- Mardi 5 mai 2009
- Audition de M. François Moutot, directeur général de l'Assemblée permanente des chambres des métiers
- Audition de M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières
- Audition de M. Stéphane Diémert, sous-directeur, chargé de mission auprès du secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer
- Audition de M. Colin Niel, chef de bureau des parcs nationaux et des réserves à la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT)
- Audition de M. Jean-Pierre Bastié, inspecteur général de l'agriculture
- Audition de M. Christian Vitalien, professeur associé à l'université des Antilles et de la Guyane
- Mercredi 6 mai 2009
- Audition de MM. Christian Garin, président des Armateurs de France, et Joël Gentil, vice-président de CMA CGM Antilles-Guyane
- Audition de M. Alain Gras, sous-directeur à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)
- Audition de M. Michel Jacquier, directeur général délégué de l'Agence française de développement, et de Mme Odile Lapierre, directrice du département Amériques, Océan indien, Pacifique sud » de l'Agence française de développement
- Audition de M. Yves Mansillon, préfet, chargé de l'élaboration du schéma minier en Guyane
- Audition de M. Gérard Bally, délégué général d'EURODOM
- Audition de Mme Virginie Beaumeunier, rapporteur général, M. Thierry Dahan et M. Jean-Rémi Bourhis, rapporteurs, de l'Autorité de la concurrence
- Audition de M. Marc Duncombe, délégué à l'outre-mer du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres
- Jeudi 7 mai 2009
Mardi 5 mai 2009
- Présidence de M. Serge Larcher, président -Audition de M. François Moutot, directeur général de l'Assemblée permanente des chambres des métiers
La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. François Moutot, directeur général de l'Assemblée permanente des chambres des métiers (APCM).
Après avoir remercié la mission d'information de lui permettre d'évoquer l'importance de l'artisanat dans l'économie des DOM, avec près de 34 000 entreprises, M. François Moutot a fait trois observations liminaires : il s'agit par essence d'une activité de transformation et l'éloignement ne facilite pas l'équipement des petites entreprises à des coûts satisfaisants ; le marché local n'est pas favorable, compte tenu de l'impact des coûts de distribution ; enfin, à la suite des événements récents, des mesures ont été annoncées, telles que le report des délais de paiement, mais sont d'ordre conjoncturel et tardent à se mettre en place, notamment les mesures d'accompagnement bancaire, ce qui pose la question de leur crédibilité alors même que, localement, la société place en elles un grand espoir, surtout en Guadeloupe.
Répondant à M. Eric Doligé, rapporteur, M. François Moutot a estimé que le projet de loi pour le développement économique des outre-mer (PLODEOM) n'avait pas pris en compte les propositions de l'APCM et que le nouveau dispositif de défiscalisation dans le bâtiment, orienté vers le logement social, était défavorable aux petites entreprises. Il s'est cependant félicité de l'apport du débat parlementaire sur cette question, atténuant les effets négatifs de l'évolution du dispositif pour le secteur de l'artisanat avec un lissage de la période de transition et l'intégration des opérations de réhabilitation de logements dans le champ du dispositif. Néanmoins, il faudra rester vigilant sur la passation des marchés et favoriser les groupements d'artisans pour la construction sociale.
Concernant le commerce de proximité, il a regretté la suppression de la TVA non-perçue récupérable (TVA NPR) qui constituait une aide efficace pour l'équipement des entreprises artisanales.
M. François Moutot a considéré que divers problèmes restaient à régler : l'adaptation du statut de l'auto-entrepreneur au secteur du bâtiment, la question du développement endogène et de l'ouverture sur les marchés régionaux ainsi que celle du financement d'un système de garantie particulier pour les entreprises artisanales comparable à celui géré par OSEO en métropole.
Au nombre des sujets suscitant de fortes préoccupations, il a souligné le déficit en ressources humaines qualifiées, en particulier en Guyane, département pour lequel il faudrait un plan spécifique de formation, et les problèmes structurels liés à l'étroitesse et à l'isolement des marchés locaux (transports, coûts d'accès des intrants, travail irrégulier...).
Il a imputé le coût de la vie au poids des taxes et des charges fiscales et à l'existence de multiples intermédiaires.
Enfin, au-delà des mesures de défiscalisation et des aides à la construction, il a souhaité que soient encouragés les regroupements des entreprises artisanales en réponse aux appels d'offres, afin de leur permettre un meilleur accès aux marchés publics.
En réponse à M. Eric Doligé, rapporteur, M. François Moutot a indiqué que la crise avait provoqué une forte baisse du nombre des inscriptions au répertoire des métiers et qu'un ralentissement de l'activité était sensible. Dénombrant à environ 40 000 les entreprises artisanales dans les DOM, il a souligné que leur densité était de 292 pour 10 000 habitants en Guadeloupe contre 180 à la Réunion, la répartition par secteurs étant la suivante : 46 % pour le bâtiment (contre 40 % en métropole), 8 % pour l'alimentation (contre 15 % en métropole), le solde étant pour l'essentiel concentré sur les transports et les services.
S'agissant de la formation, il a insisté sur la disparité des situations d'un département à l'autre. En Guadeloupe, un nouveau plan de développement du CFA a reçu le soutien du conseil régional et la situation de la chambre des métiers locale a pu être assainie. La Martinique souffre d'un corps d'enseignants pléthorique par rapport au nombre d'élèves au niveau du CFA. La Guyane connaît une situation plus sombre avec un CFA qui n'a pas les moyens humains et financiers de remplir ses missions et la nécessité de s'interroger sur la pertinence d'une gestion du CFA par la chambre des métiers.
Afin d'abaisser les coûts d'approvisionnement, il a suggéré d'encourager l'émergence de structures d'achats groupés et, sur la question des auto-entrepreneurs, il a annoncé la tenue d'une réunion prochaine à l'initiative du secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
M. Georges Patient a estimé que le problème structurel de la chambre des métiers de Guyane méritait un changement en profondeur car elle n'a réellement plus les moyens d'assurer son rôle.
En réponse à M. Eric Doligé, rapporteur, M. François Moutot a reconnu le soutien apporté par la région aux actions de formation, a souligné la nécessité de former des experts, notamment dans le secteur du bâtiment, susceptibles d'intégrer dans les opérations la préoccupation des risques naturels et celle du développement durable par le recours aux matériaux locaux.
Audition de M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières
Puis la mission a procédé à l'audition de M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières.
Accueillant M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, M. Serge Larcher, président, a souhaité qu'il présente la situation spécifique des différents départements d'outre-mer en matière de lutte contre l'immigration illégale.
M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, a indiqué que la Guyane connaissait la situation la plus délicate en matière d'immigration illégale, même si celle de Mayotte était encore plus préoccupante.
Il a indiqué que le nombre d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière s'était élevé à quelque 13 000 en 2007, soit presque 10 % des interpellations réalisées en métropole. Ce nombre a connu une baisse sensible en 2008, de l'ordre de 20 %, avec 10 000 interpellations et cette tendance s'est confirmée au premier trimestre de l'année 2009, même si on constate une légère hausse ces dernières semaines.
Il a souligné que la Guyane était principalement confrontée à une immigration clandestine en provenance des pays voisins, comme le Surinam, le Guyana, Haïti ou le Brésil et, dans une moindre mesure, la République dominicaine, immigration de proximité de nature davantage économique que politique.
Il a indiqué que la police aux frontières était déployée à trois endroits, à Cayenne, dans l'aéroport et au centre de rétention, à Saint Laurent, à la frontière avec le Surinam, et à Saint Georges de l'Oyapock, à la frontière avec le Guyana, et que l'ensemble des services de police, de gendarmerie nationale et même de l'armée étaient impliqués dans la lutte contre l'immigration clandestine, les frontières de la Guyane étant très perméables.
M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, a estimé que la situation de la Martinique était très différente, avec une immigration illégale de moindre importance et en diminution.
Il a indiqué qu'il avait été procédé à 477 interpellations d'étrangers en situation irrégulière en 2008, contre 527 en 2007, soit une baisse de 10 % et que cette tendance s'était confirmée au premier trimestre 2009.
Il a toutefois rappelé que cette diminution faisait suite à une forte hausse de l'immigration clandestine à la Martinique jusqu'en 2005, qui avait pu être maîtrisée grâce à la conclusion d'une série d'accords bilatéraux de libre circulation des personnes et de réadmission avec les pays voisins, comme Sainte-Lucie ou la République dominicaine.
Il a souligné que la Martinique était également confrontée à une immigration illégale de proximité, en provenance d'Haïti et de Sainte-Lucie, employée principalement dans la production de canne à sucre mais impliquée aussi dans le trafic de stupéfiants.
Evoquant ensuite le cas de la Guadeloupe, M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, a estimé que la situation était plus délicate que celle de la Martinique, avec environ 1 800 interpellations d'étrangers en situation irrégulière par an jusqu'en 2007, même si on a constaté une diminution de 11 % en 2008, avec près de 1 600 interpellations, les flux migratoires clandestins provenant essentiellement des pays voisins, Haïti et la République dominicaine.
M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, a enfin précisé que La Réunion était relativement épargnée, avec seulement 120 interpellations d'étrangers en situation irrégulière en 2008 contre une centaine en 2007, principalement des ressortissants malgaches et mauriciens et, dans une moindre mesure, des personnes originaires des Comores, de l'Afrique du Sud ou des Seychelles.
M. Eric Doligé, rapporteur, s'est interrogé sur la politique des visas en soulignant les différences entre la métropole et les départements d'outre-mer, un ressortissant brésilien étant exempté de visa pour se rendre en métropole alors qu'il doit en obtenir un pour se rendre en Guyane.
M. Georges Patient a renchéri en confirmant qu'il était plus facile pour un Brésilien de passer par la métropole pour se rendre en Guyane, plutôt que de franchir directement la frontière.
M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, a indiqué que la politique des visas ne relevait pas des attributions du ministère de l'intérieur mais de celles du ministère de l'immigration, même si la direction centrale de la police aux frontières alertait les services compétents en cas de forte pression migratoire en provenance d'un Etat afin que ces services étudient la possibilité de rétablir l'obligation de visa à l'égard des ressortissants de ce pays.
M. Georges Patient a souhaité avoir des éclaircissements sur trois points : le manque d'effectifs de la police aux frontières en Guyane, notamment à Saint-Georges et à Saint-Laurent ; les manquements constatés dans le dernier rapport de la commission nationale de déontologie des services de sécurité en matière de respect des droits de l'homme par les services de sécurité outre-mer à l'égard des étrangers en situation irrégulière ; le délit d'assistance aux personnes en situation irrégulière, compte tenu de la situation particulière de la Guyane.
M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, a apporté les précisions suivantes :
- la police aux frontières a vu ses effectifs augmenter sensiblement en Guyane, passant de 200 agents en 2004 à 253 en 2008, soit une augmentation de 25 % ; les contraintes budgétaires et les mesures prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques rendant difficile toute augmentation des effectifs et nécessitant d'opérer des redéploiements entre les territoires ; la police aux frontières est toutefois confrontée à une réelle difficulté en matière de recrutement, notamment en ce qui concerne les adjoints de sécurité, en raison de l'image peu valorisante de cette fonction, tant aux yeux des jeunes policiers, qui lui préfèrent souvent les missions de sécurité publique, que dans l'opinion publique, même si ces agents réalisent un métier difficile et indispensable ;
- le ministre de l'intérieur devrait répondre prochainement aux observations formulées par la Commission nationale de déontologie des services de sécurité dans son dernier rapport, qui ne correspondent pas toujours aux enquêtes approfondies réalisées en Guyane par les services de l'Inspection générale de la police nationale ; en tout état de cause, les services de police agissent toujours en matière répressive sous l'autorité du procureur de la République et, s'il existe des procédures particulières d'audition des étrangers en situation irrégulière, hors de la procédure de garde à vue et des garanties qu'elle comporte, afin de faire face à l'afflux du nombre d'étrangers en situation irrégulière et d'éviter un engorgement des procédures, c'est toujours dans l'intérêt des personnes concernées et avec leur accord ;
- concernant ce qu'il est convenu d'appeler le délit de solidarité, actuellement examiné à l'Assemblée nationale, il est clair qu'il ne jouera pas dans le cas d'une assistance humanitaire apportée à un étranger en situation irrégulière. Même dans les cas où la personne concernée est entendue dans le cadre d'une enquête, il n'existe aucun exemple d'une personne poursuivie ou condamnée pour avoir porté secours à un étranger en situation illégale.
M. Serge Larcher, président, a considéré qu'une application stricte de ce délit de solidarité pourrait conduire à faire de la société guyanaise un Etat policier, compte tenu du nombre important d'étrangers en situation irrégulière.
Interrogé par Mme Lucienne Malovry sur le nombre de récidive en matière d'immigration clandestine outre-mer, M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, a estimé que malgré l'absence d'études précises sur cette question, le phénomène était certainement important.
Observant que l'immigration clandestine se manifestait soit par un franchissement illégal de la frontière, soit par une arrivée régulière suivie d'un maintien sur le territoire après expiration du titre de séjour, M. Daniel Marsin s'est interrogé sur la possibilité de mettre en place un système d'enregistrement des entrées et des sorties du territoire.
En réponse, M. Daniel Dubois, directeur central adjoint de la police aux frontières, a indiqué que la mise en place d'un tel système, utilisant la technique de la biométrie, était à l'étude au sein de l'Union européenne et qu'une expérimentation était actuellement conduite à La Réunion, avec l'accord de la CNIL.
Audition de M. Stéphane Diémert, sous-directeur, chargé de mission auprès du secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer
Puis la mission a entendu M. Stéphane Diémert, sous-directeur, chargé de mission auprès du secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer.
Après que M. Serge Larcher, président, eut rappelé que la réforme constitutionnelle du 18 juillet 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République avait offert aux départements et régions d'outre-mer des facultés nouvelles en matière d'organisation institutionnelle et statutaire et qu'une réforme des structures de l'Etat concernant l'outre-mer était engagée depuis près de deux ans, M. Stéphane Diémert, sous-directeur, chargé de mission auprès du secrétaire d'Etat chargé de l'outre-mer, a rappelé que depuis lors la Constitution offrait aux collectivités territoriales d'outre-mer la possibilité d'être régies par deux régimes juridiques : celui de l'article 73 et celui de l'article 74, le statut de collectivité d'outre-mer ne devant pas apparaître comme un statut mineur.
Il a souligné que le changement éventuel de statut des départements d'outre-mer n'avait aucune incidence sur l'appartenance de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion au statut de région ultrapériphérique de l'Union européenne prévu par l'article 299 du traité instituant la Communauté européenne.
Evoquant les possibilités d'évolution ouvertes par l'article 73, il a indiqué que ce dernier permettait en premier lieu la création d'une assemblée commune aux collectivités départementale et régionale, la question du mode de scrutin devant être appliquée à une telle assemblée restant néanmoins posée, puisque dans sa décision du 2 novembre 1982, le Conseil constitutionnel avait censuré l'évolution institutionnelle envisagée par le législateur en raison du mode de scrutin retenu. Il a néanmoins estimé que le mode de scrutin choisi dans le cadre de l'article 73 pourrait comporter des adaptations par rapport au droit commun.
Il a souligné que l'article 73 permettait, en second lieu, de substituer au département et à la région une collectivité unique, le législateur bénéficiant dans ce cadre d'une très grande liberté pour mettre en place une organisation institutionnelle spécifique, citant la possibilité d'un exécutif collégial responsable devant une assemblée délibérante ou l'attribution à la collectivité unique de compétences plus étendues que celles actuellement dévolues aux départements et à la région.
Analysant les facultés d'évolution offertes par l'article 74 de la Constitution, M. Stéphane Diémert a fait observer que la liberté du législateur était encore plus importante puisque s'imposait seulement à lui le respect des principes constitutionnels communs ainsi que des compétences régaliennes mentionnées par la Constitution. Il a précisé que, pour le reste, l'organisation institutionnelle pouvait être librement définie, que le régime législatif pouvait être celui de l'identité législative -à l'instar de Saint-Pierre-et-Miquelon ou Saint-Barthélemy-, ou de l'autonomie législative -à l'exemple des îles Wallis et Futuna ou de la Polynésie française-, et que la répartition des compétences entre l'Etat et la collectivité pouvait contribuer à donner une plus grande part à la collectivité, comme en Polynésie, ou à l'inverse à l'Etat. Il a précisé que si l'article 74 permettait de s'affranchir totalement du principe d'identité législative, il ne permettait pas à la collectivité de s'auto-organiser.
Il a indiqué qu'en cas de transfert à la collectivité de compétences dans des domaines relevant du champ d'application du droit communautaire, la collectivité devenait elle-même responsable de la bonne exécution des obligations européennes.
Il a souligné qu'en général les collectivités relevant de l'article 74 bénéficiaient de l'autonomie fiscale et avaient des relations financières spécifiques avec l'Etat, évoquant sur ce point la situation de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Il a ajouté que la question d'une telle autonomie pouvait néanmoins se poser différemment sur un plan politique pour des collectivités plus largement peuplées, telles que les départements d'outre-mer.
Abordant les modalités procédurales permettant l'évolution institutionnelle et statutaire des collectivités territoriales d'outre-mer, M. Stéphane Diémert a souligné que la Constitution organisait une consultation obligatoire des électeurs des collectivités concernées soit dans le cadre d'une évolution à l'intérieur de l'article 73, soit à l'occasion d'un changement de régime pour passer de l'article 73 à l'article 74 ou inversement. Il a précisé que la décision de consultation des électeurs relevait du pouvoir du Président de la République, le Conseil d'Etat exerçant un contrôle juridictionnel restreint sur la question posée aux électeurs.
Il a suggéré que, lors des prochaines demandes d'évolution statutaire ou institutionnelle, les référendums portent non sur une question unique mais sur deux questions distinctes, à l'instar de ce qui avait été soumis aux électeurs lors du référendum du 21 octobre 1945 sur les pouvoirs de l'assemblée nouvellement élue. Il a estimé que rien n'interdirait qu'une première question adressée aux électeurs porte sur un éventuel changement statutaire et que, en cas de réponse négative à cette interrogation, une seconde question permette aux électeurs de se prononcer sur une évolution institutionnelle dans le cadre de l'article 73.
A une question de M. Eric Doligé, rapporteur, sur les demandes d'évolution statutaire ou institutionnelle exprimées dans les différents départements d'outre-mer, M. Stéphane Diémert a rappelé que Mayotte venait de se prononcer pour sa transformation en un département d'outre-mer et, qu'à l'inverse, La Réunion ne semblait pas souhaiter modifier ses institutions, alors qu'en Martinique et en Guyane, une volonté d'être soumis à l'article 74 s'exprimait. Il a indiqué qu'aucune position officielle n'avait été exprimée en Guadeloupe en dépit de l'orientation de certains élus en faveur d'une évolution institutionnelle ou statutaire.
M. Daniel Marsin ayant demandé si le maintien du statut communautaire des départements d'outre-mer en cas d'évolution statutaire était soumis au respect de certaines conditions, M. Stéphane Diémert a insisté sur le fait que le passage du régime de l'article 73 à celui de l'article 74 était sans conséquence sur le statut européen des départements d'outre-mer, soulignant que l'article 299 du traité instituant la Communauté européenne faisait référence aux départements d'outre-mer en tant qu'entités géographiques ; M. Serge Larcher, président, a ajouté que le traité de Lisbonne avait substitué aux départements d'outre-mer une référence expresse à la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion.
M. Stéphane Diémert a en revanche souligné que la transformation statutaire pouvait avoir des conséquences pour l'application du droit communautaire, la collectivité ayant l'obligation de respecter les dispositions du droit communautaire relevant de son domaine de compétences, illustrant son propos par l'exemple de Saint-Barthélemy, compétent dans le domaine de l'environnement. Il a précisé que, au regard du droit communautaire, l'Etat restait responsable de la mauvaise application des prescriptions communautaires par une collectivité relevant de l'article 74 et que, corrélativement, la loi statutaire devait prévoir un pouvoir de substitution du représentant de l'Etat en cas de défaillance de la collectivité.
M. Daniel Marsin s'étant interrogé sur la différence conceptuelle entre évolution statutaire et évolution institutionnelle, M. Stéphane Diémert a répondu que l'évolution statutaire visait un changement de régime, c'est-à-dire un passage de l'article 73 vers l'article 74 ou inversement, tandis que la notion d'évolution institutionnelle recouvrait les modifications intervenant dans le cadre soit de l'article 73, soit de l'article 74.
A la question de M. Daniel Marsin sur les effets d'un changement de statut pour l'application des dispositions de droit commun relatives à la santé, au travail et à la protection sociale, M. Stéphane Diémert a précisé que le transfert de la compétence en ces matières devait être traité au cas par cas par le statut de chaque collectivité, en précisant que ces matières continuaient à relever de la compétence de l'Etat à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, nonobstant leur transformation récente en collectivité d'outre-mer.
M. Serge Larcher, président, a regretté que les consultations des électeurs intervenues en 2003 en Guadeloupe et en Martinique sur la question d'une éventuelle évolution institutionnelle se soient adossées à des questions qui n'avaient pas permis à la population de se prononcer en connaissance de cause sur l'étendue des compétences transférées.
M. Stéphane Diémert a indiqué que, dans un avis rendu en 2003, le Conseil d'Etat avait estimé qu'il n'appartenait pas au Gouvernement de soumettre à la consultation des électeurs une question détaillant les orientations retenues dans le cadre du futur statut, une telle possibilité étant jugée comme attentatoire à la loyauté de la consultation référendaire.
Il a néanmoins précisé qu'en vue de ces consultations les élus de Martinique et de Guadeloupe avaient élaboré des documents d'orientation dont les termes avaient été rappelés par le Gouvernement à l'occasion du débat intervenu au Sénat et à l'Assemblée nationale, préalablement à ces consultations.
M. Georges Patient s'est demandé si le fait de doter une collectivité de l'autonomie fiscale avait pour effet de faire perdre à celle-ci les avantages dont elle peut actuellement bénéficier dans le cadre de l'article 73.
M. Stéphane Diémert a précisé que la transformation d'un département d'outre-mer en une collectivité régie par l'article 74 n'imposait pas nécessairement de doter cette dernière de l'autonomie fiscale.
M. Serge Larcher, président, a souligné que la question essentielle était celle de l'ampleur et de la nature des compétences transférées à la collectivité, M. Jean-Paul Virapoullé rappelant que certaines matières énumérées par l'article 74 de la Constitution ne pouvaient faire l'objet d'un transfert.
M. Georges Patient l'ayant interrogé sur le calendrier de consultation des électeurs dès lors qu'un document d'orientation était adopté par les élus, M. Stéphane Diémert a indiqué que cette décision relevait du président de la République, sur proposition du Gouvernement ou sur proposition conjointe de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. Denis Detcheverry s'interrogeant sur l'intérêt que présente le passage du régime de l'article 73 vers celui de l'article 74, compte tenu des larges facultés d'adaptation offertes par l'article 73, M. Stéphane Diémert a indiqué que les deux régimes pouvaient permettre d'aboutir à des organisations institutionnelles très proches, avec toutefois deux différences : la nécessité d'adopter une loi organique statutaire dans le cadre de l'article 74 et l'impossibilité de remettre en cause le principe de l'assimilation législative, du fait de sa portée constitutionnelle, dans le cadre de l'article 73.
A M. Georges Patient qui s'inquiétait du régime applicable aux communes dans le cadre statutaire de l'article 74, M. Stéphane Diémert a souligné que se posait effectivement la question de savoir comment accorder aux communes le même principe de libre administration que celui reconnu par l'article 72 de la Constitution. Il a jugé nécessaire, pour les statuts de ces collectivités, de prévoir expressément le bénéfice de ce principe pour les communes situées sur leur territoire.
M. Bernard Frimat a relevé que cette problématique était présente en Polynésie française, tout en soulignant que le projet de loi pour le développement économique des outre-mer venait, lors de son examen à l'Assemblée nationale, de procéder à la validation d'une ordonnance réformant le régime communal dans cette collectivité, texte pourtant devenu caduc faute d'avoir fait l'objet d'une ratification expresse dans les conditions prévues par l'article 74-1 de la Constitution. Il lui a semblé que ce procédé était juridiquement inacceptable, même si sur le fond les modifications opérées par l'ordonnance étaient pertinentes.
M. Stéphane Diémert a indiqué que le retard pris pour ratifier ce texte, qui s'expliquait en partie par la faiblesse des moyens dévolus au secrétariat d'Etat chargé de l'outre-mer, ne devait pas masquer les évolutions permises par l'ordonnance, qui permettait de mettre fin à l'application du régime de tutelle administrative s'exerçant sur les communes polynésiennes, en complet décalage avec la situation de l'ensemble des autres communes françaises depuis 1982. Il a estimé que rien n'interdisait au Parlement de procéder à une telle mesure de validation, dans le respect de l'autorité de la chose jugée.
Puis M. Serge Larcher, président, a demandé si, dans le cadre de l'évolution statutaire des départements d'outre-mer, il serait possible de s'inspirer du régime spécifique imaginé pour la ville de Paris.
M. Stéphane Diémert a répondu que l'organisation de la ville de Paris résultait de contraintes spécifiques, notamment des compétences accordées au préfet de police, et que le système institutionnel retenu ne lui semblait pas entièrement transposable outre-mer.
A M. Georges Patient qui s'interrogeait sur les suites qui seraient données, pour l'outre-mer, aux propositions d'évolution institutionnelle énoncées par le comité pour la réforme des collectivités locales, présidé par M. Edouard Balladur, M. Stéphane Diémert a indiqué que si ce comité avait proposé l'institution, dans les départements et régions d'outre-mer, d'une assemblée unique, l'évolution institutionnelle outre-mer était désormais déconnectée de celle de la métropole, même si la question du mode de scrutin retenu en cas de fusion des élections des conseillers régionaux et départementaux, proposé par le comité, aurait sans doute une incidence sur les choix opérés par la suite dans les départements d'outre-mer.
Audition de M. Colin Niel, chef de bureau des parcs nationaux et des réserves à la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT)
La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Colin Niel, chef de bureau des parcs nationaux et des réserves à la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT).
M. Colin Niel a rappelé qu'il a été rapporteur des travaux du comité opérationnel (dit « COMOP 27 ») consacré à l'outre-mer tenu en juillet 2008 et présidé par Mme Nassimah Dindar, Présidente du conseil général de La Réunion.
Il a précisé que le COMOP 27 avait pour objet la déclinaison opérationnelle des sept engagements du Grenelle spécifiques à l'outre-mer (engagements 174 à 180), présentés de manière détaillée dans le document de référence « Vers un outre-mer exemplaire », ainsi que le suivi des actions spécifiques à l'outre-mer, issues des autres engagements du Grenelle et sous la responsabilité d'autres COMOP.
Il a aussi indiqué que, compte tenu du champ d'action très large couvert par le COMOP 27, les travaux s'étaient organisés en ateliers reprenant les engagements du Grenelle et auxquels avaient participé des élus et personnalités d'outre-mer.
Après avoir cité les atouts représentés par l'outre-mer pour la France, en termes de superficie maritime et de biodiversité notamment, et relevé que 14 des éco-régions françaises étaient situées outre-mer, il a évoqué les nombreuses contraintes pesant sur elles : risques naturels, effets du changement climatique, retard des infrastructures, dépendance énergétique...
Enfin, il a énuméré les huit domaines sur lesquels les propositions du COMOP s'étaient concentrées (l'énergie, les déchets, les risques naturels, la biodiversité, les activités extractives, les eaux, la pollution et la santé), soit un coût total, pour la période des cinq années de mise en oeuvre du Grenelle, estimé à 1,6 milliard d'euros.
Répondant à M. Eric Doligé, rapporteur, sur le risque d'un conflit d'intérêts entre les territoires, ceux à protéger et ceux à développer, M. Colin Niel a réfuté l'idée d'une opposition entre protection et développement dans le domaine des espaces protégés, citant l'exemple des parcs naturels régionaux qui marient les deux problématiques, avec un centre protégé et la périphérie accueillant les activités de développement.
M. Jean-Paul Virapoullé a proposé de valoriser l'outre-mer dont le patrimoine est trop ignoré en partant d'une évaluation préalable et complète par des experts, par exemple ceux de la Commission européenne, afin de mieux déterminer les moyens à engager ; il a demandé si le parc régional à La Réunion pouvait être un obstacle au développement agricole local.
M. Colin Niel a rappelé que ce projet était largement porté par des élus locaux et qu'il existait de nombreux exemples de valorisation économique à partir d'un parc régional, citant notamment le cas de la Guadeloupe.
A M. Georges Patient qui regrettait que la Guyane soit mise « sous cloche », 50 % au moins du territoire étant interdit d'exploitation des ressources naturelles pour des raisons environnementales, et qui a rappelé que le schéma minier, du fait de son élaboration par l'Etat et non par les élus locaux, était largement rejeté par ces derniers, M. Colin Niel a indiqué que la planification dans ce domaine était un processus de long terme.
Enfin, M. Jean-Paul Virapoullé a insisté sur le fait que l'outre-mer vivait « un tournant » de son histoire nécessitant une évolution rapide des mentalités et sur la nécessité absolue d'une évaluation préalable en vue d'une valorisation effective de ses atouts.
Audition de M. Jean-Pierre Bastié, inspecteur général de l'agriculture
Puis la mission a auditionné M. Jean-Pierre Bastié, inspecteur général de l'agriculture, qui a précisé d'emblée la position atypique de la Mission de liaison et de coordination pour l'outre-mer (ML-DOM) qu'il dirige auprès de l'administration centrale du ministère de l'agriculture et de la pêche, celle-ci étant chargée d'apporter un appui fonctionnel au cabinet et de coordonner l'action des directions générales du ministère sur les questions de l'outre-mer. A titre personnel, M. Richard Samuel lui a aussi confié, dans le cadre des Etats généraux de l'outre-mer, la fonction de rapporteur sur le sujet des produits locaux.
S'agissant des secteurs de l'agriculture et de la pêche, M. Jean-Pierre Bastié a précisé l'importance de l'outil que représente le programme POSEI pour la France, doté par l'Europe de 273,4 millions d'euros par an et non limité dans sa durée.
Après avoir évoqué les faiblesses de l'outre-mer, il a mis en exergue ses forces : une croissance et un niveau de qualification supérieurs à la majorité des pays voisins, l'opportunité d'exporter vers le marché européen, un réel savoir-faire dans des productions agricoles respectant les normes environnementales, le rôle des centres de recherche et des connaissances dans le domaine phytosanitaire...
En ce qui concerne les outils disponibles, outre le programme POSEI, il a évoqué le programme de développement rural qui permet de verser environ 200 millions d'euros par an aux DOM, les contrats de projet Etat-Région (13 millions d'euros) et le l'ODEADOM (6 millions d'euros). Il a également cité la caisse de développement de l'aménagement rural, les pôles d'excellence rurale et les pôles de compétitivité, même si la situation est variable selon les DOM.
Cependant, M. Jean-Pierre Bastié a dressé un constat très alarmant concernant l'évolution de la surface agricole utile (SAU), en recul partout dans les DOM à l'exception de la Guyane, en raison du phénomène de concentration des exploitations et de la diminution du poids relatif de l'agriculture face à la tertiarisation.
Quant à la loi LODEOM, il a salué les avancées que constituent la meilleure valorisation des écoproduits agricoles et l'aide pour baisser les surcoûts des intrants, en plus de l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti et le dispositif de défiscalisation des investissements, tout en appelant à la vigilance sur les décrets d'application à venir.
Pour le développement économique des DOM, M. Jean-Pierre Bastié a insisté sur l'importance de trois sujets :
- la politique de recherche et de développement : le rôle des instituts tels que l'IRA ou le CIRAD et du FEDER est important mais des problèmes de méthode et de valorisation persistent ; il faudrait aider les chambres d'agriculture à mieux exprimer les besoins et mettre en place un projet global de formation ; les lycées professionnels pourraient être dotés de conseils exécutifs et créer des pépinières de jeunes agriculteurs, par exemple ;
- le foncier : la situation est gravissime aux Antilles et on considère que, dans vingt ou trente ans, il n'y aura plus de SAU (surface agricole utile), d'où la nécessité d'un véritable « plan Marshall du foncier », alors même qu'il existe des outils comme les SAFER ; il faudrait généraliser la création d'observatoires du foncier et accompagner la reconversion des agriculteurs victimes du chlordécone ;
- les financements : il faudrait étendre les dispositifs métropolitains qui n'existent pas pour l'outre-mer (fonds de garantie, capital risque, prêts bonifiés, dotations jeunes agriculteurs...).
A cet égard, il a estimé que les Etats généraux étaient très importants pour faire mûrir un projet de développement endogène bénéficiant d'un appui public plus performant.
Puis M. Jean-Pierre Bastié a évoqué la question des biocarburants qui a fait l'objet d'une étude des Mines en 2006 (rapport Dupré), concluant en faveur du développement de la bagasse et de la filière bois, surtout en Guyane qui a un potentiel énorme et a fait un vrai travail de certification.
Répondant aux questions de M. Eric Doligé, rapporteur, il a insisté sur la gravité de la situation foncière, rappelant qu'une construction nouvelle sur deux en Guadeloupe était réalisée sans permis de construire.
M. Georges Patient a déploré que 75 % des agriculteurs guyanais n'aient pas de titre foncier, lourd handicap pour l'obtention de prêts, et a rappelé que la surface agricole utile représentait 25 000 ha, soit 0,30 % du territoire.
M. Jean-Paul Virapoullé a jugé qu'il y a un besoin d'évaluation des atouts et des handicaps de l'outre-mer, citant l'exemple de La Réunion, qui est passée d'un système de monoculture à la diversification « à la manière bretonne » et à l'agrotourisme. Il a suggéré l'organisation d'une conférence inter-DOM pour mettre en commun les expériences réussies, les évaluer et les décliner en termes de moyens (formation, foncier, financement). Il a considéré que les défaillances de l'Etat en matière d'évaluation des potentiels de l'outre-mer illustre le fait que celui-ci « ne croit pas en l'outre-mer ». Il a proposé la création d'un fonds capital risque défiscalisé et le développement de la mobilité des jeunes avec des stages d'élèves issus des lycées professionnels de métropole.
Audition de M. Christian Vitalien, professeur associé à l'université des Antilles et de la Guyane
Enfin, la mission a entendu M. Christian Vitalien, professeur associé à l'université des Antilles et de la Guyane.
M. Serge Larcher, président, a interrogé M. Christian Vitalien sur les possibilités d'évolution institutionnelle et statutaire offertes par la Constitution depuis la révision constitutionnelle de 2003.
M. Christian Vitalien a expliqué que la loi du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République permettait d'envisager quatre scenarii d'évolution pour les départements et collectivités d'outre-mer.
Il a indiqué en premier lieu que l'article 73 de la Constitution répondait aux difficultés posées dans les départements et régions d'outre-mer par l'existence de deux assemblées délibérantes distinctes, en offrant la possibilité de mettre en place une assemblée unique, commune au département et à la région, dotée d'une dualité fonctionnelle. Il a précisé que la question du mode d'élection devant être retenu pour cette assemblée unique se posait dans la mesure où le Conseil constitutionnel avait sanctionné le mode de scrutin spécifique envisagé par le législateur en 1982.
Il a exposé que l'article 73 permettait, en second lieu, de fusionner les collectivités départementale et régionale en créant une collectivité unique exerçant les compétences du département et de la région. Il a rappelé que cette fusion avait été proposée en 2003 aux électeurs de la Guadeloupe et de la Martinique mais s'était soldée par un refus.
Il a précisé qu'en tout état de cause l'article 73 ne permettait pas de déroger au principe d'assimilation législative, bien que dans des domaines spécifiques certaines mesures relevant du domaine de la loi puissent être exercées par la collectivité.
Evoquant les évolutions statutaires autorisées par l'article 74 de la Constitution, M. Christian Vitalien a rappelé que le régime des collectivités d'outre-mer avait été créé en 2003 afin de mettre en place un « moule unique » rassemblant les anciens territoires d'outre-mer, caractérisés par une grande diversité de statuts. Il a précisé que cette disposition permettait à des départements d'outre-mer de se transformer en collectivités d'outre-mer, ce qui implique en particulier l'adoption d'une loi organique définissant leurs statuts. Il a indiqué que cette loi organique avait pour objet de déterminer les conditions dans lesquelles la loi et les règlements doivent s'appliquer sur le territoire de la collectivité, soit dans le cadre d'un régime d'identité législative, soit dans celui d'un régime de spécialité législative.
Il a fait observer que l'article 74 offrait une très grande souplesse puisque le statut de la collectivité pouvait donner à celle-ci une compétence de principe, l'Etat ne disposant alors que d'une simple compétence d'attribution, comme c'est le cas en Polynésie française, ou pouvait au contraire retenir un principe d'assimilation en prévoyant l'octroi à la collectivité de simples compétences d'attribution, à l'instar de ce qui a été prévu à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
Il a également précisé que l'article 74 permettait de créer des collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie, ce qui lui semblait constituer une catégorie spécifique de collectivités.
M. Christian Vitalien a ensuite estimé qu'il subsistait encore, dans les discours officiels, une équivoque sur les incidences d'un changement de statut des départements d'outre-mer quant à leur appartenance à la catégorie des régions ultrapériphériques de l'Union européenne. Il a mis en exergue le fait qu'une modification statutaire n'avait, en elle-même, aucune incidence sur le statut communautaire d'une collectivité située outre-mer, mais qu'en revanche l'étendue des compétences transférées pouvait conduire une collectivité à perdre son statut de région ultrapériphérique. Il a expliqué que tel était le cas si le statut de la collectivité transférait à celle-ci l'exercice de compétences dévolues à l'Union européenne. Il a souligné que le statut de Saint-Barthélemy prévoyait ainsi qu'en cas de transfert à cette collectivité de la compétence douanière, Saint-Barthélemy deviendrait un pays et territoire d'outre-mer au sens du traité instituant la Communauté européenne.
Il a donc conclu qu'il n'y avait pas d'effet mécanique associé à un changement de statut et que tout dépendait des dispositions particulières de la loi organique.
Après avoir rappelé que des volontés d'évolutions institutionnelle et statutaire avaient surgi dès 2003 en Martinique et en Guadeloupe mais s'étaient alors heurtées au refus des électeurs, M. Christian Vitalien a précisé que des demandes d'évolution étaient à nouveau aujourd'hui formulées en Martinique et en Guyane.
Il a précisé qu'en Guyane, premier département à avoir historiquement souhaité voir son organisation institutionnelle évoluer, le congrès des élus régionaux et départementaux avait adopté un avant-projet de document d'orientation, le 18 décembre 2008, envisageant la transformation de la Guyane en une collectivité unique régie par l'article 74 de la Constitution.
S'agissant de la Martinique, il a indiqué que le congrès des élus avait adopté également, le 12 janvier 2009, le principe d'une évolution statutaire dans le cadre de l'article 74, sans que la question de savoir si la nouvelle collectivité serait dotée de l'autonomie ait été précisée.
Il a indiqué qu'en cas de transformation en collectivité d'outre-mer se posait la question de savoir si le statut envisagé pouvait donner compétence à la collectivité pour prendre des mesures destinées à protéger l'emploi local ou à limiter les acquisitions foncières. Il a souligné que ce type de dispositions figurait déjà dans le statut de certaines collectivités d'outre-mer, telles que la Polynésie française s'agissant de l'emploi local et Saint-Barthélemy et Saint-Martin s'agissant de l'acquisition de biens fonciers. Il a cependant fait observer que le Conseil constitutionnel n'autorisait ce type de dispositions que dans la mesure où elles respectaient le principe d'égalité des citoyens devant la loi et étaient conformes aux obligations internationales de la France. Or, il a précisé que certaines règles du droit communautaire, à commercer par le principe de libre circulation, semblaient mettre en cause ce type de dispositif.
A l'interrogation de M. Daniel Marsin sur le contenu de la distinction souvent faite entre évolution institutionnelle et évolution statutaire, M. Christian Vitalien a rappelé que cette distinction avait été initiée historiquement dans les Antilles afin de différencier les modifications qui n'avaient pour objet que de modifier a minima l'organisation institutionnelle actuelle de celles qui tendaient à un bouleversement institutionnel. Il a toutefois précisé que ce type de distinction répondait à des considérations, non juridiques, mais politiques. Il a indiqué qu'aujourd'hui les juristes estimaient être en présence d'une évolution institutionnelle lorsqu'une modification des structures était envisagée sans remise en cause des conditions d'application de la loi nationale sur le territoire, tandis que le passage du régime de l'article 73 à celui de l'article 74, ou inversement, pouvait être qualifié d'évolution statutaire.
M. Georges Patient a indiqué que les élus guyanais s'interrogeaient sur la possibilité de voir la Guyane se transformer en une collectivité sui generis, à l'instar de la Nouvelle-Calédonie.
M. Christian Vitalien a souligné que l'article 74 permettrait de doter la Guyane d'un statut très particulier et distinct des autres statuts existants. Rappelant que la Nouvelle-Calédonie disposait d'un statut constitutionnel propre, il a souligné que le recours à une collectivité sui generis impliquerait une révision constitutionnelle et ne se justifierait que si le cadre juridique et institutionnel s'écartait résolument des contraintes prévues par la Constitution.
M. Georges Patient a fait observer que le débat public organisé en Guyane sur l'évolution statutaire avait fait naître l'hostilité d'une certaine partie de la population, avec la crainte souvent exprimée qu'une plus grande autonomie ne conduise à l'indépendance pure et simple, n'aboutisse à la perte des avantages sociaux, ne réduise les ressources des collectivités locales, n'entraîne la perte du statut de région ultrapériphérique et n'aboutisse à favoriser l'immigration illégale en raison du désengagement de l'Etat.
M. Christian Vitalien a répondu que les compétences de police n'étaient pas transférables et resteraient, en tout état de cause, du ressort de l'Etat, quelle que soit l'évolution statutaire envisagée. S'agissant de la question de la perte des avantages acquis, il a rappelé que cette crainte avait déjà été exprimée en 1982 et qu'il convenait de faire un travail de pédagogie vis-à-vis de la population, l'évolution statutaire n'impliquant pas la suppression de l'application des lois sociales dans la collectivité. Il a précisé que les statuts de Saint-Barthélemy et Saint-Martin avaient maintenu un principe d'assimilation législative s'agissant des droits sociaux et qu'une collectivité pouvait, bien entendu, choisir de récupérer la compétence en matière sociale, comme l'avait fait la Polynésie française, mais que cela nécessitait de prendre la mesure des moyens nécessaires. Il a expliqué que les lois organiques statutaires prévoyaient généralement, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, des mécanismes de compensation mais que cela n'exonérait pas de la mise en place de services spécifiques.
M. Jean-Paul Virapoullé a rappelé qu'en matière institutionnelle La Réunion avait adopté une approche très prudente, les Réunionnais aspirant à un cadre institutionnel stable, et a qualifié cette approche de raisonnable et volontariste. Demandant si, hors la compétence douanière, d'autres transferts étaient susceptibles d'entraîner la déchéance de la qualité de région ultrapériphérique (RUP), M. Christian Vitalien lui a répondu que l'ensemble des compétences relatives à la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux étaient concernées.
Mercredi 6 mai 2009
- Présidence de M. Serge Larcher, président -Audition de MM. Christian Garin, président des Armateurs de France, et Joël Gentil, vice-président de CMA CGM Antilles-Guyane
Au cours d'une première réunion tenue le matin, la mission a entendu MM. Christian Garin, président des Armateurs de France, et Joël Gentil, vice-président de CMA CGM Antilles-Guyane.
Après avoir rappelé qu'Armateurs de France était l'organisation professionnelle des entreprises françaises de transport et de services maritimes regroupant tous les secteurs d'activité maritime, M. Serge Larcher, président, a souligné le rôle clé du fret maritime outre-mer : les départements d'outre-mer (DOM) recourent en effet essentiellement à un transport extérieur de marchandises maritime. Il a relevé que le coût du transport était souvent cité comme contribuant au niveau élevé des prix, notamment dans le cadre du récent conflit qui a touché les DOM.
M. Christian Garin, président d'Armateurs de France, a tout d'abord relevé le grand déséquilibre des flux entre la métropole et les DOM, les importations en direction de ces derniers étant d'un niveau largement supérieur à celui des exportations. Cette situation explique que de nombreux navires reviennent à vide de ces départements.
Pour La Réunion, les importations représentent ainsi quelque 110 000 équivalents vingt pieds (EVP) ou conteneurs par an, contre 17 000, en flux retour, pour les exportations. Les importations représentent 62 000 EVP par an pour la Martinique et 55 000 EVP par an pour la Guadeloupe, contre respectivement 18 000 EVP et 9 400 EVP pour les exportations. L'asymétrie est encore plus importante pour la Guyane avec 21 000 EVP par an à l'import contre 1 600 EVP à l'export.
M. Christian Garin a ensuite souligné que les deux grands marchés des Antilles et de La Réunion étaient marqués par une réelle concurrence, avec la présence de cinq armements à La Réunion et de six armements aux Antilles. Si l'entreprise CMA-CGM, acteur historique du fret ultra-marin jouit d'une position dominante, le nombre d'acteurs empêche toute position monopolistique. En Guyane cependant, seulement deux armateurs se partagent un marché étroit et marqué par d'importantes difficultés logistiques.
Il a indiqué que le prix d'un conteneur de quarante pieds s'élevait, hors frais de manutention, à 3 000 € environ aux Antilles et à 3 900 € en Guyane ou à La Réunion. Afin d'illustrer l'impact du fret sur le prix des produits de grande consommation, il a cité les exemples suivants :
- pour un litre de lait : 10 centimes d'euros à La Réunion et en Guyane et 9 aux Antilles ;
- pour un litre d'huile : 12 centimes d'euros à La Réunion et en Guyane et 11 aux Antilles ;
- pour un kilogramme de pommes de terre : 12 centimes d'euros à La Réunion, 18 aux Antilles et 22 en Guyane.
Tout en précisant que ce coût ne prenait pas en compte le coût du chargeur, il a souligné que ces chiffres étaient très éloignés de ceux parfois avancés. Il a également rappelé que la tarification était faite en fonction des volumes transportés et non du prix des marchandises transportées.
M. Christian Garin a enfin souligné que la comparaison avec les autres marchés, notamment le marché asiatique, n'était pas pertinente, notamment du fait de la taille limitée des marchés des DOM et de la capacité proportionnelle des navires assurant la desserte qui ne permettaient pas les économies d'échelle ainsi que de la fluctuation saisonnière importante de l'offre et de la demande.
M. Eric Doligé, rapporteur, s'est interrogé sur une éventuelle évolution des volumes du fret au cours des derniers mois et sur la possibilité d'une diminution de son coût si de nouveaux marchés locaux venaient à se développer.
M. Christian Garin a souligné qu'aujourd'hui 90 % des flux concernant La Réunion, et presque 100 % aux Antilles et en Guyane, étaient en provenance ou en direction de l'Europe, illustrant le maintien du lien historique entre ces départements et la métropole et la faiblesse de l'insertion dans l'environnement régional.
M. Joël Gentil, vice-président de CMA CGM Antilles-Guyane, a précisé que les volumes de marchandises transportées avaient diminué de près de 39 % depuis le début de l'année 2009 entre la métropole et la zone Antilles-Guyane. Par ailleurs, il a indiqué que le maillage de CMA CGM était important dans la Caraïbe, l'entreprise ayant même mis en place un service spécifique entre les Antilles et la Guyane, représentant aujourd'hui un volume de 60 EVP par semaine.
En réponse à une question de M. Eric Doligé, rapporteur, M. Christian Garin, a indiqué que le transport maritime des personnes était limité vers les DOM. Il a également souligné que le volume de 60 EVP par semaine évoqué pour le fret entre les départements des Antilles et la Guyane devait être comparé aux 2 000 EVP arrivant chaque semaine en Martinique et en Guadeloupe en provenance de la métropole.
Répondant à M. Henri de Raincourt, M. Joël Gentil a insisté sur le poids marginal du fret dans le prix des produits de première nécessité dans les DOM, l'évaluant à 3 ou 4 %, cette proportion comprenant l'ensemble des opérations, du transporteur en amont à la décharge. Il a également relevé que les prix pratiqués en mars 2009 étaient semblables à ceux pratiqués en mars 2006, le coût du fret n'ayant donc pas contribué au renchérissement du coût de la vie. Il a souligné que les armateurs s'étaient néanmoins engagés dans des actions spécifiques en lien avec la grande distribution afin de participer à l'effort de réduction des prix des produits de première nécessité.
Après avoir confirmé la difficulté des conditions d'exploitation en Guyane, M. Georges Patient a estimé qu'une entente commerciale existait depuis 1995 dans ce département entre les deux compagnies qui y interviennent.
M. Christian Garin a indiqué que les armateurs avaient mis en place un trafic « sur mesure » dans les DOM, ce qui pouvait peser sur les prix. Il a estimé que la régularité de rotation des navires dans ces départements offrait une desserte comparable à celle en vigueur pour l'ensemble du territoire métropolitain. Il a enfin souligné que la stabilité du prix du fret au cours des trois dernières années était d'autant plus remarquable qu'une forte augmentation du prix du baril de pétrole avait caractérisé la période.
M. Joël Gentil a relevé que les compagnies d'armateurs avaient effectué des investissements à hauteur de 180 millions d'euros afin d'assurer une desserte hebdomadaire de la Guyane. Il a par ailleurs nié l'existence d'une entente tarifaire entre les armateurs présents dans ce département, rappelant que d'autres compagnies avaient tenté de s'y implanter mais s'en étaient rapidement retiré.
En réponse à une question de M. Jean-Paul Virapoullé, M. Joël Gentil a indiqué que CMA CGM desservait de nombreuses îles du bassin caribéen, à des tarifs comparables à ceux pratiqués en Martinique ou en Guadeloupe. Il a par ailleurs relevé qu'au début de l'année 2008, le prix du fret entre l'Asie et l'Europe était comparable à celui pratiqué entre l'Europe et les Antilles.
Répondant à M. Denis Detcheverry, il a rappelé que le prix du fret dépendait essentiellement du volume de produits transportés, ceci expliquant les tentatives de regroupement des producteurs afin d'optimiser le remplissage des navires.
M. Serge Larcher, président, a observé que le fait, pour la Martinique, d'exporter deux fois plus que la Guadeloupe, ne lui permettait pas pour autant de bénéficier de tarifs de fret préférentiels. Lui indiquant l'impossibilité de pratiquer un prix différent entre la Guadeloupe et la Martinique, M. Joël Gentil a confirmé que les exportateurs de bananes martiniquais contribuaient à la baisse du prix du fret et à la régularité du service d'approvisionnement.
En réponse à une interrogation de M. Jean-Paul Virapoullé qui faisait valoir l'existence à La Réunion d'un marché de 800 000 habitants, M. Joël Gentil a indiqué que La Réunion ne paraissait pas aujourd'hui le lieu géographiquement le mieux placé sur les routes maritimes pour l'installation d'un port d'éclatement.
Audition de M. Alain Gras, sous-directeur à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)
Puis la commission a entendu M. Alain Gras, sous-directeur à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Après avoir rappelé que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait pour mission d'assurer un fonctionnement loyal et sécurisé des marchés, M. Serge Larcher, président, a rappelé que le niveau et les mécanismes de formation des prix avaient été au coeur du mouvement social qui a touché les DOM au cours des derniers mois.
Après avoir indiqué que la DGCCRF comprenait une direction interrégionale pour les Antilles et la Guyane et une direction départementale à La Réunion, M. Alain Gras, sous-directeur à la DGCCRF, a précisé que ces services, placés sous l'autorité des préfets, travaillaient en fonction d'une directive nationale d'orientation mais aussi d'orientations fixées régionalement : ainsi en 2009, aux Antilles et en Guyane, l'action de la DGCCRF a porté notamment sur la question du chlordécone dans les produits frais, sur les activités touristiques ou sur l'économie souterraine. Il a observé que les effectifs de la direction générale étaient proportionnellement plus importants dans les DOM que dans les départements métropolitains et constitués d'agents polyvalents susceptibles de mener des enquêtes aussi bien en matière de concurrence que de sécurité du consommateur.
S'agissant des engagements pris dans le cadre des négociations menées aux Antilles par la grande distribution en matière de prix de produits de référence, les enquêteurs de la DGCCRF vérifient aujourd'hui que l'affichage est correctement réalisé. Quelques difficultés, qui ne devraient être que temporaires, dans l'approvisionnement de ces produits ont été constatées.
Rappelant que depuis 1986 les prix étaient libres en France, M. Alain Gras a souligné que l'action de la DGCCRF ne pouvait concerner aujourd'hui que les cas d'abus de position dominante ou de pratiques anticoncurrentielles, difficiles à détecter. Il a rappelé que le secrétaire d'État à l'outre-mer avait confié à l'Autorité de la concurrence le soin d'émettre un avis sur la situation des prix dans les DOM : dans ce cadre, la DGCCRF assure un appui technique de cinq enquêteurs à l'Autorité de la concurrence, dont le rapport devrait être rendu public au mois de juin.
Après avoir rappelé la mise en place de l'observatoire des prix et des marges en métropole, il a évoqué plusieurs pistes afin de faire baisser les prix dans les DOM : le renforcement de la concurrence dans la grande distribution par l'installation de nouvelles enseignes ou la fin des marges arrière. Il a souligné que la transparence et la vigilance des acteurs étaient également importantes.
S'agissant du dispositif de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) permettant au Gouvernement de fixer par décret le prix de produits ou de familles de produits de première nécessité, il a estimé qu'un engagement des différents acteurs à faire baisser les prix lui semblait une solution plus efficace.
En réponse à M. Eric Doligé, rapporteur, M. Alain Gras a estimé que les premiers éléments en sa possession semblaient montrer que la grande distribution respectait ses engagements. Il a affirmé ne pas disposer d'éléments suffisants lui permettant de décomposer le prix des produits de première nécessité.
En réponse à M. Serge Larcher, président, il a indiqué qu'une flambée des prix avait été également constatée en métropole dans les mois précédents et que cette flambée avait conduit à la mise en place de l'observatoire des prix et des marges.
M. Jean-Paul Virapoullé a estimé que la DGCCRF n'avait pas fait son travail dans le passé, estimant que certaines situations scandaleuses, comme l'écart de prix entre les DOM et la métropole pour le ciment ou les engrais, auraient dû être dénoncées. Il a estimé que le rapport de l'Inspection générale des Finances sur le prix des carburants mettait en avant de nombreux abus de position dominante, illustrant l'inaction de la DGCCRF dans les dernières années.
Approuvant l'intervention précédente, M. Georges Patient a estimé que la concentration économique constituait un véritable problème dans les DOM.
Après avoir exprimé son scepticisme quant à l'impact sur les prix d'un renforcement de la concurrence dans la grande distribution, M. Henri de Raincourt a souhaité connaître le ratio d'installation des grandes surfaces commerciales dans les DOM par rapport à la métropole.
Après s'être engagé à fournir des éléments chiffrés sur cette question à la mission d'information, M. Alain Gras a souligné la complexité de la situation dans les DOM et a regretté la mise en cause de l'action de la DGCCRF.
Audition de M. Michel Jacquier, directeur général délégué de l'Agence française de développement, et de Mme Odile Lapierre, directrice du département Amériques, Océan indien, Pacifique sud » de l'Agence française de développement
La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Michel Jacquier, directeur général délégué de l'Agence française de développement, et de Mme Odile Lapierre, directrice du département Amériques, Océan indien, Pacifique sud » de l'Agence française de développement.
A titre liminaire, M. Michel Jacquier a appelé de ses voeux des relations au niveau national aussi régulières que celles qui existent au plan local entre les responsables de l'Agence française de développement (AFD) et les élus d'outre-mer.
Puis il a rappelé les trois principaux enjeux actuels de l'outre-mer : premièrement, une autonomie plus forte sur le plan économique, impliquant un développement plus endogène, moins lié à la métropole et plus intégré dans l'environnement régional ; deuxièmement, le traitement des questions environnementales, très pesantes parfois, mais pouvant être aussi des atouts et constituant, dans certains cas, un enjeu mondial ; troisièmement, le maintien ou l'amélioration de la cohésion sociale, compte tenu des défis démographiques et des enjeux liés au capital humain (éducation, formation, santé, habitat, migrations, etc.).
Abordant les actions de l'AFD auprès des différents acteurs locaux, il a indiqué qu'elles s'articulaient autour des trois axes susmentionnés et comportaient :
- pour le développement économique endogène : des actions en faveur du secteur privé (renforcer la compétitivité des entreprises, les accompagner sur les secteurs innovants risqués), des actions auprès du secteur public (participation aux grands projets structurants et à l'élaboration de politiques publiques incitatives) et, dans tous les cas, des mesures visant à favoriser les initiatives de coopération régionale ;
- sur les enjeux environnementaux : la mise à disposition des décideurs publics de l'expertise technique de l'AFD et l'orientation des financements vers des projets préservant les ressources naturelles ;
- pour le renforcement de la cohésion sociale : des appuis aux secteurs de la santé, de l'éducation, du logement et de l'aménagement urbain (financements et conseils) et de l'aide indirecte à l'emploi (en plaçant les PME/TPE au coeur des dispositifs AFD).
S'agissant des modalités d'intervention de l'AFD, M. Jean-Pierre Bastié a précisé que l'aide aux collectivités portait sur la définition et la mise en oeuvre des politiques publiques (globales ou sectorielles), sur le financement bonifié des investissements relevant des priorités sectorielles locales et, enfin, sur la poursuite des actions de restructuration financière des collectivités et de catalyseur des fonds européens perçus par les collectivités.
Vis à vis du secteur privé, il a souligné que l'AFD se positionnait sur des types d'entreprises ou des segments vis-à-vis desquels les financeurs traditionnels sont plus réticents à s'engager, tels que les prêts de longue durée, la micro-finance, les TPE ou la création d'entreprises dans les secteurs innovants.
La palette des outils mis à disposition va de l'offre de crédits bonifiés à moyen terme via les banques, au financement à court terme de la commande publique (OSEO), en passant par la micro-finance et les fonds de garantie (fonds DOM, Sogefom, FGM et FGSPM), ainsi que le capital investissement .
M. Michel Jacquier a détaillé les actions de l'AFD en matière d'habitat et d'aménagement qui visent à remédier à l'insuffisance de l'offre de logements et à accompagner les politiques d'aménagement durable des territoires urbains (excellence architecturale, haute qualité environnementale, technologies modernes de transport et de communication) notamment par le financement bonifié des sociétés d'économie mixte d'aménagement.
A l'avenir, il a annoncé que l'AFD comptait intervenir davantage sur les grands projets structurants, en accompagnant les décideurs par une expertise technique sur les investissements financés, en sensibilisant les autorités publiques aux questions environnementales soulevées par ces projets, ou encore en accompagnant des structures publiques (voire des partenariats public-privé ou des structures privées). L'AFD pourrait venir ainsi en appui dans la définition des stratégies de développement économique, par exemple sur la vie scolaire en Guyane, le port et l'aéroport à La Réunion ou le schéma de développement en Guadeloupe.
Par ailleurs,il a rappelé que l'AFD était chargée de mettre en oeuvre le plan de soutien aux PME en outre-mer, décidé par le Gouvernement et qui vise à renforcer l'offre de financement d'OSEO et de garantie aux crédits bancaires d'investissement pour développer l'activité entrepreneuriale, ainsi qu'à offrir deux nouvelles garanties spécifiques concernant les prêts de consolidation des créances bancaires à court terme et les lignes de crédit court terme confirmées.
Au total, les engagements de l'AFD dans les DOM ont augmenté de plus de 50 % entre 2007 et 2008, passant de 591,4 à 744,6 millions d'euros.
M. Serge Larcher, président, a pris note du fait que l'AFD était demandeuse de contacts institutionnels au plan national.
M. Georges Patient a relevé avec satisfaction le bon fonctionnement de l'AFD en Guyane mais a attiré l'attention sur l'absence de solution pour les communes de Saint Laurent du Maroni et de Roura dont la situation financière est très préoccupante, s'étonnant de l'absence de préfinancement pour les subventions de l'Etat, alors qu'un tel préfinancement existe pour les aides européennes. Il a également regretté que les aides OSEO et BDPME ne puissent s'appliquer correctement en outre-mer, en raison du filtrage opéré par les banques, notamment dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche, et a suggéré la mise en place d'un fonds de garantie spécifique.
M. Jean-Paul Virapoullé a proposé la mise en place, dans le contexte actuel de crise, de conférences réunissant l'AFD, les banques et les présidents des organismes consulaires pour examiner directement les dossiers. Il a souhaité que le Gouvernement consulte les partenaires financiers, comme la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour les décrets d'application concernant les quatre zones franches d'activité créées par la loi LODEOM.
M. Michel Jacquier s'est dit favorable à un véritable audit financier sur la situation des collectivités territoriales citées, à un nouvel examen de la question du préfinancement des subventions de l'Etat, à l'évolution des pratiques bancaires mais sans aller jusqu'à une substitution par l'AFD et a évoqué un élargissement des offres de produits d'accompagnement et un partenariat renforcé avec les régions.
Sur les fonds propres, il a attiré l'attention sur la mise en place d'un système de fonds commun de placement en 2008 à La Réunion qui pourrait être transposé à la Guyane, ainsi que sur ses deux spécificités (l'existence de deux volets, l'un pour les petites entreprises avec un financement région-AFD, l'autre destiné à attirer les investisseurs institutionnels pour le développement d'entreprises plus importantes, et l'accompagnement des entreprises).
Sur le logement social, Mme Odile Lapierre est intervenue pour préciser que l'AFD était favorable au dispositif de défiscalisation sous réserve d'une progressivité et du respect de la mixité sociale. Pour les communes guyanaises, la solution passe, selon elle, par des subventions et non par des prêts. Par ailleurs, l'AFD est favorable à un contact direct avec les entreprises pour « rattraper » certains dossiers (le cas s'est posé en Polynésie) et est prête à aider gratuitement en amont à la restructuration des filières.
Répondant enfin à une question de M. Georges Patient, M. Michel Jacquier a approuvé le principe de réunions locales entre l'AFD et les banques, et d'un préfinancement des aides publiques passant par l'OSEO.
Audition de M. Yves Mansillon, préfet, chargé de l'élaboration du schéma minier en Guyane
Puis la mission a auditionné M. Yves Mansillon, préfet, chargé de l'élaboration du schéma minier en Guyane.
M. Serge Larcher, président, a rappelé qu'à la suite du rejet du projet d'exploitation d'une mine d'or à ciel ouvert sur le site de la montagne de Kaw, le président de la République avait annoncé l'élaboration d'un schéma minier en Guyane, chargeant M. Mansillon de cette tâche.
M. Yves Mansillon, préfet, chargé de l'élaboration du schéma minier en Guyane, a rappelé que le principe du schéma minier guyanais avait été fixé dans le projet de loi de programmation de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement (« Grenelle I ») et que la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) comprenait un article plus précis prévoyant une adoption de ce schéma par décret en Conseil d'Etat. Il a indiqué qu'il avait été choisi, du fait de son expérience d'ancien président de la Commission nationale du débat public (CNDP), afin de mener une mission de concertation et de formuler des propositions.
Dans l'esprit du « Grenelle de l'environnement », il a donc mené des consultations à cinq avec les collectivités territoriales, les acteurs économiques, les associations de défense de l'environnement et les services de l'Etat, se rendant à six reprises en Guyane et entendant près d'une centaine de personnes. L'unique postulat de départ était la mise en place d'une exploitation minière dans le respect de l'environnement.
A également été organisé un véritable séminaire scientifique : le schéma minier doit en effet combiner développement économique et protection de l'environnement. Une carte de la ressource minière existe aujourd'hui, celle du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui indique les présences potentielles des différents minerais, mais cette carte est ancienne et peu opérationnelle pour les entreprises. Il n'existe en revanche aucune carte de la biodiversité guyanaise : dans le cadre de ce séminaire scientifique, ont donc travaillé les différents organismes de recherche et de gestion de la biodiversité. Dix à quinze ans de travaux devraient cependant être nécessaires avant de disposer d'une véritable carte de la biodiversité.
D'un point de vue méthodologique, M. Yves Mansillon a indiqué avoir tout d'abord défini certaines orientations générales :
- favoriser l'activité minière, en assurant une place à toutes les entreprises, des entreprises artisanales aux grands groupes internationaux ;
- prendre en compte pleinement les enjeux environnementaux, l'exploitation légale pouvant faire un certain nombre de progrès ;
- mettre en place un pôle technique minier capable d'aider les entreprises sur un plan administratif et technique.
Il a ensuite travaillé sur la mise en place de règles : en effet, une loi de 1998 a appliqué et adapté le code minier en Guyane. Ces règles, en constante évolution depuis cette date dans le sens d'un durcissement du contrôle avant que le code de l'environnement ne soit appliqué dans le département, constituent des contraintes très importantes pour nombre d'entreprises. Le schéma minier devrait quant à lui être valable pendant dix ans, un bilan devant être réalisé à mi-parcours.
Enfin, il a travaillé sur un zonage avec la définition notamment :
- de zones interdites à l'activité minière, du fait des enjeux en matière de biodiversité, d'eau ou encore du fait de la présence de populations amérindiennes ;
- de zones où des contraintes supplémentaires doivent s'appliquer, par exemple des exigences plus grandes en matière de notices d'impact.
Il a affirmé que ses propositions résultaient de la concertation et que son rapport serait remis sous peu. Le Gouvernement pourra alors rédiger le décret qui sera soumis à la consultation de la population et des collectivités territoriales puis, éventuellement une seconde fois au Conseil d'État avant son adoption définitive au plus tard à la fin 2009.
M. Georges Patient a estimé que le schéma avait été élaboré au mépris des élus de la Guyane et qu'il était rejeté par l'ensemble des élus locaux. Il a regretté notamment qu'il s'impose au schéma d'aménagement régional (SAR) et au schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE), et que l'importance des zones interdites ne laisse que peu de place à l'exploitation minière. Enfin il a noté qu'il ne tenait pas compte de l'importance de l'orpaillage illégal.
En réponse, M. Yves Mansillon a indiqué que l'activité clandestine se situait hors du champ de sa mission, estimant cependant que l'opération exceptionnelle de police lancée en 2008 avait été trop brève et que la lutte contre l'exploitation clandestine constituait un préalable à la mise en oeuvre du schéma minier.
Il a affirmé que les élus locaux avaient été associés à l'ensemble de ses travaux et que si de nombreux maires n'avaient pas répondu à ses invitations, les conseils général et régional s'étaient exprimés.
Il a rappelé que la version originelle du projet de loi prévoyait que le schéma minier prenait en compte le SAR et le SAGE, mais que la logique avait été inversée après le passage du texte devant le Conseil d'État. Il a cependant indiqué que ses premières propositions avaient été faites sur la base du texte originel, soulignant par ailleurs que bon nombre de demandes du conseil régional avaient été retenues.
Il a noté que les zones interdites représentaient aujourd'hui un peu moins de 30 % du territoire guyanais (parc naturel amazonien, réserves naturelles nationales) et que ses propositions conduiraient à faire passer cette proportion à 45 %. En y ajoutant les zones sous fortes contraintes (ces dernières pouvant être très lourdes et donc dissuasives pour les entreprises artisanales), on atteint alors une proportion de 53 % du territoire guyanais.
M. Georges Patient a estimé que ces chiffres montraient qu'une place très réduite serait laissée à l'activité aurifère, contrairement au Surinam où elle constitue un moteur du développement.
Audition de M. Gérard Bally, délégué général d'EURODOM
Lors d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la mission a procédé à l'audition de M. Gérard Bally, délégué général d'EURODOM.
Accueillant M. Gérard Bally, délégué général d'EURODOM, M. Serge Larcher, président, a rappelé que la mission avait effectué, le 15 avril dernier, un déplacement à Bruxelles, au cours duquel elle s'était entretenue avec les conseillers de la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, les représentants des différents services de la Commission européenne chargés des relations avec les régions ultrapériphériques, ainsi qu'avec les représentants des régions ultrapériphériques espagnoles et portugaises. Il a indiqué que, face au resserrement des marges de négociation auprès des instances européennes résultant de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale, il semblait indispensable que la France, en partenariat avec d'autres pays, comme l'Espagne ou le Portugal, agisse encore plus activement au niveau européen afin de promouvoir une action européenne plus forte et plus cohérente en faveur des régions ultrapériphériques.
M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a présenté en introduction les différents organismes de défense des intérêts des régions ultrapériphériques à Bruxelles, qui comprennent EURODOM, association regroupant les différents secteurs économiques des départements français d'outre-mer, l'Union des entreprises des régions ultrapériphériques de la Communauté (UPEC), dont EURODOM est la composante domienne et qui rassemble les différents intérêts économiques des sept régions ultrapériphériques, et l'association des producteurs européens de banane (APEB). Il a également mentionné la conférence des présidents des régions ultrapériphériques qui regroupe les présidents de régions ou de provinces des sept régions ultrapériphériques.
M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a ensuite évoqué la politique de l'Union européenne à l'égard des régions ultrapériphériques. Il a rappelé que cette action reposait sur l'article 299-2 du traité instituant la Communauté européenne, introduit par le traité d'Amsterdam, qui permet de prendre en compte les spécificités des régions ultrapériphériques dans la mise en oeuvre du droit communautaire et d'accorder des dérogations à ces régions, aussi bien concernant le droit primaire, c'est-à-dire les traités, que le droit secondaire, c'est-à-dire les règlements et les directives communautaires ou les politiques communes.
Il a toutefois relevé que la mise en oeuvre de cet article dépendait dans une large mesure de la Commission européenne, laquelle dispose d'une grande marge de manoeuvre en la matière, mais aussi des autres institutions européennes et en particulier du Conseil des ministres.
M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a estimé que, si l'action de l'Union européenne à l'égard des régions ultrapériphériques avait été jusqu'à présent très positive, il existait des motifs d'inquiétude pour l'avenir, en raison notamment des conséquences de l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale et du passage d'une Europe à quinze à une Europe à vingt-sept.
Parmi les aspects positifs, il a mentionné la politique agricole commune à l'égard des régions ultrapériphériques, avec le POSEIDOM, qui représente une enveloppe de 273 millions d'euros et qui joue un rôle très important pour l'agriculture dans les départements d'outre-mer, y compris pour le sucre et la banane, la fiscalité, avec les dérogations accordées par l'Union européenne à la France en ce qui concerne le régime de l'octroi de mer et le régime spécifique du rhum en matière de droits d'accises, ou encore les dérogations accordées en matière d'aides d'Etat, qui ont été toutefois encadrées par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes selon laquelle ces aides doivent être justifiées, proportionnelles et précisément déterminées. Il a indiqué que, si la politique régionale n'était pas spécifiquement destinée aux régions ultrapériphériques, puisqu'elle s'appliquait à l'ensemble des régions de l'Union en retard de développement, ses modalités d'application avaient toutefois été adaptées pour tenir compte de la situation particulière des régions ultrapériphériques, avec notamment des taux de cofinancements de l'Union européenne supérieurs à ceux applicables sur le continent européen et la mise en place d'une allocation spécifique de compensation des handicaps dus à l'éloignement au titre du FEDER, dotée d'une enveloppe globale de 480 millions d'euros sur sept ans pour l'ensemble des sept régions ultrapériphériques et ayant vocation à financer aussi bien les aides à l'investissement que le fonctionnement.
En revanche, il a estimé que la situation particulière des régions ultrapériphériques n'était pas suffisamment prise en compte par l'Union européenne dans le domaine de la politique commune de la pêche, puisque ces régions sont dans une situation très différente de celle existante autour des côtes du continent européen marquée par un épuisement des ressources halieutiques, et que, contrairement à ce qui se passe sur le continent, la filière de la pêche était insuffisamment développée dans les départements d'outre-mer, notamment en Martinique. Il a aussi estimé que la situation particulière de chaque région ultrapériphérique n'était pas suffisamment prise en considération par l'Union européenne, jugeant paradoxal par exemple que la Guyane, qui constitue pourtant la région ultrapériphérique la plus défavorisée, dispose du dispositif le plus restrictif en matière d'octroi de mer.
Evoquant ensuite les motifs d'inquiétude pour l'avenir, M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a rappelé que les élargissements de l'Union européenne de 2004 et 2007 s'étaient traduits par l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale, dont les deux tiers des régions avaient un PIB par habitant inférieur à celui des départements français d'outre-mer, à budget européen constant, en raison de la position des pays contributeurs nets comme l'Allemagne, la France ou l'Autriche.
Il a estimé que ces élargissements rendaient les institutions européennes plus réticentes à accorder des dérogations aux régions ultrapériphériques, la Commission européenne craignant une opposition du Conseil des ministres où les trois Etats disposant de régions ultrapériphériques, la France, l'Espagne et le Portugal, sont dans une situation plus difficiles dans une Europe à vingt-sept que dans une Europe à six ou neuf.
Il a également regretté que l'unité chargée des régions ultrapériphériques, créée à l'initiative de Michel Barnier, qui était auparavant rattachée directement au président de la Commission européenne, ait été, lors de la mise en place de l'actuelle Commission, rattachée au Commissaire européen chargé de la politique régionale. Il a estimé que ce changement lui avait fait perdre de l'autorité face aux autres directions générales de la Commission, comme la direction générale de l'agriculture ou du commerce, et qu'elle avait nui à la coordination entre les différents services de la Commission, l'unité chargée des régions ultrapériphériques n'étant parfois même pas informée des initiatives prises par les autres directions générales qui la concernent.
Dans le prolongement des propos du président, M. Serge Larcher, il a estimé indispensable que la France, en partenariat avec l'Espagne et le Portugal, agisse encore plus activement au niveau européen afin de promouvoir une action européenne plus forte et plus cohérente en faveur des régions ultrapériphériques.
Il a souhaité attirer l'attention de la mission sur un sujet particulièrement préoccupant à ses yeux, qui tient à la volonté de la Commission européenne de mettre en place une méthodologie particulière de calcul de compensation des handicaps résultant de l'éloignement. Il a indiqué que le système initialement proposé par la Commission européenne en la matière ayant été unanimement critiqué et que la Commission attendait désormais de la part des autorités françaises une proposition de méthodologie alternative, mais que, en raison du retard de l'administration française à présenter cette proposition, on pouvait craindre que le système retenu ne soit pas favorable aux régions ultrapériphériques.
Au sujet des accords de partenariat économique avec les pays de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP), M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a rappelé que l'annonce de ces accords avaient suscité une forte attente de la part des départements français d'outre-mer, désireux d'élargir leurs débouchés par de nouveaux marchés situés dans les pays voisins, mais que, en définitive, le résultat des négociations menées par la Commission européenne sur ces accords avait abouti à un échec complet, puisque non seulement les départements d'outre-mer n'auront pas accès aux marchés des pays ACP, mais qu'ils devront ouvrir immédiatement leur propre marché aux produits en provenance de ces pays. Il a indiqué que les régions ultrapériphériques n'avaient obtenu qu'une dérogation pour le sucre et la banane et une « clause de sauvegarde régionalisée », dont il a considéré qu'elle serait difficile à mettre en oeuvre et dont il a douté de l'efficacité.
En définitive, il a estimé que l'attitude de l'Union européenne était paradoxale puisque, d'un côté, elle apporte des financements pour aider les entreprises situées dans les départements d'outre-mer à investir et à produire, et que, de l'autre côté, elle leur interdit simultanément d'exporter dans leur voisinage.
Il a considéré que, en dépit des nombreuses déclarations de la Commission européenne en faveur de l'intégration des régions ultrapériphériques dans leur environnement géographique, il n'existait pas de véritable politique européenne d'intégration régionale de ces régions, notamment en matière de débouchés économiques.
En ce qui concerne le régime de l'octroi de mer, M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a rappelé que les menaces pesant sur ce régime n'étaient pas nouvelles, même si elles semblent plus fortes aujourd'hui. Il a également rappelé que, sous l'influence de l'Union européenne le régime de l'octroi de mer avait fortement évolué, passant d'une mesure équivalente à un droit de douane à un instrument fiscal de soutien au développement économique et constituant une ressource essentielle des collectivités locales.
Estimant que la prorogation de ce régime par l'Union européenne dépendait avant tout de la volonté de la France de défendre un tel régime, il s'est déclaré davantage préoccupé par les critiques formulées dans notre pays à l'encontre de l'octroi de mer, notamment au sein du ministère de l'économie et des finances, jugeant que le choix sur la prorogation ou non de ce régime serait avant tout un débat national.
Enfin, s'agissant des négociations sur les futures perspectives financières et l'avenir de la politique régionale après 2014, M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a indiqué que, si les discussions n'avaient pas encore débuté et qu'il était encore trop tôt pour se prononcer, il était peu vraisemblable que l'on aille vers une augmentation du budget européen, compte tenu de l'opposition des pays contributeurs nets, mais que la crise actuelle renforçait les Etats partisans du maintien d'une politique régionale ambitieuse de l'Union européenne, face aux pays désireux de « renationaliser » cette politique.
M. Eric Doligé, rapporteur, s'est interrogé au sujet de l'attitude de la Commission européenne dans les négociations sur les accords de partenariat économique avec les pays ACP. Il a également fait part de ses inquiétudes concernant la défense des intérêts des départements d'outre-mer par l'administration française à Bruxelles, citant l'exemple du rapport remis par les autorités françaises à la Commission européenne sur les effets économiques de l'octroi de mer, qui a été jugé très insuffisant par les services de la Commission.
M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a répondu que la Commission européenne avait fait preuve de faiblesse vis-à-vis des pays ACP dans les négociations sur les accords de partenariat économique, car elle n'avait pas su imposer l'ouverture de leurs marchés aux produits issus des régions ultrapériphériques.
Rappelant qu'il avait été chargé d'un rapport d'information, au titre de la délégation pour l'Union européenne du Sénat, avec M. Yann Gaillard, sur la politique régionale lors de l'élaboration des perspectives financières 2007-2013 et que, déjà à l'époque, cette politique, et en particulier l'objectif 2, risquait de devenir la variable d'ajustement, M. Simon Sutour a souhaité avoir des précisions au sujet du taux de consommation des crédits au titre des fonds structurels dans les départements français d'outre-mer.
M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a indiqué que le taux de consommation des crédits au titre de la politique régionale variait sensiblement entre les différents départements français d'outre-mer et selon les fonds concernés, allant en moyenne de 50 à 70 %.
M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a confirmé à M. Serge Larcher, président, que La Réunion connaissait le taux le plus élevé de consommation des crédits et la Martinique le plus bas.
M. Georges Patient a exprimé le souhait que la mission étudie plus attentivement cette question.
M. Gérard Bailly, délégué général d'EURODOM, a indiqué que, malgré les derniers élargissements de l'Union européenne, les quatre départements français d'outre-mer connaissaient encore un PIB par habitant inférieur à 75 % de la moyenne communautaire, contrairement d'ailleurs aux autres régions ultrapériphériques espagnoles et portugaises, et qu'ils restaient donc éligibles à l'objectif 1, mais que la Martinique, avec un PIB par habitant de l'ordre de 74 % de la moyenne communautaire, risquait de ne plus être éligible à cet objectif dans le cadre des prochaines perspectives financières.
Audition de Mme Virginie Beaumeunier, rapporteur général, M. Thierry Dahan et M. Jean-Rémi Bourhis, rapporteurs, de l'Autorité de la concurrence
Puis la mission a procédé à l'audition de Mme Virginie Beaumeunier, rapporteur général, M. Thierry Dahan et M. Jean-Rémi Bourhis, rapporteurs, de l'Autorité de la concurrence.
M. Serge Larcher, président, a rappelé que l'Autorité de la concurrence, créée par la loi de modernisation de l'économie pour succéder au Conseil de la concurrence, était une autorité administrative indépendante spécialisée dans l'analyse et la régulation du fonctionnement de la concurrence sur les marchés. Il a indiqué que l'autorité de la concurrence était chargée d'assurer un équilibre entre la liberté du commerce et de l'industrie, qui implique la liberté de fixer les prix, et l'absence d'abus de puissance économique par ceux qui la détiennent.
Rappelant que le niveau et les mécanismes de formation des prix avaient été au coeur du mouvement social ayant touché les départements d'outre-mer au début de l'année, il a indiqué que le secrétaire d'Etat à l'outre-mer avait saisi, à la mi-février, l'Autorité de la concurrence afin que celle-ci puisse rendre, avant l'été, un rapport sur le fonctionnement de la concurrence outre-mer, notamment dans deux domaines essentiels que sont les carburants et les produits de grande consommation, et qu'il avait donc pensé utile d'entendre les représentants de l'Autorité de la concurrence sur ces questions.
Mme Virginie Beaumeunier, rapporteur général, a tenu à excuser le président de l'Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, qui ne pouvait encore s'exprimer dès lors que l'Autorité de la concurrence ne s'était pas encore prononcée sur ces sujets.
Elle a indiqué que les deux rapporteurs avaient commencé leur travail en effectuant un premier déplacement à La Réunion et que l'Autorité de la concurrence rendrait son rapport avant le mois d'août, celui-ci devant comporter deux parties, l'une consacrée aux carburants, et l'autre, plus vaste, sur la grande distribution.
M. Eric Doligé, rapporteur, s'est interrogé au sujet du coût du fret. Il a également souhaité savoir si un renforcement de la concurrence dans le secteur des carburants était envisageable.
M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence, a répondu que, pour le coût du fret, nous étions en présence de deux systèmes très différents aux Antilles et à La Réunion et que la situation était à première vue plus favorable à cette dernière en raison principalement du fait que la conférence maritime, qui a été récemment supprimée à la demande de la Commission européenne, ne couvrait que la moitié du fret dans la zone de l'Océan indien, alors qu'elle couvrait la totalité du fret aux Antilles. Il a considéré que cette situation se traduisait concrètement par une absence de concurrence aux Antilles, puisque les quatre navires de transport de fret effectuent une rotation et qu'ils pratiquent le même tarif, alors qu'il existe une plus grande concurrence à La Réunion, avec trois sociétés de transport.
Il a cependant observé que le coût du fret ne couvrait pas seulement le transport mais également les frais annexes, comme le coût de l'embarquement et du débarquement des conteneurs, et il a estimé que les surcoûts liés à ces frais annexes n'étaient pas exempts de toutes critiques.
M. Serge Larcher, président, s'étant interrogé le renchérissement du coût du fret dans les départements d'outre-mer résultant du retour à vide des navires, M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence, a fait part de son scepticisme sur cette cause. Citant l'exemple des millions de conteneurs en provenance de Chine et à destination des Etats-Unis, qui repartaient généralement à vide, il a estimé qu'il n'y avait pas de véritable corrélation entre ce phénomène et le coût du fret, dont le niveau résultait davantage de l'existence ou non d'un marché concurrentiel. Il a mentionné à cet égard la différence entre le coût du fret vers La Réunion et celui du fret vers l'Australie, le second étant moins élevé en raison de la plus grande concurrence sur le marché.
Evoquant ensuite la question du prix des carburants, M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence, a indiqué que le rapport de l'Autorité de la concurrence étudierait plusieurs pistes.
Il a estimé que, face au constat selon lequel l'existence de prix réglementés n'avait pas empêché des dysfonctionnements et des contestations au sein de la population, il convenait de s'interroger sur leur maintien.
Il a indiqué qu'une autre piste serait de conserver le monopole pour l'achat du carburant, ce système permettant des économies d'échelle et évitant des surcoûts pour des territoires de faible étendue, tout en libéralisant le prix à la pompe, ce qui aurait d'ailleurs plus d'effets en outre-mer qu'en métropole du fait de la fiscalité moins lourde pesant sur les carburants, et présenterait l'avantage de mieux contrôler l'amont et moins l'aval, contrairement à ce qui se passe actuellement.
Il a souligné qu'une troisième possibilité, si on souhaite maintenir le système actuel de régulation des prix, serait d'améliorer la réglementation.
M. Serge Larcher, président, a observé que, au vu de la situation en matière de formation des prix et de son influence sur le déclenchement de la crise outre-mer, on pouvait s'interroger sur l'action menée par les services de l'Etat dans ce domaine au cours des dernières années et il a souhaité recueillir le sentiment des représentants de l'Autorité de la concurrence sur ce point.
Mme Virginie Beaumeunier, rapporteur général, a indiqué qu'il était nécessaire de distinguer l'action des services de l'Etat dans le domaine particulier du prix des carburants, objet d'un rapport de l'Inspection générale des finances, de celle sur la grande distribution et les produits de première nécessité, dont les prix ne sont pas réglementés et qui, de ce fait, n'ont pas fait l'objet d'une surveillance particulière de la part des services de l'Etat présents sur place, même si des actions ont pu être menées par ces services en matière de respect de la concurrence.
A cet égard, M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence, a rappelé que plusieurs affaires avaient été révélées aux Antilles, notamment dans le secteur des télécommunications, à propos des téléphones portables ou de l'Internet, mais que pour que l'Autorité de la concurrence se prononce sur ces affaires il fallait qu'elle soit au préalable saisie de plaintes, ce qui était rare.
Soulignant que le projet de loi pour le développement économique des outre-mer prévoyait la possibilité pour le Gouvernement de réglementer par décret en Conseil d'Etat, après consultation de l'Autorité de la concurrence, les prix de produits ou de familles de produits de première nécessité, M. Eric Doligé, rapporteur, s'est demandé s'il ne serait pas opportun de mettre en place un meilleur système d'observation des prix dans les départements d'outre-mer.
Mme Virginie Beaumeunier, rapporteur général, a observé que la mise en place de système d'observation des prix se heurtait à des obstacles méthodologiques importants, comme la structure de consommation, qui est différente outre-mer et en métropole, la construction d'un panier de prix ou encore des stratégies de contournement de la part des distributeurs.
Revenant sur l'exemple du prix des carburants outre-mer, M. Thierry Dahan, rapporteur de l'Autorité de la concurrence, a fait valoir que l'on se heurtait davantage à des problèmes d'ordre structurels que conjoncturels.
Soulignant que le prix de l'essence sur le long terme était d'un niveau inférieur outre-mer par rapport à la métropole, mais que, en raison des prix réglementés, on constatait un décalage de trois mois dans l'évolution entre le prix à la pompe outre-mer et en métropole, il a estimé que la récente crise outre-mer autour du prix du carburant résultait moins du prix en valeur absolue de l'essence à la pompe que de son évolution et de l'inertie constatée par les usagers dans le mouvement de baisse lié à l'évolution du prix du baril.
Mme Anne-Marie Payet a fait valoir que l'« Union des consommateurs Que choisir ? » avait réalisé en 2005 une enquête sur les différences de prix entre la métropole et les départements d'outre-mer, qui avait montré des écarts pouvant atteindre 200 % sur des produits de première nécessité tels que le dentifrice. Elle a également mentionné une récente enquête de l'INSEE sur ce sujet, qui avait confirmé ce diagnostic.
M. Jean-Rémi Bourhis, rapporteur de l'Autorité de la concurrence, a estimé qu'il fallait faire preuve de prudence au sujet de ces enquêtes, la structure de la consommation étant différente outre-mer, et tenir compte des produits fortement sensibles aux variations saisonnières, comme certains légumes par exemple.
Il a indiqué avoir demandé à l'INSEE des précisions sur la manière dont avait été conduite cette récente enquête, sans à ce jour avoir obtenu de réponse.
Il a considéré que la seule étude disponible était une enquête de l'INSEE, réalisée dans les années 1990, qui montrait un écart de prix maximal de l'ordre de 25 % entre les départements d'outre-mer et la métropole.
Audition de M. Marc Duncombe, délégué à l'outre-mer du conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres
Enfin, la mission a procédé à l'audition de M. Marc Duncombe, délégué à l'outre-mer du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
M. Marc Duncombe a d'abord rappelé l'importance du Conservatoire du littoral au plan national.
Il s'agit d'un établissement public à caractère administratif, chargé d'une mission foncière de protection des écosystèmes et des paysages littoraux. Créé en 1975, il représente 635 sites protégés le long des rivages, 123 000 hectares définitivement préservés, plus de 400 conventions de partenariat pour la gestion des sites, 600 gardes du littoral et plus de 1 000 conventions d'usage (agriculture). Son objectif à long terme est de permettre qu'un tiers du littoral français soit protégé.
Les lignes directrices de son action sont principalement de développer des partenariats avec les collectivités, d'aménager les sites pour l'accueil des visiteurs, de gérer la biodiversité littorale, de protéger des unités foncières cohérentes afin d'en favoriser une gestion satisfaisante et de permettre une réappropriation locale des sites.
Au plan financier, il tire ses recettes de la taxe de francisation des navires (37 millions d'euros), des subventions de l'Union européenne (11 millions d'euros) et du mécénat d'entreprise et des produits dérivés (1,5 million d'euros), soit un budget total en 2008 de près de 50 millions d'euros. Ses dépenses se répartissent entre 10 millions d'euros de frais de fonctionnement, 25 millions d'euros de frais d'acquisitions et 15 millions d'euros au titre des travaux et de la gestion
Au plan organisationnel, le Conservatoire comporte un conseil d'administration présidé par un député, M Jérôme Bignon, onze conseils de rivage composés d'élus locaux, la quasi-totalité des communes concernée et dix délégations (une par façade), dont la délégation outre-mer et ses antennes créées en 2003 (soit 10 emplois permanents).
Le contrat d'objectifs du Conservatoire lui confie pour l'avenir cinq actions majeures : continuer l'acquisition foncière ; organiser la gestion avec les collectivités; intégrer le changement climatique ; développer l'action outre-mer et consolider les moyens nécessaires à l'action.
Puis, M. Marc Duncombe a abordé les spécificités du littoral en outre-mer marqué par des situations foncières contrastées, une législation spécifique (loi littoral, schéma d'aménagement régional), le régime des cinquante pas géométriques, le caractère souvent indissociable des espaces maritimes et des espaces terrestres (mangroves, récifs) et surtout une biodiversité exceptionnelle.
A cet égard, il a précisé que la biodiversité sur les sites du Conservatoire en outre-mer, s'illustrait par 130 sites préservés et, selon l'inventaire réalisé en 2007, 726 espèces remarquables (240 végétales et 486 animales), 48 espèces strictement endémiques, 34 espèces menacées, 56 espèces rarissimes et 402 espèces protégées.
Puis, M. Marc Duncombe a détaillé la situation de chacun des DOM. En Guadeloupe, on compte 900 hectares de « 50 pas géométriques » et 80 sites d'intervention. A la Martinique, le bilan est de 1 800 hectares acquis sur 8 sites, 71 hectares de « 50 pas géométriques » affectés, dont 5 ilets, et 30 sites d'intervention. En Guyane, on compte 5 400 hectares acquis ou affectés sur 10 sites, 9 000 hectares de mangroves et une quinzaine de sites d'intervention. Enfin, La Réunion se caractérise par 870 hectares acquis sur 9 sites, 50 hectares de «50 pas géométriques » et une vingtaine de sites d'intervention.
M. Marc Duncombe a précisé les cinq objectifs spécifiquement fixés pour l'outre-mer qui sont de conforter l'acquisition des grands sites en assurant la cohérence foncière, de renforcer la gestion des sites, d'accentuer la valorisation éco-touristique des sites, d'approfondir les relations partenariales, et de structurer la délégation outre-mer.
Pour l'acquisition des grands sites, il a indiqué que la délégation utilisait notamment des procédures à l'amiable (auprès des SAFER, par exemple), mais également, le cas échéant et face à des situations foncières bloquées, les droits de préemption ou d'expropriation (la grande Anse des Salines à la Martinique, par exemple).
Citant l'exemple du Grand cul de sac à la Guadeloupe, il a insisté sur les caractéristiques particulières du domaine public maritime (DPM) ultramarin, imbriquant souvent à la fois « les cinquante pas géométriques », les mangroves, le domaine lacustre et de riches fonds sous-marins.
A M. Eric Doligé qui l'interrogeait sur l'articulation de la délégation à l'outre-mer avec les autres délégations internes et sur l'existence éventuelle de conflits d'intérêts entre respect de l'environnement et accueil du public, M. Marc Duncombe a précisé que la délégation à l'outre-mer, bien que récente, bénéficiait d'une réelle dynamique au sein du Conservatoire avec une superficie totale de 20 000 hectares (120 000 hectares en métropole), un rattrapage budgétaire et des antennes locales réparties sur huit régions. Toutefois, il a appelé l'attention sur l'importance des emplois précaires, seuls dix postes étant permanents, et les difficultés du recrutement local en l'absence de formations spécifiques.
Il a admis que l'enjeu actuel était d'obtenir une plus grande adhésion, au-delà de celle des communes d'outre-mer qui est acquise, des départements et des régions, regrettant le retard pris, notamment dans les formules de partenariat. Par ailleurs, si la délégation souhaite mettre en place l'aménagement des sites dans l'esprit du Grenelle de l'environnement, elle en est freinée car en matière de financement certaines directives (comme Natura 2000) ne sont pas applicables en outre-mer. Enfin, pour le développement éco-touristique, il faut éviter le « mitage » du littoral résultant d'un urbanisme épars qui, en outre, coûte cher aux collectivités en termes de réseaux, d'où l'importance des schémas d'aménagement régionaux qui prévoient une définition précise des zones à aménager et prend en compte les espaces naturels.
Jeudi 7 mai 2009
- Présidence de M. Eric Doligé, rapporteur-Audition de M. Thierry Michalon, maître de conférences à l'Université des Antilles et de la Guyane
La mission a tout d'abord entendu M. Thierry Michalon, maître de conférences à l'Université des Antilles et de la Guyane.
M. Eric Doligé, rapporteur, a rappelé que les questions de la « gouvernance » des départements d'outre-mer et de leur évolution institutionnelle constituaient l'un des axes de réflexion de la mission commune d'information du Sénat.
M. Thierry Michalon, maître de conférences à l'Université des Antilles et de la Guyane, a tout d'abord indiqué qu'il poursuivait son étude des territoires périphériques de la France depuis les années 60, ce qui lui permettait de relever qu'une forme de fédéralisme existait déjà au sein du territoire français à cette époque avec Djibouti. Il a souligné, fort de sa connaissance de différents territoires (Corse, Antilles, Guyane), le risque qu'un peuple qui ne se sent pas français accepte la République mais refuse les contraintes corrélatives.
Concernant les spécificités institutionnelles des départements d'outre-mer, M. Thierry Michalon a rappelé qu'à l'origine les colonies françaises, soumises à un statut spécifique, étaient considérées comme des collectivités territoriales de la République tout en restant soumises à un régime déconcentré et non décentralisé. Elles étaient régies par des décrets de l'Empereur et non pas les lois s'appliquant dans l'hexagone, cette distinction étant à l'origine du principe de spécialité législative. Mais, dès 1854, la Martinique, la Guadeloupe, La Réunion et la Guyane s'étaient vu appliquer un régime législatif spécifique, disposant d'un conseil général et étant régies par un statut d'assimilation. Les demandes formulées par la Martinique, en 1874, la Guadeloupe, en 1881, et La Réunion, en 1882, de devenir des départements français, se sont concrétisées dans la loi du 19 mars 1946, dont Aimé Césaire fut rapporteur en tenant alors un discours assimilationniste. L'article 73 de la Constitution de 1946 a achevé le mouvement en posant le principe d'assimilation et en faisant passer ces territoires du régime de spécialité législative à celui de l'identité législative.
M. Thierry Michalon a précisé qu'outre certaines compétences spécifiques héritées du passées, en matière fiscale essentiellement, les conseils généraux des départements d'outre-mer s'étaient vu confier par un décret d'avril 1960 la possibilité de proposer des projets d'adaptation à leur situation particulière des lois nationales. A ce sujet, il s'est étonné de l'insistance des demandes tendant à garantir cette capacité d'adaptation législative et réglementaire formulées par les élus des départements d'outre-mer eu égard aux rares utilisations qui en avaient été faites.
Puis, M. Thierry Michalon a rappelé que le Conseil constitutionnel, lors de la réforme de la décentralisation de 1982, avait censuré les dispositions permettant d'élire les conseils généraux selon un mode de scrutin autre que le scrutin majoritaire cantonal mais qu'il n'avait pas rejeté le principe d'une assemblée territoriale unique. Il a souligné que les spécificités institutionnelles des départements d'outre-mer existaient : présence de deux conseils consultatifs au lieu d'un en métropole ou encore possibilité pour les conseils généraux et régionaux de se réunir en congrès pour formuler des propositions d'évolution statutaires. Enfin, la révision constitutionnelle de 2003 a largement accru les possibilités d'adaptations législatives et réglementaires à ces territoires, en permettant à la loi d'habiliter les conseils régionaux et généraux à intervenir dans les domaines de la loi et du règlement. Ces dispositions transposent directement les possibilités qui étaient alors déjà offertes à certains territoires d'outre-mer.
M. Thierry Michalon, rappelant notamment l'adoption en Martinique en 2002 d'une motion affirmant l'existence de la nation martiniquaise, a estimé que les populations des départements d'outre-mer partageaient la conviction de ne pas faire partie de la nation française et souhaitaient être traitées sur un pied d'égalité et non comme une subdivision de celle-ci. Selon lui, cette conviction est à l'origine du « rapport de force » permanent entre ces territoires et la France métropolitaine, qu'il a jugé être davantage une fin qu'un moyen.
Concernant la différence entre les statuts des articles 73 et 74 de la Constitution, M. Thierry Michalon a regretté que ces deux articles n'aient pas été fusionnés. En effet, le nouvel article 73 ouvre des possibilités d'adaptations très larges, qui l'éloignent du principe de l'identité législative, tandis que certaines collectivités régies par l'article 74, telles que Saint-Martin ou Saint-Barthélemy, sont largement soumises au principe d'identité législative.
M. Thierry Michalon a par ailleurs estimé que la principale volonté de la République, concernant les départements d'outre-mer, était celle de « ne pas faire de vagues », pareille attitude étant la conséquence directe d'un « déficit de légitimité » des institutions et du Gouvernement français en outre-mer. Il a ajouté que, selon lui, les populations ultramarines avaient pris conscience de l'inquiétude qu'elles pouvaient susciter au sein de la République française en déniant la légitimité de celle-ci ainsi que des avantages matériels qu'elles pouvaient obtenir en jouant de ce registre.
Concernant la reconnaissance des langues créoles, inscrite dans le projet de loi pour le développement économique des outre-mer, il a jugé qu'elle était inutile au vu de la consécration des langues régionales par l'article 75-1 de la Constitution. Il a considéré que le malaise identitaire vécu notamment par les populations antillaises était directement lié au développement économique de ces territoires, qu'avaient permis un taux élevé d'emploi public et des dispositifs efficaces de protection sociale. De manière générale, il a observé une résurgence des mouvements identitaires régionaux, en outre-mer comme en France métropolitaine, en Espagne ou en Allemagne, favorisée par l'amélioration des conditions de vie.
Enfin, M. Thierry Michalon a estimé que les populations des départements d'outre-mer éprouvaient encore aujourd'hui un « ressentiment » à l'égard de la République, lié aux souffrances et à l'humiliation infligées par la colonisation.
M. Eric Doligé, rapporteur, a relevé que les propos de M. Thierry Michalon avaient surtout concerné les Antilles et demandé si la situation à La Réunion pouvait être considérée comme différente.
M. Thierry Michalon a fait valoir que les présentations de la situation sociale à La Réunion étaient parfois trop optimistes. Il a observé qu'historiquement la population réunionnaise était très métissée alors que les populations antillaises opposaient noirs et blancs et a estimé que ce métissage avait permis d'éviter la bipolarisation manichéenne des rapports sociaux. Toutefois, il a estimé que les évolutions récentes pourraient signaler un rapprochement entre la situation réunionnaise et celle des Antilles.
En réponse à M. Georges Patient, qui a rappelé les obstacles auxquels se sont heurtées les initiatives des élus des Antilles et de Guyane en matière d'adaptation réglementaire et législative, M. Thierry Michalon a reconnu que si les possibilités ouvertes par le décret d'avril 1960 avaient été peu utilisées, cela pouvait notamment résulter du fait que plusieurs initiatives s'étaient heurtées à l'inertie gouvernementale.
Puis, M. Georges Patient a interrogé M. Thierry Michalon sur l'intérêt que, selon lui, la France pouvait avoir à conserver les départements d'outre-mer. M. Thierry Michalon a estimé que la République n'avait pas d'intérêt concret à conserver les départements d'outre-mer mais était « tenue par son éthique » et se devait de respecter les engagements pris en 1946. Il a jugé que les territoires d'outre-mer ne faisaient bénéficier la France d'aucune influence particulière et rappelé que le troisième alinéa de l'article 53 de la Constitution ne permettait pas à la France de se séparer d'un territoire sans le consentement des populations concernées. La révision constitutionnelle de 2003, en mentionnant les départements d'outre-mer dans la Constitution, les a encore davantage ancrés au sein de la République.
Enfin, M. Clause Lise a fait remarquer que le décret d'avril 1960, pris par le général de Gaulle, avait été la conséquence directe de mouvements sociaux très importants dans les départements d'outre-mer en 1959 et que l'histoire des départements d'outre-mer était jalonnée de tels enchaînements. Il a souligné que la possibilité ouverte par ce décret avait été utilisée à au moins six reprises par les conseils généraux de Martinique et de Guadeloupe et regretté que les propositions formulées n'aient jamais fait l'objet de débats au Parlement. C'est pourquoi il s'est déclaré favorable à un changement de statut de la Martinique vers l'article 74, jugeant que cette évolution était nécessaire pour bénéficier d'un pouvoir effectif d'adaptation législative. Il a enfin affirmé que les outre-mer recelaient des atouts importants qu'il convenait de s'attacher à valoriser plutôt que de s'enfermer dans des débats juridiques stériles.
Audition du général Claude Vicaire, commandant de la gendarmerie outre-mer
Puis la mission a procédé à l'audition du général Claude Vicaire, commandant de la gendarmerie outre-mer.
M. Eric Doligé, rapporteur, a rappelé que la gendarmerie nationale jouait un rôle majeur outre-mer en matière de sécurité et de maintien de l'ordre, comme elle l'avait démontré lors de la crise récente aux Antilles.
Le général Claude Vicaire, commandant de la gendarmerie nationale outre-mer, a d'abord rappelé le cadre général de l'action de la gendarmerie nationale dans les départements d'outre-mer.
Par comparaison à la métropole, où la zone de compétence de la gendarmerie nationale recouvre 95 % du territoire, 50 % de la population et 30 % des crimes et délits, la gendarmerie dans les départements français d'outre-mer a sous sa responsabilité 99 % du territoire, 70 % de la population et constate 53 % des crimes et délits.
La deuxième caractéristique de l'action de la gendarmerie outre-mer tient à la fréquence et à l'intensité des crises, qu'il s'agisse des conflits sociaux, des catastrophes naturelles ou encore de l'orpaillage illégal en Guyane. A cet égard, la gendarmerie nationale assure seule le maintien de l'ordre outre-mer, depuis le retrait des Compagnies républicaines de sécurité de la police nationale en 1993. Neuf escadrons de gendarmerie mobile sont déployés en permanence dans les départements d'outre-mer et, au plus fort de la crise récente aux Antilles, vingt-six escadrons de gendarmerie mobile.
La troisième particularité tient à la violence du contexte opérationnel, avec un risque d'agression pour les gendarmes deux fois plus élevé outre-mer qu'en métropole et un usage des armes plus fréquent, notamment en Guyane.
Enfin, alors que les départements d'outre-mer représentent 4 % des effectifs de la gendarmerie, ces territoires doivent faire face à des phénomènes de délinquance plus marqués, puisqu'ils représentent 10 % des atteintes volontaires aux personnes constatées par la gendarmerie, 17 % des violences crapuleuses et 21 % des interpellations d'étrangers en situation irrégulière.
Les résultats de l'action de la gendarmerie outre-mer sont très positifs, avec un taux de résolution des crimes et délits de 56 %, supérieur à la moyenne nationale (police et gendarmerie) de 38 % et même à la moyenne de la gendarmerie de 42 %.
Evoquant le dispositif de la gendarmerie dans les départements d'outre-mer, le général Vicaire a relevé que, avec près de 3 200 gendarmes départementaux et mobiles, les effectifs de la gendarmerie nationale avaient connu une progression limitée ces dernières années, de 62 postes entre 2003 et 2008, malgré une importante augmentation de la population en zone gendarmerie.
Il a indiqué que la gendarmerie nationale s'efforçait de compenser cette progression limitée des effectifs par un recrutement de grande qualité des gendarmes affectés outre-mer, avec un taux de sélection d'un sur trois.
Il a précisé que la gendarmerie nationale menait une politique de fidélisation, avec la possibilité pour les meilleurs éléments de prolonger leur séjour à quatre ans aux Antilles et en Guyane, puis de demander à effectuer un second séjour de même durée à La Réunion ou dans une collectivité d'outre-mer.
Il a également souligné que, même s'il n'existait pas de voie de recrutement spécifique et que, à la différence des policiers, les gendarmes étaient soumis à une obligation de mobilité, la gendarmerie nationale s'efforçait de s'appuyer sur la plus value que représentent les personnels originaires des départements d'outre-mer, en raison de leur connaissance du milieu, de la langue et de la culture créoles. Toutefois, la proportion des personnels originaires affectés dans leur département, de l'ordre de 20 à 30 % aux Antilles, reste inférieure à celle d'autres administrations, en particulier de la police nationale où cette proportion est d'environ 90 %.
Il a estimé que l'une des explications de cette faible proportion tenait d'une part à l'organisation de la gendarmerie et à sa vocation à exercer ses responsabilités sur l'essentiel du territoire et donc dans des zones éloignées, voire très isolées, et d'autre part aux réticences des personnels originaires des départements d'outre-mer de servir dans des brigades souvent éloignées des grandes villes ou de leurs intérêts familiaux.
Il a cité l'exemple de la brigade de Camopi, située en plein coeur de la forêt amazonienne, à six heures de pirogue de Saint-Georges de l'Oyapock, et dans laquelle seuls des gendarmes métropolitains, qui y vivent d'ailleurs une expérience humaine unique, acceptent de servir dans des conditions très difficiles notamment pour les familles (pas de téléphone).
Il a souligné l'atout que représente l'appartenance de la gendarmerie à l'armée, avec notamment la disponibilité liée à son statut et au logement attribué par nécessité absolue de service.
Il a également mentionné le renforcement des outils de gestion de crise, avec la mise en place des centres opérationnels dans les quatre départements d'outre-mer, la création de sections de recherche dans le domaine de la police judiciaire et la création de groupes d'intervention régionaux (GIR), en Guyane en 2006 et en Guadeloupe en 2008, ainsi que l'ouverture prochaine de GIR en Martinique et à La Réunion.
Enfin, il a cité la modernisation des moyens, en particulier aériens, avec deux hélicoptères EC145, l'un en Guyane, l'autre à La Réunion, et un hélicoptère EC135 prévu en Guadeloupe, et des moyens nautiques, avec dix véhicules nautiques à moteur (jet ski) en Guyane et deux intercepteurs, l'un en Guadeloupe, l'autre en Martinique.
Le général Vicaire a ensuite présenté la situation spécifique de chaque département d'outre-mer.
Evoquant d'abord le cas de La Réunion, il a indiqué que les effectifs de la gendarmerie étaient au nombre de 800, dont un escadron de gendarmes mobiles. Il a indiqué que, en raison de la géographie très contrastée de l'île, il avait été créé un peloton de gendarmerie de haute montagne. Il a rappelé que La Réunion présentait la particularité d'avoir une forte exposition aux risques naturels et il a indiqué que la délinquance était marquée par l'importance des atteintes volontaires à l'intégrité physique, qui représentaient 20 % de la délinquance, contre 12 % en métropole, principalement dans le milieu familial et en liaison avec l'alcoolisme.
Concernant la Martinique, qui compte 700 gendarmes, il a estimé que la situation de l'île était marquée par la banalisation de la violence, avec une augmentation de près de 50 % des coups et blessures volontaires entre 2005 et 2008, ainsi que le poids du trafic de stupéfiants, qui représente 12 % de la délinquance générale et qui a connu une progression de 150 % entre 2005 et 2008. Il a insisté sur l'importance de la coopération régionale, citant la lutte contre le trafic de drogue ou l'affaire de l'enlèvement et du meurtre de Marion Genin dans laquelle étaient impliqués des ressortissants de Sainte Lucie. En revanche, il a estimé que l'immigration illégale était peu répandue en Martinique.
Il a toutefois fait part de son inquiétude au sujet du retrait des forces de souveraineté et du 33ème RIMA, en rappelant le rôle extrêmement important joué par les armées lors des événements récents aux Antilles, en matière de soutien logistique à la gendarmerie.
Evoquant ensuite la situation de la Guadeloupe, qui compte 860 gendarmes, il s'est déclaré préoccupé par la poussée de la délinquance, illustrée par une progression de 32 % des faits constatés entre 2005 et 2008, avec une hausse de 86 % des vols à main armée, de 56 % des coups et blessures volontaires et de 37 % des homicides. Il a également mentionné l'interpellation de 732 étrangers en situation irrégulière en 2008. Enfin, il a fait part, là encore, de ses préoccupations au sujet du retrait des forces de souveraineté et du 41ème BIMA.
Concernant la Guyane, il a rapidement défini les principales caractéristiques de ce département dont la superficie, équivalente à celle du Portugal, est recouverte à 96 % de forêt équatoriale, et qui compte plus de 1 200 km de frontières avec le Brésil et le Surinam.
Il a fait valoir que la Guyane connaissait un niveau de délinquance inquiétant, avec un taux de 31 homicides pour 100 000 habitants, contre 2,6 en métropole, un taux de 380 coups et blessures volontaires contre 190 pour la métropole, et un taux de 97 vols à main armée, contre 4,7 en métropole. Il a également souligné le poids de l'immigration clandestine, avec 3 400 interpellations d'immigrés en situation irrégulière en 2008 et l'importance stratégique du centre spatial de Kourou.
Il a indiqué que 840 gendarmes étaient déployés en Guyane dont cinq escadrons de gendarmerie mobile, dédiés à la protection du centre spatial et à la lutte contre l'orpaillage illégal.
Evoquant ensuite l'orpaillage illégal en Guyane, il a indiqué que ce phénomène se traduisait par un pillage des ressources naturelles, estimé à 10 tonnes d'or extraites par an de manière illégale sur environ 350 sites, des atteintes graves à l'environnement, notamment par la déforestation, la dégradation des milieux aquatiques et la pollution au mercure, ainsi que par un appel à l'immigration illégale, principalement en provenance du Brésil, et une criminalité induite.
Il a mentionné les résultats très positifs de l'opération « Harpie » en 2008, qui s'était traduite par une concentration exceptionnelle de moyens, avec un renfort de 150 gendarmes, appuyés par 360 militaires des forces armées guyanaises (FAG) et plusieurs hélicoptères, ayant permis, au cours des 200 missions menées en quatre mois, d'interpeller 780 étrangers en situation irrégulière, de saisir 19 kilos d'or et 193 kilos de mercure.
Il a indiqué que, la stratégie suivie antérieurement ayant montré ses limites, les sites illégaux d'orpaillage détruits par la gendarmerie et les FAG étant reconstruits en général dans les vingt jours, cette opération avait développé une approche plus proactive et globale, axée sur le contrôle du trafic fluvial afin d'empêcher l'approvisionnement des sites d'orpaillages, la destruction des sites réputés les plus productifs et le démantèlement des réseaux et des filières par une action de police judiciaire.
Devant le succès de l'opération et face au déplacement de l'orpaillage illégal vers le Sud de la Guyane, il a indiqué que le Président de la République avait décidé de la prolonger et de reconduire ce dispositif.
En conclusion, le général Vicaire a estimé que la gendarmerie outre-mer était confrontée à trois défis : la montée de la criminalité dans la zone Antilles-Guyane, avec l'apparition d'une criminalité violente de type sud-américain qui se caractérisée par un nombre élevé d'homicides et d'enlèvements ; le retrait annoncé des forces de souveraineté ; la départementalisation de Mayotte au regard de la lutte contre l'immigration illégale.
Interrogé par M. Eric Doligé, rapporteur, sur les écarts de rémunération entre les gendarmes affectés en métropole et outre-mer, le général Vicaire a répondu qu'un gendarme affecté dans les Antilles bénéficiait d'un taux d'indexation de 1,27.
Il a indiqué que le passage des gendarmes outre-mer permettait de tester les personnels dans des conditions difficiles, de déceler les meilleurs éléments et de constituer ainsi un réservoir de compétences, notamment pour les missions prévôtales ou les opérations délicates à l'étranger.
Estimant que la situation concernant l'orpaillage illégal s'était à nouveau fortement dégradée en Guyane et qu'elle requérait une réponse urgente, M. Georges Patient a souhaité avoir des précisions sur la prolongation de l'opération « Harpie », ainsi que sur la coopération avec les pays voisins sur ce sujet.
Le général Vicaire a précisé que l'opération « Harpie » avait été reconduite au mois d'avril dernier. Il a indiqué qu'il existait une réelle volonté de renforcer la coopération dans ce domaine de la part du Brésil, à la suite de la rencontre des deux présidents, mais aussi plus récemment de la part du Surinam, avec notamment des opérations conjointes.
Interrogé par M. Georges Patient au sujet de la sécurité autour du centre spatial guyanais de Kourou, le général Vicaire s'est déclaré préoccupé par l'arrivée massive d'une population qui, si elle peut bénéficier de logements sociaux, n'a aucune perspective de formation et d'emploi. Il souligne les risques de tensions sociales qui pourraient apparaître du fait de la coexistence sur le même territoire d'une communauté composée de chercheurs et de techniciens aux revenus élevés et particulièrement sensible aux questions de sécurité, et de populations défavorisées. Il indique que les effectifs de la gendarmerie ne sont plus adaptés à l'évolution quasi exponentielle d'une population désoeuvrée et sans véritable perspective d'avenir et d'emploi. Il craint enfin, que le développement artificiel et déséquilibré de la ville de Kourou, ne crée, à terme, une véritable bombe sociale sur un site qui, paradoxalement, constitue le fleuron du programme spatial européen.
M. Claude Lise, tout en rendant hommage à la qualité des personnels de la gendarmerie nationale, s'est demandé si le faible nombre de personnes originaires des départements d'outre-mer parmi les gendarmes affectés outre-mer, notamment lors des manifestations récentes aux Antilles, n'avait pas contribué à exacerber les tensions au sein de la jeunesse, en véhiculant l'image dans l'opinion d'un affrontement entre une population noire et des gendarmes blancs, qui rappelait la période de la colonisation. Il s'est donc interrogé sur le point de savoir si la gendarmerie, comme les autres administrations publiques, ne devait pas mettre en place une politique volontariste afin de favoriser le recrutement de personnels locaux. Enfin, il a estimé que l'augmentation de la délinquance était liée à la situation économique et sociale des départements d'outre-mer, et notamment l'importance du chômage, qui touche un jeune sur deux.
En réponse, le général Vicaire a indiqué que, à la différence de la police nationale, la gendarmerie se caractérisait par une obligation de mobilité, chaque gendarme originaire d'un département d'outre-mer devant d'abord passer une certaine période en métropole avant d'être affecté dans son département, mais pour une durée qui ne peut excéder au total neuf ans (six ans éventuellement prolongés, sur demande, de trois ans), puis revenir ensuite en métropole, sa carrière professionnelle alternant ainsi des postes en métropole et outre-mer, étant entendu que chaque gendarme originaire est assuré d'avoir une dernière affectation dans son département d'origine en fin de carrière. Il a également mentionné les contraintes propres au métier de gendarme, qui nécessitaient une procédure particulièrement rigoureuse de sélection reposant sur des critères à la fois physiques, intellectuels et psychologiques.
Rappelant que l'action de la gendarmerie mobile lors de la crise aux Antilles avait été unanimement saluée pour la mesure avec laquelle elle s'était faite, il a estimé nettement préférable que les gendarmes départementaux originaires des DOM, servant dans leur propre département, ne soient pas utilisés au maintien de l'ordre contre leurs concitoyens lors des manifestations, car, à la différence des gendarmes mobiles, ils avaient vocation à demeurer sur place après les événements. Ils ont donc un rôle important à jouer en matière de dialogue avec leurs concitoyens afin d'éviter les affrontements et, dans le cas où ceux-ci sont inéluctables, de renouer le dialogue à l'issue des incidents. Ainsi, la gendarmerie a érigé en principe le fait de ne jamais engager au maintien de l'ordre des gendarmes affectés dans leur département d'origine afin de préserver leur capacité à remplir, ultérieurement, toutes les missions qui sont les leurs.
Rappelant enfin que la gendarmerie nationale comptait huit siècles d'existence et que sa force tenait à sa valeur morale et à son ancrage auprès des populations, le général Vicaire s'est déclaré fier d'appartenir à une institution dont le nom est devenu le symbole du respect de la loi, et qui a donné naissance à une métonymie au point que le terme de « gendarme » soit utilisé dans le langage courant comme image et symbole de toute fonction d'autorité, de contrôle et de régulation (COB, gendarme de la bourse, États-Unis gendarmes du monde,...).