avec les règles de l'OMC, à condition de respecter certains principes : nécessité et proportionnalité de la mesure, équité de traitement entre industriels nationaux et étrangers, inefficacité de mesures de moindre effet sur le commerce, conduite d'efforts diplomatiques sincères pour résoudre le problème.
Mme Fabienne Keller a précisé que des actions préalables sont cependant nécessaires à la mise en place d'un MIC : l'adoption d'un accord mondial ambitieux à Copenhague, incluant les Etats-Unis, la Chine et l'Inde, et une évaluation de l'efficacité de l'allocation de quotas gratuits aux secteurs les plus menacés.
Deux modalités de mises en oeuvre d'un tel dispositif sont possibles. Le plus simple est d'imposer une obligation d'acquisition de quotas aux importateurs de produits industriels équivalente à ce qu'auraient dû régler les industriels européens. Cela revient à les inclure dans le SCEQE, qui concerne bien les secteurs les plus exposés. Une taxe aux frontières stricto sensu serait en effet plus difficile à envisager. Elle suppose une taxation minimale des secteurs hors quotas partout en Europe au titre de leurs émissions, ce qui n'est pas encore le cas.
M. Jean Arthuis, président, a indiqué que les travaux du groupe de travail sur la fiscalité environnementale constituent une véritable feuille de route pour les représentants de la France à la conférence sur le climat de Copenhague de décembre 2009. Il a ajouté que la création d'une CCE doit s'inscrire dans une réflexion globale sur l'architecture des prélèvements obligatoires.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a formulé trois observations :
- premièrement, la dénomination « taxe carbone » peut être ambiguë, dans la mesure où cette taxe ne doit pas se concevoir comme une fiscalité destinée à équilibrer le budget général de l'Etat, mais comme un dispositif de redéploiement budgétaire. En effet, la CCE ne saurait procurer un rendement substantiel à long terme, son assiette ayant vocation à disparaître. Par ailleurs, cette taxe sera vraisemblablement assortie de mesures d'accompagnement qui diminueront d'autant son rendement a priori ou flécheront ses recettes vers des aides spécifiques. Il conviendra néanmoins de veiller à ce que le montant de ces compensations n'excède pas le prélèvement supplémentaire subi par les agents économiques ;
- deuxièmement, il est nécessaire d'affirmer clairement que la « taxe carbone » n'a pas vocation à procurer une recette de substitution à la taxe professionnelle, compte tenu de ses caractéristiques qui paraissent inadaptées à une transposition au niveau local ;
- troisièmement, s'agissant de la régulation des marchés d'échange de quotas, il convient de déposer le plus rapidement possible une proposition de résolution destinée à préciser les modalités d'organisation et de fonctionnement de ces marchés. Le Parlement français doit constituer une force de proposition en ce domaine.
Mme Fabienne Keller a confirmé que la « taxe carbone » ne doit pas être conçue comme une ressource nouvelle pour l'Etat, mais a vocation à être redistribuée, ce qui conditionnera son acceptabilité. C'est pourquoi, le terme de « contribution climat-énergie » paraît plus approprié que celui de « taxe carbone ».
Elle a ensuite indiqué que le groupe de travail partage le point de vue du rapporteur général sur les difficultés qu'entraînerait une substitution de la CCE à la taxe professionnelle, ainsi que sur la nécessité de déposer, dès que possible, un projet de résolution destiné à encadrer le fonctionnement du système européen d'échange de quotas d'émission.
Mme Nicole Bricq a déclaré partager les orientations du rapport. En effet, ce document permet de cerner le débat relatif à la définition de l'assiette et à l'utilisation de la contribution climat-énergie. De plus, il met en relief les conditions dans lesquelles une telle contribution pourrait être acceptée par l'opinion publique.
D'autre part, la contribution climat-énergie pourrait, certes, établir le fondement d'une nouvelle approche des prélèvements obligatoires mais, pour l'heure, le Gouvernement semble vouloir l'insérer dans l'architecture fiscale existante. La « biodégradabilité » de la taxe, c'est-à-dire l'extinction de son produit du fait de la destruction de son assiette, paraît douteuse à court et à moyen termes, l'augmentation régulière des taux pouvant compenser la diminution de l'assiette.
Mme Nicole Bricq a ensuite souligné que l'éventuelle inclusion de l'électricité dans l'assiette de la contribution nécessitera un « arbitrage lourd ». S'agissant de la construction de la taxe, le schéma additionnel paraît préférable, notamment en ce qu'il permet une répartition plus équilibrée de l'effort financier entre les ménages et les entreprises. De plus, il convient de ne pas envisager d'exonération, ce qui risquerait de fragiliser la constitutionnalité de la contribution climat-énergie et de susciter des pressions de multiples groupes d'intérêts. Il faut, au contraire, instaurer une taxe universelle et mettre en place, en parallèle, des mécanismes de compensation prenant en compte le niveau de revenus des ménages.
Puis elle a rappelé avoir souligné, lors de l'audition par la commission de M. Jean-Pierre Jouyet, président de l'Autorité des marchés financiers (AMF), le 17 juin 2009, la nécessité d'harmoniser la définition juridique et le traitement des quotas d'émission de gaz à effet de serre en Europe, au risque de créer d'importantes distorsions. Enfin, s'agissant des modalités de mise aux enchères de ces quotas, les conclusions du groupe de travail ad hoc, présidé par M. Jean-Michel Charpin, sont attendues dans le courant de ce mois et devraient apporter de précieuses lignes directrices. La communautarisation du produit des enchères en Europe serait un excellent signal et permettrait de disposer d'une masse financière conséquente.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé que la Cour des comptes, dans son rapport sur les comptes de l'Etat pour l'année 2008, a valorisé une partie des quotas d'émissions alloués à la France à son actif, à hauteur de 11 milliards d'euros, M. Jean Arthuis, président, exprimant des réserves quant à l'inscription de tels actifs incorporels au bilan de l'Etat.
M. Jean-Pierre Fourcade, après avoir exprimé son accord sur la nécessité de réguler les marchés de quotas d'émission, s'est inquiété de la répartition de la contribution climat-énergie, et plus particulièrement de son impact sur les ménages à faibles revenus. Alors que, jusqu'à présent, l'Etat encourage les comportements vertueux au moyen de crédits d'impôts, il y a un risque que la nouvelle approche, consistant à pénaliser la consommation d'énergie, soit mal ressentie par les Français. Il est donc indispensable de respecter les dispositions de l'article 2 du projet de loi de programmation relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, aux termes duquel la contribution climat-énergie sera strictement compensée par une baisse des prélèvements obligatoires de façon à préserver le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité des entreprises. A cet effet, une diminution à due concurrence de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) serait un bon vecteur.
M. Jean Arthuis, président, a exprimé des doutes quant à la nécessité de redistribuer l'intégralité du produit de la contribution climat-énergie. Ces fonds seraient mieux employés en tant que crédits budgétaires incitant à une moindre consommation d'énergie. D'autre part, la distinction entre les entreprises et les ménages doit être relativisée les entreprises traduisant dans leurs prix, acquittés in fine par les ménages, le poids de la fiscalité qu'elles subissent. S'agissant des marchés de quotas d'émission, l'orientation du rapport est pertinente. Enfin, au sujet de l'éventuelle communautarisation des recettes tirées des enchères desdits quotas, l'inscription de ces actifs incorporels au bilan de l'Etat par la Cour des comptes tend, au contraire, à montrer qu'il s'agit d'une ressource nationale. M. Jean-Pierre Fourcade a souligné l'attitude très ferme de l'Allemagne sur cette question.
En réponse à ces interventions, Mme Fabienne Keller a déclaré :
- qu'il convient de prendre du temps afin de faire accepter la nécessité de cette nouvelle forme de fiscalité par la société française, l'inaction étant, de toute manière, impossible ;
- que les modalités de la redistribution du produit de la contribution climat-énergie seront, effectivement, au coeur du débat des prochains mois ;
- que, s'agissant de la vente des quotas d'émission de gaz à effet de serre, les intérêts des différents Etats peuvent diverger mais que la communautarisation des recettes constituerait une solution optimale ;
- que M. Jean-Pierre Fourcade a bien décrit comment des ménages modestes obligés de consommer de l'énergie pour se chauffer ou se déplacer pourraient être particulièrement touchés par la contribution climat-énergie. Si une baisse de la TVA n'est pas forcément le meilleur outil de redistribution, il faudra prévoir des compensations pour ce type de situation même si, par ailleurs, des ressources budgétaires devraient appuyer des actions destinées à diminuer la consommation d'énergie ;
- que la répartition de l'effort entre les entreprises et les ménages fera « inévitablement » partie du débat public ;
- que l'inscription des quotas à l'actif de l'Etat devrait tenir compte de la forte incertitude pesant sur leur valeur où moment où ils seront cédés.
A l'issue de ce débat, la commission a donné acte de sa communication à Mme Fabienne Keller et a décidé, à l'unanimité, d'autoriser la publication des conclusions du groupe de travail sur la fiscalité environnementale sous la forme d'un rapport d'information.
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 - Examen du rapport
Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini sur le projet de loi n° 502 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008.
A titre liminaire, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que le déficit budgétaire s'établit à 56,3 milliards d'euros en 2008, en nette augmentation tant par rapport aux 41,7 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale que par rapport aux 38,4 milliards d'euros de déficit effectivement constatés en 2007. Cette évolution est notamment due au recul brutal de l'activité lié à la crise financière. Au total, selon l'INSEE, la croissance du PIB a été de 0,4 % en 2008.
Les recettes nettes du budget général se sont établies à 221,25 milliards d'euros, soit 12 milliards d'euros de moins que prévu. Cet écart est imputable, en quasi-totalité, à la baisse du rendement de la TVA nette et de l'impôt sur les sociétés net, soit 5 milliards d'euros pour chaque impôt. S'agissant de l'impôt sur les sociétés, le quatrième acompte est en fort recul par rapport aux années passées et les recettes nettes de TVA ont été inférieures de 4 milliards d'euros par rapport au profil moyen constaté au dernier trimestre des années précédentes.
Abordant l'exécution des dépenses du budget général, M. Philippe Marini, rapporteur général, a observé que l'accroissement de la charge de la dette explique l'essentiel de l'écart par rapport à la prévision. Cet accroissement résulte principalement du doublement de la provision pour charge d'indexation entre la loi de finances initiale (LFI) pour 2008 et le projet de loi de règlement, en raison du regain d'inflation constaté en 2008. Les dépenses de personnel apparaissent maîtrisées et les effectifs de l'Etat affichent une consommation des emplois en diminution de 78 339 équivalents temps plein travaillés (ETPT) par rapport à l'exécution 2007. Cette diminution est en grande partie imputable aux mesures de décentralisation ou de transferts de missions à certains opérateurs (- 55 000 ETPT), la baisse « réelle » étant évaluée à 23 300 ETPT. Certains ministères semblent avoir anticipé, en 2008, les suppressions d'emplois programmées par le budget triennal de 2009-2011.
Appréciée au sens de la norme élargie, la dépense de l'Etat est stable entre la prévision 2007 et l'exécution 2008. Cette stabilité est toutefois permise par l'augmentation de l'inflation en 2008, qui s'est établie à 2,8 % en moyenne annuelle, contre une anticipation de 1,6 %. Entre l'exécution 2007 et l'exécution 2008, la progression de la norme de dépense s'établit à 3,3 % en valeur et à 0,5 % en volume, évolution contenue qui atteste des efforts de maîtrise de la dépense du Gouvernement.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé que le solde primaire, soit hors charge de la dette, est à nouveau négatif en 2008. Au cours des dix dernières années, ce solde n'aura donc été positif qu'en 1999, 2000 et 2001 et quasiment équilibré en 2007.
Le tableau de financement de l'Etat en 2008 fait apparaître un besoin de financement en accroissement de 59,1 milliards d'euros par rapport à l'exécution 2007. la couverture de ce besoin a été assurée par une augmentation des émissions à moyen et long termes, qui ont été portées à 128,5 milliards d'euros, mais aussi et surtout par une hausse des émissions de bons du Trésor à taux fixe (BTF), dont la variation a été portée à 59,8 milliards d'euros, soit 35,5 milliards d'euros de plus qu'anticipé en LFI pour 2008. Cette augmentation a servi en partie à augmenter le solde du compte du Trésor à la fin de l'année 2008, afin de préfinancer les actions de soutien au secteur bancaire, le versement de l'Etat au Fonds stratégique d'investissement et le plan de relance de l'économie. Il en résulte une modification de la structure de l'encours de dette au profit des titres de court terme, favorisée par les conditions de financement très favorables associées à ces titres, et dont les enjeux seront précisément analysés dans le cadre des travaux de la commission préparatoires au débat d'orientation des finances publiques.
Abordant enfin l'évaluation de la performance, M. Philippe Marini, rapporteur général, a regretté qu'une part substantielle d'indicateurs demeure non renseignée, y compris pour des missions à forts enjeux budgétaires. Par ailleurs, seules trois missions, représentant moins de 1 % des crédits des missions du budget général, atteignent plus de 75 % des objectifs assignés dans les projets annuels de performances. Environ la moitié des missions du budget général, représentant 52 % des crédits, se caractérisent par un niveau de 50 % à 75 % d'objectifs atteints et un quart des crédits se concentre sur des missions remplissant entre un quart et la moitié de leurs objectifs. Enfin, deux missions présentent un ratio d'objectifs atteints inférieur à 25 %, dont la mission « Enseignement scolaire », dotée de près de 60 milliards d'euros.
M. Jean Arthuis, président, a considéré que l'exécution 2008 porte en germe, à bien des égards, la situation attendue en 2009.
M. Serge Dassault a souhaité connaître les parts de la dette consacrées respectivement aux dépenses d'investissement et de fonctionnement.
M. Jean-Pierre Fourcade a relevé l'appétit manifesté par certains fonds de pensions pour les titres français indexés sur l'inflation, et mis en garde contre la charge d'intérêts que pourraient générer de tels titres à échéance d'une dizaine d'années. En outre, la banque centrale russe et les banques japonaises semblent très attirées par les titres français de court terme.
M. Bernard Angels a considéré que la majeure partie de la dégradation des comptes publics en 2008 n'est pas imputable à la crise, qui n'a fait qu'aggraver les dérives constatées. Il a contesté le bien-fondé de certaines mesures nouvelles ou dépenses fiscales, financées « à crédit ».
M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que la présentation du budget de l'Etat en sections d'investissement et de fonctionnement associée au projet de loi de finances (PLF) pour 2009 fait apparaître un déficit de la section de fonctionnement de 32,54 milliards d'euros, pour des dépenses d'investissement de 19,15 milliards d'euros. S'agissant des conséquences à long terme d'une politique d'émission de titres indexés, il a jugé qu'elles dépendront de l'évolution des situations économiques et budgétaires des Etats de la zone euro, dont il faut souhaiter qu'elles ne divergent pas à l'excès.
Au terme de ces débats, la commission a adopté à l'unanimité un amendement de M. Philippe Marini, rapporteur général, et de M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'Etat », portant article additionnel avant l'article 10 et ayant pour objet d'étendre l'autorisation parlementaire relative au plafond de variation de la dette aux titres de court terme, ainsi que de prévoir une saisine pour avis obligatoire des commissions des finances des assemblées, au cas où l'urgence commanderait que ce plafond soit dépassé, en cours d'exercice, sans recourir préalablement à une loi de finances rectificative.
A l'issue de ce vote, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.
Débat d'orientation des finances publiques pour 2010 - Communication
Puis la commission a entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le débat d'orientation des finances publiques pour 2010.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté que l'explosion des déficits et plus encore le gonflement des passifs publics consécutifs au sauvetage du système financier mondial ont profondément perturbé les repères traditionnels en matière de finances publiques. Il a estimé que l'on se trouve ainsi « comme en état d'apesanteur financière ».
La crise a un impact ambivalent sur les perspectives économiques françaises. D'un côté, elle fragilise encore plus des comptes publics déjà minés par trente-cinq années de déficits ; de l'autre, la France s'en sort mieux que le Royaume-Uni ou l'Espagne, en dépit des efforts vertueux menés par ces pays au cours des années récentes.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a observé que le consensus des conjoncturistes évalue à - 2,9 % l'évolution de la croissance en 2009. La prévision publiée par le Gouvernement en juin 2009 (- 3 %), d'habitude légèrement plus favorable, lui est donc désormais quasiment identique. Contrairement à ce qui est parfois affirmé, la récession actuelle n'est pas la plus grave en termes de croissance trimestrielle : le profil d'évolution du produit intérieur brut (PIB) apparaît comparable à celui des récessions précédentes. Selon la moyenne des scénarios des économistes, la croissance devrait être quasiment nulle en 2010. Cette situation pourrait conduire au maintien durable du déficit public autour de 7 points de la richesse nationale et à une dette publique de près de 100 points de PIB.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté que, avec la même prévision de croissance, le Gouvernement prévoit un déficit supérieur d'environ un point aux prévisions réalisées par la commission des finances, la Commission européenne et le consensus des économistes, ce qui s'explique par la forte contraction du produit de l'impôt sur les sociétés. Celui-ci passerait en effet de 50 milliards d'euros en 2008 à 20 ou 25 milliards d'euros en 2009, cet effondrement semblant inéluctable.
En outre, deux phénomènes durables devraient aggraver le déficit :
- d'une part, la remontée du taux de chômage, qui devrait dépasser les 10 % fin 2009, contre 7,9 % fin 2008 : il faut habituellement une croissance supérieure à 2 % pour que celui-ci diminue, ce qui risque de ne pas se produire à court terme. Le surcoût de deux points de chômage peut être estimé à 8 milliards d'euros, soit 0,4 point de PIB, en « régime de croisière » ;
- d'autre part, une perte définitive de richesse : en effet, le PIB perdu lors des grandes crises bancaires n'est habituellement pas rattrapé, même si la croissance potentielle retrouve généralement son rythme habituel.
Dans ces conditions, le déficit structurel de la France pourrait passer de 3 % à 5,5 % du PIB. Selon les projections de la commission des finances, le déficit public atteindrait 7,4 % du PIB en 2009 et serait ramené à 6,8 % en 2012. La dette publique atteindrait 88,1 % du PIB en 2012 selon le scénario du Gouvernement et 92,2 % du PIB selon le scénario retenu par la commission des finances. Elle pourrait ainsi se stabiliser à près de 100 points de PIB.
Pour éviter une telle situation, M. Philippe Marini, rapporteur général, a mis en évidence certains principes destinés à garantir la soutenabilité du modèle économique et social français.
Le premier impératif consiste à maîtriser la dépense publique et à sauvegarder les recettes fiscales, même pendant la crise. M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté que les évolutions erratiques de l'inflation ont compliqué, en 2008 et 2009, le pilotage de la dépense de l'Etat. Il a relevé que la baisse de l'inflation constitue une « aubaine » pour le Gouvernement, qui enregistre automatiquement des économies substantielles sur les dépenses de pensions ou la charge de la dette.
Il a ensuite retracé l'évolution des effectifs du budget général de l'Etat, en notant que 45 % des départs à la retraite (soit 30 600 postes) ne seront pas remplacés dans les services de l'Etat en 2009, les suppressions de postes devant atteindre 33 493 équivalents temps plein (ETP) en 2010 pour 67 900 départs, soit un taux de non-remplacement de 50 %. La multiplication des opérateurs de l'Etat constitue toutefois un « point de fuite » à surveiller.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la principale variable d'ajustement à la baisse des dépenses de l'Etat de 2009 à 2012 réside dans la catégorie des dépenses autres que la charge de la dette ou les dépenses de personnel, qui regroupe les investissements de l'Etat, ses dépenses de fonctionnement, les subventions aux opérateurs, les « prestations de guichet », les dotations régies par des textes et les autres interventions. Ce « gisement » d'économies représente un montant total de crédits de 111,4 milliards d'euros en 2009, soit un tiers du budget de l'Etat, mais il ne saurait être mobilisé qu'au prix de réformes de structure ambitieuses.
Dans ce contexte, il est nécessaire de préserver les recettes publiques. L'application des règles de bonne gouvernance édictées par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 en matière de recettes est cependant problématique. L'article 11 de cette loi prévoit bien que les créations ou extensions de « niches » fiscales ou sociales sont compensées par des suppressions ou diminutions d'autres « niches », au titre de chaque année de la période de programmation, mais certaines décisions récentes s'en écartent, comme la baisse du taux de TVA dans la restauration.
Mme Nicole Bricq a regretté la décision du Gouvernement de réduire le taux de TVA dans la restauration, sans compensation pour les finances publiques, au mépris des principes inscrits dans la loi de programmation des finances publiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a partagé cette analyse et a noté que l'article 11 de cette loi revêt aujourd'hui une portée théorique. Il a également souligné que la réforme de la taxe professionnelle comporte un risque pour l'Etat, qui pourrait être amené à compenser aux collectivités territoriales une perte de recettes comprise entre 5 et 8 milliards d'euros. Il a en outre considéré que la taxe carbone n'apparaît pas comme une piste satisfaisante pour préserver les recettes publiques.
Le deuxième impératif est de faire preuve de vigilance en matière de dette publique. L'Agence France Trésor se refinance actuellement à des taux historiquement bas (0,76 % à un an). La dette apparaît ainsi à la fois insoutenable et légère, mais cette situation ne se prolongera pas.
M. Jean-Pierre Fourcade a noté l'intérêt manifesté par les fonds de pension japonais pour les titres français.
M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la sincérité des règles de présentation du coût de la dette pour les finances publiques, dans la mesure où seules les charges des intérêts sont inscrites dans le budget.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé que l'analyse du stock de dette, dont il a retracé l'évolution depuis 1978, ne permet pas de distinguer ses différents emplois. La charge de la dette devrait croître au cours des prochaines années de 5 % à 7 % en moyenne annuelle et en volume, selon les données gouvernementales. Les agences de notation placent toutefois la France dans le groupe des pays les plus « résistants », notamment car elle dispose d'une très bonne capacité d'ajustement économique.
Il a estimé souhaitable de distinguer la « bonne » dette de la « mauvaise » dette : la dette qui finance des opérations en capital, et notamment l'achat d'actifs pour soutenir le système bancaire, présente ainsi des contreparties et peut même, de surcroît, être productrice de revenus. Il a également considéré que la « règle d'or », principe de bonne gestion, devrait être adaptée au contexte actuel d'hypertrophie des dettes publiques. Il a enfin prôné une approche « bilancielle » de la dette et a jugé nécessaire d'adapter la gouvernance d'Eurostat pour en faire une véritable autorité comptable indépendante, capable d'évaluer et de comparer les engagements des Etats, qu'ils soient directs ou indirects au travers de ceux de leur système bancaire.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite passé en revue les modalités des différents emprunts nationaux lancés depuis 1952 et a noté que, si l'on se réfère à l'emprunt « Balladur » de 1993, un taux de rémunération de 2 % à 2,5 % sur cinq ans peut être aujourd'hui qualifié de raisonnable. L'idée d'une convertibilité des obligations d'Etat en titres de capital à émettre par des sociétés du secteur public mérite également d'être approfondie.
Il a enfin analysé la situation de la sécurité sociale, en rappelant que le déficit du régime général atteindrait, selon les dernières prévisions, 20,1 milliards d'euros en 2009 et 30 milliards d'euros en 2010, ce qui n'apparaît pas soutenable. L'envolée du plafond d'avances de trésorerie de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) annonce ainsi un nouveau transfert de dettes, différentes modalités étant envisageables. A cet égard, M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé qu'il faudra probablement tout à la fois accroître les ressources de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) et allonger la durée d'amortissement de la dette sociale. Il a souligné la nécessité de maîtriser les dépenses sociales afin d'éviter une augmentation des prélèvements obligatoires et en a esquissé les principaux enjeux.
En conclusion, il a considéré que le débat sur l'emprunt doit être l'occasion d'une bonne pédagogie et déboucher sur de nouvelles règles de gouvernance budgétaire. L'examen du projet de loi de finances pour 2010 sera donc un moment de vérité, qui fera apparaître si l'on parvient à sécuriser les recettes de l'Etat, à assurer le respect de la norme de dépense et à maîtriser les charges de la dette.
M. Jean Arthuis, président, s'est montré attentif à l'évolution de la dette publique et a souhaité une adaptation des règles de présentation des charges de la dette.
M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est déclaré en accord avec cette position et a réaffirmé la nécessité de nouvelles règles de gouvernance budgétaire.
M. Serge Dassault a relevé que l'affaissement des recettes fiscales entraînera inévitablement une aggravation du déficit et de la dette. Il s'est interrogé sur les moyens d'y faire face et a jugé que la réforme annoncée de la taxe professionnelle est inopportune dans un tel contexte, l'Etat risquant d'être mis à contribution.
M. Jean-Pierre Fourcade a estimé que la présentation du rapporteur général fait bien ressortir les difficultés actuelles. Il a déclaré qu'il ne peut accepter une stagnation ou une croissance des déficits publics en 2010 et a annoncé sa volonté de proposer des économies à hauteur de 20 milliards d'euros en 2010 et 2011. Il a ainsi suggéré de suspendre l'application pendant deux ans de certains avantages fiscaux, d'ajuster le champ des exonérations de cotisations sociales patronales, et de modifier certaines règles de gestion de la dette, en recréant une caisse d'amortissement de la dette.
M. Jean Arthuis, président, a émis des réserves sur l'opportunité de créer un service annexe de la dette. Il a observé que l'application d'un taux réduit de TVA dans la restauration, qui vient d'être votée par le Sénat, représentera une perte de recettes de 2,5 milliards d'euros.
M. Yann Gaillard a salué la démarche de M. Jean-Pierre Fourcade.
M. Éric Doligé s'est interrogé sur la réalité et la portée des indicateurs de performance.
M. Edmond Hervé a rejoint la préoccupation de M. Jean-Pierre Fourcade s'agissant de l'évolution des déficits publics. Il a noté que la réforme de la taxe professionnelle ne s'appliquera probablement pas en 2010, mais en 2011. Il a estimé que faire appel à l'Etat pour compenser les conséquences de cette réforme serait une erreur, compte tenu du contexte économique, et s'apparenterait à un « croche-pied » aux collectivités territoriales.
M. Jean Arthuis, président, a souligné la gravité de la situation et a mis en évidence le décalage entre le discours politique et la réalité.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a noté l'intérêt d'être élu local pour apprécier les effets de la crise.
Mme Nicole Bricq a souligné que celle-ci entraînera un appauvrissement de la France, puisqu'une réduction permanente du PIB potentiel d'environ cinq points est possible, alors que des besoins nouveaux apparaissent, qui nécessitent des financements supplémentaires. Elle a relevé les incertitudes entourant la sortie de crise et s'est inquiétée de l'absence de prise de conscience de cette situation au sein de la population.
M. Jean Arthuis, président, a noté que la balance commerciale constitue également un indicateur pertinent pour mesurer les évolutions en cours.
M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que la situation actuelle est propre à entretenir les illusions, dans la mesure où les contraintes financières apparaissent moins fortes qu'avant la crise. Dans cette période, la mission du Gouvernement est de soutenir l'activité tout en évitant de programmer de nouvelles dépenses récurrentes. Tant que la crise se prolonge, il n'est pas souhaitable de réorganiser profondément l'architecture des prélèvements obligatoires, car le tissu économique ne réagit pas de manière habituelle. En revanche, une évolution sera nécessaire à son issue.
Il a salué l'initiative de M. Jean-Pierre Fourcade et a fait part de son accord avec l'analyse développée par M. Edmond Hervé concernant une compensation éventuelle par l'Etat des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle.
M. Bernard Angels a déclaré partager l'analyse du rapporteur général concernant l'évolution des recettes et a souligné la nécessité de les préserver. Il a observé que les marges de manoeuvre pour réduire les dépenses publiques sont étroites, surtout dans un contexte de crise, et a jugé que le volontarisme politique ne peut pas tout régler.
M. Serge Dassault a souligné la nécessité de décrire clairement la situation aux Français et a mis en évidence les incertitudes entourant le retour de la croissance.
M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'examen du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 aura lieu le 15 juillet 2009 et le débat d'orientation sur les finances publiques, le 16 juillet 2009.
La commission a alors donné acte au rapporteur général de sa communication et a décidé d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Loi de programmation militaire pour les années 2009 - 2014 - Examen du rapport pour avis
La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M M. François Trucy, Jean-Pierre Masseret et Charles Guené sur le projet de loi n° 462 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. François Trucy, rapporteur pour avis, a souligné que les lois de programmation militaire s'inscrivent dans le cadre d'orientations à plus long terme définies par des « livres blancs ». Il y a eu, à ce jour, trois livres blancs, publiés en 1972, 1994 et 2008, et rédigés par des commissions présidées, respectivement, par MM. Michel Debré, Marceau Long et Jean-Claude Mallet. Les lois de programmation militaire ont un champ désormais très large : alors qu'initialement elles se contentaient de prévoir les crédits d'équipement, elles définissent désormais l'ensemble de la politique de défense, grâce en particulier à un rapport annexé fixant des objectifs opérationnels. En revanche, leur rôle normatif est faible : les autorisations d'engagement et les crédits de paiement qu'elles prévoient sont du domaine exclusif des lois de finances. Compte tenu de la durée des grands programmes d'armement, elles se contentent, pour l'essentiel, de tirer les conséquences de décisions prises antérieurement. Si leur intitulé se réfère habituellement à une période de quatre ou six ans, cet horizon ne correspond qu'à celui des crédits de paiement : elles prévoient en effet des acquisitions de matériels à bien plus long terme, parfois à l'horizon d'une quinzaine d'années. Ce sont ces prévisions d'acquisitions à long terme, plus que les crédits de paiement prévus à moyen terme, qui constituent le véritable apport d'une loi de programmation militaire.
Le présent projet de loi retient une durée de six ans pour la programmation des crédits de paiement, mais il prévoit également que la présente programmation sera révisée au bout de quatre ans, c'est-à-dire en principe en 2012. Une nouvelle loi de programmation, de six ans, mais elle aussi révisable au bout de quatre ans, doit alors couvrir la période 2013-2018. Il s'agit de prendre compte l'évolution du contexte stratégique, mais aussi la situation des finances publiques, qui ne permettra peut-être pas la croissance de 1 % des dépenses en volume prévue à compter de 2012. Une autre innovation du présent projet de loi, celle-ci non prévue, consiste en son examen particulièrement tardif. Si, sur les huit lois de programmation précédentes, trois ont été promulguées au cours de leur première année d'application, cette promulgation n'a jamais été postérieure au mois de mai.
Le présent projet de loi prévoit une croissance des dépenses (avant prise en compte du plan de relance de l'économie) de 0 % en volume jusqu'en 2011 puis de 1 % en volume ensuite. Les dépenses passeraient de 30 milliards d'euros en 2008 à 33 milliards en 2020 (en euros de 2008) et les dépenses d'équipement de 15,5 milliards d'euros en 2008 à 20 milliards en 2020 (en euros de 2008). Le financement doit être en partie assuré par des ressources exceptionnelles, pour un montant de 3,7 milliards d'euros.
Le présent projet de loi fait preuve de réalisme, en abandonnant le « modèle d'armée 2015 », qui coûterait 35 milliards d'euros de plus jusqu'en 2015. La part dans le produit intérieur brut (PIB) des dépenses de défense passerait de 1,6 à 1,4 point jusqu'en 2020. Les marges de manoeuvre sont faibles : il est urgent de renouveler certains matériels, et le mode d'indexation des contrats d'armement entraîne une augmentation du coût supérieure d'un point à l'inflation.
Les sommes en jeu ont considérablement varié depuis le Livre blanc. Sur la période 2009-2014, le texte initial du présent projet de loi prévoyait 1,66 milliard d'euros (de 2008) de plus que le Livre blanc. Après prise en compte du plan de relance de l'économie, ce montant est passé à 2,73 milliards d'euros. En sens inverse, la combinaison d'une faible inflation et de la décision du Gouvernement de ne pas respecter la loi de programmation des finances publiques devrait réduire les crédits de paiement de la mission « Défense » de 5 milliards d'euros (courants) jusqu'en 2014, et son « pouvoir d'achat » d'environ 2 milliards d'euros.
En raison d'une modification de la prévision d'inflation en cours de discussion budgétaire, la loi de finances initiale pour 2009 prévoit 150 millions d'euros de plus que ce qui découlerait du projet de loi. Le Gouvernement a par ailleurs fait part, dans son rapport relatif au débat d'orientation des finances publiques pour 2010, de son intention d'utiliser la réserve de budgétisation pour majorer les crédits de paiement pour 2010 de 30 millions d'euros par rapport à ce que prévoit le projet de loi.
M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a indiqué que, sur les 54 000 suppressions d'équivalents temps plein (ETP) prévues de 2008 à 2015, les deux tiers (soit 36 000) proviendraient de la révision générale des politiques publiques (RGPP), et seraient donc sans impact sur les capacités opérationnelles. Le tiers restant (soit 18 000) proviendrait du Livre blanc, avec dans la plupart des cas un impact sur les capacités opérationnelles. Si les économies « brutes » permises par les réductions d'effectifs de 2009 à 2014 seraient de l'ordre de 5 milliards d'euros, après prise en compte des dépenses induites par la réforme (plan d'accompagnement des restructurations, dépenses d'infrastructure), les économies « nettes » seraient de seulement 2 milliards d'euros. Les réductions d'effectifs concerneraient essentiellement le soutien, avec une plus grande mutualisation des moyens dans le cadre des futures bases de défense, et la réforme du maintien en condition opérationnelle du matériel (MCO).
Les ressources exceptionnelles sont un facteur d'incertitude pour l'année 2009. Dans le cas des cessions de fréquences hertziennes (d'un montant évalué à 1,5 milliard d'euros, dont 0,6 milliard d'euros devait être perçu en 2009), aucune recette ne sera perçue cette année. Dans celui des cessions de biens immobiliers (initialement évaluées à 2 milliards d'euros, dont 1 milliard d'euros en 2009), la vente à la société de portage ne devrait avoir lieu qu'en octobre prochain, et les cessions en province devraient rapporter beaucoup moins que prévu. Le retard de perception des recettes en 2009 devrait être surmonté : sur le 1,6 milliard d'euros initialement prévu, 360 millions d'euros ont déjà été perçus (correspondant au solde positif du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » et au versement d'une soulte par la Société nationale immobilière) ; la moindre inflation devrait permettre d'économiser 300 millions d'euros, le ministère de la défense sera autorisé à consommer plusieurs centaines de millions d'euros de reports de crédits, et, compte tenu du faible niveau de ces ressources exceptionnelles rapportées à l'ensemble des crédits de paiement de l'Etat, les charges correspondantes devraient sans difficulté pouvoir être en partie reportées sur 2010.
M. Jean Arthuis, président, a craint que la dette de la future société de portage doive ensuite être reprise par l'Etat.
M. François Trucy, rapporteur pour avis, a indiqué que la modernisation des principaux matériels devrait se traduire jusqu'en 2020 par une augmentation considérable de la puissance de feu. Ainsi, malgré la diminution des parcs, le nombre d'intercepteurs pouvant utiliser des missiles modernes serait multiplié par trois, la capacité d'emport de bombes de la flotte d'avions de combat par deux, celle de la flottille embarquée sur le porte-avions par plus de dix et la capacité d'emport de missiles à lancement vertical de la flotte de frégates par cinq.
Si les trois armées doivent avoir 225 000 combattants en 2014, la capacité de projection de forces terrestres serait bien plus faible : l'armée de terre devrait compter 130 000 combattants, dont un « réservoir » de forces projetables de seulement 90 000 combattants, ce qui correspond à une capacité de projection de 20 000 combattants de manière permanente avec relève et, selon l'objectif fixé par le présent projet de loi, de 30 000 combattants pour une durée d'un an sans relève (dans un délai de six mois). L'objectif de projection un an sans relève est donc nettement revu à la baisse : il était en effet de 50 000 combattants (sans indication de délai) selon la loi de programmation militaire 2003-2008. Cette situation est préoccupante si l'on considère que, selon les estimations usuelles, pour attaquer une armée ennemie il faut disposer d'effectifs au moins équivalents, et si possible au moins deux fois supérieurs. Ces ratios ne sont à ce stade pas remis en cause par les nouvelles technologies. Avec 30 000 combattants, la France pourrait donc, au mieux, affronter des forces d'un effectif équivalent. L'armée française est donc nécessairement amenée à intervenir dans le cadre de coalitions. Les capacités de projection européennes sont cependant limitées.
Ce niveau relativement décevant des capacités de projection, alors que les effectifs de l'armée de terre devraient lui permettre de projeter de l'ordre de 40 000 combattants, s'explique essentiellement par deux « goulets d'étranglement » : l'insuffisance de certains équipements de l'armée de terre et les lacunes en matière de transport à longue distance. Cependant, les capacités de transport à 8 000 km devraient être de l'ordre de 40 000 combattants en quatre mois à l'horizon 2020-2025, ce qui conduit les rapporteurs pour avis à se demander s'il ne serait pas souhaitable, lors de la révision de la loi de programmation en 2012, de fixer pour cette échéance un tel objectif de projection. Les investissements permettant d'accroître la capacité de projection ou d'en accélérer le délai sont probablement parmi ceux dont le rapport efficacité/coût est le plus élevé. Les capacités de transport devraient cependant diminuer à court terme, à cause du retard du programme A400M.
M. Charles Guené, rapporteur pour avis, s'est efforcé d'évaluer les principaux aléas. Il va de soi que cet exercice est purement indicatif, et que ces risques sont de simples possibilités. Si l'ensemble des aléas se réalisaient, ce sont 7 milliards d'euros qui manqueraient, dont 3,5 milliards du fait de la crise économique. L'ordre de grandeur serait donc analogue à celui des lois de programmation précédentes. Ces aléas ne signifient pas, bien entendu, que le présent projet de loi présenterait un « manque de financement » de cet ordre de grandeur. En effet, certains de ces aléas ne se concrétiseront probablement pas. Ces aléas concernent en particulier les ressources exceptionnelles, l'inflation plus faible que prévu, le risque d'un maintien du « zéro volume » de 2012 à 2014, le coût des opérations extérieures (OPEX) et du MCO, le cours du pétrole, le risque que les réductions d'effectifs résultent majoritairement de moindres embauches, et les succès à l'exportation du Rafale.
M. François Trucy, rapporteur pour avis, a indiqué que la commission ne s'est pas saisie des articles 12 à 14, relatifs au secret de la défense nationale, qui n'ont pas de caractère financier.
M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si la France a les moyens de sa politique.
M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a souligné que ces moyens ont déjà été considérablement réduits par rapport à ce que prévoyait le « modèle d'armée 2015 ».
M. François Trucy, rapporteur pour avis, a estimé qu'une forte inflation pourrait accroître le pouvoir d'achat de la mission « Défense », dont le présent projet de loi définit les crédits de paiement en euros constants, alors que ses dépenses ne dépendent que partiellement de l'inflation.
M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur les perspectives de construction du second porte-avions.
MM. François Trucy et Charles Guené, rapporteurs pour avis, ont exprimé leur pessimisme à cet égard.
A l'issue de ce débat, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi dont elle s'est saisie pour avis (articles premier à 4 et 6 à 11).
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
La commission a enfin désigné MM. Jean Arthuis, président, Philippe Marini, rapporteur général, Joël Bourdin, Yann Gaillard, Bernard Angels, Mme Nicole Bricq et M. Thierry Foucaud, candidats titulaires, puis MM. Jean-Pierre Fourcade, François Trucy, Charles Guené, Albéric de Montgolfier, François Marc, Jean-Claude Frécon et Yvon Collin, candidats suppléants, pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008.