Mercredi 5 avril 2006

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Cour des comptes - Audition de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, et de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, et de M. Christian Babusiaux, président de la première chambre.

M. Jean Arthuis, président, a souligné la responsabilité éminente de la Cour des comptes dans la vérification de la sincérité des comptes et leur certification, ainsi que l'excellence des relations établies avec le Parlement, notamment dans le cadre des enquêtes au titre de l'article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il a brièvement exposé les propositions d'évolution de la procédure d'examen de la loi de règlement, telles qu'elles résultaient des travaux de la commission des finances lors de son séminaire annuel, tenu à Guéret, et qui consistent, notamment, à faire précéder le débat en séance publique par l'audition publique des ministres gestionnaires. Il a souligné également qu'il serait nécessaire de disposer, le plus tôt possible, du rapport de la Cour des comptes.

M. Philippe Séguin a rappelé qu'il attachait un grand prix à la mission d'assistance au Parlement dévolue à la Cour des comptes, en particulier dans la mise en oeuvre de la LOLF.

Il a souligné que si la LOLF, qui couvre tout à la fois la réforme des procédures budgétaires et comptables, accorde au Parlement des pouvoirs accrus en matière budgétaire, elle a donné un immense travail aux administrations qui ont dû mener de front la réforme budgétaire -c'est-à-dire le changement de nomenclature, la transformation de la procédure, la profonde rénovation du pilotage avec la mise en place d'une mesure des résultats- et la réforme comptable. Il a estimé que cette lourde charge pouvait expliquer que certaines dimensions de la réforme aient progressé plus vite que d'autres.

Il a indiqué que la Cour des comptes remettrait ses premières observations aux mois de mai et juin prochains en déposant trois rapports : sur les résultats de l'exécution budgétaire, sur les comptes et un rapport dit « préliminaire » dont la vocation est de chapeauter les deux premiers et d'offrir un diagnostic global des finances publiques de notre pays.

Il a ensuite fait part des premières constatations les plus significatives concernant le retard inéluctable de la mise en place du volet « performance » de la LOLF, les difficultés de mise en oeuvre de la réforme comptable et l'organisation des relations de la Cour des comptes avec le Sénat.

S'agissant de la réforme budgétaire et administrative, M. Philippe Séguin a indiqué que le rapport sur les résultats de l'exécution budgétaire prendrait la suite du rapport sur l'exécution des lois de finances et en renouvellerait profondément l'esprit et la portée par l'examen, dès 2007, des rapports annuels de performance et des résultats des ministères. Il a observé, toutefois, que l'état de préparation des administrations à l'exercice de mesure des résultats étant encore très faible, la Cour des comptes ne procèderait pas à la revue exhaustive des résultats obtenus pour l'ensemble des programmes, mais envisageait d'examiner une sélection de 12 à 15 programmes (soit environ 10 % de l'ensemble des programmes) comprenant des programmes plutôt avancés en matière de performance et d'autres plus en retard, de façon à donner un point de vue équilibré de la situation, sur les difficultés rencontrées et les progrès réalisables.

Pour 2006, il a fait état des premières observations qui figureront dans le prochain rapport et qui soulignent un certain nombre de difficultés :

- tout d'abord, l'ampleur du retard pris notamment dans la déclinaison des budgets de programme en budgets opérationnels de programme (BOP), étape importante dans la mise en place des crédits, qui devait avoir lieu au cours du dernier trimestre 2005, et devrait conduire les administrations à reproduire les schémas de gestion en vigueur en 2005 et donc à une mise en oeuvre a minima de la LOLF ;

- ensuite la question de l'architecture budgétaire, qui n'est plus nécessairement en phase avec la structure des services, et qui se pose avec acuité au niveau local, dans la mesure où les ministères ont fait des choix différents concernant le niveau territorial à privilégier. A cet égard, M. Philippe Séguin a souligné que le choix du niveau départemental conduisait à déléguer des enveloppes de taille réduite ne permettant généralement pas de faire jouer la fongibilité des crédits, qui constitue pourtant un apport majeur de la réforme. Précisant que les directeurs de services déconcentrés pouvaient être responsables de plusieurs budgets opérationnels de programme constituant pour eux autant d'enveloppes non fongibles, il a considéré que le risque était réel de voir s'imposer une logique verticale qui placerait les chefs de services déconcentrés en relation directe avec de nombreux responsables de programme, sans que le préfet soit associé ;

- enfin, la question de la performance et de l'analyse des coûts, qui soulève les difficultés méthodologiques et pratiques les plus fortes. M. Philippe Séguin a souligné, à cet égard, qu'il était possible de mesurer soit la performance des politiques publiques dans leur ensemble, qu'elles soient menées avec des crédits de l'Etat ou non, soit la performance de la gestion des seuls crédits qui relèvent de l'Etat et que ces deux conceptions se retrouvaient dans les projets annuels de performance présentés cette année. Il a également estimé que la question de la définition de la stratégie des administrations à travers les missions budgétaires prévues par la LOLF n'était encore pas résolue. Il a, enfin, observé que les indicateurs d'efficience et de qualité de service étaient encore trop rarement présents dans les projets annuels de performance, que la pertinence des indicateurs d'efficacité n'est pas toujours évidente et que les administrations avaient également eu beaucoup de mal à définir des cibles.

Il s'est déclaré en plein accord avec la mise en garde énoncée par la commission des finances qui invitait, en 2005, dans un rapport d'information éponyme, à ne pas confondre « culture de résultat et culte des indicateurs ».

Il a également souligné les difficultés de mise en oeuvre des indicateurs au niveau opérationnel dans les services déconcentrés et chez les opérateurs, ainsi que l'absence de systèmes d'information qui permettraient d'alimenter en temps réel les tableaux de bord de la performance.

S'agissant de l'analyse des coûts, il a souligné l'état embryonnaire de la comptabilité d'analyse des coûts dans certains ministères, et considéré que l'affichage de la performance pouvait avoir quelque ressemblance avec les « villages Potemkine » présentant, en façade, un bel arsenal d'indicateurs et en arrière-cour, bien souvent, un contrôle de gestion et des systèmes d'information quasi inexistants.

Abordant ensuite la question de la réforme comptable et de la certification, M. Philippe Séguin a rappelé que, depuis le 1er janvier 2006, l'Etat devait être en mesure de tenir ses comptes en droits constatés et que les règles comptables applicables à l'Etat ne devaient plus se distinguer de celles applicables aux entreprises « qu'en raison des spécificités de son action ». Il a noté que l'intérêt de la comptabilité générale par rapport à la comptabilité traditionnelle de caisse est qu'elle ne se contente pas de retracer les encaissements et les décaissements et qu'elle vise à récapituler l'ensemble des obligations et des risques financiers de l'Etat, qui ne sont pas appréhendés en loi de finances, constituant en quelque sorte un indicateur avancé des charges futures qui pèseront sur l'Etat (dépréciation des actifs, provisions, charges à payer, engagements hors bilan). Estimant que la comptabilité publique rénovée pouvait devenir également un outil de gestion, il a souligné qu'elle permettait de mesurer la réalité de la situation budgétaire en donnant une image plus complète de la situation des finances publiques de notre pays.

M. Philippe Séguin a précisé les conditions dans lesquelles la Cour des comptes serait appelée à certifier, à partir de 2007, la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'Etat en menant en cours d'année des missions « intermédiaires », afin d'identifier les zones de risques dans les comptes et, une fois l'exercice comptable achevé, des missions dites « finales », à l'occasion desquelles elle examinera les comptes eux-mêmes afin de vérifier s'ils ne comportent pas d'erreurs, d'omissions ou d'anomalies. Il a toutefois souligné que l'esprit de la certification n'étant pas celui d'un contrôle exhaustif, la Cour des comptes s'attacherait aux seules anomalies significatives qui affectent la sincérité et la fidélité des comptes de l'Etat. Il a précisé qu'il serait possible de certifier les comptes en formulant des réserves et que la Cour des comptes pourrait demander également que les anomalies repérées fassent l'objet de corrections immédiates ou, à tout le moins, de redressements dans les comptes de l'exercice suivant.

Indiquant que la Cour des comptes se prononcerait sur la qualité du référentiel comptable, M. Philippe Séguin a précisé que si, conformément à l'article 58-5° de la LOLF, la première opinion sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'Etat ne sera formulée qu'en juin 2007 pour l'exercice 2006, les premières vérifications l'ont conduite à émettre un nombre relativement élevé d'observations sur la manière dont étaient arrêtés les comptes de 2005.

Notant une forte augmentation du nombre d'observations par rapport aux comptes de 2004, il a estimé qu'elle tenait à l'approfondissement des investigations ainsi qu'à des erreurs techniques mais aussi, dans certains cas, à la dégradation des finances publiques qui conduit l'administration, pour minimiser les charges, à passer des écritures non conformes aux normes comptables, au risque d'altérer la sincérité et la régularité des comptes.

Il a considéré, à ce titre, que les règles de rattachement à l'exercice auraient commandé que certaines opérations soient comptabilisées, en comptabilité générale, au titre de 2004 et non de 2005 et, à nouveau, au titre de 2005 et non de 2006, ce qui aurait modifié les résultats des exercices de 2004 et de 2005.

Il a également regretté, d'une part, des lacunes importantes dans la connaissance de la situation patrimoniale de l'Etat et notamment de son passif, soulignant que les dettes d'exploitation, et singulièrement les charges à payer correspondant aux factures que l'administration doit honorer mais qu'elle n'a pas encore réglées, sont encore mal connues et, d'autre part, que l'administration provisionne insuffisamment.

Il a rappelé que la comptabilité générale devait faire prendre conscience à l'administration des charges futures qui pèsent sur elle et éclairer l'analyse par le Parlement du projet de loi de finances.

Estimant que le retard pris traduisait aussi un problème de formation à la comptabilité des personnels, il a souhaité que s'engage une réflexion sur l'organisation comptable conduisant à la mise en place d'une relation nouvelle entre les ordonnateurs et les comptables et à la clarification de l'articulation entre 15 départements comptables ministériels correspondant globalement aux ministères et les 110 trésoreries générales.

Il a appelé de ses voeux une amélioration de la fiabilité des systèmes d'information encore trop peu homogènes d'un service à l'autre.

S'agissant du rapport préliminaire au débat d'orientation budgétaire, M. Philippe Séguin a précisé qu'il comprendrait un diagnostic sur la soutenabilité des finances publiques dans leur globalité incluant les états financiers de l'Etat, mais aussi de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales.

Abordant enfin l'assistance que la Cour des comptes prête aux assemblées parlementaires, il a attiré l'attention sur le calendrier de dépôt des trois rapports annuels destinés au Parlement que la Cour des comptes sera en mesure de respecter, mais qui pourrait toutefois être mis à mal par les échéances électorales de 2007. Il s'est demandé, à cet égard, si le gouvernement déposerait effectivement le projet de loi de règlement du budget 2006 avant le 1er juin, alors que cette date de dépôt conditionne le dépôt du rapport sur les résultats et du rapport sur les comptes. Il a souligné sa préoccupation que les rapports de la Cour des comptes n'interfèrent en aucune manière sur les débats politiques en cours et sur le sens que les électeurs donneront au scrutin.

Il s'est également interrogé sur les modalités de la présentation formelle des rapports relatifs à l'exercice 2005 qui seront remis dans le courant du deuxième trimestre 2006 dans l'optique d'une revalorisation de la loi de règlement et compte tenu de l'importance de l'acte de certification.

M. Philippe Séguin a conclu en souhaitant un resserrement des relations de travail entre la Cour des comptes et le Sénat dans le cadre des enquêtes établies au titre de l'article 58-2° de la LOLF, dont le calendrier des demandes a été adapté pour mieux les intégrer dans le programme annuel des travaux et pour lesquelles le mode de participation des magistrats de la Cour des comptes aux auditions a été précisé. Il a suggéré de nouvelles améliorations afin de mieux définir le périmètre des enquêtes et de développer les suites qui sont données aux travaux de la Cour des comptes.

A l'issue de cet exposé un débat s'est instauré.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que le chevauchement d'exercices constituait une des novations conceptuelles de la direction du budget et qu'il convenait d'y être attentif dans la limite du « seuil de signification » qu'avait évoqué le Premier président de la Cour des comptes.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a abordé des thèmes évoqués lors du séminaire de la commission des finances à Guéret : l'application de la LOLF, la loi de règlement, ainsi que la certification des comptes.

S'agissant de la mise en oeuvre de la LOLF, il a estimé qu'il ne s'agissait que d'un instrument qui ne peut se substituer à la volonté politique. Notant que la mise en place des budgets opérationnels de programme et l'affectation des crédits aux unités opérationnelles donnaient lieu à des pratiques hétérogènes, comme dans la prise en compte des dépenses de personnel, il a souhaité que les enjeux de la réforme de l'Etat soient mis au centre du débat sur la LOLF. Il s'est déclaré sceptique quant à une régionalisation généralisée de la gestion des crédits et souhaité que la fongibilité soit utilisée comme un instrument de motivation des agents.

En ce qui concerne la loi de règlement, dont il a rappelé qu'elle était une étape essentielle, il a souhaité un changement d'intitulé et indiqué que la commission procéderait à des auditions des principaux ministres gestionnaires.

S'agissant de la certification des comptes, il s'est interrogé sur la possibilité de réaliser une certification par paliers, procédant par pans de l'action de l'Etat.

M. Philippe Séguin a indiqué, en réponse, qu'il faudrait sans doute, au regard des expériences étrangères, plusieurs exercices pour que la Cour des comptes puisse exprimer une approbation totalement positive sur les comptes publics. Il a rappelé que la Cour des comptes disposait de quatre possibilités : certifier sans ou avec réserves, refuser la certification ou constater l'impossibilité de certifier. Interrogé sur les conséquences du refus de certification en termes de dégradation de la qualité de la signature de la France par les agences de notation, il a considéré que celle-ci ne serait sans doute pas affectée compte tenu de l'absence historique d'incident de paiement et de la solidité de l'économie française, mais qu'il appartiendrait au Parlement d'en tirer les conséquences politiques. Il a également exprimé son plein accord sur l'ampleur qui devrait être accordée à l'examen du projet de loi de règlement et proposé que la Cour des comptes assiste le Parlement dans le cadre d'une procédure renouvelée.

M. Christian Babusiaux, président de la première chambre, à la demande de M. Philippe Séguin, a apporté des précisions complémentaires en indiquant que, pour la certification des comptes, la Cour des comptes avait déterminé une dizaine de domaines d'audits comprenant notamment les immobilisations ou les charges de fonctionnement au sein desquels un « noyau dur » d'environ 80 % de la dépense réalisé par 3 ou 4 ministères sera contrôlé dès l'examen des comptes 2006. Il a observé que l'imperfection des comptes de l'Etat tenait aux défauts des systèmes d'information et surtout aux opérations de fin d'exercice. A cet égard, il a noté que l'examen du bien-fondé des rattachements de fin d'exercice nécessitait un dialogue approfondi entre le certificateur et le certifié et regretté que la Cour des comptes ne dispose que d'un délai de 3 semaines pour mener son audit et formuler ses observations. Il a suggéré que le délai séparant la clôture de l'exercice de l'arrêté des comptes soit porté à un mois et demi afin de permettre des rectifications d'écritures.

M. Jean Arthuis, président, a proposé que la série d'auditions publiques à laquelle procéderait la commission avant l'examen du projet de loi de règlement soit également l'occasion d'une remise solennelle des rapports de la Cour des comptes.

En réponse à M. François Trucy, M. Philippe Séguin a indiqué qu'il était favorable à l'amendement introduit dans le projet de loi sur la fonction publique territoriale qui vise, dans un souci d'équité, à faciliter la défense devant les chambres régionales des comptes, des exécutifs des collectivités territoriales, après l'expiration de leur mandat. Considérant que les relations s'étaient désormais normalisées entre les chambres et les collectivités territoriales, il a toutefois estimé que le recours à des experts devrait être encadré.

M. Paul Girod, après s'être félicité du regain d'intérêt que suscitait désormais l'examen du projet de loi de règlement, s'est interrogé sur l'ampleur des modifications qui auraient affecté les comptes 2004 si l'ensemble des rattachements de fin d'exercice avait été correctement exécuté. Il s'est également inquiété de la possibilité de passer des provisions en cours d'année.

M. Yves Fréville a souligné la spécificité des budgets militaires et des modes de comptabilisation des dépenses d'équipement.

M. Serge Dassault s'est dit préoccupé de l'ampleur de la dette de l'Etat, mais aussi des engagements sociaux, ainsi que de la situation des sociétés nationales. Il a précisé qu'il avait saisi la Cour des comptes d'une enquête sur l'efficacité des aides à l'emploi en application de l'article 58-2° de la LOLF.

M. Eric Doligé s'est interrogé sur la possibilité de vérifier, dans le cadre de la décentralisation, si les transferts aux collectivités territoriales étaient effectués à « l'euro près ».

M. Jean Arthuis, président, a évoqué les modalités de certification des comptes combinés du secteur public établis par l'agence des participations de l'Etat (APE), ainsi que l'application des principes de la LOLF aux collectivités territoriales. Il s'est déclaré favorable à l'institution d'une certification annuelle des comptes des collectivités territoriales.

En réponse aux différents intervenants, MM. Philippe Séguin et Christian Babusiaux ont apporté les précisions suivantes :

- la certification annuelle des comptes des collectivités territoriales nécessiterait des moyens supplémentaires très importants ;

- le rapport préliminaire de la Cour des comptes prendra en compte la dette sociale et celle des collectivités territoriales. Le caractère préoccupant de la dette française tient moins à son ampleur qu'à son évolution et à sa consistance ;

- il n'existe pas d'outil d'évaluation et de mesure satisfaisant de l'efficacité des aides publiques à l'emploi ;

- la Cour des comptes a engagé une enquête sur les transferts de crédits dans le cadre de la décentralisation et de la déconcentration ;

- l'ampleur des rattachements de fin d'exercice fait l'objet de discussions avec la direction générale de la comptabilité publique ;

- la précocité des diagnostics est souhaitable, mais elle est contrariée par le fait que l'Etat prend très souvent ses décisions à l'extrême fin des exercices ;

- le bilan d'ouverture qui sera réalisé au 1er janvier 2006 sera particulièrement important pour assurer la réalité des comptes des exercices futurs ;

- les participations gérées par l'APE représentent un tiers de l'actif de l'Etat et les premiers éléments des vérifications figureront dans le rapport 2006 de la Cour des comptes.

M. Jean Arthuis, président, a très vivement remercié M. Philippe Séguin pour la grande qualité et l'extrême précision des réponses qu'il avait apportées. Il a rappelé que la commission s'était tout entière mobilisée autour de la LOLF, et que sa réussite dépendrait pour une large part de la qualité du système d'information.

Il a indiqué, enfin, que l'audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail, de la cohésion sociale et du logement, initialement prévue pour ce jour à 11 heures 45, était, en raison des circonstances, ajournée.

Fonction publique - Rémunération au mérite - Audition de M. Jean Bassères, secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Jean Bassères, secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la rémunération au mérite des agents du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la commission des finances entendait effectuer le bilan de la réforme engagée par la mise en oeuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et que, dans ce cadre, l'audition de M. Jean Bassères, secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, devrait permettre d'en tirer les premiers enseignements. Il a relevé que M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, avait souligné, le matin même, lors de son audition par la commission, l'existence d'une ambiguïté entre la logique de programme inspirée de la LOLF et la logique d'organisation propre aux différents ministères.

M. Jean Bassères a observé que la modernisation du ministère avait connu une nouvelle et forte impulsion avec les annonces du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, au mois de juillet 2005 et qu'elle traduisait la mobilisation du ministère. S'agissant de la LOLF, il a noté qu'il était difficile de faire concorder l'organisation par programmes et l'organisation administrative, indiquant cependant que tous les programmes du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie regroupaient plusieurs directions, qui devaient, en conséquence, travailler ensemble autour d'objectifs communs. Il a émis des doutes quant à l'utilité de fusionner des directions indépendantes, comme la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique, relevant, si elles partageaient des thèmes communs, qu'elles exerçaient, également, des métiers extrêmement différents. Il a souligné que le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie mettait en place, au sein des programmes associant les directions à réseaux du ministère, des contrats pluriannuels de performance qui faisaient porter l'accent sur le management et permettaient à des directions différentes de travailler sur des stratégies et des objectifs communs.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que la LOLF devait également s'imposer comme un outil de réforme de l'Etat, ce qui supposait une réorganisation des structures.

M. Jean Bassères a indiqué que la LOLF permettait de mettre en évidence les activités communes à plusieurs directions et donnait les moyens de profiter des synergies, estimant que des rapprochements structurels pouvaient s'avérer, dans certaines situations, peu utiles et coûteux.

M. Jean Arthuis, président, s'est étonné du retard pris de manière générale dans la mise en place des budgets opérationnels de programme (BOP).

M. Jean Bassères a relevé que plus de 96 % des BOP déconcentrés avaient été mis en place et examinés par le contrôle financier dès la mi-mars 2006, ce qui constituait une bonne performance, mais il a admis un certain retard dans les BOP des administrations centrales. Il a expliqué ce constat en rappelant que le ministère avait fait des expérimentations précoces au niveau local alors qu'il avait fallu gérer des contraintes spécifiques au niveau central, prenant l'exemple des modifications de crédits introduites par voie d'amendement lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2006 et qui avait abondé les crédits d'un certain nombre de ministères en faveur des banlieues.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que cela avait obscurci le débat parlementaire, en redéployant des crédits qui avaient fait l'objet de longues discussions, et ce, dans un délai trop bref pour que le Parlement puisse exercer pleinement son rôle.

M. Michel Charasse a déclaré qu'il convenait de traiter de manière différente les activités régaliennes et les activités non régaliennes de l'Etat. Il a remarqué que les tâches remplies par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie étaient particulières et ne permettaient pas de réorganiser les services en s'en tenant à l'aspect strictement comptable. Il a noté, à titre d'exemple, que le ministère avait en charge, à la fois l'action gouvernementale et une action sur le terrain, notamment au service des collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité connaître la position du secrétaire général sur la question des rémunérations.

M. Jean Bassères a constaté qu'il s'agissait d'un sujet complexe et socialement difficile. Il a mis en avant deux initiatives prises par le ministère :

- la première de ces initiatives se présentait comme un intéressement collectif à la performance, qui était calculé en fonction de critères simples et peu nombreux, qui permettaient à l'ensemble des services de se mobiliser. Il a fait valoir que le système associait tous les agents d'une direction aux résultats obtenus, insistant sur le fait que le dispositif était audité par l'Inspection générale des finances, ce qui constituait une garantie de fiabilité ;

- la seconde de ces initiatives était la modulation de la rémunération en fonction du mérite, qui concernait les cadres dirigeants de l'administration centrale, soit environ 150 fonctionnaires du ministère. Il a rappelé les quatre principes qui présidaient à cette modulation : la fixation d'objectifs peu nombreux et précis, un entretien oral permettant de fixer les nouveaux objectifs, le caractère non renouvelable du bonus, qui ne dépendait en conséquence que de la performance de l'année et la part importante accordée aux capacités managériales. Il a indiqué son souhait de progresser dans la discussion pour étendre ce système à d'autres cadres de l'administration centrale, reconnaissant que le ministère posait un problème spécifique en raison des différences de traitement indemnitaire entre les administrateurs des différentes directions.

M. Bernard Angels, en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Gestion et contrôle  des finances publiques », a salué les progrès réalisés par le ministère dans la réforme, prenant en exemple l'accès au dossier fiscal. Il a cependant remarqué que la baisse du nombre des agents pouvait conduire, à terme, à des difficultés dans l'application des objectifs ambitieux fixés aux directions. Il a, de plus, exprimé le souhait que les rapporteurs spéciaux des commissions des finances soient mieux tenus informés des initiatives et des actions menées par le ministère, s'interrogeant, par ailleurs, sur les modalités de la mise en place des primes et sur l'état du dialogue social au sein du ministère.

M. Jean Bassères a relevé que les baisses d'effectifs avaient été significatives, indiquant qu'en 2007 et en 2008, 970 emplois seraient supprimés, chaque année, au sein de la direction générale de la comptabilité publique et 1.370 au sein de la direction générale des impôts, rappelant que les réductions avaient été respectivement, pour ces deux directions, de 800 emplois et 1.150 emplois en 2006. Il a, par ailleurs, émis le souhait que les autres ministères participent également de ce mouvement. En ce qui concerne les relations avec les syndicats, il a indiqué que ces derniers restaient opposés à une discussion sur une partie variable de la rémunération, insistant, cependant, sur le fait que l'intéressement collectif serait versé aux agents concernés vers le mois de mai 2006.

M. Yves Fréville s'est interrogé sur la pérennité du système des primes, faisant état des difficultés qu'il pourrait y avoir à ne pas les reconduire de manière automatique d'une année sur l'autre, ainsi que sur la définition des objectifs qu'il conviendrait d'atteindre pour y avoir accès.

M. Jean Bassères a précisé que cette problématique, particulièrement importante, avait fait l'objet d'une vraie réflexion, et que, si certains objectifs devaient inciter les agents à s'améliorer, d'autres pourraient être simplement maintenus, ce qui ne préjugeait pas d'éventuelles modifications dans les années à venir.

M. Michel Charasse a mis en garde contre le risque de banaliser les primes, précisant qu'il serait ainsi souhaitable d'inscrire ce système dans la loi afin d'en affirmer la singularité. Il a rappelé sa propre expérience en tant que ministre et évoqué l'enveloppe de crédits qu'il avait alors réservée pour le logement des agents dans certaines régions particulièrement onéreuses, et ce, malgré l'opposition des syndicats.

M. Jean Bassères a exprimé son accord sur le risque réel de voir la prime intégrée dans la rémunération, ce qui reviendrait sur son caractère incitatif, constatant, par ailleurs, que l'initiative alors prise par M. Michel Charasse avait été couronnée de succès et que les aides au logement avaient bien été réservées à certaines régions.

M. Jean Arthuis, président, a évoqué certaines complexités posées pour les petites dépenses par la mise en place de la LOLF, notamment au niveau du contrôle financier.

M. Michel Charasse a estimé que ce problème était lié à l'inadaptation des logiciels informatiques.

M. Jean Bassères a précisé que la bonne information du Parlement pouvait se traduire par des contraintes de gestion débouchant sur une complexité accrue, rappelant les réticences exprimées par les parlementaires sur la lisibilité des programmes ou des actions de soutien des différents ministères, ces programmes ou actions ayant précisément pour objet de regrouper les moyens mis en commun, ce qui permettait d'éviter des mandatements trop nombreux.

M. Jean Arthuis, président, a noté que cette question relevait de la comptabilité analytique et qu'il était primordial que le Parlement dispose, au moins a posteriori, de toute l'information nécessaire à l'accomplissement de sa mission.

M. Yves Fréville a rappelé que les collectivités territoriales possédaient des règles de gestion plus transparentes en ce qui concernait la répartition des engagements financiers entre les différents services, mais que l'exercice s'avérait plus complexe pour le budget de l'Etat, qui devait développer la comptabilité analytique.

Evoquant le récent déplacement de la commission à Guéret dans la Creuse, à l'invitation de M. Michel Moreigne, M. Jean Arthuis, président, est revenu sur la situation et le positionnement des perceptions présentes dans ce département.

M. Michel Moreigne a rappelé que plusieurs de ces perceptions ne disposaient, en fait, que d'un agent qui assurait des permanences dans plusieurs d'entre elles.

M. Jean Bassères a souligné qu'une partie importante du travail d'un trésorier payeur général était de s'attacher à faire évoluer le réseau des perceptions dans un sens optimal, ce qui supposait une concertation approfondie avec les élus locaux et les agents concernés.

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Jean Bassères pour sa disponibilité ainsi que pour la qualité des informations qu'il avait ainsi apportées à la commission.

Economie - Accès des ménages au crédit - Communication

Présidence de M. Jean Arthuis, président, puis de M. Joël Bourdin, vice-président.

Au cours d'une troisième séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu une communication de M. Joël Bourdin portant sur le rapport d'information n° 261 (2005-2006) relatif à l'accès des ménages au crédit en France, qu'il avait présenté au nom de la délégation du Sénat pour la planification.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Joël Bourdin a considéré que la stratégie de réduction des déficits publics, assimilable à un objectif de réépargne publique, supposait que les agents privés prennent le relais de l'Etat pour soutenir la demande intérieure. Il a, en outre, estimé que des discours contradictoires entraînaient un besoin de clarification, la Banque centrale européenne et la Banque de France ne souhaitant pas que le crédit aux particuliers se développe, alors que, selon l'OCDE et le gouvernement, son développement serait, au contraire, favorable à la croissance.

Il a indiqué que l'endettement des ménages avait fortement augmenté ces dernières années, l'encours des crédits aux ménages étant passé de 44,2 % en 1989 à 52,5 % du revenu annuel des ménages en 2004, les crédits immobiliers étant ceux qui avaient progressé le plus rapidement. Il a souligné que l'endettement des ménages avait donc crû plus vite que leur revenu et que le PIB.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité obtenir des précisions sur la notion d'endettement brut.

En réponse, M. Joël Bourdin a indiqué qu'il s'agissait de l'encours des crédits, non diminué des actifs.

Il a estimé que, malgré cette augmentation de l'endettement des ménages, la France se caractérisait toujours par une situation de sous-endettement de ces derniers, dans la mesure, en particulier, où l'endettement des ménages y était nettement plus faible que dans les autres pays développés, à l'exception de l'Italie. Il a souligné que l'endettement par habitant était en France trois fois plus faible qu'au Danemark et qu'aux Pays-Bas, et près de deux fois moindre que dans les douze principaux pays européens. Il a ajouté qu'en France, l'encours d'endettement des ménages avait été de 59,4 % du revenu disponible brut des ménages (RDB) en 2002, contre 194,2 % du RDB au Danemark, 198,2 % du RDB aux Pays-Bas, et 109,6 % du RDB dans les douze principaux pays européens.

M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur ce taux de 59,4 % du RDB en 2002, M. Joël Bourdin ayant auparavant avancé celui de 52,5 % du RDB en 2004.

En réponse, M. Joël Bourdin a indiqué que ces taux correspondaient à des notions différentes, celui de 59,4 % du RDB comprenant l'ensemble des dettes des ménages, et non les seules dettes bancaires.

Il a ajouté que, si en 2001 la France « pesait » 17,6 % du PIB des douze principaux pays européens, elle ne représentait que 8,1 % de leurs crédits hypothécaires.

Il a souligné que l'augmentation de l'endettement des ménages en France devait être d'autant plus relativisée qu'elle s'était accompagnée d'une amélioration de leur situation patrimoniale, qui était passée de + 4,6 milliards d'euros en 1998 à + 5,7 milliards d'euros en 2002.

S'appuyant sur la vidéo-projection, M. Jean-Jacques Jégou s'est inquiété de la diminution, sur la même période, des actifs constitués par les actions et les titres d'OPCVM, revenus de 1.073 millions d'euros en 1998 à 922 millions d'euros en 2002.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que ces données s'interrompaient après 2002, de sorte qu'elles ne prenaient pas en compte l'appréciation des indices boursiers qui avait eu lieu ultérieurement.

M. Joël Bourdin a indiqué que, malgré l'augmentation de la dette des ménages, la part des charges d'emprunt (remboursement en capital et versement d'intérêts) dans leur revenu annuel était restée stable, l'augmentation de la part des remboursements en capital ayant été compensée par une diminution des intérêts versés.

MM. Jean Arthuis, président, et Jean-Jacques Jégou, ont considéré qu'une augmentation des taux d'intérêt pourrait mettre un terme à cette situation.

M. Joël Bourdin a estimé qu'appréciée par décile de revenu, la charge de la dette apparaissait supportable. Il a précisé que les premier et dernier déciles étaient ceux qui, en part de leur RDB, supportaient la charge de la dette la plus faible, alors que le cinquième décile était le plus « chargé ».

M. Jean-Jacques Jégou a considéré que les classes moyennes seraient les plus fortement touchées, en cas d'augmentation des taux d'intérêt.

M. Joël Bourdin a souligné que, malgré l'augmentation de l'endettement des ménages, la proportion des ménages endettés avait décliné, reculant de 52,8 % en 1989 à 50,2 % en 2004.

Il a estimé qu'au total, il ressortait des éléments qu'il avait évoqués que les ménages disposaient globalement, en France, d'une « marge d'endettement significative ».

Il s'est alors interrogé sur les coûts d'un insuffisant accès des ménages au crédit et sur les risques d'une mobilisation de leurs marges d'endettement. Il a considéré qu'au plan macroéconomique, un accès plus large au crédit favorisait la consommation des ménages, et donc la croissance, que le crédit était le principal canal de transmission de la politique monétaire, et qu'il ressortait de plusieurs études empiriques que l'augmentation de l'encours du crédit avait pu, aux Etats-Unis, contribuer à la croissance de la consommation à hauteur de 0,8 point, chaque année, depuis 2001.

M. Joël Bourdin a considéré que les risques que représenterait en France un développement du crédit aux ménages étaient très réduits. Sur le plan macroéconomique, il a estimé que le risque inflationniste était faible, de même que le risque récessif et celui d'éviction de l'épargne. Il a jugé que les risques sectoriels étaient, eux aussi, modestes, soulignant que les créances douteuses des banques, en nette diminution depuis 1995, atteignaient désormais un très faible niveau, et avaient même donné lieu à des provisions négatives en 2005.

M. Jean-Jacques Jégou a estimé que ce dernier phénomène avait contribué à améliorer le résultat des banques en 2005. Il a déclaré que les banques ne faisaient plus de bénéfices sur le crédit immobilier. M. Jean Arthuis, président, a considéré que les banques avaient tendance à moduler leurs provisions, dans un souci d'optimisation fiscale.

M. Joël Bourdin a minimisé le risque d'inflation des prix d'actifs, notamment immobiliers, qui découlerait d'une augmentation de l'endettement des ménages, soulignant que le cycle de l'immobilier dépendait, en grande partie, de la réaction de l'offre à la demande, et que la construction de logements, en forte reprise depuis deux ans, contribuerait à lisser les prix de l'immobilier.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que la contribution du crédit à l'inflation des prix d'actifs était incontestable.

M. Jean-Jacques Jégou a considéré que l'augmentation des prix de l'immobilier ne provenait pas du faible niveau des taux d'intérêt, mais du dynamisme de la demande. Il a jugé qu'il n'existait pas actuellement de « bulle » immobilière. Il a, néanmoins, estimé qu'une augmentation des taux d'intérêt pourrait mettre un terme à l'actuelle hausse des prix.

M. Joël Bourdin a considéré que la rareté des cas de surendettement (3 % des ménages endettés, soit 1,5 % des ménages) en faisait un risque individuel, et non un risque systémique. Il a indiqué que les cas de surendettement résultaient le plus souvent d'accidents de la vie, seulement 0,5 % des ménages étant surendettés par excès de crédit.

S'appuyant sur la vidéo-projection, M. Jean-Jacques Jégou a souligné que ces accidents de la vie étaient, non seulement le chômage et la maladie, mais aussi la séparation et le divorce, qui étaient la deuxième cause de surendettement.

M. Joël Bourdin a considéré que la concurrence avait des effets ambigus sur l'offre de crédit. Il a indiqué que les banques utilisaient le crédit immobilier comme un produit d'appel, ce qui suscitait d'importantes subventions croisées, et que la gamme des produits offerts était plus réduite en France que dans les autres pays européens.

Il a estimé que l'organisation du marché n'était pas favorable en France à l'accès au crédit, évoquant l'exemple des Etats-Unis, qui, contrairement à la France, ne faisaient pas reposer le risque sur les seules banques, mais aussi sur les ménages, le Trésor public des Etats-Unis, et un grand nombre de prêteurs internationaux, dont les banques centrales. Il a souligné, à cet égard, que certains des ménages les plus pauvres étaient, aux Etats-Unis, solvabilisés par des organismes publics spécialisés.

Il s'est déclaré opposé au maintien du régime d'indemnités en cas de renégociations d'encours entre les banques et leurs clients.

MM. Jean Arthuis, président, et Jean-Jacques Jégou ont considéré qu'il incombait aux banques et à leurs clients de convenir, dans un cadre contractuel, de la possibilité ou non de telles renégociations.

M. Joël Bourdin, se référant à un récent rapport de M. André Babeau sur le crédit à la consommation (« La demande des ménages en matière de crédit à la consommation et les ajustements nécessaires pour y répondre », Bureau d'information et de prévisions économiques, janvier 2006), a estimé que le taux de l'usure devait être aménagé pour les crédits de faible montant, afin de ne pas évincer certaines personnes du système de crédit. Il a, en outre, déploré l'absence en France de « fichier positif » partagé, c'est-à-dire d'un fichier qui comprenne l'ensemble des clients, et non les seuls « mauvais » clients. Il a affirmé qu'un tel fichier existait dans la plupart des pays européens. Il a indiqué que, selon les informations dont il disposait, la CNIL n'était pas favorable à la mise en place d'un tel fichier.

M. Jean Arthuis, président, lui a suggéré d'auditionner la CNIL, afin d'obtenir des précisions à cet égard.

Après l'avoir remercié et félicité pour la grande qualité de son exposé, il s'est demandé si le développement du crédit hypothécaire ne risquait pas d'accentuer l'impact d'une baisse des prix de l'immobilier sur la consommation.

En réponse, M. Joël Bourdin a estimé que l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés était conçue de manière à limiter ce phénomène.

MM. Jean Arthuis, président, et Joël Bourdin, ont considéré qu'il était souhaitable de donner davantage de liberté aux banques en matière de crédit hypothécaire.

M. Joël Bourdin a recommandé d'étudier l'impact des phénomènes de « produit d'appel » et de subventions croisées dans le système de crédit sur l'accès des ménages au crédit et d'opérer un suivi régulier des pratiques d'offre de crédit aux particuliers. Il a jugé souhaitable de compléter la gamme de produits disponibles, en particulier en augmentant la liberté des banques et de leurs clients en matière de recharge hypothécaire et de viager hypothécaire. Il a proposé de définir le périmètre de la mutualisation des risques de crédit, en mettant en place des organismes financiers publics destinés à favoriser l'accès au crédit. Il a, en outre, recommandé d'évaluer plusieurs réglementations contestées, sur des bases objectives : renégociation des prêts, usure, « fichier positif ».

Un débat s'est alors instauré.

M. Maurice Blin a estimé que le faible recours des Français à l'endettement provenait, en grande partie, d'une certaine forme de crainte de l'avenir. Il a souligné le contraste, en France, entre le faible endettement des ménages et le fort endettement de l'Etat.

En réponse, M. Joël Bourdin a jugé que le faible appel au crédit par les ménages français provenait, également, de la faiblesse de l'offre de crédit. Il a estimé que l'on avait trop tendance, en France, à considérer le seul endettement des ménages, alors qu'il convenait également de prendre en compte leurs actifs. Il a souligné l'importance, dans l'hypothèse d'un désendettement de l'Etat, que les ménages recourent plus au crédit.

M. Maurice Blin s'est demandé si la tendance des banques à privilégier les prêts immobiliers par rapport aux prêts à la consommation pouvait également s'observer dans les autres pays européens.

En réponse, M. Joël Bourdin a indiqué que tel était effectivement le cas, mais que, dans les pays étrangers, le crédit à la consommation était nettement plus développé.

M. Jean-Jacques Jégou a considéré que les prêts immobiliers jouaient un rôle de « régulateur des achats d'impulsion » et a souhaité connaître le point de vue de M. Joël Bourdin sur cet aspect de la question.

En réponse, M. Joël Bourdin a estimé que, si les ménages ayant un revenu supérieur au revenu médian recouraient le plus au crédit immobilier, ceux recourant le plus au crédit à la consommation étaient ceux ayant un revenu inférieur au revenu médian, de sorte que ces deux types d'emprunt ne correspondaient pas aux mêmes catégories de ménages.

M. Maurice Blin s'est étonné du faible nombre de ménages surendettés, estimé par les travaux de M. Joël Bourdin à 1,5 % du nombre total des ménages.

M. Jean-Jacques Jégou a félicité M. Joël Bourdin pour la qualité de son rapport d'information. Il a, de nouveau, affirmé qu'il n'existait pas en France, selon lui, de « bulle » immobilière.

En réponse, M. Joël Bourdin a considéré, citant un certain nombre d'exemples étrangers, que la durée des prêts immobiliers pouvait être encore allongée en France.

Organisme extraparlementaire - Etablissement public de réalisation de défaisance - Désignation d'un candidat

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que la fonction de représentant du Sénat au sein du conseil d'administration de l'établissement public de réalisation de défaisance (EPRD) était vacante. Il a considéré que cet organisme prenant des décisions relevant du pouvoir exécutif, les représentants du Parlement n'y avaient pas leur place.

En conséquence, à l'initiative de son président, la commission a décidé de ne pas désigner de candidat proposé à la nomination du Sénat pour siéger au sein du conseil d'administration de l'établissement public de réalisation de défaisance.

Organisme extraparlementaire - Comité national de mise en oeuvre de l'Europe des moyens de paiement scripturaux (SEPA) - Echange de vues

Puis la commission a émis le souhait que M. Jean-Jacques Jégou puisse siéger au sein du Comité national de mise en oeuvre de l'Europe des moyens de paiement scripturaux à l'horizon 2010 (comité SEPA).

Erratum au bulletin des commissions n° 22 du 1er avril 2006

A la page n° 5385, au premier paragraphe, lire :

« 

Il a précisé que le coût total de l'opération de désamiantage, du transport vers l'Inde et du remorquage vers la France de la coque Q 790 devrait atteindre 12,3 millions d'euros, ainsi répartis :

- 11 millions d'euros, comprenant entre 4,5 et 5 millions d'euros pour le désamiantage mené en France, divers frais et l'indemnité de rupture de contrat avec la société SID ;

- 1,3 million d'euros de remorquage vers la France ».