ARTICLE 6 BIS C : DISPOSITIF « ANTI-ABUS » EN MATIÈRE DE SOUS-CAPITALISATION

I. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 19 NOVEMBRE 2010

Débats Sénat première lecture

Séance du vendredi 19 novembre 2010

Article additionnel après l'article 6

Mme la présidente. L'amendement n° I-7, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le a sexies du I de l'article 219 du même code, il est inséré un a septies ainsi rédigé :

« a septies . Lorsqu'il existe des liens de dépendance entre l'entreprise cédante et l'entreprise cessionnaire au sens du 12 de l'article 39, le régime des plus-values et moins-values à long terme s'applique aux plus-values et moins-values de cession de titres de participation définis au dix-huitième alinéa du 5° du 1 de ce même article, autres que ceux mentionnés au a sexies -0 bis du présent article ; »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s'agit du troisième train de mesures « anti-abus » pour les sociétés et groupes imposés à l'impôt sur les sociétés. Cet amendement concerne le risque de contournement du régime des plus-values ou moins-values à long terme.

Ce régime prévoit un taux réduit d'imposition de 15 % ou 19 % ou, pour les titres de participation, une exonération sous réserve d'une quote-part de frais et charges.

La crise économique a conduit un grand nombre de sociétés à déprécier leurs titres et à enregistrer des moins-values latentes, ce qui peut conduire à des pratiques d'optimisation.

Le schéma consiste à matérialiser des moins-values sur des titres de participation ayant normalement vocation à être détenus à long terme, et ce en cédant ces derniers à une filiale ou à une société soeur dans les deux années de leur acquisition. La cession n'est alors pas soumise au régime du long terme et la moins-value, qui aurait dû normalement rester latente et ne pas être déductible, est déduite du résultat imposable de la société qui l'a enregistrée.

En fait, il s'agit d'une simple optimisation intragroupe qui permet de jouer entre les différentes structures juridiques d'un groupe.

Notre amendement vise à mettre fin à un tel schéma en soumettant au régime du long terme les plus-values ou moins-values de cession de titres de participation entre entreprises liées, autres que les titres de sociétés à prépondérance immobilière non cotées, quelle que soit la durée de détention de ces titres.

En quelque sorte, nous neutralisons les cessions intragroupes éventuelles intervenant dans le délai de deux années de l'acquisition des titres dont il s'agit.

Le sous-amendement n° I-456, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement I-7, alinéa 3

Remplacer les mots :

le régime des plus-values et moins-values à long terme s'applique aux

par les mots :

il est sursis, jusqu'à leur cession à une entreprise non liée à l'entreprise cédante ou leur annulation, à l'imposition des

La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur général, je comprends parfaitement, et pour cause, l'esprit comme la lettre de votre amendement.

Il s'agit de mettre fin à des montages permettant à des groupes de faire tourner les titres de leurs filiales et, ainsi, de céder les titres qui se sont dépréciés à des sociétés soeurs de façon à révéler leurs moins-values latentes et déduire tout simplement celles-ci de leur résultat imposable.

Je suis favorable à cet amendement qui va, à l'évidence, dans la bonne direction.

Cependant, pour prévenir d'autres montages potentiels de ce type, je propose, par mon sous-amendement, de remplacer l'exonération que vous envisagez par un sursis d'imposition, afin d'éviter tout risque de détournement du dispositif que vous proposez.

Mme la présidente. Les deux sous-amendements suivants sont identiques.

Le sous-amendement n° I-448 est présenté par M. Jégou.

Le sous-amendement n° I-462, présenté par MM. du Luart et P. Dominati.

Ces deux sous-amendements sont ainsi libellés :

Compléter l'amendement n° I-7 par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le a septies ne s'applique pas lorsque la cession à l'entreprise cessionnaire est faite dans l'objectif d'une cession à une personne non liée au sens du 12 de l'article 39.

« Les dispositions du a septies s'appliquent aux exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2011. »

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour présenter l'amendement n° I-448.

M. Jean-Jacques Jégou. L'application du régime des plus-values et moins-values à long terme aux cessions de titres de participation entre entreprises liées, quelle que soit la durée de détention des titres, est susceptible de pénaliser certaines opérations de restructuration intragroupe, en particulier les fusions, déjà réalisées ou en cours de finalisation, qui obéissaient à une logique économique de réorganisation ou de simplification des structures. Les opérations de restructuration préalables à une cession hors groupe doivent donc être exclues du champ du dispositif.

Il apparaît nécessaire, par ailleurs, d'éviter tout impact rétroactif de cette mesure et, en conséquence, d'en limiter l'application aux exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2011.

Là encore, monsieur le ministre, nous avons des positions très proches.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l'amendement n° I-462.

M. Philippe Dominati. Cet amendement que j'ai cosigné avec mon collègue Roland du Luart répond à la même préoccupation que celui de M. Jégou.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission se sent plus proche du sous-amendement n° I-456 du Gouvernement et suggère le retrait des sous-amendements identiques n os I-448 et I-462.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Les auteurs des sous-amendements identiques n os I-448 et I-462 pourraient peut-être se rallier à celui du Gouvernement ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le ministre, vous proposez un report, mais, pardonnez-moi de vous le dire, notre sous-amendement est plus précis, puisque nous proposons une date. Il me paraît avoir une clarté plus grande. (M. Philippe Dominati acquiesce.) M. Dominati semble être d'accord avec moi sur la date qui est donnée.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Si l'on dit que le dispositif s'applique aux exercices ouverts à compter du 1 er janvier 2001, c'est une solution qui se révèle plus bienveillante que la nôtre, puisque ce que nous vous proposons, et ce que maintient le sous-amendement du Gouvernement, c'est la possibilité d'appliquer tout de suite le dispositif à des situations abusives existantes.

Cette solution me paraît préférable à partir du moment où l'on a identifié des possibilités d'abus. J'ajoute qu'elles ne sont pas théoriques. Les quelques contacts que j'ai eus avec les services concernés laissent à penser qu'il y a, si j'ose dire, anguille sous roche. Donc, mieux vaut que l'anguille ne se cache pas trop loin !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Monsieur le rapporteur général, en fixant une date, ce sous-amendement vise précisément à ne pas contrecarrer des opérations en cours de réorganisation de groupes.

Si le sous-amendement n° I-456 du Gouvernement ne tient pas compte de cet impératif de temps, on peut s'interroger sur son utilité, sachant que l'objectif est bien de faire en sorte que les réorganisations en cours ne soient pas pénalisées par la disposition actuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur Dominati, je comprends parfaitement l'argumentation que vous avez développée à juste raison.

Cependant, permettez-moi de préciser que le sursis proposé par le Gouvernement a pour effet, entre autres, d'éviter de contrarier les opérations en cours.

De ce point de vue, les termes de l'amendement du Gouvernement devraient vous rassurer, puisqu'ils donnent satisfaction à votre préoccupation légitime.

Mme la présidente. Monsieur Jégou, l'amendement n° I-448 est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Jégou. Je comprends mieux la raison d'être du sursis d'imposition, point qui me gênait dans l'amendement n° I-456 du Gouvernement. En tout état de cause, j'accepte de me rallier à ce dernier, et je retire mon sous-amendement.

Mme la présidente. Monsieur Dominati, l'amendement n° I-462 est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Je me rallie également à l'amendement du Gouvernement, et je retire mon sous-amendement.

Mme la présidente. Les sous-amendements n os I-448 et I-462 sont retirés.

Je mets aux voix le sous-amendement n° I-456.

(Le sous-amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° I-7, modifié.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 6.