Mercredi 10 juin 2009
- Présidence de M. Philippe Marini, président -Examen des amendements au texte de la commission
La commission spéciale a procédé à l'examen des amendements sur le projet de loi n° 364 (2008-2009) portant réforme du crédit à la consommation et les propositions de loi n° 94, 114, 173, 255 et 325 (2008-2009), dans le texte n° 448 (2008-2009) adopté par la commission le 2 juin 2009 sur le rapport de M. Philippe Dominati, rapporteur.
Mme Nicole Bricq a préalablement estimé que la commission spéciale ne s'était pas véritablement émancipée du Gouvernement ; selon elle, pour chacun des principaux thèmes de travail (usure, encadrement des cartes privatives, adaptation de l'offre de crédit aux personnes les plus modestes...), ses propositions suscitent finalement le mécontentement de nombreux acteurs associatifs et professionnels, à l'exception des banques. Elle a indiqué que le débat se poursuivrait donc en séance publique puisque les problèmes de la cherté du crédit, de l'absence de lien entre cartes de fidélité et cartes de crédit, de l'inadaptation de l'offre de crédit aux ménages modestes et d'une meilleure prévention du surendettement restent irrésolus.
Puis la commission spéciale a examiné les amendements déposés sur son texte.
M. Philippe Dominati, rapporteur, a rappelé que la commission avait déjà exprimé un avis défavorable sur les amendements n° 1 rectifié, n° 59 rectifié et n° 21 lors de la réunion d'examen du rapport. Concernant l'amendement n° 14, il a relevé que le mécanisme proposé aboutirait à des taux de l'usure trop faibles, susceptibles de ne guère excéder 6 % certaines années. S'agissant de l'amendement n° 20, il a indiqué que raccourcir la période transitoire reviendrait à fragiliser les établissements spécialisés compte tenu de l'ampleur de la baisse des taux annoncée, probablement supérieure à six points pour certains prêts, Mme Nicole Bricq a estimé que, d'une façon générale, les réformes perdent en efficacité lorsqu'elles sont assorties de périodes transitoires trop longues.
M. Philippe Dominati, rapporteur, a rappelé que la commission avait déjà exprimé un avis défavorable sur l'amendement n° 26 lors de la réunion d'examen du rapport.
Mme Nicole Bricq a indiqué que l'amendement n° 22 visait à interdire de proposer, sous quelque forme que ce soit, des lots promotionnels liés à l'acceptation d'une offre préalable d'opération de crédit. M. Philippe Dominati, rapporteur, a estimé que le renforcement de l'encadrement de la publicité permettrait aux consommateurs d'être mieux avertis et qu'une telle mesure d'interdiction ne se justifiait pas.
Alors que M. Laurent Béteille s'est montré partagé sur la pertinence d'une telle interdiction, M. Alain Vasselle l'a jugée utile, considérant qu'il n'est pas sain de proposer des lots promotionnels dès l'offre préalable. M. Philippe Dominati, rapporteur a craint qu'une telle mesure soit interprétée comme interdisant aux prêteurs de proposer des taux promotionnels, ce qu'il a estimé regrettable pour les consommateurs eux-mêmes.
Soulignant qu'un amendement identique avait déjà été discuté et rejeté par la commission spéciale lors de l'examen du rapport, Mme Isabelle Debré a estimé que la position de la commission était déjà connue. Rejointe par M. Alain Vasselle, elle a rappelé que la commission des affaires sociales du Sénat, à l'occasion de l'examen du projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, avait décidé que les amendements identiques à des amendements présentés lors de l'examen du rapport ne feraient pas l'objet d'une nouvelle discussion, la position initialement prise par la commission lors de sa précédente séance étant reconduite, sauf demande contraire des auteurs de ces amendements. Mme Muguette Dini a ajouté que la commission des affaires sociales avait été conduite à adopter cette méthode compte tenu du nombre très élevé d'amendements déposés sur ce texte.
Observant qu'il ne s'agissait que d'une simple pratique, propre à l'une des commissions permanentes du Sénat, qui ne s'imposait pas juridiquement à la commission spéciale, M. Philippe Marini, président, a proposé que celle-ci détermine elle-même sa position au regard des modalités d'examen des amendements déjà présentés au cours d'une réunion antérieure. M. Jean-Pierre Sueur, rejoint par Mme Odette Terrade, a fait observer que tous les amendements destinés à être discutés en séance publique devaient être examinés par la commission, ne serait-ce que parce qu'ils se rattachent au texte de celle-ci et non plus au texte du Gouvernement. M. Laurent Béteille a estimé qu'il était difficile pour la commission d'émettre deux avis différents sur un amendement identique, nonobstant le fait que celui-ci se greffe sur le texte du Gouvernement ou sur celui de la commission. Mme Nicole Bricq a dénié à la position retenue par la commission des affaires sociales la valeur d'un précédent qui s'imposerait aux autres commissions du Sénat. Elle a jugé que l'absence d'examen des amendements aurait pour effet que les groupes politiques ne déposeraient plus d'amendements à l'occasion de l'examen du rapport.
M. Philippe Marini, président, ayant rappelé que chaque commission était libre de définir ses méthodes de travail, a consulté la commission spéciale pour connaître la position à adopter. A l'issue d'un vote, il a constaté que la majorité des membres de la commission présents s'était prononcée pour que les amendements identiques à ceux déjà discutés lors de l'examen du rapport ne fassent pas l'objet d'un nouvel examen, la position prise par la commission à leur égard étant confirmée par principe. Mme Isabelle Debré a souligné que cette méthode n'empêchait pas la discussion en séance de ces amendements.
En conséquence, la position défavorable exprimée par la commission à l'amendement identique à l'amendement n° 22 a été reconduite pour cet amendement.
M. Philippe Dominati, rapporteur, a fait part de son avis défavorable à l'adoption des amendements identiques n°s 67 et 95, prévoyant que la solvabilité de l'emprunteur est vérifiée annuellement et que le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers est consulté à chaque tirage dans le cadre d'un crédit renouvelable.
Mme Muguette Dini, ayant souligné le caractère essentiel d'une telle disposition pour lutter contre le « malendettement », M. Philippe Dominati, rapporteur, a indiqué que la consultation à chaque tirage lui semblait difficile à mettre en oeuvre, à la différence d'une consultation annuelle. Il a proposé que la commission spéciale sollicite l'avis du Gouvernement.
M. Alain Vasselle a insisté sur le caractère dissuasif de cette disposition, estimant que la mesure proposée ne devait pas voir sa portée réduite. Après que Mme Nicole Bricq eut jugé que ce type d'obligation constituait un pis-aller à la constitution d'un fichier positif, refusée par la commission, M. Jean-Pierre Sueur a indiqué que la commission devait prendre position sur cet amendement plutôt que solliciter l'avis du Gouvernement.
M. Philippe Marini, président, s'est interrogé sur les conséquences d'une telle disposition sur les modalités d'exécution d'un contrat en cours. M. Philippe Dominati, rapporteur, a estimé que le dispositif ne serait pas praticable et risquerait de pénaliser la grande majorité des consommateurs pour lesquels le crédit renouvelable est une facilité de trésorerie dont ils font un usage raisonnable.
Puis la commission spéciale a décidé de donner un avis favorable à ces deux amendements identiques.
M. Alain Vasselle a indiqué que les amendements identiques n° 63, 81 et 94 interdisant la rémunération des vendeurs en fonction des crédits qu'ils font contracter à l'acheteur d'un bien lui paraissaient intéressants car ils permettaient de protéger le consommateur. M. Philippe Dominati, rapporteur, a rappelé que, en pratique, ce type de rémunération n'était pas mis en oeuvre, ajoutant que le projet de loi distinguait désormais très clairement l'opération de vente de l'opération de crédit.
M. Philippe Marini, président, a souligné les conséquences néfastes de ces amendements qui interdiraient désormais les rémunérations « à la commission », estimant par ailleurs qu'ils revenaient à s'ingérer dans les politiques salariales des entreprises. Mme Nicole Bricq a dit comprendre l'intention des auteurs de ces amendements mais regretté qu'ils fassent porter sur les vendeurs l'entière responsabilité de l'octroi du crédit.
Sur l'amendement n° 87 sanctionnant l'octroi d'un crédit sans mise en oeuvre préalable des vérifications prudentielles en usage dans la profession par le non-remboursement de tout ou partie du capital prêté, M. Philippe Dominati, rapporteur, a estimé cette mesure disproportionnée, tout en indiquant que la commission spéciale n'avait pas eu le temps d'examiner de manière approfondie l'échelle des sanctions applicables lors de l'octroi de crédit. Mme Muguette Dini a précisé que cet amendement avait pour objet de mettre en relief l'importance de la responsabilité du prêteur lorsqu'il accorde un crédit sans respecter les procédures légales. Mme Nicole Bricq l'a jugé intéressant, tout en estimant que le renvoi aux usages de la profession était trop vague.
Concernant les amendements similaires n° 41, 42 et 103 visant à préciser le point de départ du délai de forclusion applicable aux actions du prêteur contre l'emprunteur, M. Philippe Dominati, rapporteur, s'est déclaré a priori favorable à cette modification mais s'est interrogé sur le déséquilibre qu'elle pourrait apporter aux relations entre le prêteur et l'emprunteur.
M. Philippe Marini, président, a souligné que les amendements proposés auraient pour effet de favoriser les actions du prêteur, M. Laurent Béteille a estimé que le droit positif avait pour effet d'encourager ceux-ci à ignorer les défaillances des emprunteurs. En recommandant de demander l'avis du Gouvernement, M. Philippe Dominati, rapporteur, a jugé que le projet de loi pourrait être l'occasion de clarifier la jurisprudence applicable.
Sur les amendements identiques n°s 29 et 58 relatifs à l'obligation, en matière de publicité, de mentionner le surcoût total des opérations de regroupement de crédits, M. Philippe Dominati, rapporteur, a estimé qu'il était matériellement impossible de connaître, au stade de la publicité, le coût réel de telles opérations. M. Philippe Marini, président, a relevé que le coût d'un regroupement de crédits dépendait du cas d'espèce et en particulier de la nature et du nombre de crédits à restructurer, Mme Nicole Bricq estimant qu'il était possible de connaître le coût maximum de ce type d'opération.
Mme Odette Terrade ayant souligné que les publicités actuelles laissaient croire aux consommateurs que le regroupement de crédits était toujours une opération financièrement intéressante, M. Philippe Dominati, rapporteur, a rappelé que l'article 2 du texte de la commission interdisait les mentions dans les publicités qui laissaient croire qu'un regroupement de crédits était une opération permettant toujours de faire baisser le coût du crédit.
Après que M. Philippe Marini président, eut présenté les amendements n° 109 à 114 relatifs à la lutte contre le blanchiment et aux entreprises de réassurance, M. Bernard Angels et Mme Nicole Bricq ont jugé leur lien avec le texte particulièrement ténu. M. Philippe Marini, président, a souligné au contraire que l'objet du titre III du projet de loi, relatif au contrôle des activités financières, permettait d'intégrer les dispositions suggérées.
Concernant les amendements identiques n° 30, 35, 54 et 90 imposant la vérification systématique de la réalité des créances par les commissions de surendettement, M. Philippe Dominati, rapporteur, a souligné que cette exigence aurait pour effet de ralentir le déroulement des procédures de surendettement, relevant que les commissions pouvaient toujours saisir le juge de l'exécution afin qu'il examine, en cas de doute, la régularité des créances déclarées.
Mme Nicole Bricq a insisté sur le fait que la rapidité d'une procédure ne devait pas se faire au détriment de son efficacité et qu'il était de l'intérêt des personnes surendettées que la réalité des créances soit systématiquement examinée. M. Laurent Béteille a souligné que, en pratique, les commissions de surendettement ne disposaient pas des documents leur permettant d'exercer un contrôle approfondi sur les créances déclarées.