Mardi 7 avril 2009
- Présidence conjointe de M. Nicolas About, président et de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances -Revenu de solidarité active - Audition de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse
La commission, conjointement avec la commission des finances, a procédé à l'audition de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse, sur la mise en place du revenu de solidarité active.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que les commissions des finances et des affaires sociales ont désigné MM. Auguste Cazalet et Albéric de Montgolfier et Mme Bernadette Dupont pour mener une nouvelle mission de contrôle conjointe sur la mise en place du revenu de solidarité active (RSA) et que cette audition du haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse, s'inscrit dans ce cadre. Il a souligné les enjeux liés à l'entrée en vigueur du RSA au 1er juin 2009 en France métropolitaine, notamment pour les conseils généraux.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, a souscrit à ces observations.
M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, haut commissaire à la jeunesse, s'est déclaré satisfait que la mise en place du RSA fasse l'objet d'un contrôle du Parlement, afin de s'assurer que la volonté exprimée lors de l'examen du projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion soit pleinement appliquée. Il a précisé que tous les éléments d'information nécessaires seront transmis aux deux commissions et a remis un document présentant l'impact de la crise économique sur les prévisions de recettes et de dépenses liées au RSA.
Il a rappelé que les dispositions de la loi généralisant le RSA requièrent peu de mesures réglementaires d'application mais qu'elles nécessitent la signature de plusieurs conventions entre les collectivités territoriales et les organismes chargés de la mise en oeuvre du dispositif. Un décret en Conseil d'Etat devrait être prochainement publié, après avoir reçu les avis favorables de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), de la Mutualité sociale agricole (MSA), du Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) et de la commission consultative sur l'évaluation des charges (CCEC). Les autres décrets devraient également être finalisés rapidement, une fois connues, notamment, les préconisations de Mme Sylvie Desmarescaux en matière d'évolution des droits connexes.
M. Martin Hirsch a indiqué que des réunions de mise en place du RSA se sont tenues régulièrement avec les différents acteurs concernés - conseils généraux, Cnaf, MSA, Pôle emploi, Union nationale des centres communaux d'action sociale - et que les projets de conventions, notamment celles relatives à l'accompagnement des bénéficiaires par Pôle emploi, sont en cours d'examen par les différents partenaires.
Il a ensuite mis en évidence les principaux enjeux de la mise en oeuvre du revenu de solidarité active : l'information des bénéficiaires, l'adaptation des systèmes informatiques des caisses chargées du versement de la prestation, l'adéquation des effectifs de ces dernières et, enfin, la capacité d'évolution du système.
Le système informatique de la Cnaf est en cours de refonte et devrait être opérationnel à la mi-juin. L'information des allocataires a débuté au moment du versement de la prime de solidarité active et s'est accompagnée de la mise en place d'un test d'éligibilité au RSA sur Internet, qui a été très largement utilisé dès son ouverture. Une plateforme téléphonique - le 39.39 - a également été créée et se trouve aujourd'hui débordée en raison du grand nombre d'appels reçus.
En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Martin Hirsch a décrit les principales demandes formulées et informations délivrées dans le cadre de ce service et a estimé que ce dispositif de premier niveau devrait permettre de faire face à environ 400.000 appels au cours des prochains mois, des adaptations pouvant être envisagées en fonction des besoins constatés. Un dispositif de deuxième niveau devrait également être mis en place dans les caisses d'allocations familiales et les conseils généraux. Ce système d'information apparaît aujourd'hui chargé et tendu, compte tenu de l'afflux de demandes d'informations, mais il devrait permettre d'éviter des retards par la suite. De la sorte, la quasi-totalité des prestations de RSA pourra être versée dès le début du mois de juillet 2009. Par ailleurs, des études sont en cours afin de mettre au point une bonne articulation entre le dispositif de l'auto-entrepreneur et celui du RSA.
M. Martin Hirsch a indiqué que l'orientation et l'accompagnement vers l'emploi font également l'objet de tests dans quatre territoires, afin d'entrer en vigueur dans les meilleurs délais. Des effectifs supplémentaires ont été octroyés aux caisses d'allocations familiales et à Pôle emploi afin de faire face à la surcharge de travail induite par la mise en place du RSA.
Malgré la crise économique, déjà à l'oeuvre à la fin de l'année 2008, les expérimentations ont confirmé que le RSA permet un meilleur taux de retour à l'emploi que les dispositifs précédemment en vigueur. En période de basse conjoncture, cette prestation joue également un rôle de stabilisateur automatique. D'après de récentes simulations, en dépit de l'évolution de la conjoncture économique, le nombre de bénéficiaires du RSA ne devrait pas être significativement revu à la hausse : certaines personnes devraient entrer dans le champ de la prestation, notamment du RSA « chapeau », mais d'autres devraient en sortir, pour bénéficier des prestations versées par l'assurance chômage. La dépense liée au RSA ne devrait donc pas être très supérieure aux prévisions initiales, même en retenant des hypothèses de taux de chômage élevé.
M. Jean Arthuis, président, a observé que le taux de chômage retenu dans le scénario le plus défavorable - 8,5 % en 2010 - peut apparaître faible, compte tenu de la dégradation de la conjoncture économique.
M. Martin Hirsch a indiqué que d'autres simulations pourraient être réalisées en prenant en compte des hypothèses de taux de chômage plus élevé. L'impact de la croissance du chômage apparaît toutefois limité sur l'évolution du nombre total de bénéficiaires du RSA et les dépenses globales liées à cette prestation. De même, la crise économique ne conduit pas à remettre en cause les prévisions initiales de rendement de la contribution de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, les trois-quarts de son assiette étant insensibles aux variations boursières ou à la diminution du prix de l'immobilier.
Il a rappelé que le Fonds national des solidarités actives, qui finance le RSA « chapeau », devrait connaître un excédent en 2009 et qu'en cas de besoin, le plafonnement global des niches fiscales pourrait permettre un redéploiement de certaines recettes au profit de ce fonds.
M. Martin Hirsch a souligné qu'un important travail est en cours concernant l'adaptation des droits connexes locaux, une mission sur ce thème ayant été confiée à Mme Sylvie Desmarescaux. La tarification des transports en Ile-de-France devrait ainsi être révisée afin de passer d'une logique de gratuité liée au bénéfice du RMI à une progressivité des tarifs en fonction des revenus, tout en étant neutre pour les recettes du syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif).
M. Nicolas About, président, a souhaité obtenir des précisions sur les modalités concrètes de prise en compte des revenus par le Stif.
M. Martin Hirsch a expliqué que les Caf transmettront trimestriellement au Stif les informations relatives aux ressources des bénéficiaires du RSA, ce qui lui permettra d'ajuster régulièrement les tarifs appliqués à chaque allocataire.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur, a souhaité savoir si les Caf seront effectivement prêtes à liquider et verser le RSA au mois de juillet prochain. Elle s'est également interrogée sur la capacité des caisses à répercuter en temps réel, sur le montant des prestations versées, les informations transmises par les conseils généraux sur l'évolution de la situation financière des allocataires.
M. Martin Hirsch n'a pas contesté la montée d'une inquiétude dans les caisses, mais on constate qu'elles sont particulièrement mobilisées et désireuses de faire face à leur responsabilité, comme cela a toujours été le cas. Les Caf ont fait un grand effort de modernisation au cours des dernières années, ce qui leur a permis de devenir l'une des administrations les plus performantes, comme le montre notamment la brièveté de leurs délais de réponse aux appels téléphoniques. Certes, certaines caisses présentent aujourd'hui des retards importants dans le traitement des dossiers, mais ils pourront être résorbés rapidement : la caisse de Châtellerault a par exemple rattrapé un retard de trois semaines en fermant l'accueil public pendant seulement trois jours. Les Caf ont donc 95 % de chances d'être au rendez-vous, les 5 % restants étant dus au risque, jamais totalement maîtrisable, d'un bug informatique.
En ce qui concerne la transmission des données entre les caisses et les conseils généraux, un groupe de travail dédié au sujet doit veiller à ce que les systèmes informatiques permettent, d'une part, aux conseils généraux de vérifier que les Caf ont bien répercuté en temps réel, sur le niveau des prestations versées pour leur compte, les changements de situation financière des allocataires, d'autre part à l'ensemble des acteurs concernés de partager les mêmes données sur les allocataires grâce à un outil informatique commun.
M. Auguste Cazalet, rapporteur, a rappelé que le nouveau système de versement de la prestation devrait être fourni aux caisses à la mi-juin, ce qui n'autorise aucun échec dans la conception, compte tenu de la proximité de la date d'entrée en application effective du RSA. Une solution de rechange, en cas de problème technique, a-t-elle été imaginée ?
M. Martin Hirsch a indiqué que l'expérimentation du RSA dans plusieurs départements n'a pas posé de problèmes informatiques insurmontables. Le versement de la prime de solidarité active, sur l'ensemble du territoire, constitue par ailleurs un test qui permettra de mettre à jour en amont, les fichiers lorsque cela sera nécessaire.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur, s'est interrogé sur la viabilité du financement du RSA : la prise en charge de la partie « socle » de l'allocation est-elle remise en cause par la baisse des recettes de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) ? Le financement de la partie « chapeau » est-il touché par la diminution du volume des produits d'assurance-vie, soumis à la « contribution RSA », au profit du livret A, qui en est exonéré ? Enfin, dans un autre domaine, les modalités de mise en place du revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA) sont-elles déjà définies ?
M. Martin Hirsch a considéré que le gonflement du livret A ne relève pas d'une stratégie d'optimisation fiscale, mais il a reconnu ne pas disposer d'informations précises expliquant le phénomène. Le RSTA est un dispositif transitoire qui se différencie du RSA sur deux points : il prend moins en compte les charges familiales, puisque la part forfaitaire est plus importante, et il monte plus haut dans l'échelle des revenus. Il est applicable rétroactivement depuis le 1er mars mais ne sera versé qu'à compter du 1er juillet par les caisses de sécurité sociale sous l'égide de la caisse nationale d'assurance vieillesse qui en sera le liquidateur. Le calendrier du passage au RSA n'est pas encore défini.
Mme Bernadette Dupont, rapporteur, a souhaité connaître le degré de préparation et d'implication de Pôle emploi, qui a déjà dû surmonter de nombreuses difficultés pour se constituer.
M. Martin Hirsch a insisté sur l'engagement tenu par Pôle emploi d'offrir aux bénéficiaires du RSA les mêmes prestations de services qu'aux demandeurs d'emplois. La réussite du RSA passe désormais par la coordination de tous les acteurs et les conseils généraux ont donc tout intérêt à maintenir leur effort de financement de Pôle emploi à son niveau actuel, soit 70 millions sur le milliard d'euros consacré à la réinsertion des allocataires du RMI.
M. Gérard Miquel a souligné que la coopération des conseils généraux avec les Caf et les mutualités sociales agricoles (MSA) ne posent aucune difficulté particulière, mais qu'elle est parfois plus compliquée avec Pôle emploi, notamment en raison de la mise en place assez lente de cet organisme. Il a rappelé que le transfert de la charge du RMI aux départements ne s'est jamais accompagné, en dépit des engagements du gouvernement, d'une compensation des coûts à l'euro près. Il n'est pas envisageable que le Gouvernement se désintéresse, cette fois-ci, de la charge financière que représente le RSA pour les conseils généraux qui risquent, en raison de la baisse des droits de mutation, d'être dans l'incapacité de la supporter. Enfin, dans un autre domaine, la mise en place de représentants des bénéficiaires du RSA n'est-elle pas paradoxale, puisque l'allocation a justement été créée pour faciliter le retour à l'emploi, et donc pour sortir in fine du RSA ?
M. Alain Vasselle a souhaité connaître le résultat des évaluations du RSA expérimental. Observe-t-on, par exemple, une augmentation du taux de retour à l'emploi dans les départements qui l'ont proposé ? Quelles sont les économies budgétaires qui en découlent ?
M. Eric Doligé a rappelé qu'un accord-cadre entre l'association des départements de France (ADF) et Pôle emploi sera prochainement conclu. Il a souligné que les départements rencontreront cette année des difficultés pour financer les aides aux personnes handicapées. Concernant la prestation de compensation du handicap (PCH), par exemple, les recettes de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ne devraient lui permettre de compenser les dépenses des conseils généraux qu'à hauteur de 74 % du total. Le reste à charge pour un département moyen serait d'environ un million d'euros.
M. Guy Fischer s'est interrogé sur la capacité du RSA à répondre à l'ampleur des problèmes d'emploi et de pauvreté créés par la crise économique. Dans quelle mesure, par exemple, sera-t-il efficace face à une progression du chômage de l'ordre de 180 000 personnes en deux mois ? Ne risque-t-on pas, une fois de plus, de se contenter de donner un peu aux plus fragiles pour se dispenser de leur offrir une solution durable ?
M. Claude Jeannerot a mis en évidence le problème financier que représente pour les départements le mode de compensation du RSA : l'Etat ne remboursera aux conseils généraux le reste à charge de l'année 2009 que sur présentation de leurs comptes administratifs, qui ne seront disponibles qu'au deuxième semestre 2010. Dès lors, en période de crise économique, l'avance de trésorerie risque d'être trop volumineuse et il serait donc utile de prévoir une clause de revoyure pour les départements qui ne peuvent y faire face. Concernant la collaboration avec Pôle emploi, il est certain que les conseils généraux doivent s'engager, pour faciliter la réinsertion des allocataires du RSA, au-delà du minimum légal, mais il faut également veiller à ce que les prestations de droit commun fournies par cet organisme soient de qualité, ce qui est loin d'être le cas actuellement.
M. Jean Desessard a regretté que la déclaration de ressources des allocataires du RSA ne soit pas mensuelle. Il s'est enquis auprès du Haut commissaire du succès rencontré par sa proposition aux dirigeants de grandes entreprises de consacrer une partie de leur rémunération au financement du RSA.
M. Martin Hirsch a apporté les éléments de réponse suivants :
- la transformation du RMI en RSA est neutre financièrement pour les départements : elle n'apporte ni amélioration, ni détérioration de la compensation ; pour ce qui est du remplacement de l'API par le RSA, une clause de revoyure est prévue dans dix-huit mois, qui permettra de vérifier que les modalités de compensation financière sont satisfaisantes ; ceci étant, le risque financier est limité pour les conseils généraux, puisque la partie API ne représente que 10 % du RSA « socle » et que ceux-ci bénéficieront directement de la mise en place du RSA « chapeau », financé uniquement par l'Etat, et qui devrait conduire à réduire fortement le nombre d'allocataires du RSA « socle » ;
- dans les départements qui ont expérimenté le RSA, le taux de retour à l'emploi a été supérieur de 30 % à celui observé dans les départements témoins ; en outre, dans ces départements, les revenus du travail n'ont pas baissé, ce qui prouve que le RSA ne s'est pas substitué, mais bien ajouté, aux revenus tirés d'un emploi ; enfin, on constate que les employeurs n'ont pas diminué le temps de travail des bénéficiaires du RSA ;
- il est vrai que la réussite du RSA passe par la coopération de chaque acteur public et il ne faudrait pas que certains se désinvestissent au détriment des autres sur lesquels retomberait la charge de travail ; il serait utile, en ce sens, que le Parlement contrôle l'implication de tous les protagonistes ;
- certes, l'inquiétude vis-à-vis de la capacité de Pôle emploi à remplir son rôle est grande, mais cela montre bien que cet organisme est désormais reconnu comme un acteur essentiel dans la réinsertion des allocataires du RSA, ce qui est très positif ; les bénéficiaires du RSA vont dorénavant pouvoir bénéficier, au même titre que les demandeurs d'emploi, des prestations de service que propose Pôle emploi, comme la validation des acquis de l'expérience, les aides à la mobilité ou les tarifs réduits sur les transports, ce qui représente plusieurs centaines de millions d'euros par an ; par ailleurs, l'Etat a ouvert une ligne de crédits supplémentaire de 150 millions d'euros pour créer une prestation nouvelle, l'aide personnalisée pour le retour à l'emploi, destinée à financer des soutiens ponctuels aux allocataires qui retrouvent un emploi ; les conseils généraux, Pôle emploi et les Caf devront se répartir annuellement, dans un cadre conventionnel, cette somme dont 10 % devront obligatoirement être distribués sous forme d'aides à la mobilité.
Mercredi 8 avril 2009
- Présidence de M. Nicolas About, président. -Loi portant réforme de l'hôpital - Audition de Mmes Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, et Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité
La commission a procédé à l'audition de Mmes Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, et Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, sur le projet de loi n° 290 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires dont M. Alain Milon est le rapporteur.
M. Nicolas About, président, a proposé qu'après l'exposé liminaire de la ministre, le débat s'organise en trois temps, afin d'en faciliter le suivi : d'abord, les questions relatives à l'hôpital et aux agences régionales de santé (ARS) traitées aux titres I et IV du texte ; ensuite, les questions de santé publique et d'organisation des soins figurant aux titres II et III ; enfin, le volet médico-social, qui peut faire l'objet d'une discussion spécifique.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, a tout d'abord souligné que le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST) est marqué par le souci de moderniser le système de santé tout en renforçant ses principes solidaires. Ce texte, élaboré à l'issue d'une longue concertation, à laquelle ont été associés les parlementaires, au cours des états généraux de l'organisation de la santé notamment, prend appui sur l'expertise et les compétences des acteurs de terrain, élus locaux, professionnels de santé, représentants des usagers.
Le projet de loi est né de plusieurs constats :
- les difficultés rencontrées par les usagers, perdus dans des parcours de soins trop cloisonnés, qui pâtissent de la complexité du système de santé et souffrent d'inégalités territoriales et sociales d'accès aux soins ;
- le souhait, exprimé par l'ensemble des professionnels de santé, que soient mis en oeuvre de nouveaux modes d'organisation et d'exercice, plus cohérents et plus efficaces ;
- la multiplication des progrès techniques, qui rendent encore plus cruciales les questions de sécurité et d'organisation des soins ;
- enfin, la nécessité de mettre en oeuvre une approche territorialisée des besoins et de l'offre de santé pour apporter des réponses plus efficaces, dans le respect du pilotage national.
Le premier objectif du projet de loi est la réaffirmation des missions de service public des établissements de santé : la permanence des soins, l'accueil des urgences, la formation, la recherche, l'accueil des personnes en situation de précarité. Le renforcement de ces missions passe par la modernisation des hôpitaux autour d'un projet médical impliquant de poursuivre la politique de recomposition conduite par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH).
Sans qu'il soit question de « carte hospitalière » ou de fermeture d'hôpitaux, il est indispensable que certains établissements convertissent ou fassent évoluer une partie de leurs services pour garantir à tous la qualité et la sécurité des soins. La modernisation des hôpitaux implique également une meilleure répartition des ressources financières et l'attribution au chef d'établissement et au président de la commission médicale d'établissement (CME) des moyens d'exercer pleinement leurs responsabilités. Qualité des soins et bonne gestion administrative et financière ne sont pas antithétiques et le projet de loi renforce le projet médical d'établissement en plaçant le président de la CME dans une position déterminante au sein de l'exécutif hospitalier.
Mme Roselyne Bachelot a toutefois noté que la visibilité du binôme constitué par le directeur d'hôpital et le président de la CME peut être encore renforcée dans le projet de loi, à condition que le directeur dispose des moyens de sortir d'une éventuelle situation de blocage. Quant aux personnels soignants, leur rôle dans les établissements de santé, aux côtés des personnels médicaux, est lui aussi pleinement reconnu, le président de la commission des soins infirmiers devenant par exemple membre de droit du directoire.
Elle a ensuite évoqué les communautés hospitalières de territoire (CHT) pour souligner que les hôpitaux doivent mieux coopérer les uns avec les autres et mutualiser leurs moyens humains et financiers, les CHT constituant un instrument indispensable pour mieux répondre aux besoins de la population sur un territoire donné, dans une logique de gradation des soins et de complémentarités. A cet égard, l'objectif n'est pas de vider certains hôpitaux de leur substance pour en remplir d'autres, mais de favoriser les alliances entre hôpitaux de taille moyenne, la taille critique s'établissant autour de quatre cents à cinq cents lits en médecine-chirurgie-obstétrique.
Une action déterminée est nécessaire pour mieux articuler l'hôpital avec la médecine de ville et avec le secteur médico-social, en donnant aux professionnels les outils pour mieux communiquer et ainsi mieux orienter leurs patients et mieux prendre en charge leur suivi.
Rappelant qu'une mission sur la recherche et l'enseignement dans les CHU a été confiée par le Président de la République au professeur Marescaux, Mme Roselyne Bachelot a estimé que ses premières propositions s'inscrivent parfaitement dans les grandes orientations de la réforme et permettent de conforter efficacement la place et le rôle de la recherche biomédicale et de l'enseignement, dès lors qu'elles visent à adapter la gouvernance des centres hospitalo-universitaires à leur fonction d'enseignement et de recherche et à mieux tenir compte de leur nécessaire articulation avec l'université. Il est indispensable de transcrire les conclusions des travaux du professeur Marescaux dans le schéma de gouvernance de l'hôpital, par exemple en désignant à côté du président de la CME, premier vice-président du directoire, deux autres vice-présidents, l'un chargé de la recherche et l'autre de l'enseignement. Elle s'est déclarée par avance favorable aux éventuels amendements qui reprendraient ces propositions.
En ce qui concerne l'accès aux soins, il faut combattre avec force les discriminations financières qui y font obstacle, tant pour la médecine de ville que pour les établissements de santé. Pour améliorer la situation en ce domaine, le projet de loi prévoit l'augmentation de l'aide à la complémentaire santé (ACS) pour les personnes les plus âgées et l'interdiction des refus de soins. A cet égard, les critiques formulées contre la pratique du « testing » prévue par le texte pour établir la preuve qu'un professionnel mis en cause pratique effectivement le refus de soins sont injustifiées. Ce n'est pas le « testing » qui jette l'opprobre sur le corps médical, mais bien le refus de transparence, qui permet à quelques moutons noirs de ternir l'image d'une profession ancrée dans l'éthique et la déontologie.
Enfin, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale pour répondre aux problèmes financiers d'accès aux soins dans les établissements de santé privés constitue une réponse qui mérite d'être améliorée.
A propos de l'égal accès aux soins sur tout le territoire, un faisceau de mesures concrètes et opérationnelles, de la formation à la programmation de l'offre de soins, doit être mis en place pour lutter contre les « déserts médicaux », dans le respect de la liberté d'installation. A cet égard, l'article 15 du projet de loi modifie substantiellement l'organisation des études de médecine en prévoyant que la répartition des étudiants dans les régions se fera en fonction des besoins constatés de la population et de l'état de l'offre de soins en ville et à l'hôpital.
La création du schéma d'aménagement de l'offre de soins de premiers recours doit par ailleurs permettre de mieux répartir l'offre de soins sur tout le territoire. Un corps de praticiens de service public de toutes spécialités sera également constitué. Ces professionnels iront exercer dans les zones les moins dotées, en échange d'une allocation perçue dans le cadre de leurs études.
Les coopérations entre médecins et avec les autres professionnels de santé doivent être favorisées, au sein des maisons de santé notamment. Le projet de loi reconnaît officiellement les pôles de santé, définis comme la réunion de cabinets, de maisons de santé et de toute autre structure de soins présente sur le territoire. Ces pôles pourront déployer des projets de santé communs et faciliter les coopérations et l'implantation d'une offre de soins de qualité sur le territoire.
Les dispositions du titre II du projet de loi ont vocation à être complétées, pour les professions paramédicales, par l'intégration des formations au processus européen LMD. La reconnaissance universitaire, en valorisant les carrières, mais aussi en les diversifiant et en les spécialisant, grâce à l'accès aux masters notamment, doit ainsi répondre à un double enjeu : renforcer l'attractivité des professions paramédicales et mieux répondre aux besoins de santé.
Mme Roselyne Bachelot a ensuite souligné la nécessité de décliner les politiques de santé dans chaque région, pour garantir, partout et toujours, une même qualité et une même sécurité des soins. Cette mission relèvera des ARS qui reposeront sur une gouvernance équilibrée et un renforcement de la démocratie sanitaire : leur conseil de surveillance associera des représentants de l'Etat, des membres de l'assurance maladie, ainsi que des représentants des collectivités territoriales, des représentants des patients, des personnes âgées et des personnes handicapées.
Les ARS, qui renforceront l'ancrage et le pilotage territorial des politiques de santé, se substitueront à sept organismes différents. Elles investiront l'ensemble du champ de la santé et de l'autonomie, permettant de lever les cloisonnements, c'est-à-dire de donner toute leur cohérence aux politiques de santé. Ainsi, en luttant contre les déserts médicaux, en associant étroitement les acteurs régionaux, la loi HPST sera une loi d'aménagement du territoire, ce qui n'exclut pas un renforcement du pilotage national et de la cohérence d'ensemble du système.
Pour leur part, les dispositions du projet de loi relatives à la prévention prennent en compte le fait que les maladies chroniques sont en augmentation continue, tandis que l'amélioration des soins permet un allongement de l'espérance de vie des malades.
Deux facteurs de risque des maladies chroniques ont été clairement identifiés : le tabac et l'alcool, qui frappent en particulier les jeunes. C'est la raison pour laquelle le projet de loi tend à interdire la vente de boissons alcoolisées aux mineurs, quels que soient le lieu et la catégorie d'alcool. Cependant les dégustations, de même que les foires et les fêtes dans lesquelles on peut déguster des boissons alcoolisées à titre gratuit ou contre une somme forfaitaire, ne sont pas concernées. L'interdiction de la vente et de la distribution de cigarettes dont le goût sucré ou acidulé attire particulièrement un public jeune doit par ailleurs renforcer l'efficacité de la lutte contre le tabagisme. De même, les dispositifs de la prévention ont été étendus à la lutte contre l'obésité et le surpoids ou au renforcement du suivi gynécologique.
La politique du Gouvernement en matière de lutte contre les addictions ne se limite pas aux mesures d'interdiction, mais repose sur un juste équilibre entre prévention, interdiction et prise en charge, le but essentiel étant de convaincre chacun d'adopter par lui-même des habitudes bénéfiques pour sa santé. Les actions de l'institut national de prévention et d'éducation pour la santé (Inpes) et, dès 2010, celles des ARS doivent contribuer fortement à cet objectif.
La ministre a par ailleurs insisté sur l'importance des programmes d'éducation thérapeutique, inscrits par le projet de loi dans le code de la santé publique pour donner au patient les moyens d'être acteur de sa prise en charge. De nombreux programmes existent d'ores et déjà sur le terrain, dont il conviendra de s'inspirer tout en les structurant et en assurant leur développement dans des conditions de qualité et de proximité.
Enfin, dans le cadre de la protection des personnes présentant une souffrance psychique, le projet de loi prévoit de rendre opérationnel le dispositif d'encadrement du titre de psychothérapeute, tout en préservant un haut niveau de qualité d'accès à la formation.
En définitive, ce projet de loi vise à replacer le patient au coeur du système et à faire reposer l'édifice sur l'engagement responsable des professionnels.
M. Alain Milon, rapporteur, a tout d'abord indiqué que le projet de loi, qui comptait trente-trois articles dans sa version initiale, en comporte désormais cent deux après son examen par l'Assemblée nationale. Il proposera d'ailleurs à la commission d'alléger un peu le dispositif pour privilégier l'essentiel.
Ce texte traite de questions fondamentales pour la population : l'égal accès de tous, et sur tout le territoire, à des soins de qualité, la sécurité sanitaire, la prévention, l'éducation thérapeutique, le développement des moyens d'accueil et d'accompagnement médico-social, l'organisation de parcours de soins cohérents, l'excellence de l'hôpital public, la permanence des soins. Le souci du bon usage et de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé est également essentiel, les usagers sachant très bien que l'emballement des dépenses de santé, qui n'est pas une garantie de qualité des soins, pourrait mettre en péril l'ensemble du système de santé et d'assurance maladie.
Abordant les titres I et IV du projet de loi, respectivement relatifs à la modernisation des établissements de santé et à l'organisation territoriale du système de santé, le rapporteur a observé que le texte propose une nouvelle définition, matérielle et non plus organique, du service public, fondée sur l'accomplissement de missions et non plus sur le statut des établissements. Cette évolution bousculera très certainement des habitudes mais la contractualisation qui encadrera l'exercice des missions de service public et la garantie d'accès aux soins aux tarifs du secteur 1 doivent éviter toute mise en cause du bon fonctionnement du service public.
A propos de la gouvernance de l'hôpital public, et tout en souscrivant à l'objectif d'amélioration de la gestion, on peut se demander si cette nouvelle réforme, qui vient après quelques autres, ne donnera pas au directeur trop de pouvoirs pour qu'il puisse les exercer efficacement. Comme l'a judicieusement observé la commission Larcher, le directeur aura besoin, pour mener une politique, de s'appuyer sur toutes les compétences, et notamment celles des médecins, dont beaucoup se sont impliqués dans la gestion des établissements et qui craignent d'être mis à l'écart. L'organisation proposée, qui écarte largement les médecins des décisions et s'appuie sur un conseil de surveillance qui ne peut pas surveiller et un directoire qui ne dirige pas, ne garantit pas un fonctionnement très efficace de la communauté hospitalière et mériterait d'être rééquilibrée.
En matière de coopération entre établissements, la communauté hospitalière de territoire que propose le projet de loi ne correspond pas tout à fait au partenariat volontaire que proposait le rapport Larcher sur le modèle des communautés de communes, ni même aux alliances de raison que beaucoup d'établissements seraient sans doute disposés à contracter pour maintenir un maillage satisfaisant du territoire. La coopération pourra-t-elle être imposée et s'agira-t-il alors encore d'une coopération ? Les dispositions concernant les groupements de coopération sanitaire, qui ont vocation à associer des partenaires publics et privés, ne paraissent par ailleurs pas suffisamment abouties, la transformation de ces groupements en établissements de santé posant des problèmes juridiques et pratiques non résolus par le projet de loi.
S'arrêtant sur la création des ARS, M. Alain Milon, rapporteur, s'est déclaré en plein accord avec l'objectif consistant à décloisonner au niveau régional les compétences relevant des différents aspects de la politique de santé et à déconcentrer le pilotage au niveau des régions et des territoires. Cependant, le rôle des ARS doit être clarifié car le projet de loi les charge de définir des « politiques régionales de santé », alors que la politique de la santé est, et doit rester, une politique nationale. Il doit être clair que les ARS constituent un échelon déconcentré de la politique de santé, même si cet échelon est organisé sous une forme un peu inhabituelle et qu'elles agiront, comme avant elles les ARH, au nom de l'Etat et sous l'autorité des ministres responsables. Certes, les compétences et le rôle des ARS en feront des instruments remarquables de prévention du risque assurantiel de santé, mais la politique de gestion du risque ne peut être définie et menée qu'au niveau national.
Il s'est enfin déclaré peu convaincu par la conversion en « conseil de pilotage » du comité de coordination des ARS et par les autres modifications apportées par l'Assemblée nationale aux articles relatifs à cette coordination.
M. Bernard Cazeau a observé que le Gouvernement, comme ses prédécesseurs, ne parvient pas à équilibrer les comptes de l'assurance maladie. Il s'est demandé dans quelle mesure ce projet de loi, exclusivement axé sur la gouvernance du système de santé et en aucun cas sur les aspects financiers, permettra un quelconque progrès en matière d'équilibre des comptes.
M. François Autain a estimé que ce projet de loi marque la disparition du service public hospitalier. Il s'est interrogé sur l'intérêt d'introduire dans le texte des dispositions sur les CHU alors même que le rapport Marescaux n'a pas été rendu public, relevant qu'à l'inverse rien n'est prévu sur la psychiatrie bien qu'un rapport ait été rendu public il y a longtemps déjà. Il a souhaité savoir si la réforme de la gouvernance du système de santé aurait un quelconque effet sur la maîtrise des déficits. Enfin, à propos de la coopération entre établissements, il a rappelé que des outils existent déjà et que rien ne permet d'espérer que ce qui a déjà échoué réussira dans l'avenir.
M. Claude Jeannerot s'est à son tour interrogé sur la contribution du projet de loi à la maîtrise des déficits des comptes sociaux. Il a exprimé la crainte que le partage des missions de service public entre l'ensemble des établissements de santé ne conduise les établissements privés à ne prendre en charge que les missions les plus lucratives. Il a en outre estimé que le nouveau système de gouvernance marque un recul sur le plan de la démocratie sociale et sanitaire, les acteurs médicaux et politiques voyant leur place amenuisée au profit du pouvoir administratif. Il s'est enfin demandé comment, dans le contexte de la création des ARS, les départements allaient pouvoir exercer leurs responsabilités sociales et médico-sociales.
M. Dominique Leclerc a souhaité savoir par quels moyens le Gouvernement souhaite voir introduites dans le projet de loi, jusqu'à présent muet sur ce point, des dispositions relatives aux CHU.
M. Alain Vasselle, après s'est déclaré en plein accord avec les observations du rapporteur, s'est interrogé sur le fonctionnement des ARS. Quelle est la portée de la disposition prévoyant que les ARS contribueront au respect de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) ? Comment les ARS vont-elles gérer les crédits du fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS) aujourd'hui gérés par l'assurance maladie ? Le montant des crédits attribués à ce fonds devra-t-il être déterminé en loi de financement de la sécurité sociale comme c'est le cas pour le fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (Fmespp) et le fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (Fiqcs) ? Les contributions versées par les organismes d'assurance maladie aux ARS auront-elles pour objet de couvrir les dépenses de fonctionnement des ARS ou pourront-elles également être affectées au financement des politiques développées par les agences ? L'attribution simultanée aux ARS de fonctions assimilables à celles de l'Etat gestionnaire et de fonctions de régulation des dépenses est-elle pertinente, alors que les pays européens qui ont tenté cette expérience ont tous fait machine arrière ?
Enfin, il a souhaité avoir davantage d'information sur les outils qui seront mis en oeuvre pour assurer la coordination entre les soins de ville et l'hôpital.
M. Bruno Gilles a relevé que les acteurs locaux ont le sentiment que les dispositions relatives à la gouvernance de l'hôpital donnent trop de pouvoirs au directeur et mettent les médecins « sur la touche ». A propos du conseil de surveillance, il a demandé, pour le premier collège, quel sera le rôle du maire qui présidait jusqu'à présent le conseil d'administration et a regretté que les médecins soient sous-représentés dans le deuxième collège, tandis que les personnes désignées par les ARS dominent le troisième collège. Il serait à son sens préférable que le président du conseil de surveillance soit choisi au sein du premier collège et non parmi l'ensemble des membres des premier et troisième collèges.
M. Jacky Le Menn s'est interrogé sur les moyens mis en oeuvre pour maîtriser les coûts de l'hôpital public. Il a estimé que l'amélioration de la gouvernance ne passe pas seulement par le renforcement du binôme constitué par le directeur et le président de la CME, mais par une coopération plus importante avec tout le corps médical et le personnel soignant. Il a fait part de l'inquiétude ressentie par les acteurs de terrain face au rôle réduit du conseil de surveillance. Il a enfin estimé difficile de confier simultanément aux ARS des rôles de gestion et une mission de régulation.
Faisant état d'un projet de réforme des secours d'urgence qui exclurait les ambulanciers du dispositif dans lequel ils sont actuellement intégrés avec les Samu et les pompiers, M. Jean-Pierre Godefroy a fait part des graves inconvénients qu'aurait une telle mise à l'écart et a souhaité disposer de précisions. Il a en outre demandé la raison de la limitation drastique du rôle des maires au sein des conseils de surveillance.
M. Gilbert Barbier a fait part de ses réserves sur le dispositif consistant à confier au directeur d'hôpital le soin d'arrêter le projet médical d'établissement sur simple avis de la CME, estimant qu'un avis conforme serait préférable. Par ailleurs, la nécessaire coopération entre établissements hospitaliers privés et publics n'est, à son avis, pas suffisamment prise en compte.
En réponse aux orateurs, Mme Roselyne Bachelot a tout d'abord rappelé que deux types de lois organisent le système de santé : les lois d'organisation, appelées à s'inscrire dans la durée, même si elles sont modifiées ou complétées, et les lois de financement. La loi HPST est une loi d'organisation de la santé destinée à améliorer la qualité des soins, qui n'a pas vocation à accueillir des dispositions spécifiquement financières.
A propos de la répartition des rôles des différents acteurs compétents en matière d'organisation des soins et de gestion du risque, le dispositif national reposant sur l'assurance maladie et l'administration sanitaire ne sera pas modifié par le projet de loi. Celui-ci tend en revanche à lier la gerbe de la gestion du risque et de l'organisation des soins au niveau régional, qui est le plus pertinent pour adapter les politiques nationales. Au niveau local, les différents acteurs, qu'il s'agisse des caisses d'assurance maladie ou du préfet de département en matière de veille de sécurité sanitaire, conservent toutes leurs prérogatives. Le préfet aura ainsi un droit de tirage sur les capacités d'expertise des ARS, tandis que les organismes d'assurance maladie concluront des contrats avec les ARS. La création des ARS n'est donc pas une déconcentration des services de l'Etat mais la mise en oeuvre d'un lien entre l'organisation sanitaire et l'assurance maladie, qui sera partie constitutive des ARS.
Les dispositions du projet de loi sur la gestion du risque sont fondées sur trois impératifs : la nécessité d'élargir le champ de la gestion du risque à l'hôpital et dans le secteur médico-social, la nécessité de mettre en cohérence la gestion du risque avec les autres composantes des politiques de santé, la nécessité du partenariat avec l'assurance maladie. A propos de la permanence des soins, le système actuel, précisément parce qu'il est caractérisé par la séparation de l'organisation des soins et de la gestion du risque, coûte très cher à l'assurance maladie sans être pleinement efficace.
Evoquant la gouvernance de l'hôpital, Mme Roselyne Bachelot a souhaité lever les craintes exprimées sur l'affaiblissement du rôle des médecins en rappelant que le projet médical, qui vise à organiser la qualité des soins au sein de l'établissement, ne se confond pas avec le projet thérapeutique qui reste naturellement l'apanage du corps médical. Le projet de loi vise à organiser et renforcer un pouvoir médical, qui n'est aujourd'hui trop souvent que le pouvoir de quelques-uns, grâce au directoire, au sein duquel médecins et soignants seront majoritaires, et au président de la CME, en charge de la préparation du projet médical de l'établissement que le directeur mettra en oeuvre. Par ailleurs, les pôles dirigés par des médecins voient leurs moyens d'organisation et de délégation renforcés.
En ce qui concerne le conseil de surveillance, ses attributions sont recentrées sur une double compétence : la définition des orientations stratégiques de l'établissement et le contrôle de l'ensemble de son fonctionnement. Ce rôle de contrôle a été renforcé par un amendement de l'Assemblée nationale lui permettant de se prononcer sur la politique d'amélioration de la qualité, de la sécurité des soins et de la gestion des risques ainsi que sur les moyens d'accueil et de prise en charge des usagers. Le conseil de surveillance doit exercer la plénitude de son rôle de surveillance.
M. Nicolas About, président, a fait valoir que le conseil de surveillance ne pourra jouer un tel rôle que s'il dispose d'autres informations et outils que ceux qui lui sont fournis par le directeur.
Mme Roselyne Bachelot a ensuite observé que le maire ne sera pas écarté du nouveau système, dès lors qu'il continuera à pouvoir accéder à la présidence du conseil de surveillance, son élection par les membres du conseil lui donnant une légitimité plus grande qu'un statut de président de droit. Les attributions conférées au directeur n'ont en aucun cas pour objectif d'affaiblir le pouvoir médical mais visent à faire en sorte que des décisions puissent toujours être prises, afin d'éviter les blocages qui font obstacle à la modernisation de l'établissement. En lien avec le directoire, le directeur se voit confier la pleine responsabilité de la gestion de l'établissement, mais exercera l'ensemble de ses attributions en étroite collaboration avec les médecins, notamment avec le vice-président du directoire.
Répondant à M. Dominique Leclerc, la ministre a indiqué que toutes les dispositions du projet de loi sur la gouvernance de l'hôpital s'appliqueront aux CHU et que le Gouvernement s'en remettra aux amendements des sénateurs pour la reprise éventuelle des propositions du rapport Marescaux. A propos des missions de service public, elle a souligné que le partage de ces missions entre établissements publics et établissements privés ne permettra en aucun cas à ces derniers de choisir les missions qu'ils souhaitent exercer. La décision de confier des missions de service public à l'hospitalisation privée reviendra aux ARS et s'accompagnera de l'obligation de respecter des règles éthiques.
Il est nécessaire de déconcentrer le système de santé français, qui reste l'un des plus centralisés au monde car il repose sur un schéma régalien très marqué : les pouvoirs du ministre de la santé en matière d'organisation du système de soins sont exorbitants, voire totaux. C'est l'échelon national qui, dans ce domaine, prédomine. Aussi est-il indispensable d'enclencher un processus de déconcentration et d'oeuvrer pour une véritable démocratie sanitaire. La nouvelle gouvernance instaurée par les ARS constitue, à ce titre, un puissant levier d'action. Les professionnels de santé, les représentants des associations et des usagers, ainsi que les collectivités territoriales seront appelés à discuter du système de santé. Ils participeront à l'exercice de planification de l'offre de soins à l'échelon régional, ainsi qu'à la gestion du risque. Jamais l'ensemble de ces acteurs n'a été aussi étroitement associé à la politique de santé. Ce travail de déconcentration et d'association, rendu possible par la création des ARS, signe l'émergence d'une démocratie sanitaire en France. En ce sens, le projet de loi constitue une véritable avancée.
M. Nicolas About, président, a rappelé à la ministre qu'une question lui a été posée sur les ambulanciers et les secours d'urgence.
M. Jean-Pierre Godefroy a confirmé sa demande sur les raisons de l'exclusion des ambulanciers des conventions quadripartites sur les secours d'urgence.
Mme Roselyne Bachelot a indiqué que, sur ce point, des négociations sont en cours avec le ministère de l'intérieur mais elle a assuré que les ambulanciers ne seront pas exclus des conventions sur les secours d'urgence.
Puis M. Nicolas About, président, a donné la parole au rapporteur sur les titres II et III du texte.
Avant d'aborder ce deuxième volet du débat,
M. Alain Milon, rapporteur, s'est dit en accord avec les propos de la ministre sur la démocratie sanitaire : même si des améliorations méritent de lui être apportées, ce projet de loi est en effet un texte de démocratie sanitaire. Un travail approfondi de consultation et d'auditions a été mené depuis des mois, aussi bien au ministère que dans les deux assemblées. L'ensemble des acteurs concernés par le sujet a donc été entendu.
Les titres II et III comportent de très nombreuses mesures, surtout après le vote de l'Assemblée nationale, parmi lesquelles certains points méritent d'être évoqués.
D'abord, celui de la démographie médicale car, jusqu'à présent, l'accent avait toujours été mis sur les mesures à caractère incitatif. D'ailleurs, le texte en prévoit de nouvelles avec, notamment, la création du contrat d'engagement de service public, c'est-à-dire le versement aux étudiants d'une allocation mensuelle pendant toute la durée de leurs études en échange d'un engagement à exercer dans une zone sous-dotée. A ce sujet, on peut se demander si le chiffre de deux cents bourses, évoqué par la ministre à l'Assemblée nationale, est bien à la hauteur des enjeux. De leur côté, les députés ont créé un contrat santé solidarité destiné à faire participer les médecins des zones « sur-denses » aux soins à prodiguer dans les zones déficitaires. Mais, contrairement aux propositions émises en ce sens par certains représentants des médecins, ils ont rendu ce contrat obligatoire pour les médecins. Cette mesure était-elle bien réaliste et ne serait-il pas préférable de la rendre facultative, étant donné les difficultés de mise en oeuvre qu'elle pourrait rencontrer ?
Le rapporteur s'est ensuite intéressé à la question des ordres professionnels. Deux amendements ont été ajoutés à l'Assemblée nationale, l'un pour les professions médicales, l'autre pour les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes et les pédicures-podologues. Les mesures proposées sont, dans l'ensemble, bienvenues car elles portent sur des dispositions qui n'avaient pas été revues depuis longtemps, mais il est singulier que l'échelon de proximité - l'échelon départemental - ait été supprimé pour le seul ordre des masseurs-kinésithérapeutes.
Sur la question de la discrimination et spécialement celle qui touche les titulaires de la CMU et de la CMU complémentaire, l'Assemblée nationale a refusé que ce soit au médecin de prouver que son comportement n'a pas été discriminatoire : les plaignants devront donc faire la preuve de ce qu'ils allèguent, ce qui est le droit commun. Demeure cependant la possibilité de pratiquer le « testing » : un membre d'association pourra alors se présenter comme un patient ayant un profil susceptible de discrimination puis porter plainte contre les pratiques discriminatoires dont il ferait l'objet. Cette mesure est-elle à même de lutter efficacement contre les discriminations ? Enfin, concernant la réforme des laboratoires de biologie médicale, l'enjeu est de médicaliser et de préserver l'indépendance de cette profession et ce, sous la pression du droit communautaire. Il serait utile que la commission sache où en est l'élaboration du texte de l'ordonnance sur cette question.
S'agissant du titre III et plus précisément de l'éducation thérapeutique,
M. Alain Milon, rapporteur, a rappelé que le texte prévoit trois niveaux d'intervention : les programmes d'éducation thérapeutique, les actions d'accompagnement, qui relèvent notamment des associations, et les programmes d'apprentissage qui peuvent être engagés par les laboratoires pharmaceutiques dans des conditions strictement encadrées. Concernant les programmes d'éducation thérapeutique, il est dit que ceux-ci devront être conformes à un cahier des charges national. Or ce choix rompt avec la pratique suivie jusqu'à présent, celle de l'élaboration des programmes sous le contrôle de la Haute Autorité de santé. Pour quelles raisons celle-ci n'est-elle pas mentionnée dans le texte et qui jouera le rôle d'homologation, de suivi et d'évaluation au niveau national ?
Enfin, sur les dispositions relatives à la vente d'alcool, le texte transmis par l'Assemblée nationale a organisé un équilibre d'ensemble qui doit être préservé.
Mme Catherine Procaccia a d'abord fait valoir les inquiétudes que suscite la question de l'accès direct aux gynécologues ou aux ophtalmologues, sans passer par le médecin traitant. Il a été dit que cette mesure relèverait du décret. Sachant qu'un décret peut facilement être modifié, ne vaudrait-il pas mieux l'inscrire dans la loi ? Elle a ensuite demandé la raison pour laquelle les bénéficiaires de la CMU ne sont pas concernés par le parcours de soins et l'obligation de déclarer un médecin traitant.
Sur cette question, M. Alain Vasselle a rappelé que, lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, il avait déposé et fait adopter un amendement rendant obligatoire le passage par le médecin traitant pour les bénéficiaires de la CMU. Cette mesure devrait donc être en vigueur.
M. Nicolas About, président, a confirmé que l'intégration des titulaires de la CMU dans le parcours de soins est bien actée dans la loi.
S'agissant du projet de loi proprement dit, M. Alain Vasselle a tout d'abord demandé des précisions sur le financement des mesures destinées à faciliter l'installation des médecins sur le territoire : quelle sera notamment la contribution respective des collectivités territoriales et des ARS ? Il a ensuite souhaité savoir comment la liberté d'installation des médecins serait conciliée avec l'obligation de signer un contrat santé solidarité car le caractère contraignant de cette mesure entre, à son sens, en contradiction avec le principe de liberté d'installation. Sur la permanence des soins, il a fait remarquer qu'un article du code de la santé publique, supprimé en 2002, prévoyait l'obligation pour les médecins d'organiser cette permanence. Ne serait-il pas aujourd'hui opportun de le rétablir ? Enfin, sur les dispositions relatives à l'alcool, il a rappelé que l'Assemblée nationale avait initialement prévu d'interdire la vente d'alcool aux stations services entre vingt heures et huit heures du matin, mais que la ministre a souhaité avancer cette interdiction à dix-huit heures. Or, entre dix-huit heures et vingt heures, les commerces de proximité qui vendent de l'alcool sont, le plus souvent, encore ouverts. Comment, dès lors, remédier à cette discrimination dans le traitement des distributeurs d'alcool ?
M. Jean-Pierre Godefroy s'est d'abord étonné de la suppression de l'échelon départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes : celui-ci lui semble en effet plus adapté que l'échelon régional. Il a ensuite évoqué la question des bénéficiaires de la CMU. Le refus de l'Assemblée nationale d'obliger les médecins à prouver que leur comportement n'a pas été discriminatoire est regrettable. Aussi est-il est indispensable de revenir à cette obligation prévue par le texte initial. Par ailleurs, les sanctions à l'encontre des médecins qui n'acceptent pas de recevoir les titulaires de la CMU ne sont pas assez dures. Il a également approuvé l'intervention d'Alain Vasselle sur la vente d'alcool dans les stations services : il serait préférable que l'interdiction commence à vingt heures et non à dix-huit heures. En outre, une distinction mériterait d'être faite entre les stations d'autoroute et les stations semi rurales ou rurales. Ces dernières, servant aussi de commerces de proximité, devraient pouvoir vendre de l'alcool jusqu'à vingt heures. En revanche, il semblerait normal que la vente d'alcool sur les aires d'autoroute soit complètement interdite. Enfin, la question de la vente d'alcool dans les épiceries ouvertes la nuit mériterait d'être posée. En effet, une fois les magasins traditionnels fermés, le ravitaillement en alcool se fait le plus souvent par ces épiceries. Peut-être conviendrait-il de leur interdire la vente d'alcool à partir d'une certaine heure ?
M. François Autain a estimé que l'objectif d'égal accès aux soins devrait faire partie intégrante de l'organisation du système de soins. Or, les dépassements d'honoraires pratiqués par certains médecins constituent un obstacle à la poursuite de cet objectif : près de 40 % des Français renoncent à se soigner à cause de ces dépassements. Sur ce sujet, où en sont les négociations conventionnelles ? Par ailleurs, le contrat santé solidarité est, à son sens, une mesure non seulement irréalisable, mais aussi inefficace, surtout si elle n'est pas rendue obligatoire. Aujourd'hui, force est de constater qu'en France, la permanence des soins n'est pas assurée et que l'on ne peut pas compter sur le volontariat des médecins pour la mettre en oeuvre. Il faut donc des mesures plus contraignantes si l'on veut garantir l'accès de tous aux soins. Il est temps de choisir entre la liberté d'installation des médecins et la sécurité des patients. Jusqu'à présent, la première l'a emporté sur la seconde et le projet de loi ne modifie en rien cette tendance.
M. Yves Daudigny a bien noté l'appréciation de la ministre qualifiant ce texte de loi d'aménagement du territoire. S'agissant de la désertification médicale, il a rappelé que les territoires, ruraux en particulier, sont confrontés à deux phénomènes. D'une part, la diminution inéluctable du nombre de médecins, d'autre part, l'aspiration des jeunes médecins à un mode de vie moins contraignant que celui des médecins installés en zone rurale. Il s'est demandé si les mesures votées à l'Assemblée nationale de lutte contre les déserts médicaux suffiront pour garantir la présence de médecins sur tous les territoires.
En réponse à l'intervention du rapporteur sur les titres II et III, Mme Roselyne Bachelot s'est félicitée qu'une position d'équilibre ait été trouvée. Ces titres ont en effet une cohérence d'ensemble. En ce qui concerne les déserts médicaux, terme sans doute un peu excessif, recourir uniquement à des mesures coercitives n'est pas souhaitable. Ce serait même contreproductif puisque ces mesures ne feraient qu'accroître un sentiment de malaise chez les médecins, en particulier chez les jeunes. Il est donc préférable de renforcer les mesures incitatives, en actionnant différents leviers tels que la formation des médecins, les aides financières et matérielles, les maisons de santé, la coopération entre les professionnels de santé ou la télémédecine.
S'agissant de la démographie médicale, la ministre a souligné l'unanimité à l'Assemblée nationale sur la création du contrat d'engagement de service public, en espérant la même réaction de la part du Sénat. Cette mesure, qui consiste à verser une allocation d'études de 1 200 euros par mois, permettra de former un corps de médecins boursiers. L'objectif poursuivi est à la fois de démocratiser les études de médecine, en attirant notamment des jeunes issus des milieux défavorisés, et d'enrayer la diminution du nombre de médecins. Il s'agit donc d'une stratégie « gagnant-gagnant ».
En réponse aux craintes suscitées par le « testing », elle a estimé qu'il serait dans l'intérêt du médecin d'accepter sa pratique. Car, on le sait, l'immense majorité des praticiens ne refuse pas de prodiguer des soins aux bénéficiaires de la CMU ou de l'AME et il faut aussi avoir conscience que certains d'entre eux peuvent accuser, à tort, un médecin de ne pas les recevoir. Dès lors, comment celui-ci pourra-t-il prouver sa bonne foi ? Le « testing » est une réponse à cette interrogation et non une mesure dirigée contre les médecins, bien au contraire, et qui ne devrait donc pas susciter un tel tollé.
Sur la permanence des soins, la garde est une obligation, inscrite dans le code de la santé publique, qui incombe aux médecins. C'est d'ailleurs cette obligation qui fonde, en droit, le pouvoir de réquisition du préfet si la permanence des soins n'est pas assurée. Le projet de loi ne modifie en rien ces dispositions. En revanche, celui-ci modifie le cadre dans lequel s'effectuera à l'avenir la garde : le médecin ne sera pas tenu de l'assurer de façon individuelle, mais de façon collective, au sein de l'organisation de la permanence des soins à l'échelon régional.
A propos du gonflement du texte après son passage à l'Assemblée nationale, relevé par le rapporteur, Mme Roselyne Bachelot a émis le souhait que ce projet de loi demeure simple et compréhensible : pour qu'une loi soit respectée, il faut qu'elle puisse être comprise par tous.
Sur la question du contrat santé solidarité, il est prévu que cette mesure n'entre en application que dans trois ans car il faut laisser aux autres mesures incitatives prévues par le texte le temps de se déployer. Une fois celles-ci mises en oeuvre, il ne sera d'ailleurs peut-être plus utile d'avoir recours à ce contrat, sachant d'ailleurs qu'il ne concernerait que 3 % du territoire national et 10 % des médecins. L'intervention des médecins des zones surdenses dans les zones sous dotées pourra prendre différentes formes, par exemple la consultation en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou la vacation en milieu scolaire. Le médecin qui refusera de pratiquer de telles interventions sera soumis à une pénalité financière. Le montant de cette pénalité - qui sera égal au plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 2 859 euros par mois en 2009 - a fait l'objet de négociations avec les représentants des médecins et des internes. Cette mesure a pour mérite de garantir l'équité intergénérationnelle entre les médecins, puisqu'elle s'applique aux jeunes comme aux plus âgés.
Mme Catherine Procaccia a renouvelé sa question sur l'intégration ou non des bénéficiaires de la CMU dans le parcours de soins.
M. Nicolas About, président, a rappelé que la mesure avait été votée dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, mais que, semble-t-il, le problème de son application reste posé.
Face à l'inquiétude exprimée par M. François Autain sur les dépassements d'honoraires, Mme Roselyne Bachelot a répondu que des mesures ont été récemment prises sur le sujet, notamment dans le cadre de la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, les médecins sont désormais tenus d'afficher les tarifs de leur consultation dans la salle d'attente, sous peine de sanctions administratives. Un décret du 10 février 2009 impose qu'une information écrite soit remise au patient avant la réalisation d'un acte faisant l'objet d'un dépassement d'honoraires. Le non-respect de cette obligation est sanctionné financièrement. L'article 18 du projet de loi confirme d'ailleurs ces pénalités financières et les renforce même pour certains actes. Par ailleurs, plusieurs actions de sensibilisation à destination des professionnels sont également menées à l'initiative de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) ou de l'ordre des médecins. L'accès à l'information des patients sur ce sujet est facilité grâce aux sites internet « Infosoins » ou « Ameli ».
Enfin, elle a justifié la suppression de l'échelon départemental de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes par des raisons démographiques.
M. Nicolas About, président, a fait remarquer que l'amendement à l'origine de cette mesure ne s'appliquait pas à l'ordre des dentistes, ce qui peut paraître singulier dès lors que tous les ordres ne sont pas traités de façon identique : si le critère démographique justifie la suppression de l'échelon départemental, la mesure doit être étendue à tous les ordres ; sinon, l'échelon doit être maintenu pour tous.
La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat chargée de la solidarité, sur le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat, a tout d'abord rappelé que le texte concerne directement le champ du secteur médico-social puisque, comme cela avait été envisagé depuis de nombreuses années sans jamais être réalisé, les futures ARS piloteront conjointement les politiques sanitaire et médico-sociale. Deux lignes de force se dégagent donc du projet de loi :
- la pleine prise en compte des enjeux médico-sociaux dans les politiques conduites par l'agence, au même rang que les enjeux sanitaires, avec la même volonté d'améliorer l'efficacité et l'équité territoriale des politiques publiques à l'égard des personnes en perte d'autonomie ;
- la préoccupation constante d'associer pleinement les associations et les collectivités locales à la définition des priorités de la politique régionale de santé et à ses conditions de mise en oeuvre.
Bien sûr, les mutations qu'entraîne la création des ARS suscitent des interrogations légitimes. Elle est pourtant une chance pour le secteur médico-social, à condition de respecter certains prérequis. Cela suppose en particulier de préserver les spécificités de ce secteur, comme la prise en charge globale et personnalisée ou la place privilégiée en son sein des usagers et des associations.
L'ARS ne sera pas la domination d'un secteur sur un autre mais justement l'addition de toutes les forces pour assurer la cohérence des actions en matière de santé, qu'il s'agisse de prévention, de soins aigus ou d'accompagnement au long cours des personnes en perte d'autonomie. En outre, la place des usagers sera garantie dans toutes les instances de la nouvelle gouvernance, que ce soit dans le conseil de surveillance des ARS, les conférences régionales de santé et de l'autonomie, les commissions spécialisées ou les commissions d'appel à projets. Par ailleurs, une concertation approfondie entre les collectivités locales et l'ARS est bien organisée au travers de la création d'une commission de coordination qui permettra, dans le respect des compétences de chacun, d'articuler au mieux les politiques médico-sociales.
Le projet de loi introduit également une réforme profonde de la procédure d'autorisation de création de places médico-sociales, en instaurant un appel à projets. Cette nouvelle procédure permettra d'accorder d'emblée autorisation et financement aux projets répondant le mieux aux besoins. Elle mettra fin aux listes d'attente qui font qu'un promoteur reste des années dans l'incertitude, sans savoir si son projet répond aux besoins prioritaires, ni s'il sera financé. Afin de répondre aux préoccupations des associations et de nombreux parlementaires, une place particulière sera faite aux projets innovants. Elle permettra donc de maintenir la capacité des acteurs de terrain à faire remonter les initiatives les plus intéressantes.
Par ailleurs, la discussion du texte à l'Assemblée nationale a permis de donner une portée législative au mécanisme de la « fongibilité asymétrique » de façon à garantir au secteur médico-social un financement pérenne et croissant pour répondre à l'importance des besoins à venir. De même, la promotion de la bientraitance a été introduite parmi les missions de l'ARS.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat, a ensuite évoqué la question des compétences partagées entre l'Etat et les départements. Certains sénateurs souhaitent en effet expérimenter la délégation aux conseils généraux des compétences de gestion des crédits d'assurance maladie destinés aux établissements médico-sociaux. On peut certes y voir un moyen de simplification et de plus grande lisibilité des procédures dans le champ du médico-social, mais le Gouvernement y est opposé pour plusieurs raisons. En termes de calendrier tout d'abord, il semble prématuré de prévoir une telle expérimentation, alors qu'un texte viendra dans les prochains mois redéfinir les contours des collectivités territoriales. Sur le fond ensuite, un tel transfert de compétence, même expérimental, mérite d'être mûrement réfléchi puisqu'il reviendrait à déroger à un principe fondamental de la protection sociale en confiant aux collectivités territoriales la gestion de crédits d'assurance maladie.
En conclusion, elle a souligné que le Gouvernement a été soucieux d'élaborer un cadre nouveau pour faire du système de soins un ensemble mieux articulé, plus dynamique et plus réactif qui permette de s'adapter à la révolution démographique des quinze prochaines années. A n'en pas douter, la commission des affaires sociales du Sénat aura à coeur de soutenir et d'enrichir cette démarche.
M. Alain Milon, rapporteur, est tout d'abord revenu sur les propos de la ministre de la santé concernant la lisibilité de la loi. Ce texte doit, en effet, être le plus clair possible afin d'être compris par tous. Si les dispositions concernant l'organisation des soins et l'hôpital relèvent bien de son objet, d'autres mériteraient d'être plutôt abordées dans une future loi de santé publique.
Son souhait de traiter à part, en présence de la secrétaire d'Etat, le volet médico-social du texte, est justifié par l'intérêt que la commission porte à ce sujet. Parmi la dizaine de dispositions « médico-sociales », trois points paraissent essentiels.
Le premier porte sur l'intégration d'une partie du secteur médico-social - l'accompagnement et la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées - dans le champ de compétences des ARS. Cette mesure devrait faciliter le décloisonnement entre les secteurs sanitaire et médico-social et favoriser la continuité du parcours de soins.
Toutefois, ce nouveau cadre suscite des inquiétudes, notamment celle de faire du médico-social une sorte de « parent pauvre » face au poids du sanitaire. La création d'un dispositif de garantie des fonds dédiés au secteur médico-social était donc une nécessité : non prévu par le texte initial, le principe d'une « fongibilité asymétrique » a été posé dans cette intention à l'Assemblée nationale.
Face au risque de déséquilibre entre les deux secteurs, on peut se demander s'il ne conviendrait pas de créer un poste de directeur adjoint chargé du médico-social ou, à défaut, d'assurer la présence, dans chaque ARS, d'un pôle médico-social fort et la possibilité de nommer parfois des directeurs d'agence issus de ce secteur.
Le deuxième point évoqué concerne l'architecture de planification et de programmation médico-sociale, sur laquelle on peut déplorer le partage peu lisible des compétences entre les conseils généraux et l'Etat. Le projet de loi entend donc rationaliser l'exercice de planification : l'ARS élaborera un schéma régional de l'organisation médico-sociale qui déclinera les orientations du plan stratégique régional de santé pour le secteur médico-social.
Sur ce sujet, M. Alain Milon, rapporteur, s'est dit préoccupé par les modalités concrètes d'articulation du schéma régional et des schémas départementaux. La compétence de principe des conseils généraux en matière de planification médico-sociale pourrait également pâtir du renforcement de l'échelon régional.
Le troisième point concerne la procédure de création de places médico-sociales. La situation actuelle n'étant satisfaisante ni pour les porteurs de projets, ni pour les pouvoirs publics, la nouvelle procédure d'appel à projets prévue par le texte va incontestablement dans le bon sens. Toutefois, il est indispensable de prévoir des garde-fous pour en assurer l'équité et la transparence, ce à quoi l'Assemblée nationale s'est d'ailleurs employée. Enfin, sachant que, parallèlement à l'appel à projets « classique », une procédure « allégée » a été introduite, que faut-il penser de cette initiative de l'Assemblée nationale ?
M. Bernard Cazeau a approuvé les interventions respectives de la secrétaire d'Etat et du rapporteur. Toutefois, il s'est dit préoccupé par la question de la répartition des compétences médico-sociales entre les ARS et les conseils généraux. Il sera notamment difficile de concilier leurs pouvoirs respectifs en matière de programmation médico-sociale. Des amendements visant à mieux organiser cette répartition seront donc déposés en ce sens.
M. Yves Daudigny a dit partager l'objectif de décloisonnement entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, mais a souligné la nécessité de maintenir aussi la spécificité de ce dernier. En effet, deux cultures bien différentes coexistent qu'il n'est pas question de fusionner. S'agissant de la répartition des compétences, il ne faudrait pas que les conseils généraux deviennent de simples agences d'exécution des ARS sur les questions médico-sociales. Le projet de loi prévoit que le schéma régional de l'organisation médico-sociale est élaboré par l'ARS, après consultation des différents acteurs réunis au sein d'une commission de coordination et avis des présidents de conseils généraux. Or, la consultation des départements mériterait d'être renforcée : un simple avis n'est pas satisfaisant. Comme le rapporteur, il s'est interrogé sur les modalités d'articulation concrètes entre le schéma régional et les schémas départementaux d'organisation médico-sociale.
Mme Bernadette Dupont a déclaré être particulièrement intéressée par les relations entre les futures agences et les conseils généraux, notamment pour la politique en faveur des personnes handicapées. Le risque existe que l'accompagnement social des handicapés pâtisse de la nouvelle répartition des compétences médico-sociales. En effet, les ARS ne s'impliqueront sans doute pas dans ce domaine, comme c'est le cas actuellement des départements. Elle a également mis en garde contre une mauvaise compréhension du terme « usagers », mentionné à de nombreuses reprises dans le projet de loi. Le plus souvent, ce ne sont pas les usagers eux-mêmes qui participent aux instances de consultation, mais leurs représentants. Ne faudrait-il pas remplacer le terme « usagers » par les mots « représentants des usagers » ?
M. Alain Vasselle a formulé quatre remarques. Il a tout d'abord demandé des précisions sur les modalités pratiques d'application du principe de fongibilité asymétrique, le coût de fonctionnement d'un lit médical n'étant pas identique à celui d'un lit médico-social. Il a ensuite soulevé la question du service minimum dans les établissements accueillant des personnes âgées et des personnes handicapées. Le ministère entend-t-il mettre en oeuvre un tel service ? Lors d'une récente grève dans un établissement médico-social, les familles ont été obligées de reprendre chez elles leurs enfants handicapés, faute de personnels présents pour assurer un minimum de soins. Une telle situation n'est pas acceptable. Puis il a voulu savoir si le Gouvernement envisage, comme il l'avait promis, un texte sur le cinquième risque. Enfin, sur les usagers, il a approuvé la remarque précédemment faite par Bernadette Dupont.
M. François Autain a déploré que l'agence régionale de santé n'ait pas été nommée plus justement « agence régionale de santé et de l'autonomie » ou d'un autre intitulé qui reflète davantage son rôle en matière médico-sociale. S'agissant de la conférence régionale de santé, l'Assemblée nationale lui a bien accolé les termes « et de l'autonomie ». Par souci de parallélisme, il conviendrait de faire de même pour l'ARS.
A son tour, M. Jacky Le Menn a approuvé l'objectif de décloisonnement des secteurs sanitaire et médico-social affiché par le texte. Cependant, comme plusieurs de ses collègues, l'articulation entre le schéma régional et les schémas départementaux ne lui paraît pas claire. En outre, si la fixation dans la loi du principe de fongibilité asymétrique est une bonne mesure, ses modalités d'application demeurent floues. Il s'est enfin prononcé en faveur de la création d'une fonction de directeur-adjoint de l'ARS en charge du médico-social.
M. Alain Milon, rapporteur, a souhaité revenir sur les propos d'Alain Vasselle sur le service minimum dans les établissements médico-sociaux. Dans les Ehpad, la continuité des soins n'existe pas, surtout la nuit. N'y aurait-il donc pas la possibilité d'évoquer ce sujet dans le texte ?
Sur la permanence des soins, Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat, a rappelé que la création d'agences, intégrant une partie du médico-social, répond à la volonté de développer des passerelles entre le sanitaire et le médico-social, d'encourager la transversalité dans les soins et l'accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées. Il s'agit bien, grâce à la nouvelle gouvernance régionale, d'assurer la continuité des soins.
Par ailleurs, elle a estimé excessive l'expression « parent pauvre » utilisée par le rapporteur pour décrire le secteur médico-social. Le médico-social mobilise tout de même 20 milliards d'euros et plus d'un million de places en établissements. La fixation du principe de « fongibilité asymétrique » permettra en outre de garantir les fonds destinés au secteur. Il s'agit du terme le plus précis pour désigner la sécurisation des moyens du médico-social et leur caractère dynamique.
En ce qui concerne l'exercice de planification médico-sociale, Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat, a précisé que l'objectif du schéma régional n'est pas la juxtaposition des schémas départementaux, mais la détermination d'une « ligne de force » régionale en matière d'analyse des besoins médico-sociaux. Aujourd'hui, tout le monde reconnaît que l'architecture de la planification n'est pas satisfaisante. Il était donc indispensable de la rendre plus cohérente et plus lisible, pour l'ensemble des acteurs. C'est ce à quoi s'emploie le projet de loi.
En réponse aux inquiétudes exprimées par plusieurs commissaires sur la répartition des compétences entre les ARS et les conseils généraux, Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat, a assuré que les collectivités territoriales seront étroitement associées à l'élaboration du schéma régional et du programme de financement qui l'accompagne, via la commission de coordination spécialisée dans le médico-social. Les départements conservent entièrement leurs compétences médico-sociales. Il n'est pas question d'enfreindre le principe de libre administration des collectivités territoriales.
M. François Autain a estimé que l'attribution de compétences médico-sociales aux ARS risque d'aboutir à la création d'une « usine à gaz ».
Sur la question des usagers, Mme Valérie Létard, secrétaire d'Etat, a entendu le message de Bernadette Dupont et d'Alain Vasselle. Elle a insisté à nouveau sur le fait que les représentants des usagers seront présents à tous les niveaux, que ce soit au sein de la commission spécialisée de la conférence régionale de santé et de l'autonomie ou des commissions d'appel à projets.
S'agissant du service minimum dans les établissements médico-sociaux, une expertise a été demandée aux services du ministère. Les résultats de celle-ci seront transmis aux parlementaires afin d'envisager les suites à donner.
Elle a ensuite expliqué pourquoi a été retenu le nom d'« agence régionale de santé » pour désigner la nouvelle structure. Le mot « santé » s'entend en effet au sens de l'OMS, qui comprend aussi bien le système de soins que le secteur médico-social. Il n'était donc pas utile de faire une référence explicite à ce secteur.
Sur cette question, Mme Roselyne Bachelot, ministre, a prévenu qu'elle n'entend pas revenir sur la dénomination des agences. Un pas a été fait en direction du médico-social, à propos de la conférence régionale de santé et de l'autonomie ; cela est suffisant. Elle s'est également opposée à la création d'une fonction de directeur-adjoint chargé du médico-social. Il reviendra en effet au directeur de l'ARS de désigner son équipe comme il l'entend. La loi doit lui laisser un peu de souplesse dans ce domaine. Enfin, elle a considéré que la « fongibilité asymétrique » constitue un progrès majeur pour le secteur médico-social, qui sort grand gagnant de ce texte. Grâce à ce principe, de nouvelles places pourront être créées dans les établissements médico-sociaux ce qui permettra de mieux répondre aux besoins croissants de prise en charge, des personnes âgées notamment.
M. Nicolas About, président, a remercié les commissaires qui ont assisté intégralement à cette longue audition qui porte sur un texte capital. Il a indiqué que, désormais, figureront sur la liste de présence établie au début de chaque réunion de commission les noms des sénateurs présents à son issue.