III. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE DU 22 OCTOBRE 2010
M. le président. « Art. 41. I. - La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa de l'article 40 est complété par les mots : « , à l'exception des droits de plaidoirie » ;
2° Au premier alinéa de l'article 44, les mots : « d'amendes ou de condamnations pécuniaires » sont remplacés par les mots : « de créances étrangères à l'impôt et au domaine ».
II. - Les dispositions du I entrent en vigueur le 1 er janvier 2011 et sont applicables en Polynésie française.
III. - Au IV de l'article 1090 C du code général des impôts, les mots : « aide judiciaire » et les mots : « d'amendes ou de condamnations pécuniaires » sont remplacés respectivement par les mots : « aide juridictionnelle » et les mots : « de créances étrangères à l'impôt et au domaine ».
IV. - L'article L. 723-4 du code de la sécurité sociale est abrogé.
L'amendement n° 311 présenté par M. Sandrier, M. Brard, Mme Amiable, M. Asensi, Mme Billard, M. Bocquet, M. Braouezec, Mme Buffet, M. Candelier, M. Chassaigne, M. Desallangre, M. Dolez, Mme Fraysse, M. Gerin, M. Gosnat, M. Gremetz, M. Lecoq, M. Muzeau, M. Daniel Paul et M. Vaxès, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard pour défendre l'amendement n° 311.
M. Jean-Pierre Brard. Cet article s'oppose à un principe fondamental de notre droit, l'accès à la justice, qui fait peser sur l'État une obligation de tout mettre en oeuvre pour assurer aux citoyens un recours juridictionnel effectif. Je pourrais placer mon intervention sous l'égide de conventions internationales auxquelles nous contreviendrons en adoptant cet article : Convention européenne des droits de l'homme, Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, Pacte international relatif aux droits civils et politiques ; le Conseil constitutionnel lui-même protège l'accès à la justice.
Toutefois, plutôt que de vous abreuver de grands principes, je préfère vous parler de la réalité, et mettre en exergue le rôle prépondérant de l'aide juridictionnelle dans un contentieux de masse, le divorce.
Là où vous voyez abus et fraudeurs, nous voyons nécessité et personnes en situation de faiblesse. Vous vous attendez probablement à ce que j'évoque des prolétaires en situation précaire. Au risque de vous décevoir, je vais vous parler de l'atteinte que cet article porte aux droits de l'enfant.
Concerné au premier chef par le divorce, l'enfant est impécunieux par nature, mais il a le droit que sa voix soit entendue. C'est pourquoi ont été institués des avocats pour enfants, qui ne peuvent en aucun cas être rémunérés par l'un des parents, de manière à préserver au mieux la parole de l'enfant sans considération financière. Les enfants bénéficient donc de l'aide juridictionnelle pour pouvoir être représentés dans une procédure de divorce. Comment un enfant va-t-il pouvoir se procurer les 8,84 euros qui seraient désormais exigés pour chacun des actes faits par son avocat en sa faveur ? Un divorce pouvant nécessiter de nombreux actes, certains enfants devraient donc se procurer plus de 100 euros en dehors des dons familiaux pour simplement faire entendre leur voix !
Voilà donc les faibles que vous privez d'un accès à la justice ! Et remettre en cause une fonction régalienne ne peut être justifié par aucune économie. Lorsque l'on sait que l'économie attendue concerne moins de 2 % des montants alloués au titre de l'aide juridictionnelle, il est évident que l'article doit être supprimé.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre du budget . Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Il s'agit des droits de l'enfant, monsieur le président, et l'on ne peut pas s'en sortir avec un simple « Défavorable » ! Dites-nous comment fera un enfant dans cette situation ? C'est une question qui ne peut pas nous laisser indifférent. Peu importe que l'on soit de droite ou de gauche, les droits de l'enfant sont sacrés ! Or vous y portez gravement atteinte et liquider l'affaire d'un simple mot à minuit, ce n'est pas acceptable.
(L'amendement n° 311 n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 319 présenté par Mme Marland-Militello, Mme Ameline, Mme Aurillac, Mme Barèges, M. Beaudouin, M. Bernier, M. Bony, Mme Branget, M. Calméjane, M. Carayon, Mme Ceccaldi-Raynaud, M. Cinieri, M. Alain Cousin, M. D'Ettore, Mme de La Raudière, M. Debray, M. Decool, M. Degauchy, M. Depierre, M. Diefenbacher, M. Dord, M. Ferrand, M. Gandolfi-Scheit, M. Gatignol, M. Ginesta, M. Grosperrin, Mme Grosskost, M. Hillmeyer, Mme Hostalier, Mme Irles, M. Jeanneteau, M. Labaune, Mme Labrette-Ménager, M. Lachaud, M. Le Fur, M. Lejeune, M. Léonard, Mme Levy, M. Luca, M. Mach, M. Marc, M. Mariani, M. Philippe-Armand Martin, M. Christian Ménard, M. Meslot, M. Morange, M. Morel-A-L'huissier, M. Mothron, M. Moyne-Bressand, M. Myard, M. Nesme, M. Raison, M. Raoult, M. Reiss, M. Remiller, M. Reynès, M. Roubaud, M. Saint-Léger, M. Sandras, M. Sordi, M. Straumann, M. Tardy, M. Teissier, M. Tian, M. Vialatte, M. Michel Voisin, M. Colombier, Mme Fort, M. Fromion, M. Gilard, M. Lazaro, M. Pancher, M. Proriol, M. Salles, M. Siré et M. Zumkeller, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3, insérer les deux alinéas suivants :
« 3° Le début du deuxième alinéa de l'article 50 est ainsi rédigé :
« Il est retiré, en tout ... (le reste sans changement) . »
La parole est à Mme Muriel Marland-Militello pour soutenir l'amendement n° 319.
Mme Muriel Marland-Militello. Si vous permettez, je défendrai également les amendements n os 324 et 325, en commençant par ce dernier et en terminant par l'amendement n° 319.
M. le président. Je vous en prie !
L'amendement n° 324 présenté par Mme Marland-Militello, Mme Ameline, Mme Aurillac, Mme Barèges, M. Beaudouin, M. Bernier, M. Bony, Mme Branget, M. Calméjane, M. Carayon, Mme Ceccaldi-Raynaud, M. Cinieri, M. Alain Cousin, M. D'Ettore, Mme de La Raudière, M. Debray, M. Decool, M. Degauchy, M. Depierre, M. Diefenbacher, M. Dord, M. Ferrand, M. Gandolfi-Scheit, M. Gatignol, M. Ginesta, M. Grosperrin, Mme Grosskost, M. Hillmeyer, Mme Hostalier, Mme Irles, M. Jeanneteau, M. Labaune, Mme Labrette-Ménager, M. Lachaud, M. Le Fur, M. Lejeune, M. Léonard, Mme Levy, M. Luca, M. Mach, M. Marc, M. Mariani, M. Philippe-Armand Martin, M. Christian Ménard, M. Meslot, M. Morange, M. Morel-A-L'huissier, M. Mothron, M. Moyne-Bressand, M. Myard, M. Nesme, M. Raison, M. Raoult, M. Reiss, M. Remiller, M. Reynès, M. Roubaud, M. Saint-Léger, M. Sandras, M. Sordi, M. Straumann, M. Tardy, M. Teissier, M. Tian, M. Vialatte, M. Michel Voisin, M. Colombier, Mme Fort, M. Fromion, M. Gilard, M. Lazaro, M. Pancher, M. Proriol, M. Salles, M. Siré et M. Zumkeller, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3, insérer les deux alinéas suivants :
« 3° Après l'article 50, il est inséré un article 50-1 ainsi rédigé :
« Art. 50-1 . - Est passible d'une amende de 5 000 euros quiconque sollicite de manière répétée l'aide juridictionnelle afin de mener des procédures dilatoires ou abusives. »
L'amendement n° 325 présenté par Mme Marland-Militello, Mme Ameline, Mme Aurillac, Mme Barèges, M. Beaudouin, M. Bernier, M. Bony, Mme Branget, M. Calméjane, M. Carayon, Mme Ceccaldi-Raynaud, M. Cinieri, M. Alain Cousin, M. D'Ettore, Mme de La Raudière, M. Debray, M. Decool, M. Degauchy, M. Depierre, M. Diefenbacher, M. Dord, M. Ferrand, M. Gandolfi-Scheit, M. Gatignol, M. Ginesta, M. Grosperrin, Mme Grosskost, M. Hillmeyer, Mme Hostalier, Mme Irles, M. Jeanneteau, M. Labaune, Mme Labrette-Ménager, M. Lachaud, M. Le Fur, M. Lejeune, M. Léonard, Mme Levy, M. Luca, M. Mach, M. Marc, M. Mariani, M. Philippe-Armand Martin, M. Christian Ménard, M. Meslot, M. Morange, M. Morel-A-L'huissier, M. Mothron, M. Moyne-Bressand, M. Myard, M. Nesme, M. Raison, M. Raoult, M. Reiss, M. Remiller, M. Reynès, M. Roubaud, M. Saint-Léger, M. Sandras, M. Sordi, M. Straumann, M. Tardy, M. Teissier, M. Tian, M. Vialatte, M. Michel Voisin, M. Colombier, Mme Fort, M. Fromion, M. Gilard, M. Lazaro, M. Pancher, M. Proriol, M. Salles, M. Siré et M. Zumkeller, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3, insérer les trois alinéas suivants :
« 3° Le début du deuxième alinéa de l'article 51 est ainsi rédigé : « Dans les cas mentionnés au 1° et au 2° de l'article 50, le retrait est prononcé par le ... (le reste sans changement) . »
« 4° Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la procédure engagée par le demandeur bénéficiant de l'aide juridictionnelle a été jugée dilatoire ou abusive, la juridiction saisie prononce le retrait total de l'aide juridictionnelle. »
Mme Muriel Marland-Militello. Cette série d'amendements, issue d'une proposition de loi que j'ai déposée avec soixante-huit cosignataires vise à prévenir les abus de l'aide juridictionnelle. Celle-ci a un vrai sens, celui de la solidarité nationale pour les personnes qui n'auraient pas accès à la justice, compte tenu de leurs moyens. Deux conditions doivent être réunies pour en bénéficier : d'une part des conditions de ressources, d'autre part le bien-fondé et la recevabilité de l'action en justice.
Cette série d'amendements vise à prévenir ce qui est actuellement un vrai fléau social, ainsi qu'un fléau pour nos finances : les abus dont se rendent coupables des personnes qui connaissent un retour à meilleure fortune sans le dire ou exercent des procédures dilatoires et abusives.
Le système ne fonctionne pas très bien car le bureau de l'aide juridictionnelle qui s'en occupe ne peut pas prendre des décisions de façon efficace.
Par l'amendement n° 325, nous vous proposons que le retrait de l'aide juridictionnelle soit confié à la juridiction saisie qui le prononcera en cas de procédure jugée dilatoire ou abusive, ce que cette juridiction est la mieux placée pour constater.
Les abus sont extrêmement importants. Actuellement, les crédits de l'aide juridictionnelle sont de 300 millions d'euros, contre 61 millions d'euros en 1991. Or il n'y a eu que vingt-quatre décisions de retrait. Cela montre qu'il n'y a pas de vrai contrôle. Pour faire réaliser des économies à l'État, il faut prendre une mesure dissuasive contre les abus. C'est pourquoi, par l'amendement n° 324, nous proposons que, lorsque le délit est constaté, il ne soit plus puni d'une simple amende civile de 3 000 euros, mais d'une peine de 5 000 euros, qui relève des fraudes à la sécurité sociale.
Enfin, la loi prévoit que le bureau d'aide juridictionnelle « peut » retirer celle-ci en cas d'abus. Nous pensons qu'il le doit. C'est le sens de notre amendement n° 319. Nul ne doit enfreindre la loi et nul ne doit pervertir la solidarité nationale. J'espère que vous serez sensibles au charme de ces trois amendements.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je suis très sensible au charme tout court, et à celui de l'amendement n° 319 sans aucun doute, ainsi qu'à celui de l'amendement n° 325. En revanche sur l'amendement n° 324, je m'interroge.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre du budget . Je suis tout aussi sensible au charme et d`abord à celui, indiscutable, de Mme Marland-Militello. Je suis très sensible au charme de l'amendement n° 319, extraordinairement séduit par l'amendement n° 325 : nous en tombons à la renverse ! En revanche, l'amendement n° 324 crée une distance furtive entre nous. En clair, j'y suis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard . Monsieur le président, à cette heure tardive, c'est le bal des faux-culs. Les obsédés de la répression ne pensent qu'à manier la trique. Quand il s'agit de protéger le droit des enfants à se faire entendre, la mesquinerie donne toute sa mesure. Pour quelques euros, on leur chipote le droit d'être défendus.
A l'inverse, pour trouver quelques sous, on fait des hypothèses : s'il y a 300 millions d'euros de crédits pour l'aide juridictionnelle, c'est certainement qu'il y a des abus. La preuve : il n'y a que vingt-quatre décisions de retrait. Quand bien même il aurait fallu qu'il y en ait cinquante, où est le problème ? Va-t-on enfermer notre justice dans un cadre répressif alors même que vous décidez de ne plus protéger les enfants et de ne plus garantir leur droit de se faire entendre ?
Madame Marland-Militello, je n'en reviens pas. Vous réussissez encore à me surprendre tellement vous êtes inexorable !
M. le président. La parole est à Mme Muriel Marland-Militello.
Mme Muriel Marland-Militello . Très sensible à votre soutien aux amendements n° 319 et n° 325, je retire l'amendement n° 324.
(L'amendement n° 324 est retiré.)
(Les amendements n os 319 et 325 successivement mis aux voix, sont adoptés.)
(L'article 41, amendé, est adopté.)